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Conte de sagesse
Christine Marsan
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Du même auteur
Essai :
En quoi le mal nous rend plus humain. L’Harmattan, Paris,
2002.
Ouvrages professionnels :
Gérer les conflits de personne, de management et
d’organisation, Dunod, Paris, 2005.
Violences en entreprise, comment s’en sortir ?, de boeck, 2006.
Poèmes :
Le Chaos Hurlant, manuscrit.com, Paris, 2007.
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A ma mère, pour m’apprendre à aimer.
A mon père pour m’avoir appris
la liberté.
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Sommaire
A mon père pour m’avoir appris..........................................3
Chapitre 1 : Les instants de brume..............................................7
Une lanterne.............................................................................8
Chapitre 2 : Les errances….......................................................11
La vieille dame et sa clé.........................................................12
Le retour à la maison.............................................................14
Seule face à ses démons.........................................................16
Les paroles de l’arbre.............................................................19
Le labyrinthe..........................................................................20
Chapitre 3 : Les premiers pas…................................................25
Le puits..................................................................................25
La famille oignon...................................................................27
Les trois lutins.......................................................................28
Chapitre 4 : Des histoires d’amour............................................31
La conversation du lièvre et de la tortue................................31
Le monde parfait....................................................................32
Le scorpion fatigué................................................................40
Une histoire de bouteilles......................................................41
Grand Bonnet.........................................................................44
Le fil d’amour........................................................................46
Chapitre 5 : Dans le dédale des rencontres................................49
Alice au pays des merveilles..................................................49
Le chemin en cinq actes.........................................................51
Le chef d’orchestre................................................................53
Chapitre 6 : Le périple intérieur.................................................59
Cheval Fougueux...................................................................59
Le jeune apprenti...................................................................61
Ismaël dans le désert..............................................................64
Les vicissitudes de Surnâ.......................................................69
Le vieil homme......................................................................75
Chapitre 7 : Les enseignements.................................................81
L’huître qui voulait devenir sage...........................................81
Les perles de l’âme................................................................85
Les outils de petit Paul...........................................................87
La tour de Babel.....................................................................89
La sculpture...........................................................................92
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Chapitre 8 : Une révélation…....................................................95
Le fabuleux destin de David..................................................95
A la croisée des chemins......................................................100
Le message de la colombe...................................................102
Et soudain la mer.................................................................106
Chapitre 9 : Quand la lumière se lève enfin…........................109
L’instant de lumière.............................................................109
Les cadeaux des sept nains..................................................111
La fleur d’orchidée..............................................................113
Les tournesols......................................................................114
La fête du 21 juin.................................................................116
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Chapitre 1 : Les instants de brume
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Une lanterne
Donc, voilà une lampe qui avançait toute seule sur un chemin
qui n’existait pas ! Peut-être était-ce la période automnale
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d’Halloween qui troublait les esprits et me jouait des tours ?
Toujours est-il que je restais captivée par le spectacle et que les
bizarreries de la situation ne faisaient en fait qu’éveiller ma
curiosité.
Après un certain temps de ce manège, la lumière se rapprochait
à chaque minute pour finalement venir s’immobiliser sous mon
balcon. Il n’y avait aucun doute possible personne ne tenait la
lampe ! L’inconnu qui s’était avancé jusque là entendait rester
discret. Je ne pouvais pas l’apercevoir et le plus surprenant c’est
qu’au fur et à mesure de son avancée vers le perron, il semblait
qu’il tirait le chemin vers la maison ! Comme si le sentier venait
à moi et apparemment je devais m’y engager.
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Chapitre 2 : Les errances…
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Je commençais à sentir à nouveau des angoisses me tirailler et
j’avoue que je n’en menais pas large, aux prises avec mes
manques de confiance.
Puis tout d’un coup, je vis une clarté au loin. Tout d’abord je
crus qu’il s’agissait de ma lanterne et j’étais toute joyeuse à
l’idée de ne pas être abandonnée et de pouvoir reprendre le fil de
mon parcours. Mais, je me rendis compte bien vite qu’il
s’agissait de tout autre chose. On aurait dit un réverbère et tandis
que je me rapprochais, j’aperçus une vieille femme visiblement
affairée à chercher quelque chose. Ce qui me surprit c’est
qu’instantanément l’environnement sylvestre de la forêt avait
fait place à une ruelle de village médiéval. On se serait cru au
théâtre, au beau milieu des changements de décors.
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confort du cocon familial, quitte à y retrouver tous mes
fantômes.
Le retour à la maison
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animaux de la nuit. Cependant je n’étais pas inquiète car je
savais que je connaissais le chemin du retour.
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m’embrocher le bras. Je sentais mon cœur battre et j’eus
sacrément peur. Cette bestiole était folle !
Là tout d’un coup devant mes yeux, comme sorties de nulle part,
des images électriques, synthétiques, surgissant de quelques
rêves, se mirent à danser devant mes yeux. J’étais terrorisée.
J’avais toujours eu horreur des grouillements d’animaux et
surtout d’insectes ou de vers. Et voilà que je croyais tomber
dans des trous profonds et nauséabonds et que toutes sortes de
bêtes malfaisantes m’agrippaient, me passaient partout sur le
corps. Je criais littéralement d’effroi. Je ressentais piqûres,
morsures, le venin des araignées et des serpents parcouraient
mes veines. Des chauves-souris en plein vol me lacéraient le
visage et des rats me mordaient les mollets. En fait tout ce qui
ressemblait à mes angoisses sortait de la nuit noire, mes ombres
venaient malmener mon imagination et me tourmenter sans
relâche.
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d’affronter tout ce qui s’était lové au plus profond de mon âme
pour le dépasser et envisager autre chose. Plus j’étais tétanisée et
plus mes horribles bestioles me parcouraient le corps et l’esprit.
Les tailles de chaque animal changeaient. Il y en avait des
milliers qui grouillaient partout autour de moi, des cafards, des
blattes, toutes sortes d’insectes et d’animaux hideux, réels ou
mythiques qui faisaient tous une sarabande terrible afin de me
terroriser. J’étais recroquevillée sur moi-même et je ne voyais
pas comment interrompre le processus.
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angoisses déversées sous formes de bêtes plus effrayantes les
unes que les autres.
Que n’aurais-je donné pour me retrouver bien au chaud dans
mon lit à rêvasser ou lire un bon livre plutôt que de devenir la
proie consentante de toutes ces ombres qui venaient me tirailler
et raviver ce que je croyais bien enfoui et surtout dépassé !
