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Rature, copie, série: Historiographie et avant-garde

(Fleischer, Perec, Ruiz)

Érik Bullot

French Forum, Volume 43, Number 3, 2018, pp. 491-505 (Article)

Published by University of Pennsylvania Press


DOI: https://doi.org/10.1353/frf.2018.0037

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https://muse.jhu.edu/article/722371

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Rature, copie, série.
Historiographie et avant-garde
(Fleischer, Perec, Ruiz)
érik bullot

Écrit au début du vingtième siècle, objet de nombreuses révisions, le


manuel d’histoire Malet et Isaac fut utilisé en France comme support d’en-
seignement jusqu’aux années 1970.1 Édité en plusieurs volumes, l’ouvrage
relève d’une tradition héritée de l’historien Ernest Lavisse, centrée, pour
l’histoire française, sur le récit national, suivant la chronologie des batailles
et des épisodes militaires, aimantée par les figures de héros, rythmée par
les règnes successifs des premiers Capétiens jusqu’aux derniers Bourbons
en passant par l’épisode révolutionnaire.2 Le manuel œuvre à une glorifi-
cation de la patrie afin d’encourager les vertus morales et civiques. Le décou-
page historique constitue le chapitrage obligé du volume. Le Malet-Isaac,
comme on l’appelait, aura connu dès le début des années 1960 de multiples
critiques pour son caractère idéologique. En vue d’un renouvellement des
programmes scolaires, l’étude des civilisations du monde contemporain,
qui s’inscrit dans le sillage des travaux de Fernand Braudel, sera proposée
en classe de terminale en 1962, mais le Malet-Isaac connaı̂tra une diffusion
prolongée.3 À la suite des événements de mai 68, une mobilisation au sein
de l’enseignement tente d’accélérer la réforme des programmes. Ce sera
l’enjeu des travaux de la revue Le Peuple français (1971–1980), animée par
des professeurs d’histoire, attachée à l’étude des classes populaires, ou de
la revue Les Révoltes logiques (1975–1981), sur l’esprit de la révolte et la
mémoire ouvrière, dirigée notamment par Jacques Rancière. Sans oublier
les travaux de la Nouvelle Histoire, contemporains de ces débats. Le
volume collectif, Faire de l’Histoire, dirigé par Jacques Le Goff et Pierre
Nora, paraı̂t en 1974.4 Si le caractère désuet et périmé du Malet-Isaac ne
fera plus directement débat, il est frappant d’observer son apparition fan-
tomatique ou sa mémoire paradoxale dans diverses œuvres littéraires ou
filmiques des années 1970.

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En 1974, le cinéaste Alain Fleischer réalise un long métrage expérimen-


tal, Dehors dedans. Interprétée par Catherine Jourdan, une jeune femme
solitaire se livre à divers rituels érotiques et transgressifs dans son apparte-
ment parisien. À l’écoute de son poste de radio, elle trace méticuleusement
des traits à l’encre sur les pages du Malet-Isaac, raturant de façon systémati-
que cartes de géographie et textes. En 1979, Georges Perec publie dans la
revue H-Histoire, “Je me souviens de Malet & Isaac.” Le principe est sim-
ple. L’écrivain opère une sélection des titres des chapitres, prélève les mots
en gras ou en italiques, qu’il recopie pour former, dit-il, “les pièces d’un
puzzle.” La même année, le cinéaste chilien Raúl Ruiz réalise un diptyque,
Petit Manuel d’histoire de France, film de montage à partir des dramatiques
historiques réalisées par la télévision française. Diverses voix enfantines
ponctuent le film par la lecture ânnonante de manuels scolaires. Chacune
de ces œuvres interroge l’histoire française par des techniques d’efface-
ment, de recopiage ou de permutation, qui empruntent aux procédés de
l’avant-garde. Rature, copie et mise en série sont-elles devenues des outils
historiographiques?

1. Rature
Dehors dedans est basé sur le croisement de trois séries. La première série
regroupe les rituels en appartement: séance de maquillage, mimodrame
autour de la figure de Marat et de Charlotte Corday, jeux érotiques avec
une poupée, lecture d’un missel illustré d’images pornographiques,
découpe de vêtements, écoute de disques, projection d’images d’hommes
politiques sur son corps dénudé, avant le final nocturne marqué par le
recouvrement de graffitis, la fellation castratrice d’un agent de police et la
scène de zoophilie. La seconde série est constituée de plans fixes de monu-
ments parisiens (Maison de la Radio, Prison de la Santé, Préfecture de
Police, Ministère des Armées, Ambassade d’URSS, Bourse, Palais de l’Ély-
sée, Sénat. . .), filmés à différentes heures de la journée, énumérés par une
voix féminine. La troisième série confronte la lecture, d’une voix atone,
d’extraits de l’Histoire de la Révolution française de Michelet décrivant des
scènes de décapitation (Louis XVI, Danton, Robespierre) et la vue d’une
fenêtre qui donne sur le carrefour de l’Odéon filmée par une caméra tour-
noyante. Autant de réflexions sur la loi à travers les jeux de transgression,
les figures du pouvoir et les scènes de violence révolutionnaire.
Lors de l’épisode Malet-Isaac, la jeune femme écoute des émissions de
radio en passant rapidement d’une station à l’autre sur le cadran du poste

