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Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens dans le
bocage de l'Ouest de la France. Positive return on favorable arrangements for
amphibians in the hedgerow...

Article · October 2020

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Gaëtan Guiller

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Bulletin de la Société des Sciences Naturelles de l’Ouest de la France (N.S.), 2020 42 (1-2) : 1-14 1

Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens


dans le bocage de l’Ouest de la France.

Positive return on favorable arrangements for amphibians in the hedgerow in the western France.

Gaëtan GUILLER
n°1 Le Grand Momesson, 44130 Bouvron, France. gaetan.guiller@free.fr

Résumé.
L’étude a été menée sur la commune bocagère de Bouvron, située dans le département de la Loire-Atlantique. Le paysage
bocager y a été profondément simplifié par le remembrement de 1963, lequel a brutalement fait disparaître un grand nombre
de mares, de fossés, de taillis et de haies. Depuis, la dégradation du bocage s’est poursuivie de manière croissante sous
la pression des pratiques agricoles modernes et de l’urbanisation galopante, se traduisant par la dégradation mécanique
des haies, l’altération des zones humides et le comblement ou l’abandon des mares. C’est dans ce contexte paysager que
l’acquisition d’une parcelle agricole en 2004, aussitôt accompagnée de plusieurs aménagements réalisés en faveur des
amphibiens, nous a permis d’obtenir des résultats positifs pour ces petits vertébrés. En effet, après un suivi de quinze ans
de ces aménagements, cinq espèces d’amphibiens sur les dix présentes au sein et aux alentours du site d’étude, ont vu
leurs effectifs augmenter.

Mots-clés
Amphibien, perte d’habitat, aménagements favorables, Loire-Atlantique, France.

Abstract
The study was conducted on the municipality of Bouvron located in the department of Loire-Atlantique. The hedgerow
landscape there is simplified by his consolidation in 1963 to brutally made disappear a large number of ponds and
hedgerows. Since then, the degradation of the hedgerow continues increasingly under pressure from agricultural practices
and urbanization resulting in mechanical degradation of hedges and the fillers or abandonment of the mares. It is in
this context landscaped the acquisition of a farm plot in 2004, immediately followed by several developments made
for amphibians to see positive results on these small vertebrates. Indeed, after a return of fifteen years, five species of
amphibian on the ten present on and around the site of study have grown in numbers.

Keywords
Amphibian, habitat loss, favorable development, Loire-Atlantique, France.

INTRODUCTION vulnérables et 34.3% sont quasi menacées. De plus,


La plupart des scientifiques du monde entier s’accordent la tendance générale d’évolution des populations par
pour qualifier l’érosion de la biodiversité comme espèce est celle d’un déclin de près de 70%, y compris
étant probablement la sixième extinction de masse chez les espèces classées en préoccupation mineure
(Ceballos et al. 2017). Les amphibiens se classent (UICN France et al. 2015). Dans les Pays-de-la-Loire,
actuellement comme l’un des groupes de vertébrés les région où se situe l’étude présentée dans cet article, la
plus menacés à travers le monde (Alford & Richards situation ne semble guère plus enviable au vu de ces
mêmes critères d’évaluation. Ainsi, sur les 17 taxons
1999, Houlahan et al. 2000, Stuart et al. 2004, Ceballos
indigènes évalués sur 19, seulement 52.94% sont
et al. 2017). En France, le recul des amphibiens
répertoriés dans la catégorie « préoccupation mineure »
s’assimile malheureusement à la tendance mondiale
(Marchadour 2009) (Tab. I).
et le phénomène semble s’accélérer depuis ces trente
dernières années. En effet, selon la méthodologie de Les raisons de ce déclin, que l’on retrouve à différentes
l’IUCN, sur les 36 taxons indigènes présents en France échelles spatiales, sont multiples, mais ont toutes une
métropolitaine, 8.6% sont en danger, 14.3% sont origine commune, à savoir les activités humaines :
2 Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens dans le bocage de l’Ouest de la France.

