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Enfin lété est arrivé et nous avons pris la route. Des milliers de kilométres. Nous traversions toute TEurope par le sud. Fenétres ouvertes. Nows allions au Moyen-Orient. C’était incroyable de découvrir comme Tunivers devenait intéressant si on voyageait avec monsieur Ibrahim. Comme j‘étais et que je me concentrais sur la route, il me décrivait les paysages, le ciel, les muages, les villages, les habitants. Le babil de monsicur Ibrahim, cette voix fragile comme du papier A cigarettes, ce piment d'accent, ces images, ces exclamations, ces étonnements auxquels succédaient les plus diaboliques roublardises, c'est cela, pour moi, le chemin qui méne de Paris a Istanbul. L’Europe, je ne Tai pas vue, je'aientendue. — Ouh, 1a, Momo, on est chez les riches : regarde, ly a des poubelles. — Eh bien quei, les poubelles ? — Lorsque tu veux savoir si tu es dans un endroit riche ou pauvre, tu regardes les poubel vois. ni ordures ni poubelles, c'est trés riche. vois des poubelles et pas d'ordures, c'est riche. Si tu vois des ni pauvre tu vois les ordures sans les poubelles, gens habitent dans les ordures, c'est tres trés pauvre. Ieic’est riche. — Ben oui, c’est la Suisse ! — Ah non, pas Pautoroute, Momo, pas Fautoroute. Les autorouies, ¢a dit : passez, y a rien A voir. Cest pour les imbéciles qui veulent aller le plus vite d'un point un autre. Nous, on fait pas de la géométrie, on voyage. ‘Trouve-moi de jolis petits chemins qui montrent bien tout cequily aa voir. — On voit que c'est pas vous qui conduisez, m’sieur Ibrahim. — Keoute, Momo, si tu ne veux rien voir, tu prends Yavion, eomme tout le monde. — Cest pauvre, ici, m’sieur Ibrahim ? — Oui, cest Albani. — Eth? — Arréte Pauto. Tu sens ? Ca sent le bonheur, est la Grdce. Les gens sont immobiles, ils prennent le temps de nous regarder passer, ils respirent. Tu vois, Momo, moi, toute ma vie, faurai beaucoup travaillé, mais jaurai travaillé lentement, en prenant bien mon temps, je ne

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