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D O S S I E R P É D A G O G I Q U E

(1813 - 1883)
Tristan
Richard Wagner
et Isolde
Tristan et Isolde dans la mise en scène de Nicolas Joel Opéra national du Capitole de Toulouse
Résumé
Opéra en trois actes.
Musique et livret de Richard Wagner.
Création : Hoftheater, Munich, 10 juin 1865.
Ennemis jurés, Tristan et Isolde sont néanmoins victimes
de leur désir, attirés par une union impossible,
qui ne peut se réaliser que dans la mort.

Michel Pertile, Service éducatif


Opéra national et Orchestre national du Capitole de Toulouse
Sommaire 3

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


S E P R É PA R E R

Le projet pédagogique p.4


Se préparer à assister à un opéra p.5

L’ Œ U V R E

L’argument p.6
Les liens entre les personnages p.8
Biographie p.9
Wagner et l’Opéra p.12
L’œuvre dans son contexte historique : le milieu du XIXe... p.13
Genèse p.16
Tristan et Isolde, un modèle repris par d’autres p.29
Tout un mode intérieur p.30
La nuit, symbole de liberté p.32
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
Les influences de Wagner en France p.35
Tristan et Isolde au cinéma p.36
Pour rentrer dans l’univers de Wagner p.38
Un compositeur entaché par des thèses extrémistes p.40
Analyse p.42
L'Orchestre de Tristan et Isolde p.52
Tristan et Isolde au Théâtre du Capitole de Toulouse p.59
Quizz musical  p.63

H I STO I R E

Histoire de l’Opéra national du Capitole de Toulouse p.64
S E P RÉPA R ER

Le projet
4
pédagogique
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Pour nourrir votre projet mené en classe, l’Opéra Les professeurs peuvent donc être amenés à
national du Capitole vous propose tout un en- travailler en transversalité, et à pouvoir choisir
semble de rendez-vous (selon ses disponibilités) : plusieurs axes pédagogiques possibles pour
Des rencontres avec des techniciens, des aborder un opéra.
artisans et des artistes,
La découverte des salles de spectacle Pour les professeurs d’éducation musicale, le
(Halle aux grains et Opéra national du travail d’écoute reste primordial avant de venir
Capitole) assister à une générale.
Des accès à des répétitions, Enfin, votre projet de venir à une générale
Des rendez-vous aux ateliers de d’opéra s’inscrira tout naturellement dans le
fabrication de décors, de costumes, de parcours citoyen : il développera en particulier
perruques et de maquillage...etc... chez l'élève ses capacités de débat, le respect
de la sensibilité des autres et l'expression de
Tous ces rendez-vous sont des outils complé- ses émotions et sentiments lors d'une discussion
mentaires qui visent à enrichir votre projet et à l'issue du spectacle ou d'une visite.
qui contribuent à faire découvrir le monde de
Mais aussi dans le parcours d’Éducation Artis-
l’opéra à vos élèves.
tique et Culturel, où les activités proposées par
le service éducatif et culturel de l’Opéra national
Le genre opéra est par essence pluridiscipli-
du Capitole contiennent deux des trois piliers
naire. On y trouve tous les arts au service d’une
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de l’EAC à savoir :
œuvre :
Fréquenter
La musique (la voix, l’orchestre)
S’approprier
La littérature (le livret, souvent issu d’un
ouvrage littéraire) Ce dossier vise à donner des éléments, afin
Les arts plastiques (dans la fabrication de comprendre l’œuvre à laquelle votre classe
des décors) assistera, et donner des pistes pédagogiques.
La danse (souvent présente dans le genre Libre à vous de suivre ou non ces pistes qui ne
opéra) sont que des propositions, que vous adapterez
La mise en scène/ dramaturgie (le travail en fonction de vos classes et de votre projet.
du metteur en scène, du chanteur/ acteur)
La découverte des métiers du spectacle
(Parcours Avenir)
S E P RÉ PARE R

Se préparer
à assister à un opéra 5

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


Après un travail préparatoire mené en classe, vos élèves vont assister à une
représentation de l’opéra de Wagner : Tristan et Isolde à l’Opéra national
du Capitole. Voici quelques points sur lesquels il peut être judicieux de
travailler pour s’y préparer.

Contexte de la Le public peut être amené à assister à deux types de


représentations : une répétition générale ou bien une
représentation représentation publique.

La générale est la dernière répétition de travail avant la


représentation publique. Elle peut être ouverte au public.
Elle se fait dans les mêmes conditions que le concert
(décors, costumes, mise en scène…) excepté :
Les musiciens ne sont pas en tenue de concert.
Le chef d’orchestre peut à tout moment arrêter le
déroulement pour faire retravailler un passage en cas
de problème.
Le public est invité, ce sont généralement des
proches des musiciens, artistes ou des personnes
travaillant au théâtre. OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

Il est donc important de demander aux élèves d’adopter


une certaine attitude afin de se fondre dans le public :
Écouter attentivement sans bavarder avec ses
voisins, sans faire de bruit.
Suivre le spectacle de manière attentive en
applaudissant aux moments adéquats.
Par ailleurs, il est recommandé, à l’opéra, de connaître
précisément le déroulement de l’œuvre avant d’y
assister. Il faut noter que l’action se déroule plus
lentement qu’au cinéma : elle avance au rythme
de la musique.
S E P RÉPA R ER

6
L’argument
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Épisode Pour empêcher toutes tentatives d’annexion de la Cornouailles à


l’Irlande, le roi Marke, roi de Cornouailles, a envoyé une expédition
antérieur militaire commandée par Morold. Celui-ci était promis à Isolde, qui,
connaissant les arts de la magie, a empoisonné sa lame avant son
départ en expédition. Il fut cependant tué en duel par Tristan, neveu
du roi de Cornouailles. Isolde étant la seule détentrice de l’antidote,
Tristan blessé dans le duel part pour l’Irlande afin d’être soigné.
Il débarque en tant que naufragé sous le nom de Tantris sur les
rivages d’Irlande et est recueilli par Isolde. Celle-ci découvre sa
véritable identité en extrayant de sa plaie un morceau de la lame de
Morold. Alors qu’elle s’apprête à venger son amant en assassinant
Tristan inconscient, celui-ci se réveille. Leurs regards se croisent et
provoquent la pitié d’Isolde, qui lâche son arme et le laisse repartir.
La paix entre la Cornouailles et l’Irlande devait être ainsi scellée,
quelques années plus tard, par le mariage d’Isolde et du vieux roi
Marke. Tristan est envoyé par le roi Marke pour chercher Isolde. Ils
promettent d’oublier les événements passés en Irlande. Pourtant,
Isolde n’est pas disposée à ce mariage arrangé : en plus d’être
éprise de Tristan, elle ne peut concevoir le fait d’apporter en dot
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

son pays à la Cornouailles, qui était autrefois vassal d’Irlande.

Acte 1 Isolde, sur le bateau qui la conduit au roi Marke qu’elle doit épou-
ser, veut parler à Tristan, le vassal de ce dernier. Tristan élude et
Kurwenal, son écuyer, la raille. De nouveau seule avec sa servante
Brangäne, Isolde lui raconte sa première rencontre avec Tristan,
comment elle l’a soigné alors qu’il était le meurtrier de son époux . Or,
cet homme qu’elle devrait haïr, elle ne peut s’empêcher de l’aimer.
Désemparée à l’idée de devoir vivre dans sa proximité tout en étant
l’épouse d’un autre homme, elle décide de mourir conjointement
avec Tristan. Quand Tristan accepte enfin de venir lui parler, Isolde
lui demande de boire avec elle le philtre de la délivrance, qu’elle
fait préparer par Brangäne. Or la potion remise par Brangäne n’est
pas le philtre de mort attendu, mais un philtre d’amour. Sous les
acclamations de la foule, Tristan et Isolde atteignent les Cornouailles.
L’ Œ U V R E

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


Acte 2 Isolde est désormais l’épouse du roi Marke. Elle attend que ce
dernier parte à la chasse pour faire venir Tristan dans le jardin, de
nuit. Brangäne la met en garde contre Melot, courtisan du roi qui
n’attend que l’occasion de trahir les amoureux.
Tristan arrive et, au comble de la félicité, les deux amants décident
de quitter ce monde. Prévenu par Melot, Marke apparaît avec sa
suite. Déçu que Tristan ait trahi sa confiance et son amitié, il s’in-
terroge sur l’existence de toute valeur morale. À cet instant, Tristan
fait mine d’accepter un duel avec Melot qui le blesse mortellement.

Acte 3 Kurwenal a ramené Tristan chez lui, à Karéol, en Bretagne. Sa plaie


résultant du duel avec Melot ne se cicatrisant pas, Kurwenal a en-
voyé un bateau en Cornouailles afin qu’Isolde vienne le soigner.
Un berger guette son retour. Quand Isolde arrive, il est trop tard :
Tristan meurt en la sentant approcher. Isolde n’a plus qu’à se laisser
mourir et les deux amants vont enfin pouvoir se rejoindre – dans
l’absolu de l’éternité.

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Altes Paulinum :
les bâtiments de
l’Université de
Leipzig en 1830 où
Wagner débute ses
études musicales 
(ancien couvent de
Dominicains) Dessin
à la plume coloré.
L’ Œ U V R E

8
Personnages
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Tristan Ténor

Isolde Soprano

Brangäne Soprano

Kurwenal Baryton

Le roi Marke Basse

Melot Ténor

Un berger Ténor

Un jeune marin Ténor

Un pilote Baryton
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
L’ Œ U V R E

Les liens entre 9

les personnages

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


LE ROI MARKE
(souverain
de Cornouailles)

Courtisan
fidèle

Loyauté, puis Époux


trahison MELOT
(ami de Tristan)

Délateur,
traître

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TRISTAN ISOLDE
Ennemi, haine,
(chevalier vassal puis amour (princesse
du roi Marke) d’Irlande)

Serviteur, Confidente
loyal

KURWENAL BRANGÄNE
(écuyer de Tristan) (servante d’Isolde)
L’ Œ U V R E

10
Richard Wagner (1813-1883)
Le compositeur
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Richard Wagner est le compositeur majeur du romantisme


tardif en Allemagne. Il naît à Leipzig le 22 mai 1813. Très
tôt, il se passionne pour le théâtre et écrit entre l’âge de
13 et 15 ans une tragédie.

