Biographie
FRANKENSTEIN
OU LE PROMÉTHÉE MODERNE
Imaginée par une jeune auteure surdouée, l’histoire de Frankenstein connaît un immense
succès dès sa publication en 1818. D’abord qualifié de gothique, ce roman terrifiant nous
livre un des personnages de fiction les plus cultes de la littérature et du cinéma.
L
e nom de Frankenstein
est couramment associé
à la créature monstrueuse
de l’adaptation cinémato-
graphique de James Whale
(1931). Boris Karloff y
fixait durablement l’image du monstre
avec son masque et sa démarche méca-
nique de robot. Un second film, du même
réalisateur avec la même distribution, inti-
tulé La Fiancée de Frankenstein renforça
la confusion entre le créateur et « père »
du monstre – la figure du savant fou,
Victor Frankenstein – et sa « créature »
anonyme, l’anthropoïde géant fabriqué à
partir de fragments de cadavres humains.
Pourtant, avant même d’être popularisé
par le cinéma, Frankenstein avait été un
mythe littéraire, le plus important avec
celui de Faust, de la période romantique.
Conçu par une Anglaise âgée d’à peine
18 ans et apparaissant dans son premier
livre intitulé Frankenstein ou le Prométhée  avait notamment publié un roman, Mary :  vivre d’amour et de littérature, à court
moderne, ce personnage s’inscrivait dans
l’esprit du roman gothique inauguré par
Le Château d’Otrante (1764) de Horace
Walpole et illustré par Le Moine (1796) de
Matthew Gregory Lewis. Mais l’histoire de
Frankenstein était suffisamment originale
pour qu’on en fasse rétrospectivement le
prototype d’un nouveau genre littéraire :
la science-fiction. La jeune femme éclip-
sée – comme son personnage du docteur
Frankenstein le fut en partie par la « chose »
qu’il avait créée – s’appelait Mary Shelley.
> Mary Godwin
N
ée à Londres le 30 août 1797, Mary
était la fille de William Godwin
et de Mary Wollstonecraft,
deux esprits indépendants, philosophes,
100•LIRE MARS 2018
D’UN CLASSIQUE
de Mary Shelley
la naissance de son premier enfant, Mary
Wollstonecraft mourait d’une septicémie.
Son influence sur sa fille s’exerça donc
surtout par la manière dont son mari fit
vivre son souvenir. Ce dernier élargit le
cercle familial en épousant sa voisine,
Mary Jane Clairmont, veuve et mère de
deux enfants, Charles et Claire. William
Godwin, pourtant partisan de la libéra-
tion de la femme et des principes d’une
éducation libérale, dut en rabattre sur ses
convictions lorsqu’un de ses admirateurs,
Percy Bysshe Shelley, aristocrate en rup-
ture de ban et jeune poète déjà notoire, à
demi séparé de sa jeune épouse Harriet
Boris Karloff Westbrook, séduisit Mary Godwin au
incarnant printemps 1814. La future Mary Shelley
Frankenstein. n’avait alors pas 17 ans, Percy en avait à
(Film de James peine 22. Avec Claire Clairmont (la fille
Whale, 1931.)
de sa belle-mère), Mary et son prétendant
s’enfuirent du domicile familial pour une
écrivains et publicistes. Cette dernière escapade estivale en Europe. Ne pouvant
A Fiction (1788) et deux essais, Défense  d’argent, ils revinrent en Angleterre.
des droits des hommes (1790) et Défense  En février 1815, Mary accouchait d’une
des droits de la femme (1792). Féministe enfant prématurée qui ne survécut pas.
avant la lettre, elle passait à l’époque pour En janvier 1816, elle donnait naissance à
un « diable en jupon1 ». William Godwin un second enfant nommé William.