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J’étais intarissable mais l’arbre restait tout aussi silencieux, il
ne bougeait plus et ne semblait pas décidé à me parler à
nouveau.
Le labyrinthe
Ainsi je n’aspirais qu’à une seule chose : que tout cela cesse.
J’étais pressée de passer à autre chose. Qu’à cela ne tienne ! Il
suffisait de penser dans ce monde pour que les choses se
réalisent. Seulement, ce n’était pas toujours de la manière dont
je m’y attendais.
C’est ainsi que jaillissant de la nuit, une nouvelle scène
m’apparut. Un très beau jardin à la française appartenant à un
magnifique château Renaissance au milieu duquel trônait un
immense labyrinthe.
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Je commençais donc à me diriger dans le dédale verdoyant
lorsque j’eus l’impression au bout d’un certain temps de tourner
en rond. Les statues que je rencontrais à l’intersection de
certains bosquets étaient identiques. Alors, soit il existait de
nombreuses copies afin de tromper le promeneur, soit je
revenais sans cesse sur mes pas. Mais comment savoir ?
Evidemment, je repensais au fil d’Ariane et je me mis à déchirer
un bout de mon tee-shirt et à en faire des petits morceaux que
j’attachais distinctement aux entrées de certaines croisées afin
de pouvoir me repérer. Je me sentais rassurée, j’avais trouvé une
solution qui avait fait ses preuves !
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J’allais mourir là. Oh non ! Ce serait trop bête ! Il y avait
sûrement une autre voie. Je me mis à courir et je me heurtais
sans cesse aux haies et aux bosquets devenus plus épineux qu’au
début. Je m’égratignais et tandis que je criais la nature se
resserrait inexorablement autour de moi.
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Elle était à portée de main, mais accessible uniquement une fois
que j’avais bien voulu abandonner la lutte.
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Chapitre 3 : Les premiers pas…
Le puits
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« Et voilà, encore une fois, la même chose, quelqu’un vient
t’aider et toi comme un abruti tu es désagréable et tu fais fuir
les personnes bien intentionnées et à présent que vas-tu faire
tout seul, coincé dans ton puits ? »
En écoutant cela je me demandais si je devais revenir vers lui et
comme il me l’a conseillé lui demander s’il voulait que je l’aide.
Je me décidais à aller le secourir mais le mirage s’évanouit, la
scène avait disparu et me laissait une nouvelle fois dans
l’obligation d’en tirer les leçons et de garder pour moi les
sentiments qui y étaient attachés.
La famille oignon
Soudain sortant des herbes hautes je vis défiler devant moi une
famille oignons. Le père, la mère et les trois enfants. Ah, ben ça
par exemple ! Je n’avais pas le temps de m’étonner que le père
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et la mère interrompirent mes réflexions de leur altercation
bruyante.
- Toi à chaque fois que tu as peur tu te rajoutes des
couches, on dirait un navet !
- Merci pour la comparaison ! Mais oui, quand je vais
bien je me débarrasse de mes surplus de peaux et
lorsque j’ai peur eh bien ! je m’habille davantage, et
après ?
- Ce n’est pas un bon exemple pour les enfants, regarde
Ursuline, elle est couverte comme si nous allions en
Sibérie.
- Dis-moi, tu es bien placé pour critiquer les autres et
lorsque tu es en colère, as-tu vu combien tes peaux se
mettent à fumer ? A chaque fois je crains de te voir
flamber et de finir veuve !
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Ils étaient trois lutins qui s’amusaient dans les grandes herbes
de la clairière, ils gambadaient, jouaient à saute-mouton,
batifolaient dans les herbes lorsqu’un gros nuage obscurcit le
ciel et les conduisit à chercher refuge sous un gros champignon.
Ils attendaient que la pluie cesse et soudain Tito, le plus âgé, dit
d’une voix assurée et forte :
- Oh, c’est drôle là-bas on dirait une elfe au bord de la
clairière.
- Mais non, ce n’est qu’une grosse branche qui est tombée
tout à l’heure ! répondit Clarotin.
- Pas du tout, il s’agit du bout de la barrière du Père
Marmot qui est tordue et ne ferme plus et qui bouge à
cause du vent.
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- Eh bien oui, j’ai ôté les miennes et je vois plus net
qu’avec, essaie.
- Ah, oui, la vue a changé.
- Et pour moi aussi.
- Alors recommençons l’expérience. Tito que vois-tu ?
- Pour toi Barbibouille, je vois un nez normal et tu portes
un petit bonnet bleu.
- Oui, c’est bien ça répondit-il.
- Moi aussi je vois la même chose dit Clarotin.
- Ah, ben ça par exemple ! Nous avions des lunettes qui
nous faisaient voir les choses tout différemment ! Où
donc les avons-nous prises ?
- Peu importe, lunettes ou pas, c’est pour tout le monde
pareil ! On croit voir la réalité et en fait on en voit qu’un
petit bout et en plus …
- ….Chacun voit ce qu’il veut bien voir…
- C’est rudement amusant !
- Tu parles !
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Chapitre 4 : Des histoires d’amour
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- Le renard veut dire que tu peux être un lièvre et pour
une fois agir différemment…
- A toi la tortue ça va bien, après m’avoir ridiculisé, voilà
que tu me donnes des leçons à présent !
- Ne le prends pas mal, je crois simplement que nous
sommes tous confrontés un jour ou l’autre à prendre de
la distance par rapport à ce que nous sommes.
Le monde parfait
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Les jardins préférés du roi étaient ceux taillés à la française,
avec de nombreuses statues dont l’immobilisme et la pureté
étaient garantis.
Quant à la reine, elle s’occupait sans cesse de son apparence
afin de rester toujours aussi belle, sans le moindre flétrissement
de l’âge, d’ailleurs son fidèle miroir lui rappelait bien souvent
l’état de sa beauté.
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avait en plus des capacités hors du commun. Ainsi, il pouvait
voir le petit peuple de la terre, c’est-à-dire les lutins, les nains,
les elfes et toutes ces créatures légendaires qui habitent l’esprit
des enfants et que les adultes décrivent de manière intarissable
comme s’ils en gardaient une certaine nostalgie.
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malheureux, il devenait aussi mélancolique avec ses amis qui ne
savaient plus comment le consoler.
Elle leur apprit alors que ce qui faisait que les enfants voyaient
le petit monde de la terre et non plus les adultes, c’est qu’ils
avaient un cœur tout neuf, quasiment vierge et qu’ils étaient
encore empreints des magies de l’univers. Elles étaient encore
là présentes dans leur esprit et leur âme et c’est pourquoi ils
pouvaient voir ses multiples dimensions.