Son premier choc musical a lieu en 1829 lors de la


représentation de Fidelio de Beethoven. Il commence
alors des études de musique à l’université de Leipzig.
Comme il aime le rappeler, c’est en analysant et recopiant
des symphonies de Beethoven qu’il parfait ses connais-
sances musicales.

C’est en 1834 qu’il achève son premier opéra (Les


Fées) pendant qu’il est directeur musical du théâtre de
Magdebourg. Poursuivi par ses créanciers, il fuit vers Paris
où il s’installe entre 1839 et 1842. Ayant pour objectif de
conquérir le public français, il écrit Rienzi. Même si pen-
dant ces années il rencontre Berlioz et Liszt, son séjour parisien
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

reste marqué par des désillusions artistiques.

C’est en 1842 que s’opère un tournant : le Théâtre de la cour


royale de Saxe à Dresde monte Rienzi. Le public accueille l’œuvre
triomphalement et la carrière de Wagner est définitivement lancée.

En 1843, c’est la création du Vaisseau Fantôme à Dresde. La


transformation du genre opéra est amorcée avec notamment de
longs moments introspectifs des personnages ou la rédemption
par l’Amour.
L’ Œ U V R E

11

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


Tannhäuser (1845) et Lohengrin (1845 – 1848) continuent à affir-
mer le style du compositeur avec l’esquisse d’une forme musicale
continue.

Artiste révolutionnaire dans sa conception de l’opéra, il fréquente


à Dresde les milieux anarchistes pendant la Révolution en Allemagne
(1848-1849). Ses fréquentations lui valent un exil forcé en Suisse.

C’est en 1854 qu’il commence à écrire La Tétralogie (quatre


opéras) : L’Or du Rhin et La Walkyrie en 1856. Mais en 1857, débute
l’écriture de Tristan et Isolde, parachevant la technique du leitmotiv1
et interrompant l’écriture de la Tétralogie.

Grâce au soutien financier de Louis II de Bavière, Wagner peut


se consacrer à sa Tétralogie. Entre 1872 et 1875, il fait construire
un théâtre à Bayreuth où ses œuvres sont jouées, beaucoup de
compositeurs y feront leur « pèlerinage ».

Affaibli par une insuffisance cardiaque, il décède en Italie le 13


février 1883. OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

(1) leitmotiv : c’est un motif musical associé à un


personnage, un objet ou un sentiment
L’ Œ U V R E

La « maison du festival »
(Festspielhaus)
de Richard Wagner
à Bayreuth vers 1900

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

1850
Lohengrin

1865
Tristan et Isolde

1868
Wagner et l’Opéra Les Maîtres Chanteurs
de Nuremberg

1869
L’Or du Rhin
Prologue de la Tétralogie
1833
Les Fées
d’après La donna serpente
de Carlo Gozzi
1870
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

La Walkyrie

1834 Première journée


de la Tétralogie
La Défense d’Aimer
ou La Novice de Palerme
d’après Measure
for Measure de Shakespeare
1876
Siegfried
1837 Deuxième journée
Rienzi de la Tétralogie
d’après le roman homonyme
d’Edward Bulwer-Lytton

1841 1876
Le Crépuscule des Dieux
Le Vaisseau Fantôme Troisième journée
d’après Les Mémoires de de la Tétralogie
Monsieur Schnabelewopski
de Heine

1847 1882
Tannhäuser Parsifal
L’ Œ U V R E

L’œuvre dans son contexte 13

historique : le milieu du XIXe

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


en Allemagne et ailleurs

Beaux-Arts

1852 : Frédéric II jouant de la flûte à Sans-


souci, Adolph von Menze. Inauguration du Littérature
musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.
1858 : L’Angélus, Jean-François Millet.
1855 : Aurélia, Gérard de Nerval ; Lutèce,
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
1862-70 : Charles Garnier construit un
nouvel opéra à Paris. Heinrich Heine.
1863 : Le Déjeuner sur l’Herbe, Édouard 1856 : Les Gens de Seldwyla, Gottfried
Manet. Keller.
1869 : Début de la construction du 1857 : Madame Bovary, Gustave Flaubert ;
château de Neuschwanstein. mort d’Alfred de Musset.
1870 : Création du cercle de Leibl, 1859 : La Légende des Siècles,
réunissant des peintres réalistes allemands. Victor Hugo.
1878 : Début de la construction du château 1862 : Les Misérables, Victor Hugo ;
de Herrenchiemsee, voulu par Louis II Salammbô, Gustave Flaubert.
comme une copie conforme du Château 1864 : Les Destinées, Alfred de Vigny.
de Versailles. 1865 : Alice au Pays des merveilles,
1880 : Achèvement de la Cathédrale de Lewis Carroll.
Cologne. 1866 : Poèmes saturniens, Paul Verlaine ;
Crime et Châtiment, Fiodor Dostoïevski ;
Der Kuss von Sentze (Le Baiser de Sentze),
Adalbert Stifter.
L’ Œ U V R E

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Histoire
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

1848 : Réunion du Parlement de Francfort,


prémices de l’unité allemande.
1852 : En France, début du Second Empire
(1852-1870).
1866 : Victoire prussienne de Sadowa,
1853 : l’Empire Ottoman déclare la guerre
l’Autriche est écartée de l’unité allemande.
à la Russie (début de la Guerre de Crimée).
Confédération de l’Allemagne du Nord sous
1863 : Henri Dunant pose les bases de ce
l’égide de la Prusse.
qui deviendra la Croix Rouge en 1876.
1867 : Compromis austro-hongrois.
1864 : Avènement de Louis II de Bavière,
1870 : Proclamation de l’Empire allemand
guerre des Duchés.
à Versailles, le Royaume de Bavière y est
1865 : Léopold II devient roi des
intégré.
Belges, assassinat de Lincoln à l’Opéra de
1878 : Lois anti-socialistes de Bismarck,
Washington.
mise en place d’un système de sécurité
sociale en Allemagne.
1886 : Internement et mort de Louis II.
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Musique
1850 : Lohengrin, Richard Wagner.
1851 : Rigoletto, Giuseppe Verdi.
1853 : Le Trouvère / La Traviata,
Giuseppe Verdi.
1862 : La Force du Destin, Giuseppe Verdi.
1854 : L’Enfance du Christ, Hector Berlioz.
1864 : La Belle Hélène, Jacques
1855 : Concerto pour piano n° 1, Franz Liszt.
Offenbach ; Variations et Fugue sur un
1857 : Faust-Symphonie / Sonate pour
Thème de Haendel op. 24 (piano), Johannes
piano / Concerto pour piano n° 2, Franz Liszt.
Brahms.
1858 : Wesendonck-Lieder,
1865 : Tristan et Isolde, Richard Wagner.
Richard Wagner.
1868 : Les Maîtres Chanteurs de
1859 : Concerto pour piano n° 1,
Nuremberg, Richard Wagner.
Johannes Brahms ; Faust, Charles Gounod ;
Un Bal Masqué, Giuseppe Verdi.
1861 : Mephisto / Valse n° 1, Franz Liszt.
L’ Œ U V R E

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

Isolde, lithographie (1895)


d’Aubrey Beardsley (1872-1898) -
Collection privée - The Stapleton
Collection - ©Bridgeman Images
L’ Œ U V R E

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Genèse
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Comme souvent chez Wagner, la genèse de Tristan et Isolde est


extrêmement longue. Il possède dans sa bibliothèque à Dresde
plusieurs versions de la légende celtique de Tristan et Yseult, dont
celle de Gottfried de Strasbourg, qu’une traduction toute récente
(1844) vient de remettre au goût du jour. Il possède également des
œuvres plus tardives qui en sont inspirées, comme le poème en
vieil anglais intitulé Sir Tristan, d’après Thomas von Erceldoune.

L’état d’usure de ces ouvrages et les


lettres à Liszt du début des années
1850 témoignent de son intérêt pré-
coce pour cette légende, que l’on
associe trop souvent à l’idylle qu’il en-
tretient entre Mathilde Wesendonck,
rencontrée en 1852. Cette jeune poé-
tesse lui inspire certes un cycle de
lieder dont deux servent d’esquisses
harmoniques au Tristan à venir, mais
leur brève aventure sous le toit du
mari et protecteur de Wagner ne sert
que de catalyseur à un matériau déjà
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

en place.

Mathilde Wesendonck,
J.C. Donner
L’ Œ U V R E

17

Richard Wagner
à Mathilde Wesendonck

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


« Il y a un an aujourd’hui, je terminais le poème Tristan et je t’apportais le dernier acte. Tu m’ac-
compagnas jusqu’à la chaise devant le sofa, tu m’embrassas et tu me dis : « Maintenant, je n’ai
plus rien à souhaiter ! »

Ce jour-là, à ce moment-là, je naquis vraiment. Ce qui avait précédé, c’était le prologue de ma


vie ; maintenant commençait l’épilogue. C’est seulement au cours de cet instant merveilleux
que je vécus réellement. Tu sais comme j’en ai joui ! Non pas avec turbulence, emportement,
enivrement ; mais avec solennité, profondément, me sentant réconforté, libre, le regard comme
plongé dans l’éternité. – du monde, je m’étais, douloureusement, déjà, de plus en plus détaché.

Tout en moi aboutissait à la négation, à la défense – douloureux était même devenu mon travail
d’artiste, car il y avait en moi le désir intense, l’inapaisé désir pour trouver pour cette négation
et cette défense ce qui me confirme, ce qui m’est propre, ce qui s’unit à moi. Ce moment là me
l’octroyait avec une si indubitable certitude que j’eus la sensation d’un silence, d’un arrêt solen-
nel. Une femme affectueuse, timide, hésitante, ce jetait avec un courage sublime dans l’océan
des souffrances et des maux pour me procurer ce moment splendide pour me dire je t’aime !..

