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Pauvre Madame Dolto 

!
Dans les années 80 vous avez écrit que ce serait bien de donner la parole aux
enfants, d’écouter un peu ce qu’ils ont à dire.

C’est vrai, à l’époque on disait aux enfants de se taire.

A l’école, il fallait être sage, ne pas bavarder, lever le doigt si on savait répondre
aux questions de l’instituteur ( trice ),et même plus tard au professeur. A table,
ils ne devaient en aucun cas se mêler des conversations des adultes et encore
moins donner leur avis. A la maison, il fallait rester dans sa chambre, pour faire
ses devoirs, ou jouer, et surtout, surtout ne pas déranger les « grandes
personnes ».

Leur parole comptait si peu que même lors de procès, dans lesquels ils étaient
impliqués, elle n’était pas prise en compte.

Mais vous, vous avez compris que quelque chose n’allait pas, qu’il fallait que ça
change.

Alors vous avez écrit dans les années 80 : « Parole pour les adolescents », « La
cause des enfants », « Parlez juste aux enfants ».

Françoise Dolto, vous avez envoyé une vraie bombe, dans cet ordre si bien
établi.

Quoi ? Comment ? Que dites- vous ? Il faut écouter ce que disent les enfants.
Ils ont des choses à dire ! Quelle histoire !

Ça a été, une vraie révolution ! Votre parole a libéré celle des enfants. Et ils
l’ont prise, ou plutôt, les adultes ont accepté de les écouter.

Vous animiez une émission de radio dans laquelle vous répondiez aux
questions des parents à propos des problèmes qu’ils rencontraient dans
l’éducation de leurs enfants : problèmes alimentaires, de sommeil, de pipi au
lit……. Vous avez, ainsi, aidé à dédramatiser des situations de tension qui
pouvaient en s’aggravant, conduire la famille vers une psychiatrisation,
heureusement évitée grâce à vos interventions, ô combien judicieuses.
Cette génération d’enfants à qui vous avez donné la parole, a grandi. Elle est
devenue parent à son tour. Et portés par votre réputation, ces nouveaux jeunes
parents, ce sont mis à lire vos écrits.

Et c’est là que ça s’est mis à dérailler.

C’est sûr ils vous ont lu, mais comme ils vous ont mal lu !

Pauvre Madame Dolto ! Vous avez été bien mal comprise. Vous aviez demandé
qu’on écoute un peu plus les enfants, qu’ils avaient, eux aussi, des choses
intéressantes à dire à dire.

Ces jeunes parents, ont tout compris à l’envers.

Ils croient qu’il faut demander leur avis aux enfants, pour tout, pour tout ce qui
fait leur vie quotidienne :

« Tu veux une douche ou un bain ? Tu veux un yaourt, nature, à la fraise, à la


framboise, avec des morceaux, sans morceaux ? »

Et voilà ces pauvres enfants, sous prétexte, qu’on les écoute, sommés de
décider ce qu’ils désirent tous les quart d’heure.

Mais à quel adulte on demande d’en faire autant ?

Sous prétexte d’écouter le désir des enfants et peut-être avec les meilleures
intentions, on met sur leurs épaules la charge de la décision, la « fameuse »
charge mentale. Ce n’est pas du tout sûr qu’ils s’en trouvent si bien !

Mais surtout, surtout, ça dispense les parents de leur rôles de «  pare


excitation » nécessaire au développement serein de l’enfant. Ca empêche qu’ils
jouent le rôle essentiel de protection que chaque enfant est en droit de
demander à ses parents.

Dans ces conditions, l’enfant reste dans la « toute puissance » qu’il devrait
avoir quitté entre ses quatre et six ans. Peut-être pour s’auto protéger, il vit
dans l’illusion qu’il décide de sa propre vie, mais aussi de celle de ses parents.

Et, quand on pose la question aux mamans : « Qui commande à la maison ? »


c’est comme ça qu’on obtient la réponse « c’est lui (ou elle) » en désignant son
petit garçon ou sa petite fille.
Pauvre Madame Dolto !

Vos écrits ont été bien mal interprétés. Pire ! détournés, et réadaptés, pour le
confort des parents qui abandonnent, ainsi, le rôle désagréable de décideurs, à
leurs enfants. C’est vrai ! Quelle horreur ! Si les chers petits étaient contraints
de se plier aux « exigences » éducatives des parents.

Peut-être que bien loin d’en être perturbés, ils en seraient tout simplement
soulagés. Ils se sentiraient, enfin, en sécurité parce qu’un adulte saurait ce qui
est bon pour eux.

Au lieu de cela, les parents se sont mis à culpabiliser dès qu’ils osaient avoir la
moindre exigence envers leurs enfants.

Et la boucle est bouclée ! Ces chers petits se sont mis à croire, avec raison,
qu’ils en savaient plus que leurs parents, que ce sont eux qui avaient le pouvoir,
en un mot qu’ils étaient les ROIS.

Et maintenant, on peut dire : « Pauvres parents » complètement débordés.

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