pollutions chimiques, lumineuses et sonores, agents C’est dans ce contexte préoccupant de détérioration
pathogènes (souvent lié aux déplacements d’espèces), de l’habitat pour les amphibiens que cette étude a été
concurrence des espèces non indigènes (plantes conduite au sein d’un paysage bocager en dégradation
aquatiques exotiques, mammifères, oiseaux, crustacés, permanente depuis une soixantaine d’années.
reptiles, amphibiens, poissons allochtones…), perte Dans cette étude, la plupart des espèces d’amphibiens
et fragmentation de l’habitat...Et la liste des impacts du département sont encore présentes autour et sur le
anthropiques est hélas de plus en plus longue (Cushman site de l’étude (cf. annexe I) :
2006, Boissinot 2009, Le Garff & Frétey 2014a, Miaud
2014). -- La Salamandre tachetée Salamandra salamandra
(Linnæus, 1758).
Toutefois, ce sont la perte et la fragmentation des -- Le Triton crêté Triturus cristatus (Laurenti, 1768).
habitats, qui constituent la raison principale du déclin des -- Le Triton marbré Triturus marmoratus (Latreille,
amphibiens, aussi bien à l’échelle mondiale (Stuart et al. 1800).
2008) qu’en France (Well 2007, Temple & Cox 2009). -- Le Triton palmé Lissotriton helveticus
La conservation des habitats terrestres et aquatiques est (Razoumowsky, 1789).
primordiale pour la protection des amphibiens, qui en -- L’Alyte accoucheur Alytes obstetricans (Laurenti,
plus d’être peu mobiles, se caractérisent par un mode 1768).
de vie amphibie. Généralement, la reproduction et la -- Le Crapaud épineux Bufo spinosus (Daudin, 1803).
vie larvaire se font en milieu aquatique, alors que les -- La Grenouille agile Rana dalmatina Fitzinger in
jeunes métamorphosés (imagos) et les matures (hors Bonaparte, 1838.
période de reproduction) évoluent en milieu terrestre -- La Grenouille rieuse Pelophylax ridibundus (Pallas,
(migrations, estivage, hibernation). Aussi, pour ces 1771).
animaux, l’enjeu de conservation de l’habitat est triple -- La Grenouille verte Pelophylax kl. esculentus
car il faut préserver à la fois les milieux humides, les (Linnæus, 1758).
milieux terrestres et garantir des connexions entre eux. -- La Rainette verte Hyla arborea (Linnæus, 1758).
Rappelons qu’entre 1975 et 1995, la France a anéanti
Précisons que la Grenouille rieuse est la seule espèce
2,4 millions d’hectares de prairies permanentes sur les
allochtone du cortège, car en France, elle n’est indigène
4 millions qui ont été supprimées en Europe durant la
que dans une partie de l’Est du pays. Malgré tout, sur
même période (Poiret 2005). Il faut préciser que les
le site d’étude, la présence de ces dix espèces révèle
prairies permanentes abritent généralement des mares
d’énormes disparités en matière d’occurrences.
qui disparaissent avec les reconversions culturales.
Au début des années 2000, en France, il ne restait Le but était de « restaurer » un petit fragment de
plus qu’environ 600 000 km de haies, soit 30 % de bocage afin de redynamiser localement les populations
celles connues de la période 1850 à 1910 (Pointereau d’amphibiens, avec une ambition plus large visant
2002). Simultanément à ces grandes opérations de à contribuer à enrayer le déclin de la batracho-
remembrement, la France a aujourd’hui perdu 90% des herpétofaune (amphibiens et reptiles) de ce secteur.
mares recensées en 1900 (Monot 2003) ! Cet article présente, ce retour d’expérience
Aujourd’hui, on commence à avoir une meilleure encourageante, laquelle s’est traduite par le
connaissance des déplacements migratoires des renforcement d’effectifs de plusieurs espèces
amphibiens de l’Ouest de la France entre leurs sites d’amphibiens, consécutif aux aménagements réalisés à
hors reproduction (habitat terrestre) et leurs sites de leur intention en une quinzaine d’années.
reproduction et de développement larvaire (habitat
aquatique). On sait que ces déplacements sont plus ou MATÉRIEL & MÉTHODES
moins différents d’une espèce à l’autre, mais peuvent
également varier au sein d’une même espèce, en
1) Situation géographique et historique de l’étude.
fonction des composantes du paysage local. Pour les
espèces qui nous concernent, ces migrations oscillent, A) À l’échelle du site d’étude.
d’après la littérature, entre une centaine de mètres Le site d’étude couvre une surface globale de 12850m²
et 1 km (rarement au-delà) autour du point d’eau de comprenant une zone d’habitation de 1850m² accolée à
reproduction (Arntzen & Walis 1991, Jehle & Arntzen une prairie (mentionnée « parcelle expérimentale » par
2000, ACMAV coll. et al 2003, Nöllert & Nöllert 2003, la suite) de 11000m² (Fig. 1). L’ensemble a été acquis en
Boissinot 2009). 2004. Le site est situé au sein du bocage de la commune
Bulletin de la Société des Sciences Naturelles de l’Ouest de la France (N.S.), 2020, 42 (1-2)
Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens dans le bocage de l’Ouest de la France. 3

Figure 1 : Vue aérienne du site d’étude situé au sein du bocage de la commune de Bouvron dans le département de la Loire-Atlantique.
Map data ©2018 Google.
Pointillés blancs longs : périmètre global du site d’étude (12850m²).
Cadre blanc : zone d’habitation (1850m²).
Pointillés blancs courts : mise en place, entre 2006 et 2011, d’une haie spontanée de 430 mètres linéaires pour ~2575m² entourant la
parcelle expérimentale (11 000 m²).
1 : création de la première mare le 20/08/2005 de 1810 m².
2 : création de la seconde mare le 23/04/2015 de 10 m².

Figure 2 : Evolutions paysagères du site d’étude (périmètre en pointillés blanc) au cours des soixante-dix dernières années. 1952 :
situation avant le remembrement de 1963 ; 1971 : situation après le remembrement de 1963 ; 2004 : situation au début de l’étude
et 2018 : situation actuelle.

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4 Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens dans le bocage de l’Ouest de la France.

de Bouvron dans le département de la Loire-Atlantique. la première, dans le but de diversifier la configuration


La parcelle expérimentale était auparavant divisée en des habitats aquatiques afin de satisfaire les attentes
trois parcelles agricoles. Toutes étaient entourées de écologiques d’un maximum d’espèces d’amphibiens.
larges haies, bordées en partie par un chemin creux. Ne bénéficiant pas de la présence d’une source, cette
En 1963, le remembrement a eu pour conséquence mare est également alimentée par les eaux pluviales, et
la suppression de nombreuses haies et mares sur la subit donc un assec total chaque été.
commune, restructurant ainsi les trois parcelles du
futur site d’étude en une seule, alors privée de haie et Dès 2004, la parcelle expérimentale échappe à la
désormais entourée d’une simple clôture de fil de fer fermeture du milieu par une végétation trop dense grâce
barbelé. Cette dernière n’a jamais été cultivée et servait une méthode non invasive : le pâturage par un âne et
d’enclos à des chevaux. Cette situation est restée figée deux chèvres.
jusqu’à l’acquisition par nous-mêmes en 2004 (Fig. 2)
Précision importante, les mares sont dépourvues de
à laquelle a aussitôt succédé une série d’aménagements
détaillés ci-dessous (Fig. 1). poissons, qu’ils soient indigènes ou pas. Afin d’éviter
le piétinement des berges et la présence de déjections
2005  : création d’une première mare de 1810m² pour dans l’eau, la mise en place de clôture empêche l’accès
une profondeur maximale de ~140cm. Cette dernière de l’âne et des chèvres.
ne possédant pas de source, nous avons utilisé la
pente naturelle du terrain pour en faire une retenue
d’eau pluviale à l’aide d’une digue située à l’est de
la retenue. Pour pallier aux hivers
peu pluvieux, nous avons également
relié l’eau pluviale des toitures de
la zone d’habitation située à l’ouest
de la parcelle ainsi que le trop-plein
d’un puits par un tuyau PVC enterré à
environ 80 cm dans le sol de la parcelle
dans un axe ouest-est (habitation
vers la mare). Ainsi, cette mare subit
parfois un assec partiel en fin d’été,
mais son fond possède une cuvette de
D A
plusieurs mètres de diamètre qui n’est C
jamais totalement asséchée.
2006 à 2011 : mise en place d’une
haie spontanée de 430 mètres de E B

