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Schizo radio 3 transcription

Bienvenue dans Schizo Radio trois. Pourquoi c'est schizo radio trois? Parce que le
deux, j'ai pas eu le temps de finir en fait.

Musique : Where Is My Mind? De Tkay Maidza

Pendant longtemps sur les réseaux sociaux, j'ai eu peur, de faire du témoignage. Car
j'avais peur qu'en fait mon témoignage soit instrumentalisé. Pour me faire dire des choses
que je n'ai pas dites. Pour appuyer des pensées que je ne valide pas. Et dernièrement, j'ai
recommencé à faire du témoignage dans mes poèmes. Principalement. Mais aussi de
manière générale sur mon compte. Et je crois qu'on a tendance à trop oublier que les
grands livres féministes, par exemple, que l'on lit, sont souvent des analyses de
témoignages portés par d'autres personnes. Des fois, j'ai l'impression qu'il y a une
séparation entre... Des personnes témoignent et d'autres personnes les analysent. Qui me
rappelle évidemment et malheureusement, ce qui se passe en psychiatrie. J'crois que
c'est bien de contrôler à la fois son témoignage et d'en faire la propre analyse. Sa propre
politisation, si vous préférez le terme politisation à analyse. Et je crois que je n'ai pas
beaucoup de respect pour les gens qui politisent les témoignages d'autrui. Je ne crois pas
qu'il faille forcément tout le temps politiser soi même son propre témoignage. Je pense
qu'il faut faire attention lorsqu'on travaille sur la parole d'autres personnes.
Personnellement, je crois ... J'ai toujours un peu fait les deux. Aussi parce que ça donne
une certaine légitimité. J'ai eu l'impression, peut être à tort, que on m'écouterait plus si
j''expliquai ce qui m'est arrivé, que si simplement je le racontais. J'aavais l'impression qu'il
y avait plus d'honneur, plus de fierté. A expliquer les choses que à simplement dire voilà
ce qu'il s'est passé. Et j'ai eu tort. Je pense. J'espère que vous entendez pas mon chat
ronfler. Il s'est endormi sur la fenêtre, à côté de moi et il en train de ronfler. En fait, il a de
l'asthme, mais c'est pas grave, juste il ronfle fort. Je vais approcher le micro et on va tenter
de capter le ronflement de patate. Bruit de vache qui meugle.

Musique : Clarao Da Lua (feat. Aloe Blacc) · Roseaux

Ce qui me soule, c'est que, par exemple, un journaliste ou un sociologue, il va recueillir


des témoignages en faisant des entretiens, des interviews. Et à partir de ça, il va
comprendre une situation et il va l'expliquer à d'autres gens. En fait, ce qui me saoule,
c'est quand il y a un rapport de pouvoir. Imagine un journaliste qui fait un article sur la
pauvreté. En fait, il écoute des pauvres. S'il est un peu doué. Et ensuite il va expliquer les
pauvres à d autres gens. Qui généralement ne sont pas non plus pauvres et le journaliste
n'est généralement pas aussi pauvre que les gens qu'il interview. Et il a des diplômes, le
journaliste. En fait, c'est son métier de comprendre les choses. Déjà ça, ça m'énerve. Ça
devrait pas être un métier de comprendre comment le monde y fonctionne. Mais sans
partir trop loin dans mes trucs bizarres. Ça m'énerve en fait, parce que c'est comme les
psychiatres qui sont payés pour t'expliquer qui tu es. Et en fait, ils le font d'une position de
pouvoir parce que eux, ils gagnent très bien leur vie. Et pas toi. Le journaliste qui va au
Aldi il y va pour faire un reportage et n'y va pas pour acheter des choses. Après il y a plein
de journalistes qui sont pauvres. OK, mais je parle des gens qui sont bien installés dans
leur CDI, d'accord. Ça m'énerve, ça m'énerve, ça m'énerve et c'est pour ça que j'avais du
mal en fait à témoigner, a seulement témoigner parce ce que j'ai peur que des gens
réutilisent mes témoignages. Je suis suivie, pour mon plus grand bonheur, par beaucoup
de journalistes et de sociologues, et aussi des artistes. Et je me dis s'ils vont faire du
contenu à partir de mon contenu, à partir de mon témoignage, ça va m'énerver, ça va me
fatiguer. D'accord, bon. J'aime pas que des gens qui ont plus de pouvoir que moi
expliquent qui je suis, comment je suis et pourquoi je suis. Ça m'énerve. OK donc je lis
beaucoup la presse, donc je n'ai pas de problème avec le journalisme ou la sociologie ou
l'art. D'accord, je tiens à le dire, mais ça m'emmerde en fait que... Ça m'énerve, qu'ils
essaye de nous expliquer. C'est chiant, c'est chiant. Tu vois dans leurs articles des fois ils
écrivent et tu te dis mais.. Putain. Ce, c'est pas quelqu'un concerné qui a écrit clairement,
c'est pas quelqu'un. Et genre tu le sens dans les mots. Oh je je... Nous avons fait un, nous
sommes allés au Aldi... Hoo.. Et ça m'énerve, ça m'énerve.

