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Traitements lourds Ann Dermatol Venereol

2007;134:978-81

Infliximab : Rémicade®
H. BACHELEZ

L
es avancées dans l’élucidation des mécanismes physio-
pathologiques des pathologies inflammatoires chroni-
Indications reconnues en dermatologie
ques, et particulièrement la contribution majeure de
cytokines favorisant l’inflammation comme le TNF, ont con- Indications de l’AMM en dermatologie
duit à la mise au point d’agents thérapeutiques inhibant les
effets de ces mêmes cytokines. En dermatologie, plusieurs La seule indication en dermatologie qui fasse l’objet d’une
molécules issues des biotechnologies ont ainsi été récem- autorisation de mise sur le marché (AMM) est le psoriasis en
ment approuvées dans l’indication des formes réfractaires, plaques dans ses formes sévères, résistant ou présentant une
sévères, de psoriasis, parmi lesquelles l’infliximab qui est un contre-indication ou une intolérance à au moins deux des
anticorps monoclonal anti-TNF. trois traitements conventionnels suivants : photothérapie
(PUVAthérapie ou photothérapie UVB à spectre étroit), mé-
thotrexate, ciclosporine (annexe II)*.
Le produit disposait déjà d’une AMM pour les atteintes ar-
Mécanismes d’action ticulaires du psoriasis, pour la polyarthrite rhumatoïde, la
spondylarthrite ankylosante et la maladie de Crohn. La com-
L’infliximab (Rémicade®) est un anticorps chimérique qui mission de transparence a fixé les critères de sévérité qui éta-
reconnaît le TNF-α et neutralise son action, en empêchant blissent plus précisément le cadre du remboursement : il
sa fixation sur son récepteur. Il inhibe ainsi de façon spéci- s’agit de patients ayant un score de sévérité PASI > 10
fique les multiples actions du TNF, cytokine qui joue un (annexe I) et une altération importante de la qualité de vie
rôle-clé dans la pathogénèse de plusieurs maladies inflam- définie par un score DLQI (Dermatology Life Quality Index)
matoires chroniques, dont le psoriasis cutané et articulaire. > 10. L’infliximab est à ce jour le traitement biologique qui a
La présence de parties variables d’origine murine, qui repré- la meilleure efficacité globale au cours du psoriasis, avec
sentent 25 p. 100 de la molécule, et incluent les sites de re- dans les essais cliniques une proportion de malades amélio-
connaissance du TNF, explique le développement possible rés d’au moins 75 p. 100 du score de sévérité PASI (PASI 75)
chez le malade traité d’anticorps anti-infliximab qui sont à la dixième semaine qui atteint 80 p. 100 (4,5). Une efficaci-
susceptibles d’inhiber son action thérapeutique, et de favo- té sur l’atteinte unguéale a également été démontrée.
riser les réactions d’hypersensibilité [1]. Le fragment Fc de
l’anticorps est une IgG1 humaine. À la différence de l’éta-
nercept, l’infliximab est susceptible d’entraîner une apopto- Indications hors AMM en dermatologie
se de cellules (lymphocytes T, macrophages) exprimant à
leur surface la forme membranaire du TNF, mais il n’entraîne L’efficacité de l’infliximab sur les autres formes de psoriasis,
pas de lymphopénie. La demi-vie de l’infliximab est de 8 à en particulier les formes érythrodermiques et pustuleuses, a
9,5 jours. été rapportée dans des études observationnelles, mais ces in-
dications ne font pas l’objet d’une AMM. Il en est de même
pour d’autres pathologies cutanées inflammatoires telles que
les formes sévères, résistantes de sarcoïdose, ou de maladie
de Verneuil.
Service de Dermatologie 1 et Université Paris 7, AP-HP, Hôpital Saint-Louis,
1, avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris. En résumé, et compte tenu du profil d’efficacité et de tolé-
Tirés à part : H. BACHELEZ, à l’adresse ci-dessus. rance de la molécule, l’infliximab est le traitement de choix
E-mail : herve.bachelez@sls.aphp.fr des formes sévères, instables de psoriasis en plaques, avec
un retentissement majeur sur la qualité de vie du patient, et
sur les formes articulaires de la maladie.