Ainsi, tu me vouais à la mort, afin de me donner la vie ; ainsi je reçus ta vie afin de quitter le
monde avec toi. – Alors le sortilège de l’inapaisé désir fut annihilé ! Le trouble et l’angoisse ont
pu s’emparer de nous, même si tu as pu être emportée par l’illusion de la passion : mais moi, tu
sais, je suis toujours resté le même et mon amour pour toi ne pouvait plus, depuis ce moment

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE


terrible, perdre son parfum, ne fût-ce qu’un atome de ce parfum. Toute amertume s’en était
allée ; j’ai pu errer, devenir la proie de la douleur, mais pour toujours je savais clairement que
jamais cette lumière ne s’éteindrait, que ton amour était mon bien suprême et que sans lui, mon
existence serait une contradiction.

Merci, mon bel ange plein d’amour ! –


18 septembre 1858 »

Traduit de l’allemand par Georges Khnopff


Breitkopf & Härtel, 1911.
L’ Œ U V R E

18
Schopenhauer L’autre grande source d’inspiration est la découverte par le musicien
du Monde comme Volonté et Représentation de Schopenhauer,
qu’un ami lui fait connaître en 1854. L’idée qu’il y voit développée,
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

que l’art serait l’unique palliatif à la douleur de vivre, ce spleen si


cher aux artistes de l’époque, est assurément un élément moteur
de la genèse de notre opéra. Tous les éléments sont réunis pour
que Wagner puisse se mettre au travail. Et, comme il souhaite
plus que tout retrouver une certaine stabilité sociale après les
déboires politiques et financiers qui l’on conduit en exil, il se dit
qu’il lui faut écrire une œuvre simple,
immédiatement accessible par tous
les publics. Tristan est l’occasion de
« Je suis, pour l’instant, exclusivement absorbé par un mettre en œuvre la philosophie de
homme qui est apparu dans ma solitude comme un en- Schopenhauer par le prisme de ces
voyé du ciel. C’est Arthur Schopenhauer, le plus grand deux amants maudits.
philosophe depuis Kant ».

Richard Wagner

Wagner est frappé par ce que dit le


philosophe au sujet de la volonté :
elle n’est pas un acte conscient, réfléchi mais une impulsion, une
énergie vitale, une force primitive. Cette volonté est antérieure
à toute prise de conscience, à toute objectivation. L’Univers est
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

entièrement mû par une force que Schopenhauer nomme « le vou-


loir-vivre », qui force les êtres à persévérer envers et contre tout.
Seulement, pour exister, ce principe doit nécessairement s’incarner
dans un être, donc s’individualiser, cette individuation pour Scho-
penhauer induit des souffrances, des luttes, de l’égoïsme.

Si l’individu est confronté à la souffrance, c’est parce qu’il est éga-


lement confronté dans sa vie à l’espace et au temps. On retrouve
dans Tristan nos personnages en proie à leur désir de s'arracher
au temps et à l'espace, à fuir la lumière du jour pour sombrer dans
une nuit extatique.
L’ Œ U V R E

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« La musique n'exprime pas telle ou telle douleur, telle ou telle joie, mais la
joie et la douleur mêmes, quel que soit l'être humain qui les éprouve, quelle

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


que soit la cause qui les ait provoquées. Elle donne la quintessence du sen-
timent, sans aucune nuance particulière, sans aucun trait individuel.

Et cependant, chacun la comprend, comme si elle s'adressait à lui seul. De là


vient que « notre imagination cherche à donner un corps à ce monde invisible
et pourtant si animé, à revêtir de chair et d'os ces essences subtiles, à les
incarner dans des images tirées du monde réel ». Telle est l'origine du chant
avec paroles, et enfin de l'opéra.

Mais la musique, lorsqu'elle consent à s'allier avec la parole, ne doit jamais se


subordonner ; elle doit toujours se souvenir que, comme langage du cœur, elle
se suffit, et que tout autre langage est inférieur à celui-là. Elle rend sensible
l'essence intime des choses, dont les autres arts ne montrent que le dehors.

Ce caractère de la musique explique certains effets particuliers qu'elle produit


sur nous. « Lorsque, en présence d'un spectacle quelconque, d'une action,
d'un événement, nous percevons les sons d'une musique appropriée, cette
musique semble nous en révéler le sens profond ; elle en est comme le com-
mentaire clair et fidèle. Et d'autres fois, quand nous sommes sous le charme
d'une symphonie, il nous semble voir défiler devant nous tous les événements
possibles de la vie et du monde ; pourtant, quand nous y réfléchissons, nous
ne pouvons découvrir aucun lien entre les airs exécutés et nos visions». Le
monde pourrait être appelé une incarnation de la musique, aussi bien qu'une OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
incarnation de la volonté ».

Extrait de : Adolphe Bossert, Schopenhauer : L'Homme et le Philosophe,


éd. Hachette, 1904
L’ Œ U V R E

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Nietzsche Très tôt, Nietzsche se passionne pour la musique : il dé-
couvre Tristan à l’âge de dix-sept ans. La première ren-
contre avec Wagner a lieu le 8 novembre 1866.
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Les deux hommes sont passionnés par la tragédie grecque,


Nietzsche expliquant notamment que le chœur antique
est remplacé dans l’opéra moderne par l’orchestre. Dans
Tristan, Wagner donne raison à Nietzsche : l’orchestre n’est
plus accompagnateur mais commentateur de l’action, les
leitmotivs précèdent les personnages, l’orchestre montre
la psychologie profonde des personnages.

C’est en 1876 que le philosophe dans dans la quatrième et


dernière des Considérations inactuelles, intitulée Richard
Wagner à Bayreuth, régénère la tragédie grecque sous
la forme du drame musical. Wagner apparaît comme un
nouvel Eschyle.

1876 est également le début d'un retourne-


ment (la rupture effective commence en 1878)
pour Nietzsche : il soupçonne Wagner d'être
un décadent et Bayreuth de réunir toute l'Al-
lemagne nationaliste. En 1888, il brandira le
remède choc contre l’idolâtrie wagnérienne :
Carmen. Là encore, c’est une pure instrumen-
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

talisation de l’opéra de Bizet dans le cadre de


son anti-germanisme : à Fuchs, il écrira que son
éloge de Carmen n’était que purement ironique.

Wagner
par Auguste Renoir

Un chef-d’œuvre La volonté initiale de simplicité est vite balayée : Tristan et


Isolde rompt avec tous les codes musicaux et théâtraux
révolutionnaire de l’époque. L’action est réduite à sa plus stricte épure,
et la musique refuse les alternances préétablies entre
récitatifs et airs pour préserver la continuité du discours,
dans un flux ininterrompu. Wagner semble enfin tenir un
lieu de création. En effet, Vienne accepte de programmer
l’œuvre pour 1864, mais après quelques soixante-dix-sept
répétitions, l’ouvrage est déclaré injouable...
L’ Œ U V R E

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Louis II
de Bavière

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


C’est Louis II de Bavière qui sauve in extremis le projet.
Le roi lui offre le théâtre de la Cour de Munich pour une
création au printemps 1865. Les époux Ludwig et Malwi-
na Schnorr von Carolsfeld tiennent les deux rôles-titres.
La création laisse une grande partie des auditeurs dans
l’incompréhension la plus totale devant la nouveauté du
langage proposé, certains préférant s’attacher pour toute
critique au caractère immoral de l’histoire (!).

Louis II de Bavière

• Évocation du règne de Louis II de Bavière, protecteur


des arts (et en particulier mécène de Richard Wagner

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE


qui lui dut son salut et la possibilité de réaliser ses
plus belles œuvres).
https://youtu.be/qYBoe_yqHEc

Film Ludwig, (1973)


de Luchino Visconti
L’ Œ U V R E

22
Une légende Tristan et Isolde n’en a pas fini de nourrir sa propre lé-
gende noire : quelques jours après la création, Ludwig
noire Schnorr von Carolsfeld meurt dans des circonstances
encore mal élucidées (il est alors de bon goût d’ironiser
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

sur la toxicité de l’œuvre pour ses interprètes mêmes !).

L’Île Tristan dans la baie de


Douarnenez, Eugène Boudin
(1824-1898) - Collection privée -
©Bridgeman Images
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
L’ Œ U V R E

23
Le mythe de Tristan est l’un des mythes les plus importants de la culture occi-
dentale, il fait pourtant partie des œuvres qui ne nous parviennent
Tristan, au fil du Moyen-Âge que de manière parcellaire. Néanmoins, toutes ces

de l’Histoire, bribes forment une légende riche et incontournable dans notre

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


culture occidentale.
du Moyen-Âge Cette histoire puise ses racines à la fin de XII e siècle dans deux
à Wagner romans : un écrit pour la Cour des Plantagenêts et l’autre écrit par
Béroul vers 1180. Ces deux romans nous sont parvenus de façon
fragmentaire. En revanche, des adaptations plus tardives comme
le roman d’Eilhart d’Oberg (fin XIIe siècle, Allemagne) ou celui de
frère Robert (1226, Islande) nous sont parvenus complets. Ces deux
romans montrent à quel point le mythe s’était déjà développé avec
ampleur. Puis le récit est tombé dans l’oubli pendant une longue
période : il faut attendre 1835 pour qu’il refasse surface. Ces textes
du Moyen-Âge sont alors réédités et adaptés dans une langue
moderne.

