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Raúl Zurita.

Obra poética (1979-1994)


Colección Archivos, n° 67 (pp. 339-342)
CRLA-Archivos, 2017
ISBN 2-910050-55-6 (Fr.)

Serge Pey
À Raúl Zurita
mon ami venu de l’infini

Dans le métro du ciel


des anges accèdent à la stupéfaction
Le soleil tombe sans arrêt
comme une montre mal attachée
Mon ami est là pour le relever
L’horizon n’a pas le temps de refaire
ses gestes

L’éternité n’a pas d’assurance sur la nuit

Le poète est un acteur sans scénario


qui tend un fil invisible justement pour le soleil
pour lui apprendre l’équilibre des funambules
avec un simple balai

Plus bas un chien cherche sa gifle

Les prisons enferment leurs barreaux


et leurs serrures

Mon ami recouvre d’huile ses mots


pour que l’ennemi ne les saisisse pas

Dans le ciel de New York


un avion à réaction
écrit son poème

En bas les antiparadis frétillent en compagnie


des pigeons qui ne volent plus
340 Testimonios

Mon ami me donne la main


Il fait traverser la rue à la lumière

C’est déjà le matin

Un schéma du cœur
bat sous sa chemise

Sur la photo à côté de lui


je suis plein de boue
comme un mauvais tirage

Ensemble nous alignons des mots


pour jouer aux cartes
qui espèrent gagner contre nous
en multipliant leurs jeux

La lumière maintenant est devenue


un papier peint blanchâtre et délavé

Dans les restaurants on sert


des côtelettes découpées sur des statues
volées dans les musées

Mon ami chaque matin


partage l’éternité avec des mendiants
Je l’aide comme je peux

Dehors la police de Santiago


a éventré le soleil
C’était il y a longtemps
peut-être demain

Les étoiles ont crevé les yeux de la nuit

Une serviette humide passe toute seule


sur le front du ciel
comme un nuage

Plus bas
bien plus bas
Serge Pey 341

le soleil devient une conséquence


d’une éponge qui n’a plus d’eau
pour grossir

4 mai 2016

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