Ensuite ils passaient dans le monde des adultes et apprenaient
des choses sérieuses et petit à petit les multiples fenêtres sur le
monde se refermaient et ils ne voyaient plus que les misères et
les souffrances.
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des pieds de nez et rien ! Youpi ! Ca marchait. Il ne put
s’empêcher de claironner son succès ce qui fit revenir à la hâte
tous ses amis à qui il manquait cruellement. Il se promena ainsi
dans le palais et constata que personne ne faisait attention à lui.
Alors, suivant ses guides, il se risqua à l’extérieur et découvrit
le monde.
Que c’était beau ! Cette nature, ces animaux, et tous ces gens
qu’il ignorait. Comme c’était vaste.
Il se dit que c’était bien là qu’il voulait vivre.
Toutefois, afin de ne pas éveiller les soupçons, il devait rester
prudent et rentrer régulièrement pour les repas et la nuit. Ce qui
l’obligeait à rester dans un périmètre restreint. C’est ainsi, que
les premières joies de la découverte passées, ses escapades lui
parurent trop étriquées.
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feraient sans doute gagner quelques heures voire un jour ou
deux.
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torse de son père, il découvrit l’énorme épine noire enfoncée
dans son cœur. Cherchant un ustensile qui pourrait l’aider,
finalement, il prit le morceau de bois à pleines dents et tire d’un
coup. Le roi se réveilla en hurlant de douleur. Matthieu tomba
par terre et du coup redevint visible. Sa mère réveillée en
sursaut, poussa un cri strident qui fit entrer les gardes affolés
dans la chambre royale.
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seule dans ma quête. Cela me soulageait vivement. Je le
nommais Samedi en hommage à l’histoire de Robinson Crusoë.
Et Samedi miaula comme pour apprivoiser ce nouveau baptême.
Le scorpion fatigué
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toujours manquer d’amour et du coup ne savait comment faire
pour attirer l’attention.
Il s’était alors mis à faire des tours de magie, cela plaisait à tout
le monde et il était sûr de toujours avoir un public attentif, en
admiration et qui en redemandait.
Ainsi, après avoir été câliné par Natasha la grenouille intrépide,
il proposa de présenter ses tours. Très vite celle-ci en comprit
un et il l’encouragea à le faire devant tout le monde. Elle réalisa
une belle performance et en guise de conclusion le scorpion
s’écria : « bien à présent je vais vous montrer comment on peut
faire tout ceci plus adroitement et plus vite. » Natasha se sentit
blessée.
Pourquoi fallait-il qu’il lui propose quelque chose si c’était
pour ensuite dénigrer sa prestation ? Une petite voix lui
répondit qu’il ne pouvait s’empêcher de piquer ceux qu’il aime,
ni d’attirer l’attention même au prix de l’amitié.
C’était l’esprit de la petite grenouille qui était morte pour
l’avoir sauvée de la noyade.
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L’ordinateur faisait alors une sélection et le candidat à l’amour
était poussé sur un petit chemin mécanique vers le rayon des
bouteilles qui lui correspondaient. Là, se trouvaient des
bouteilles d’alcool, de champagne, de bières, de cidre, de jus de
fruits, de sodas, de lait et d’eau, comme aux rayons liquides des
supermarchés classiques.
C’est ainsi que Samirah était arrivée un jour face aux bouteilles
correspondant à sa sélection. Elle savait déjà ce qu’elle voulait.
Elle vit de suite la bouteille qui la fit craquer, c’était une
bouteille de lait, simple, blanche et bleue, demi-écrémé, d’un
litre. Elle ne regarda même pas les autres et la prit dans ses
bras, toute réjouie et enthousiaste ! Elle arriva ainsi au rayon
« transformation », elle plaça sa bouteille de lait sous le
portique de détecteur de défauts, qui continua sa course sur un
tapis roulant. Cette dernière fit le périple nécessaire pour qu’à
la sortie elle devienne le bel homme de ses rêves.
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bonheur du couple. Des choses stupides, telles que le rangement
des vêtements, la manière de dresser la table ou encore, plus
essentiellement, savoir comment éduquer les enfants prirent des
proportions incroyables. Samirah voulait toujours avoir raison
que ce soit sur la manière de « bien » faire la vaisselle ou de
gérer le budget. Tout devint occasion de comparaison et de
dispute. On entendait plus souvent : « dans ma famille on a
toujours fait comme ça » que « je t’aime ». Bjorn ne ressemblait
finalement pas à l’homme idéal dont rêvait Samirah.
Grand Bonnet
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- Je suis voyageur et je suis fatigué, affamé, j’aimerais me
reposer quelques temps chez vous.
- Il n’en est pas question, partez.
- Mais gente dame, si vous touchez ma bosse vous aurez
abondance et bonheur toute votre vie.
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- Et aussi du sel pour corser le goût ?
- Et puis quoi encore ?
Le fil d’amour
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c’étaient des perles. Les perles d’un collier. Eparses elles
jonchaient le sol. Je demandais alors à Samedi de m’aider à les
retrouver ce qu’il fit en agitant les herbes avec sa patte.
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cherchant à s’en dégager, il s’était tourné dans tous les sens et
s’était emmêlé dedans.
- Eh oui, bien sûr ! c’était le fil qui faisait le collier
comme les perles d’ailleurs ! me dis-je.
- Oui mais pas n’importe quel fil ajouta César.
- Ah bon ?
- Oui. Il y a le fil de fer, froid et tenace, le fil de coton plus
agréable mais cassant, le fil d’or plus rutilant et
résistant et il y a aussi….
- ….le fil d’amour interrompit Estelle. Sans amour, rien ne
tient. C’est avec ce fil d’amour inconditionnel que les
perles peuvent donner le meilleur de leur éclat,
s’accommoder de leurs différences et restituer la beauté
de l’harmonie d’ensemble.
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Chapitre 5 : Dans le dédale des rencontres.
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canne mais personne ne semblait réaliser que j’étais là. J’avais
l’impression de faire tapisserie, j’aurais pu être une statue cela
aurait été sans doute la même chose. C’était insupportable !
La scène disparut assez vite emportant avec elle tous ses acteurs
pressés et excités comme des puces. Et moi, je restais au bord
des bosquets, l’âme un peu triste car je sentais bien que
remontaient en moi tous les souvenirs de ces multiples occasions
où j’avais cherché à prendre ma place au sein des différents
groupes que je rencontrais. Et cela se terminait toujours dans de
grandes souffrances. On me demandait des services, on
m’utilisait comme confidente mais en fait personne ne me voyait
vraiment et je pleurais fréquemment dans mon coin aux prises
avec ma tristesse et ma mélancolie. Et voici que mes héros me
faisaient subir, à leur tour, les mêmes douleurs ! Je n’existais
pour personne !