Extrait du dessin animé Bob L'éponge :

Carlos : Bon d'accord, vous l'aurez voulu, je viens avec vous.

Bob : Bienvenue à bord, cher Carlos, tu viens d'embarquer sur le vol Imagination.
Aujourd'hui, notre destination se trouve être l'aventure !. Tu veux aller où en premier?

Carlos : Non, non, non, non, oubliez moi, moi, je suis juste là pour vous observer.

Bob : Ah désolé . Ça ne marche pas comme ça. Tu dois être acteur, pas témoin. C'est
contraire aux règles du jeu et tu le sais. Ici, on carbure à l'imagination.

Carlos : D'accord t'as gagné emmenez moi sur l'île des robots pirates. Ensuite, je veux
aller me battre avec des cow boy mais sur la Lune, c'est ça, dépêchez vous comme ça, je
rentre à temps pour regarder la télé.

Bob : D'accord, c'est noté. Cap sur l'île des robots pirates.

Ça me fait du bien de retoucher. Et surtout dans les poèmes. En explorant les façons de
s'exprimer, en jouant avec le langage. En utilisant les mots de la psychiatrie et en les
déformant, je retombe sur des émotions comme la défiance, l'ironie, l'insolence, qui ont
parcouru en fait pendant tout mon parcours psychiatrique. Et ça, c'est une politisation, en
fait, de témoigner en se moquant. Parce que c'est déjà dire. On a une certaine place. Et
que, par exemple, les psychiatres ont une autres, et que nous ne sommes pas d'égal à
égal. L'insolence c'est pas généralement entre deux personnes qui ont le même niveau de
pouvoir. Du bruit dehors ça me saoule... Je vais attendre. Peut être, vous l'entendez
même pas. J'ai l'impression de couper la parole à des gens qui sont dehors. Loin de moi.
C'est bizarre. Maintenant, je vais manger un chewing gum à la nicotine. Je mange des
chewing gum à la nicotine parce que c'est trop bien à la nicotine. J'adore la nicotine.
Hmmm. Ah, ça me fait du bien. Mais j'ai pas envie de fumer, plus envie de fumer, je
mange plein de chewing gum à la nictoine. Et vous savez que les chewing gum à la
nicotine, il faut les mâcher d'une certaine manière. Faut mastiquer dix fois, après faut les
mettre sous la langue sinon ça gratte la gorge et je ne savais pas moi au début ! Bref.

Musique : Dua Saleh - Kickflip

En fait, je pense et je me demande si c'est le cas de beaucoup d'autres personnes, on


va dire discriminées ou minorisées ou qui ne sont pas dans une situation de pouvoir.
Maintenant, quand je témoigne, sans que ce soit à des journalistes ou je ne sais pas quoi,
même à d'autres gens dans mon quotidien qui ont plus de pouvoir que moi, quand je
raconte ma vie, je leur raconte d'une manière où ils peuvent pas l'utiliser pour conforter
leurs idées de droite par exemple. Par exemple, si je témoigne d'un truc sur ma
transidentité ou ma transition à quelqu'un qui a peut être des idées reçues sur ce sujet, je
vais automatiquement formater mon témoignage pour ne pas qu'ils puissent utiliser mon
témoignage contre moi. Automatiquement et je me demande si c'est le cas de tout le
monde. Est ce que tout le monde fait ça? Il n'y a que moi qui suis un peu parano, peut
être, mais qui fait ça en permanence. J'ai vraiment cette habitude où... C'est un
mécanisme ... en fait. Pour moi, c'est devenu de l'autodéfense de témoigner en expliquant,
ou de témoigner, mais pas de manière brute. Pour moi, c'est de l'autodéfense de ne pas
laisser la place aux gens de me comprendre. Et je me suis toujours demandé si c'était un
truc partagé par d'autres personnes discriminées ou dans la merde. Vous avez vu, je
pense, ma voix elle a changé au fur et à mesure de l'enregistrement. C'est parce que je
travaille sur ma voix pour la féminiser. Et je change de voix très régulièrement. Et je n'ai
pas fait l'enregistrement tout d'un coup. Bref, je voulais continuer à enregistrer plus, mais
finalement, j'ai la flemme. Alors on va s'arrêter là. Euh, c'était schizo radio 3. Vous pouvez
le télécharger et diffuser librement. Et schizo radio 2 sera prêt, probablement, entre le
moment où j'aurais commencé schizo radio 5 et finit schizo radio 9. Bruit de vache qui
meugle.

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