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Dermatologie 2018/2019

Dermatoses bulleuses auto-immunes


I. Objectifs
✓ Reconnaître les caractères distinctifs des pemphigus , pemphigoide bulleuse , dermatite herpétiforme
✓ Identifier et interpréter les examens histopathologiques et biologiques ( immunofluorescence indirecte )
✓ Expliquer les grandes lignes du traitement
II. Introduction
• Les dermatoses bulleuses auto-immunes ( DBAI ) constituent un groupe hétérogène de maladies
• Diagnostic : clinique + histologie + immunopathologique
• On distingue ainsi deux grands groupes de DBAI :
▪ Intra-épidermique : groupe des pemphigus
▪ Sous-épidermique : groupe de DBAI de la jonction
• Ensemble d’affection dont la lésions élémentaire prédominante est une bulle
• Il faut savoir penser à une dermatose bulleuse devant :
▪ Des bulles desséchées réduites en croûte
▪ Des érosions post-bulleuses arrondies au niveau de la peau , les muqueuses et les semi-muqueuses
• Pronostic variable , parfois péjoratif
• Qualité de vie altérée
• Urgence dermatologique +++
III. Rappel physiopathologique

Système de jonction intra-épidermique et dermoépidermique

• Parmi les DBAI , on distingue , en fonction du site de clivage :


▪ Les DBAI sous épidermiques : perte de l’adhésion dermo-épidermique secondaire à l’altération d’un de ses
composants par des auto-anticorps
▪ Les DBAI intra-épidermiques (groupe de pemphigus ) : perte de cohésion des kératinocytes ( acantholyse )
est due à l’altération des desmosomes par des auto-anticorps
 N.B : en pratique courante :
• Les anticorps dirigés contre la JDE : anticorps anti-membrane basale
• Les anticorps déposés à la péripéhrie des kératinocytes dans les pemphigus , anticorps anti-substance
intercellulaire ( anti-SIC )
IV. Diagnostic
1. Positif :
• Diagnostic de présomption = clinique + histologique
• Diagnostic de confirmation = Immunopathologie

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a. Interrogatoire :
• Prise médicamenteuse +++ : IEC , diurétiques
• Circonstances d’apparition : Age …
• Délai d’évolution
• Notion d’ATCD similaires
• Signes fonctionnels : prurit …
• ATCD personnels : neuropathies …
b. Clinique :
• Topographie des lésions : localisée , généralisée
• Recherche d’autres lésions élémentaires
• Recherche des lésions muqueuses
• Recherche d’adénomégalies
• Examen clinique général : TA , FR , température
• Bulle +++ :
• Il faut également évoquer une dermatose bulleuse devant :
▪ Erosion cutanée post-bulleuse , caractéristique par sa forme arrondie , parfois entourée d’une collerette
épithéliale périphérique , parfois recouverte d’une croûte
▪ Erosion des muqueuses , les bulles y étant particulièrement fugaces et rarement vues
▪ Vaste décollement épidermique donnant un aspect de linge mouillé sur la peau
▪ Signe de Nikolsky correspondant à un décollement cutané provoqué par un frottement appuyé sur la peau
saine . Il traduit une fragilité cutanée et il est surtout positif au cours des pemphigus

Pemphigus vulgaire Croûtes post-bulleuses


Pemphigoide bulleuse

Bulles muqueuses : facilement érodées

Lésions post-bulleuses

▪ Surtout : signe de Nikolski ?  Degré d’étendue des lésions décollées / décollables


▪ Nikoski + ➔ Bulle intra-épidermique QEE +++
▪ Nikolski - ➔ Bulle sous-épidermique

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• On distingue :
▪ Décollement dans l’épiderme :
➢ Bulle fragile
➢ Signe de Nikolski
➢ Lésions post-bulleuses
▪ Décollement sous-épidermique :
➢ Bulles solides , tendues
➢ Pas de signe de Nikolski
c. Paraclinique :

