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Dennis WHEELER
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En dépit des énormes avancées réalisées dans le domaine de la modélisation
atmosphérique, la climatologie reste une science essentiellement empirique dès
lors qu’il s’agit de mieux connaître et comprendre le climat, et repose de ce fait
largement sur la mesure directe des différents phénomènes qui constituent ce
que l’on nomme communément « le temps »1. Les observations instrumentales
peuvent remonter à plusieurs siècles, et il n’est pas de meilleure expression de
ce riche héritage que les séries de température de l’Angleterre centrale de Gor-
don Manley, dont l’origine date de 1659 et qui continuent d’être poursuivies
aujourd’hui grâce au soutien du UK Met Office2. Il est cependant possible de
remonter encore plus loin en arrière en utilisant des indicateurs déduits d’obser-
vations non instrumentales du temps, tels que des journaux intimes, des lettres
et d’autres formes de comptes rendus écrits. Un bon exemple de cette méthode
est fourni par le relevé européen sur mille ans réalisé par Van Engelen3. Les
indicateurs approchés fournis par les sédiments lacustres, les dépôts de tourbe
et les carottes de glace peuvent nous amener encore plus loin en arrière mais
dépassent largement le cadre de notre étude et reposent sur les preuves indirec-
tes fournies, par exemple, par la composition et l’épaisseur des cernes d’arbres.
En tant que tels, ils se situent en opposition avec les observations directes qui
1. L’auteur remercie l’Union européenne qui a fi nancé le projet Millennium (Contrat n° 017008
GOCE), dont le document 10 a été tiré, ainsi que le Dr Clive Wilkinson pour son soutien et ses conseils
avisés lors de la préparation de cet article.
2. Gordon M ANLEY, « Central England temperatures, monthly means 1659 to 1973 », Quarterly
Journal of the Royal Meteorological Society, 100, 1974, p. 389-405 ; David E. PARKER, T. P. L EGG, Chris
K. FOLLAND, « A new daily central England temperature series », International Journal of Climatology,
12, 1992, p. 317-342.
3. Aryan F. V. VAN E NGELEN, Jan B UISMAN, Folkert IJNSEN, « A millennium of weather, winds
and water in the low countries », in Philip D. JONES, Astrid E. J. OGILVIE , Trevor D. DAVIES, Keith
R. BRIFFA (éd.), History and Climate : Memories of the Future ?, Dordrecht, Kluwer Academic, 2001,
p. 101-124.
sont le plus souvent le propre des sources écrites. Nombre de ces sources ont
cependant ceci en commun qu’elles sont toutes essentiellement « terrestres », au
sens où elles reposent sur des observations et des mesures effectuées sur des sites
basés sur la terre ferme. Bien que les océans et les mers du monde recouvrent
plus des deux tiers de la surface de la planète, ils n’en restent pas moins grave-
ment sous-représentés en termes de fourniture de données. Ceci est regrettable
à deux titres. Premièrement, cela participe d’une inégale répartition spatiale
des observations dès lors que l’on veut reconstituer les climats et les conditions
météorologiques du passé. Deuxièmement, on sait que les mers sont étroitement
liées avec l’atmosphère et il est par conséquent important que nous en sachions
le plus possible sur leur climat. Suite à la première conférence maritime qui
s’est tenue à Bruxelles en 1853 sous les auspices de Matthew Maury, on se
mit d’accord sur un système d’observations météorologiques en mer qui, bien
qu’adopté au départ par seulement douze nations, s’est ensuite étendu jusqu’à
être aujourd’hui quasi universel4. Depuis cet événement important, on a disposé
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d’un volume croissant de données et d’informations sur les mers et les océans,
rassemblées précieusement par le groupe ICOADS5. Néanmoins, pendant trop
longtemps, on a pensé qu’il n’y avait pas de sources maritimes analogues pour
les décennies et les siècles précédents. Certes, il y avait les preuves recueillies
lors des voyages d’exploration et de découverte, et ceux de James Cook et de
Matthew Flinders sont exemplaires. Mais leurs comptes rendus sont de simples
« instantanés », des vignettes tirées d’un plus grand tableau climatologique, et
ils ne sauraient en fournir une image complète. Deux scientifiques éminents, à
deux siècles d’intervalle, se sont rendus compte, mieux que leurs contemporains,
qu’il existait une source plus riche et plus abondante que la précédente, sous
la forme des journaux de bord de la Royal Navy et d’autres vaisseaux à voile
qui naviguaient régulièrement sur les océans à partir du XVII e siècle, alors que
l’Empire britannique étendait son influence sur les continents et les océans.
Le premier de ces scientifiques est Francis Beaufort, à l’origine des échelles de
mesure des vents et des conditions météorologiques qui portent son nom, et qui,
en 1809, écrivait les lignes suivantes à Richard Edgeworth, son beau-frère :
« Il y a actuellement 1000 vaisseaux du Roi en activité. Chacun d’eux dépose chaque
année 2 à 8 journaux de bord au Navy Office ; ces journaux de bord fournissent un relevé du
vent et du temps qu’il fait toutes les heures… et ils couvrent une grande étendue de l’océan.
Quelles meilleures données pourrait désirer un patient philosophe météorologue ? Est-ce
que le sujet, tant d’un point de vue scientifique que nautique, ne mérite pas des recherches
plus approfondies ? »
4. Matthew M. M AURY, Explanations and Sailing Directions to Accompany the Wind and Current
Charts, Philadelphia, E.C. & J. Biddle, 1854.
5. International Ocean-Atmosphere Dataset – voir www.http://icoads.noaa.gov/. John D. E LMS,
Scott D. WOODRUFF, Steven J. WORLEY, Claire H ANSON, « Digitizing historical records for the com-
prehensive ocean-atmosphere data set », Earth Science Monitor, 2, 1993, p. 4-10.
44 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
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ajouter d’autres réalisations, comme celles de Chenoweth et Gallego, et celle
que j’ai menée avec Jose Saurez-Dominguez8.
