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couv_PCAE-2016.

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Q u’est-ce que la dette publique ? D’où vient l’inflation ? Le profit est-


il source de progrès ? Le chômage est-il un mal nécessaire ? L’État
nuit-il à l’investissement ? Mystérieuse et confuse, l’économie est
jim stanford
trop souvent mise hors de la portée du citoyen ordinaire, qui n’en fait pas
moins les frais de ses crises. Seuls les experts semblent autorisés à répondre
à des questions dont dépend pourtant l’avenir de tous.
Cette nouvelle édition du Petit cours d’autodéfense en économie arrive
petit cours
à point nommé pour rompre ce déséquilibre. Entièrement mis à jour, bonifié
d’une solide réflexion sur les inégalités, l’ouvrage offre des synthèses claires
et simples, appuyées sur l’analyse de situations concrètes. Stanford montre
d’autodéfense
ici que dès qu’on a démystifié les rouages du capitalisme, tous peuvent le

en économie

jim stanford
comprendre.

Jim Stanford est un économiste canadien réputé. Diplômé de Cambridge et


de la New School for Social Research de New York, il tient une chronique l’abc du capitalisme
régulière dans le Globe and Mail et exerce sa profession au sein du syndicat
des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA). Fondateur du Progressive
Economics Forum (réseau canadien d’économistes progressistes), il a publié
plusieurs ouvrages.
illustrations nouvelle

petit cours d’autodéfense en économie


édition
de charb augmentée

seurs qui
espèce rare : celle des profes
« Stanford fait partie d’une e a le
gmatique et idéaliste, son livr
marquent votre vie. À la fois pra
»
pouvoir de changer le monde. – Naomi Klein
couverture : chamaca

Prix : 29,95 $ – 20 e
ISBN : 978-2-89596-218-2
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petit cours
d’autodéfense en économie

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jim stanford

petit cours
d’autodéfense
en économie
L’abc du capitalisme

Nouvelle édition augmentée

Postface d’Éric Pineault


Illustrations de Charb

Traduit de l’anglais par Nicolas Calvé

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© Jim Stanford, 2008
Titre original : Economics for Everyone : A Short Guide to the
Economics of Capitalism
Pluto Press, Londres
www.plutobooks.com

© Lux Éditeur, 2016 pour la présente édition


www.luxediteur.com

Illustration de la couverture : Charb

Dépôt légal : 4e trimestre 2016


Bibliothèque nationale du Canada
Bibliothèque nationale du Québec
ISBN : 978-2-89596-218-2
ISBN (epub) : 978-2-89596-703-3
ISBN (pdf) : 978-2-89596-903-7

Ouvrage publié avec le concours du Programme de crédit


d’impôt du gouvernement du Québec et de la sodec. Nous
reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada
par l’entremise du Fonds du livre du Canada (flc) pour nos
activités d’édition.

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Ce livre est dédié à toutes les personnes qui
travaillent dur à produire la richesse,
dans l’espoir que, en comprenant mieux l’économie,
on soit mieux en mesure de la transformer.
Toutes les redevances provenant de la vente
de ce livre seront versées au Centre canadien
de politiques alternatives.

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Avant-­propos

À quoi bon étudier


l’économie ?
Ne faites jamais confiance à
un économiste

L a plupart des gens considèrent que l’économie


  est un domaine technique, hermétique, voire mys-
térieux, et qu’il vaut mieux le laisser aux bons soins
des experts que sont les économistes.
Pourtant, l’économie est une réalité à la portée
de tous. Pour l’essentiel, c’est la manière dont on
travaille ; c’est ce qu’on produit ; c’est la façon dont
on assure la distribution de ces produits ; puis, c’est
l’usage qu’on fait de ces choses.
Si l’on s’en tient à ces notions élémentaires de la
vie de tous les jours, tout le monde possède un mini-
mum de connaissance en matière d’économie ; aussi,
tout le monde devrait avoir son mot à dire sur la
question.
Cela est d’autant plus vrai qu’étant un domaine
où les gens interagissent, coopèrent ou entrent en
conflit, l’économie constitue avant tout un phéno-
mène social (même Robinson Crusoé ne travaillait
pas seul : Vendredi n’était jamais bien loin). Elle
ne peut être réduite à des forces matérielles abs-
traite comme la technologie ou la productivité : elle
est aussi le fruit des rapports entre les gens dans la
société.
Il n’est donc pas nécessaire d’être un économiste
pour en savoir long sur l’économie. Tout le monde
en fait l’expérience ; tout le monde y contribue d’une
manière ou d’une autre ; tout le monde est concerné