IFD

Site de biopsie
pour histologie
standard

 Examens complémentaires : selon l’intensité du décollement


• Pour orienter le diagnostic étiologique :
▪ Biopsie cutanée : examen standard et IFD
▪ Prélèvements microbiologiques
▪ Cytodiagnostic
▪ Recherche d’anticorps circulants anti-peau
• Pour confirmer le diagnostic étiologique :
▪ Biopsie cutanée : IFD avec et sans clivage Na Cl
▪ Recherche d’anticorps circulants anti-peau
• Pour évaluer les conséquences des décollements :
▪ Ionogramme sanguin : éosinophilie PB
▪ Gazométrie artérielle
▪ Hémocultures

2. Différentiel :
a. Toxidermie médicamenteuse : A toujours évoquer de principe
b. Rechercher le digne de Nikolski :
• Il est présent :
▪ Décollement intra-épidermique
▪ 3 étiologies :
➢ Nécrose épidermique toxique ( Lyell médicamenteux )
➢ Les pemphigus
➢ La nécrose épidermique staphylococcique ( SSSS )
• Il est absent :
▪ Décollement sous-épidermique :
➢ Toxidermie médicamenteuse
➢ Eczéma de contact bulleux
➢ Dermatoses auto-immunes sous épidermiques ( pemphigoïe bulleuse le plus souvent )

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c. L’érythème polymorphe :
• Bulles entourées d’un halo inflammatoire : cocarde
• Topographie distame , bilatérale , symétrique
• Evolution centripète
• Atteinte muqueuse ( oculaire , génitale , buccale )
d. En fonction de l’âge du patient :
• Nouveau-né , nourrisson :
▪ Maladie bulleuse héréditaire congénitale
▪ Nécrose épidermique staphylococcique
• Jeune , adulte :
▪ Nécrose épidermique toxique
▪ Erythème polymorphe
• Personne âgée :
▪ Pemphigoïde bulleuse
▪ Nécrose épidermique toxique

Bulle tendue : Décollement sous- Impétigo bulleux


Eczéma de contact bulleux à un anti-
épidermique
inflammatoire en topique
V. Etiologies :
DBAI sous-épidermique DBAI intra-épidermiques
✓ Pemphigoïde bulleuse ✓ Pemphigus profond :
✓ Pemphigoïde gravidique ➢ Vulgaire
✓ Pemphigoïde cicatricielle ➢ Végétant
✓ Dermatite herpétiforme ➢ Superficiel foliacé et séborrhéique
✓ Dermatoses à IgA linéaire ➢ Paranéoplasique
✓ Epidermolyse bulleuse acquise ➢ Induit

• La classification des pemphigus repose sur l’aspect clinique , le niveau de clivage histologique et l’identification
de l’antigène cible des auto-anticorps
• Pemphigus profond : La prédominance des lésions muqueuses , l’existence d’un clivage superbasal et la
production d’auto-anticorps dirigés contre la desmogléine 3 ( Dsg 3 )
• Pemphigus superficiels : La prédominance des lésions cutanées , l’existence d’un clivage sous-corné et la
production d’auto-anticorps reconnaissant la Dsg1
1. DBAI épidermique
a. Pemphigus profond
i. Pemphigus vulgaire
• Fréquent dans notre pays , vers 50 ans
• Clinique : Pas de prurit +++
• Atteinte muqueuse souvent inaugurale ( QE )

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• L’atteinte buccale est la plus fréquente