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Le chemin en cinq actes
Acte 1 :
Acte 2 :
Acte 3 :
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Acte 4 :
Acte 5 :
Le chef d’orchestre
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d’orchestre. Il faisait asseoir tout le monde, qui prenait une
brindille, qui une noix ou encore deux herbes et chacun mimait
l’orchestre de Jeannot. Quel délice ! Au fur et à mesure, il
maniait bien la baguette comme il avait vu maître écureuil
conduire le concert des hauts vents lors des fêtes du printemps
dernier.
Petit à petit, ses amis grandirent et se fatiguaient un peu de
jouer les mêmes ritournelles. De plus, Jeannot prenait sans
cesse la première place et avait toujours raison, ne laissant
alors guère d’espace à ses amis. Avec le temps, seuls les plus
dociles restèrent, les autres entrèrent en conflit ouvert avec
Jeannot et la plupart l’abandonnèrent, le trouvant trop têtu.
Il se disait à chaque nouveau départ : « Ils ne comprennent rien
à la musique ! Tant pis pour eux ». Pourtant, les mois passaient
et il était de plus en plus seul.
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totalement excité et comptait les heures. Il fut ainsi bien une
heure en avance, ne voulant surtout pas manquer le rendez-vous
donné par le maître écureuil.
Il vit ainsi arriver l’un après l’autre et parfois par petits
groupes les différents musiciens de l’orchestre. Chacun
s’installa à sa place et commença à accorder son instrument. Au
bout d’un quart d’heure lorsque tout le monde fut en place cela
ressemblait à un véritable charivari, c’était une horreur. C’est à
ce moment que le chef d’orchestre décida de s’adresser à
Jeannot et il lui demanda :
- Que penses-tu de l’orchestre en ce moment ?
- Est-ce que je peux répondre honnêtement ?
- Bien entendu.
- Eh bien, balbutia-t-il, c’est atroce!
- Tout juste ! Et pourquoi mon ami ?
- Eh bien parce que chacun joue dans son coin.
- Nous sommes bien d’accord. Alors prends ma baguette
et fais donc un orchestre harmonieux.
- Mais ?…..
- Pas de discussion. Tu en as toujours rêvé, alors vas-y.
Ne t‘inquiète pas, ils sont prévenus.
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- Voudrais-tu demander aux musiciens ce qu’ils en
pensent.
- Oh, non !
- Ah tiens et pourquoi ?
- Parce qu’ils vont me dire que c’est affreux.
- Et pourquoi est-ce « affreux » comme tu dis ?
- Parce que ça sonne faux, tout le monde joue de son côté,
il n’y a pas d’harmonie.
- Oui, je suis d’accord. Mais pourrais-tu dire pour quelle
raison ?
- Eh bien justement j’ai du mal à l’expliquer. Il me semble
avoir tout fait comme j’avais appris et pourtant le
résultat n’est pas là.
- Tu as raison, tu fais comme tu as appris et le résultat
n’est pas au rendez-vous. Alors ?
- Je cherche à les guider mais ils ne suivent pas très bien.
Peut-être sont-ils trop habitués à vous…
- Et si tu cherchais une autre raison à ton échec que la
responsabilité d’autrui ?
- Vous voulez dire que c’est de ma faute ?
- Qui parle de faute ? Je parle de responsabilité dans la
situation, c’est différent.
- Ah… oui. S’il y a tant de nuances dans notre vocabulaire
c’est bien pour rendre compte des merveilles de la vie.
Donc ?
- Peut-être que je cherchais trop à les guider…
- Oui… et ?
- Et du coup, je n’ai peut-être pas tenu compte de ce qu’ils
faisaient et comment ils jouaient ?
- Nous y voilà. Bien. Tu as pour toi la lucidité et bientôt
l’autocritique spontanée. Alors que manque-t-il pour que
l’orchestre produise un concert harmonieux ?
- De l’expérience.
- Oui et aussi ?
- Se connaître entre nous, c’est-à-dire les musiciens et le
chef d’orchestre…
- D’accord. Autre chose ?
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- …..Ecouter chacun.
- Oui, tout juste, c’est ça. Il est essentiel d’écouter la
musique, le chant de chacun des instruments,
l’expression particulière de chaque musicien…
- ….L’harmonie qui se dégage ou les à-coups dans le
rythme, les démarrages ratés et les reprises trop lentes…
- Voilà, tu as saisi.
- Il faut être à l’écoute des autres et de soi-même, de la
partition du compositeur et du jeu des musiciens.
- Oui, bien, bravo.
- Et peut-être aussi… Non, vous allez me trouver bête.
- Pas du tout, vas-y ?
- Eh bien je pensais qu’en fait il suffit d’écouter son
cœur ?
- Félicitations, tu es le plus merveilleux disciple que je
n’ai jamais eu. La musique comme la réussite d’un
orchestre repose sur le fait que chacun et surtout le chef
d’orchestre doit écouter avec son cœur. Jeannot, je te dis
adieu, tu as tout compris, tu peux continuer ta route.
- Déjà ?
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Chapitre 6 : Le périple intérieur
Cheval Fougueux
Dans les plaines du sud Crète rouge était bien connu pour être
un cheval original, tout le monde le connaissait, on ne pouvait
pas l’éviter. Quand il était jeune il avait beaucoup rué dans les
brancards, n’avait jamais supporté de se faire dompter et en
avait fait voir à ses parents. Mais les terres de ses aïeux étaient
trop étroites pour lui, les perspectives d’avenir trop restreintes,
il rêvait des grandes plaines, là-bas au-delà des garrigues et des
forêts. Un jour il irait….
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basculer, tout dépendait de lui. Soit il sombrait encore dans sa
fougue première, enthousiaste mais envahissante, soit il savait
expérimenter cette sagesse à laquelle il aspirait et la faisait
sienne. Et là il rentrerait dans les grandes plaines et peut-être
pourrait-il même s’y installer. Tout reposait sur ses épaules.
En fait, tout dépendait s’il décidait, une bonne fois pour toutes,
de reconnaître qu’il existait aussi des maîtres sur cette terre.
Jusqu’ici il avait fui tout ce qui pouvait représenter des liens,
des attachements, il avait cassé son box et s’était enfui dans la
forêt. Il avait brisé sa longe et avait rué blessant le palefrenier.