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par son fonctionnement, sa vigueur et les intérêts
qu’elle sert. Chacun d’entre ­nous a une bonne idée
de la place qu’il occupe dans le portrait d’ensemble
de l’économie – par rapport aux autres, par rapport
au passé ou par rapport à nos attentes. Voilà ce à
quoi la science économique devrait s’intéresser.
Malheureusement, la plupart des économistes ne
partagent pas cette conception de l’économie, enra-
cinée dans le sens commun. Ils ont plutôt tendance,
du haut de leur savoir, à faire preuve de condescen-
dance envers les masses ignorantes. Ils utilisent un
jargon inintelligible qui, en général, n’ajoute rien à
leurs raisonnements. Exégètes autoproclamés d’une
réalité mystérieuse et inaccessible, ils ont la préten-
tion de savoir ce qui est bon pour les gens – et de le
savoir mieux que quiconque –, et prennent plaisir à
échafauder des théories abracadabrantes, incompré-
hensibles pour le commun des mortels. Ces écono-
mistes sont obnubilés par les affaires qui se mesurent
en milliards, voire en billions de dollars, et ils ont
réussi à nous convaincre que l’importance de ces
chiffres donnait une idée de leur propre grandeur.
Cela explique pourquoi des économistes inter-
viennent chaque soir dans les journaux télévisés.
Les bulletins de nouvelles ne présentent presque
jamais d’anthropologues, de biologistes, de travail-
leurs sociaux, de nutritionnistes ou d’architectes.
Ces spécialistes mériteraient sans doute d’être enten-
dus davantage (et les économistes un peu moins),
car leurs conseils pourraient s’avérer plus judicieux
pour le bien-­être économique à long terme de la
population.
Rien n’offre meilleur exemple de cette attitude
« je-­ tout » que les débats entourant le libre-­
sais-­
échange. Les économistes orthodoxes considèrent
comme un fait avéré la thèse selon laquelle le libre-­
échange entre deux pays profite toujours aux deux
parties. Quiconque met en cause ou conteste cette
vérité (qu’il s’agisse de syndicalistes, de militants

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pour les droits sociaux ou de nationalistes) fait
preuve d’ignorance ou défend des intérêts contraires
au bien commun. Il faut donc soit mieux infor-
mer ces trouble-­ fêtes (pour un économiste, rien
n’égale la joie d’exposer cette merveilleuse théorie
de l’avantage comparatif), soit se contenter de les
ignorer. Voilà exactement ce que font la plupart des
gouvernements. (Ironiquement, même des écono-
mistes orthodoxes reconnaissent aujourd’hui que la
théorie classique du libre-­échange est fausse, et ce,
pour maintes raisons, dont nous traiterons dans le
­chapitre 22. Néanmoins, cette critique n’a nullement
ébranlé leur attachement quasi religieux aux poli-
tiques de libre-­échange.)
La plupart des économistes adhèrent à une
variante particulière de la science économique :
l’école néoclassique. Tout aussi empreinte d’idéo-
logie que de scientificité, celle-­ci fut élaborée à la
fin du xixe siècle dans le but de défendre le capita-
lisme plutôt que de simplement l’expliquer. Encore
aujourd’hui, ses adeptes déploient des efforts consi-
dérables pour tenter de valider un éventail d’hy-
pothèses bizarres, politiquement tendancieuses et
manifestement fausses, comme celles qui préten­
dent que la possession d’un patrimoine financier est
intrinsèquement productive, que tout le monde est
rémunéré en fonction de sa productivité ou que le
chômage, en fait, n’existe pas.
Cette suffisance des économistes cache mal leur
servilité. Hors du monde universitaire, la grande
majorité d’entre eux sont en effet au service d’orga-
nisations ayant tout intérêt à perpétuer le statu quo :
banques, firmes de courtage, grandes sociétés, asso-
ciations patronales et gouvernements. À l’université
même, l’influence idéologique des milieux d’affaires
et des grandes fortunes sur les programmes et la
recherche en économie est de plus en plus manifeste,
renforcée entre autres par les donateurs et entreprises
qui financent les grandes écoles de gestion. Tant à

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l’université que dans les banques et entreprises, la
plupart des économistes considèrent que la concur-
rence, l’inégalité et l’accumulation de fortunes pri-
vées sont inévitables et naturelles, voire essentielles
à une économie dynamique et efficiente. Ces valeurs
colorent leurs analyses et leurs recommandations.