Le Pr H. Bachelez qui a réalisé le chapitre « Infliximab » pour le numéro spécial


sur les « Traitements lourds en dermatologie » déclare ce jour avoir des conflits
d’intérêts avec les laboratoires Abbott, Merck Serono, Schering Plough, Wyeth. * Les annexes appelées dans cet article sont regroupées en fin de numéro.

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traitements intermittents et irréguliers. Elles justifient une


Toxicité et effets secondaires surveillance et parfois des corticoïdes injectables. En ce qui
concerne le risque d’auto-immunité, si les manifestations
Infections bactériennes sévères et tuberculose biologiques semblent fréquentes, en particulier l’apparition
d’anticorps antinucléaires, les cas de lupus induits sont rares,
L’infliximab, comme les autres inhibiteurs du TNF, est asso- et semblent d’évolution souvent bénigne.
cié à un risque accru d’infections bactériennes sévères et de
tuberculose chez les malades atteints de pathologies inflam-
matoires articulaires, en particulier au cours de la polyarthrite Éruptions psoriasiformes
rhumatoïde.
Enfin, l’apparition d’éruptions psoriasiformes, pustuleuses
Le risque de tuberculose semble notablement plus impor-
ou non, a été rapportée sous infliximab, étanercept et adali-
tant en comparaison avec celui de l’étanercept. De plus, des
mumab, faisant discuter un effet classe-dépendant dont la
cas de tuberculose grave disséminée, extra-pulmonaire et de
physiopathologie reste encore mal comprise.
survenue précoce, ont été rapportés au cours de la polyarth-
Les registres spécifiques aux patients atteints de psoriasis
rite rhumatoïde (PR). Ce risque est actuellement inconnu
qui ont été récemment mis en place dans plusieurs pays
chez les malades psoriasiques, mais semble moindre qu’au
d’Europe devraient permettre de préciser l’impact éventuel
cours de la PR. Ainsi, si trois cas d’effet indésirable grave in-
réel des inhibiteurs du TNF, et donc de l’infliximab, sur le
fectieux ont été rapportés au cours des essais randomisés
risque d’infection sévère et de cancer, en particulier cutané,
contre placebo chez les malades atteints de psoriasis, aucun
chez les malades atteints de psoriasis.
cas de tuberculose ou d’infection opportuniste n’a été obser-
vé. De rares cas de tuberculose ont été rapportés au cours
d’études observationnelles. Même si ces données sont rassu-
rantes, la même prudence doit prévaloir pour l’ensemble des Facteurs susceptibles de modifier l’efficacité
agents inhibant l’action du TNF, particulièrement en ce qui du traitement
concerne le risque infectieux. Pour la prévention du risque
de tuberculose, les recommandations de l’Afssaps nécessi-
Au cours des études cliniques, la proportion de malades amé-
tent, pour les sujets à risque de réactivation tuberculeuse, de
liorés de 75 p. 100 ou plus n’était que de 61 p. 100 au bout
ne débuter l’infliximab qu’après 3 semaines d’un traitement
d’un an, contre 80 p. 100 à 6 mois. Cette perte secondaire
par isoniazide et rifampicine (Rifinah® deux comprimés par
d’efficacité semble au moins en partie liée à l’apparition d’an-
jour) qui sera poursuivi pendant 3 mois au total. En attente
ticorps anti-infliximab, qui étaient détectés chez environ
de la diffusion de nouveaux tests diagnostiques d’infection
20 p. 100 des malades traités dans les essais cliniques. Ainsi,
mycobactérienne (par exemple tests biologiques sanguins de
seuls 39 p. 100 des malades développant ces anticorps ont une
type Quantiféron®), tout malade présentant un test cutané
réponse confirmée entre S10 et S50, alors que cette proportion
tuberculinique (Tubertest®) supérieur à 5 mm doit être con-
est de 81 p. 100 chez les malades indemnes d’anticorps.
sidéré comme à risque, en dehors de ceux ayant récemment
Les administrations régulières ont démontré leur avanta-
été vaccinés par le BCG.
ge, en termes d’efficacité et de tolérance, sur les administra-
tions intermittentes « à la demande », ce dernier schéma
Risque de cancer favorisant le développement d’anticorps anti-infliximab et les
réactions d’intolérance.
Les données issues des essais cliniques restent rassurantes,
mais l’impact à plus long terme reste inconnu au cours du
psoriasis. Des données issues de méta-analyses des essais
randomisés menés chez les malades atteints de pathologies Modalités pratiques d’utilisation
rhumatologiques montrent un risque accru de cancer (carci-
nome et lymphome) chez les malades recevant de fortes doses Formes et présentation – Dispensation –
d’infliximab ou d’adalimumab. Des cas de cancer cutané
Précautions de conservation
ayant été signalés au cours de ces études chez des malades
sans antécédents de photothérapie, il apparaît prioritaire de Classe pharmacothérapeutique : agent immunosuppresseur
constituer des registres permettant d’évaluer l’impact des trai- sélectif : code ATC : L04AA12.
tements inhibiteurs du TNF sur le risque de survenue de car- Liste I. Réservé à l’usage hospitalier. Inscrit sur la liste des
cinome cutané au cours du psoriasis. spécialités prises en charge en sus de la T2A. Laboratoires
Schering-Plough.
Réactions immuno-allergiques Poudre (lyophilisée) pour solution à diluer pour
perfusion : 100 mg par flacon.
Parfois sévères, elles peuvent survenir dans environ 3 p. 100 Après reconstitution, chaque ml contient 10 mg d’inflixi-
des cas pour les formes sévères, et sont favorisées par des mab. À conserver au réfrigérateur.