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où sont inscrits des noms de villes. Multipliant effets de tuilage et superpo-
sitions, la radio diffuse un programme cacophonique et syncopé: hymnes
nationaux, marches militaires, chanson allemande (Ein Heller und ein
Batzen), discours du 8 novembre 1942 du général de Gaulle (“le peuple
français rassemblé dans la résistance . . .”), informations de la Seconde
Guerre mondiale, créant un vortex historique sonore. À l’effacement métho-
dique du manuel d’histoire répond le brouillage sonore de la radio. Ces
deux procédés, rature et brouillage, rappellent quelques œuvres de l’avant-
garde. Pensons au Poème phonétique (1924) de Man Ray, composé seule-
ment de lignes noires de longueurs irrégulières à la manière d’une écriture
morse, effaçant la littéralité du poème au profit de sa part graphique et
visuelle, ou à l’édition par Marcel Broodthaers en 1959 du poème de Mal-
larmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, où les vers sont remplacés
par des traits noirs dont l’épaisseur est proportionnelle au corps typo-
graphique. Citons, au plan musical, la pièce Imaginary Landscape IV (1951)
de John Cage, qui repose sur la manipulation de douze radios par des
instrumentistes, faisant varier le curseur de leurs postes au gré des instruc-
tions données par la partition. Rature et brouillage œuvrent à un efface-
ment sémantique pour renouveler notre regard et notre écoute tout en
conservant, sous l’archive du document, les données premières. Le docu-
ment devient palimpseste.
“J’ai donc filmé des idées et j’ai donc filmé, en quelque sorte, des intimi-
tés,” écrit Fleischer. “Idées et intimités: ce qui s’enfonce dans l’obscurité,
ce qui s’éloigne du savoir établi et de la loi collective pour se constituer en
règle individuelle, non pas contre le savoir ni contre la loi, ni en contraven-
tion avec l’un ou l’autre; mais à côté de l’un et de l’autre et les ignorant.
Ou peut-être faisant sembler de les ignorer” (Faire le noir 83). Le caractère
libertaire du film, la dénonciation iconoclaste des figures du pouvoir, expri-
ment une volonté de transgression qui joue sur l’ambivalence du signe (Fleis-
cher suit dans ces années-là le séminaire de Greimas à l’École pratique des
hautes études). “Mais en fait elle donne à voir ce raturage,” confie le cinéaste
(Baudry 168). La rature efface tout en montrant. L’élision souligne ce qu’elle
tend à faire disparaı̂tre. Dans un entretien avec Jean-Louis Baudry, à la ques-
tion de la raison de cet effacement, Fleischer confie: “Moi ce que j’aurais
envie d’effacer? Je suis tenté de vous répondre des choses énormes. Je ne sais
pas, les indications sur ma carte d’identité . . .”(Baudry 157). La transgression
suppose une relation ambiguë avec la loi qu’elle détourne, déplace ou
esquive. On retrouve les intérêts familiers au cinéaste pour la loi et sa trans-
gression, manifeste dans son film précédent, Le Règlement (1969), qui montre

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un homme déployer avec minutie et tendresse des bobines de fils dans les
rues de la capitale, reliés in fine au panneau du Règlement des parcs et jardins
de la Ville de Paris, ainsi que dans son projet de film de fiction sur la vie du
marquis de Sade écrit au début des années 1980.5
Par sa structure sérielle et le motif de la décapitation, la technique du
découpage constitue l’un des principaux procédés formels de Dehors
dedans. “Le discours de l’histoire lui fait perdre la tête,” explique le cinéaste
à propos de son héroı̈ne. “En même temps que l’histoire perd elle-même
la tête en faisant tomber dans le panier la tête des révolutionnaires français
et en même temps que le cinéaste perd la tête en regardant la ville et le
discours de l’histoire et sa comédienne. Il y a une espèce de chute, une
espèce de cabriole générale des têtes, dans cette histoire” (Baudry 155). L’art
du découpage est manifeste dans la découpe des vêtements masculin et
féminin par la jeune femme, cisaillant une robe et une veste de façon frénéti-
que, actionnant sa paire de ciseaux comme une machine ou un insecte,
nerveuse et déterminée, dans le mimodrame évoquant Marat et Charlotte
Corday, un poignard à la main, ou dans la pose brève et saccadée du saphir
sur le disque vinyle pour donner à entendre des échantillons heurtés de la
chanson Lili Marleen. En fractionnant un ensemble, en classant des unités,
le découpage s’apparente au travail de l’historien. “L’énoncé historique
doit se prêter à un découpage destiné à produire des unités du contenu,
que l’on pourra ensuite classer,” écrit Barthes (Le discours de l’histoire 169).
D’où la présence insistante du discours de l’histoire dans le film de Fleischer,
réalisé dans l’après mai 68, sous les citations de Michelet, les figures de la
Révolution française, les actualités à la radio ou à la télévision, les archives
sonores, la rature du Malet-Isaac. Le discours de l’histoire a-t-il, lui aussi,
perdu la tête? La Révolution française se réduit à une machine de violence,
au diapason d’une interprétation historique renouvelée sur l’épisode de la
Terreur, tandis que la jeune femme solitaire semble indifférente à l’actualité,
retranchée dans ses rituels. Seule stratégie: opérer des courts-circuits, des
discontinuités, des démembrements. L’écriture de l’histoire est soumise à des
jeux de permutation par rature et découpage. “En histoire, tout commence
avec le geste de mettre à part, de rassembler, de muer ainsi en “documents”
certains objets répartis autrement. Cette nouvelle répartition culturelle est le
premier travail. En réalité elle consiste à produire de tels documents, par le
fait de recopier, transcrire ou photographier ces objets en changeant à la fois
leur place et leur statut,” écrit Michel de Certeau (100).

