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LE DIANUS DE FRAZER : DE FAULKNER À BATAILLE

Philippe Forest

Armand Colin | « Littérature »

2008/4 n° 152 | pages 35 à 45


ISSN 0047-4800
ISBN 9782200924805
DOI 10.3917/litt.152.0035
Article disponible en ligne à l'adresse :
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 PHILIPPE FOREST, UNIVERSITÉ DE NANTES

Le Dianus de Frazer :
de Faulkner à Bataille

N.-B. : Le texte qui suit constitue un extrait d’un essai consacré à


Faulkner il y a quelques années et laissé (provisoirement ?) inachevé.
L’étude aurait dû s’intituler : Passion de Temple Drake, Faulkner et
l’irrémédiable. Des éléments de ce travail ont déjà paru dans les revues
Action restreinte et Penser/Rêver.

L’œuvre de Bataille et celle de Faulkner (ils s’ignorent mais sont


d’exacts contemporains) se situent dans un espace semblable de pensée, à
l’extrémité logique d’un romantisme impossible qui ne conçoit pas la lit-
térature autrement que sous la forme d’une passion assumée du sens : non
pas cette forme sentimentale et mélodramatique de l’imposture poétique
qui spécule sans risque sur les formes mineures de la sensibilité et de la
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souffrance mais cette protestation plus ancienne qui, prenant acte de la
fuite du divin, n’envisage de destin que dans la confrontation irréconciliée
de l’être avec le désir et la douleur. Tel est (il faut s’entendre sur ce mot)
ce que l’on peut nommer le Mal dans le langage de l’« hypermorale » et
c’est ce langage que toujours parle le roman lorsqu’il confronte l’individu
à l’épreuve de l’irrémédiable.
S’ils sont d’exacts contemporains (1897-1962), Faulkner et Bataille
s’ignorent. On sait que le second a lu le premier (au moins Sanctuaire et
Lumière d’août) 1 mais dans l’article qu’il consacrera à Hemingway,
Bataille avouera n’être jamais parvenu à véritablement aimer l’œuvre de
Faulkner malgré toute l’admiration éprouvée pour elle 2. Chez l’un comme
chez l’autre auteur se trouve cependant au travail une même pensée du
Mal qu’énoncent Sanctuaire et Le coupable et à laquelle donne corps
l’histoire de Temple Drake. Je ne crois pas qu’on ait jamais remarqué que
le premier volume de la Somme athéologique s’achève (avec un texte que
répète L’Impossible) au point exact où commence le roman de Faulkner.
Plus exactement : le premier moment de la Somme conduit le lecteur
1. On le sait par la publication des « Emprunts de Georges Bataille à la B.N. » dans le
volume XII des Oeuvres complètes chez Gallimard. Dans la suite de cet article, toutes les
références renvoient à cette édition.
35
2. « Je lus Faulkner un peu plus tard et, sans lui ménager mon admiration, jamais je n’ai pu LITTÉRATURE
l’aimer », in « Hemingway à la lumière de Hegel », OC, XII, p. 243. N° 152 – DÉC 2008
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jusqu’au lieu qui sert de décor inaugural à Sanctuaire. Et ce lieu, par une
bizarrerie qui pourrait sembler aberrante, n’est autre que le lac de Némi,
dans les monts Albains de l’ancien Latium.
La première page de Sanctuaire est célèbre et certains la tiennent
pour l’une des plus belles : derrière l’écran des broussailles qui entourent
une source un individu (le gangster Popeye) en observe un autre (l’avocat
Horace Benbow). Dans l’eau, leurs reflets s’additionnent. Le face-à-face
s’éternise comme si, par la fascination de ce regard échangé, se trouvaient
liés l’homme au livre et l’homme au revolver. Absurdement, le premier
(en route pour Jefferson et qui ne s’est arrêté là qu’afin de se rafraîchir un
instant) se retrouve prisonnier du second qui, le soupçonnant d’espionner
ses douteux trafics, l’emmène jusqu’à la carcasse croulante d’une maison
dont la toiture délabrée émerge de la masse sauvage d’un bouquet de
cyprès. Comme toujours chez Faulkner, on ne sait trop ce que peut tout à
fait signifier une telle scène que sa très faible vraisemblance romanesque
n’explique pas. Lorsque Temple Drake tombera à son tour dans ce même
piège, elle protestera que de semblables choses n’arrivent pas dans la
vraie vie. Mais chez Faulkner, la vraie vie est un songe banal qui ne com-
mence à réellement exister que lorsque se répète en lui le cauchemar de
drames sans âges.
Comment reconnaître dans l’œuvre romanesque la marque, la trame
de ces drames ? Avec Faulkner, la tache est d’autant plus ardue que
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l’auteur, simulant l’ignorance et la naïveté, entoure son propre travail d’une
sorte de silence ingénu, effaçant toutes les traces susceptibles de mener
jusqu’à lui. Formé aux anciens (la Bible, les Tragiques, Skakespeare) et aux
modernes (tout autant Dickens et Dostoievski que Swinburne et Mallarmé),
Faulkner a l’élégante et coquette prétention de ne rien avoir lu, d’avoir tiré
du néant prosaïque du concret (la poussière de son pays) la matière entière
de son œuvre (aux dimensions de l’univers). Toute la sagacité critique du
lecteur est nécessaire pour ne pas céder à cette illusion et comprendre que
cet ensemble romanesque aux poses primitivistes vaut aussi comme entre-
prise globale de récapitulation de la culture occidentale.
L’ambition de Faulkner n’est pas moindre que celle de Joyce (dont,
à certains égards, elle s’inspire). Elle consiste à faire tenir toute la geste
du monde dans les limites d’un domaine déshérité, situé à la fois en deçà
et au-delà de toute civilisation : sauvage et simultanément sénile, encore
primitif et déjà décadent. Dans cette mesure exacte, le Sud de Faulkner
n’est pas différent de l’Irlande de Joyce. Les rives du Mississipi ne sont
pas habitées de moins de dieux et de héros que celles de la Liffey. Dans
la banalité provinciale de ces terres asservies, situées aux marges de
36 l’Empire (le Nord, l’Angleterre) se jouent sans répit les mythes premiers
où s’exténue le destin finissant de l’Occident. Mais là où Joyce articule,
LITTÉRATURE
N° 152 – DÉC 2008 énonce, en appelle à l’érudition, multiplie les allusions qui permettent au
LE DIANUS DE FRAZER : DE FAULKNER À BATAILLE 