Comprendre l’économie. Oui, mais laquelle ?

J’ai un jour assisté à un dîner-­conférence donné par le


secré­taire général de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), qui regroupe des
pays capitalistes développés. Celui-­ci vantait les mérites du
concept de « culture économique » : selon lui, si plus de
gens comprenaient les fondements de la théorie écono-
mique (comme l’offre et la demande, la concurrence et
le libre-­échange), la population serait mieux disposée à
accepter les « réformes » mises en œuvre par les gouver-
nements, même si celles-­ci sont douloureuses.
Le conférencier a offert le contre-­exemple des spec-
taculaires (et victorieuses) manifestations de 2006 contre
les tentatives du gouvernement français d’affaiblir les pro-
tections dont bénéficient les travailleurs. Les changements
projetés visaient à ce que les employeurs puissent pro-
céder plus facilement à des licenciements, en particulier
de jeunes travailleurs. Selon le secrétaire général, si les
Français avaient compris que ces « réformes » d’appa-
­
rence douloureuse allaient en fait améliorer l’efficience du
marché du travail, ils ne les auraient pas contestées.
À mes yeux, une telle « culture économique » s’acquiert
plus par lavage de cerveau que par l’éducation.
Pendant la période de questions, j’ai manifesté mon
­désaccord avec son affirmation voulant que les Français
ne comprennent rien à l’économie. Comparons la France
aux États-­ Unis, qu’on présente généralement comme
l’exemple même d’un système efficace et flexible, mené
par le marché. Les salariés français travaillent en moyenne
300 heures de moins par an (soit l’équivalent de 7 ­semaines)
que leurs homologues américains. Ils produisent tout de
même autant de valeur ajoutée par heure travaillée que
les Américains. En France, le chômage est plus élevé, mais
la plupart des chômeurs français ont (grâce aux presta-
tions sociales) un revenu supérieur à celui de millions de

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travailleurs américains à bas salaire. Ainsi, les Français ont
assez d’argent et beaucoup de temps pour manger au
restaurant, faire l’amour et participer à des manifestations
(pas nécessairement dans cet ordre !).
Tandis qu’en 2013, aux États-­Unis, près de 11 millions
de salariés de 18 à 64 ans avaient un revenu inférieur au
seuil de pauvreté officiel (toujours basé sur le niveau de
vie de 1964), et on ne parle pas ici de leurs enfants et
autres personnes à charge. Ils ont beau travailler fort, cela
ne les mène pas bien loin1.
Aux États-­Unis, la mobilité économique entre paliers
de revenu est beaucoup moins grande qu’en d’autres pays
(où les revenus sont mieux répartis) ; pourtant, l’idéologie
selon laquelle quiconque travaille fort ira loin dans la vie y
conserve une influence considérable.
Par exemple, un récent sondage aux résultats aberrants
a révélé que 39 % des Américains considèrent qu’ils font
partie du groupe des 1 % les plus riches de la société, ou
à tout le moins qu’ils en feront partie sous peu2. L’impossi-
bilité mathématique de cette étrange vision du monde n’a
pas (encore) ébranlé le mythe américain de la « mobilité
ascendante », qui pousse les travailleurs pauvres à refouler
toute envie de se battre pour revendiquer un meilleur
sort, et à attendre le jour où ils finiront par devenir riches
(ou encore gagner à la loterie).
Comble de l’ironie, l’OCDE a elle-­même publié des don-
nées montrant que les lois relatives à la protection des tra-
vailleurs (comme celles qui sont en vigueur en France) n’ont
aucun effet mesurable sur les taux de chômage3.
Alors qui comprend le mieux les fondements de la
théorie économique ? Je crois bien que ce sont les mani-
festants français.
1. Carmen DeNavas-­Walt et Bernadette D. Proctor, Income and
Poverty in the United States : 2013, Current Population Reports, U.S.
Census Bureau, document no P-60-249, septembre 2014.