Le présent article passe en revue les journaux de bord relevant de ce que
l’on peut considérer comme la période « pré-instrumentale », c’est-à-dire celle
qui précède la seconde moitié du XIX e siècle et la première conférence maritime,
même si, comme il sera montré, des observations instrumentales existent bel
et bien pour cette période. En quoi consiste alors cette source, défendue avec
tant d’éloquence par Beaufort et Lamb ? Beaufort se référait aux journaux de
bord officiels que l’Amirauté obligeait les officiers de la Royal Navy à tenir et
à soumettre à leur retour au port en Angleterre. La préparation de documents
de ce type avait fait partie des obligations des officiers à partir de la fi n des
années 1670 et le resta pendant toute l’époque de la marine à voile et ce jusqu’à
l’époque contemporaine, quand la réglementation maritime internationale
spécifia que les capitaines des vaisseaux battant pavillon étaient jugés légale-
ment responsables de la tenue du journal de bord. D’ailleurs, en 1731 déjà, les
instructions de l’Amirauté aux officiers étaient précises à ce sujet :
6. Hubert H. L AMB, Climate, History and the Modern World, Londres, Methuen, 1982, p. 79.
7. Climatological Database for the World’s Oceans : 1750 to 1850, www.ucm.es/info/cliwoc.
Ricardo GARCÍA-H ERRERA, Clive WILKINSON, Frits B. KOEK, Maria R. P RIETO, Natalia C ALVO,
Emiliano H. M ARTIN, « Description and general background to ships’ logbooks as a source of climatic
data », Climatic Change, 73, 2005, p. 13-36 ; Ricardo GARCÍA-H ERRERA, Gunther P. KÖNNEN, Denis
WHEELER, Maria R. P RIETO, Philip D. JONES, Frits B. KOEK, « CLIWOC : A climatological database
for the world’s oceans 1750-1854 », Climatic Change, 73, 2005, p. 1-12.
8. Michael C HENOWETH, « A new methodology for homogenisation of 19 th century marine air
temperature data », Journal of Geophysical Research, 105, 2000, p. 29145-29154 ; David GALLEGO,
Ricardo GARCÍA-H ERRERA, Pedro R IBERA, Philip D. JONES, « Seasonal mean pressure reconstruction
for the north Atlantic (1750-1850) based on early marine data », Climates of the Past, 1, 2005, p. 19-33 ;
Denis WHEELER, Jose SUAREZ -DOMINGUEZ , « Climatic reconstructions for the northeast Atlantic region
AD1685-1700 : a new source of evidence from naval logbooks », The Holocene, 16, 2006, p. 39-49.
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 45
En effet, tous les officiers supérieurs étaient, jusque dans les années 1820,
priés de présenter leurs journaux de bord individuels. Ce système fut progres-
sivement remplacé, sur une période d’environ dix ans, par un seul journal de
bord par navire, tenu par les officiers de quart qui se relayaient. Jusqu’à cette
période, les journaux de bord étaient exigés du capitaine, de ses lieutenants
(dont le nombre variait en fonction de la taille du vaisseau et pouvait atteindre
cinq à six sur les plus grands) et du pilote (ship’s master, l’officier responsable
de la navigation). Les amiraux tenaient leurs propres livres de bord officiels,
mais ils étaient par essence différents des journaux de bord classiques.
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CONTENU ET NATURE DU JOURNAL DE BORD
journaux de bord des vaisseaux concernés plutôt que d’avoir à parcourir toute
la collection dans l’espoir de localiser les éléments recherchés. Parmi les autres
flottilles permanentes, on peut citer celles de la Méditerranée, des Antilles, de
l’Amérique du Nord (Nouvelle-Angleterre), de l’Extrême-Orient et de la Mer
du Nord. Pendant les périodes de guerre, il y avait beaucoup plus de navires en
service actif, et encore plus de flottes d’appoint et d’escadrilles opérationnelles,
et c’est le début et la fi n des périodes de guerre et d’hostilité qui expliquent la
variation des quantités de journaux de bord au cours des décennies.
DOCUMENT 1
Compte décennal des journaux de bord de la Compagnie anglaise des Indes orientales
et de la Royal Navy disponibles dans les archives britanniques
35 000
Total journaux
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Lieutenants (estimation)
Pilotes
25 000
Capitaines
20 000
total par décade
15 000
10 000
50 00
0
pre -1670
1670+
1680+
1690+
1700+
1710+
1720+
1730+
1750+
1780+
1800+
1810+
1830+
1840+
1740+
1760+
1770+
1790+
1820+
1850+
1860+
1870+
1880+
1890+
1900+
1910+
1920+
1930+
1940-45
9. Rudolf BRÁZDIL , Christian P FISTER, Heinz WANNER, Hans VON STORCH, Juerg LUTERBACHER,
« Historical climatology in Europe – the state of the art », Climatic Change, 70, 2005, p. 363-430.
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 47
DOCUMENT 2
Exemple d’une liste de la flotte de l’Amirauté datant de 1719 avec les noms des navires,
leurs capitaines, le nombre de canons et d’hommes à bord ainsi que leur localisation
(la Home Fleet dans le cas présent)
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Source : ADM 8/14 Crown Copyright, image reproduite avec la permission des National
Archives, Londres, Angleterre. www.nationalarchives.gov.uk
10. D. WHEELER, « An examination of the accuracy and consistency of ships logbook weather
observations and records », Climatic Change, 73, 2005, p. 97-116 ; R. GARCÍA-H ERRERA , G. P. KÖN-
NEN, D. WHEELER, M. R. P RIETO, P. D. JONES, F. B. KOEK, CLIWOC…, art. cit.
48 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
documentaires, est qu’ils ne constituent pas, par nature, des sources indirectes et
ne nécessitent pas le degré d’étalonnage minutieux requis par ceux qui travaillent,
par exemple, à partir des cernes d’arbres ou des carottes de glace. Les entrées
du journal de bord sont des observations directes des conditions expérimentées,
faites habituellement par des officiers chevronnés qui s’étaient presque sûrement
enrôlés dans la Marine quand ils étaient de « jeunes gentilshommes » de dix ou
onze ans, et qui ont été ensuite formés en mer.
Cependant, comme notre propos ici concerne les observations effectuées
durant la période pré-instrumentale, il est pertinent de s’interroger sur ce qui
était exactement enregistré. Bien qu’il y ait eu des tentatives ponctuelles d’en-
registrement de la pression de l’air et des températures, principalement à partir
de la fi n du XVIII e siècle, la grande majorité des journaux de bord enregistrait
seulement des observations non instrumentales. Celles-ci se partagent en trois
catégories adoptées de façon constante :
– la force du vent, enregistrée en utilisant un vocabulaire antérieur à celui
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de l’échelle de Beaufort ;
– la direction du vent, enregistrée d’après une boussole de 32 points ;
– des rapports d’ordre général, habituellement brefs, sur les conditions
météorologiques. Par exemple, on rendait compte de la présence de neige, de
pluie, de tonnerre et de brouillard, si cela avait lieu durant la journée.
Ces entrées étaient toutes faites à partir des observations effectuées à midi.