Une histoire Tristan est orphelin de naissance, sa mère est la sœur du roi Marc.
Son oncle le recueille et l’élève. Il se bat pour libérer la Cornouailles
globale contre Morholt, frère de la reine d’Irlande. La reine d’Irlande a une
fille : Yseult, détentrice de secrets ancestraux, guérit Tristan de ses
blessures. Marc le renvoie en Irlande pour qu’il ramène Yseult en
vue de l’épouser. Tristan s’acquitte de sa tâche avec exemplarité.
Brangaine, la servante d’Yseult, commet une erreur fatale : pour OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
désaltérer Yseult, elle confond un breuvage inoffensif avec un
philtre d’amour que la mère d’Yseult a destiné au roi Marc afin qu'il
soit toujours épris de sa fille. Tristan et Yseult tombent fatalement
amoureux. Mais bientôt, les deux amants sont découverts en flagrant
délit d’adultère et sont condamnés à mort.

Fuyant leur sentence, ils finissent cachés dans la forêt de Morois,


vivant dans l’indigence. Jusqu’au jour où Marc, pendant l’une de
ses chasses, les croise et décide de les absoudre.

Malgré une histoire pleine de rebondissements, Wagner est sûr de


tenir un thème pour son futur opéra. L’exécution de son Prélude le
12 mars 1859 à Prague (alors que le troisième acte n’est qu’à l’état
d’ébauche) le conforte dans cette idée qu’il est porteur avec cet
opéra d’une mission sociale et morale. La richesse, la complexité
et la modernité de son écriture serviront à ses opéras suivants (Les
Maîtres Chanteurs, Le Crépuscule des Dieux, Parsifal).
L’ Œ U V R E

24 Notons enfin que la deuxième exécution du Prélude a lieu à Paris


le 15 janvier 1860. Baudelaire fait partie de l’auditoire : il écrit une
lettre de félicitations et d’encouragements au compositeur. On
note également la présence de la comtesse Marie Kalergis, qui
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

offre 10 000 francs pour couvrir le déficit du concert.

Dans son opéra, Wagner concentre l’action, sacrifiant beaucoup


d’épisodes du poème médiéval pour ne garder que trois moments
charnières de l’histoire : le philtre, le rendez-vous et la mort.

Le premier acte est celui d’Isolde, le troisième celui de Tristan.


Le deuxième sera partagé à parts égales entre les deux, le point
culminant étant le duo des deux personnages. Le duo d’amour
sera interrompu par le cri de Brangäne, apprenant qu’un traître a
dénoncé les amants.

Une partition Galvanisé par l’enthousiasme d’une partie du public, Wagner se


met en quête d’interprètes à la hauteur de ses exigences. Pour sa
injouable ? Première, l’œuvre est programmée à l’Opéra de Karlsruhe. Wa-
gner se trouve en conflit avec le directeur de l’opéra : il refuse de
libérer ses chanteurs. Le compositeur se tourne donc vers l’Opéra
de Vienne. Dès juillet 1862, les époux Malwina et Ludwig Schnorr
von Carolsfeld répètent les rôles-titres avec Wagner et le chef
d’orchestre Hans von Bülow.
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

« Le poème de Tristan et Isolde dépasse les autres poèmes


de l’amour comme l’œuvre de Richard Wagner dépasse
celle des autres auteurs de son siècle : de la hauteur
d’une montagne. »

Romain Rolland
L’ Œ U V R E

25

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


La Mort de Tristan et Isolde,
École allemande - Bibliothèque
de l’Opéra Garnier, Paris -
©Bridgeman Images

Un flot musical Avec Wagner, l’Opéra change d’époque : on laisse tomber


l’opéra « à numéros2 » avec son découpage artificiel où
ininterrompu l’action s’arrête au profit d’un air (souvent) de bravoure
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
pour mettre en valeur l’interprète avec une forme figée
couplet / refrain. La musique se déroule sans interruptions,
suivant l’action et la psychologie des personnages au
plus près. L’orchestre se densifie, créant une opposition
sonore entre les chanteurs et l’orchestre. L’évolution de
la facture instrumentale a aussi demandé aux chanteurs
des volumes sonores toujours plus exigeants, créant
ainsi des artistes spécialisés dans ce type de répertoire,
capables de faire face à cette masse orchestrale (ténors
héroïques, soprano dramatiques).

(2) Les scènes sont découpées en airs et récitatifs.


L’ Œ U V R E

26
La malédiction Après 77 répétitions, c’est au tour de l’Opéra de Vienne
de déclarer forfait devant une œuvre qualifiée d’injouable.
de Tristan Louis II de Bavière sauve in extremis la situation : il ef-
face les dettes et propose à Wagner de faire construire
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

un théâtre capable d’accueillir ses productions (ce sera


Bayreuth). Finalement, c’est l’Opéra de Munich qui assure
la Première de Tristan. Trois semaines
après la création, Ludwig Schnorr von
Carolsfeld décède brutalement, met-
tant un terme au projet que Wagner
aura porté pendant plus de vingt ans
de sa vie.
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

La tombe de Tristan et
Isolde, vitrail, Sir Edward Coley-
Jones

« Aujourd’hui encore, je cherche en vain une


œuvre qui ait la même dangereuse et suave in-
finitude que Tristan et Isolde. »

Friedrich Nietzsche, Ecce Homo


L’ Œ U V R E

27
Le lai3 du Chèvrefeuille Dans son poème, la poétesse Marie de France nous
narre la légende de Tristan en prenant comme symbole
Marie de France le chèvrefeuille, une plante qui s'enroule sur sa branche,
(1160-1210) symbolisant l'inséparabilité des amants.

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


J’ai bien envie de vous raconter Ils y seront tous pour la Pentecôte
La véritable histoire Car le roi veut y célébrer une fête:
Du lai qu’on appelle Le chèvrefeuille Il y aura de grandes réjouissances
Et de vous dire comment il fut composé Et la reine accompagnera le roi.
Et quelle fut son origine. Cette nouvelle emplit Tristan de joie :
On m’a souvent relaté Elle ne pourra pas se rendre à Tintagel
L’histoire de Tristan et de la reine, Sans qu’il la voie passer !
Et je l’ai aussi trouvée dans un livre, Le jour du départ du roi,
L’histoire de leur amour si parfait, Il revient dans la forêt,
Qui leur valut tant de souffrances Sur le chemin que le cortège
Puis les fit mourir le même jour. Doit emprunter, il le sait.
Le roi Marc, furieux Il coupe par le milieu une baguette de
Contre son neveu Tristan, noisetier
L’avait chassé de sa cour Qu’il taille pour l’équarrir.
À cause de son amour pour la reine. Sur le bâton ainsi préparé,
Tristan dut regagner son pays natal, Il grave son nom avec son couteau.
Le sud du pays de Galles, La reine est très attentive à ce genre de
Pour y demeurer une année entière signal :
Sans pouvoir revenir. Si elle apperçoit le bâton,
Il s’est pourtant ensuite exposé sans Elle y reconnaître bien
hésiter Aussitôt un message de son ami.
Au tourment et à la mort. Elle l’a déjà reconnu,
N’en soyez pas surpris: Un jour, de cette manière.
L’amant loyal Ce que disait le message OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
Est triste et affligé Écrit par Tristan,
Loin de l’objet de son désir. C’était qu’il attendait
Tristan, désespéré, Depuis longtemps dans la forêt
A donc quitté son pays À épier et à guetter
Pour aller tout droit en Cornouaille, Le moyen de la voir
Là où vit la reine. Car il ne pouvait pas vivre sans elle.
Il se réfugie, seul, dans la forêt, Ils étaient tous deux
Pour ne pas être vu. Comme le chèvrefeuille
Il en sort le soir Qui s’enroule autour du noisetier :
Pour chercher un abri Quand il s’y est enlacé
Et se fait héberger pour la nuit Et qu’il entoure la tige,
Chez des paysans, de pauvres gens. Ils peuvent ainsi continuer à vivre
Il leur demande longtemps.
Des nouvelles du roi Mais si l’on veut ensuite les séparer,
Et ils répondent Le noisetier a tôt fait de mourir.
Que les barons, dit-on,
Sont convoqués à Tintagel.

(3) Nom d'un genre poétique du Moyen- Âge.


L’ Œ U V R E

Costume pour Isolde à


28 l’Opéra de Vienne (1903-1904),
Alfred Roller (1864-1904)
Österreichische
Nationalbibliothek, Vienne -
Archives Charmet -
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

©Bridgeman Images
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
L’ Œ U V R E

Tristan et Nombre de pièces de théâtre reprennent ce modèle de couple


illégitime. Tristan et Isolde sont attirés l'un par l'autre, malgré la
29

Isolde : un
présence d’un époux légitime interdisant cette union (le roi Marke
dans l’opéra de Wagner).

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


modèle
On retrouve cela dans la pièce de Maeterlinck : Pelléas et Mélisande,
où le couple exacerbe la jalousie de Golaud.

relationnel
Mais aussi dans Axël une pièce de théâtre d’Auguste Villiers de
L’Isle Adam, où prenant conscience que leur vie ne sera jamais à
la hauteur de leurs rêves, les amants n’ont comme échappatoire
repris par que la mort en tant qu’éternité.

Tout comme la pièce de William Butler Yeats : Axël and the Sha-
d’autres dowy Waters, où un couple décide de quitter la vie au moment où
ils viennent d’accéder au plus haut point de l’extase spirituelle.

Dans ce cadre, on retrouve également des personnages récurrents


comme la servante ou l’écuyer fidèles à leur maître malgré eux, et qui
parfois réalisent les désirs inconscients de leur
• On trouve également des thématiques communes maître : c’est l’épisode du philtre où Brangäne
comme : se trompe de breuvage (où la psychanalyse
peut qualifier cet épisode d’acte manqué4).
L’élément liquide : le trajet sur la mer, le philtre et
la sang jaillissant de la blessure. Autre personnage déterminant : le traître (Melot
dans notre opéra). Il révèle la relation à l’époux
Le trajet maritime : que l’on retrouve par exemple
légitime.
dans Pelléas et Mélisande, lors de l’arrivée de Méli-
sande à Allemonde. OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

(4) Acte par lequel un sujet substitue, malgré lui, à un projet ou à une intention qu'il vise délibérément, une action ou
une conduite totalement imprévues. Sigmund Freud fut le premier à postuler que les actes manqués résultaient d'une
attention et que leur sens était à expliciter au niveau de l'inconscient du sujet.
L’ Œ U V R E

30
Tout un monde
intérieur
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Avec Tristan, nous entrons définitivement dans une autre esthétique de l’opéra : les
thèmes (leitmotivs), s’amalgament, s’enchaînent et circulent librement d’un pupitre à
l’autre.