longueur pour ~2575m². Le principe


de la haie spontanée consiste à recréer
une seconde clôture à l’intérieur de la F

parcelle expérimentale et de laisser


la flore s’installer librement entre ces
deux clôtures. Ainsi, une végétation
ligneuse s’installe spontanément, N
principalement composée par la ronce
G
(Rubus sp.), le Saule cendré (Salix
cinerea), l’Aubépine (Crataegus 500 m
monogyna) le Prunellier (Prunus
Figure 3 : Situation passée et actuelle des zones humides (mares) de reproduction potentielle pour
spinosa), le Frêne élevé (Fraxinus Figure 3 : Situation
les amphibiens passée
dans un rayon de et actuelle
1 km desdeux
autour des zones humides
mares (petite et(mares) de reproduction
grande étoiles) crées au sein
excelsior) et le Chêne pédonculé potentielle pour
du site d’étude les amphibiens
(pointillés dans
blancs). Rond un :rayon
blanc mares de 1 km autour
bocagères classiquesdes; deux mares
rond blanc (petite
barré : mare
ayant
et été comblée
grande étoiles)depuis
crées 1980 ; rond
au sein du gris
site: d’étude
mare reconvertie en blancs).
(pointillés bassin deRond
rétention
blancdes eaux de
: mares
(Quercus robur). ruissellement d’une route départementale ; rond noir : mare devenue batrachologiquement stérile par
bocagères classiques ; rond blanc barré : mare ayant été comblée depuis 1980 ; rond
l’introduction de palmipèdes (canards, oies et cygnes) ; carré blanc : mare entièrement fermée par la
2015 : création d’une seconde mare gris : mare(par
végétation reconvertie enSaule).
exemple : le bassinLes
delettres
rétention
A à Gdes eaux de
désignent des ruissellement d’une
mares citées dans route(Cf.
le texte
nationale ; rond noir
Chapitre discussion). Map: data
mare devenue
©2018 Google. batrachologiquement stérile par l’introduction
de de 10m² pour une profondeur palmipèdes (canards, oies et cygnes) ; carré blanc : mare entièrement fermée par la
de
maximale de ~140cm. Cette mare
végétation (par exemple : le Saule). Les lettres A à G désignent des mares citées dans le
est volontairement plus petite que texte (Cf. Chapitre discussion). Map data ©2018 Google.

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B) À l’échelle du paysage. >sous des abris artificiels ou non. Les premiers sont des
Partant du principe que dans notre cortège d’espèces, la plaques en fibrociment destinées à une autre étude sur
plupart s’éloignent rarement plus de 100 à 1000 mètres les reptiles (Graitson & Naulleau 2005), et les seconds
des eaux de ponte, parfois plus pour certains anoures, sont des pierres, bûches, etc. ;
notamment la Rainette verte (ACMAV coll. et al 2003,
>en pleine journée lorsque certaines espèces sont en
Nöllert & Nöllert 2003), un recensement des potentiels
héliothermie, en fuite ou en déplacement ;
sites de reproduction (e. g. mares) dans un rayon de 1
km autour de la parcelle expérimentale a été effectué. >enfin, en réalisant quelques rondes crépusculaires
Le but était d’essayer de comprendre l’origine de la à l’aide d’une lampe tout au long de l’année lorsque
colonisation des mares de la parcelle expérimentale les amphibiens sont soit en migration pré ou post-
par les amphibiens. En prenant un peu de hauteur, la reproduction ou en chasse.
parcelle expérimentale se trouve dans un paysage très
simplifié depuis le remembrement des années 1960 B) Dans l’eau
(Fig. 3). En effet, à cette période, la commune où se Les amphibiens sont observés lors de la phase de
situe l’étude a perdu près d’un millier de kilomètres de reproduction dans les deux mares, soit à la lampe à la
haies et 53 hectares de taillis (Tremblay 1993) ! tombée de la nuit, ou par recherche de pontes en plein
Depuis la fin des années 1990, même si le linéaire de jour. Des écoutes sonores sont également effectuées
haies n’a pas vraiment diminué autour de la parcelle pour identifier certaines espèces d’anoures (Crapaud
expérimentale, il subit constamment une dégradation épineux, Rainette verte, Grenouille agile, Grenouille
qualitative par passage annuel de l’épareuse (broyage commune et Grenouille rieuse). L’utilisation d’un
mécanique de la base des haies). amphicapt (http://www.reserves-naturelles.org/sites/
default/files/fichiers/protocole_amphibiens.pdf) a été
De plus, le nombre de mares post-remembrement a mise en place en avril 2019 afin de préciser le cortège
également continué de chuter. En effet, dans un rayon d’espèce de triton présent dans la mare 1. Cette méthode
d’un kilomètre autour du site d’étude, l’examen de de piégeage vient en complément des prospections
l’état des 34 mares recensées depuis 1980 permet de nocturnes à la lampe dont l’étendue de la mare 1 ne
dresser une situation très alarmante puisque 74% permet qu’une prospection partielle de sa surface
(N  = 25) d’entre elles sont devenues inadaptées aux depuis ses berges.
amphibiens en une trentaine d’années. Les raisons
en sont les suivantes  : 44% (N = 15) des mares
environnantes au site d’étude ont été comblées, 6% RÉSULTATS
(N  = 2) sont devenues des bassins de rétentions des
eaux concentrées en résidus d’hydrocarbures par 1) Suivi sur terre
ruissellement d’une route très fréquentées, 21% (N  = Sur le site d’étude, les espèces observées en phase
7) sont devenues des saulaies, 3% (N  = 1) convertie terrestre apparaissent chronologiquement de la manière
en mare ornementale pourvue de palmipèdes (canards, suivante : H. arborea dès 2004  ; R. dalmatina, B.
oies et cygnes) (Fig. 3). De surcroît, les mares qui spinosus et S. salamandra en 2005 ; P. kl. esculentus en
accueillent encore des amphibiens (26% ; N = 9) sont 2006 ; T. marmoratus en 2007 ; L. helveticus en 2011 et
très perturbées par la présence de ragondins, Myocastor A. obstetricans en 2017 (Tab. II).
coypus (Molina, 1782), qui rendent l’eau turbide et
réduisent les herbiers aquatiques, ces perturbations Notons que H. arborea, R. dalmatina, B. spinosus et P.
étant loin d’être insignifiantes pour les amphibiens kl. esculentus sont des taxons présents sur le site d’étude
(Grosselet et al. 2001). avant qu’elles ne se reproduisent dans les mares n°1 et/
ou n°2, voire même avant leur création.
L’étude présentée ici témoigne de la création de deux
nouveaux sites de reproduction (deux mares) ainsi Alors que L. helveticus est une espèce qui est notée à
qu’un nouvel habitat terrestre (haie), ce qui n’était plus terre seulement après qu’une reproduction avérée soit
arrivé depuis presque soixante ans dans ce secteur. observée dans la mare n°1. Précisons que la totalité
des L. helveticus observés en phase terrestre, ce qui
représente des dizaines d’individus, sont des juvéniles.
2) Méthode d’inventaire
Trois espèces sont observées en phases terrestres sans
A) Sur terre qu’aucune reproduction ne soit observée dans les deux
Les amphibiens en phases terrestres sont découverts de mares : une adulte de S. salamandra en 2005  ; deux
trois manières : juvéniles et un adulte de T. marmoratus en 2007, 2012
Bulletin de la Société des Sciences Naturelles de l’Ouest de la France (N.S.), 2020, 42 (1-2)
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Alytes obstetricans Bufo spinosus (2014)

