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22/11/2021 23:15 L’éternel retour au Meilleur des mondes | Accattone

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"Il est intolérable d'être toléré"

L’éternel retour au Meilleur des mondes

8 juillet 2021 ·
par mathieulavarenne ·
dans Dossiers. ·

Si la dystopie, c’est l’art littéraire, d’un point de vue pessimiste, du prolongement fictif des avancées techniques et technologiques qui caractérisent
une époque, le britannique Aldous Huxley (1894-1963) en est un maître. Il y a consacré deux écrits fondamentaux, publiés à 30 ans d’écart, et qui
abordent de façons différentes la question de la dictature : un roman, Brave New World en 1931 et un essai, Brave New World Revisited en 1958. Un
retour aux sources tourné vers le futur, celui de la surveillance généralisée.

Après la première séquence de la révolution industrielle au début du XIXème siècle, celle du charbon et de l’acier, qui a vu les forces naturelles,
humaines et animales concurrencées par celles de la machine à vapeur, avec le développement de la sidérurgie et du chemin de fer, mais aussi la
bascule du monde de l’artisanat et de l’agriculture vers celui de l’industrie, Aldous Huxley a grandi sous l’ère technologique du pétrole et de
l’électricité, celle du moteur à explosion, de la chimie ou encore de la télégraphie sans fil. Une époque – la «  Belle Époque  » – qui, pour ses
contemporains, semblait grosse de progrès encore plus fulgurants dans un avenir proche. 

Conscient du caractère révolutionnaire de ce qui était en train d’être vécu avec la profonde modification des modes de production, mais échaudé aussi
par les horreur de la guerre – la « Grande Guerre » –, Aldous Huxley projette sa « fable » du Meilleur des mondes au « 7ème siècle » d’une nouvelle ère, « en
l’an 632 après Ford » (soit en 2540 de notre calendrier grégorien), l’an zéro de cette nouvelle ère s’indexant sur la construction de la première Ford T en
1908. Publiée en 1931, cette dystopie glaçante est devenue une référence incontournable, alimentant toujours la réflexion sur notre société moderne.

Sur la fin de sa vie, Aldous Huxley est donc revenu une nouvelle fois, mais de façon plus approfondie sur la problématique politique du risque de
l’avènement de la dictature : le Retour au meilleur des mondes, essai de nature philosophique, paraît ainsi en 1958. Le ton est celui de la causerie
existentielle, parfois un peu légère, mais avec l’art de mettre le doigt sur les problèmes fondamentaux de la vie en société et de ses dérives potentielles.

Dès sa nouvelle préface de 1946, le romancier avait déjà durci son jugement sur l’évolution du siècle : « il semble que l’Utopie soit beaucoup plus proche de
nous que quiconque ne l’eût pu imaginer, il y a seulement quinze ans. À cette époque je l’avais lancée à six cents ans dans l’avenir. Aujourd’hui, il semble pratiquement
possible que cette horreur puisse s’être abattue sur nous dans le délai d’un siècle ». En 1961, lors d’une interview à la radio française, Huxley se disait aussi
« terrifié » par le fait que plusieurs de ses « prophéties » s’étaient finalement déjà réalisées en moins de 30 ans.

L’espoir que le XXème siècle a froidement douché, c’est ce positivisme naïf qui s’imaginait que les avancées scientifiques entraîneraient nécessairement
une amélioration du sort de l’humanité. Là où le XIXème siècle avait pu croire que le progrès moral serait la conséquence inéluctable du progrès
scientifique, la première moitié du XXème, qui a forgé la conscience du jeune Huxley, a au contraire prouvé que leurs courbes de progression pouvaient
être inversement proportionnelles. Adolf Hitler n’avait-il pas été un dictateur High-tech, utilisant à des fins diaboliques les nouveaux acquis de la
technologie (comme par exemple les machines à cartes perforées de Dehomag,  franchise allemande d’IBM, qui permit un recensement détaillé des
Juifs) ? Aldous Huxley souligne à quel point le Führer allemand « a utilisé tous les moyens modernes de son époque » au service de la propagande, de la
terreur et de la violence. 

Il s’agit non pas de se défier de la machine, pas plus que de la déifier. Mais de se poser inlassablement la question des usages, bons ou mauvais, des
outils développés par l’humanité. 

Combien d’événements anxiogènes avaient déjà bouleversé la scène mondiale : grandes purges staliniennes, camps d’extermination et eugénisme nazis,
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invention de la bombe atomique et mise en œuvre destructrice sur deux villes japonaises. Combien d’avancées techniques avaient changé le quotidien
des humains, avec toute une panoplie de nouveaux outils dont les usages prometteurs ne pouvaient éteindre les inquiétudes quant à leurs dérives
potentielles. 

Alors, logiquement, la troisième séquence de la révolution industrielle, celle de l’atome et de l’électronique, celle du développement de la psychologie
sociale et de la génétique (avec la mise en évidence de la structure de l’ADN en 1953), va non seulement alimenter les craintes de Huxley, mais aussi
donner un air encore plus prophétique à ses écrits.

« 1984 » OU LE PIRE DES MONDES

Un autre événement, sur le plan littéraire cette fois, sera encore à l’œuvre dans ce « retour au meilleur des mondes » : c’est la rédaction, en 1948, du 1984 de
Georges Orwell, inventeur d’un autre modèle dystopique placé sous la tutelle de fer de son « Big Brother », devenu figure allégorique de tout régime
policier totalitaire. Aldous Huxley, qui avait à l’époque envoyé une lettre de félicitations à son auteur, va y comparer son propre livre, en plus de le
comparer avec ce que le réel est devenu. 

En 1931, dit-il, « notre monde était torturé par l’anarchie », c’était le système du « libéralisme désordonné ». Le meilleur des mondes était à l’inverse un monde
souffrant d’un « excès d’ordre ». Mais non pas celui de la dictature brutale décrite par Orwell qui « projetait dans l’avenir, en le grossissant, un présent qui
contenait le stalinisme et un passé immédiat qui avait vu fleurir le nazisme ». Ces régimes de la terreur avaient semblé donner tort à la projection futuriste
d’Aldous Huxley, moins brutale et moins frontale, qui parvenait à «  l’abolition du libre arbitre par un conditionnement méthodique  », par le «  système
scientifique des castes », « la servitude » étant « rendue tolérable par des doses régulières de bonheur chimiquement provoqué ». Or, selon Huxley, « la manipulation
non violente du milieu », « le contrôle par renforcement des attitudes satisfaisantes au moyen de récompenses » sont supérieurs au contrôle par la répression, la
terreur et le châtiment. 

En 1958, l’auteur se déclare ainsi « beaucoup moins optimiste » qu’en 1931, non pas tellement parce que la « liberté est en déclin », mais surtout parce que « le
désir de la posséder » tend à s’étioler, au contraire d’une tendance plus fondamentale : l’acceptation doucereuse de la servitude volontaire. « La dictature
démodée, style 1984, de Staline a commencé à céder du terrain devant une forme de tyrannie plus moderne  ». Au fond, s’exclame-t-il, «  l’avenir des chances de
ressembler au meilleur des mondes plutôt qu’à 1984  ». Autrement dit, la dictature de Staline n’est pas forcément la plus à craindre pour les démocraties
occidentales. 