était, quant à lui, un écrivain polygraphe,
proche des milieux progressistes. Dans
> « Nous allons chacun écrire
Political justice (1793), son œuvre philo- une histoire de fantômes »
A
sophique majeure, il soutenait que « l’état  u printemps 1816, Mary Godwin,
le plus désirable que puisse connaître  Percy Shelley, le petit William et
l’homme est l’état de société », principe Claire Clairmont décidèrent à
qui jouera un rôle dans les motivations nouveau de partir sur le continent, direc-
du monstre de Frankenstein. Son Caleb  tion les bords du lac Léman, à l’instigation
Williams passe pour être l’un des pre- de Claire, désormais amante et enceinte
UNIVERSAL PICTURES
miers romans policiers. Ainsi s’explique de George Byron. Tous prirent leurs
la dédicace de Frankenstein : « À William  quartiers d’été dans la Maison Chapuis,
Godwin, auteur de La Justice politique, à proximité de la villa Diodati où le lord
de Caleb Williams, etc. » Onze jours après et poète anglais avait élu domicile avec

le jeune médecin italo-anglais John
William Polidori. C’est là qu’à la
mi-juin, la petite société de poètes
et de lettrés ayant passé quelques
journées de cet été très pluvieux
à lire des histoires de revenants,
Lord Byron lança une sorte de
défi : « Nous allons chacun écrire
une histoire de fantômes. » De ce
« ghost story contest » sortit un bref
récit de Byron qu’il fit apparaître
à la fin de son poème Mazeppa.
Polidori développa ce canevas en
une nouvelle, The Vampyre (1819)
– première histoire de vampires
publiée en langue anglaise. Percy
Shelley rédigea une histoire à
partir des premières années de sa
vie. Quant à Mary, qui « [écrivail-
lait] » depuis son plus jeune âge,
elle raconte comment sa ghost story
germa en elle : « Je me suis employée
à imaginer une histoire [...] qui parlerait
aux craintes mystérieuses de notre nature
et éveillerait une horreur indicible, une
histoire qui ferait que le lecteur aurait
peur de regarder autour de lui, qui
lui glacerait le sang et accélèrerait les
battements du cœur2. » En « auditrice
fervente mais presque silencieuse » des
discussions philosophiques entre Byron
et Shelley, Mary fut stimulée par celles
qui portaient sur la « nature du principe
de vie3 », sur les expériences du doc-
teur Erasmus Darwin (le grand-père
de Charles) et sur le galvanisme pour
réanimer les cadavres. De ces prémices
naquit une première « vision mentale » :
« Je vis, étendue, l’apparence hideuse d’un
homme donner des signes de vie, à la mise
en marche d’une puissante machine4… »
La scène centrale de Frankenstein avait
pris corps. Restait à écrire le roman. Le
11 mars 1818, il fut publié sans mention
d’auteur, assorti d’une brève préface de
Percy Shelley soulignant sa dimension
philosophique. Conséquence du succès
de l’adaptation théâtrale de Richard
Brinsley, Presumption or the Fate of
Frankenstein, un second tirage parut
le 11 août 1822. En 1831, Mary Shelley
publiait une version révisée, augmentée,
signée et préfacée par ses soins. Elle
fait autorité, même si quelques-uns
préfèrent la première édition.
> Un roman gigogne
COLBURN & BENTLEY
S
ur le modèle de nombreux ouvrages
du xviiie siècle, Frankenstein se pré-
sente comme un roman épistolaire :
il s’ouvre avec une série de lettres du
Mary Shelley, Frankenstein,
édition de 1831.
« JE ME SUIS EMPLOYÉE À
IMAGINER UNE HISTOIRE
[...] QUI ÉVEILLERAIT UNE
HORREUR INDICIBLE »
capitaine Robert Walton à sa sœur, Mrs
Saville. Dans la quatrième lettre datée du
5 août 17…, Walton, en mission d’explo-
ration en direction du pôle Nord, relate
un « accident si étrange [qu’il ne peut] se
retenir de le noter5 ». Alors que son navire
était presque immobilisé par les glaces
de la banquise arctique, son équipage
et lui aperçurent, à un demi-mille en
direction du nord, un traîneau carrossé
tiré par des chiens et conduit par « un
être de forme humaine, mais apparemment
gigantesque6 ». C’est la première appari-
tion furtive de la créature. Le lendemain,
un traîneau analogue, mais bien moins
fringant, tiré par le dernier chien vivant
de l’attelage, transportait un Européen
épuisé. Tel Ulysse chez Alkinoos, celui
que Walton appelle encore « l’étranger » –
et qui n’est autre que Victor Frankenstein
– commence à narrer son histoire rela-
tant son enfance jusqu’à la première
discussion avec le monstre qu’il a créé, et
s’imbriquant comme une poupée gigogne
dans le cadre épistolaire. Un troisième
narrateur vient à son tour s’insérer dans le
récit du docteur Frankenstein, ce dernier
rapportant à la première personne les
discours du monstre détaillant les pre-
miers temps de sa vie (chap.  XI à XVI), le
tout étant pris en note par Walton. Par la
suite (chap.  XVI à XXIV), Frankenstein
Frontispice tiré du livre de
redevient le narrateur jusqu’à la
fin. Le retour à la forme épistolaire
permet à Walton de raconter à sa
sœur l’épilogue de l’histoire. C’est
l’occasion de préciser dès le début
de la lettre datée du 26 août que « la
narration de Frankenstein est cohé-
rente et faite sur le ton de la sincérité la
plus simple7 », même si avoir aperçu
le monstre l’avait « convaincu davan-
tage de la véracité de [l’]histoire que
ses propositions elles-mêmes, si éner-
giques et coordonnées qu’elles aient
été 8 ! ». On apprend aussi qu’ayant
remarqué que Walton prenait des
notes Frankenstein demanda à les
relire et à les corriger. Toutes ces indi-
cations ont pour fonction d’accréditer
la véracité du récit.