lecteur de remonter le cours du récit jusqu’à ses sources lointaines (les


Métamorphoses ou l’Odyssée), Faulkner se tait. Mieux : il ne donne
même pas à entendre qu’il se taise et n’invite donc aucunement l’interpré-
tation à se mettre en quête d’un quelconque secret. En conséquence, rien
n’est plus aisé que de se méprendre comme le fit longtemps la critique
imputant à Faulkner une sorte de naturalisme de l’extrême, cruel et vide
de signification, brutal et irréfléchi. Avec Sanctuaire (mais aussi bien
Tandis que j’agonise ou Absalom), toute pensée passe dans la poésie taci-
turne d’une parole qui se refuse à laisser affleurer en elle (sinon par
exception ou accident) le langage de la culture pour absorber celui-ci dans
le monument nouveau d’une épopée apparemment sans mémoire.

Mais le drame tout entier de la civilisation se joue interminablement —


et en pleine connaissance de cause — en chacun des lieux du monde où
se constitue une œuvre susceptible de le penser. Et chaque roman digne
de ce nom (tantôt massivement, tantôt par fragments) déploie à cette fin,
dans l’espace plus ou moins exigu qu’il embrasse, la scène nécessaire.
La source aux bords de laquelle débute Sanctuaire ressemble à une
sorte de nulle part susceptible d’accueillir la représentation de toutes les
fables. Cette solitude sylvestre fait naître chez le lecteur une inquiétante
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sensation de commencement des temps. Et sans doute Faulkner (se tai-
sant) ne désire-t-il pas que le lecteur aille au-delà de cette sensation, pen-
sant que l’intelligence de ce qui la cause la ferait aussitôt disparaître. Pour
que le rite symbolique produise ses effets, il lui convient de s’envelopper
discrètement d’assez de mystère. En cela, et jusqu’à Parabole, Faulkner
ne cessera jamais d’être fidèle à l’étrange décadentisme de ses premières
œuvres, enfermant dans les plus réalistes de ses fictions, le secret d’une
délicate allégorie. Conformément aux principes de l’esthétique mallar-
méenne (mais en suivant bien entendu d’autres voies), le sens — tel qu’il
se constitue dans l’opacité de la psychologie individuelle mais aussi tel
qu’il résonne dans l’immémorial de la culture — doit être tu et seulement
suggéré. Il lui faut l’élégance du secret et c’est pourquoi, dans le célèbre
article qui ouvre le premier volume de Situations, Sartre dénonçait à juste
titre en l’œuvre de Faulkner une sorte de déloyal trompe-l’œil.
Le lecteur n’est pas censé savoir que la source de Frenchman’s
Bend sur laquelle se penche Horace Benbow reproduit sur la terre des
États-Unis l’antique lac latin de Némi. Il doit même l’ignorer mais son
ignorance doit être telle qu’elle lui ouvre un accès plus violent, moins
averti vers l’éternel efficace de la fable. Cette dernière agit en silence et il 37
faut déployer toutes les ressources de l’érudition pour faire parler ce
LITTÉRATURE
silence. À cette condition, on comprend que la démarche de Faulkner N° 152 – DÉC 2008
 GEORGES BATAILLE ÉCRIVAIN