Le mal pourrait bien venir de l’intérieur, d’une façon plus retorse.

UNE PLANÈTE SURPEUPLÉE

Quinze ans avant la sortie du film Soleil Vert (1973), inspiré par un roman de 1966 prenant pour toile de fond un New-York aux 44 millions d’habitants
dont l’accès à l’eau et à la nourriture est devenu difficile pour cause de réchauffement climatique, Aldous Huxley s’étend sur la question de
l’augmentation exponentielle de la population terrestre, «  le problème principal qui se pose à l’humanité  », selon lui. «  L’âge qui vient ne sera pas celui de
l’espace cosmique  », qu’il nomme encore l’«  exubérant bavardage post-Spoutnik  » sur les projets d’expéditions lunaires ou martiennes, «  mais celui de la
surpopulation ». Alors que les humains étaient un peu moins de 2 milliards en 1931, ils approchaient les 3 milliards en 1958. De quoi vaticiner, déjà à
l’époque, sur un proche effondrement de la civilisation. Que dirait Huxley des 7,7 milliards d’habitants actuels et des projections à 10 milliards d’ici
2050 ?

Selon lui, la surpopulation, accentuant la misère et la précarité, «  mène à l’insécurité écologique et à l’agitation sociale. Insécurité et agitation mènent à un
contrôle accru exercé par les gouvernements centraux  », dont les «  pouvoirs accrus seront probablement exercés de manière dictatoriale  ». Ainsi, les troubles
sociaux appellent la dictature. Et de parier « sans hésiter » que d’ici 20 ans « tous les pays surpeuplés et sous-développés du globe seront soumis à quelque forme
de domination totalitaire – sans doute par le parti communiste  », parce qu’il est le plus organisé des partis. On ne peut évidemment pas être prophète à
temps complet. Huxley n’a pas pu anticiper l’effondrement du bloc soviétique et le retour au libéralisme désordonné, à partir de l’ère Reagan au cours
des années 1980.

Les propos de l’auteur prennent parfois un ton douteux, perturbant même chez ce pourfendeur de la dictature, lorsqu’il parle « des illettrés pullulant par
le monde », de ces « êtres sans cesse plus nombreux » qui sont « d’une qualité biologique inférieure  ». «  Au mauvais vieux temps, les enfants souffrant de vices
héréditaires graves ou même bénins survivaient rarement ; aujourd’hui grâce à l’hygiène, à la pharmaceutique et à la conscience modernes, la plupart de ces diminués
atteignent la maturité et propagent leur espèce », et il faudrait donc s’attendre à un « déclin de l’intelligence moyenne ».

Selon lui, refuser le contrôle des naissances (comme le fait l’Église) alors que le taux de mortalité a chuté, cela participe paradoxalement au mouvement
vers la dictature. «  Aider les malheureux est bien, évidemment, mais non moins évidemment, transmettre de façon massive à nos descendants les résultats de
mutations défavorables et contaminer peu à peu la réserve génétique commune où devront puiser les membres de notre espèce, est mal ». Voilà la conséquence de
notre pratique « non scientifique », mais chaotique et anarchique, pour limiter la reproduction. Huxley précise heureusement qu’il s’agit de trouver une
« voie moyenne ». Mais quand même. La charge est violente et inattendue.

Le paradoxe, c’est que ce sera justement la Chine communiste, cet « État socialiste de dictature démocratique populaire, dirigé par la classe ouvrière et basé sur
l’alliance des ouvriers et des paysans » selon les termes de sa Constitution toujours en vigueur, qui mettra en place, quelques années plus tard, le contrôle
des naissances, au moyen de la politique de l’enfant unique entre 1979 et 2015 (avec pénalisation des parents de plus d’un enfant, stérilisations et
avortements forcés). 

LES OUTILS MODERNES DE LA DICTATURE

Si la dictature est toujours devant nous, la question est d’abord celle de la forme qu’elle va prendre à l’avenir (un régime doux et insidieux selon
Huxley), puis celle des outils qu’elle va déployer, en puisant dans les avancées technologiques. Ce sera précisément l’objet d’étude de la majeure partie
du « Retour au meilleur des mondes » que de chercher à faire le point sur ces nouveaux moyens qui permettent de rendre les dictatures « plus efficaces » : la
propagande irrationnelle « qui nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter », la manipulation des « forces cachées » en l’homme
par les «  experts en publicité  » et notamment l’«  effet subliminal  », la contagion de l’émotion dans de grandes messes collectives à la manière des
rassemblements nazis ces « chefs d’œuvre d’art rituel et théâtral » l’utilisation des « distractions les plus alléchantes » et du divertissement comme nouvel
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rassemblements nazis, ces « chefs d œuvre d art rituel et théâtral », l utilisation des « distractions les plus alléchantes » et du divertissement comme nouvel
« opium du peuple », la « persuasion chimique » et la possibilité de « modifier radicalement l’esprit  » par des substances actives, l’« hypnopédie », principal
moyen d’éducation dans le Meilleur des mondes mais désormais concurrencé par les nouvelles techniques d’« hypnose », ou encore la mobilisation de
« toutes les ressources de la psychologie et des sciences sociales » pour convaincre l’électeur de choisir l’« amuseur-candidat » qu’on aura « entraîné à prendre un
air sincère » et qui devra traiter toute grande question « en soixante secondes tout juste »… A certains égards, on s’y croirait. On y reviendra d’ailleurs.
Car Huxley répète à l’envi qu’il s’agit d’exercer notre attention pour ne pas se faire « prendre par surprise par les nouvelles avancées technologiques ». Dans
une interview télévisée de 1958 par l’américain Mike Wallace, il martèle : « le prix de la liberté est la vigilance éternelle ».

DICTATURE, UNE TROISIÈME VOIE ?

Les craintes de dérives totalitaires formulées par Huxley restent toujours aussi brûlantes. Et les avancées technologiques de notre époque l’auraient sans
doute davantage terrifié encore. Mais ce que l’auteur britannique n’a pas perçu, c’est que le modèle néolibéral de dérégulation, celui de la globalisation
financière selon laquelle tout peut devenir objet de consommation-consumation, a été le creuset d’un nouveau type de modèle dictatorial, à bien des
égards à l’opposé du Meilleur des mondes et de 1984. Voire qui emprunte peut-être le pire de ce que les deux écrivains ont inventé, mais en en inversant
la perspective. En effet, sur fond de guerre froide, Orwell et Huxley postulaient tous deux le développement d’un État central, voire mondial, vecteur
supposément futuriste de la dictature à venir. Dans la même veine dystopique, on trouvera Globalia, l’État global de Jean-Christophe Rufin (2004), ou
encore l’Abistan, cet empire islamiste mondial décrit dans son 2084 par l’Algérien Boualem Sansal (2015), deux ouvrages qui méritent d’être
découverts.