Cette heure était, jusqu’au début du XIX e siècle, le début du jour nautique (qui
était en avance de douze heures sur la journée civile)11. C’est à ce moment-là
que les officiers se rassemblaient sur le pont pour faire leurs observations de
navigation et que les officiers plus jeunes étaient formés aux compétences nauti-
ques, la plus importante étant l’évaluation de la hauteur du soleil à midi, à partir
de laquelle on pouvait estimer la longitude. Parmi les observations effectuées
au même moment, on trouve les principales prévisions météorologiques de la
journée. Par conséquent, les observations établies, disons, le 21 octobre 1805,
avaient en fait été faites à midi le 20 du calendrier civil. Toutes les heures se
référaient bien sûr à l’heure locale (l’heure solaire), puisqu’il n’y avait pas à
l’époque de fuseaux horaires tels que ceux utilisés aujourd’hui. À cet égard, il
est important de noter que les observations concernant le vent ne répondaient
pas à un désir de connaissance scientifique mais à des considérations pratiques.
À une époque où la longitude ne pouvait être calculée de manière fiable, le
seul moyen de déterminer la direction « Est » ou « Ouest » d’un navire lors des
précédentes 24 heures passait par une estimation qui prenait en compte le cap
du navire, sa vitesse, et l’effet du vent sur ces deux éléments. La vitesse était
11. Henry H ARRIES, « Nautical time », Mariner’s Mirror, 14, 1928, p. 364-370. Période de 24 heu-
res, comprise entre 12 heures (midi) d’un jour donné et 12 heures (midi) du jour suivant. Unité de
mesure nautique en vigueur dans la Royal Navy pour estimer la distance parcourue à partir du temps
passé à bord d’un bateau.
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 49
déterminée en utilisant une ligne de loch, telle que décrite dans l’ouvrage de
Norie, mais le véritable cap du navire ne pouvait être estimé à partir du cap
déterminé par le seul compas, car la force du vent faisait « dériver » le navire,
c’est-à-dire qu’une partie du mouvement se faisait dans la même direction
que le vent et à un degré déterminé par la force de celui-ci12. Les méthodes
par lesquelles ces facteurs étaient pris en compte sont décrites dans plusieurs
textes contemporains bien connus, tels que Elements of Navigation de Robert-
son ou Complete Epitome of Navigation de Norie 13. Même après l’invention
du chronomètre de marine par John Harrison – illustré de façon si célèbre
par Sobel – et de la méthode du calcul de la longitude à partir de la distance
lunaire par Nevil Maskelyne, toutes deux à la fi n des années 1780, les marins
continuèrent à faire leurs observations météorologiques, et il faudra en fait
bien des années avant que les méthodes fiables de calcul de la longitude soient
couramment utilisées dans les services maritimes : les chronomètres étaient
chers, et la méthode de la distance lunaire nécessitait non seulement de bonnes
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conditions météorologiques pour faire les observations astronomiques requi-
ses, mais aussi des techniques arithmétiques compliquées pour son calcul. En
plus des observations de midi, toute saute de vent significative qui avait lieu
pendant la journée était aussi notée pour permettre la prise en compte de ses
effets dans le calcul du mouvement du navire, et de ce fait fournir aussi au
degré près la direction et la force du vent dans ces époques lointaines et dans
des endroits situés aux quatre coins des océans du globe14.
Examinons les pages types d’un journal de bord des XVII e et XVIII e siècles,
telles qu’elles étaient élaborées non seulement par les officiers de la Royal Navy
mais aussi par ceux des flottes marchandes. Les entrées étaient faites sur des
pages en regard. La page de gauche contenait des renseignements tels que la
date, le lieu (la latitude et la longitude), les positions des points de repère les
plus proches (même lorsqu’ils étaient distants de plusieurs centaines de milles),
le cap du navire et les directions des vents observées durant la journée. La
page de droite était moins formelle et contenait un rapport général quotidien
des activités à bord (document 3 ci-après). L’officier y notait les sanctions
disciplinaires contre les membres de l’équipage, toute rencontre avec d’autres
vaisseaux, l’état de santé de l’équipage et les vivres chargés à bord. De façon
utile, chaque entrée quotidienne commençait par une note sur la force du vent
et les conditions météorologiques à midi et peut donc être facilement identifiée
et extraite. Ainsi chaque observation est minutée et datée, avec une indication
du lieu où elle a été faite, même si l’on doit faire attention en interprétant la
12. John W. NORIE , A Complete Epitome of Practical Navigation, Glasgow, Norie, 1888.
13. John ROBERTSON, The Elements of Navigation, Londres, Nourse, 1786 ; J. W. NORIE , A Com-
plete Epitome…, op. cit.
14. Dava SOBEL , Longitude : the True Story of a Lone Genius Who Solved the Greatest Scientific Problem
of his Time, New York, Walker & Co, 1999 ; John B. H EWSON, A History of the Practice of Navigation,
Glasgow, Brown, Son and Ferguson, 1983.
50 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
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pour autant absent, mais à terre, le ralentissement du déplacement d’air du fait
de la friction sur le terrain local devrait inciter le chercheur à la prudence. Les
points de mouillage tels que Spithead (au large de Portsmouth) ou les Downs
(au large de la côte est du Kent) n’ont pas beaucoup pâti de cette influence,
mais des ports vallées comme Plymouth, sur la côte à rias du sud-ouest de
l’Angleterre, présentent de plus grandes difficultés et influencent à la fois la
direction et la force du vent.
15. John K INGTON, The Weather of the 1780s over Europe, Cambridge, Cambridge University
Press, 1988.
16. J. K INGTON, The Weather Journals of a Rutland Squire, Oakham, Rutland Record Society,
1988.
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 51
DOCUMENT 3
Page extraite d’un journal de bord de la Royal Navy datant du XVIII e siècle :
le HMS Rattlesnake, décembre 1797.
Dans le journal, la page de droite porte les remarques sur les événements à bord et les conditions
météorologiques. (Avec l’aimable autorisation du National Maritime Museum, Greenwich)
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52 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
Les termes que les marins élaborèrent pour décrire la force du vent leur
étaient propres, et ne se retrouvent dans aucune source terrestre, sauf dans le
sens général de « coup de vent » ou « tempête ». La structure lexicale était simple,
reflétant peut-être les besoins pragmatiques des officiers de navigation, et les
vents étaient rarement décrits en de longues périphrases. La structure des
termes peut se résumer comme suit :
1. a) substantif + adjectif simple, par ex. coup de vent fort, brise fraîche.
b) substantif + double qualification, par ex. vent très frais.
2. substantif non-qualifié, par ex. tempête, ouragan.
3. verbe (habituellement au gérondif) + adjectif, par ex. soufflant fort.