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2. Copie
“Le recopiage qui suit, simple jeu sur le découpage, simple énumération
de titres, légendes, mots clés mis en vedette, etc., me semble illustrer effi-
cacement l’enseignement de cette histoire feinte où les événements, les
idées et les (grands) hommes se mettent en place comme les pièces d’un
puzzle,” écrit Perec pour présenter son texte, “Je me souviens de Malet &
Isaac” (74). La réunion des différents termes ne peut qu’attirer notre atten-
tion: recopiage, découpage, énumération, enseignement, feintise, puzzle.
Le Malet-Isaac se prête à des opérations de détournement et de recopiage
qui manifestent le discours stéréotypé de l’histoire. “Je croyais garder le
souvenir intact de mes vieux manuels d’histoire; je me suis aperçu qu’il
n’en était rien,” confie Perec (74). Il doit consulter derechef les volumes
pour retrouver les “principes d’une pédagogie sûre d’elle-même” (74).
L’écrivain sélectionne des mots ou des titres selon des critères typographi-
ques, énoncés dans le titre de chaque paragraphe, créant des lacunes dans
le texte, à la façon d’un crible, métamorphosant le discours en puzzle.
Citons les choix opérés: titres écrits en capitales dans le chapitre XX du
volume “Histoire contemporaine,” alinéas dans le chapitre IX de “L’His-
toire moderne,” mots en italiques dans le chapitre XII consacré à la France
en 1789, légende d’une image absente (le portrait de Charles IX par Fran-
çois Clouet), mots en caractères gras dans le chapitre Révision générale
du cours du “Monde au XIXe siècle.” “Simple jeu sur le découpage,”
écrit-il, qui permet d’ériger les titres en embrayeurs de mémoire, d’opérer
des raccourcis historiques à travers la série des événements, des inventions
et des batailles, de rappeler le souvenir d’expressions et de formules idiomati-
ques. En ménageant des lacunes, en isolant les fragments, en découpant
des fragments, le procédé fabrique les “pièces d’un puzzle.” On connaı̂t le
penchant de l’écrivain pour ce jeu qui repose, dit-il, sur la “subtilité de la
découpe.” “L’espace organisé, cohérent, structuré, signifiant, du tableau
sera découpé non seulement en éléments inertes, amorphes, pauvres de
signification et d’information, mais en éléments falsifiés, porteurs d’infor-
mations fausses” (Perec, La vie mode d’emploi 17). L’une des clés secrètes
de cet exercice se trouve peut-être dans la référence donnée dans La Vie
mode d’emploi sur la cave de Madame de Beaumont où l’on trouve des
livres d’enfants aux pages manquantes, aux couvertures arrachées, dont
“L’Histoire de France par les rébus, ouvert sur un dessin montrant une sorte
de bistouri, une salade et un rat, rébus dont la solution: l’an VII les tuera

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(lancette, laitue, rat) vise, est-il expliqué, le Directoire, bien qu’en fait celui-
ci ait été renversé le 18 brumaire an VIII” (Perec, La vie mode d’emploi
453). Perec a transformé le manuel d’histoire en livre d’enfant aux pages
manquantes, sans couverture, devenu par une découpe subtile un jeu de
patience. Il est possible d’interpréter ce procédé littéraire à la lumière de
son projet visant la recollection personnelle de souvenirs communs. Publié
en 1978, Je me souviens, constitué de 480 souvenirs, privilégie une mémoire
collective en colligeant “des petits morceaux de quotidien, des choses que,
telle ou telle année, tous les gens d’un même âge ont vues, ont vécues, ont
partagées, et qui ensuite ont disparu, ont été oubliées; elles ne valaient
pas la peine d’être mémorisées, elle ne méritaient pas de faire partie de
l’Histoire.”6 Face à l’amnésie de l’écrivain privé de souvenirs, coupé de sa
propre histoire, perdant ses parents entre trois et sept ans (son père meurt
au début de la Seconde Guerre mondiale, sa mère est déportée à Auschwitz
d’où elle ne reviendra pas), situation qui constitue l’enjeu autobiographi-
que de son roman, W ou le souvenir d’enfance, publié en 1975 (“Je n’ai pas
de souvenirs d’enfance,” écrit-il en ouverture), le recopiage du Malet-Isaac
s’inscrit dans cet effort d’anamnèse qui puise dans le commun la singula-
rité d’une mémoire. Aussi dans W Perec recopie-t-il la liste des événements
survenus le jour de sa naissance, le 7 mars 1936, et décrit-il avec précision
les quelques photographies de ses parents ou de son enfance pour en
abstraire un récit. L’histoire est lacunaire, trouée, incomplète. L’écriture
tente une impossible suture.
Mais le procédé de recopiage du Malet-Isaac affiche un caractère volon-
tiers systématique, moins subjectif a priori que les souvenirs égrenés au fil
de la collection Je me souviens. Au milieu des années 1970, Perec développe
une littérature expérimentale, basée sur l’observation et la taxinomie, sous
la forme de descriptions de lieux, de listes d’objets ou d’inventaires, comme
autant de techniques de saisie du réel.7 Citons le projet Les Lieux, explicité
dans Espèces d’espaces, qui consiste à décrire douze lieux parisiens pendant
douze ans, selon une règle précise, pour produire la “trace d’un triple vieil-
lissement: celui des lieux eux-mêmes, celui de mes souvenirs, et celui de
mon écriture” (Perec, Espèces d’espaces 76–77). L’histoire se décline par le
biais de la description, de la liste, de l’énumération. Qu’il s’agisse des pièces
d’un puzzle ou du texte du Malet-Isaac, l’opération de découpage rappelle
la technique du cut-up par le morcellement du texte, ses effets de collage
et ses courts-circuits. En 1980, pour un projet littéraire certes fort différent,
Denis Roche publie Dépots de savoir & de technique, en prélevant des lignes
de 61 caractères typographiques dans les papiers intimes, les fonds de