• Erosions douloureuse et récidivantes
• La surinfection herpétique à évoquer devant une aggravation des lésions
• L’atteinte des autres muqueuses : génitale , œsophage , laryngo-pharyngée ,
oculaire
• Lésions bulleuses flasques , contenu séreux
• Placard érosif hémorragique
• Laissant rapidement place à des érosions recouvertes de croutes , parfois
entourées d’une collerette épidermique
• Signes de Nikolski : positif

ii. Pemphigus végétant


• IDEM pemphigus vulgaire
• Grands plis , sur le visage et le cuir chevelu ainsi qu’au niveau des extrémités
• Cicatrisation végétante
• Examen paraclinique :
▪ Cytodiagnostic du plancher de la bulle : Révèle des cellules acantholytiques
▪ Histologie : Bulle intra-épidermique avec acantholyse
▪ IFD : Dépôt en maille de filet interkératinocytaire d’IgG
• Diagnostic :
▪ Histologie : clivage sus-épidermique + acantholyse
▪ IFD :
▪ IFI : constitue de plus un examen quuantitatif utile pour le suivi des malades
• Traitement + évolution :
• Corticothérapie générale à forte dose : prednisone ( 1 à 2 mg / kg par jour ) puis dégression progressive

b. Pemphigus superficiel :
• Les pemphigus superficiels sont caractérisés par un clivage intra-épidermique survenant dans la couche
granuleuse
• Atteinte muqueuse = 0 (QE)
• 2 formes :
▪ Localisée ( séborrhéique ) : face antérieure du thorax , visage , cuir chevelu , région interscapulaire
▪ Disséminée ( foliacé )
• Il n’existe habituellement pas d’atteinte muqueuse
• L’atteinte cutanée est celle du pemphigus vulgaire
• Traitement des pemphigus superficiels :
• Forme localisée ou peu étendue : dermocorticoïdes associés à la Disulone

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• Forme étendue : une hospitalisation est souhaitable afin d’instaurer une corticothérapie éventuellement
associée à un traitement adjuvant par Disulone et / ou tétracyclines

2. DBAI sous épidermique :


a. Pemphigoïde bulleuse :
• > 60 ans
• Prurit intense
• Bulles tendues de taille variable , parfois hémorragique sur des placards
érythémato-papuleux urticariens
• La muqueuse buccale peut être atteinte dans 10 à 20% des cas
• Signe de Nikolski négatif
• Signes cliniques :
▪ Début par un prurit généralisé , par des placards eczématiformes ou
urticariens
▪ Lésions symétriques avec une prédilection pour les faces de flexion et
la racine des membres , la face antéro-interne des cuisses et
l’abdomen
• Examens complémentaires :
▪ Eosinophilie sanguine
▪ Histopathologie : une bulle sous-épidermique intact
▪ IFD : Dépôts linéaires d’IgG et de complément dans la zone de la membrane basale
▪ IFI : Présence d’anticorps circulants anti-membrane basale
• Traitement :
▪ Corticothérapie locale très forte :
➢ 40 g/j de Propionate de clobétasol , jusqu’au 15ème jour après contrôle de la
maladie
➢ Puis 30g/2j pendant 15j puis 30g*2/semaine pendant 2 mois puis 30g / semaine
pdt 4 mois
▪ Dermoval tube 10g , Diprolène tube 15g
▪ Durée totale du traitement : 1 an
▪ En cas d’échec cortico orale 0.5 mg/kg/j
➔ Une telle approche thérapeutique permet de diminuer la mortalité d’origine iatrogène

b. Autres DBAI de la jonction dermo-épidermique :


i. Pemphigoïde gravidique :
• ème ème
2 et 3 trimestre souvent dans la région périombilicale
• Peut récidiver lors des grossesse ultérieures
• Pronostic fœtal est dominé par le risque de prématurité et RCIV