Alors que, comme indiqué plus haut, les termes étaient communs à chaque
génération d’officiers, puisqu’ils étaient tous formés à bord et élevés dans les
traditions orales de leur époque, ce vocabulaire spécifique n’en évolua pas moins
au cours des décennies et tout au long des siècles, comme le font toutes les lan-
gues. Par conséquent, certains termes ne sont plus en usage aujourd’hui, alors
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que d’autres, d’une manière qui prête peut-être davantage encore à confusion,
ont changé de signification. L’échelle de Beaufort fut proposée en 1806, mais
son entrée en vigueur dans la Royal Navy ne se fit pas avant 1836, et elle fut
encore plus tardive au niveau international. Son histoire a été relatée dans mon
ouvrage co-écrit avec C. Wilkinson, ainsi que dans ceux de B. Kinsman et de
H. Fry17. L’échelle de Beaufort n’était pourtant pas entièrement nouvelle, Beau-
fort adoptant et formalisant de façon plus claire certains termes couramment
en usage à la fi n du XVIII e siècle, alors qu’il était lui-même jeune officier18. Il
en abandonna certains alors qu’ils tombaient progressivement en désuétude
au cours du XIX e siècle. Alors qu’il n’y a donc pas, ou en tout cas très peu,
d’ambiguïté en ce qui concerne les termes tels qu’ils apparaissent actuellement
dans l’échelle de Beaufort ou dans ses versions antérieures, et que plusieurs
tentatives ont été faites pour convertir les termes qui indiquent la force du vent
en variations de la vitesse du vent, un certain degré d’incertitude entoure la
signification de beaucoup de termes antérieurs à Beaufort19. Il est clair que
des termes aussi archaïques ont peu de valeur scientifique, à moins de pouvoir
être exprimés en des équivalents modernes de l’échelle de Beaufort.
Le projet CLIWOC a beaucoup fait pour fournir de nouvelles expressions
de ce type, produisant un dictionnaire multilingue de plus de deux mille ter-
mes utilisés en français, espagnol, néerlandais et anglais de 1750 à 1850, tous
17. Denis WHEELER, Chris WILKINSON, « From calm to storm : the origins of the Beaufort wind
scale », Mariner’s Mirror, 90, 2004, p. 187-201 ; Blair K INSMAN, « Historical notes on the originals
Beaufort scale », Marine Observer, 39, 1969, p. 116-124 ; Howard T. F RY, « The emergence of the Beaufort
scale », Mariner’s Mirror, 53, 1967, p. 311-313.
18. Nicholas COURTNEY, Gale Force 10 : the Life and Legacy of Admiral Beaufort, London, Head-
line, 2002.
19. George C. SIMPSON, « The velocity equivalents of the Beaufort scale », Meteorological Office
Professional Notes, 44, 1926.
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 53
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de constituer une base de données de plus de 280 000 entrées en utilisant ces
mêmes données corrigées, toutes disponibles sur le site Web du projet 22.
DOCUMENT 4
Fréquence d’utilisation des treize termes anglais les plus couramment usités
pour désigner la force du vent (1750-1850)
Rang Fréquence
Fréquence
Terme selon cumulée
absolue
l’usage en pourcentage
Modéré (moderate) 1 4109 18,8
Coups de vent frais (fresh gales) † 2 3232 33,6
Brises fraîches (fresh breezes) † 3 3182 48,1
Courants d’air calmes et légers (light airs & calm) † 4 1880 56,7
Légères brises (light breezes) 5 1561 63,9
Brises modérées (moderate breezes) † 6 1549 70,9
Petit vent (little wind) 7 1492 77,8
Forts coups de vent (strong gales) † 8 865 81,7
Calme (calm) † 9 641 84,6
Variable (variable) 10 367 86,3
Fortes brises (strong breezes) † 11 327 87,8
Brises plaisantes (pleasant breezes) 12 319 89,3
Coups de vents modérés (moderate gales) † 13 238 90,4
† indique les termes en usage dans une ou plusieurs échelles de Beaufort utilisées depuis 1806.
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durant jusqu’à ce qu’il fasse un petit peu nuit. Nous ne nommons pas ordinairement tous
les vents qui soufflent de la mer sur la côte brises, à moins que ce ne soit là où ils soufflent
de manière certaine… »
Au milieu du XVIII e siècle cependant, cette défi nition étroite s’était relâ-
chée et le terme était couramment utilisé pour désigner la gamme inférieure
de l’échelle des vents, indépendamment de leur origine physique. Il fut défi -
nitivement adopté comme terme de marine au cours de la seconde moitié du
XVIII e siècle. Auparavant, presque tous les vents situés entre « courants d’air
calmes et légers » (calm and light airs) jusqu’à « tempête » (storm) avaient été qua-
lifiés de « coups de vent » (gales) sous une forme ou une autre. Les qualifications
adjectivales qui sont utilisées aujourd’hui, tels que « modéré », « frais » et « fort »
ont toutes été rencontrées, mais à cette liste on peut ajouter « léger, « paisible »,
« doux », « petit », « vif », « joli » et « gentil » – et il y en a d’autres. Aujourd’hui, le
terme « coup de vent » annonce un temps mauvais et même dangereux en mer
mais il est clair que ce n’était pas le cas pour les marins du XVII e siècle : cet
exemple suffit à nous mettre en garde contre une interprétation trop rapide des
mots archaïques. Le document 5 identifie les termes de la fi n du XVIII e siècle
les plus fréquemment utilisés, mais, même en ces temps lointains qui nous
ramènent aux premiers journaux de bord, on constate qu’il y a une uniformité
remarquable du point de vue de l’usage des termes, comme le reflète le pour-
centage d’entrées embrassées par ce vocabulaire commun (88 % des entrées
se rapportent seulement à onze termes).
Les directions du vent étaient enregistrées à l’aide d’une boussole de 32 points,
mais étaient prises en référence au compas du navire, c’est pourquoi elles doi-
vent être considérées comme des relèvements magnétiques. Pour être utiles à la
recherche sur le climat, elles doivent être converties dans leurs « vrais » équivalents
nord. La différence entre les deux se nomme « variation », une mesure qui est
connue pour varier dans l’espace et le temps. Heureusement, ces modifications
sont bien comprises pour les derniers siècles et de telles corrections peuvent être
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 55
DOCUMENT 5
Fréquence d’utilisation des termes les plus largement employés pour désigner la force du vent
dans les journaux de bord de la fin du XVII e siècle
Rang Fréquence
Fréquence
Terme selon cumulée
absolue
l’usage en pourcentage
Coups de vents frais (fresh gales)† 1 1261 30,6
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Souffle fraîchement (blows fresh) 9 101 83,1
23. Andrew JACKSON, Art JONKERS, Anne MURRAY, « Past attractions : historical magnetic
observations », Astronomy and Geophysics, 38, 1997, p. 10-15.