Mais le danger n’est-il vraiment que celui de l’État totalitaire ? Ce dernier n’est-il pas avant tout le signe de l’effondrement des structures étatiques ainsi
que de l’incurie des gouvernants ? Pieuvre communiste, pieuvre nazie ou plus récemment pieuvre islamiste avec Daesh : le problème est-il bien celui de
l’État  ? Ce dernier n’est au fond que l’outil, plus ou moins élaboré, que parviennent à se donner les peuples pour construire une maison commune,
quand il n’est pas confisqué par des intérêts plus puissants. Si les gouvernements n’ont pas été à la hauteur de l’État, ce n’est pas pour autant qu’il faille
jeter le bébé État avec l’« eau rougie du bain communiste » (pour détourner une formule percutante du journaliste Daniel Mermet : « ne pas jeter le bébé de la
révolte avec l’eau rougie du bain communiste »). D’ailleurs, n’oublions pas que l’horizon marxiste était la disparition des médiations institutionnelles pour
donner place à une communauté parfaite, un banquet des égaux (Karl Marx supposait en effet que « dans la vraie démocratie, l’État disparaîtrait »). Selon
la définition première de la dictature à la mode romaine, la «  dictature du prolétariat  », sous le contrôle du Parti unique, ne devait être qu’une phase
nécessaire, violente mais transitoire, avant de pouvoir danser tous, tout autour du feu, en chantant la chanson des Schtroumpfs, à la fin de l’Histoire.

La vision anglo-saxonne de la politique (issue du modèle protestant de la multiplicité des Églises vs le modèle catholique pyramidal de l’Église) empile
régulièrement les poncifs anti-Etat, anti-bureaucratie, anti-administration… au nom de la (pour autant nécessaire) défense des libertés individuelles.
Dans l’interview citée, Aldous Huxley défend l’idée que la complexité technologique entraînerait la «  sur-organisation  », «  hiérarchique  » et
«  bureaucratique  » qui, avec la surpopulation et les émeutes induites, feraient le lit de la dictature. Le mal politique viendrait de l’État qu’il faut
circonscrire et limiter aux domaines définis de façon restrictive comme régaliens (de quoi assurer la sécurité des puissants tout de même). 

C’est cette idéologie qui domine en Occident depuis plusieurs décennies, à travers des instances comme l’OMC (organisation mondiale du commerce) :
dérégulation, libéralisation, privatisation. En parallèle, on observe logiquement la constitution de puissances financières et économiques à l’envergure
inédite, des Multinationales dépassant largement le cadre des États. Mais il ne faut jamais oublier que ces nouveaux «  empires  » sont le fruit de
décisions politiques, quand bien même elles prennent la forme de renoncements.

Aucun État mondial n’a vu le jour, ni ne verra sans doute jamais le jour. L’ONU, l’OMC ou la Banque mondiale n’exerceront jamais les prérogatives des
États, et encore moins n’auront leur légitimité. D’un côté, l’Union soviétique s’est effondrée. De l’autre, le pouvoir de l’hyperpuissance américaine s’est
frotté à la réalité et, à l’épreuve des interventions militaires moyen-orientales. Le fantasme d’une domination mondiale, par un gendarme de la planète
contrôlant tout, a fait long feu. Méditons aussi quelques instants sur la fable de l’Europe fédérale que, en France, depuis Victor Hugo au moins, l’on
rêve républicaine, alors qu’elle ne peut sans doute devenir autre chose qu’un nouvel Empire, éphémère et fragile, avec un pouvoir impuissant, réduit au
plus petit dénominateur commun (comme cela a déjà été le cas avec le Saint-Empire Romain Germanique où l’Empereur était sélectionné par les
Princes électeurs, en tant que ventre mou, sans grande personnalité, afin qu’il ne perturbât pas leurs petites affaires de barons locaux). 

L’État totalitaire mondial n’existera probablement pas. Et les dystopies qui s’appuient sur cette hypothèse, malgré leurs innombrables qualités, font sans
doute fausse route. Mais la volonté de domination trouve d’autres voies. Et la dislocation n’est pas incompatible avec la dictature. En effet, le problème
de notre époque n’est-il pas plutôt celui de l’effondrement de la pensée du fait institutionnel et de la médiation symbolique, avec entre autres,
l’effondrement de l’État ? Le nouveau risque dictatorial, que n’a pas pu penser Huxley, ne viendrait-il pas de là ?

L’anthropologue Pierre Legendre, auteur d’un Trésor de l’administration française, développe le concept de « caserne libérale-libertaire » qui s’appuie sur la
«  désymbolisation de masse  », la «  réduction de l’institutionnel au gestionnaire  », le «  despotisme des marchés  », la transformation du politique en
«  Management  », la «  prédominance du sociétal  » c’est-à-dire de la société sans Histoire. Selon lui, la «  désinstitutionnalisation dans les sociétés post-
hitlériennes » (avec l’idée que le pouvoir serait tyrannique en tant que tel) est concomitante de l’idéologie illusoire du libre-choix généralisé. Un système
grâce auquel les nouveaux «  héritiers  » emportent la mise, selon un modèle de darwinisme social qui n’a rien à voir avec ce que Darwin analysait
(puisque la sélection naturelle devait s’arrêter aux portes de la société – voir les analyses de Patrick Tort).

Il n’y a d’ailleurs pas besoin de postuler l’existence d’un crypto-Etat planétaire, d’une confrérie secrète mondialisée qui serait aux manettes dans l’ombre
d’un «  Nouvel Ordre Mondial  ». De fait, nous avons du mal à penser le monde sans un pouvoir structurant, sans une conscience humaine à la
manœuvre. C’est ce qui fait le succès de nombreuses théories complotistes, fondées sur la paranoïa (souvent antisémite) d’une petite oligarchie qui
consciemment dominerait le monde de façon souterraine. « Ils ». Ceux qui décident pour nous. « On nous cache tout, on nous dit rien ». Ces théories
plus ou moins fumeuses expriment davantage un sentiment d’impuissance face à ce qui arrive (ainsi qu’une forme de paresse intellectuelle). Nous
pouvons ainsi paraphraser le physicien Laplace qui répondait à Napoléon sur la question de l’absence de Dieu dans sa représentation scientifique du
monde  : «  Dieu  ? Je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse  ». De la même façon, l’hypothèse du Complot Mondial n’a aucune nécessité et peut être
tranchée par le rasoir d’Ockham et son principe de simplicité argumentative. La multiplicité des intérêts humains, dont certains sont évidemment plus
puissants et plus performants que d’autres, libérés par la désinstitutionnalisation des relations humaines qui a accompagné la globalisation financière,
suffit largement à expliquer la mondialisation des Multinationales et de la «  dictature des Marchés financiers  », selon la formule qui s’est diffusée à
partir des années 1990. Pas de dictateur omniscient. Mais des énergies libérées. Une dictature qui n’en a pas l’air, ravalant l’homme à la pure et simple
expression de ses pulsions et passions, et qui s’accomplit sous le masque de la liberté de circulation des individus, des marchandises et surtout des
capitaux, non plus à l’ère des valises de liasses de billets, ni même à celle des transactions en clic de souris, mais à celle du mouvement financier
automatisée par l’intelligence artificielle (plus de 50% des opérations de spéculation financière sont aujourd’hui déjà le fruits d’algorithme complexes et
ultra-rapides, au point qu’il faudrait des années d’analyse à un esprit humain pour comprendre ce qui se passe durant les quelques minutes d’un flash
crash ou krach éclair boursier). 