relève (partiellement, tout au moins) de cette « méthode mythique » des-


tinée à remplacer la « méthode narrative » et qu’en un article célèbre T.S.
Eliot découvrait à l’œuvre dans l’Ulysse joycien : « En utilisant le mythe,
en filant un parallèle ininterrompu entre notre temps et l’antiquité, [la
méthode mythique constitue] un moyen de contrôle, de mise en ordre, de
mise en forme, un moyen pour investir de signification cet immense
panorama de futilité et d’anarchie qu’est l’histoire contemporaine. » 3
Dans un article publié à l’été 1971 par le Mississipi Quarterly 4,
l’universitaire Thomas L. Mc Haney identifiait la référence mythique
scellée par Faulkner dans le secret de son roman. Il établissait que les pre-
mières pages du livre procédaient de la réécriture partielle du Rameau
d’or, la somme ethnographique de James G. Frazer. L’hypothèse semble-
rait baroque et extravagante si les preuves textuelles produites par Mc
Haney ne s’avéraient aussi nombreuses et précises. On sait que dans le
premier volume de son cycle, Frazer explore, à l’intérieur de la cons-
cience primitive, les différents avatars de la figure du roi magicien. Il se
donne pour point de départ l’énigme à résoudre des rites autrefois en
vigueur dans le temple de Diane situé aux abords du lac de Némi : là, tout
esclave fugitif pouvait obtenir son salut en mettant à mort le prêtre du
lieu, également nommé « roi du bois ». Il s’appropriait alors sa fonction
sacerdotale jusqu’à ce qu’il soit à son tour mis à mort par un autre préten-
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dant au trône sacré. Frazer s’attache à penser l’énigme de cette transmis-
sion criminelle du pouvoir religieux et celle-ci lui fournit l’une des clés
principales dans son investigation de la logique primitive. Si le roi du bois
doit être assassiné, c’est afin de préserver sa personne — sympathiquement
liée à l’univers tout entier — d’un vieillissement qui affecterait la nature
dans ses capacités productives et reproductrices. Le crime est donc magi-
quement envisagé comme nécessaire au cycle naturel (au renouvellement
sacrificiel de l’énergie cosmique). De même s’explique pour Frazer la
relation du roi-prêtre à la déesse qu’il sert. Uni en des simulacres sexuels,
le couple sacré mime un accouplement auquel participe l’univers tout
entier et symboliquement indispensable à la fertilité de la terre et à la
fécondité de l’humanité. Le roi du bois et la déesse du chêne, tels qu’ils
étaient vénérés à Némi, apparaissent comme l’une des formes locales du
couple divin formé de Jupiter et Junon (aussi nommés Dianus et Diane)
dont les rites les plus anciens (notamment à Eleusis) célèbrent les retrou-
vailles saisonnières.
3. T.S. Eliot, « Ulysse : ordre et mythe », trad. fr., James Joyce, Configuration critique 4,
38 Revue des Lettres modernes, 1959, p. 149.
4. Thomas L. Mc Haney, « Sanctuary and Frazer’s Slain Kings », Mississippi Quarterly, 24,
LITTÉRATURE summer 1971, repris in A. Bleikasten et N. Moulinoux (dir.), Douze lectures de « Sanctuaire »,
N° 152 – DÉC 2008 Rennes, PUR, 1995, p. 35-50.
LE DIANUS DE FRAZER : DE FAULKNER À BATAILLE 