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Après reconstitution : la stabilité est de 24 heures à tempé- d’anticorps antinucléaires ne contre-indique pas le traitement
rature ambiante (25 °C). par infliximab.
L’infliximab est administré exclusivement par voie intra-
veineuse, en hospitalisation de jour. Le malade doit être
maintenu en observation pendant environ 1 heure au moins
Surveillance
après la fin de la perfusion afin de détecter et traiter de ma- Elle est exclusivement clinique, et doit être expliquée au ma-
nière précoce une réaction d’hypersensibilité. lade, en particulier la nécessité d’arrêter les injections et de
contacter son dermatologue en cas de fièvre, de tout signe
Posologie d’infection cutanée ou pulmonaire. La réalisation d’examens
complémentaires n’est pas recommandée à titre systémati-
La posologie recommandée est de 5 mg/kg en perfusion in- que, mais peut-être justifiée en fonction du contexte clinique
traveineuse d’une durée de 2 heures, suivis par des perfu- (radio pulmonaire en cas de fièvre).
sions supplémentaires de 5 mg/kg aux semaines 2 et 6 après
la première perfusion, puis ensuite toutes les 8 semaines.
Si un patient ne répond pas à la semaine 14 (i.e. après quatre Précautions d’emploi (annexe III)
doses), aucun traitement supplémentaire par infliximab ne Toutes les vaccinations à l’aide de vaccin vivant (polio buccal,
doit être administré). fièvre jaune, BCG) sont contre-indiquées pendant la durée du
Ces doses sont supérieures à celles qui sont recomman- traitement, et il est donc opportun de vérifier et mettre à jour
dées en rhumatologie, qui sont de 3 mg/kg. le calendrier vaccinal chez un malade avant de débuter le trai-
L’intérêt d’augmenter les doses en cas de diminution tement. Les vaccinations contre la grippe ou anti-pneumococ-
d’efficacité n’est pas établi, et celui d’une augmentation de cique sont par contre recommandées chez les patients à
fréquence des perfusions reste également à démontrer. risque.
La durée du traitement n’est pas limitée, mais un schéma ré- En cas d’intervention chirurgicale programmée, le traite-
gulier et continu pendant environ un an est favorisé. ment doit être interrompu 2 à 3 semaines auparavant (pério-
de correspondant à deux demi-vies).
Bilan pré-thérapeutique Enfin, la grossesse et l’allaitement constituent des contre-
indications. Cependant, une interruption volontaire de gros-
Le bilan réalisé avant traitement vise avant tout à dépister une sesse n’est pas recommandée à titre systématique en cas de
éventuelle contre-indication : il est commun pour toutes les grossesse survenue sous infliximab. En cas de désir de gros-
biothérapies : examen clinique à la recherche de tout signe sesse, le traitement doit être interrompu au moins 3 mois
d’infection, d’antécédent de tuberculose, de tout signe ou avant d’envisager une conception. Chez les patients de sexe
d’antécédent de pathologie démyélinisante (sclérose en masculin, la conception est autorisée durant la durée du trai-
plaques), et les antécédents de cancer doivent également être tement, les données récentes n’ayant révélé aucune tératogé-
systématiquement recherchés, de même que des signes d’in- nicité de la molécule.
suffisance cardiaque congestive (les stades III et IV consti-
tuent des contre-indications). Une infection bactérienne
évolutive, une infection par le virus de l’immunodéficience
humaine, une infection réplicative par le virus de l’hépatite B Sites susceptibles de fournir des renseignements
ou C constituent des contre-indications, de même que la gros- complémentaires sur le sujet
sesse ou l’allaitement. En ce qui concerne les néoplasies, tout
antécédent de cancer datant de moins de 5 ans est une contre- Fiches pratiques sur le suivi des anti-TNFα réalisées par le
indication, à l’exception du carcinome basocellulaire. Au-delà CRI (Club Rhumatismes et Inflammations) : http://www.cri-
de ce délai, la décision doit faire l’objet d’une discussion plu- net.com.
ridisciplinaire, en étroite collaboration avec les oncologues. Site de l’Observatoire RATIO : Recherche Axée sur la Tolé-
Une radiographie pulmonaire, des tests cutanés tuberculimi- rance des Biothérapies : http://www.observatoire-ratio.org.
ques complètent ce bilan pré-thérapeutique. Un panorami- Recommandations nationales de l’Afssaps pour la préven-
que dentaire ou un examen gynécologique peuvent être tion et la prise en charge des tuberculoses survenant sous
demandés en absence de vérification récente ou en fonction anti-TNFα (juillet 2005): http://afssaps.sante.fr.
du contexte clinique. Centre de référence sur les agents tératogènes : http://
www.lecrat.org.
Dépistage d’anticorps antinucléaires
Référence
Il semble justifié pour l’infliximab afin de pourvoir au mieux
le lien entre le traitement et un éventuel tableau clinique dy- 1. Klotz U, Teml A, Schwab M. Clinical pharmacokinetics and use of in-
simmunitaire apparu sous infliximab. Par contre, la présence fliximab. Clin Pharmacokinet 2007;46:645-60.