2.  Sondage effectué pour le compte de Time et CNN et cité dans


Andrew Glyn, Capitalism Unleashed : Finance, Globalization and
Welfare, Oxford, Oxford University Press, 2006, p. 179.

3. OCDE, « Réévaluation du rôle des politiques et des institutions


dans la performance du marché du travail : analyse quantitative »,
dans Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2006. Stimuler l’emploi et
les revenus, Paris, Éditions OCDE, 2006, chap. 7.

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Selon moi, le besoin d’une conception plus démo-
cratique de l’économie s’impose. Celle-­ ci devrait
être affranchie des principes abstraits (telle cette
théorie, complètement déconnectée du réel, de la
concurrence parfaite, que nous aborderons dans le
chapitre 11) et se fonder sur la réalité concrète de
la vie quotidienne des gens ordinaires. Nous avons
besoin de rendre l’économie accessible à tous.
Ma démarche ne découle pas d’une opposition
systématique aux experts. Jamais je ne souhaiterais
être opéré par un étudiant en médecine qui n’a pas
terminé sa formation. En matière d’économie, il
importe que les personnes qui prennent part à des
décisions cruciales ou donnent des conseils aient
bénéficié d’une formation en science économique.
Toutefois, les débats sur les enjeux économiques
ne sont pas des discussions techniques réservées aux
seuls experts. Il s’agit toujours de débats politiques au
sens large du terme, lesquels concernent une diver-
sité de groupes aux intérêts divergents, conscients de
ceux-­ci et cherchant naturellement à les promouvoir.
Une telle dynamique est à l’œuvre dans l’ensemble
de l’économie, et la science économique aurait tout
faux de prétendre le contraire.

Attention !

« On n’étudie pas l’économie pour trouver des répon­


ses toutes faites aux questions d’ordre économique, mais
plutôt pour apprendre à ne pas se laisser tromper par les
économistes. »

Joan Robinson,
économiste britannique, 1960

Les intérêts du manœuvre qui travaille d’arrache-­


pied sont très différents de ceux du cambiste à l’af-
fût des signaux du marché. Le manœuvre en aurait
aussi long à dire sur l’économie que le cambiste. (En
fait, sous un angle purement économique, il est fort

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probable que le premier produise plus de valeur que
le second, et ce, malgré le caractère astronomique
des sommes que l’ordinateur du second enregistre
chaque jour.) Cependant, l’élitisme caractéristique de
la science économique enlève toute portée aux voix
des non-­experts, les réduisant de ce fait au silence.
Ce livre – à l’instar de mon parcours d’écono-
miste – a pour but d’encourager les non-­experts
(travailleurs, membres de syndicats, militants,
consommateurs, citoyens) à aiguiser leur curiosité
pour l’économie, bien ancrée dans la réalité, en leur
proposant les objectifs suivants :
–– Étudier l’économie afin d’en savoir plus sur son
fonctionnement.
–– Réfléchir à leur participation à l’économie et au
rôle qu’ils y jouent concrètement (plutôt qu’à
des indicateurs abstraits comme le produit inté-
rieur brut, les indices boursiers ou les taux de
change).
–– Reconnaître que l’économie englobe des groupes
distincts aux intérêts souvent divergents, et que
la science économique reflète cette diversité et
ces conflits. La science économique n’est pas une
discipline neutre ou purement technique.
–– Savoir au besoin contester les explications éco-
nomiques des « experts » et, surtout, leurs pro-
positions la transformer, parce qu’elles sont
souvent catastrophiques.
L’économie est une réalité trop importante pour être
laissée entre les mains des économistes. La popula-
tion en général dispose d’un savoir appréciable en
matière d’économie, savoir généralement balayé du
revers de la main par les experts. Pourtant, la place
qu’occupent ces derniers dans l’économie influence
trop souvent les analyses et conseils qu’ils prodiguent
– ce qui ne les empêche pas de se prétendre au-­dessus
de la mêlée et de dicter à tous comment la faire mar-
cher. Tout le monde prend part à l’économie. Tout le