Rana dalmatina (2007) Pelophylax ridibundus


Pelophylax kl. esculentus (2007) Hyla arborea (2007)

Figure Figure 4 : Répartition
4 : Répartition des observations
des observations d’anoures
d’anoures en en phases
phases terrestres terrestres sur
et aquatiques et aquatiques
le site d’étudesurentre
le site
2004d’étude
et 2018entre 2004
dans un et 2019
maillage dans
de 10x10
mètres un maillage
de côté. de entre
La date 10x10 mètres desuivant
parenthèses côté. La datedeentre
le nom parenthèses
l’espèce correspondsuivant le nom
à l’année de la de l’espèce
première correspond
reproduction à l’année
avérée de ladans
de l’espèce première
l’une des
deux mares.
reproduction avérée de l’espèce dans l’une des deux mares.
Map data
Map©2018
dataGoogle.
©2018 Google.
O= maille
O=avec au avec
maille moinsauune observation
moins avant qu’une
une observation reproduction
avant dans l’une des
qu’une reproduction deux
dans mares
l’une desdudeux
site d’étude
mares du ait site
été avérée.
d’étude ait été avérée.
X= maille avec au moins une observation après que la reproduction dans l’une des deux mares du site d’étude ait été avérée.
X= maille avec au moins une observation après que la reproduction dans l’une des deux mares du site d’étude ait été avérée.

Salamandra salamandra Triturus cristatus (2014)


Triturus marmoratus Lissotriton helveticus (2008)

Figure 5Figure 5 : Répartition
: Répartition des observations
des observations d’urodèles
d’urodèles en en phases
phases terrestres terrestres et
et aquatiques suraquatiques surentre
le site d’étude le site
2004d’étude entre
et 2018 dans2004 et 2019
un maillage dedans
10x10
mètres deuncôté.
maillage
La datedeentre
10x10 mètres desuivant
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Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens dans le bocage de l’Ouest de la France. 7

Figure 6 : Evolution annuelle du recensement des pontes de R. dalmatina et des amplexus de B. spinosus observés dans la mare n°1