Mais par dessus tout ce qu’il avait le plus de mal à supporter
c’était ces hommes qui voulaient absolument monter sur son
dos, lui mettre une selle, le dresser et lui imposer des rênes qui
lui blessaient la bouche. Ces autorités qui lui volaient une part
de son indépendance. A plusieurs reprises, il avait ainsi échappé
au lasso.
Trempé jusqu’aux os, blessé dans son cœur, la tête bravant les
intempéries et le cœur en colère de ses niaiseries, il plia le
genou et comprit.
D’un pas calme et décidé il se campa devant le passeur et il
attendit un signe.
Il avait fait le premier pas, il était prêt à faire les autres.
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Je n’avais pas plutôt fini d’expliquer à Samedi le fruit de mes
réflexions que je me trouvai transportée en Asie, assise en plein
milieu d’une grande rizière où je fis la rencontre de Chan-Li.
Le jeune apprenti
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la récolte, cela pouvait nuire à la qualité du riz et de toute
manière, il ne pourrait pas le reprendre si ce dernier ne
comprenait pas le rythme qu’on attendait de lui.
Chan Li sentait bien, lui aussi, le malaise et il ne savait que
faire pour apaiser l’atmosphère. Alors il crut bon d’amener des
cadeaux pour adoucir les échanges, mais ceux-ci ne furent pas
accueillis comme il le pensait. Chen gardait toujours un visage
tendu car il se devait à présent de le remercier alors qu’il
souhaitait surtout qu’il lui fiche la paix. C’en était trop, la
tension augmentait sous des couverts de bonhomie policée.
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Je ne manquai pas de constater que cela faisait bien deux fois
déjà que l’on me parlait de maître. Décidément, ils étaient
« têtus » sur ce chemin. Moi aussi, cela tombait bien ! A peine
eus-je prononcé ces quelques mots qu’un épouvantable orage de
grêle se déclencha. Les éclairs succédaient aux détonations de
foudre, je me serais cru quelques temps en enfer. Je cherchais à
me protéger, mais rien ne parvenait à m’abriter, j’étais trempée
et commençais à comprendre que sur ce chemin imaginaire, tout
prenait sens et vie, rien n’était laissé au hasard. Il me fallait être
prudente ou peut-être laisser un peu tomber mon orgueil ? Les
avertissements se succédaient et je continuais à jouer la forte
tête.
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quelque chose à la chaleur, au manque d’eau, à la solitude et à
l’angoisse si elle devait se présenter.
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n’imaginait même pas auparavant. Il se sentait malheureux,
broyé, meurtri, désolé et perdu, bête !
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« Là, te voilà sur le bon chemin! » Lui dit à nouveau la même
voix.
Il comprit alors qu’il avait été aux prises avec le diable durant
tous ces jours, à la fois ces démons du désert craints depuis la
nuit des temps par les Egyptiens mais surtout que l’essentiel de
son tumulte était interne. Il n’existait nulle part de Satan pire
que celui qui se lovait dans ses entrailles, prêt à lui broyer
l’intérieur dès qu’il serait à nouveau confronté à ses doutes, ses
peurs et ses ombres. Et dès l’instant qu’il s’ouvrait vers la
lumière qui rayonnait en lui alors tout devenait simple et
limpide. La confiance lui donnait des ailes. Il se leva, descendit
la montagne et décida d’aller vers le nord, avec une aisance et
une certitude qu’il ne soupçonnait même pas.
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j’y sois plongée à mon tour. Eh oui mes pensées façonnaient la
réalité ! Cela pouvait être merveilleux pourtant pour le moment,
je pestais à l’idée de devoir vivre la même chose qu’Ismaël.
60
Les vicissitudes de Surnâ.
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encore à manier l’énergie, la magie et toutes les formes de
sorcellerie que lui enseignait le vieux Naomao.
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Le temps passait et il devenait de plus en plus fier et prétentieux.
Chacun de ses actes coûtait un prix exorbitant et il n’y avait
jamais assez de cadeaux pour honorer sa venue.
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ta punition. A présent, si tu veux recouvrer tes pouvoirs
il va te falloir faire preuve d’humilité, d'obéissance et
nettoyer ton cœur de cet orgueil qui t’a tant illusionné.
- Je ne veux plus toucher à tout cela. J’ai trop souffert.
- Tu n’as pas compris, tu n’as pas le choix. Tu as été
choisi. Ne crois pas t’en tirer à si bon compte. « Ils » ne
vont pas te laisser en paix. Tu es dans l’obligation de
retrouver tes pouvoirs et de soigner ta vie durant de par
le monde, gratuitement, pour laver ton orgueil.
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- Je comprends ce que vous me dites. Pour autant, je n’ai
pas l’impression d’avoir des dons particuliers…
65
Le vieil homme
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Et comme je m’irritais à nouveau, le poids fut encore plus
difficile à porter. J’étais prête à déposer le vieil homme par
terre, mais comme s’il avait des doigts crochus ou quelque
ventouse sous le ventre, il ne faisait qu’un avec mon corps.
Impossible de m’en débarrasser ! Ah, mais j’en ai vraiment
assez de ce pèlerinage ! J’étais vraiment disposée à dire en tête
à tête à qui le voulait ses quatre nobles vérités à la fin !
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- Peut-être. Pourtant, tu ne pourras pas accomplir de
grandes choses si tu ne te débarrasses de cet orgueil
incommensurable qui est le tien.
- Ah, bon, je n’avais pas l’impression d’être à ce point
fière et arrogante.
- Si !
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Je ne voyais pas d’issue. Je ne sentais plus mon corps tant il
était meurtri par les courbatures et malmené par les éléments en
furie.
Finalement, je m’écroulai et priai pour que cela cesse.
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Le vieillard reprit.
- Ce que veut le divin ce ne sont pas des gens dociles qui
sont à sa merci, il souhaite que les gens découvrent en
eux la flamme de la foi. Et lorsqu’il perçoit que nous
sommes enfin ouverts à sa lumière, il nous fait passer
des épreuves d’initiation en quelque sorte afin de vérifier
que nous avons bien la trempe et la foi de résister à tout
et de continuer Son chemin.
- Je crois que je comprends mais je suis fatiguée. Je ne me
sens pas appelée par quoi que ce soit. J’aspire à la paix
et je voudrais être seule quelques temps….
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Chapitre 7 : Les enseignements
Il était une fois une petite huître qui voulait être grande. Elle
rêvait d’être sage, mais elle ne savait pas très bien comment s’y
prendre.