Aussi sèchement résumée, la thèse de Frazer semble n’entretenir


aucune relation (sinon due à l’hallucination du lecteur) avec le roman de
Faulkner. Il faut toute la sagacité de Mc Haney pour établir indiscutablement
la corrélation au terme d’une démonstration dont il serait fastidieux de
répéter ici le détail.
Disons (pour nous en tenir à la même et facile comparaison) que
Faulkner ne procède pas autrement que Joyce en disposant, dans le titre
même de son ouvrage, la clé mythique qui ouvre à l’intelligence masquée
de son propos. Le roman définit les frontières d’un « sanctuaire » où se
répètent les mêmes rites de désir et de mort par lesquelles chaque société
humaine croit pouvoir traiter les forces destructrices et créatrices auxquelles
elle se trouve soumise. L’essentiel de la démonstration tourne prévisiblement
autour de l’épisode du viol : la substitution de l’épi de maïs au phallus
rattache le simulacre sexuel à une symbolique de la fertilité renouvelée,
comme dans les mystères anciens, par l’union rituelle du hiérophante et
de la prêtresse. Popeye est Dianus, le criminel-roi qui accède au pouvoir
sacré par le meurtre, qui veille dans la profondeur de la forêt, aux abords
du lac mais étend son emprise jusque sur la cité. Il est celui qui accomplit
d’indicibles cérémonies sexuelles indispensables au devenir biologique de
l’espèce. Temple est la victime sacrifiée sur l’autel de ce culte autant que
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la déesse nécessaire à sa perpétuation : Diane, vierge et mère, personnifi-
cation de la vie sauvage, veillant sur la chasse et sur l’enfantement.
Mc Haney établit comment l’ample et redondante enquête de Frazer,
brassant la mémoire ante-religieuse des peuples, informe l’imagination de
Faulkner qui se saisit des détails fournis par l’ethnographie afin de les
redistribuer au sein de sa propre et contemporaine fiction. L’essentiel
reste que sous l’apparence de la civilisation persiste la réalité obscure de
la magie (et derrière la parole du roman, celle plus ancienne du mythe).
Dans l’un des principaux chapitres du Rameau d’Or, Frazer décrit le gisement
de la pensée première à la façon d’« une couche épaisse de barbarie sous
la surface de la société, couche que n’affectent pas les changements
superficiels de religion et de culture ». Et en savant lucide épris (sans réel
espoir) du progrès des Lumières, Frazer ajoute : « C’est comme si nous
marchions sur une très mince croûte terrestre, prête à se désagréger inopi-
nément sous des forces souterraines assoupies. De temps en temps, un
sourd murmure, ou un jet soudain de flamme, en s’élançant dans l’air,
nous rappelle ce qui se passe sous nos pieds. De temps en temps, le
monde policé s’ébahit de lire dans un journal qu’on a trouvé en Écosse
une figurine toute piquée d’épingles dans l’intention expresse de tuer un 39
propriétaire odieux ou un pasteur répréhensible ; on est stupéfié
LITTÉRATURE
d’apprendre, par un quotidien, qu’une femme a été rôtie à petit feu, en N° 152 – DÉC 2008
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Irlande, comme sorcière ; ou qu’on a assassiné, et coupé en morceaux une


jeune fille, en Russie, pour fabriquer ces chandelles de graisse humaine, à
la lumière desquelles les cambrioleurs espèrent se rendre invisibles pour
effectuer leurs néfastes besognes nocturnes. » 5
Le Sud de Faulkner est semblable à l’Écosse, à l’Irlande, à la Russie
sur lesquelles, depuis son College de Cambridge, Frazer pose un regard
halluciné. La terre y laisse entendre un perpétuel murmure et soudain elle
éclate en jets de flammes. La barbarie rappelle la civilisation à son ordre
cruel : on viole et l’on empale, on castre et l’on brûle, l’inceste et l’infan-
ticide, la mutilation et le meurtre forment l’ordinaire momentanément
caché de la vie.