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tiroirs, les lectures, les courriers administratifs d’amis ou de connaissances


afin de dresser leurs portraits.8 L’écrivain opère une excavation archéologi-
que en découpant dans l’archive, en cadrant le matériau documentaire
selon des contraintes fixes. Le projet de Perec interroge, lui, de façon par-
fois fictive, l’usage des documents (cartes postales, photographies, plans,
récits de rêves) par découpe, citation, greffe. S’agit-il d’un geste historio-
graphique? Le découpage est une opération centrale pour l’historien. On
connaı̂t les débats qui animent le champ de la discipline au sujet de la
périodisation.9 L’usage des documents suppose de “découper, de distri-
buer, d’établir des séries, de définir des unités, de décrire des relations.”
“Le document n’est donc plus pour l’histoire,” écrit Foucault en 1969,
“cette matière inerte à travers laquelle elle essaie de reconstituer ce que les
hommes ont fait ou dit, ce qui est passé et dont seul le sillage demeure:
elle cherche à définir dans le tissu documentaire lui-même des unités, des
ensembles, des séries, des rapports” (L’Archéologie du savoir 14). Paradoxe
du projet de Perec. Loin de n’être qu’un exercice iconoclaste visant à trouer
le Malet-Isaac pour en produire un puzzle ou un rébus, son recopiage
lacunaire et systématique use des outils de l’historien en croisant interpréta-
tion et fiction.

3. Série
Composé de deux épisodes de 60 minutes, Petit Manuel d’histoire de France
est un diptyque réalisé en 1979 par Raúl Ruiz, produit par l’INA. Rappelons
que l’Institut national de l’audiovisuel, créé en 1974, est destiné à “la
conservation des archives, des recherches de création audiovisuelle et de la
formation professionnelle.” Le film répond à une commande de l’émission
“Rue des archives” qui encourage l’activation des archives en proposant un
thème à un réalisateur. C’est ainsi que Raúl Ruiz composa une histoire de
France à partir des nombreuses dramatiques historiques produites par la
télévision française. Diffusée entre 1956 et 1957, la série Les Énigmes de l’his-
toire, ou À chacun sa vérité, composée de 11 épisodes, fut créée par Stellio
Lorenzi, André Castelot et Alain Decaux, avant de devenir La caméra
explore le temps, composée de 39 dramatiques tournées en direct, créée par
le même trio, diffusée de 1957 à 1966. L’épisode sur les Cathares, dont
certains extraits apparaissent dans le film de Ruiz, suscita de nombreux
échos au sein du public et l’émission fut supprimée. Citons Présence du
passé, dirigée par Jean Chérasse, Jean Mauduit et Bernard Revon, de 1964
à 1968, plus soucieuse d’exigence historique, refusant le caractère spectacu-

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laire de la dramatique, faisant appel à des historiens et confiant la réalisa-


tion à des cinéastes (Pierre Kast, Chris Marker, Abel Gance). Citons Les
Grandes Batailles du passé, composée de 28 émissions historiques de Henri
de Turenne et Daniel Costelle, entre 1973 et 1978. Ces émissions rencon-
trent un grand succès, notamment La caméra explore le temps (André Cas-
telot et Alain Decaux sont deux journalistes et écrivains très populaires),
dans la tradition de l’École des Buttes-Chaumont, formée de réalisateurs
de télévision chevronnés soucieux de pédagogie et d’éducation (Stellio
Lorenzi en fut l’un des membres influents).10 Partageant à la fois l’idéal et
l’esthétique du Théâtre national populaire, dirigé par Jean Vilar de 1951 à
1963, les séries témoignent d’un certain progressisme idéologique qui
n’évite pas les écueils de la vulgarisation, personnalisée autour de figures
ou de héros, soumise à une périodisation systématique, volontiers stéréo-
typée, centrée sur le récit national. “Toute l’Histoire de France était celle
de la formation de l’état central,” confie Ruiz, “et toutes les discussions
morales à l’intérieur de ces films portaient toujours sur le même thème”
(Daney, “Entretien” 41).
Petit Manuel d’histoire de France frappe par son caractère d’étrangeté,
ou d’estrangement, pour citer le terme de Chklovski, repris par Carlo
Ginzburg.11 Obéissant à une stricte chronologie (les dates apparaissent sur
l’écran), les épisodes historiques se succèdent de façon régulière, ponctués
par les batailles et les renversements politiques. À l’inverse de Perec, Ruiz
ne troue pas l’histoire, il tente au contraire de bâtir une totalité (l’histoire
de France) à partir de fragments. Mais cette totalité traduit davantage le
stéréotype et l’idéologie que l’histoire générale. Le caractère systématique
du procédé, la série impromptue des vignettes, les effets de montage et de
collage, renforcent le ton artificiel de l’ensemble, à la limite de la parodie.
Observons ces effets de distance.
Le film est accompagné de la lecture de manuels scolaires par des petites
filles qui déchiffrent parfois, ânonnent et butent sur les mots.12 Ce mode de
diction rappelle l’exercice scolaire de la récitation recto tono. L’intonation
blanche, plate, caractérise déjà la lecture des extraits de Michelet dans le
film de Fleischer. On retrouve ici toute une tradition du cinéma français,
soucieuse d’aplatissement et de didactisme. Pensons au Tempestaire (Jean
Epstein, 1947) où un enfant déchiffre sa leçon de façon maladroite et sacca-
dée, hésitante, détachant chaque syllabe, mais aussi au cinéma de Bresson,
Eustache, Arrieta, et à certains auteurs de la Nouvelle Vague, épris de voix
blanche et d’intonation plate, refusant tout effet de naturalisme en souli-
gnant la physiologie de l’articulation. Sans doute l’attention de Ruiz à la