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monde a des intérêts économiques à circonscrire et
à défendre. Quiconque approfondit sa connaissance
de l’économie sera plus à même de comprendre le
rôle qu’il y joue et de se battre pour améliorer son
sort.
Un économiste pourrait vous dire que votre sécu-
rité d’emploi dépend de la décision de la banque
centrale de hausser les taux d’intérêt pour jugu-
ler l’inflation (à long terme, de toute façon), que le
libre-­échange fera augmenter la productivité, et de ce
fait les revenus (même si celui-­ci pourrait vous faire
perdre votre emploi), ou que l’abolition des syndicats
et du salaire minimum aura pour effet d’enrichir la
société (même si, comme l’exercice, ça risque de faire
mal au début : on n’obtient rien sans peine).
Ne faites jamais confiance à un économiste quand
votre emploi est en jeu ! Initiez-­vous plutôt aux rudi-
ments de la science économique : ainsi, vous serez en
mesure d’évaluer les politiques pouvant contribuer
au maintien ou à la suppression de votre travail.
Si les simples citoyens en savaient un peu plus sur
l’économie et reconnaissaient les intérêts souvent
contradictoires de ses parties prenantes, ils seraient
de plus en plus nombreux à se sentir aptes à décider
par eux-­mêmes de ce qui leur convient le mieux plu-
tôt que de s’en remettre aux experts. La société n’en
serait que plus démocratique. C’est pourquoi tout le
monde devrait prendre des leçons d’autodéfense en
économie !

Le capitalisme : l’économie que


l’on connaît
Nous avons jusqu’ici parlé de « l’économie » au sens
très large. Ce livre a toutefois pour but d’expliquer les
rouages d’un type particulier d’économie : le capi-
talisme. Les termes « capitalisme » et « économie »
n’ont pas la même signification, quoi qu’en disent

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ces nombreux économistes qui prétendent que le
capitalisme est un état de choses naturel et perma-
nent, et donc la seule économie possible. D’autres
types d’économie ont pourtant existé avant le capi-
talisme, et je suis porté à croire qu’il en adviendra
d’autres après.
Le capitalisme a des forces et des caractéristiques
particulières qu’on doit reconnaître, ne serait-­ ce
que pour comprendre son fonctionnement, et ce,
peu importe l’opinion qu’on entretient à son égard.
Pour ce faire, il faut déterminer ses caractéristiques
essentielles :
–– La plupart des gens doivent travailler pour
autrui en échange d’un salaire.
–– Une faible proportion des membres de la société
détiennent le gros de la richesse, qu’ils utilisent
pour produire davantage de richesse.
–– La concurrence entre entreprises, en vertu de
laquelle chacune d’elles cherche à maximiser
ses profits, fait en sorte que celles-­ci s’adonnent
à des pratiques singulières, voire malsaines.
Ceci pourra paraître étrange, mais la plupart des éco-
nomistes orthodoxes ignorent ces principes de base
(à l’exception du troisième). Ils n’utilisent même pas

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le mot « capitalisme », préférant qualifier ce système
d’« économie de marché ». Le fait qu’une minorité
dispose de fortunes colossales alors que la majeure
partie de l’humanité ne possède pratiquement rien
est considéré comme anecdotique, voire sans intérêt.
Ils défendent l’idée ahurissante selon laquelle l’éco-
nomie serait identique à ce qu’elle est si, au lieu du
contraire, c’étaient les travailleurs qui employaient
les capitalistes.

Appeler un chat un chat

« Le mot capitalisme n’est plus guère utilisé. On parle


désormais d’économie de marché. Ce dernier terme
­minimise (ou plutôt masque) le rôle de la richesse dans
le système économique et social. Il est aussi dépourvu
de la connotation conflictuelle qui remonte à Marx. Au
lieu d’évoquer les détenteurs du capital et leurs agents,
il souligne le rôle remarquablement impersonnel des for­
ces du marché. On pourrait difficilement imaginer chan-
gement terminologique plus conforme aux intérêts des
personnes à qui l’argent procure du pouvoir. Elles sont
maintenant protégées par un anonymat fonctionnel. »
John Kenneth Galbraith,
économiste canado-­américain, 1999