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DICTATURES DU ÇA ET DU SURMOI

Sur un plan psychanalytique, les régimes dictatoriaux de Huxley et de Orwell peuvent être assimilés sous la dénomination de dictature du Surmoi, cette
instance inconsciente de l’esprit humain selon Freud, qui influe sur notre Moi conscient par le biais des figures d’autorité et d’idéaux du moi intériorisés
durant l’enfance. Big Brother est par excellence l’expression de ce Surmoi, en l’occurrence collectif et étouffant, dominant le Moi, et qui régit les
comportements par la crainte du châtiment, de l’humiliation, de la honte, de la phobie ou encore de la mauvaise conscience. C’est la face répressive du
Surmoi. Le Meilleur des mondes présente davantage la face séduisante du Surmoi, en imprimant plutôt le désir de reconnaissance, le sentiment du devoir
à accomplir pour être bien vu, l’envie de se rapprocher d’idéaux inculqués avec une apparente bienveillance. 

Dans les deux cas, Huxley souligne que le fait de s’adresser publiquement à l’inconscient ou au subconscient de l’Homme est un procédé
fondamentalement anti-démocratique, et ce d’autant plus quand l’enfant, cœur de cible de tous les manipulateurs, est visé. Car la démocratie doit
s’appuyer le plus possible sur les choix conscients et rationnels de l’individu.

Selon la vieille typologie des régimes politiques établie par les Grecs de l’Antiquité, notamment chez Aristote et Polybe, la démocratie (c’est-à-dire le
pouvoir d’un peuple de citoyens, collectivement engagés dans la vie publique) était indéniablement considéré comme le meilleur des régimes.
L’aristocratie (le gouvernement des «  excellents  » au service de tous) était évidemment préféré à sa forme déviée, l’oligarchie (le pouvoir d’un petit
groupe au service de ses intérêts personnels). Et la monarchie (le gouvernement d’un bon roi) était préférable à la tyrannie (le pouvoir personnel d’un
individu impulsif, égocentré et égocentrique). Mais le pire des régimes était sans conteste la forme déviée de la démocratie, autrement dit l’ochlocratie,
littéralement le gouvernement de la foule, celui du déchaînement des pulsions d’individus largement privés de Surmoi. Autrement dit, un autre régime
dictatorial, celui de la dictature du Ça, cette autre instance inconsciente de l’esprit humain, enracinée dans le bloc de pulsions primitif et privé de langage
que nous sommes tous originairement. C’est donc un régime de soumission généralisée à ce qu’il y a de pire en nous, où le Ça domine le Moi, où
chaque «  individu-roi  » est plus ou moins son propre dictateur. Plus que de la surpopulation, ne serait-ce pas de cette défaite de la raison que
pourraient survenir les nouvelles dictatures ? 

Cela dit, nous n’y sommes pas et nous n’y serons jamais totalement. Il s’agit d’un idéal-type, et à ce titre jamais 100% réel. Comme pour les types de
gouvernement isolés abstraitement par la raison des Grecs, ces derniers savaient très bien que la réalité est quant à elle toujours mixte, toujours
mélangée. Mais l’on suit toujours plus ou moins une pente, ascendante ou descendante. 

Dans son livre Le divin marché sur« la révolution culturelle libérale », le philosophe Dany-Robert Dufour décrit ce qu’il appelle l’« égo-grégarité », c’est-à-
dire une façon « vivre en troupeau en se pensant libres » dans une « étrange combinaison d’égoïsme et de grégarité » qui caractérise tous les rebelles des bacs à
sable prétendant lutter contre le pouvoir (contre ce qu’ils vivent comme une dictature) au nom de la libération narcissique de leurs désirs. Le
philosophe démontre que cet état d’esprit les rend éminemment « libéralo-compatibles », c’est-à-dire esclaves du système. Après l’avènement de « l’enfant
généralisé  » décrit par Lacan, Dufour voit l’apparition du «  hors-la-loi généralisé  ». Il explique  : «  il ne faut jamais oublier ce que veut dire ‘libéralisme’  : il
consiste à libérer toutes les activités humaines de tout bridage institutionnel ». « Moins d’État. Moins d’institutions. Moins de contrôle sur les individus. Plus de
‘démocratie’. Ce qui se traduit aujourd’hui par une levée graduelle des interdits et une libération progressive des passions : l’idéal serait que plus rien ne bride le sujet.
Nous aurions alors un sujet rendu à lui-même, enfin parfaitement égoïste, comme le souhaitait Adam Smith. » Une façon d’habiter le monde rendue dans une
formule percutante de simplicité par Régis Debray quand il parle du règne du « tout-à-l’égo ». 

Le même Debray, dans une interview à l’occasion de la réédition de son pamphlet sur Mai 68,  affirme que l’on a assisté à « la naissance de l’homme-bulle,
de l’homme de l’instant, de l’homme du bonheur aussi » qui n’est plus « l’homme de la civilisation, laquelle, selon Freud, repose sur le refoulement pulsionnel ». Et
d’ajouter : « ce qui me frappe le plus est la perte du sentiment communautaire. On ne s’inscrit plus dans rien, on ne se réclame plus de quelque chose qui nous a
précédé et qui nous succédera. Il n’y a plus que la génération, patrie minimale. Ce vide d’appartenance a créé un terrible appel d’air, qui a fait remonter les pires
archaïsmes identitaires ». Le comble de la modernité sera-t-il réactionnaire ?

Alors, nous n’y sommes pas, certes. Et nous n’y serons jamais totalement. Car le mouvement des sociétés est toujours celui d’un mouvement de
balancier oscillant souvent erratiquement entre des idéaux-types. Cela pourrait néanmoins justifier l’écriture d’une nouvelle dystopie.

LA RÉVOLUTION PHARMACOLOGIQUE

Dans un discours prononcé en 1961 à la California Medical School de San Francisco, Aldous Huxley affirme qu’« il y aura dès la prochaine génération une
méthode pharmaceutique pour faire aimer aux gens leur propre servitude, et créer une dictature sans larmes, pour ainsi dire, en réalisant des camps de concentration
sans douleur pour des sociétés entières, de sorte que les gens se verront privés de leurs libertés, mais en ressentiront plutôt du plaisir ». Dans le Meilleur des mondes,
toutes les drogues (religion comprise) avaient été remplacées par une seule pilule «  d’un composé chimique appelé Soma  », inspiré d’une plante réelle
utilisée dans l’Asie de l’Antiquité et qui provoquait des effets importants : « leur corps était plus fort, leur cœur empli de courage, de joie et d’enthousiasme,
leur esprit illuminé et, dans une révélation immédiate de la vie future, ils recevaient l’assurance de leur immortalité  ». Et Huxley d’ajouter  : «  l’intoxication
systématique des individus pour le bien de l’État (et, incidemment, pour leur propre plaisir) était un élément essentiel du plan des Administrateurs mondiaux. La
ration de soma quotidienne était une garantie contre l’inquiétude personnelle, l’agitation sociale et la propagation d’idées subversives ». L’objectif étant au fond de
« contourner l’aspect rationnel de l’homme en faisant appel à son inconscient et ses émotions les plus profondes » (interview de 1958). 