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diction est-elle liée à sa situation d’exilé, sensible au parler et à l’accent,


cette “langue fantôme,” pour reprendre l’expression de Fleischer. En dou-
blant les séquences dramatiques par la lecture de manuels scolaires, Ruiz
accentue le caractère stéréotypé du discours, révélant son idéologie latente,
mais également son artifice, attirant notre attention sur le jeu théâtral des
comédiens, emphatique, sentencieux, favorisant “une langue française, un
Malet et Isaac amélioré et poseur, à la fois terne et cérémonieuse, lente et
déclamatoire.”13 Longtemps ces dramatiques historiques furent tournées
en direct, comme des pièces de théâtre, avec changement d’axe et poste de
régie, témoins d’un âge mythique et exploratoire de la télévision. Petit
Manuel d’histoire de France en offre l’archéologie critique.
Le deuxième effet d’étrangeté tient au principe de permutation. Le film
croise constamment les axes paradigmatique et syntagmatique. Jeanne
d’Arc, Napoléon ou Robespierre se retrouvent interprétés successivement
par différents acteurs, changeant de visage et de corpulence au détour d’un
raccord, et le même comédien, Jean-Pierre Marielle, peut incarner Philippe
le Bel et peu après Louis XIII. Ces effets troublants de substitution, renfor-
cés par l’usage d’un double écran qui permet de montrer deux versions
d’un même épisode, accusent le caractère parodique du montage en révé-
lant les ficelles, les codes, les conditions de production. De façon inatten-
due, le montage ruizien révèle également les affinités entre l’esthétique des
dramatiques télévisuelles et les effets d’écriture d’un certain cinéma
d’avant-garde (Ruiz cite Straub-Huillet et Duras [Daney, “Entretien” 42]):
hiératisme des acteurs, prédominance de la parole, reconstitution mini-
male des décors, parfois schématique, dénuée de toute volonté de natura-
lisme. Daney souligne en ce sens la “disjonction du personnage et de
l’acteur,” “la rentabilisation des contraintes économiques,” “l’écriture don-
née en spectacle” (Daney, Le scénario français 869). La relative pauvreté des
moyens de production, le souci didactique rencontrent l’esthétique distan-
ciée et brechtienne d’un cinéma d’auteur radical. Au-delà de l’ironie rui-
zienne décelant des ressemblances de famille entre deux traditions
artistiques distinctes, les jeux de substitution participent de la passion du
cinéaste pour la scissiparité narrative, les dédoublements, les paradoxes
temporels, les listes et les inventaires et, de façon plus générale, la combina-
toire. Dans son Petit Manuel d’histoire de France, l’enchaı̂nement des épiso-
des, la répétition des dispositifs, produisent des effets de surprise, de nature
surréaliste. Ruiz aime à évoquer à cet égard ses souvenirs de jeunesse au
Chili: “Cela vient peut-être de ces séances de cinéma d’autrefois où plu-
sieurs films étaient projetés successivement. On s’installait dans un film

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historique où Vincent Price jouait le rôle du méchant et était tué dans la
dernière scène, puis il y avait un second film tout à fait différent, et enfin
un troisième dans lequel Vincent Price réapparaissait brusquement en par-
faite santé” (Peeters 91).
Par l’exacerbation des stéréotypes et la permutation des éléments, Ruiz
joue sur l’opposition entre récit et tableau. Le cinéaste est souvent revenu
sur cette distinction.

Disons que dans un film, il y aurait l’aspect tableau et l’aspect récit,


donc dans le cinéma il y a constamment un tableau, un tableau qui
est à l’intérieur du cadre, qui n’est pas le cadre, qui est quelque part
à l’intérieur et à l’extérieur, jamais dans le cadre précisément et qui
se définit par les rapports des objets qui sont à l’intérieur—et ces
objets sont des récits en puissance. [. . .] Je me demandais quel est le
rapport entre ce récit, récit comme jeu de volontés, et le tableau, tel
qu’on fait des choix parmi les éléments de ce tableau, pour que le
spectateur puisse jouer son propre récit. (Ruiz et Schefer 70)