Tristan est une œuvre essentiellement psychologique : presque sans intrigue, où le


drame est purement intérieur avec des personnages qui souvent ne parviennent pas
à verbaliser leurs sentiments. L’orchestre, avec ses leitmotivs, nous fait comprendre
leur états d’âmes les plus profonds. Pour les suivre au plus près, Wagner s'affranchit
des carrures5 de façon à rendre fluide son discours musical.

De même, la tonalité6 qui est constamment brisée, chromatique, évolutive à tel point
qu’il est souvent difficile de la définir (voir paragraphe sur les accords de Tristan ).

Par ailleurs, le concept de mélodie infinie ne relève pas uniquement de la technique


d’écriture musicale. Il s’agit d’établir un discours musical et poétique, capable de
s’étendre sur un opéra entier. Wagner veut gommer les transitions musicales d’une
séquence à l’autre, les rendre les plus imperceptibles à l’auditeur.
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

(5) Phrase musicale, organisée dans le style classique de façon symétrique.


(6) Une tonalité est définie par une gamme composée de huit notes.
L’ Œ U V R E

31

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
Tristan et Iseut jouent aux échecs et
boivent le philtre d'amour à bord d'un navire.
Enluminure du Tristan de Léonois, 1470
L’ Œ U V R E

32
La nuit,
symbole Comme dans Tristan, Nietzsche dans Zarathous-
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

de liberté
tra reprend le thème de la nuit comme un lieu
d'épanouissement amoureux.

« Il fait nuit : voici que s’élève plus haut la voix des fontaines jaillissantes. Et mon âme,
elle aussi, est une fontaine jaillissante.
Il fait nuit : voici que s’éveillent tous les chants des amoureux. Et mon âme, elle aussi,
est un chant d’amoureux.
Il y a en moi quelque chose d’inapaisé et d’inapaisable qui veut élever la voix. Il y a
en moi un désir d’amour qui parle lui-même le langage de l’amour.
Je suis lumière : ah ! si j’étais nuit ! Mais ceci est ma solitude d’être enveloppé de
lumière.
Hélas ! que ne suis-je ombre et ténèbres ! Comme j’étancherais ma soif aux
mamelles de la lumière !
Et vous-mêmes, je vous bénirais, petits astres scintillants, vers luisants du ciel ! et je
me réjouirais de la lumière que vous me donneriez.
Mais je vis de ma propre lumière, j’absorbe en moi-même les flammes qui jaillissent
de moi.
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

Je ne connais pas la joie de ceux qui prennent ; et souvent j’ai rêvé que voler était
une volupté plus grande encore que prendre.
Ma pauvreté, c’est que ma main ne se repose jamais de donner ; ma jalousie, c’est
de voir des yeux pleins d’attente et des nuits illuminées de désir.
Ô misère de tous ceux qui donnent ! Ô obscurcissement de mon soleil ! Ô désir de
désirer ! Ô faim dévorante dans la satiété !
Ils prennent ce que je leur donne : mais suis-je encore en contact avec leurs âmes ?
Il y a un abîme entre donner et prendre ; et le plus petit abîme est le plus difficile à
combler.
Une faim naît de ma beauté : je voudrais faire du mal à ceux que j’éclaire ; je
voudrais dépouiller ceux que je comble de mes présents : — c’est ainsi que j’ai soif
de méchanceté.
Retirant la main, lorsque déjà la main se tend ; hésitant comme la cascade qui dans
sa chute hésite encore : — c’est ainsi que j’ai soif de méchanceté.
Mon opulence médite de telles vengeances : de telles malices naissent de ma
solitude.
L’ Œ U V R E

33

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


Mon bonheur de donner est mort à force de donner, ma vertu s’est fatiguée d’elle-
même et de son abondance !
Celui qui donne toujours court le danger de perdre la pudeur ; celui qui toujours
distribue, à force de distribuer, finit par avoir des callosités à la main et au cœur.
Mes yeux ne fondent plus en larmes sur la honte des suppliants ; ma main est
devenue trop dure pour sentir le tremblement des mains pleines.
Que sont devenus les larmes de mes yeux et le duvet de mon cœur ? Ô solitude de
tous ceux qui donnent ! Ô silence de tous ceux qui luisent !
Bien des soleils gravitent dans l’espace désert : leur lumière parle à tout ce qui est
ténèbres, — c’est pour moi seul qu’ils se taisent.
Hélas ! telle est l’inimitié de la lumière pour ce qui est lumineux ! Impitoyablement,
elle poursuit sa course.
Injustes au fond du cœur contre tout ce qui est lumineux, froids envers les soleils —
ainsi tous les soleils poursuivent leur course.
Pareils à l’ouragan, les soleils volent le long de leur voie ; c’est là leur route. Ils
suivent leur volonté inexorable ; c’est là leur froideur.
Oh ! c’est vous seuls, êtres obscurs et nocturnes qui créez la chaleur par la lumière !
Oh ! c’est vous seuls qui buvez un lait réconfortant aux mamelles de la lumière !
Hélas ! la glace m’environne, ma main se brûle à des contacts glacés ! Hélas la soif
est en moi, une soif altérée de votre soif !
Il fait nuit : hélas ! pourquoi me faut-il être lumière ! et soif de ténèbres ! et solitude ! OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

Il fait nuit : voici que mon désir jaillit comme une source, — mon désir veut élever la
voix.
Il fait nuit : voici que s’élève plus haut la voix des fontaines jaillissantes. Et mon âme,
elle aussi, est une fontaine jaillissante.
Il fait nuit : voici que s’éveillent tous les chants des amoureux. Et mon âme, elle aussi,
est un chant d’amoureux. — »

Friedrich Nietzsche , Ainsi parlait Zarathoustra.


Traduction par Henri Albert. Société du Mercure de France, 1903
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

34
L’ Œ U V R E

(1889)
Vincent Van Gogh
La Nuit étoilée,
L’ Œ U V R E

Les influences 35

de Wagner

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


en France

La première influence de Wagner concerne sa vision de ce qu’est une


œuvre d’art : c’est l’union de tous les arts au service d’une œuvre, une fusion
entre littérature, musique et scénographie.

La deuxième influence est formelle : c’est l’utilisation de la « mélodie conti-


nue » et du leitmotiv.

En France, les compositeurs devront se ranger dans deux catégories, les


pro et anti Wagner. En 1871, est fondée la Société Nationale de Musique
notamment par Camille Saint-Saëns et César Franck. Ces compositeurs qui Caricature
pour la première
au départ sont là pour défendre la musique française deviennent paradoxa- de Tannhäuser à
lement des wagnériens. l’Opéra de Paris

César Franck dans sa Symphonie en ré utilise une forme


cyclique inspirée des leitmotivs de Wagner. D’autres com-
positeurs suivront comme Lalo (avec son opéra Le Roi OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
d’Ys), Chabrier (avec son opéra Gwendoline), ou d’Indy.
D’autres résistent comme Debussy ou Fauré.

Jusqu'en 1870, l’œuvre wagnérienne est globalement très


bien accueillie à Paris. Jules Pasdeloup, le fondateur des
"Concerts populaires" en 1861, son premier défenseur
dans la capitale, fait jouer avec succès Rienzi en 1869.
Mais la guerre franco-prussienne, qui voit la chute de
l'Empire français en 1870, vient changer la donne en at-
tisant les nationalismes. Wagner lui même se laisse aller
à une critique virulente de la France et des Français. Un
chauvinisme conservateur qui lui ferme les portes de
toutes les grandes salles d'opéra de Paris.
L’ Œ U V R E

36
Tristan et Isolde
au cinéma
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Tristan et Yseult (1911),


film muet en noir et blanc
réalisé par Ugo Falena
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

Tristan et Iseult (1972),


Yvan Lagrange
L’ Œ U V R E

37

Die Legende von Tristan und


Isolde (1981), Veith von Fürstenberg

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


(Vous aurez reconnu sur la photo
Christoph Waltz (Tristan), le « mé-
chant » dans James Bond (Spectre
et Mourir peut attendre !)

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE


Tristan et Yseult (2006),
Kevin Reynolds
L’ Œ U V R E

38
Pour rentrer dans
l’univers de Wagner
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

• Extrait du célèbre chœur nuptial : Lohengrin


https://youtu.be/f9QTV3H9Sp8
Cet opéra marque un tournant dans la carrière du jeune
compositeur en jetant les bases de ses futurs drames
musicaux en utilisant :
une légende médiévale comme point de départ au livret
le prélude en lieu et place de l’ouverture
le leitmotiv

• https://youtu.be/uNjTqHTjek0 Les Maîtres Chanteurs


de Nuremberg
L'opéra est célèbre par son caractère joyeux et débor-
dant de vie, conséquence de la lumineuse tonalité d'ut
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

majeur de cet extrait.

• https://youtu.be/Q12ekXTwUug Le Hollandais volant


Opéra en trois actes, souvent appelé Le Vaisseau fan-
tôme en France.
Au village, les femmes attendent le retour des marins,
en filant la laine.

• À comparer avec d’autres chansons de toiles :


Marguerite au Rouet, Schubert, chanson de toile
du Moyen Âge : https://youtu.be/0CHoFKRbNQw
Remarquez la musique illustrant la rotation
mécanique du rouet.
L’ Œ U V R E

39

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


Les Wesendonck-Lieder • https://youtu.be/9QXM4ngYnAc

Cycle de lieder7 composés sur des poèmes de Mathilde


Wesendonck, femme d’un des mécènes de Wagner.