> Un moderne Prométhée ?
V
ictor Frankenstein sympathise
avec Walton car il voit en cet
interlocuteur quelqu’un qui,
comme lui, aspire à être un « bienfaiteur
de l’humanité » – Walton cherche en effet
un passage maritime vers le Pacifique
Nord et veut percer le secret de la force
magnétique. En confiance, celui dont
le lecteur n’apprendra l’identité qu’au
chapitre III commence par raconter à l’ex-
plorateur ses origines familiales. Issus de la
société distinguée de Genève, ses parents
étaient des êtres bons et généreux. Dans la
version de 1831, la mère de Victor, désirant
ardemment avoir une fille et touchée par
une fillette aux cheveux d’or recueillie
par une famille de paysans pauvres, se
proposa de l’adopter et de prendre en
charge son éducation. Élisabeth devint
ainsi la compagne de jeu de Victor : âme
poétique, elle « contemplait avec sérieux et
satisfaction la magnificence des choses »,
là où Victor « [prenait] plaisir à connaître
leurs causes », l’univers étant pour lui
« un secret à deviner9 ». Et de préciser :
« Plus que ma sœur, elle était destinée à être
mienne jusqu’à la mort. » Il évoque ensuite
la naissance d’un petit frère – William –
et son amitié avec Henry Clerval. Tous
trois seront des victimes du monstre. En
lisant les alchimistes Cornélius Agrippa,
Paracelse ou Albert le Grand, Victor
s’imagine pouvoir découvrir « l’élixir de
vie » et « libérer l’organisme humain de la
maladie ». Alors qu’il a près de 15 ans, lors
de vacances à Bellerive près de Genève,
un orage d’une violence inouïe lui fait voir
de près le phénomène de l’électricité. Un
LIRE MARS 2018•101
Biographie D’UN CLASSIQUE
espèce nouvelle, qui bénirait en lui son
créateur et sa source.
> L’effroi du créateur devant
sa créature

F
inalement, par « une lugubre nuit 
de novembre16 », il toucha au but :
« Je rassemblai autour de moi les 
instruments de vie afi n d’en infuser une 
étincelle [spark of being] à la chose inerte 
qui reposait à mes pieds17. » Dès lors
se produit un singulier renversement.