56 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
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L’échelle de Beaufort, cependant, attire l’attention sur un certain nombre
d’autres caractéristiques importantes des premiers journaux de bord, notam-
ment le fait qu’ils embrassent une très large étendue géographique. Ceci est
important pour une bonne couverture des données et le document 7 montre la
répartition des points de données utilisés dans le projet CLIWOC. Le clima-
tologue se retrouve donc confronté à un réseau de plateformes d’observation
constitué de manière involontaire, mais pas complètement différent de celui
fourni aujourd’hui par le programme d’observation volontaire à partir des
navires (voluntary observing ships, VOS). Sans que cela soit surprenant, on
peut voir que l’Atlantique nord est bien servi en matière de journaux de bord
et de données, de même que, à un degré moindre, l’Atlantique sud et l’Océan
indien. D’un autre côté, le Pacifique, l’océan le plus grand du monde, a une très
petite couverture de données en dehors de celles fournies par des explorateurs
aventureux lors d’incursions occasionnelles. Cependant, on doit faire mention
du galion de Manille qui naviguait une fois par an entre Acapulco et Manille,
constituant une liaison commerciale importante dans l’Empire espagnol.
Garcia, et d’autres auteurs, ont étudié les enregistrements de ces voyages qui
remontent au XVI e siècle, de manière à fournir un aperçu du comportement
d’ENSO (El Niño et Southern Oscillation, l’oscillation australe) dans le passé
lointain25. Entre la fi n du XVII e siècle et le début du XIX e siècle, les incursions
britanniques dans ces eaux étaient limitées à des voyages occasionnels, dont
l’un des plus connus fut celui du futur Amiral George Anson, dans le cadre
24. Eva G. R. TAYLOR, The Haven-finding Art : a History of Navigation from Odysseus to Captain
Cook, Londres, Hollis and Carter, 1956.
25. Rolando GARCIA, Henry F. DIAZ , Ricardo GARCÍA-H ERRERA, Jon E ISCHEID, Maria R. P RIETO,
Emiliano H. M ARTIN, Luis GIMENO, Francisco DURAN, Ana Maria BASCARY, « Atmospheric circula-
tion changes in the tropical Pacific inferred from the voyages of the Manila galleons in the sixteenth-
eighteenth centuries », Bulletin of the American Meteorological Society, 82, 2001, p. 2435-2455.
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 57
DOCUMENT 6
Les positions du HMS Surprise (1750-1751) dans un aller-retour Angleterre-St Thomas
(Golfe de Guinée)
a) sans corriger la longitude selon l’actuel standard.
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b) après conversion des longitudes pour se conformer au méridien de Greenwich.
58 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
À ce propos, il est important de mentionner l’existence de deux sous-groupes © Belin | Téléchargé le 14/03/2023 sur www.cairn.info via Charles University - Univerzita Karlova (IP: 78.128.191.47)
de journaux de bord qui fournissent des renseignements sur d’importantes zones,
habituellement peu fréquentées par les vaisseaux de la Royal Navy de l’époque,
mais qui contribuent à élargir la couverture de données. Parmi eux, les journaux
de bord de la Compagnie anglaise des Indes orientales (EIC) constituent l’en-
semble le plus nombreux. Farrington, avec d’autres auteurs, a mené une étude
pilote en utilisant un petit nombre de ces journaux de bord. En fait, près de qua-
tre mille d’entre eux se trouvent à la British Library et couvrent une période allant
de 1603 à 183327. Pour la première décennie environ, les documents se présentent
26. Leo H EAPS, Log of the Centurion, Londres, Hart-Davis, McGibbon, 1973.
27. Anthony FARRINGTON, Sandra LUBKER, Uwe R ADOK, Scott D. WOODRUFF, « South Atlantic
winds and weather during and following the little ice age – a pilot study of English east India company
ship logs », Meteorology and Atmospheric Physics, 67, 1998, p. 253-257.
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 59
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l’EIC font état d’observations instrumentales quotidiennes sur la pression de l’air
et la température. Ce système fut institué à la fi n du XVIIIe siècle par Alexander
Dalrymple, alors hydrographe de la Compagnie. Ses premiers efforts dans ce
domaine sont décrits dans le récit de son voyage effectué en 1775 et, à partir des
années 1780, de plus en plus de capitaines de l’EIC furent encouragés à entre-
prendre de tels enregistrements30. Des études à la British Library ont identifié plus
de huit cents journaux de bord de l’EIC comprenant des données instrumentales
quotidiennes31. Il s’agit là d’un fond remarquable de données anciennes sur des
régions par ailleurs pauvrement documentées et c’est avec plaisir que l’on signale
qu’un projet financé par le gouvernement britannique par le biais du Met Office
Hadley Centre et terminé récemment a pu mettre en image tous ces documents.
Les données mises en image sont actuellement en cours de numérisation par
le NCDC (US National Climate Data Center) dans le cadre du programme de
modernisation de leur base de données. Il faut espérer que ces données sont
disponibles dans le cadre du système de l’ICOADS depuis la fin 2009.
L’autre ensemble de journaux de bord nous emmène vers les latitudes du
grand nord, et comprend les documents des navires en service dans le cadre de
la Compagnie de la Baie d’Hudson (HBC). Ces navires naviguaient une fois
par an entre Londres et les manufactures de la Compagnie situées dans la Baie
d’Hudson, avec un départ en avril au moment du retrait de la glace hivernale et
un retour en septembre avant que la glace ne se referme à nouveau. Les journaux
28. Ernest W. SATOW, The Voyage of Captain John Saris to Japan 1613, Londres, Hakluyt Society,
1900.
29. Anthony FARRINGTON, Catalogue of East India Company Ship’s Journals and Logs, 1603 to
1834, Londres, British Library, 1999.
30. Alexander DALRYMPLE , « Journal of a voyage to the east Indies, in the ship Grenville, Captain
Burnet Abercrombie, in the year 1775 », Philosophical Transaction of the Royal Society of London, 68,
1778, p. 389-418.
31. Clive WILKINSON, communication personnelle.
60 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
DOCUMENT 8
Carte montrant les routes prises par les vaisseaux de la Compagnie de la Baie d’Hudson
(1760-1799)
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de bord de ces voyages, qui suivaient tous la même route (document 9), ont
survécu pour la période 1750-1860. On peut trouver les originaux aux archives
canadiennes à Winnipeg, mais les Archives nationales britanniques à Kew en
possèdent toutes les copies sous forme de microfilms. Là encore, peu d’études ont
été menées sur ces documents ; le travail le plus important a été fait par Catchpole
qui, avec ses collaborateurs, s’est concentré sur les conditions glaciaires au sein
de la baie d’Hudson. Ward a été le seul à tenter d’examiner l’enregistrement des
zones de haute mer de l’Atlantique nord et du détroit de Davis32. On ne trouve
en fait au Royaume-Uni, pour cette période et cette région, que de rares col-
lections de journaux de bord, même s’il faut tenir compte de ceux des navires
baleiniers. Ceux-ci se trouvaient dans des zones plus au nord et très éloignées
de celles utilisées par les navires de la Compagnie de la baie d’Hudson ou de la
Royal Navy. On en compte seulement deux cents ; l’enregistrement commence à
32. Alan J. W. C ATCHPOLE , « Hudson’s bay company ships’ log-books as sources of sea ice data,
1751-1870 », in Raymond S. BRADLEY and Philip D. JONES (éd.), Climate Since AD1500, Londres,
Routledge, 1992 ; Catherine WARD, High latitude North Atlantic Climatic Variation 1760 to 1800,
Unpublished M. Phil. Thesis, University of Sunderland, 2005.