L’Idylle de Siegfried • https://youtu.be/5BbdmCZQl98

En allemand : Siegfried-Idyll.
L'œuvre est écrite pour un orchestre composé de treize
musiciens. Wagner fait un cadeau à son épouse Cosima
en lui dédiant cette musique, reprise d’extraits de son
opéra Siegfried.

La chevauchée
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
• https://youtu.be/7lf8KeYB8_Q

des Walkyries
Extraits de La Walkyrie. Francis Ford Coppola a utilisé
cette musique dans son film Apocalypse Now.

(7) Poème allemand mis en musique pour voix solo généralement accompagnée par un piano.
L’ Œ U V R E

40
Un compositeur entaché
par des thèses politiques
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

extrémistes
C'est en 1850, pendant son exil forcé en Suisse, que Richard Wagner écrit un essai
intitulé Le Judaïsme dans la musique, dans lequel il fait étalage de thèses antisémites.
Publié une première fois avec le courage de l'anonymat, il persiste et signe, cette-fois
ci de son nom, dans une nouvelle édition en 1869. Il s’insurge contre les compositeurs
juifs (particulièrement Meyerbeer) qui selon lui, ne font que plagier la culture des pays
où ils sont et dévalorisent la culture nationale.

Quand Israël autorisera enfin


la musique de Wagner, le cliché
d’homme infréquentable qui
entache son génie vivra peut-
être ses derniers jours
par Olivier Bellamy
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

La musique de Wagner est toujours interdite sur le sol


d’Israël depuis la création de l’État en 1948 bien qu’elle
passe à la radio et que des disques y sont vendus.
Le chef d’orchestre Daniel Barenboïm a néanmoins
transgressé ce tabou en 2001 en dirigeant, en bis, avec
son Orchestre de la Staatkapelle de Berlin, le Prélude
de Tristan et Isolde après avoir prévenu le public et
proposé à ceux qui voulaient quitter la salle de pouvoir
le faire. Ses précautions n’ont pas empêché le scandale
d’éclater dans les médias par la suite. Barenboïm argue
du fait que Toscanini a déjà dirigé Wagner en Israël lors
de la création de l’Orchestre de Palestine (1936) et qu’il
n’existe nulle trace d’antisémitisme (clairement affiché)
dans les opéras et la musique de Wagner. Il comprend
que sa musique soit intolérable aux derniers rescapés
des camps de la mort, mais fait remarquer à ceux qui
s’érigent en juges qu’il constitue un bouc émissaire un
peu trop commode.
L’ Œ U V R E

41
Au Festival de Bayreuth, c’est
Règlement de comptes à OK
Coral depuis sa création

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


par Olivier Bellamy

Créé par Richard Wagner, le Festival de Bayreuth a


toujours été dirigé par un membre de la famille Wagner
(aujourd’hui Katarina Wagner). On n’y joue que les grands
opéras du maître à l’exception de la 9e Symphonie de
Beethoven. Comme la demande est huit fois supérieure
à l’offre, il existe une liste d’attente d’environ cinq ou dix
ans suivant les productions. La guerre de succession
donne lieu à des batailles familiales sanglantes dont la
presse allemande fait régulièrement ses choux gras.
Après la mort de Wagner, sa veuve Cosima a dirigé le
festival d’une main de fer, interdisant notamment qu’on
joue Parsifal ailleurs ( jusqu’en 1912). A l’époque du
nazisme, Winifred Wagner (bru de Cosima) est l’amie
d’Hitler qui est un habitué des lieux.

Après la guerre, le festival est dénazifié et rouvert en


1951 avec la 9e Symphonie de Beethoven dirigée par
Furtwängler. Wieland et Wolfgang Wagner deviennent
co-directeurs. Wieland se singularise par des mises en
scène de génie, mais il meurt en 1966. Wolfgang devient
seul maître à bord au court d’un (trop) long mandat
jusqu’en 2008 où il cède la main à ses filles. Parmi les
hauts faits d’armes de la Colline sacrée, citons le Parsifal
de 1951 dirigé par Knapperbusch et bien sûr le Ring du
Centenaire (1976) avec le tandem Boulez-Chéreau qui fit

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE


scandale avant d’entrer à son tour dans la légende.
L’ Œ U V R E

42
Analyse
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

• Vidéo de référence : https://youtu.be/IdjFBW-S3z0

Direction : Daniel Baremboim ; mise en scène : Jean-Pierre Ponnelle, 1983

Le Prélude
Dès le départ, il est constitué du fameux accord de Tristan :
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

Cet accord a donné lieu a beaucoup d’explications, il est très dissonant8 pour l’époque. Il contient
une note (ré dièse à l’oreille, note la dièse écrite au cor anglais sur la partition ci-dessus). Cette
note n’a rien à faire dans la tonalité qui précède (la mineur).

(8) Qui forme un son inhabituel, discordant, en dehors des règles d’écritures musicales
L’ Œ U V R E

43
Première partie :
caractérisée par ses silences

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


• Comptez le nombre de ces phrases entrecoupées de silences
• Dessiner ces lignes musicales répétées et transposées
• Remarquez l’utilisation de la dynamique : toujours la même (crescendo / decrescendo)
renforçant la tension dramatique.

Deuxième partie (2’57) :


apparition d’un grand thème aux violoncelles

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

qui va évoluer vers un point culminant.(9’22) :

• Repérer chaque fusée aux violons, annonçant ce point culminant.


L’ Œ U V R E

44 Puis c’est le retour au calme avec le thème de Tristan qui réapparaît (9’40) :
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Puis une coda9 qui fera le lien avec le premier acte.

Le premier L’acte débute par le chant du jeune marin a capella. Ce chant


d’inspiration folklorique compare le souffle du vent au soupir d’une
acte (12’24) enfant abandonnée au pays. Isolde prend pour son compte ce
chant s’adressant à l’enfant d’Irlande.

Ce chant utilise le leitmotiv de la mer :


OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

suivi du leitmotiv du regard, au violoncelle avant l’intervention d’Isolde :

(9) C’est la conclusion d’un mouvement ou d’une pièce musicale


L’ Œ U V R E

13’46 : Isolde demande à Brangäne où elles sont, c’est l’orchestre qui répond d’abord en faisant entendre 45
le leitmotiv de la mer, répété deux fois :

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


14’46 : colère d’Isolde impuissante face à l’avancée inexorable du vaisseau vers les terres de Cornouailles

• Comment s’exprime cette colère ?


Ambitus élargi
Ligne mélodique brisée
Grands intervalles
Nuance forte
Débit des paroles qui s’accélère

16’35 : Brangäne questionne Isolde sur son tourment, notez la différence d’écriture entre les deux person-
nages : pour Brangäne, un style récitatif (très calqué sur le débit parlé) et pour Isolde une style plus lyrique.

18’35 : c’est la seconde intervention du marin, cette fois accompagné par les cordes en trémolos10, donnant
une atmosphère plus sombre :

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

22’44 : l’intercession de Brangäne auprès de Tristan. Le dialogue reste volontairement neutre entre les
deux personnages, peu d’instruments à l’orchestre, tonalité stable, peu fluctuante.

(10) Répétition très rapide d’une note


L’ Œ U V R E

46 Scène 3 : le Retour de Brangäne auprès d’Isolde qui confie sa douleur : nous apprenons
qu’elle connaît Tristan et qu’elle lui a sauvé la vie, nous faisant revenir aux
récit d’Isolde
origines de cette légende celtique (voir page 7 paragraphe épisode antérieur).

Un nouveau leitmotiv apparaît (motif de Tristan blessé), servant de fil conduc-


DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

teur au récit :

construit sur un chromatisme11 descendant.

Dans son récit, Isolde nous fait croire qu’elle est prise de pitié, l’orchestre commente la situation en infir-
mant les propos d’Isolde : il nous fait entendre le leitmotiv du désir :

et celui du regard :
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

(11) Mélodie utilisant le plus petit intervalle de la gamme : le demi-ton


L’ Œ U V R E

Dans cette séquence, on peut remarquer que Wagner inverse également l’intervalle
47
musical quand il s’agit de Tantris (forme inversée de Tristan) :

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


Acte 2

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE


Scène 2 - scène d’amour (1h39mn 59s)
Peu avant l’arrivée de Tristan, le leitmotiv de l’accomplissement amoureux se fait en-
tendre aux violons :

Les deux personnages se retrouvent enfin.


L’ Œ U V R E

48
Première partie
Dialogue fait de petites interventions : les personnages se coupent quasiment la parole, illustrant l’enthou-
siasme et l’empressement de leurs retrouvailles :
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

1h41m05s : joie extatique des retrouvailles, ils chantent ensemble, symbolisant l’éternité.
Isolde chante un contre-ut, véritable cri du cœur.

1h42m30s : le duo illustrant cette joie démonstrative fait place à un dialogue musical entre les deux pro-
tagonistes. Tristan parle du symbole du jour, perfide, trompeur, obstacle à leur rencontre, et de la nuit,
propice à leur rencontre.

1h56m20s : leitmotiv de l’amour :


OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

En définitive, ce duo d’amour est celui de l’évocation de la nuit éternelle (la mort), seule issue possible à
ce conflit passionnel.

Le jour La nuit
La torche d’Isolde Vérité
Erreur Pureté
Mensonge Bonheur
Tromperie Protection, puis évolution au fil de l'opéra vers une
nuit éternelle (la mort) qui les délivre
L’ Œ U V R E

49
Acte 3 2h47mn32s : le prélude dépeint un paysage sombre, tourmenté, où Tristan
semble être rattrapé par la fatalité.

Le leitmotiv de la solitude apparaît aux violons :

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


Il fera son apparition plusieurs fois dans ce prélude, comme obsédant.

• Imaginer à quoi ressemble ce paysage ?