Trente années plus tard, Huxley garde donc la même conviction : « la révolution pharmacologique est en cours ». Les dictateurs du futurs devront « obtenir
le consentement des gouvernés  » et pour cela, en plus des moyens de propagande, ils utiliseront des substances médicamenteuses (étymologiquement,
pharmakon, en grec, est à la fois remède et poison, comme beaucoup de drogues ou de médicaments, toujours ambivalents selon les doses ingérées ou
injectées). Mais le plus grand danger de l’époque, « c’est que les gens soient heureux sous le nouveau régime ». 

Parce qu’ils le valent bien.

PROPAGANDE PUBLICITAIRE

En 1958, Huxley considère que, parmi les nouveaux outils à disposition de la propagande, la télévision, cet «  instrument extrêmement puissant  », est
encore utilisée « de façon assez inoffensive ». Il a néanmoins le « sentiment qu’elle est utilisée un peu trop souvent pour distraire tout le monde tout le temps  »
(interview télévisée de 1958).

Dans un livre publié en 2000, Propagandes silencieuses, le journaliste Ignacio Ramonet rédige un chapitre sur la publicité dont il montre que les origines
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Dans un livre publié en 2000, Propagandes silencieuses, le journaliste Ignacio Ramonet rédige un chapitre sur la publicité dont il montre que les origines
sont contemporaines avec l’apparition du cinéma : « il est urgent, dit-il, de se souvenir du cri d’alerte lancé jadis – dès 1931 dans Le Meilleur des mondes – par
Aldous Huxley. Celui-ci y soutenait que, à une époque de technologie avancée, la propagande secrète disposait de mille atouts ultrasophistiqués pour nous influencer.
Et que le plus grand danger pour les idées, la culture et l’esprit risquait davantage de venir d’un ennemi au visage souriant et doucereux que d’un adversaire inspirant
la terreur et la haine. C’est pourquoi il nous faut craindre à présent que la soumission et le contrôle de nos esprits ne soient pas conquis par la force mais par notre
propre souhait. Pas par la menace de la punition mais par notre propre soif de plaisir ». Il y cite ensuite Georges Chetochine, un théoricien du marketing, selon
qui la publicité « c’est une guerre avec de la stratégie, des offensives, des campagnes, des cibles, des résistances. Le client c’est l’ennemi ! Pour le fidéliser, il faut : 1) le
désarmer ; 2) le faire prisonnier ; 3) garder l’initiative. » 

Jouant sur les affects, sur les émotions et sur la libido (c’est-à-dire le désir de jouir, donc de posséder, pas seulement sexuellement), usant de tous les
ressorts de la psychologie individuelle et de masse, le publicitaire cherche à provoquer un achat compulsif, sans doute, mais il s’inscrit plus largement
et sur le long terme dans une stratégie de conquête de l’espace mental. Le but est d’imposer une marque dans les esprits, pour empêcher que l’espace
soit conquis par un concurrent et pour que le souvenir qui a colonisé un cerveau puisse être mobilisable à tout instant, au moment de l’expression du
désir, même 20 ans plus tard. 

La terrible phrase de Patrick Le Lay, en 2004, alors qu’il était PDG du groupe TF1, résonne  dans les esprits : « Il y a beaucoup de façons de parler de la
télévision. Mais dans une perspective business, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Or, pour qu’un
message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible  : c’est-à-dire de le
divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. Rien n’est plus difficile
que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer
sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise ». Un discours que Huxley aurait pu mettre sans  hésitation dans la
bouche d’un des Administrateurs en chef de son Meilleur des mondes. Certes, Patrick Le Lay a regretté cette phrase, mais non pas parce que le contenu
serait faux, plutôt parce qu’il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit publiée, et que son écho médiatique soit si important. Dracula n’aime pas la lumière.
D’où l’importance de vouloir et de savoir orienter le projecteur de la Raison vers ce qui ne veut pas être su mais préfère être tu.

Dès 1958, Huxley mettait donc en garde contre le bourrage de crâne que l’outil télévisuel pouvait permettre, en citant la situation des dictatures
communistes. Mais il dénonçait aussi le phénomène publicitaire, largement présent dans les pays démocratiques, selon lequel « il est nécessaire de mettre
la main sur les enfants car ils seront demain les acheteurs fidèles de la marque ». Traduisant « en termes politique » ce principe publicitaire, « le dictateur se dit
qu’ils sont tous de futurs acheteurs d’idéologie ». Et quoi de mieux pour influencer un jeune esprit que de titiller son désir.

Dans son ouvrage «  L’art de réduire les têtes  » («  sur la nouvelle servitude de l’homme libéré à l’ère du capitalisme total  »), Dany-Robert Dufour cite une
brochure de l’Institute for International Research datant de 2002 présentant un colloque ayant pour thème « Adoptez une communication ciblée pour toucher
l’enfant au cœur de son univers ». Les publicitaires y recommandent crûment de s’engouffrer « dans la fragilité de la famille et de l’autorité pour installer des
marques, nouveaux repères ». Pas besoin de dictateur ici pour y voir les symptômes d’une servitude collective. Et toutes les difficultés d’y résister.

Ce n’est pas que le désir soit mauvais en soi, bien au contraire, mais il est un puits sans fond, un tonneau des Danaïdes. S’il n’est pas limité, il entraînera
toujours plus loin dans sa logique insatiable au point de devenir mortifère. Il doit être orienté, mais cela ne se fait pas tout seul. Et si l’on ne le fait pas
soi-même (comme le désir de sagesse que Platon va nommer par le néologisme de philo-sophie, ou par le biais de ce que Freud appellera la
sublimation), d’autres l’instrumentaliseront pour nous. Comme les publicitaires. Et plus largement la télévision. 

La dictature du Ça, c’est avant tout une dictature de la faiblesse et non de la force.