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• Traitement IDEM pemphigoide bulleuse


ii. Pemphigoïde cicatricielle
• Rare
• 80 ans
• Prédominance féminine
• Clinique : forme classique :
▪ La muqueuse buccale ( 80-90% des cas ) : Les
bulles intrabuccales sont rares , localisées sur
le palais , la langue ou les gencives , l’aspect de gingivite est le plus fréquent
▪ L’atteinte oculaire survient dans 50 à 70% des cas : elle réalise une conjonctivite chronique et synéchiante ,
d’abord unilatérale , puis bilatérale , résistante aux traitements locaux
▪ L’atteinte pharyngo-laryngée ( 8 à 20% des cas ) : doit être systématiquement recherchée en raison de
risque de fausses routes et de complications locales ( fistulisation )
▪ L’atteinte génitale ( 15% des cas ) réalise , chez l’homme , un tableau de balanite , érosive et synéchiante et
, chez la femme , des lésions bulleuses et érosives souvent douloureuses avec sensations de brûlure
▪ Les lésions cutanées sont observées dans 25% des cas , généralement peu nombreuses à type d’érosions
chroniques
• Diagnostic :
▪ Histologie + IFD = celles de PB
▪ IFD sur peau clivée : les anticorps fixés le plus souvent sur le toit , mais aussi parfois au plancher de la zone
de clivage . Les anticorps antilaminine sont toujours retrouvés sur le plancher du clivage
• Traitement :
▪ Doit être plus fort que celui de la PB
▪ La dapsone le traitement de première intention , efficace sur la composante inflammatoire oculaire et
surtout sur l’atteinte endobuccal

iii. Dermatite herpétiforme :


• L’adolescent ou l’adulte jeune
• Sa physiopathologie fait intervenir une hypers
• La clinique :
▪ Prurit diffus , longtemps isolé
▪ Bulles à disposition symétrique aux épaules , aux fesses , face , extension
coudes et derrière les genoux en bouquet
• La maladie coeliaque associée est la plus souvent asymptomatique
• L’IFD montre des dépôts granuleux d’IgA en mottes , au sommet des papilles dermiques , sous la JDE
• Traitement : la disulone , régime sans gluten

iv. Dermatose à IgA linéaire :


• Sujets d’âge moyen ( 50 ans ) , enfant
• Atteinte muqueuse ( 20 à 30% )
• Chez l’enfant : aspect clinique , particulier avec des
▪ De grande taille , associées à des vésicules en bouquet ➔ aspect en
rossette (QE )
▪ Prédominant sur la moitié inférieure du tronc , sur les fesses , sur le
périnée et sur les cuisses
• Chez l’adulte : formes d’évolution aigue induites par les médicaments ( vanomycine , AINS )
• IFD : des dépôts linéaires d’IgA isolés ou prédominant sur la JDE ( ou la jonction chorioépithéliale en cas
d’atteinte muqueuse )
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• Traitement : La Disulone , arrêt du médicament responsable si forme induite


• Association dermatose à IgA linéaire / maladie coeliaque est fréquente

v. Epidermolyse bulleuse acquise :


• Maladie exceptionnelle de l’adulte jeune ( cible = collagène VII )
• Bulles mécaniques , flasques , en peau saine sur les zones de
frottement et les extrémités ( zones du traumatisme ) , laissant place
à des cicatrices atrophiques et des kystes milium
• L’histologie + IFD des dépôts d’IgG et de C3 = pemphigoïde bulleuse et
la pemphigoïde cicatricielle
➔ IFD sur peau clivée : les dépôts siègent au niveau du plancher du site
de clivage
• Elle est associée à une maladie de Crohn dans 25% des cas

VI. Traitement
1. Mesures générales :
• Bains antiseptiques
• Hydratation compensant les pertes hydro-électolytiques en s’efforçant de ne pas utiliser de voie veineuse
compte tenu du risque infectieux
• Nutrition hypercalorique compensant les pertes protéiques
• Les mesures adjuvantes associées à la corticothérapie
2. Traitement de fond

VII. Conclusion
• Le pemphigus est la DBAI la plus fréquente dans notre contexte marocain
• La PB est la DBAI la plus fréquente chez le sujet âgé
• Le diagnostic nécessite une combinaison d’examens clinique , histologique et immunopathologique
• Le traitement repose sur la corticothérapie générale
• Du fait de ses effets secondaires , l’adjonction d’immunosuppresseurs dans un but d’épargne en corticoïdes est
couramment utilisée

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