depuis sa création en 2005. Pour des raisons méthodologiques, le comptage des pontes chez R. dalmatina est arrêté dès qu’il atteint
baisse de reproduction de 2017 correspond à un niveau d’eau
200 (pour plus d’informations : cf. chapitre 2 dans Résultats). La petite
Figure 6 : Evolution annuelle du recensement des pontes de R. dalmatina et des amplexus de
anormalement faible, ce qui a affecté la reproduction des deux espèces. B.
spinosus observés dans la mare n°1 depuis sa création en 2005. Pour des raisons méthodologiques,
le etcomptage
2018  ; un des
adulte de A. obstetricans
pontes en 2017 (Tab.
chez R. dalmatina reproduction
est arrêté dès qu’il de l’espèce,
atteint 200 dont
(pourtrois
plusmâles matures et :
d’informations
II). Notons d’ailleurs que les observations de ces trois une femelle mature se sont
cf. chapitre 2 dans Résultats). La petite baisse de reproduction de 2017 correspond à un niveau fait piéger en seulement
d’eau
espèces se situent à l’opposé des deux mares du site trois nuits.
anormalement faible, ce qui a affecté la reproduction des deux espèces.
d’étude, au sein de la zone d’habitation (Figs. 1, 4 et 5).
Notons quelques cas d’observations d’espèces au
La situation était d’ailleurs similaire avec H. arborea
moment de leur période de reproduction respective
en 2004, B. spinosus en 2005 et P. kl. esculentus en
sans confirmation de reproduction. C’est le cas de
2006 où ces trois espèces ont été observées en phase
terrestre, à l’opposé des mares n° 1, avant qu’elles ne rares L. helveticus observés en 2007. Un mâle de B.
s’y reproduisent (Figs. 1 et 4). spinosus est observé en 2011, un autre en 2013 pendant
la période de reproduction nageant à la surface de la
Seules deux espèces, T. cristatus et P. ridibundus, n’ont mare avec des R. dalamtina.
jamais été observées à terre.
Pour la mare n°2 (la plus petite créée en 2015 ; Fig. 1),
R. dalmatina est ici encore l’espèce pionnière, avec des
2) Suivi dans l’eau pontes observées dès 2016. Cette même année, quelques
Pour la mare n°1 (la plus grande créée en 2005, Fig. 1), rares L. helveticus sont observés, ainsi qu’en 2019,
R. dalmatina, H. arborea et P. kl. esculentus sont les mais la reproduction n’a pas été confirmée (absence
espèces pionnières du cortège car elles s’y reproduisent de larves). En 2019, H. arborea et P. kl. esculentus s’y
dès 2007 (Tab. II), en accrochant leurs pontes aux reproduisent avec succès.
aspérités minérales (e. g. cailloux), la mare étant
alors encore dépourvue d’une végétation aquatique Aussi bien dans la mare n°1 que la n°2, dès qu’une
permettent de fixer les pontes. En 2008, c’est au tour reproduction est confirmée, elle devient ensuite
de L. helveticus de se reproduire dans cette mare et la systématiquement annuelle, quelle que soit l’espèce. Le
première ponte de B. spinosus est constatée en 2014. cas de T. cristatus est particulier, car sa détection dans
C’est également en 2014 qu’une femelle mature et deux la mare n°1 étant difficile sans piégeage, il est donc
mâles matures de T. cristatus sont observés dans cette plus qu’envisageable qu’il s’y reproduit également
mare. Les mâles étaient ornés de leur crête nuptiale tous les ans depuis 2014. Notons également que
ce qui suggère une reproduction de l’espèce même l’activité reproductrice augmente généralement dans
si aucune larve n’a pu être observée par la suite. En le temps. Le comptage des pontes chez R. dalmatina
2018, deux cadavres d’individus matures de ce grand ou d’amplexus chez B. spinosus en est une bonne
triton sont trouvés dans la mare. L’utilisation en 2019 illustration (Fig. 6). En effet, les bilans de comptage
d’un amphicapt a permis de certifier de nouveau la des pontes de la mare n°1 chez R. dalmatina ont
Bulletin de la Société des Sciences Naturelles de l’Ouest de la France (N.S.), 2020, 42 (1-2)
8 Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens dans le bocage de l’Ouest de la France.

débuté à 8 pontes en 2007, puis augmenté de manière 2019 (trois mâles matures et une femelle mature piégés
exponentielle jusqu’à un maximum de 200 pontes à par un amphicapt) dans la mare n°1 de la parcelle
partir de 2011. Depuis 2011, dès que le chiffre de 200 expérimentale est donc très satisfaisante (Figs. 1 et 5 ;
pontes est atteint, le comptage est stoppé car il devient Tab. II). Néanmoins, aucune ponte ou larve n’ont été
ensuite compliqué de tout comptabiliser correctement découvertes pour confirmer la reproduction de cette
au vu de la surface de la mare et la densité de pontes. espèce. Mais compte tenu que tous les mâles observés
Pour le comptage des amplexus de B. spinosus, le bilan depuis 2014 étaient ornés de leur crête nuptiale, il
est de 1 en 2014 pour atteindre un maximum de 23 en est donc fort probable que l’espèce s’y reprodui.
2019. Les deux espèces enregistrent une légère baisse L’amphicapt sera désormais installé dans l’été afin de
de la reproduction en 2017. La raison pourrait être liée découvrir des individus au stade de larves. Malgré, la
à une très faible précipitation à l’automne et l’hiver réjouissance de l’établissement de l’espèce, le maintien
précédant les reproductions, entraînant ainsi un très sur le long terme de cette dernière semble compromis
faible niveau d’eau de la mare. Au mois de mars, ce lorsque l’on sait qu’une population viable de T.
dernier correspondait au niveau d’eau de la fin de l’été. cristatus repose sur un réseau de 4 à 8 mares abritant
L’augmentation annuelle de l’activité reproductrice l’espèce au km² avec boisement et fourrés à proximité
doit aussi concerner les autres espèces, mais leurs (ACMAV coll. et al 2003, Boissinot et al 2013), ce qui
pontes ou leurs amplexus étant plus discrets, il est donc n’est malheureusement plus le cas ici.
plus compliqué de le démontrer. T. marmoratus : ce grand triton est connu pour se
Seules trois espèces, S. salamandra, T. marmoratus reproduire dans la mare A (Fig. 3). Malgré cela,
et A. obstetricans, n’ont jamais été observées dans les seulement trois individus sont observés en phase
mares. terrestre dans la zone d’habitation (Figs. 1 et 5 ; Tab.
II). Signalons la découverte, au cours de l’étude, de
quelques autres juvéniles en phases terrestres dans
DISCUSSION le village situé à moins de 500 mètres au sud du site
À travers les créations d’habitats aquatiques (deux d’étude (Fig. 3).
mares) et terrestres (430 mètres de haie) de la parcelle
L. helveticus : espèce assez bien représentée dans
expérimentale du site d’étude (Fg. 1) et la connaissance
le bocage, et comme R. dalmatina, ce petit triton
du paysage environnant, notamment les zones humides
se reproduit dans presque toutes les mares situées à
de reproduction d’amphibiens les plus proches, voici
proximité du site d’étude (Fig. 3). La confirmation,
les hypothèses avancées pour essayer d’interpréter
plus tardive d’une année, de sa reproduction vis-à-
cette colonisation au niveau spécifique :
vis des anoures pionniers de notre étude (H. arborea,
S. salamandra : espèce curieusement occasionnelle R. dalmatina et P. kl. esculentus) (Tab. II), est peut-
à rare dans ce contexte bocager. Quelques individus, être imputable à une plus faible mobilité dû à sa
environ une vingtaine, sont découverts plus ou moins morphologie. En effet, cette espèce est connue pour
régulièrement depuis les années 1990 dans un rayon s’éloigner rarement de plus de 150 mètres de son site
de 500 mètres autour du site d’étude. La plupart des de reproduction (ACMAV coll. et al 2003). Ce qui
individus sont trouvés sur les routes, malheureusement est intéressant chez ce triton, c’est l’omniprésence de
parfois écrasés. D’ailleurs, l’unique individu observé juvéniles en phases terrestres sur l’ensemble du site
en 2005 dans la zone d’habitation du site d’étude était d’étude les années qui succèdent sa reproduction dans
un adulte en déplacement sur la route goudronnée. la mare n°1 (Figs. 1 et 5 ; Tab. II). Ce qui confirme une
L’animal avait aussitôt été placé dans la haie la plus formidable colonisation de l’ensemble du site d’étude à
proche (Figs. 1 et 5  ; Tab. II). Néanmoins, le grand partir de ses mares.
boisement situé à l’ouest du site d’étude (Fig. 3) doit
A. obstetricans : espèce devenue très rare et localisée
certainement abriter une belle population.
dans le secteur. En effet, les deux populations les
T. cristatus : ce grand triton est peu commun dans les plus proches connues à ce jour se situent à 4 km au
environs du site d’étude. Seulement deux contacts nord et à 3 km à l’ouest du site d’étude. Ces dernières
avaient eu lieu le 27/07/1999 (quelques larves) et le 10 abritent quelques individus cantonnés autour de deux
février 2001 (une femelle mature) dans la mare A (Fig. mares ornementales. Historiquement, une population
3). Depuis, l’espèce était restée introuvable dans le se trouvait autour de la mare E (Fig. 3), distante de
secteur autour du site d’étude. Sa redécouverte en 2014 300 mètres du site d’étude. Après le comblement
(deux mâles matures et une femelle matures), puis en de celle-ci au début des années 1980, l’espèce avait
2018 (deux cadavres d’individus matures), et enfin en disparu. En 2015, 5 à 6 individus chanteurs avaient été
Bulletin de la Société des Sciences Naturelles de l’Ouest de la France (N.S.), 2020, 42 (1-2)
Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens dans le bocage de l’Ouest de la France. 9