Dès que le jeune chercheur vit s’ouvrir
l’œil jaune et vitreux de sa créature et sa
poitrine commencer à respirer, son rêve
Adaptation de réalisé tourna presque immédiatement au
Frankenstein par le
réalisateur Kenneth cauchemar. La description de sa créature
Branagh, 1994. suscite l’effroi : « Sa peau jaune couvrait 
à peine l’assemblage des muscles et des 
grand savant qui se trouvait dans l’entou- fameuses expériences de réanimation de artères ; ses cheveux étaient d’un noir de 
rage de sa famille « par hasard » lui exposa cadavres de criminels par usage de l’élec- jais, sa chevelure abondante ; ses dents 
ses théories sur le galvanisme, rejetant dans tricité, que Giovanni Aldini, le neveu de d’une blancheur de nacre. Hélas ! Ces 
l’ombre les alchimistes jusqu’alors « maîtres  Luigi Galvani, tenta à Londres vers 1802- merveilles accentuaient l’horrible contraste 
de [son] imagination ». À Ingolstadt, où 1803. Frankenstein a lui aussi couru les qu’offraient ses yeux aqueux – presque de 
il fait ses études, le professeur Waldam cimetières, ramassé les ossements dans la même couleur que les orbites sombres 
lui enseigna la chimie moderne. Victor les charniers, se fournissant en « maté- dans lesquels ils étaient incrustés ainsi 
Frankenstein est un overreacher – « un riaux » dans les salles de dissection et les que son teint hâlé et ses lèvres droites et 
jusqu’au-boutiste ». Tel le Prométhée abattoirs, les assemblant dans « une cellule  noires18. » La chose était bien un monstre,
d’Eschyle et de Platon, il y a en lui un solitaire10 », séparée de la maison et des emplissant le cœur de son créateur d’un
voleur de feu qui, même s’il aspire à faire autres appartements par une galerie où « sentiment d’horreur et de dégoût irré-
le bien, commet un péché d’orgueil. Est-ce « [il avait] établi [son] atelier d’immonde  pressible19 ». Incapable d’en supporter la
pour cela que Frankenstein – peut-être sur création ». Et s’il a décidé de donner à vue, Frankenstein, fuyant son laboratoire,
une suggestion de Percy – a été affublé son prototype une « stature gigantesque » se réfugia dans sa chambre où il est assailli
du sous-titre « le Prométhée moderne » ? – « huit pieds de hauteur11 » –, c’est par de visions plus ou moins cauchemardes-
À vrai dire, le Prométhée en question ne désir d’aboutir rapidement, la petitesse ques qui ne manquèrent pas de nourrir
serait pas celui qui a attiré la colère de
Zeus, mais plutôt le Prométhée latinisé des
Métamorphoses, le plasticator qui façonne  « LE MONSTRE INCARNE AINSI UNE SORTE DE 
avec l’argile et le feu la race mortelle des HÉROS ROMANTIQUE CONSCIENT DE SA CHUTE ET 
êtres humains, Mary Shelley connaissant
bien le chef-d’œuvre d’Ovide. Quant au ET D’ÊTRE EXCLU À CAUSE DE SA LAIDEUR »
nom propre de « Frankenstein », on le
dit tiré de héros des nouvelles gothiques de ses diverses parties constituant un les interprétations psychanalytiques du
de M. G. Lewis : le « Frankheim » de sa grave obstacle à la vitesse d’exécution de roman. « Il me semblait voir Élisabeth 
nouvelle Mistrust (recueil Romantic Tales), son travail. Il peut aller vite aussi, parce débordante de santé traverser Ingolstadt. 
ou le « Falkenstein » d’un récit de Tales of  qu’il se dit insensible au spectacle des Ravi et surpris je la serrai dans mes bras ; 
Wonder. À moins qu’on y voie un écho cadavres en déréliction. Ce trait psycho- mais au moment où je posai mes lèvres 
du « Frankésteïn » de François-Félix logique, utile pour découvrir le « secret  sur les siennes, celles-ci devenaient livides 
Nogaret, auteur oublié du Miroir des  émouvant12 » du passage de l’inerte au et se couvraient du voile de la mort. Ses 
événements actuels (1790) dans lequel ce vivant, lui venait de son père qui « au  traits se modifiaient et je me retrouvais 
« Frankenstein français » tente de séduire cours de [son] éducation […] avait pris le  tenant contre moi le cadavre de ma mère 
une jeune femme en se servant d’un plus grand soin pour que nulle horreur sur- enveloppé d’un suaire sur les plis duquel 
automate animé et joueur de flûte. Rien naturelle n’impressionnât [son] esprit13 ».  des vers rampaient20. » Le monstre qui
n’indique cependant que Mary Shelley ait Cependant, l’insensibilité de l’anatomiste l’avait rejoint tenta de communiquer
jamais lu ce livre récemment redécouvert. ne tempère pas la fièvre exaltée du cher- avec son « père ». Mais à nouveau pris de
cheur : l’étudiant en médecine d’Ingolstadt panique, Frankenstein s’enfuit devant cet
RUE DES ARCHIVES/RDA

> Un atelier d’immonde création confie être « animé d’un enthousiasme  être incapable de parler et « si repoussant 

M
ary Shelley n’est guère prolixe presque surnaturel14 », il est « au sens  que Dante lui-même n’aurait pu l’ima-
en indications techniques sur romantique du terme, un individu qui croit  giner ». Quelque temps plus tard, après
la fabrication de son monstre. à la force mystérieuse de son génie15 ». être tombé gravement malade et avoir été
Elle s’est certainement inspirée des Il a l’ambition de créer rien moins qu’une soigné par son ami Clerval, Frankenstein

102•LIRE MARS 2018

 EN BREF…

apprenait que son petit frère William
avait été assassiné. En se rendant sur les
lieux du crime, il aperçut la silhouette de
la créature. Malgré ses efforts, Victor ne
parvint pas à disculper Justin Moritz, la
servante des Frankenstein accusée à tort,
le monstre ayant glissé son médaillon
sur le cadavre de l’enfant. On l’exécuta.