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FICHE PRATIQUE – INFLIXIMAB : RÉMICADE®


Bilan à réaliser avant de débuter un traitement par – examen clinique orienté, Numération formule sanguine,
infliximab électrophorèse des protides

Tuberculose Insuffisance cardiaque


– antécédent de tuberculose personnelle ou familiale et – antécédent personnel, examen clinique
entourage Grossesse
– radiographie de thorax
Vaccinations
– Tubertest
Infections Posologie et mode d’administration
– antécédent d’infections sévères/chroniques/récidivantes
En hospitalisation de jour
– (numération formule sanguine)
– sérologies des hépatites B et C, VIH 5 mg/kg en perfusion intraveineuse courte (30 minutes),
à répéter aux semaines 2, 6 puis toutes les 8 semaines
Pathologie démyélinisante
– antécédent personnel et familial de pathologie démyéli- Surveillance d’un traitement par infliximab
nisante
Surveillance exclusivement clinique
Autoimmunité Objectifs : évaluer l’efficacité du traitement et dépister
– examen clinique, anticorps antinucléaires d’éventuelles complications
Affections hématologiques et néoplasies solides Évaluation du traitement à 3 mois : si absence de bénéfice
– antécédent personnel de néoplasie, lymphome, hémopathie clinique : arrêt du traitement

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