LE TITTYTAINMENT

En 1995, lors d’une conférence internationale sur l’état du monde réunissant Bush père, Gorbatchev, Thatcher, ou encore Bill Gates, les 500 hommes
politiques, économistes et scientifiques présents, s’appuyant sur les théories sur la « Fin du travail » de Jeremy Rifkin rendues publiques la même année,
parviennent à la conclusion que « dans le siècle à venir, deux dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l’activité de l’économie mondiale ». Ce qui
signifie que les 80  % restants se retrouveraient sans travail. Rifkin proposait pour eux de développer des activités non productives (ONG,
associations…). Zbigniew Brzezinski, ex-conseiller du président américain Jimmy Carter, utilise alors pour la première fois le terme de « tittytainment »,
un mélange de « tits » (seins) et « entertainment » (divertissement) c’est-à-dire « un cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant
de maintenir en tranquillité la population frustrée de la planète », cité par Hans-Peter Martin et Harald Schumann, deux journalistes du Spiegel, dans Le piège
de la mondialisation (1997). Du pain et des jeux. Un rôle assumé depuis plus d’une vingtaine d’années par la télévision, sans qu’il n’y ait là non plus
besoin d’un complot. Ce qui se fait se dit au grand jour et les victimes sont volontaires, justifiant ainsi les craintes de Huxley.

Vu depuis la lucarne avisée et acérée de Dany-Robert Dufour, dans La Cité perverse (2009), cela donne ceci : « ces 500 individus sous-sadiens qui envisagent
alors de noyer les populations du monde dans l’obscénité sont pitoyables parce qu’ils sont eux aussi les esclaves du système qu’ils servent avec zèle : le sadisme, la
pornographie, l’obscénité et la perversion ordinaires qu’ils sont contraints, de facto, de prôner pour la majorité de la population sont des effets directs de
l’approfondissement de la révolution libérale qu’ils soutiennent ». De fait, aujourd’hui « chaque individu dans le monde regarde en moyenne, pendant trois à quatre
heures par jour, essentiellement des émissions de divertissement qui se caractérisent par le voyeurisme, la vulgarité, la laideur, l’agressivité, le narcissisme, l’inculture,
l’insignifiance, la stupidité et, de plus en plus, par l’obscénité ». De quoi y voir une « arme de destruction symbolique et culturelle massive ». 

Que faire ? Comment résister ?

OBÉISSANCE ET RÉSISTANCE

Entre 1960 et 1963, du vivant d’Aldous Huxley, le psychologue américain Stanley Milgram organisait une expérience dont l’objectif était d’évaluer le
degré d’obéissance des individus face à des autorités jugées comme légitimes, et notamment sur leur capacité à résister face à des cas de conscience.
Dans le cadre d’une supposée expérimentation scientifique sur la nature de la mémoire humaine, un questionneur devait interroger un questionné. 

En cas de mauvaise réponse, il devait lui-même asséner un « châtiment » au moyen d’une décharge électrique de plus en plus forte, jusqu’à des doses
pouvant être mortelles (440V pour la sanction ultime). Le questionné n’était en fait qu’un acteur, ses cris et gémissements étaient enregistrés. Malgré les
hurlement de douleur, malgré la volonté expresse du faux questionné de cesser l’expérience, malgré ensuite son silence mortel, 63% des questionneurs
sont allés jusqu’au bout de la démarche, réagissant de différentes manières, par exemple par un rire nerveux, expression de leur sentiment
d’impuissance, mais s’en remettant in fine à l’autorité des hommes en blouses blanches. Des répliques de la même expérience ont parfois abouti à des
taux supérieurs à 80 %. 

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Cinquante ans plus tard, le sociologue Jean-Léon Beauvois et le réalisateur Christophe Nick ont réadapté le même principe expérimental, mais dans le
cadre d’un faux jeu télévisé, La Zone Xtrême. L’expérience est relatée et analysée dans le documentaire Le Jeu de la mort (2010), coproduit par France
Télévisions et Radio Télévision Suisse. L’autorité scientifique y est remplacée par les équipes de télévision et notamment par une présentatrice connue

aux injonctions graduelles, jusqu’à l’appel au public (lui-même cobaye). Dans ce nouveau décor, le taux d’obéissance a été de 81% et l’absence de
réaction de la très grande majorité des questionneurs fait particulièrement froid dans le dos.

Cette expérience dérangeante a pour intérêt de nous obliger à réfléchir sur « l’autorité » informelle de la télévision, et plus largement sur la nature de
l’obéissance et de la soumission, de la désobéissance et de la rébellion. Car s’il existe une façon stupide d’obéir et de se soumettre à des injonctions
sociales, culturelles, politiques, intellectuelles ou médiatiques, il existe a contrario une obéissance raisonnable et rationnelle qui consiste en premier lieu
en la soumission à la loi commune (lorsqu’elle n’est pas entachée d’illégitimité – le curseur étant évidemment difficile à placer, si l’on considère aussi la
différence majeure qu’il y a entre le fait de critiquer virtuellement la loi et celui de l’enfreindre concrètement). 

De même, s’il y a des rébellions intelligentes, construites, réfléchies, productives, au service de l’intérêt général ou du progrès de la civilisation, force est
de constater qu’il existe aussi des façons «  bêtes et méchantes  » de se rebeller (le brigand sans foi ni loi), ou parfois même contre-productives (le
résistant de pacotille qui, à la façon de Don Quichotte, provoque toujours pire que ce contre quoi il prétend lutter au nom de la pureté de ses idéaux de
justice et de vérité).

LE BIG DATA EN POLITIQUE

On l’a déjà évoqué, Aldous Huxley affirmait que, pour gagner des élections aux États-Unis, il suffisait d’avoir de l’argent et un candidat au regard
suffisamment sincère pour passer à la télévision, et ce au détriment des principes politiques et des débats de fonds. Dans les mains des publicitaires, les
candidats « doivent être commercialisés comme s’il s’agissait de vendre du double face ».

N’ayant jamais connu internet, Huxley n’a pas pu en imaginer les dérives. Ce qu’il n’aurait pas manqué de faire, puisqu’il s’est toujours tenu au courant
des avancées scientifiques et de leurs répercussions technologiques, ce que devrait faire tout citoyen responsable. 

Concernant les outils modernes de l’influence des masses, l’affaire Cambridge Analytica est un jalon qui interpelle, sans doute annonciateur du pire.
Entre 2014 et 2015, cette société britannique a ainsi récupéré plus de 87 millions de profils Facebook à des fins politiques, via les connexions de quelques
centaines de milliers de personnes qui pensaient participer à une étude universitaire (ayant pour but de décortiquer le profil psychologique d’une
personne grâce à son activité sur les réseaux). Or leurs données ainsi que celles de leurs « amis » Facebook ont été aspirées puis revendues. L’entreprise
a alors élaboré un logiciel de profilage des utilisateurs, grâce notamment à l’analyse de l’intégralité de leurs « Like » sur plusieurs années. Dans une
interview publiée dans le Guardian, Alexander Nix, dirigeant fondateur de Cambridge Analytica, expliquait : « nous nous sommes servis de Facebook pour
récupérer les profils de millions de personnes. Nous avons ainsi construit des modèles pour exploiter ces connaissances, et cibler leurs démons intérieurs ».