Un berger guette l’arrivée d’Isolde, il joue de son instrument (solo de cor anglais où le leitmotiv
de la tristesse émerge) 2h52mn10s. :

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE


Le dialogue entre Tristan et Kurwenal, contraste très marqué entre les personnages :
Kurwenal : voix joyeuse et pleine d’espoir
Tristan : voix éteinte et lasse, luttant contre la mort. (3h00m17s)

2h58m26s : deuxième intervention du cor anglais solo (reprise du leitmotiv de la tristesse).

3h06m00s : à mesure que Tristan parle, et que le délire le prend, l’orchestre est de plus en plus
tumultueux. Le leitmotiv du désir lutte avec celui de la solitude.

3h18m06 : retour du solo de cor anglais avec son leitmotiv de la tristesse ; Tristan est en proie à
des hallucinations, il croit voir arriver le bateau d’Isolde.

3h31m10s : le bateau d’Isolde arrive.

Le leitmotiv de l’espoir se fait entendre aux violons :


L’ Œ U V R E

50
3h58m00s : mort d’Isolde.

Isolde croit voir Tristan sourire : « comme il est calme et doux »


DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Le leitmotiv du désir apparaît souvent.

Puis l’opéra se conclut par une longue pédale12 majeure très sereine, symbolisant la parfaite
félicité des deux amants qui se sont unis dans la mort.

• À comparer avec la mort de :


Didon, dans l’opéra de Purcell Didon et Ennée, où la reine de
Carthage, abandonnée et désespérée, meurt de chagrin et de
désillusion, dans l’un des airs les plus poignants et admirables
jamais écrits pour l’opéra.
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

La mort d’Aïda dans l’opéra éponyme de Verdi, où l’héroine


meurt avec celui qu’elle aime : Radamès.

(12) Note tenue : ici sur le premier degré (si) de la tonalité employée
L’ Œ U V R E

L’orchestre
de Tristan 51

et Isolde

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


Les bois
Un piccolo
Trois flûtes
Deux hautbois
Cor anglais
Deux clarinettes
Clarinette basse
Trois bassons

Piccolo

Flûte

Hautbois

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE


Cor anglais

Clarinette

Clarinette basse

Basson
L’ Œ U V R E

52
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Les cuivres
Quatre cors
Trois trompettes
Trois trombones
Tuba basse
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

Trompette

Tuba
Cor

Trombone
L’ Œ U V R E

53

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


Les
percussions
Timbales
Cymbale
Grosse Caisse
Xylophone Timbales
Tambour
Triangle

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

Cymbales

Triangle
L’ Œ U V R E

54
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Les cordes
Violons
Altos
Violoncelles
Contrebasses
Harpe
Alto
Violoncelle

Violon
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

Harpe

Contrebasse
Acte 1, production de Nicolas Joel
L’ Œ U V R E

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


55
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

56
L’ Œ U V R E

Acte 2, production de Nicolas Joel


Acte 3, production Nicolas Joel
L’ Œ U V R E

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


57
MA ÎTR E S D’ŒUV R E

Tristan et Isolde
à l’Opéra national du Capitole de Toulouse

58
Franck Beermann
Direction musicale
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Le chef d'orchestre Frank Beermann s'est dis- Au cours des dix dernières années, il a dirigé des
tingué au niveau international tant sur la scène de cycles complets d'œuvres symphoniques de Bee-
concerts que par ses nombreux enregistrements thoven, Brahms, Schubert, Schumann, Mahler (sauf
sur CD. la 8e Symphonie) et Strauss, ainsi que l'intégrale des
Sa curiosité insatiable pour des répertoires nou- concertos pour piano de Mozart avec Matthias Kir-
veaux ou non découverts, ainsi que son intérét pour schnereit et les Bamberger Sinfonikern ; il travaille
la réinterprétation du répertoire de base lui ont valu actuellement à l'intégrale des symphonies de Mozart
de nombreux prix et récompenses. Les œuvres de
dans une nouvelle série de concerts pour le Hamm
Richard Wagner constituent un élément essentiel du
Klassiksommer, dont les représentations s'étalent
répertoire du chef d'orchestre. Ses interprétations
sur plusieurs années.
de Tristan et Isolde, Tannhäuser, Lohengrin et Der
Fliegende Holländer dans le cadre des projets Min- De 2007 à 2016, Frank Beermann a été Gene-
den Wagner ont été accueillies avec enthousiasme ralmusikdirektor du Théâtre de Chemnitz et chef
par la presse locale et internationale. principal de la Robert-Schumann-Philharmonie.
Au cours des années 2015-2019, Frank Beermann Parmi ses récents engagements nationaux et inter-
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

a dirigé la célèbre Tétralogie à Minden avec 36 re- nationaux, on peut citer ses débuts avec l'Orchestre
présentations des quatre opéras du Ring de Richard national d'Athènes, l'Aalto Theater Essen, le Philhar-
Wagner.
monia Orchestra London, le Staatstheater Stuttgart
Dans l'édition spéciale Prix Echo Klassik 2015 du et l'Orchestre national du Capitole de Toulouse.
magazine Crescendo, Eleonore Büning a écrit : "Frank En janvier 2020, il fait ses débuts avec grand succès
Beermann est l'un des meilleurs chefs d'orchestre au Théâtre national du Capitole de Toulouse, où il
wagnériens de notre époque".
dirige une nouvelle production de Parsifal avec l’Or-
Ses enregistrements sur CD, qui englobent autant chestre national du Capitole de Toulouse. Une nou-
le répertoire standard que les œuvres redécouvertes velle production d’Elektra le ramène au même poste
et contemporaines, ont reçu de multiples prix, no-
en juin 2021. Pendant la saison 20/21, il dirige Figaro
tamment le prix Echo Klassik en 2009 et 2015. Ces
à l’opéra de Lausanne, La Flûte Enchantée au Théâtre
dernières années, Frank Beermann s'est consacré
national du Capitole de Toulouse et des concerts
plus intensément aux grandes œuvres symphoniques
de Richard Strauss, Gustav Mahler et en particulier avec l’Orchestre national d’Athènes, l’Orchestre na-
Anton Bruckner. Il a ainsi pu rapidement ajouter à son tional du Capitole de Toulouse, le Philharmonisches
répertoire la 9e Symphonie "achevée", comprenant Staatsorchester Hamburg et la Nordwestdeutsche
son 4e mouvement reconstruit. Philharmonie entre autres.
MAÎT RE S D’ŒUVRE

59

Nicolas Joel

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


Mise en scène

En 1979, il commence sa carrière de metteur des Carmélites de Francis Poulenc, opéra ins-
en scène avec une production du Ring pour piré du livre éponyme de Georges Bernanos
les opéras du Rhin et de Lyon. En 1981, il met et qui lui vaut une Victoire de la musique. Pour
en scène Samson et Dalila avec Shirley Ver- la réouverture du Théâtre du Capitole en 1996,
rett et Placido Domingo à San Francisco, puis il présente une nouvelle production de Louise
Aïda avec Luciano Pavarotti à San Francisco, de Charpentier et de Werther. Parmi ses pro-
Chicago et Toronto. ductions à Toulouse, ont été particulièrement
Il met en scène un deuxième Ring pour l'opé- remarqués le Ring de Wagner, Boris Godou-
ra de Wiesbaden, Aïda à l’Opéra de Vienne, nov, La Force du Destin, Louise, Hamlet (ces
La Voix humaine de Poulenc, Ernani et Parsi- deux dernières productions ont été reprises au
fal à San Francisco, Lohengrin à Copenhague, Théâtre du Châtelet à Paris), Otello, Les Maîtres
Eugène Onéguine, Cavalleria Rusticana et Chanteurs de Nuremberg et La Flûte enchan-
Paillasse à Amsterdam et Göteborg, Rigoletto tée. Il a rouvert le Théâtre du Capitole, après
et La Traviata à Zurich, Salomé à Essen, Boris la rénovation de la cage de scène, en octobre
Godounov et Les Capulet et les Montaigu à 2004, avec une nouvelle production de Jenůfa.
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
Brème, Orphée à Lausanne. Il met également Parmi ses engagements suivants figurent Car-
en scène Tosca à Lausanne pour les débuts de men à la Scala de Milan, Daphné au Staatsoper
José van Dam en Scarpia. En 1994, il débute à de Vienne, Roméo et Juliette à Pékin, Aïda à
la Scala de Milan avec La Rondine, puis reprend Chicago, Les Vêpres Siciliennes à Palerme en
Roméo et Juliette au Covent Garden et monte 2004, La Wally à Düsseldorf (avril 2005) et La
Carmen au Teatro Colón de Buenos Aires. Forza del Destino à Zurich. Il a mis en scène
En 1995, il monte Faust à San Francisco, puis Aïda à Zurich, Faust à l'Opéra de Vienne, Les
fait ses débuts au Metropolitan Opera de New Contes d'Hoffmann à Madrid (2006) et repris La
York en 1996, avec une nouvelle production Rondine au Metropolitan Opera de New York
d'Andrea Chénier (avec Luciano Pavarotti dans (2008).
le rôle-titre). À compter du 1er août 2009, il est nommé di-
De 1990 à 2009, Nicolas Joel est directeur recteur de l'Opéra de Paris en remplacement de
artistique du Théâtre du Capitole. Il y réalise de Gérard Mortier. En 2011, sous sa direction, l’insti-
nouvelles productions de Falstaff, Le Trouvère, tution a rempli les missions qui lui incombent et
Elektra, Eugène Onéguine, puis Rigoletto et a enregistré un succès de fréquentation : près
Roméo et Juliette avec Roberto Alagna. En 1995 de 800 000 spectateurs et un taux de fréquen-
il met en scène à la Halle aux Grains Dialogues tation de 94,1 %, soit 1,7 % de plus qu’en 2010.
MA ÎTR E S D’ŒUV R E

60

Andreas Reinhardt
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Décors et costumes

Andreas Reinhardt est un créateur de décors Il collabore avec des metteurs en scène tels
et de costumes de renommée internationale. que Walter Felsenstein, Alfred Kirchner, Boy
En 1975, il quitte l'ancienne République Démo- Gobert, Nikolaus Lehnhoff, Johannes Schaaf,
cratique Allemande et depuis 1978, il travaille Hans Hollmann, Götz Friedrich, Günther Krämer
comme scénographe indépendant. et Hans Lietzau.