Ces caractéristiques essentielles du capitalisme confè­


rent à l’économie un comportement et un élan
­particuliers. Elles expliquent le caractère dynamique
du capitalisme : il est flexible, novateur et perpétuel-
lement changeant. Elles expliquent aussi sa nature
conflictuelle : s’y déroulent sans cesse des conflits
entre groupes divers. Elles expliquent enfin son
caractère instable : des périodes de croissance et de
prospérité sont invariablement suivies de phases
de stagnation et de récession.
Les économistes qui ignorent ces traits fonda-
mentaux du capitalisme peinent à bien comprendre
et à bien expliquer son fonctionnement. Dans une
perspective purement scientifique, il importe donc
de préciser clairement ce dont il est question.

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Bien entendu, tous les économistes, moi compris,
traînent un bagage politique, quelle que soit leur
allégeance. Il est impossible de décrire et d’analyser
le capitalisme sans émettre le moindre jugement.
(Les économistes orthodoxes prétendent que la
science « positive » consistant à décrire l’économie
peut être distinguée de la pratique « normative »
consistant à l’évaluer et à tenter de l’améliorer, mais
cette nuance, dépourvue de fondement, n’a jamais
été très convaincante.)
Le capitalisme s’est avéré immensément fécond,
et ce, à maints égards. Il a marqué le début de l’ère
industrielle, apportant la prospérité (mais pas pour
tous), bousculant sans ménagement les tabous et
interdits d’antan, suscitant une quête infinie de nou-
velles sources d’enrichissement personnel (certaines
ayant une utilité sociale, d’autres non), et mobilisant
l’énergie, la créativité et la discipline de bon nombre
de ceux qui y ont pris part.
En revanche, le capitalisme a manifestement failli
à bon nombre de ses promesses. Aux quatre coins du
monde, injustice, misère et faible espérance de vie
sont le lot de milliards de personnes, même si l’hu-
manité dispose de richesses assez abondantes pour
mettre un terme à ces souffrances. Des ressources
considérables (comme le talent et l’énergie de centai­
nes de millions de chômeurs et de travailleurs sous-­
employés) sont systématiquement mal utilisées,
gaspillées. Les impératifs de maximisation du profit
et d’externalisation des coûts entraînent une dégra-
dation considérable des milieux naturels, le boulever-
sement du climat n’étant que le plus catastrophique
symptôme de cet échec. De plus, même selon les
modalités qui lui sont propres (l’investissement rapide
de capitaux privés en vue de générer des profits), le
capitalisme serait en voie de s’essouffler (nous abor-
derons cette question dans le chapitre 12).
Je critique les échecs du capitalisme, mais cela
ne m’empêche pas d’admirer sa flexibilité et sa

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durabilité. Je suis profondément convaincu qu’il est
possible de mettre en œuvre de nombreux change-
ments nécessaires en vue d’amener l’économie à
répondre aux besoins de l’humanité tout en respec-
tant l’environnement, sans rompre radicalement
avec la logique du système dans son ensemble. Je
crois aussi qu’il serait ultérieurement possible de
construire un système économique novateur, mû
par le désir d’améliorer la condition humaine plutôt
que par la soif de profit. (Ses contours exacts restent
cependant à déterminer.) Nous examinerons ces cri-
tiques du capitalisme et ces visions de l’avenir dans
les derniers chapitres de cet ouvrage.
Bon ou mauvais, le capitalisme constitue une réa-
lité qu’on doit étudier : il s’agit du système écono-
mique dans lequel on vit, que l’on connaît. Mieux
les gens ordinaires le comprendront, plus ils seront
en mesure d’en tirer un certain bien-­être.

La structure de ce livre
Cet ouvrage comporte cinq parties, qui abordent les
thèmes suivants :
1. Notions préliminaires. La première partie du
livre a pour objectif de définir la notion d’écono-
mie et d’en dégager les caractéristiques propres au
capitalisme. J’y brosse aussi un historique de l’émer-
gence et de l’évolution du capitalisme et de la science
économique. Dans les deux cas, j’aborde les conflits
et polémiques ayant marqué cette évolution jusqu’à
nos jours. Je suis d’avis que l’étude de l’histoire de
l’économie et de la pensée économique est une
entreprise intrinsèquement subversive : elle permet
de réfuter le postulat voulant que le capitalisme soit
« naturel » et, de ce fait, éternel, ainsi que l’assertion
connexe affirmant que la science économique soit
une discipline neutre, purement technique, vouée à
l’étude de ce système naturel et éternel.