Elle parcourut les vastes étendues du monde, neigeuses, arides
parfois, verdoyantes ou rudes et aussi luxuriantes et généreuses,
un peu au hasard des rencontres. Elle entendait parler de
maîtres, elle ne comprenait pas très bien ce que cela voulait dire
et à chaque fois qu’elle croyait en rencontrer un, un événement
survenait qui la forçait à continuer à cheminer seule.
Dans son périple, certains lui avaient dit que la clé résidait dans
une plus grande compassion, ce qui la conduirait à développer
sa tolérance en acceptant plus facilement les autres dans leur
différence et leurs particularités. Le plus difficile apparaissait
surtout dans le changement de comportement. Elle était bien
d’accord sur le principe, mais qu’il était compliqué d’agir
différemment de ses habitudes !
De plus, le fond des océans est un milieu aride sous ses aspects
généreux et variés. La mort rôde et menace toujours les
insouciants. La mer est impitoyable et il n’existe guère de place
pour les faibles. Ce qui avait alors créé une ambiance de
compétition. Et cela ressemblait davantage à une jungle où
seuls régnaient les plus forts, qu’à une oasis de calme comme en
rêvaient les humains là-haut sur la terre.
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L’huître savait que vouloir être sage dans ces conditions n’était
pas une mince affaire. Elle devait refuser les tentations de
bataille, de lutte, de comparaison et de coups bas propices à
éliminer les moins opiniâtres.
Elle était pourtant convaincue qu’il était possible de vivre en
harmonie entre coquillages, poissons, crabes et étoiles de mer
sans qu’il faille toujours en passer par la mort des uns pour
assurer la survie des autres.
Elle ne savait pas comment s’y prendre mais elle était sûre de
son fait, il existait d’autres voies.
Sans très bien savoir d’où lui venait cette certitude, elle savait.
Un beau matin elle partit s’isoler dans une grotte qu’elle avait
toujours regardé avec envie. Aujourd’hui c’était le jour J, celui
de la rencontre avec… En fait, elle ne savait pas très bien avec
quoi. Mais elle avait la conviction que cette aventure allait la
transformer radicalement.
Au bout d’un temps qui lui parut une éternité, elle eut
l’impression de rêver.
Elle vit un bien étrange pays des hommes où tous les habitants
avaient les yeux bridés et la peau jaune. Ils habitaient un pays
immense et parlaient des langues différentes mais qui
semblaient avoir en commun des intonations très aiguës. Quelle
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drôle de contrée où le chef était toujours habillé de rouge et
d’or. D’ailleurs, c’est lui qui vint sur le devant de la scène
demander de l’aide au plus grand sage du royaume, retranché
des hommes dans la grotte de la montagne sacrée.
L’huître fut tout émue par cette belle histoire et comprit alors
pourquoi elle s’était terrée loin de ceux qu’elle aimait. Elle se
demandait si le temps était venu qu’elle retrouve ses amis. Elle
avait hâte de savoir si une quelconque transformation avait eu
lieu. Elle tergiversait lorsqu’un gros crabe vint s’enfouir à son
tour tout près d’elle. Le signe ne trompait pas, il était temps
qu’elle sorte !
1
Passage inspiré de Conte de l’Or-riant. Robert Mougeot. D’après un
enseignement traditionnel oriental.
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Elle ignorait si son cœur avait enfin pu s’ouvrir pour accueillir
avec bienveillance ses amis. Alors pour en avoir le cœur net,
elle décida d’organiser un grand rassemblement de ses
connaissances et d’apprécier si son regard avait changé sur
eux.
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rayons du soleil et je me dis que c’était bien l’occasion de
recomposer le collier.
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mémoires, je prenais conscience que de nombreux épisodes
n’avaient en fait pas encore été vécus ou qu’ils appartenaient
soit à quelqu’un d’autre ou alors, qui sait, à une autre vie ?
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expert en la matière, il savait bien que la trousse du compagnon
était bien plus remplie que de ces deux simples outils.
Et pourquoi justement ces deux là ?
Le temps s’écoulait, ils avaient déjà passé bien des jours sur un
nouveau chantier et s’apprêtaient à repartir. Et à chaque
occasion, le maître lui disait de ne pas oublier ses deux outils.
Les jours et les semaines filaient et petit Paul recevait toujours
des enseignements sur les constructions, les mesures, les
symboles, les origines mythiques, réelles et symboliques des
ornements et composantes des cathédrales mais jamais rien
concernant la raison pour laquelle il ne devait jamais oublier
ces deux outils.
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- Ah, ce n’est pas juste, cela je le savais déjà ! Pourquoi
ne me faire prendre que ces deux outils ?
- Parce que le ciseau symbolise l’incessant travail de
dégrossissement de son temple intérieur et il est l’outil
donné au début de l’initiation. Et la truelle évoque que
pour parvenir à l’état de perfection tu dois ôter toute
matière superflue. Elle est le dernier outil donné sur le
chemin de la maîtrise.
La tour de Babel
Des querelles sans fin animèrent alors les hommes et bien vite
ils en vinrent aux mains et firent même des croisades et toutes
sortes de guerres sanglantes en Son nom. Ce dernier avait
disparu depuis longtemps de leurs cœurs batailleurs et égoïstes.
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Pourtant, Il était toujours là, unique et prêt à aimer ses enfants
qui sauraient le reconnaître.
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d’absence, s’étant mis à l’abri des turbulences dont j’étais
victime.
La sculpture
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l’appeler le bonheur parfait. De toute manière, le titre venait
plus précisément à la fin, comme pour un livre, une fois
l’ouvrage achevé. Alors l’énergie particulière de l’œuvre dictait
son nom, cela s’imposait naturellement.
Son mari vint poindre le bout de son nez pour lui rappeler
qu’elle avait une famille et il reçut pour réponse une porte qui
se referma sur la fin de sa phrase. Marie était comme
hypnotisée, elle ne pouvait rien faire d’autre que sculpter. Elle
avait mal aux mains, au dos, au bras. Son corps commençait à
souffrir de ce régime infernal, comme une turbine emballée qui
ne trouvait plus de respiration.
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dans l’atelier que sur la table de travail. Elle continuait de taper
au marteau, les précisions des ciseaux n’étaient pas encore au
rendez-vous, et la forme changeait sans cesse.
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comprends pas, il n’y a que ça ? » Etrangement, Marie ne
s’irrita pas comme à l’accoutumée devant l’incompréhension
quasi chronique de son entourage face à ses créations. Elle lui
dit : « Ceci, c’est moi, c’est mon essentiel, ce presque rien. Tout
est à l’intérieur, c’est un condensé duquel tout aurait pu sortir
ou tout peut y rester, en germe. C’est mon aboutissement à
moi ! »
Il n’y avait rien d’autre à rajouter.