On sait l’intérêt du cinéaste pour la tradition du “tableau vivant,” mani-


feste dans son film L’Hypothèse du tableau volé, réalisé en 1978, d’après sa
lecture de Klossowski. Le tableau se caractérise par le réseau d’informations
qui circulent entre les personnages, les costumes, les détails, tandis que le
récit suppose une enchaı̂nure de causalités. Mais l’opposition se complique
à loisir. Le tableau condense le récit de façon parfois cryptée, et le récit
distribue les éléments du tableau sur la ligne horizontale du temps. “Dans
un film, l’aspect tableau est constitué par l’époque, par tels décors ou
comédiens, et le récit est, bien évidemment, ce qui s’est passé” (Ruiz 78).
Dans Petit Manuel d’histoire de France, la mise en scène minimale, théâtrale
et solennelle, adoptée par les réalisateurs, l’imagerie scolaire, le caractère
emblématique des situations, la place accordée à la parole et aux délibéra-
tions, renforcent l’aspect tableau. L’histoire se cristallise autour de scènes
qui rappellent les images d’Épinal ou les tableaux d’élocution qui ornaient
autrefois les salles des classes élémentaires.14 À d’autres moment, le récit se
précipite, de façon soudaine, par sauts et caprices, au fil des batailles et des
guerres. L’opposition entre récit et tableau n’obéit pas seulement au credo
de la poétique ruizienne, elle concerne les modes d’écriture de l’histoire,
comme en témoignent ces réflexions de Barthes sur le style de Michelet:

Contrairement au récit, qui réduit le corps de l’historien au rang


d’objet, le tableau (le survol) place Michelet à peu près dans la posi-

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tion de Dieu, dont le pouvoir majeur est précisément de tenir ras-


semblés dans une perception simultanée, des moments, des
événements, des hommes et des causes qui sont humainement dis-
persés à travers des temps, des espaces ou des ordres différents.
(Michelet 21)

Arrêtons-nous sur le terme de tableau. S’il désigne une représentation


picturale ou le panneau de bois appelé tableau noir, souvent recouvert de
peinture verdâtre, sur lequel on écrit à la craie dans les salles de classe, il
marque aussi la division de l’acte au théâtre par un changement de décor
(il emporte de ce fait une dimension narrative). Il signifie également une
liste nominative, une représentation de données sous une forme graphique
et, plus généralement, un système de relations à double entrée. Ruiz convo-
que dans Petit Manuel d’histoire de France deux variantes du tableau: la
reconstitution historique, d’inspiration théâtrale ou picturale, et les jeux
de permutation entre les différents épisodes. En croisant paradigme et
syntagme, il dresse un tableau comparé des scènes d’histoire. “Un ’tableau’
c’est formellement une ‘série de séries,’ ” écrit Foucault (Archéologie du
savoir 19). La narration ruizienne est constamment entravée, ou déjouée,
par les efforts de classification qui avivent l’opposition entre la ligne du
récit et la verticalité du tableau.15 “En fait, l’écriture historique compose
avec un ensemble cohérent de grandes unités une structure analogue à
l’architecture de lieux et de personnages dans une tragédie” souligne Michel
De Certeau (136) en relevant les affinités entre l’écriture de l’histoire et la
fiction, voire les arts de mémoire. Renouvelant notre regard sur le discours
de l’histoire nationale, Petit Manuel d’histoire de France adopte trois
stratégies:—fictionnelle, par les effets de surprise dus aux transpositions
entre les séquences, le passage d’un épisode à l’autre, d’esprit parfois surréa-
liste;—critique, par l’attention portée à la mise en scène, à l’interprétation
des comédiens, au mode d’écriture distancié et non naturaliste des drama-
tiques télévisuelles;—historiographique, par le jeu entre chronologie et
distribution des rôles, l’opposition entre récit et tableau, le travail sur les
stéréotypes, qui tendent à déconstruire l’idéologie. À la manière de Perec,
par d’autres procédés tout aussi systématiques, le film de Ruiz invente une
manière d’historiographie poétique.

* * *
Les points de rencontre entre ces trois œuvres, produites de 1974 à 1979,
sont saisissants: le recours ironique ou parodique à la combinatoire, attes-

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tant une certaine exténuation du modèle structuraliste, la critique de l’idéo-


logie scolaire, la réflexion sur l’historiographie, contemporaine des travaux
de la Nouvelle Histoire.16 Notons, bien sûr, la situation de l’exil ou du
déplacement. C’est après le coup d’état chilien du 11 septembre 1973 que
Ruiz arrive en France. Ses films des années 1970 réalisés pour la télévision
questionnent le récit national français à travers les élections politiques,
l’architecture Renaissance ou le jardin à la française. Né d’un père hongrois
et d’une mère franco-espagnole, marqué dans sa famille par la Shoah dont
la présence se fera insistante dans ses romans et ses récits au début des
années 2000, Alain Fleischer n’aura de cesse d’inquiéter le motif de l’iden-
tité par une activité artistique protéiforme. La famille de Perec est origi-
naire de Pologne, et nous lisons désormais son œuvre et ses contraintes
d’écriture à travers le crible de la Shoah comme matrice formelle. La dis-
tance ou l’exil informent l’attention portée à l’histoire nationale et au récit
scolaire. Sans doute retrouve-t-on cette détermination dans le (faux) sou-
venir de Perec écrit au conditionnel passé:
Moi, j’aurais aimé aider ma mère à débarrasser la table de la cuisine
après le dı̂ner. Sur la table il y aurait eu une toile cirée à petit car-
reaux bleus; au-dessus de la table, il y aurait eu une suspension avec
un abat-jour en forme d’assiette, en porcelaine blanche ou en tôle
émaillée, et un système de poulies avec un contrepoids en forme de
poire. Puis je serais allé chercher mon cartable, j’aurais sorti mon
livre, mes cahiers et mon plumier de bois, je les aurais posés sur la
table et j’aurais fait mes devoirs. C’est comme ça que ça se passe dans
mes livres de classe. (W ou le souvenir d’enfance 95)
En 1979, Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville réalisent la série en
douze mouvements, France tour détour deux enfants, pour la télévision,
produite par la chaı̂ne Antenne 2, librement inspirée par le livre de G.
Bruno, Le Tour de la France par deux enfants. Publié en 1877, illustré de
gravures, soucieux d’édification morale et patriotique, le livre, qui
rencontra un grand succès, fut utilisé pour l’apprentissage de la lecture
jusqu’aux années 1950. S’il ne s’agit pas d’un manuel d’histoire proprement
dit, mais plutôt d’une encyclopédie des savoirs, le recours à un livre sco-
laire comme support d’une œuvre télévisuelle ne laisse pas d’insister. L’in-
térêt pour l’école et le modèle didactique, d’inspiration brechtien, a
toujours été présent chez Godard. On connaı̂t sa passion pour la figure du
tableau comme unité dramatique (Vivre sa vie est composé en douze
tableaux) et motif scolaire (la liste d’artistes et d’écrivains sur le tableau