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 61
partir du milieu du XVIIIe siècle et continue jusqu’au déclin des flottes baleinières
britanniques du nord un siècle plus tard. La collection n’est pas aussi efficace-
ment centralisée que celles des journaux de bord de la Royal Navy, de l’EIC et
de la HBC et, bien que la majorité (environ cinquante) soit conservée dans les
archives de Kingston-upon-Hull, qui fut autrefois un centre baleinier important,
les autres sont dispersées entre les archives locales des anciens centres baleiniers
de Dundee (Écosse), Whitby, Northallerton et Londres. Le groupe de recherche
British Whaling Artic a largement contribué à identifier et cataloguer cette source
de renseignements précieuse, même si elle reste limitée. Il convient cependant
de souligner, à propos de ces sources qui ne relèvent pas de la Royal Navy, que
les officiers utilisent le même lexique et le même système d’enregistrement que
leurs contemporains de la Marine et qu’elles sont donc, à ce titre, en situation
d’homogénéité avec le principal corps de documents33.
On peut trouver des collections de journaux de bord dans d’autres pays,
comme indiqué plus haut. Elles furent utilisées dans le projet CLIWOC, mais
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on peut dire sans risque que l’énorme quantité de documents existant dans
les archives britanniques excède de loin celle des autres collections nationales.
Elles ne sont pas étudiées ici mais sont discutées dans l’ouvrage dirigé entre
autres par García-Herrera34.
33. http://www.hull.ac.uk/baw/
34. R. GARCÍA-H ERRERA, G. P. KÖNNEN, D. WHEELER, M. R. P RIETO, P. D. JONES, F. B.
KOEK, « CLIWOC… », art. cit.
62 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
DOCUMENT 9
Carte synoptique pour le 21 octobre 1805, jour de la bataille de Trafalgar
3 km
112
5
1020
0
101
5
100
0 00 France
1 Golfe
de
Gascogne
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00
9
99 Es pagne
5
10 Mer
0 0 Mediterrannée
1005 ✘
10
10
✘ Site de la bataille de Trafalgar
sonné de manière familière aux oreilles des officiers formés sur les ponts des
navires à voile de la Royal Navy des siècles passés :
« Les observations non instrumentales sont très importantes et, parce qu’elles sont des
estimations, elles dépendent du jugement personnel de l’observateur. Ce jugement est le
produit de l’expérience et de la formation à la discipline de la mer, ainsi que de la pratique
de l’observation »35.
35. M ETEOROLOGICAL OFFICE , Marine Observer’s Handbook, Londres, HMSO, 1977, p. 37.
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 63
capitaine et du lieutenant d’un même vaisseau car les observations étaient faites
simultanément et probablement acceptées d’un commun accord avant d’être
consignées dans le journal de bord. Il est plus intéressant de comparer les données
tirées des journaux de bord de différents vaisseaux naviguant en escadre, car on
peut être sûr qu’elles ont été faites de manière indépendante. Utilisant les données
fournies par la vingtaine de navires rassemblés pendant la célèbre campagne de
Trafalgar de Nelson en septembre et octobre 1805, j’ai pu démontrer qu’il y avait
concordance pour deux tiers des entrées concernant la force du vent, alors que
presque toutes les discordances relatives à la convention de l’époque sur la force des
vents étaient dues à une seule unité36. Une image statistique similaire fut réalisée
à partir d’un examen des enregistrements de direction du vent. Dans une étude
ultérieure fondée sur CLIWOC, j’ai mesuré les coefficients de corrélation dans
la longue suite d’observations faites par les vaisseaux de l’EIC qui traversaient
en escadre l’Atlantique nord et sud et les autres mers37. Là encore, le degré d’as-
sociation était important et de façon intéressante, il n’y avait pas de différence
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notable entre les données des vaisseaux de tailles différentes. Il est clair qu’il est
possible de mener d’autres études du même type ; en attendant il semble qu’il n’y
ait pas de raison de considérer ces données comme non fiables.
Les applications des données du journal de bord sont multiples et sans pareilles.
Il est possible de les répartir sous un certain nombre de rubriques même s’il
existe des recoupements :
Fourniture de données d’ordre général. Comme l’exercice du CLIWOC l’a
amplement démontré, des bases de données de qualité contrôlée peuvent être
réunies et mises librement à disposition de l’ensemble de la communauté scien-
tifique par l’intermédiaire d’un site web. De cette façon, on peut tirer profit de
tous les avantages intrinsèques de la source. En particulier l’homogénéité des
données et le fait qu’elles soient disponibles jour par jour, avec une couverture
temporelle et géographique étendue permet de fournir soit de longues séries
pour des phénomènes spécifiques (jours de pluie, jours venteux, etc.) de la
période pré-instrumentale, qui peuvent toutes être agrégées sous forme de
résumés décennaux, annuels ou mensuels, soit des données sur la direction
et la force du vent.
Reconstitutions synoptiques de court terme. Les données, quand elles sont
abondantes, comme en période de guerre et de confl it, peuvent aussi être uti-
lisées pour la reconstitution détaillée des conditions météorologiques sur des
intervalles plus courts. Cette application se révèle particulièrement utile quand
36. D. WHEELER, « The weather of the European Atlantic seaboard during october 1805 : an
exercise in historical climatology », Climatic Change, 48, 2001, p. 361-385.
37. D. WHEELER, « An examination… », art. cit.
64 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
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couverture géographique lorsque l’on étudie des événements climatiques spécifiques,
dans ce cas les éruptions volcaniques, et leurs conséquences au niveau mondial39.
Remontant encore plus loin en arrière Suarez-Dominguez et moi-même avons
pu, pour la première fois, apporter la preuve détaillée que la période la plus froide
du petit âge glaciaire (PAG) des années 1680 et 1690 fut marquée par un niveau
inhabituel d’activité des tempêtes sur les Îles britanniques, particulièrement pen-
dant les mois d’été – découverte qui permet de mieux comprendre l’organisation
générale des circulations atmosphériques principales de l’époque40.