La présence des thèses de Frazer dans Sanctuaire apparaîtra moins


invraisemblable si l’on se rappelle que le second recueil poétique de
Faulkner portait pour titre : Le Rameau vert. Et l’hypothèse de Mc Haney
gagnera encore en force explicative si l’on lit Sanctuaire en se souvenant
de ce que la pensée de Faulkner doit souvent à celle de T.S. Eliot.
C’est dans La Terre Vaine de ce dernier que la poésie mettait à
contribution de façon significative le savoir né du développement nou-
veau des sciences humaines. Dans l’article précédemment évoqué qu’il
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consacrait à Joyce, Eliot, citant Le Rameau d’or, n’hésitait pas à affirmer
qu’un pas en avant avait été accompli dans les domaines de la psycho-
logie et de l’ethnologie (Freud avec Frazer ?) qui rendait précisément pos-
sible l’invention de la « méthode mythique ». Plus humble ou plus habile,
Faulkner, on l’a vu, se refuse à rien révéler de ses intentions. Quand Eliot
abat ses cartes (accompagnant ses poèmes de notes érudites, citant ses
sources), Faulkner (qui déclarait tirer toute sa connaissance de la psycho-
logie de la pratique du poker) masque son jeu et bluffe à l’envers, laissant
entendre que sa main est vide quand elle contient en réalité toutes les
cartes maîtresses.
Dans La Terre vaine, on le sait, Eliot dépeint un monde moderne
vidé de toute force vitale, voué à la stérilité et bientôt à la mort. Le prin-
temps y est cruel car il fait espérer une renaissance qui jamais n’aura lieu.
Chaque paysage tourne au désert des grandes cités. La civilisation est par-
venue en ce stade de son développement où le sens s’absente, où les dieux
la désertent et la laissent confrontée à l’horizon tristement fatal de ce
qu’Eliot ne nomme pas le nihilisme mais qu’il dénonce bien comme tel.
La fable qui confère son titre au poème et nomme son projet est tirée de
40 la légende du Graal. La Terre vaine y est le domaine maudit du Roi
LITTÉRATURE 5. James Georges Frazer, Le Roi magicien dans la société primitive (trad. Pierre Sayn), in
N° 152 – DÉC 2008 Le Rameau d’or, vol. 1, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1981, p. 151.
LE DIANUS DE FRAZER : DE FAULKNER À BATAILLE 

Pêcheur frappé d’impuissance comme son pays est accablé par la stérilité.
Dans un monde coupé du sacré, séparé de lui sans appel, tous les rites par
lesquels la vie triompherait de la mort sont désormais sans pouvoir. Le
poème assiste à ce désastre et, en fragments, il étaye ces ruines.
Le sanctuaire que suscite Faulkner au cœur du nulle part américain
est semblable à celui qu’Eliot contemple au sein de la vieille Europe. Défi-
nitivement profané, il n’est plus que le théâtre de cérémonies parodiques.
Popeye est Dianus, mais il connaît un sort identique à celui du Roi
Pêcheur. La façon dont Faulkner le décrit au début de son roman (teint
blafard comme sous la lumière électrique, méchante minceur d’étain
embouti) en fait l’un des produits exemplaires de la contemporanéité la
plus dérisoire. Son impuissance exacerbe la violence sexuelle des rites
tout en leur conférant une sorte de dimension crapuleuse presque risible.
Elle suggère déjà que la répétition de ces rites restera vaine et improduc-
tive c’est-à-dire incapable de susciter le sens manquant à la civilisation.
De même, Temple n’est plus que la contrefaçon des figures antiques :
quasi adolescente prise à son propre jeu de séductrice, épouvantée par la
réalité soudain devenue tangible du désir qu’elle provoque.
Chez Faulkner, la modernité est dégradation du mythe, mise en
spectacle de son devenir sordide. Comme chez Joyce (mais de façon plus
grimaçante), les dieux lorsqu’ils reviennent visiter les humains, leur
empruntent leurs vices et leurs faiblesses, leurs plus pitoyables travers.
Les rites témoignent de l’obscur et de sa permanence panique mais, défi-
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nitivement vidés de leur substance symbolique, ils ne donnent plus sens
au vertige dont ils procèdent. Réduit à la dimension d’un fait-divers sor-
dide, l’union du criminel et de la vierge a assez de force encore pour que
se manifeste avec elle la toute-puissance cosmique du Mal mais plus suf-
fisamment de sens pour que se ressource dans ce précipice le principe
d’un ordre universel. Et le roman moderne déplace le mythe dans l’espace
dévasté d’une culpabilité sans appel.