localisés dans la propriété de la mare F (Fig. 3), puis observé tout l’été 2016 à la surface de la mare n°1 (Figs.
un autre dans la propriété qui juxtapose le site d’étude. 1 et 4, Tab. II). Son identification, sans capture, a été
Après enquête, il se trouve que ces deux nouvelles certifiée selon deux critères : une taille supérieure à P.
localisations de l’espèce sont attribuables à une kl. esculentus et son chant caractéristique. Son origine
importation involontaire d’alytes suite à la livraison reste mystérieuse.
de sable provenant de la même carrière. Depuis, nous
P. kl. esculentus : cette espèce peut potentiellement
ne notions plus aucune présence de l’Alyte jusqu’à
coloniser tous les plans d’eau. Son chant assez
la découverte d’un adulte le 21/11/2017 dans la zone
retentissant peut, comme celui d’ H. arborea, être
d’habitation du site d’étude (Figs. 1 et 4 ; Tab. II). Il est
un bon indicateur pour ses congénères lors de la
donc probable que ce soit un survivant de cet épisode
découverte d’un nouveau site de reproduction. Elle
d’importation deux ans auparavant.
est également connue pour avoir des déplacements
B. spinosus : espèce présente dans les environs et sur terrestres migratoires ou colonisateurs au printemps
le site d’étude (principalement localisé vers la zone et à l’automne. D’ailleurs, les observations terrestres
d’habitation) avant qu’elle ne s’y reproduise en 2014 réalisées sur le site d’étude, dont une avant que l’espèce
(Figs. 1 et 4 ; Tab. II). Pour sa reproduction, l’espèce ne s’y reproduise, ont presque toutes eu lieu au mois
est connue pour sa fidélité à son site de naissance d’avril. L’ensemble des observations terrestres sur
(Heusser 1968, 1969). Le sens de l’olfaction jouerait le site d’étude sont toujours localisées à l’opposé des
un rôle important pour les amphibiens, notamment chez mares n°1 et 2 où l’espèce se reproduit (Figs. 1 et 4 ;
les tritons, pour retrouver ou coloniser une mare de Tab. II). Ces observations terrestres se situent donc
reproduction via l’odeur qui en émane (cf page 56 dans presqu’à mi-chemin entre la mare n°1 (Fig. 1) et la mare
ACMAV coll. et al 2003). En effet, on sait désormais C (Fig. 3), où se situe le site de reproduction le plus
qu’une mare dégage des molécules qui produisent proche de notre site d’étude, ce qui suggère l’origine de
un bouquet d’odeurs unique, suite à un processus la colonisation.
physico-chimique impliquant des variables abiotiques
H. arborea : espèce pionnière par excellence
et biotiques telles que la communauté d’anoures
(reproduction dès 2007 sur le site d’étude). Son
vivant sur le site. On pourrait donc extrapoler cette
omniprésente dans le paysage environnant constitue
hypothèse chez les anoures. Ainsi, R. dalmatina qui a la
l’un de ses atouts pour la découverte de nouvelles
même phénologie de reproduction aurait pu participer
mares. D’ailleurs, notons sa présence, dès 2004, dans
involontairement à diriger quelques rares colonisateurs
la partie arborée de la zone d’habitation du site d’étude
de B. spinosus matures vers un nouveau site de
avant les aménagements aquatiques et terrestres de
reproduction pour l’espèce. Outre cette hypothèse, la
la parcelle expérimentale (Figs. 1 et 4  ; Tab. II). Son
reproduction tardive de B. spinosus sur le site d’étude
chant très fort peut être interprété comme un signal à
peut également s’expliquer par le fait que cette espèce
ses congénères pour leur communiquer la découverte
apprécie les boisements vieillissants à proximité
d’un nouveau site de reproduction. De plus, ses têtards
des mares et les haies spontanées de la parcelle
ont une alimentation peu exigeante (ACMAV coll. et
expérimentale n’ont atteint un stade arborescent qu’à
al 2003), atout majeur dans une nouvelle mare dont
partir de l’année 2012. Enfin, les sites de reproduction
la végétation est quasi absente. Avant l’étude, elle
les plus proches se situent dans les mares C, D et G
était connue pour se reproduire dans les mares A et C,
(Fig. 3), sachant que la mare D a été comblée en 2005.
proches du site d’étude (Fig. 3).
R. dalmatina : grenouille omniprésente dans le paysage
La chronologie de colonisation des espèces
bocager environnant, même si elle n’est que très
d’amphibiens pour la reproduction dans les mares
peu détectée sur la parcelle expérimentale avant les
nouvellement créées lors de ce projet est donc logique
aménagements (Figs. 1 et 4 ; Tab. II). Elle est également
et conforme au cortège dit « pionnier» (ACMAV coll.
connue pour être ubiquiste dans le choix de ses sites
et al 2003,). La mare n°1, créée au mois d’août 2005,
de reproduction (mares, étangs, fossés, ornières…). Sa
permet d’avoir un recul de presque 15 ans. Ainsi, les
reproduction sur le site d’étude dès 2007 n’est donc pas
espèces dites « pionnières » s’y sont reproduites dès le
étonnante. Avant cette étude, elle était connue pour se
deuxième printemps suivant sa création : R. dalmatina,
reproduire dans l’ensemble des mares les plus proches
P. kl. esculentus et H. arborea. Suivies de très près
du site d’étude (Fig. 3), ce qui sans surprise, en fait une
par le L. helveticus en 2008. Et enfin, B. spinosus et T.
espèce pionnière.
cristatus deviennent les cinquième et sixième espèces
P. ridibundus : cette espèce est très rare dans ce secteur d’amphibien à s’y reproduire en 2014. On constate
bocager. Ce qui se confirme par l’unique individu mâle donc clairement une colonisation des nouvelles mares
Bulletin de la Société des Sciences Naturelles de l’Ouest de la France (N.S.), 2020, 42 (1-2)
10 Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens dans le bocage de l’Ouest de la France.