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Chapitre 8 : Une révélation…
David était parti bien loin au fin fond du Tibet, aux confins de
l’Himalaya, pour se retirer du monde et comprendre ce qui se
passait en lui. Sa vie durant, il avait cherché à être et faire
comme tout le monde afin de s’intégrer à la norme. Il avait tenté
de mener une vie ordinaire et toutes ses tentatives s’étaient
soldées par des échecs cuisants. A chaque fois cela achoppait. Il
ne pouvait absolument pas hypothéquer sa liberté. Du plus
profond de son être, quelque chose le poussait à abandonner
d’une manière ou d’une autre les engagements routiniers qu’il
prenait.
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autres la percevaient immédiatement. Trop occupé qu’il était à
chercher à se faire accepter plutôt qu’à être lui-même.
85
David voulut dire une sorte de bonjour mais les mots
s’étranglèrent dans sa gorge. Et il n’offrit à Moïse comme
cadeau de rencontre qu’une bouche béante et muette.
Celui-ci ne semblait pas vouloir parler non plus. Il marchait
toujours tout droit. Et lorsqu’ils ne furent qu’à quelques
centimètres, tout à coup, l’impensable eut lieu. Moïse entra dans
David, tel un fantôme. Et comme ce dernier mettait du temps à
comprendre, Dieu qui était, bien entendu, cette petite voix, lui
dit : « Tu n’as pas compris ? Tu es Moïse. »
Si souvent David s’était senti perdu et seul face aux durs choix
de la vie, cette fois-ci, il percevait bien au fond de lui qu’il
détenait les réponses.
A chaque fois qu’il tentait, intérieurement, de se dire que ce
n’était que des balivernes, immédiatement la voix intérieure
reprenait le dessus et lui intimait l’ordre d’accepter sa destinée
et de l’assumer !
Il sentait qu’il ne pouvait plus reculer, comme s’il avait passé
tout un pan de sa vie à tourner autour du pot mais que
maintenant, la plaisanterie était terminée, il fallait donner aux
hommes ce pour quoi il était venu sur terre !
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dignité. Son peuple d’Israël était en fait le peuple des déshérités
et la terre promise était le fait qu’ils recouvrent le courage, la
foi et confiance en eux pour devenir eux-mêmes et réussir leur
vie. Car pendant longtemps David avait été lui-même un
déshérité, il avait perdu ses racines et n’avait jamais su qui il
était. Moïse venait alors lui donner le courage d’être.
Il remercia le ciel pour tous ces dons et sut qu’il lui faudrait un
amour en Dieu sans faille, une foi extraordinaire pour remplir
sa mission. Il se sentait messager de Dieu et comprenait que
c’était bien dans l’obéissance qu’il rendrait le meilleur service à
ses frères les hommes. Et ceci dans l’anonymat et l’humilité.
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sortait de ma poitrine. C’était si merveilleux que je sentis le
besoin de fermer les yeux pour me délecter de ce cadeau.
Lorsque je les rouvris, de longues minutes plus tard pour
remercier David, bien entendu, avait disparu.
L’essentiel avait été transmis.
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A la croisée des chemins
- Monsieur ?
Mon interlocuteur ne se formalisa pas du fait que je ne
respectais pas son titre. Il eut la gentillesse de me répondre,
avec une voix douce et profonde, comme la gravité de la
sagesse.
- Oui ?
- Voilà, je me sens perdue, pouvez-vous m’aider ?
- Peut-être.
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- Tu as raison.
- Toutefois, je me sens perdue et je ne sais pas quoi faire.
- Tu as raison.
- En fait, je voulais vous demander votre aide pour y voir
clair.
- Tu as raison.
J’allais répliquer qu’un seul mot avait changé et que donc, peut-
être ?… un dialogue allait pouvoir s’engager. Mais le moine
avait disparu. Je restais perplexe, songeuse, à la fois encore
tiraillée par cette grande confusion qui m’habitait tout en
comprenant bien qu’il est une partie du chemin qui doit
résolument se parcourir seule !
Bien !
Le message de la colombe
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Et tout à coup je réalisai qu’il y avait bien deux solitudes. La
première, celle qui faisait mal, qui créait tant de tristesses et de
souffrances car elle reposait sur le manque crucial de l’autre qui
n’est recherché que pour combler nos vides. Et là, je goûtais
fraîchement toute la richesse et la densité de la solitude choisie,
celle qui permet de se retrouver en paix avec soi-même. Et
soudain je compris au creux de mes cellules tout ce que ce
chemin m’avait enseigné. Au centre de moi, dans mon cœur,
l’expérience s’inscrivait comme un témoignage de mon
apprentissage.
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Mon cœur rayonnait d’une sérénité inconnue jusqu’alors. J’eus
le sentiment qu’il s’ouvrait tout grand et qu’il changeait de
taille, à l’étroit dans ma cage thoracique. Tout autour de moi
devenait lumineux, les couleurs étaient plus éclatantes.
Et je vis alors face à moi, entre les branches des chênes qui me
faisaient face, une sorte de flamme, telle celle d’une bougie, qui
se consumait dans le vide sans rien de réel pour l’alimenter.
L’instant fut fugace et merveilleux.
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- Non, cela apporte de la légèreté car l’essentiel est
joyeux.
- Je me disais que j’avais été bien aveugle jusqu’ici et que
j’avais l’impression d’être envoûtée par un sorcier.
- Et ça te convient comme explication ?
- Non, bien entendu ! J’ai bien compris qu’il n’y avait pas
d’autre sorcier que moi-même. La vielle dame du début
du chemin l’avait bien dit avec sa clé… « inutile de
chercher à l’extérieur ce qui est à l’intérieur »…
- Sauf qu’il t’a fallu de nombreuses épreuves pour le
comprendre.
- Eh oui et j’ai découvert l’intelligence du cœur, car c’est
là que s’inscrit l’expérience…
- Et en rapport avec les clés ??
- J’ai également réalisé que j’étais seule à détenir les clés
de ma prison, je l’avais moi-même laissé se construire.
Car c’est bien en moi qu’étaient les portes, les serrures
et les clés. Il m’appartenait de les voir et de les retrouver
et alors je pouvais ouvrir la cage de ma liberté.