En ce même espace s’installe l’œuvre de Bataille pour y penser la


possibilité d’une fondation nouvelle où se joue interminablement le drame
rituel des origines.
Encore qu’à ma connaissance la critique ait toujours préféré s’inté-
resser aux liens qui l’unissaient à celles de Nietzsche, Hegel ou Heidegger 6,
la pensée de Bataille puise largement dans l’œuvre de Frazer. On sait que le
Rameau d’Or (du moins plusieurs de ses épais volumes) fut lu et relu, en
différents moments de sa vie, par Bataille à qui il arriva (rarement il est
6. Je signale la publication récente — et postérieure à l’écriture de mon propre texte —
41
d’une étude de Osamu Nishitani, « Georges Bataille et le mythe du bois : Une réflexion sur LITTÉRATURE
l’impossibilité de la mort », Lignes, 17, mai 2005, p. 40-55. N° 152 – DÉC 2008
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vrai) de s’appuyer explicitement sur son autorité. De telles références, en


soi, n’ont pas de quoi surprendre tant le travail de Frazer, à l’époque où
Bataille commence à réfléchir, domine et, en quelque sorte, enveloppe tout
le champ de l’ethnographie. Ce qui frappe cependant est la façon dont
Bataille s’approprie l’une des figures mythiques étudiées par Frazer pour
élire en elle l’incarnation de son propre double.
En effet, les premières pages du Coupable furent d’abord publiées (en
1940) sous le pseudonyme de Dianus et l’ensemble du volume, présenté
deux ans plus tard comme le journal posthume de ce même personnage au
patronyme inspiré de la mythologie romaine. Si la référence reste extraordi-
nairement discrète tout au long du livre, elle en marque avec force le tout
dernier chapitre qui prend pour titre celui du chapitre inaugural du premier
volume du Rameau d’Or : « Le roi du bois ». Autant dire que la pensée de
Bataille se propose explicitement d’adopter ainsi comme terme provisoire
le lieu originel qu’interroge celle de Frazer. Tout au long des années 40
(sans doute la période la plus profondément féconde avec l’écriture de la
Somme athéologique), Dianus constitue le masque symbolique privilégié à
l’aide duquel Bataille choisit tout à la fois de dissimuler et de révéler ses
traits. Publié en 1947 (avant d’être ultérieurement joint au Coupable),
L’Alleluiah est sous-titré : « Catéchisme de Dianus ». La même année, La
Haine de la Poésie (plus tard rebaptisée : L’Impossible) se donne encore
Dianus pour personnage principal de son double récit inaugural.
Il est clair que, figure obscure de la mythologie latine, absente de
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tous les grands textes par lesquelles celle-ci était susceptible d’être
connue même d’un lecteur à l’érudition aussi large que Bataille,
Dianus n’existe que par l’importance exemplaire que lui attribue
Frazer. Il n’investit la Somme athéologique et les livres périphériques
qu’à partir de la mise en récit que constitue Le Rameau d’Or. Parler
d’influence engagerait l’analyse dans une impasse tant la philosophie
paradoxale de Bataille se déploie dans un espace qui excède celui de
la pure ethnographie et suppose une expérience subjectivement habitée
de celle-ci. Ainsi que le note Gilles Ernst (l’un des rares lecteurs du
Coupable à ne pas ignorer la dimension mythique du texte), tout se
joue sur la magie évocatoire du nom : « Deux fois criminel, proie
d’une épouvante à plusieurs visages, Dianus entre à juste titre dans Le
Coupable, et quand Bataille dira plus tard, dans une des variantes de
L’Expérience intérieure, qu’il allie la “saveur d’une femme à barbe” à
celle d’un “dieu qui meurt la gorge ruisselant de sang”, il ne fera que
gloser le pouvoir de renversement d’un nom. Ce nom se suffit à lui-
même, il ouvre tout un monde, et ce monde est à la mesure d’un livre
dont la marque première est l’égarement. » 7
42 7. Gilles Ernst, « Le Coupable, livre de Georges Bataille », in E. Guitton (dir.), La culpabi-
LITTÉRATURE lité dans la littérature française, Travaux de Littérature, vol. VIII, ADIREL, 1995, p. 427-
N° 152 – DÉC 2008 442.
LE DIANUS DE FRAZER : DE FAULKNER À BATAILLE 

Dianus est le coupable. Mais Bataille nous avertit que c’est peut-être
par antiphrase seulement qu’il se désigne ainsi. Le comble de la culpabi-
lité (qui signifie l’absence d’accès à la gloire) ne se distingue guère de la
forme la plus haute de l’innocence. Criminel et victime dont l’existence
n’est plus qu’attente de la mort donnée ou reçue, amant perpétuel et égaré,
Dianus est l’homme livré tout entier à l’expérience sans attaches du Mal.
En cela, dans l’horreur de la sainteté, il accède au sommet d’où se déduit
tout déclin. Roi et meurtrier, il se transforme en emblème déchiré d’une
souveraineté dérisoire, hors-la-loi, impossible.