L’objectif était ensuite d’influencer les élections américaines, en faveur de Donald Trump, via l’envoi de propagande ciblée en fonction des profils
déterminés. «  Nous trouvons vos électeurs et nous les faisons passer à l’action  », proclamait le site internet du groupe. Au total, ce sont plus de 100
campagnes électorales dans 30 pays différents qui ont été concernées. Avec une efficacité plutôt aléatoire tout de même, dans la mesure où beaucoup de
ces campagnes ont été perdues. Le procédé ne fait pas tout, mais cela ne signifie pas qu’il est inefficace. 

Suite à la révélation de ce scandale par un lanceur d’alerte interne à la société, Cambridge Analytica a finalement mis la clef sous la porte, mais ces
spécialistes du Big Data (littéralement la « Grande Base de données »), habitués à la collecte des données personnelles, sont revenus par la fenêtre sous
un nouveau nom, Emerdata. 

A l’heure de la « révolution domotique », des objets connectés (assistants vocaux, réfrigérateurs, montres, clouds, etc) et de la géolocalisation quasi-
permanente, les enjeux du collectage de ces informations de profilage sont cruciaux, et l’on peut supposer que les politiques de protection des données
personnelles auront toujours un train de retard. Le Big Data, c’est aujourd’hui ce qui permet à une intelligence artificielle, réalisant à la vitesse de la
lumière le tri des données collectées, de nous connaître mieux que nous-mêmes. Elle aura en effet une mémoire instantanée de tous les clics que nous
avons opérés, de nos centres d’intérêt, de toutes les transactions effectuées, voire de tous les déplacements réalisés depuis des années. Qui peut dire où
il était il y a cinq ans exactement, jour pour jour, et ce qu’il y faisait à ce moment  ? Personne. Une intelligence artificielle le peut pour vous, quasi-
instantanément même, si vous lui avez laissé les portes ouvertes. 

Big Data is watching you. 

Ou pire : Big Data is saving you.

LE CRÉDIT SOCIAL CHINOIS

Survient alors le cas chinois, très orwellien, avec un Surmoi particulièrement dominant. Depuis 2014, à l’initiative du Parti Communiste Chinois qui
dirige l’État d’une main de fer, le gouvernement a commencé à mettre en place une expérimentation de contrôle social, dont la généralisation à
destination des 1,4 milliard de Chinois est prévue pour 2020, avec en prime l’installation de millions de caméras «  intelligentes  » à reconnaissance
faciale (170 millions de caméras de vidéosurveillance étaient déjà installées dès 2017, il est prévu qu’il y en ait 400 millions d’ici quelques mois). Le
principe est celui de la notation chiffrée des bons ou mauvais citoyens avec une base de 1000 points pour le citoyen normal et une catégorisation des
individus (triple A pour un citoyen exemplaire, D pour un citoyen considéré comme malhonnête). Ce « système national de réputation des citoyens », qui
mêle confusément morale et politique, est directement inspiré du système de bonus/malus des assurances américaines.

Pour accéder à sa note, appelée « crédit social », il suffit d’en faire la demande, sauf pour les très bons citoyens ou les mauvais citoyens dont les noms et
visages sont affichés dans des lieux publics, afin de les récompenser ou de les humilier. Cette notation est élaborée sur la base des données à disposition
du gouvernement comme les infractions et autres affaires juridiques, les données bancaires ou encore les évaluations professionnelles, sans oublier
l’analyse des messages circulant sur les réseaux sociaux, les achats sur Internet, la géolocalisation, les renseignements médicaux… 

Un citoyen pourra par exemple gagner des points en dénonçant un mauvais comportement, en faisant un don du sang ou bien en publiant des articles
favorables à la politique du gouvernement. Cela lui permettra d’accéder plus facilement à des emprunts bancaires ou à un logement  ; il pourra
bénéficier de pass’ coupe-file dans les administrations ou encore accéder à un hôpital sans déposer une caution. Le choix de ses amis sera aussi facilité,
puisque ces données sont accessibles à tous sur demande. Le bon citoyen aura même – consécration ! – le droit de devenir membre du Parti (avec une
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prime particulière à celui qui pourra ainsi devenir chef de quartier). 

A l’inverse, un «  mauvais citoyen  » (qui aura par exemple traversé en dehors du passage piéton ou bien… critiqué publiquement la politique du
gouvernement… voire simplement le comité de quartier du Parti) aura non seulement des difficultés à obtenir un logement ou un prêt, mais il se verra
aussi dans l’interdiction d’acheter un billet d’avion ou de train (pour toute la famille évidemment). Mais les punitions individuelles et collectives ne
suffisent pas. Il faut aussi « l’humiliation publique », volontairement assumée. La messagerie téléphonique du mauvais citoyen commencera par une
annonce gouvernementale incitant le correspondant à jouer de son influence pour améliorer le comportement du récalcitrant. Son visage sera affiché
dans la rue ou sur les écrans de cinéma (en fonction de sa localisation, via le GPS ou les caméras à reconnaissance faciale). Il aura aussi l’interdiction de
postuler à certaines fonctions. Les mauvais citoyens (ils sont déjà plusieurs millions) sont inscrits sur une « liste noire » publiée sur internet, avec leur
visage et leur adresse.

Objectifs affichés par le gouvernement avec une générosité toute paternelle  : «  la sensibilisation à l’intégrité et à la crédibilité au sein de la société  »,
« l’honnêteté dans les affaires du gouvernement », « l’intégrité commerciale », « l’intégrité sociétale » et « une justice crédible ». La notation des citoyens relève de
« l’intégrité sociétale ». Il est donc prévu d’étendre prochainement ce système aux entreprises.

Le Big Data est une manne pour un tel outil de surveillance généralisée. La possibilité de croiser les fichiers avec les données biométriques et génétiques
doit notamment permettre, entre autres, de contrôler davantage les rebelles Ouïgours dans l’ouest du pays, mais aussi, on l’imagine, les opposants
politiques. Les méga-données sont donc devenues un nouvel enjeu fondamental pour nos sociétés, parce qu’elles peuvent se révéler comme un nouvel
outil dictatorial. Et ce d’autant plus que, selon les théories de la servitude volontaire (ou de l’obéissance à une autorité considérée comme légitime,
comme on l’a vu ci-dessus), la majorité des concitoyens reste aveugle aux problèmes posés, en arguant fallacieusement qu’«  on n’a rien à craindre
quand on a rien à se reprocher ». Décidément, les dictatures quelles qu’elles soient ont encore de beaux jours devant elles.

L’imagination fertile d’Aldous Huxley aurait eu du mal à imaginer un tel système sur la base des données scientifiques de l’époque. Et la réalité
dépasse ici largement la fiction  : même l’épisode de la série dystopique Black Mirror qui met en scène un tel système est en fait postérieur à la
publication des projets de Crédit Social et s’en inspire directement.