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Et soudain la mer
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Je souriais pourtant avec douceur et bienveillance, car c’était
bien moi aussi. Ce que je suis aujourd’hui est bien bâti sur ce
que j’étais hier. Nul ressentiment, nulle culpabilité, mais plutôt
la compassion de l’acceptation. Car si je pouvais m’apporter de
l’amour alors peut-être parviendrai-je à aimer mon prochain, qui
sait ?
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Chapitre 9 : Quand la lumière se lève enfin…
L’instant de lumière
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ou alors sous la pluie qui agaçait toujours tant de gens, je
continuais à sourire.
Car tout n’était que beauté.
Ce n’était qu’une question de point de vue. La réalité était
toujours là, multiple et radieuse. Tout était une gradation plus ou
moins intense vers le merveilleux. Du plus douloureux au plus
discret des bonheurs, un camaïeu de nuances se dessinaient sous
mes yeux ébahis.
97
rentraient du boulot ». Ah, oui ! qu’il était agréable de les
retrouver ; pourtant bien vite, je réalisai que chacun avait une
triste mine. La pioche sur l’épaule ils s’assirent en rond et
tinrent une sorte de conciliabule.
- Pourquoi es-tu si triste Prof ?
- Parce que jamais nous ne pourrons nous arrêter de
travailler.
- Et pourquoi demanda Simplet ?
- Parce que Dieu nous a oublié.
- Mais que dis-tu, tu es fou ! marmonna Grincheux, aussi
superstitieux à ses heures. Tu vas fâcher notre Seigneur.
- Et pourquoi ça ? C’est vrai, voilà des années que nous
puisons des pierres à la mine, nous nous tuons au travail
et nous n’avons jamais aucun répit ! reprit Prof.
- Ah, mais ça par exemple, comme vous y allez ! mais vous
êtes aveugles ou quoi, répliqua Dormeur, pour une fois
l’œil bien vif.
- Mais que veux-tu dire ? demanda Grincheux.
- Eh bien oui, nous croulons sous les cadeaux et nous
sommes incapables de les voir.
- Explique, intima Prof.
- Nous avons toujours eu une vie agréable, même dans la
mine nous avons toujours chanté et bu gaiement preuve
que notre travail n’était pas si dur, pas vrai ?
- Pour sûr !
- Et puis, nous avons eu Blanche Neige, ne fut-elle pas un
cadeau du ciel ?
- Ah si alors ! soupira Simplet.
- Et depuis, elle nous a couvert de présents alors pourquoi
continuons-nous à travailler, hein ?
- Parce que nous ne savons pas faire autrement ? se
risqua Atchoum.
- Et voilà ! dit Dormeur. Tellement habitués à n’envisager
le bonheur qu’après des efforts interminables et un
travail harassant, nous n’avons pas pris garde que nos
vœux étaient exaucés. Cela ne sert à rien de toujours
réclamer l’abondance si nous ne sommes pas capables
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de la recevoir et de la reconnaître lorsqu’elle vient
jusqu’à nous.
- Bien parlé, Dormeur, répliqua Prof. Sauf que ce n’est
pas si facile de se départir de ces fardeaux qui pèsent sur
nos épaules.
- C’est dur de faire autrement ! bougonna Simplet.
- Je suis d’accord dit Joyeux. Pourtant voici ce que je
propose, enterrons nos pioches et à partir de demain
nous allons apprendre à nous reposer, à jardiner à
profiter de la vie en un mot.
- Youpi ! s’écrièrent unanimement tous les nains.
La fleur d’orchidée
C’est ainsi qu’elle durera alors des mois, sans flétrir, comme un
instant d’éternité se déployant sous les parures de la grâce.
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Je me sentais une fleur d’orchidée qui avait mis tant de temps à
accepter de se libérer et de fleurir et qui s’épanouissait enfin,
heureuse, tranquille, joyeuse et sereine à la fois.
Les tournesols
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- Oui c’est ça. Le soleil est la Lumière et toute la vie sur la
terre n’existe que parce qu’il nous envoie sa lumière.
Alors nous l’aimons aussi.
- Alors le soleil c’est Dieu ?
- Pour beaucoup oui, et pour d’autres c’est tout comme.
- Mais les vrais tournesols ils ne sont pas tous pareils, il y
en a des plus petits, est-ce qu’ils voient la lumière ?
- Dans toute la nature l’équilibre réside dans le fait que
les plus grands arbres qui voient le soleil cachent la
lumière aux plus petits qui meurent bien souvent. La
grandeur des uns cause de l’ombre aux autres et cela
crée la mort des plus faibles.
- Elle est méchante la nature.
- La nature n’a pas d’intention mais les hommes si.
- Ca veut dire quoi ?
- Qu’à la différence de la nature, nous pouvons décider
lorsque nous touchons la lumière de ne pas faire de
l’ombre aux autres et au contraire de la diffuser à tous
ceux qui sont en dessous de nous, qui sont plus petits. La
responsabilité des grands tournesols est alors de
permettre aux plus petits de grandir, de devenir grands à
leur tour et de baigner eux aussi dans la lumière.
- Alors il n’y aura que des grands tournesols ?
- Il y a aura surtout plusieurs tailles de tournesols qui
s’épanouiront tous au soleil. Aujourd’hui des tournesols
ne savent pas encore qu’il existe une lumière pour eux.
Et il y en a même qui refusent cette lumière et qui
poussent horizontalement, presque couchés par terre
pour rester dans l’ombre.
- Alors ça veut dire que je peux décider de pousser vers la
lumière ou pas ?
- Oui, tu as toujours le choix. Et si tu veux aller plus loin
vers la lumière tu trouveras toujours de plus grands
tournesols pour t’aider à parcourir la route.
- Pourquoi ? Il y a un chemin pour y arriver ?
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- Grandir, cela prend du temps alors on peut considérer
que c’est comme si tu gravissais des barreaux d’une
échelle ou que tu parcourais un chemin.
- Quand est-ce qu’on y va ?
- Je crois que nous y sommes déjà.
- Ahh !
La fête du 21 juin
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Il y eut beaucoup de rires, le buffet était aussi varié qu’exotique,
à croire que les rois mages étaient passés porter les présents de
tous les continents. Les cotillons, les danses et les rondes
rythmaient la journée. Des trouvères charmèrent nos oreilles de
contes et de belles musiques médiévales. Un spectacle de clown
agrémenta la soirée, leurs pitreries nous firent rire aux éclats.
Bon voyage !
Christine Marsan
2004-2006.
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Christine Marsan vous accompagne également pour réaliser ce
chemin de soi. N’hésitez pas à me joindre :
christine.marsan@wanadoo.fr
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