On ne hasardera pas ici l’hypothèse que Bataille, découvrant en


décembre 1934 et la traduction française de Sanctuaire et le texte anglais de
l’un des volumes du Rameau d’Or, — encore que cette coïncidence mérite
d’être soulignée — ait perçu (même de façon vague ou inconsciente) la
lointaine référence mythique secrètement sollicitée par Faulkner à travers sa
lecture de Frazer. Il reste que Dianus, à quelques petites années d’inter-
valles, habite, chez Faulkner comme chez Bataille, le cœur obscur d’un
projet littéraire comparable et que la façon dont l’écrivain français réactive
explicitement la légende latine jette une lumière nouvelle sur la manière
silencieuse dont celle-ci agit dans le roman de l’américain. Les thèses du
Coupable sont notamment susceptibles de restituer à Sanctuaire un peu
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d’une dimension mythique émoussée par la répétition d’exégèses trop
systématiquement sociologiques, psychologiques et moralisantes. Alors le
couple formé du criminel et de sa victime resurgit dans sa signification
proprement sadienne.
Considérée non plus en raison de l’interprétation de T.S. Eliot (attri-
buée par défaut à Faulkner) mais de celle de Bataille (touchant plus direc-
tement à la violence nue du Mal), l’insignifiante atrocité sans issue de
Sanctuaire prend valeur, non plus de dégradation du mythe mais d’exa-
cerbation de celui-ci. Le scandale sans appel du crime, le sordide inexcu-
sable du désir, dans la mesure même où ils assument leur caractère déchu,
conservent infiniment vivant le sacré et ouvrent en direction de lui une
voie à l’individu qui s’y abandonne. Dans le monde moderne où se cons-
titue en mythe l’absence même de toute transcendance, la souveraineté
déchirée semble à ce prix. Elle exige des héros (violeur impuissant, vierge
douteuse, veule champion de la justice) qui, semblables à ceux de
Faulkner, connaissent jusqu’au bout l’épreuve interminable d’une dérélic-
tion sans gloire.
Il y a, explique Bataille dans son Nietzsche, le sommet et le déclin : 43
« Le sommet répond à l’excès, à l’exubérance des forces. Il porte au
LITTÉRATURE
maximum l’intensité tragique. Il se lie aux dépenses d’énergie sans N° 152 – DÉC 2008
 GEORGES BATAILLE ÉCRIVAIN

mesures, à la violation de l’intégrité des êtres. Il est donc plus voisin du


mal que du bien. Le déclin — répondant aux moments d’épuisement, de
fatigue — donne toute la valeur au souci de conserver et d’enrichir l’être.
C’est de lui que relèvent les règles morales. » 8 Les coupables (ils forment
une impensable communauté) cheminent vers le « sommet » (où ils ne
s’établiront pas, qu’ils n’atteindront pas même) et surplombent ainsi le
sentier inverse du « déclin » (sur lequel ils se savent inévitablement
engagés déjà). L’expérience du Mal n’est pas décadence, perte d’une
pureté à reconquérir. Elle est révélation d’un néant avec lequel la vérité a
partie liée et que le désir, écrit Bataille, se donne en réalité pour objet.
Sanctuaire dit incontestablement ce désir du néant, il relate l’initia-
tion à celui-ci. L’univers que décrit Faulkner (celui que pense Bataille) a
les apparences d’un abri dévasté où il n’est plus concevable d’invoquer la
protection d’aucune divinité. L’être y est à la merci de ce qui le détruit. Et
dans cette « absence de refuge » 9, le sacrifice où il s’offre lui permet de
communiquer avec cet « autre côté » des choses où se défait l’exiguïté de
sa condition ordinaire. La profondeur du bois dont Dianus est le roi est
semblable, lit-on dans Le Coupable, à celle d’une chambre où deux
amants se dénudent et où le rire et la poésie se libèrent 10.
L’impuissance même manifeste l’impossible propre du sexe dans sa
vérité (ainsi en témoignent encore Le Bleu du ciel ou Le Soleil se lève
aussi). Le plaisir inaccessible pousse le désir jusque vers une inhabitable
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limite où règne « l’horreur d’être assouvi » 11. L’union des corps se trouve
plus ouvertement vouée à ce « naufrage sexuel » par lequel « il s’agit à la
fin de sombrer dans l’horreur de l’être ». Bataille met ces mots dans la
bouche de Dianus : « Des amants se trouvent à la condition de se déchirer.
L’un et l’autre ont soif de souffrir. Le désir doit en eux désirer l’impos-
sible. Sinon, le désir s’assouvirait, le désir mourrait. » 12
Le viol auquel Sanctuaire nous fait assister (et que prolongent les
mutuelles tortures sexuelles des deux amants) est un déchirement de cet
ordre. L’effroi, la nausée, le dégoût participent de cette expérience éro-
tique où chacun jouit visiblement du Mal (autant celui qu’il subit que
celui qu’il inflige), où chacun devient grâce à l’autre « la proie de
l’impossible » 13. Une lecture trop raisonnablement psychologique du
roman (taisant la dimension panique que révèle le mythe) échoue à rendre
compte de la vérité noire qui l’habite, commande les actes (autrement
inintelligibles) des personnages, suscite la fascination (sinon immotivée)
des lecteurs. Aussi scandaleux que cette proposition puisse sembler, l’his-
8. OC, VI, p. 42.
9. « Mais le refuge n’est rien comparé à l’absence de refuge », OC, V, p. 363.
44 10. OC, V, p. 365.
11. OC, V, p. 402.
LITTÉRATURE 12. OC, V, p. 403.
N° 152 – DÉC 2008 13. OC, V, p. 277.
LE DIANUS DE FRAZER : DE FAULKNER À BATAILLE 