d’abord par les espèces les plus ubiquistes vers les plus (iii) synchronisation entre la création d’habitats
exigeantes (Le Garff & Frétey 2014b). terrestres (haie spontanée) et aquatiques (mares),
Dans ce contexte paysager brutalement modifié suite (iv) quasiment aucune route entre les mares du site
au remembrement de 1963, le secteur de l’étude subit d’étude, les haies et les boisements des alentours
depuis une dégradation continue en lien direct avec (diminuant ainsi le risque de mortalité importante
les pratiques agricoles. En effet, pour les habitats lors des migrations nuptiales et de dispersion)
aquatiques, ces dégradations se résument par le Le projet n’est pas encore abouti puisqu’un
comblement des mares ayant survécu aux années 1960 embroussaillement spontané volontaire est en cours
ou bien, moins brutalement, par leur abandon qui pour obtenir à terme une zone boisée d’environ 1100m²
aboutit à une flaque d’eau qui ne voit plus le soleil, autour de la mare n°2 (Fig. 1), et ce afin de favoriser les
masqué par des saules. Pour l’habitat terrestre, c’est exigences écologiques de S. salamandra, T. cristatus et
un acharnement permanent sur les haies, lesquelles T. marmoratus.
subissent annuellement le passage de l’épareuse Ce projet paraissait initialement ambitieux, mais les
(broyage mécanisé) de leur base, ce qui entraîne la résultats très positifs obtenus pour plus de la moitié des
disparition des parties broussailleuses, essentielles à espèces d’amphibiens du secteur sont très satisfaisants.
la « petite faune » (Boissinot et al. 2013, 2015). Les Il est donc important de partager ce genre d’expérience
aménagements de la parcelle expérimentale (mares et qui est peu onéreuse, aussi bien en acquisition foncière,
haie spontanée) vont à l’encontre de l’actuelle gestion fiscalement et en matière d’aménagements. En effet,
paysagère avoisinante et offrent aux amphibiens une ce bilan économique est très éloigné de ceux des
certaine stabilité environnementale. Le succès de aménagements réalisés sous le terme de « mesures
ce projet, au moins pour 6 espèces (T. cristatus, L. compensatoires » ou les surcoûts et les piètres résultats
helveticus, B. spinosus, R. dalmatina, P. kl. esculentus écologiques laissent souvent perplexe lorsqu’un suivi
et H. arborea) est dû aux caractéristiques suivantes : est réalisé en aval.

(i) malgré le déclin de ces espèces, celles-ci sont J’espère que ce retour d’expérience incitera à
responsabiliser certains propriétaires fonciers du
encore présentes dans le bocage environnent au
bocage à essayer de restaurer spontanément les erreurs
début de l’étude,
du passé et celles du présent, pour la faune bocagère,
(ii) absence de poisson dans les mares, en particulier les amphibiens.