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noir de La Chinoise). “En 1968, pour la frange la plus radicalisée—la plus


gauchiste—des cinéastes, une chose est sûre: il faut apprendre à sortir de
la salle de cinéma (de la cinéphilie, de l’obscurantisme) ou la brancher au
moins sur quelque chose. Et pour apprendre, il faut aller à l’école. Pas tant
à l’ “école de la vie” qu’au “cinéma comme à l’école,” écrit Serge Daney à
propos de Numéro deux (“Le Therrorisé” 33). Même s’il reste peu d’élé-
ments du manuel scolaire original, la forme didactique est clairement
revendiquée par le découpage en douze mouvements consacrés aux matiè-
res scolaires classiques (physique, chimie, géométrie, morale, etc.). Centrée
autour de deux enfants et de leur vie quotidienne, la série questionne avec
âpreté les figures du savoir et de l’autorité. La similitude avec le pro-
gramme de Ruiz est notable. Au milieu des années 1970, la télévision fran-
çaise interroge la possibilité d’un récit national à travers sa mémoire
scolaire.
En s’inscrivant dans un contexte politique précis (l’après 68 et la néces-
sité de penser à nouveaux frais la révolution), contemporaines d’une crise
épistémologique au sein de la discipline historique, ces œuvres, nourries
des leçons de l’avant-garde, questionnent l’écriture de l’histoire et ses limi-
tes.17 L’usage du collage ou du cut-up, qui permet de découper les discours
officiels, de trouer les récits ordinaires, de pratiquer la libre association et
l’enquête, mérite d’être interrogé à l’aune du présent. Le succès rencontré
depuis les années 1990 dans le domaine du cinéma documentaire par le
film de montage et la pratique du found footage témoigne de la pertinence
actuelle de ces procédés.18 Une telle porosité entre les disciplines est
instructive au moment où l’impératif de la recherche s’impose aujaurd hui
dans le champ de l’art. Si le cinéaste et l’écrivain pratiquent le collage pour
écrire l’histoire, l’historien, lui, n’hésite pas à user de la fiction pour inven-
ter une histoire contre-factuelle, comme en témoignent aujourd’hui les
travaux sur l’histoire des possibles, attestant la fécondité des démarches
hybrides, à mi-chemin de l’art et des sciences sociales.19
École nationale supérieure d’art de Bourges

Notes
1. Si l’un des deux auteurs, Albert Malet, né en 1864, meurt en 1915 lors de la Pre-
mière Guerre mondiale, Jules Isaac (1877–1963), militant de la Ligue des droits de
l’homme, membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, est nommé
inspecteur général de l’instruction publique en 1936. Destitué de l’Éducation nationale
pendant l’Occupation, il perd ses droits civiques. Il s’attachera à étudier en profondeur