toire de Temple et de Popeye est aussi celle d’un amour partagé (ajoutant
que l’amour est envisagé alors comme relation vertigineuse au pire). Le
rapport sexuel étant impossible et avec lui le soulagement du plaisir,
chacun des amants jouit là où l’autre souffre et, par cette blessure ouverte,
il accède grâce à l’autre à cet « au-delà » où gît son « inconnaissable
destin ». L’orgasme impartageable de la victime (qui, dans Sanctuaire,
suscite le hennissement de douleur du voyeur) répond à l’excitation soli-
taire du criminel. Dans cette relation exclusive, le tiers n’est plus qu’un
objet soumis aux règles d’un jeu érotique que d’autres jouent sans souci
de lui : Temple choisit de jouir de l’amant que lui impose Popeye et cette
jouissance lui est une arme afin d’exacerber la frustration de l’homme qui
la séquestre ; mais il faudrait être bien naïf pour ne pas voir que cette frus-
tration, cette jalousie impuissante répondent aussi au désir de Popeye,
constituent la forme souhaitée d’une impossible jouissance qui ne
s’accomplit que dans la mise à mort du rival. Autour de cet assassinat se
scelle la complicité inaperçue du couple sadien, criminel et libertin.
Pour en revenir à lui, l’épi est le pal (au sens que Bataille donne à
ce dernier mot dans son Nietzsche). Il hausse l’individu au sommet, le
déchire, mais portant atteinte à l’intégrité de son être, il lui donne l’occa-
sion de se libérer de lui-même et de s’accomplir. N’importe quel objet
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pourrait faire l’affaire et, songeant à Proust, Bataille pouvait ainsi noter :
« Dès qu’on la tient pour ce qu’elle est — chute de Dieu (de la transcen-
dance) dans le dérisoire (l’immédiat, l’immanence), une tasse de thé est le
pal. » 14 L’épi faulknérien, en ce sens, n’est pas sans rapport avec la made-
leine proustienne : il se constitue en support infime et négligeable d’une
« expérience intérieure » par où l’individu communique subitement avec
la dimension sauvage de l’être. Ce qui advient dès lors mérite le nom de
révélation, repris dans la langue des anciens mythes que réactive le roman
moderne. En ce point (la source de Frenchman’s Bend reflétant celle de
Némi) commence l’initiation de Temple Drake. Il semblerait que ce soit
pour elle que Bataille ait fait parler Dianus : « Ne cherche plus la paix ni
le repos. Ce monde d’où tu procèdes, que tu es, ne se donnera qu’à tes
vices… Que serait la vie d’une voluptueuse sinon ouverte à tous les vents,
ouverte dès l’abord au vide du désir ? D’une façon plus vraie que l’ascète
moral, une chienne ivre de plaisir éprouve la vanité de tout plaisir. Ou
plutôt la chaleur ressentie par elle à savourer dans la bouche une horreur
est le moyen de désirer de plus grandes horreurs. » 15 45
14. OC, VI, p. 79. LITTÉRATURE
15. OC, V, p. 396. N° 152 – DÉC 2008

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