LA NSA ET LA SURVEILLANCE DE MASSE

Or le problème ne se limite pas à la Chine, il est mondial. Dans son autobiographie, Mémoires vives (2019), Edward Snowden, le lanceur d’alerte qui a
« trahi » la CIA, commence par en appeler au principe de réalité : « tout le monde sait (ou croit savoir) que les Chinois ont adopté des mesures draconiennes pour
museler Internet […]. Mais c’est une chose d’affirmer, tel un roman de science-fiction, que le pouvoir est théoriquement capable de voir et d’écouter tout ce que font ses
citoyens ; c’en est une autre, pour les autorités, de réellement mettre en place un tel système. Ce qu’un écrivain de science-fiction est capable de décrire en une phrase
peut nécessiter des millions de dollars d’investissement en matériel et la collaboration de milliers d’informaticiens ». 

Précisément, ses activités d’espion à Tokyo vont l’amener dès 2009 à «  prendre connaissance des détails techniques de la surveillance des communications
privées par la Chine – c’est-à-dire des mécanismes et des appareils indispensables au recueil, au stockage et à l’analyse des milliards de conversations téléphoniques et
d’e-mails échangés quotidiennement par plus d’un milliard d’individus  ». Ce qu’il a ainsi pu découvrir était «  proprement ahurissant  »  : «  j’ai été tellement
impressionné par cet exploit et par l’insolence du système que sa dimension totalitaire ne m’a pas immédiatement horrifié ». 

Le déclic a été de se rendre compte qu’il était « tout bonnement impossible pour les Américains d’en savoir autant sur les agissements des Chinois sans en avoir
fait eux-mêmes l’expérience, et tandis que je me penchais sur toutes ces informations chinoises, j’avais la vague impression de regarder dans un miroir et d’y voir le
reflet de l’Amérique ».

En 2013, Snowden révélera que, au nom de la sécurité, après les attentats du 11 septembre, l’Agence nationale de sécurité (NSA) avait progressivement
élaboré, via les instruments majoritairement américains qui structurent le Net, un système de «  surveillance de masse  », secrètement justifié comme
« conséquence logique des progrès technologiques » : « à un monde globalisé devait répondre une agence de renseignement véritablement mondiale ». Mais, de fait, au
service des seuls États-Unis. 

La NSA a ainsi piraté à travers le monde, en toute illégalité, des milliards de courriels, d’appels téléphoniques, ainsi que de « métadonnées » ou « données
d’activités » (date, heure, durée d’un appel, localisation, appareil utilisé, etc). Une « collecte de grande ampleur » dont le but est de « conserver le maximum de
données le plus longtemps possible, voire indéfiniment  » dans une base de données géante, rendant possible à tout moment de «  fouiller dans les
communications passées de tous (et les communications de chacun d’entre nous contiennent des preuves de quelque chose) ». Et Snowden de nous mettre en garde :
dire que l’on n’accorde aucune importance « au concept de la vie privée » au motif que l’on n’aurait « rien à cacher », c’est un peu comme « affirmer que vous
n’avez que faire de la liberté d’expression parce que vous n’avez rien à dire ».

De fait, le jeune lanceur d’alerte américain a été inculpé pour « espionnage, vol et utilisation illégale de biens gouvernementaux ». Il a dû choisir l’exil. Après
Hong-Kong, c’est la Russie qui lui a accordé un droit d’asile, prolongé jusqu’en 2020. Ses demandes officielles d’accueil en France en 2013 puis en 2019
lui ont été refusées. 

Il ne faut manifestement pas se fâcher avec Oncle Sam. 

Faudrait-il finalement croire à l’Empire informatique mondial, en-deçà ou au-delà des États ?

QUE FAIRE ?

L’intérêt du Meilleur des mondes, c’est qu’il donne toujours à penser, près d’un siècle plus tard. Même si toutes ses prophéties romanesques ne sont pas
réalisées ou ne se réaliseront jamais pour certaines, Huxley a souvent mis le doigt là où cela fait mal. 

L’objet des deux derniers chapitres du Retour au meilleur des mondes, ce sont les moyens de résistance et d’action. Parce que, fondamentalement, l’auteur
reste optimiste dans les capacités de l’intelligence créatrice des humains, apte à inventer de nouvelles façons de lutter contre les « ennemis de la Liberté »,
même si parfois elles restent marginales.

  Sur le plan politique, au-delà de la question de la limitation des naissances (la «  pilule  » va voir le jour quelques années plus tard, Huxley le
pressentait), l’écrivain britannique préconise par exemple la mise en place d’un plafond des dépenses électorales. Ce n’est toujours pas le cas aux États-
Unis, mais cela existe en France (malgré les débordements notamment dans l’affaire Sarkozy-Bygmalion ou dans les rétrocommissions de l’affaire
Karachi). 

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22/11/2021 23:15 L’éternel retour au Meilleur des mondes | Accattone

Il propose aussi d’« interdire la propagande irrationnelle », milite pour une « distribution plus étendue des richesses », mais aussi pour « la décentralisation de la
puissance économique en évitant les Grosses Affaires », car « il est dangereux de laisser une oligarchie dirigeante concentrer trop de pouvoir entre ses mains ». Contre
la vieille tendance « du pain et des jeux », l’essayiste cite l’un des slogans de la révolution de 1789 : « la liberté ou la mort ». Plutôt mourir que de vivre
servile. 
Mais qu’est-ce que la liberté pour Huxley  ? «  Pour le termite, le service de la termitière représente l’indépendance parfaite  ». Pour l’humain, même si c’est
malheureusement souvent vrai, ce doit être l’inverse. « Apprendre la liberté (et l’amour et l’intelligence qui en sont à la fois les conditions et les résultats), c’est
entre autres choses, apprendre à se servir du langage. » 

Si la destruction du langage au moyen de la « novlangue », chez Orwell, est si symptomatique de la dictature, c’est parce que le langage est le principal
outil du Moi et de la Raison lui permettant de mettre en lumière les zones d’ombres de l’Inconscient (Ça ou Surmoi). C’est-à-dire d’augmenter la
puissance d’agir de la conscience et de l’intelligence, à travers des mots bien choisis.

La liberté n’existe jamais par elle-même, d’emblée, dans un surgissement spontané. Elle est toujours une libération, et tout d’abord de soi-même et de
ses communautés de naissance (parfois pour y revenir, mais alors consciemment). L’individu doit donc être défendu, non pas au sens de
l’égocentrisme, mais au sens de la rationalité individuelle. « Chaque humain est unique », il ne faut pas permettre qu’il soit étouffé par la loi des groupes,
et l’on ne peut le réduire à être le simple « produit du milieu social ».

«  Être instruit pour être libre  », tel est le titre de l’avant-dernier chapitre  : l’éducation, voilà donc le Graal pour Huxley. Non pas une éducation à la
consommation et à la production, c’est-à-dire la formation d’un bloc de compétences prêt à être absorbé par le marché du travail, mais le
développement d’un esprit critique, affûté au « démontage des rouages de la propagande », ainsi que d’une culture humaniste digne de ce nom, permettant
au citoyen d’accéder à une meilleure connaissance et compréhension du monde et de soi-même. 

Il faut donc relire le Meilleur des Mondes, puisque c’est à ces objectifs qu’il se destine.

Et, régulièrement, y faire retour. 

Étiquettes : Dystopie, Huxley, Meilleur des Mondes, Science-Fiction, Utopie

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