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les causes de l’antisémistisme. Proche du pape Jean XXIII, il milita pour une entente
entre les religions juives et chrétiennes.
2. Ernest Lavisse (1842–1922) est aussi l’auteur de nombreux manuels scolaires, exal-
tant le roman national.
3. Cf. François Dosse, Patrick Garcia, Christian Delacroix, Les Courants historiques
en France, Paris, Folio Gallimard, p. 474.
4. Jacques Le Goff et Pierre Nora (dir.), Faire de l’Histoire, Jacques Le Goff et Pierre
Nora (dir.), Paris, Folio Gallimard, 2011.
5. Lire le récit de la production de ce film non réalisé in Alain Fleischer, Sade scéna-
rio, Paris, Cherche Midi, 2013, p. 409–42.
6. 4ème de couverture.
7. Cf. Georges Perec, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, Paris, Bourgois, 1975;
“Notes concernant les objets qui sont sur ma table de travail,” repris in Penser/classer,
op. cit., pp. 17–23; “Tentative d’inventaire des aliments liquides et solides que j’ai ingurgi-
tés au cours de l’année mil neuf cent soixante-quatorze,” repris in L’Infra-ordinaire,
Paris, Seuil, 1989, pp. 97–106; “Allées et venues rue de l’Assomption,” in L’Arc, n 76,
spécial Georges Perec, 1979, pp. 28–34.
8. Cf. Olivier Quintyn, Dispositifs/dislocations, Paris, Questions théoriques, 2007, p.
95–111; Christophe Hanna, Nos dispositifs poétiques, Paris, Questions théoriques, 2010, p.
111–35.
9. Cf. Jacques Le Goff, Faut-il vraiment découper l’histoire en tranches?, Paris, Seuil,
2014.
10. Cf. Isabelle Veyrat-Masson, Quand la télévision explore le temps, Paris, Fayard,
2000, pp. 88–138.
11. Cf. Carlo Ginzburg, À distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, trad.
Pierre-Antoine Fabre, Paris, Gallimard, 2001.
12. Les manuels lus sont les suivants: C. Calvet (1903), Aubin Aymard (1929), David-
Ferré-Poitevin (1956), Audrin et Dechappe (1968).
13. Serge Daney, “Le scénario français,” Cahiers du cinéma, spécial Télévision, 1981,
repris in La Maison cinéma et le Monde. Tome 2, Paris, P.O.L, 2002, p. 867–73.
14. Les tableaux d’élocution sont des planches colorées à visée pédagogique, claires
et schématiques, utilisées comme supports visuels pour inciter les élèves à la parole.
15. Au cours de ces mêmes années, Ruiz réalise pour la télévision différents films
autour des jeux de taxinomie et d’inventaire. Citons Les Divisions de la nature (1978), Le
Jeu de l’oie (1980), Ombres chinoises (1982), Classification des plantes (1982), Querelle de
jardins (1982). Je me permets de renvoyer à mon étude “La théorie et les rendez-vous.
Sur quelques films documentaires de Raúl Ruiz,” French Forum, Vol. 35, n 2–3, mars
2011, p. 233–48.
16. Notons que lors de son travail au sein de l’INA, Raúl Ruiz croise souvent Georges
Perec. Il envisage même une adaptation de son roman, La Vie mode d’emploi. Cf. “Entre-
tien avec Stéphane Delorme et Cyril Béghin,” in Raúl Ruiz, Dominique Bax (dir.), Théât-
res au cinéma, Bobigny, 2013, p. 36. Par ailleurs, Raúl Ruiz, artiste invité au Fresnoy,
Studio national des arts contemporains en 1998, aura souvent l’occasion de rencontrer
Alain Fleischer qui en est le directeur.

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17. Rappelons le dialogue au début des années 1970 entre entre la Nouvelle Histoire
et le cinéma à travers les films de René Allio: Les Camisards (1972) ou Moi, Pierre Rivière
... (1976), directement inspiré des travaux de Michel Foucault. Citons également des
films historiques comme Lancelot du Lac (Robert Bresson, 1974), Je suis Pierre Rivière
(Christine Lipinska, 1976) ou Perceval le Gallois (Éric Rohmer, 1978).
18. Lire notamment Christa Blümlinger, “Dispositifs archéologiques,” in Cinéma de
seconde main, trad. Pierre Rush et Christophe Jouanlanne, Paris, Klincksieck, 2013, pp.
279–341.
19. Cf. Pierre Singaravélou et Quentin Deluermoz, Pour une histoire des possibles.
Analyses contrefactuelles et futurs non advenus, Paris, Seuil, 2016. Ivan Jablonka, L’histoire
est une littérature contemporaine, Paris, Seuil, 2014.

Ouvrages Cités
Barthes, Roland. Michelet. Paris: Seuil, 1974.
———. “Le discours de l’histoire” [1967], in Le Bruissement de la langue. Essais critiques
IV, Paris: Seuil, 1993.
Baudry, Jean-Louis. L’Effet-cinéma. Paris: Éditions Albatros, 1978.
Daney, Serge. “Le Therrorisé (pédagogie godardienne),” in Cahiers du cinéma, no 262,
janvier 1976.
———. “Entretien avec Raúl Ruiz,” in Cahiers du cinéma, spécial Télévision, automne
1981.
———. “Le scénario français,” in Cahiers du cinéma, spécial Télévision, automne 1981,
repris in La Maison cinéma et le monde. Tome 2. Paris: P.O.L., 2002: pp. 867–73.
De Certeau, Michel. L’Écriture de l’histoire. Paris: Folio, 1975.
Fleischer, Alain. “Obscures cérémonies,” in Faire le noir, Paris: Marval, 1995.
———. L’Accent, une langue fantôme. Paris: Seuil, 2005.
Foucault, Michel. L’Archéologie du savoir. Paris: Gallimard, 2015.
Peeters, Benoı̂t. “Conversations avec Raoul Ruiz,” in Benoı̂t Peeters, Guy Scarpetta,
Raoul Ruiz le Magicien. Bruxelles: Les Impressions nouvelles, 2015.
Perec, Georges. Espèces d’espaces. Paris: Galilée, 1974.
———. Tentative d’épuisement d’un lieu parisien. Paris: Bourgois, 1975.
———. La vie mode d’emploi. Paris: Hachette, 1978.
———. Je me souviens. Paris: Hachette, 1989.
———. W ou le souvenir d’enfance. Paris: Gallimard, 1995.
———. “Je me souviens de Malet & Isaac,” in Penser/classer, Paris: Seuil, 2003, pp.
73–90.
Ruiz, Raúl. Textes et entretiens, Paris: Hoëbeke, 1999.
Ruiz, Raúl et Jean Louis Schefer. “L’Image, la Mort, la Mémoire.” Ça cinéma, no20, 1980.

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