20

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Table

Avant-­propos 9

Notions préliminaires 25
 1. L’économie et la science économique 27
 2. Le capitalisme 53
 3. Histoire de l’économie 69
 4. La science économique : une affaire
politique 87

Travail, outils et profit, piliers du


capitalisme 103
 5. Le travail, la production et la valeur 105
 6. Le travail et ses outils 129
 7. Les entreprises, leurs propriétaires et
le profit 147
 8. Travailler pour vivre 171
 9. Se reproduire (selon les économistes !) 193
10. Boucler la petite boucle 207

Le capitalisme comme système 219


11. La concurrence 221
12. L’investissement des entreprises 239
13. L’emploi et le chômage 257
14. L’inégalité et ses conséquences 275
15. Diviser pour régner 299
16. Le capitalisme et l’environnement 319

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Le capitalisme dans toute
sa complexité 343
17. La monnaie et le système bancaire 345
18. L’inflation, les banques centrales et
la politique monétaire 381
19. Les dérives de la circulation financière :
marchés boursiers, financiarisation et
caisses de retraite 407
20. Les personnalités contradictoires
de l’État 433
21. Les dépenses publiques et la fiscalité 455
22. La mondialisation 481
23. Le développement (et ses antithèses) 507
24. Boucler la boucle 527
25. Les hauts et les bas du capitalisme 541
26. La crise de 2008-2009 et ses
répercussions 559

Remettre en cause le capitalisme 587


27. Évaluer le capitalisme 589
28. Renouveler le capitalisme 603
29. Remplacer le capitalisme ? 625

Conclusion 653
Remerciements 659

000_PCAE_Livre.indb 664 2016-09-26 14:59


cet ouvrage a été imprimé en octobre
2016 sur les presses des ateliers de
l’imprimerie norecob pour le compte de
lux, éditeur à l’enseigne d’un chien d’or
de légende dessiné par robert lapalme

La mise en page est de Claude Bergeron

Les schémas ont été réalisés


par Charlotte Lambert

La révision du texte a été effectuée


Par Thomas Déri et Catherine Vaudry

Lux Éditeur
C.P. 60191
Montréal, Qc H2J 4E1

Diffusion et distribution
Au Canada : Flammarion
En Europe : Harmonia Mundi

Imprimé au Québec

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couv_PCAE-2016.qxp_couv_autodefense 16-09-26 12:49 Page1

Q u’est-ce que la dette publique ? D’où vient l’inflation ? Le profit est-


il source de progrès ? Le chômage est-il un mal nécessaire ? L’État
nuit-il à l’investissement ? Mystérieuse et confuse, l’économie est
jim stanford
trop souvent mise hors de la portée du citoyen ordinaire, qui n’en fait pas
moins les frais de ses crises. Seuls les experts semblent autorisés à répondre
à des questions dont dépend pourtant l’avenir de tous.
Cette nouvelle édition du Petit cours d’autodéfense en économie arrive
petit cours
à point nommé pour rompre ce déséquilibre. Entièrement mis à jour, bonifié
d’une solide réflexion sur les inégalités, l’ouvrage offre des synthèses claires
et simples, appuyées sur l’analyse de situations concrètes. Stanford montre
d’autodéfense
ici que dès qu’on a démystifié les rouages du capitalisme, tous peuvent le

en économie

jim stanford
comprendre.

Jim Stanford est un économiste canadien réputé. Diplômé de Cambridge et


de la New School for Social Research de New York, il tient une chronique l’abc du capitalisme
régulière dans le Globe and Mail et exerce sa profession au sein du syndicat
des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA). Fondateur du Progressive
Economics Forum (réseau canadien d’économistes progressistes), il a publié
plusieurs ouvrages.
illustrations nouvelle

petit cours d’autodéfense en économie


édition
de charb augmentée

seurs qui
espèce rare : celle des profes
« Stanford fait partie d’une e a le
gmatique et idéaliste, son livr
marquent votre vie. À la fois pra
»
pouvoir de changer le monde. – Naomi Klein
couverture : chamaca

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