REMERCIEMENTS
Un grand merci à Victor (l’âne†), Noisette et Mïa (les deux chèvres), nos super tondeuses biologiques sans qui cette étude n’aurait
certainement pas connu une telle réussite ! Merci également à Philippe Evrard de m’avoir autorisé à utiliser sa photo de Grenouille
rieuse pour l’iconographie de l’annexe 1. Enfin, une grande reconnaissance vis-à-vis des relecteurs pour leurs remarques toujours
constructives : Didier Montfort, Guy Naulleau et Joseph Baudet.

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Bulletin de la Société des Sciences Naturelles de l’Ouest de la France (N.S.), 2020, 42 (1-2)
12 Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens dans le bocage de l’Ouest de la France.

Nom Nom LR 2015 LR 2009 Tendance


LR 2015 mondiale
commun scientifique France Pays de la Loire France*2015
Salamandre Salamandra
LC LC LC 
tachetée salamandra

Triton crêté Triturus cristatus LC NT LC 

Triton marbré Triturus marmoratus LC NT LC 

Triton palmé Lissotriton helveticus LC LC LC 

Alyte accoucheur Alytes obstetricans LC LC LC 

Crapaud épineux Bufo spinosus LC LC LC 

Grenouille agile Rana dalmatina LC LC LC 

Pelophylax
Grenouille rieuse LC LC NA ?
ridibundus
Grenouille Pelophylax kl.
LC NT NA 
commune esculentus

Rainette verte Hyla arborea LC NT LC 

Tableau I : Espèces d’amphibiens recensées sur le site d’étude avec leurs statuts Liste rouge (LR), d’après les catégories de l’UICN,
proposés à différentes échelles spatiales. LC : Préoccupation mineure (espèce pour laquelle le risque de disparition est faible) ; NT :
Quasi menacée (espèce proche du seuil des espèces menacées ou qui pourrait être menacée si des mesures de conservation n’étaient
pas prises) ; NA : Non applicable (espèce non soumise à l’évaluation car introduite ou trop récemment différenciée d’un point de vue
taxonomique). (*) Tendance d’évolution des populations : en diminution «  », stable «  » ou inconnues « ? ». (Marchadour 2009,
UICN France et al. 2015).

2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
Tc * ++ + ++
Lh * + ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++
Bs * + + ++ ++ ++ ++ ++ ++
Mare n°1 Rd * ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++
(1810m²)
Habitats Pr * +
Aquatiques Pkle * ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++
Ha * ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++
Lh ** + +
Rd ** ++ ++ ++ ++
Mare n°2
(10m²) Pkle ** ++
Ha ** ++
Ss
Tm
Lh
Habitat Ao
terrestre
Bs
Rd
Pkle
Ha

Tableau II : Evolution temporelle de la batrachofaune observée sur le site d’étude (zone d’habitation + parcelle expérimentale cf. figure
Tableau
1). Case IIgrisée :
: Evolution temporelle
présence en de la batrachofaune
phase terrestre surobservée
le site ;sur
+ :leprésence
site d’étude (zone d’habitation
confirmée dans les + parcelle
mares n° expérimentale cf. figure
1 et/ou 2 mais sans 1).reproduction
Case grisée :
présence en phase terrestre sur le site ; + : présence confirmée dans les mares n° 1 et/ou 2 mais sans reproduction attestée (faible effectif d’individus
attestée (faible effectif d’individus matures, aucune observation de pontes ou de larves) ; ++ : présence confirmée dans
matures, aucune observation de pontes ou de larves) ; ++ : présence confirmée dans les mares n° 1 et/ou 2 avec reproduction attestée (individus matures
les mares n°
1des
et/ou 2 avec reproduction attestée (individus matures des deux sexes et/ou pontes et larves). ; * : création de la mare
deux sexes et/ou pontes et larves). ; * : création de la mare n°1 le 20 août 2005 ;** : création de la mare n°2 le 23 avril 2015. Ss : Salamandra n°1 le 20 août
2005 ;** :
salamandra,création de cristatus,
Tc : Triturus la mareTm n°2: Triturus
le 23 avril Lh :Salamandra
2015. Ss :
marmoratus, salamandra,
Lissotriton helveticus, Tc : Triturus
Ao : Alytes cristatus,
obstetricans, Tm :
Bs : Bufo TriturusRdmarmoratus,
spinosus, Lh :
: Rana dalmatina,
Pr : Pelophylax
Lissotriton helveticus,
ridibundus, PkleAlytes
Ao : : Pelophylax kl. esculentus
obstetricans, Bs : et Ha :spinosus,
Bufo Hyla arborea.Rd : Rana dalmatina, Pr : Pelophylax ridibundus, Pkle : Pelophylax kl.
esculentus et Ha : Hyla arborea.

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Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens dans le bocage de l’Ouest de la France. 13

Annexe I :
Iconographie des amphibiens observés sur le site d’étude situé sur la commune de Bouvron dans le département de
la Loire-Atlantique.(© de l’auteur à l’exception de la Grenouille rieuse © Philippe Evrard)

La Salamandre tachetée Salamandra salamandra (Linnæus, 1758) Le Triton crêté Triturus cristatus (Laurenti, 1768)

Le Triton marbré Triturus marmoratus (Latreille, 1800) Le Triton palmé Lissotriton helveticus (Razoumowsky, 1789)

L’Alyte accoucheur Alytes obstetricans (Laurenti, 1768) Le Crapaud épineux Bufo spinosus (Daudin, 1803)

Bulletin de la Société des Sciences Naturelles de l’Ouest de la France (N.S.), 2020, 42 (1-2)
14 Retour positif sur des aménagements favorables pour les amphibiens dans le bocage de l’Ouest de la France.

La Grenouille agile Rana dalmatina Fitzinger in Bonaparte, 1838 La Grenouille rieuse Pelophylax ridibundus (Pallas, 1771)

La Grenouille verte Pelophylax kl. esculentus (Linnæus, 1758) La Rainette verte Hyla arborea (Linnæus, 1758)

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