Reconstitutions de séries de longue durée. L’espace temporel des journaux
de bord britanniques peut, comme indiqué plus haut, fournir des renseignements
pour des périodes aussi éloignées dans le temps que la fin du XVIIe siècle, mais
puisque les données existent jusqu’à l’aube de la période instrumentale, il est aussi
possible de réaliser des séries de longue durée pour des phénomènes spécifiques.
Les chronologies des ouragans peuvent ainsi être précisées grâce aux informa-
tions tirées des journaux de bord des vaisseaux navigant notamment dans les
Caraïbes41. La Grande-Bretagne a toujours eu des intérêts impériaux de grande
importance dans la région et les escadrilles des Antilles ont fourni une riche
collection de journaux de bord. Jusqu’à aujourd’hui ils ont été peu exploités, mais
38. D. WHEELER, « The influence of the weather during the Camperdown Campaign of 1797 »,
Mariner’s Mirror, 77, 1991, p. 47-54 ; D. WHEELER, « A climatic reconstruction of the battle of Quiberon
Bay, 20 November 1759 », Weather, 50, 1995, p. 230-238 ; D. WHEELER, « The weather of the European
Atlantic seaboard…, art. cit.
39. M. C HENOWETH, « Two major volcanic cooling episodes derived from global marine air
temperature data, AD1807-1827 », Geophysical Research Letters, 28, 2001, p. 2963-2966.
40. D. WHEELER, J. SUAREZ-DOMINGUEZ , « Climatic reconstructions for the northeast Atlantic region
AD1685-1700 : a new source of evidence from naval logbooks », The Holocene, 16, 2006, p. 39-49.
41. R. GARCÍA-H ERRERA, F. DURAN, D. WHEELER, E. H. M ARTIN, M. R. P RIETO, L. GIMENO,
« The use of Spanish and British documentary sources in the investigation of Atlantic hurricane inci-
dence in historical times », in Richard J. MURMANE , Kam-Biu L IU (éd.), Hurricanes and Typhoons :
Past, Present and Future, New York, Columbia University Press, 2004, p. 149-176.
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 65
une étude de cas a montré comment, même à la fin du XVIIe siècle, l’intensité et
la trajectoire des ouragans peut être estimée de façon très détaillée en associant
les informations du journal de bord et d’autres sources documentaires42.
Sous les auspices du projet Millennium fi nancé par l’Union européenne,
une base de données d’observations quotidiennes, constituée à partir des jour-
naux de bord, a été réalisée pour les mers entourant les Îles britanniques, sur
une période qui va de 1685 à 1750. Elle a permis d’identifier des changements
climatiques de moyen terme sur une période clé qui comprend le PAG et le
réchauffement rapide propre aux années 1730 et qui demeura un phénomène
unique jusqu’aux événements des deux dernières décennies43. Le document 10
montre l’indice des vents d’ouest (westerliness) dérivé des données du journal
de bord, qui permettent d’identifier facilement les périodes de vents d’ouest
hauts et bas, celles-ci pouvant aussi être vues comme des mesures de la zonalité
du courant atmosphérique de l’Atlantique nord dans cette période pré-instru-
mentale. Aucune autre source de données ne peut offrir de telles perspectives
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pour des ensembles de données aussi fiables et détaillés.
DOCUMENT 10
Graphique de l’indice des vents d’ouest (westerliness) provenant des données quotidiennes
des journaux de bord pour les vaisseaux navigant dans la Manche et les régions environnantes
(1685-1750)
1,2
Moyenne mobile
1,0
Indice des vents d’ouest
0,8
0,6
0,4
0,2
0,0
1685 1690 1700 1710 1720 1730 1740 1750
années
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fi ns de protection ou d’observation. Ceci fournit un réseau d’observations qui
sont complétées par des informations terrestres à la fois instrumentales et non
instrumentales. Il n’est guère besoin de souligner l’intérêt climatique et scien-
tifique de telles reconstitutions fiables. Cependant, la climatologie historique
n’est pas une discipline isolée, et certaines des découvertes issues de ces études
éclairent d’un jour nouveau les grands événements dont elles sont tirées. Même
s’il ne s’agit pas de prétendre que les conditions météorologiques déterminent
complètement l’issue des batailles et des combats, celles-ci ont un rôle à jouer,
particulièrement à l’époque de la marine à voile, lorsque le seul moyen de pro-
pulsion du navire était le vent, et même de ce point de vue, la possibilité pour
les combattants de prendre l’avantage dépend de sa force et de sa direction.
La bataille de Trafalgar marqua la fi n d’une période de plusieurs semaines
d’un « blocus ouvert » établi par la flotte anglaise, qui était elle-même stationnée
bien au large de la rade de Cadix, où les flottes coalisées françaises et espagnoles
avaient jeté l’ancre. L’amiral Horatio Nelson, commandant en chef de la flotte
anglaise souhaitait inciter la flotte combinée à sortir de son repaire de Cadix
pour s’engager en haute mer où il pourrait leur livrer bataille. En raison de
considérations stratégiques, d’une insuffisance d’effectifs et de savoir-faire, les
officiers franco-espagnols étaient réticents à suivre cette voie. Nelson devait par
conséquent cacher la vraie puissance de sa flotte en restant à quelque 50 km
au large et hors de vue, et essayer de les inciter à sortir. Il n’en surveillait pas
moins Cadix par l’intermédiaire d’une flottille de frégates positionnées près
de la côte et d’une ligne étendue de navires utilisés pour relayer les signaux
transmis par le code de pavillons sur les activités des ennemis. En haute mer
et bien loin de l’Angleterre, il était vital que la flotte de Nelson et la ligne des
communications ne soient pas perturbées par les coups de vent et le mauvais
temps. À cet égard, son mois de blocus ouvert bénéficia de la présence de l’an-
ticyclone des Açores, actif et dominant tout du long, apportant cette forme de
temps stable qui convenait parfaitement à Nelson et à ses plans.
La flotte combinée quitta fi nalement Cadix le 19 octobre et se dirigea
vers le sud en direction du détroit de Gibraltar. Nelson suivit en attendant le
moment opportun pour attaquer. Celui-ci se présenta le 21 octobre au matin.