Le monstre avait déjà fait deux vic-
times lorsque, en route vers Chamonix,
Frankenstein le rencontrait une deuxième
fois. L’occasion d’entendre le récit de ce
dernier.
> Une allégorie politique ?
d’homme cultivé. Il narra à Frankenstein
les diverses intrigues qui conduisirent
les De Lacey à l’exil. Lorsqu’une jeune
Persane en fuite et amoureuse de Félix
les rejoignit, il éprouva une certaine
fierté de constater qu’il progressait plus
rapidement qu’elle en français. Dans
cette ambiance où la statue de Condillac
rejoint l’Émile de Rousseau, le monstre
fait l’expérience d’une sorte de paradis
terrestre dont il ne pouvait pas jouir
pleinement, condamné par sa hideur
à demeurer à la lisière. La lecture des
Ruines de Volney le conduisit aussi à des
réflexions élevées sur les contradictions
Bio
30 août 1797 : Naissance à Somers
Town (Londres) de Mary Godwin .
22 février 1815 : Mary accouche
prématurément d’une fille qui meurt
quinze jours plus tard. 24 janvier 1816 : 
Naissance de William Shelley.
14 juin 1816 : Byron lance l’idée d’écrire
une « ghost story ». 29 juillet 1816 : Début
de la rédaction de Frankenstein. 21 août : 
Discussion avec Percy sur le premier jet.
10 décembre 1816 : Suicide de Harriet
Shelley. 30 décembre 1816 : Mariage
avec Percy Shelley. 17 avril 1817 : 
Achèvement du manuscrit. 14 mai 1817 : 

F
ort éloigné en cela de son alter de la nature humaine : « L’homme était-il  Percy Shelley corrige le manuscrit et
ego cinématographique, le monstre donc à la fois si puissant, si vertueux et 
de Mary Shelley parle et révèle, magnifi que, et, d’autre part, si vicieux et si  9 juillet 1822 : Percy Shelley meurt noyé.
sous son aspect hideux, un être délicat bas ? » Le meurtre lui fait horreur. Il prit
et sensible : « [sa] principale joie était le  également conscience des réalités sociales
et de l’injustice. Le monstre incarne ainsi
une sorte de héros romantique conscient
de sa chute et d’être exclu à cause de sa
laideur, ayant en lui « des sentiments d’af-
fection qui ont trouvé pour récompense la 
haine et le mépris ». Mais c’est la lecture
du journal de Frankenstein, retrouvé dans
la poche d’un vêtement, qui fit naître déci-
sivement en lui l’idée de se venger de son
créateur… Le monstre conclut son récit
en demandant à Frankenstein de lui don-
ner une compagne en échange de quoi il
promettait de ne plus tourmenter les êtres
humains. Celui-ci, malgré sa réticence,
accepta, se mit au travail, mais se ravisa
au dernier moment, craignant d’engen-
drer une nouvelle lignée de créatures
menaçant l’humanité. Il ne voulait pas
Le monstre terrifiant lui « créer une compagne dans le crime22 ».