Il collabore à des productions scéniques aux Avec Kurt Horres, il met en scène, entre
opéras nationaux de Hambourg, de Bavière et autres, les premières à Darmstadt des opéras
de Vienne, aux opéras de Berlin, au Berliner Der jüngste Tag (Le Jugement dernier ou Le
Ensemble, au Deutsches Theater Berlin, à Franc- Jour du Jugement dernier) et Die Fastnachts-
fort, Bruxelles, Stockholm, Spoleto, Houston, beichte (La Confession du carême) de Giselher
Amsterdam, Dresde, Leipzig, Cologne, Paris, Klebe, tandis qu'à Düsseldorf, ils ont coproduit
Nice, aux festivals de Salzbourg et de Bayreuth L'Anneau des Nibelungen de Richard Wagner.
et au Deutsche Oper am Rhein de Düsseldorf.
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
MAÎT RE S D’ŒUVRE

61

Vinicio Cheli

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


Lumières

En 1973, Vinicio Cheli est diplômé de l’école Il a également travaillé, entre 1991 et 1995,
de scénographie de l’Académie des Beaux-Arts au Festival de Pâques de Salzbourg (Falstaff), à
de Florence. Il est très vite engagé au Mai Mu- la Monnaie de Bruxelles (Otello), aux Arènes de
sical Florentin (1974-1979) et au Piccolo Teatro Vérone (Norma), au Festival de Pesaro (Semira-
de Milan, dirigé par Giorgio Strehler (1979-1989). mide), à l’Opéra Bastille (Le Lac des cygnes). En
1995, il est directeur technique de la Biennale
Il collabore aussi avec le Festival Rossini de
de Venise, puis réalise les lumières de Idomé-
Pesaro (1987-1991). Au Festival de Salzbourg, il
née et Attente à la Monnaie de Bruxelles, La
réalise les lumières de La Clémence de Titus
Traviata au Festival de Salzbourg, Roméo et
(1989), Idoménée (1990) et De la Maison des
Juliette à Paris.
morts (1992).
En 1997, il travaille à l’Opéra Bastille (La Belle
Au Théâtre des Champs Élysées, il collabore
au bois dormant de Noureev), à la Maestranza
avec Pier Luigi Pizzi sur Guillaume Tell (1989),
de Séville et à l’Opéra de Rome (Le Barbier
et au Théâtre du Châtelet avec Giorgio Strehler
de Séville), et réalise, en 1998, les lumières de
pour Fidelio. Il travaille également quelques
Aïda au Teatro Real de Madrid, Lucrèce Borgia
années à la Fenice de Venise.
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
et Fidelio à la Scala de Milan, Tristan au Festival
En 1990, il retrouve P.L. Pizzi pour Les de Pâques de Salzbourg, Pelléas et Mélisande
Troyens, lors de l’inauguration de l’Opéra Bas- au Mai Musical Florentin, Turandot au Liceu de
tille, puis collabore avec le Mai Musical Florentin Barcelone.
pour La Légende de la cité enchantée ainsi que
Parmi ses réalisations depuis 2000, citons
pour La Force du destin, en 1992.
Aïda à Macerata, Un Bal masqué à Parme, La
En 1991, il travaille au Festival d’Aix-en-Pro- Rondine (2002) au Covent Garden de Londres,
vence avec P. L. Pizzi sur Castor et Pollux. L’an- Don Giovanni à Rome, Faust à Orange (2008).
née suivante, il produit avec Ezio Frigerio le
À l'Opéra national du Capitole de Toulouse,
dernier ballet de Rudolf Noureev, La Bayadère,
il signe les lumières de nombreuses produc-
à l’Opéra Garnier.
tions dont Jenůfa, Don Carlo, Le Couronnement
de Poppée, La Femme sans ombre, Tristan et
Isolde, Le Roi d’Ys, Le Chevalier à la rose et
Les Contes d’Hoffmann.
B N S
O U

62
Quizz
musical !
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

Pour faire soigner sa blessure, Tristan part


auprès d’Isolde. Afin de passer incognito, il
se fait appeler :
Temps Triste
Tant Triste
Tantris
Tant Pis

De quel philosophe Wagner se sent-il


Le roi Marke est souverain de :
proche ?
La Cornouailles
Gilles Deleuze
L’Irlande
Michel Foucault
La Bretagne
Arthur Schopenhauer
L’Angleterre
Jacques Derrida
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

Tristan est le neveu :


Entre 1872 et 1875, il fait construire un
Du roi Marke théâtre à
Du roi Arthur Bayreuth
De la princesse de Clèves Bayeux
Du roi d’Ys Bayonne
Beyrouth
Le premier acte débute par le chant :
D’un jeune berger
D’un jeune marin
D’un jeune courtisan
D’un jeune serviteur

Tantris ; Cornouailles ; Du roi Marke ; Un jeune marin ; Arthur Schopenhauer ; Bayreuth


HISTOI RE

Histoire de l’Opéra national


du Capitole de Toulouse 63

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


1736

En 1659, alors que Louis XIV séjourne à Tou-


louse, il est convié à un divertissement donné
au « logis de l’écu », une dépendance de l’Hôtel
de Ville divisée en une auberge et une salle de
spectacle. À cette occasion, et pour des raisons
de sécurité, un passage et aménagé pour que
le roi se rende directement de la « Maison de
la Ville » au spectacle.

Un destin commun entre le Capitole et sa scène


était ainsi définitivement scellé. Si bien qu’en
1687, alors que le gendre de Lully, Jean-Nico-
las de Francine, se voit autorisé à ériger une
Académie Royale de Musique rue du Pré-Mon-
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
tardy (actuelle rue du colonel Pélissier), c’est
bien « l’Ancien Théâtre du Logis de L’Écu » qui
demeure seul bénéficiaire des subventions de
la Ville. C’est ainsi qu’est prise la décision, en
date du 28 mai 1736, de « mettre en état
De cette sorte de concurrence, somme toute
une salle de spectacle dans tel endroit
déloyale, d’une académie royale, va naître la
de l’hôtel de ville qui serait trouvé plus
volonté déterminée d’ériger un théâtre lyrique
complet ».
possédant une véritable décoration dans le
goût italien. Au point que cette priorité don-
née à l’aménagement intérieur du futur théâtre,
privera celui-ci de la construction d’un édifice
indépendant, encerclant notre scène lyrique
dans l’enceinte protectrice du Capitole.
H I STOI R E

1853

64
L’ouvrage est confié au peintre et architecte
Guillaume Cammas qui dote le théâtre d’une
fastueuse décoration « à l’italienne », recourant
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

au trompe-l’œil alors en vogue dans l’Europe


entière. Après huit mois seulement de travaux,
et un coût de 34 528 livres, la « salle de jeu de
spectacle », ouvrait ses portes le 11 mai 1737.
L’histoire de l’Opéra national du Capitole com-
mençait alors…

1818 l’ancien bâtiment restauré ouvre le 1er oc-


tobre. La salle contient 1950 places. Mais elle
ne donne pas satisfaction et, à peine achevée,
elle est l’objet de travaux incessants. C’est une
salle qui pourtant abrita l’âge d’or du Capitole.

1917
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

1882
L’incendie tant redouté pendant tout le XIXe
siècle survint le 10 août. L’incendie du théâtre
et la guerre changent définitivement les men-
1878 L’état déplorable contraint la municipalité
talités : l’esprit de troupe décline et la tradition
à effectuer une rénovation de grande ampleur.
des « trois débuts » se perd.
Le théâtre ferme le 1er juin. La nouvelle salle à la
décoration néobaroque est inaugurée le 1 er oc-
tobre 1880. En cette période si faste de l’opéra,
chaque année apporte son lot de nouveautés :
les ouvrages de Verdi, Delibes, Bizet, Massenet,
Gounod...la dernière décennie du siècle voit la
fièvre wagnérienne s’emparer du Capitole.
HISTOI RE

Un nouveau théâtre est


65
reconstruit sur les ruines
de l’ancien.

DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE


1923

1950
On se débarrasse de l’ancienne salle et
on en bâtit une nouvelle, sobre et élé-
gante. La modernisation du jeu d’orgue
et des tableaux électriques qui donnent
vie au plateau est à l’origine de l’en-
semble de la réhabilitation.

OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

1974

Vingt années ont suffi pour rendre


la salle de 1950 obsolète. Les archi-
tectes Chiron et Rieu souhaitent faire
du Capitole « un véritable lieu de l’art
lyrique adapté à tous les répertoires
et à tous les genres ».
H I STOI R E

66
DOSSIER PÉDAGOGIQUE : TRISTAN ET ISOLDE

1996

1996 c’est le retour d’un théâtre à l’italienne,


alliant modernité et tradition : une « véritable
maison de l’opéra ». Le décor en trompe-l’œil
est réalisé par Antoine Fontaine.

2004
OPÉRA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE

2004 La cage de scène est


totalement modernisée afin
de répondre aux normes de
sécurité. Une machinerie mo-
torisée remplace l’ancienne
alors manuelle.

2021
Labellisation : le Théâtre
devient Opéra national du
Capitole de Toulouse
Opéra national du Capitole de Toulouse
Directeur artistique :
Christophe Ghristi
Administratrice générale :
Claire Roserot de Melin
Service éducatif et culturel
Opéra national et Orchestre national du Capitole
Responsable des actions éducatives et culturelles :
Valérie Mazarguil
Adjoint au service éducatif et culturel :
Michel Pertile
Directeur de la publication :
Christophe Ghristi
Textes :
Michel Pertile
Édition et coordination :
Service communication de l’Opéra national du Capitole
Photographies :
© Droits réservés
Conception et mise en page :
Atelier JamJam
www.theatreducapitole.fr
www.onct.toulouse.fr

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