À l’aube, il aperçut la flotte ennemie au large du cap de Trafalgar alors que sa
flotte était positionnée à quelques 10 milles à l’ouest. Cependant, avec de très
légers vents d’ouest, estimés force 1 sur l’échelle de Beaufort, et une forte houle
ouest, ce n’est pas avant midi qu’il put réduire la distance qui le séparait de la
flotte ennemie et attaquer les navires espagnols et français. La bataille qui s’en-
suivit dura jusqu’au crépuscule ; à ce moment Nelson était mort mais la flotte
ennemie avait été vaincue. Néanmoins, alors qu’il était mourant, Nelson pouvait
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sentir sous son navire (HMS Victory) la houle menaçante qui présageait une
tempête et un changement de temps complet. Il ordonna à ses officiers supé-
rieurs de jeter l’ancre de manière à éviter le naufrage sur une terre sous le vent
dangereuse. Dans les faits, cela ne fut pas possible, puisque toutes les ancres
avaient été détruites dans le violent combat. À la place, les navires rescapés des
deux flottes se trouvèrent pris dans une bataille contre les éléments jugée par la
majorité des combattants comme pire que celles dont ils venaient de sortir. La
tempête fut sans doute l’une des plus violentes dans ces eaux pour cette première
partie du XIX e siècle. Bien que décrite comme un ouragan, il y a peu de doute
qu’il se soit agi d’une dépression coupée d’un genre fréquemment rencontré
sous ces latitudes à cette période de l’année45. Du côté des navires espagnols et
français déjà sérieusement endommagés, les pertes furent terribles et beaucoup
de navires sombrèrent avec leur équipage blessé encore à bord. La tempête ne
se calma pas avant le 28 octobre, obligeant les navires, durant cette période, à
« l’étaler » dans les eaux profondes de l’Atlantique. Il est intéressant, mais vain,
de spéculer que si la tempête s’était déclarée plus tôt, la bataille de Trafalgar
n’aurait pas eu lieu et le cours de l’histoire aurait pu en être changé.
* * *
Il est utile, en guise de conclusion, de résumer les caractéristiques des données
du journal de bord qui les distinguent comme étant d’une valeur et d’un intérêt
particuliers pour les climatologues :
1. leur couverture géographique est étendue mais, plus important encore, elle
embrasse les mers et les océans de la planète, des étendues pour lesquelles des
données similaires ne peuvent être obtenues à partir d’aucune autre source ;
45. D. WHEELER, « The weather of the European Atlantic seaboard…, art. cit.
68 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
2. les informations ne sont pas fondées sur des indicateurs indirects mais sur
des comptes rendus écrits directs des conditions de l’époque ;
3. chaque point des données peut être établi dans l’espace (latitude et longi-
tude) et le temps (date calendaire et heure) ;
4. les effets de couche limite sur les flux de vent sont minimisés sur les océans,
rendant les observations plus fiables (quasi-géostrophiques) que celles des sites
terrestres ;
5. les informations bénéficient d’un degré d’homogénéité dans le vocabulaire
et les méthodes d’observation, ce qui est exceptionnel dans ces sources docu-
mentaires ;
6. une très grande quantité de journaux de bord est conservée dans différentes
archives locales et nationales, offrant de vastes possibilités pour une couverture
spatiale et temporelle extensive et quasi-continue.
L’intérêt croissant dans le domaine des sources documentaires historiques,
confirmé par les activités et publications indiquées plus haut, témoigne d’un
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plus grand empressement de la part de la communauté scientifique à explorer
les abondantes possibilités offertes par les journaux de bord. Ces documents,
minutieusement élaborés pendant si longtemps par les marins, mais ignorés par
de très nombreux scientifiques, constituent maintenant une « nouvelle » et impor-
tante source de données en recherche climatique. Cet article a mentionné les
nombreux avantages qu’ils offrent par rapport aux autres sources documentaires
et aux sources indirectes. Il reste encore beaucoup à faire, et il est intéressant de
noter que même le projet CLIWOC ne s’est appuyé que sur cinq mille journaux
de bord, parmi les cent mille disponibles pour cette période. En gardant cela à
l’esprit, et dans le but de fournir un moyen de diffusion plus large aux études
relatives aux journaux de bord, le projet RECLAIM (Recovery of logbooks and
international marine data) a été lancé par NOAA (National Oceanic and Atmos-
pheric Administration)46. Il s’agit là d’un site web largement « promotionnel »,
révélant à un plus large public l’étendue croissante des activités entreprises par
ceux qui travaillent sur les journaux de bord, mais soulignant aussi le potentiel
de cette source d’une richesse unique.
Les journaux de bord fourniront certainement encore pendant de longues
années des contributions de données significatives avant de voir leur matière
finalement épuisée. Beaufort et Lamb regarderaient sûrement d’un œil favorable le
travail accompli ces dernières années, de même que ce qui reste encore à faire.
Dennis WHEELER
University of Sunderland, Faculty of Applied and Historical Sciences
Sunderland SR1 3PZ Grande-Bretagne
dennis.wheeler@sunderland.ac.uk
Traduit de l’anglais par Annick Macbeth et Florence Tamagne.
46. http://icoads.noaa.gov/reclaim/
LE CLIMAT DE L’OCÉAN ATLANTIQUE 69
Résumé /Abstract
Dennis WHEELER
Le climat de l’océan Atlantique aux XVIIe-XVIIIe siècles
selon les journaux de bord de la Marine britannique
Le présent article souhaite mettre en valeur une source largement inédite : les journaux de
bord rédigés par les capitaines de la Royal Navy. Ils procurent des informations quotidiennes
exceptionnelles, notamment sur le paroxysme du petit âge glaciaire puisque la décennie 1680-1690
est généralement considérée comme la plus froide des mille dernières années. Grâce à ces journaux,
nous pouvons connaître la force des vents, leur direction, les précipitations et plus généralement
les conditions météorologiques qui ont dominé à cette époque. Extraites des archives navales, ces
données historiques, une fois interprétées sur un plan statistique, révèlent par exemple le caractère
orageux de la saison estivale au cours de la période (cf. la bataille de Trafalgar). La comparaison
entre les séries historiques obtenues et les séries contemporaines démontre ainsi l’intérêt majeur
des journaux de bord qui offrent une résolution chronologique journalière. Incontestablement,
ces sources navales constituent de nos jours un témoignage archivistique exceptionnel pour
reconstruire le climat de l’océan Atlantique des XVII e et XVIII e siècles.
MOTS - CLÉS : journaux de bord, Royal Navy, XVII e -XVIII e s., Trafalgar, climatologie his-
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torique, Atlantique ■
Ships’ logbooks were kept by officers of most major national navies from as early as the mid-seventeenth
century. They contain daily accounts and descriptions of the wind and weather that was encountered
on voyages that became evermore wide-ranging as the European maritime empires of Britain, France,
Spain and the Netherlands became established. They provide a uniquely detailed and reliable source of
marine climate data from the pre-instrumental period (before the mid-nineteenth century) for many parts
of the world. Several thousands of these logbooks survive in national archives and this paper reviews their
contents and character and the possibilities for developing this source in climatic and historical research.
The author concludes by arguing that this important and abundant source of evidence for past climates
has for too long been overlooked and deserves far greater recognition than it currently enjoys.
K EYWORDS : ships’ logbooks, historical climatology, Royal Navy, 17th-18th centuries, Trafalgar ■