créé par le docteur Le monstre se vengea en tuant le fidèle
Frankenstein (film de
James Whale, 1931). Clerval et Élisabeth, la sœur adoptive
devenue la femme de Victor. Voilà pour-
spectacle des fl eurs, des oiseaux, toutes les  quoi ce dernier le pourchassait dans la
couleurs gaies de l’été21 ». Il raconte à son banquise arctique. Parmi les nombreuses
créateur effrayé et intrigué comment, interprétations du roman, celle qui lit
sortant de sa grande confusion initiale, dans Frankenstein une allégorie politique
rejeté par tous les êtres humains qu’il de la Révolution française et du monstre
avait approchés, hantant les forêts et les qu’elle a engendré – la Terreur et la
montagnes, il survécut, végétarien, se tyrannie napoléonienne – n’est certes
nourrissant de baies, de glands, de racines pas la moins suggestive…
et de noix. Il avait fini par se fixer quelque Jean Montenot
temps dans une remise, à proximité d’une
maison où résidait une famille française, 1. Cathy Bernheim, Mary Shelley. La jeune fille et le monstre,
les De Lacey. Le père, un homme âgé et Le Félin, 1997, p. 13. 2. Préface de 1831 citée, ibid. 3. Préface
1831, Frankenstein ou le Prométhée moderne, Folio-plus,
aveugle, vivait là avec sa fille, Agathe, et dep. 12. 4. Préface de 1831, Frankenstein ou le Prométhée
son fils, Félix. En les observant sans être moderne, GF, p. 344. 5. GF, p. 77. 6. Ibid. 7. Folio-plus,
jamais vu lui-même (ce qui est très peu GF, p. 274. 8. GF, p. 304. 9. Chap. II, GF, p. 93. 10. Chap. VI,
UNIVERSAL PICTURES
écrit la préface. 11 mars 1818 : Parution
de la 1re édition de Frankenstein.
11 août 1822 : Second tirage en deux
volumes de Frankenstein. 1831 : Édition
révisée du roman. 1er février 1851 : Mort
de Mary Shelley.
Éditions
Parmi les nombreuses traductions du
roman, dont certaines adaptées au public
scolaire, on retiendra les premières : celle
de Jules Saladin (rééd. Pages Ouvertes,
2 015), pour la première version, et celle
de Germain d’Hangest (rééd. Poche GF),
que complète celle de Paul Couturiau
(Folioplus Gallimard, 1997, et Gallimard
SF, 2 000), ainsi que celle d’Alain Morvan
et Marc Porée, parue dans la Pléiade.
Commentaires, biographies et essais
Francis Lacassin, Mythologie et
Fantastique : les rivages de la nuit, Le
Rocher, 1991.
Jean-Jacques LECERCLE, Frankenstein :
mythe et philosophie, PUF, 1994.
Cathy Bernheim, Mary Shelley. La jeune
fille et le monstre, Le Félin, 1 997.
Dominique Lecourt, Prométhée, Faust,
Frankenstein, Livre de Poche, 1 998 .
Alain Morvan, Mary Shelley et
Frankenstein : itinéraires romanesques,
PUF, 2005.
Adaptations
Au théâtre : Presumption or the Fate of
Frankenstein (1re adaptation), de Richard
Brinsley, 1 822 ; Frankenstein, de Peggy
Webling, 1927.
Au cinéma : Parmi une centaine de

p. 116. 11. Près de 2,44 mètres, GF, p. 115. 12. Chap. VI,
réalisations, on retiendra les deux films de
vraisemblable), découvrant peu à peu GF, p. 113. 13. Ibid. 14. Chap. VI, GF, p. 112. 15. Dominique James Whale, Frankenstein (1931) et La
ce qu’il percevait comme « une science  Lecourt, Prométhée, Faust, Frankenstein, Livre de Poche, Fiancée de Frankenstein (1935) ; Terence
p. 111. 16. Chap. V, GF, p. 119. 17. Chap. V, Folio-plus,
divine », le monstre apprit à parler, puis 1998,
p. 78. 18. Ibid. 19. Chap. V, Folio-plus, p. 79. 20. Ibid. 21.
Fisher, Docteur s’est échappé (1957) ;
à lire, passant de l’état de nature à celui Chap. XIII, GF, p. 79. 22. Chap. XX, GF, p. 254 Kenneth Brannagh, Frankenstein (1994),
plus fidèle au roman ; une parodie comique
de Mel Brooks, Frankenstein junior (1974).
LIRE FÉVRIER 2018•103