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MÉTHODES D’INVESTIGATION

ANALYSE PAR ÉLÉMENTS FINIS :


POINT MÉTHODOLOGIQUE
PARTIE 1

om
ho AN

l.c
PIERRE- H A DRIEN ELSA M ATHIEU
DECAUP D GAROT COLIN

ai
UNIVERSITÉ DE BORDEAUX, UFR DES SCIENCES UNIVERSITÉ DE BORDEAUX, UFR DES SCIENCES UNIVERSITÉ DE BORDEAUX, CNRS,
ODONTOLOGIQUES, BORDEAUX ODONTOLOGIQUES, BORDEAUX BORDEAUX INP, IMB, UMR 5251, TALENCE
UNIVERSITÉ DE BORDEAUX, UNIVERSITÉ DE BORDEAUX,

tm
VY

PACEA, UMR 5199, PESSAC PACEA, UMR 5199, PESSAC


LE
8@

La Méthode des éléments finis (MEF) est une méthode numérique FINITE ELEMENT ANALYSIS:
METHODOLOGICAL OVERVIEW, PART 1
n

permettant de résoudre des problèmes d’ingénierie complexes.


Finite Element Method (FEM) is a numerical method
da

Cette dernière décennie, la publication d’articles impliquant


99

for solving complex engineering problems. In the last


une Analyse par éléments finis (AEF) dans le domaine des sciences decade, the publication of articles involving Finite
odontologiques a augmenté de manière exponentielle. Face Element Analysis (FEA) in the field of dental sciences
n1

à cette littérature abondante et à la variété des modélisations en MEF, has increased exponentially. Faced with this abundant
literature and the variety of FEM modelisation, the
les résultats fournis par de tels protocoles peuvent être difficiles
da

results from such protocols can be difficult to access.


d’accès. La simulation numérique implique des limites qu’il est Numerical simulation implies limits that need to be
nécessaire d’appréhender afin de pouvoir extraire la signification understood in order to be able to abstract clinical
vy

clinique de telles études. La compréhension de ces limitations passe significance from such studies. Understanding these
limitations requires: kknowledge of the general
par : la maîtrise du principe général de la MEF, la compréhension
le

principle of FEM, of the structure characteristics, ability


des caractéristiques de la structure modélisée, la capacité à juger to judge the relevance of the model and to evaluate
de la pertinence du modèle choisi pour simuler la situation étudiée the results. Equipped with such tools of understanding,
et la capacité à évaluer les résultats obtenus. Munis de tels outils practitioners, prosthetists and researchers should be

de compréhension, les praticiens, prothésistes et chercheurs devraient able to approach the results of this field of research,
rich in future perspectives, in an enlightened way.
pouvoir aborder les résultats de ce domaine de recherche, riche
KEYWORDS : FINITE ELEMENT ANALYSIS, FINITE ELEMENT
en perspectives, de manière éclairée. METHOD, BIOMECHANIC
MOTS-CLÉS : ANALYSE PAR ÉLÉMENTS FINIS, MÉTHODE DES ÉLÉMENTS FINIS, BIOMÉCANIQUE

ACTUALISATION EN CONTINU
https://bit.ly/3qbKzaR

Biomatériaux Cliniques VOL. 7 / N° 1 / MARS 2022 77


MÉTHODES D’INVESTIGATION

L
a Méthode des éléments finis (MEF) est une
méthode numérique permettant d’approcher la
solution d’un problème d’ingénierie complexe
(en général modélisé par un système d’équations aux
dérivées partielles) en le remplaçant par une succes-
sion de problèmes plus simples. La solution recher-
chée n’est donc pas une solution exacte d’un point de
vue mathématique, mais une solution approchée [1].
La précision du résultat dépendra ainsi du niveau de
complexité du modèle numérique, adapté à la problé-

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matique de recherche [2]. Une augmentation exponen-
tielle de publications impliquant la MEF a été constatée

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au cours de la dernière décennie dans le domaine des

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sciences odontologiques [3].
Dans le champ de la recherche biomédicale, la méthode
1 Approximation du périmètre d’un cercle par discrétisation
D

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bidimensionnelle. Dans cet exemple, le périmètre du cercle
présente des avantages considérables pouvant expliquer fait l’objet d’une approche spatiale visant à discrétiser son espace

tm
cette croissance. L’analyse in silico (numérique) permet par des polygones adjacents au cercle. Une approximation
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notamment d’explorer des problématiques inacces- supérieure (polygone orange) et inférieure (polygone bleu)
peuvent ainsi être proposées. En augmentant le nombre de
sibles in vivo pour des raisons éthiques ou de rareté des segments des polygones, l’approximation se fera plus précise.
LE

échantillons [2]. Elle peut également affiner l’interpréta-


tion de résultats fournis par des protocoles de recherche
8@

in vitro conventionnels [4, 5]. Enfin, la méthode est hau-


n

tement adaptable : mise en œuvre en recherche en bio-


matériaux [6-8], en anatomie [9, 10], en mécanique des LA MEF OU COMMENT MODÉLISER
da

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structures [11-13] et en étude thermique [14, 15]. Face à UN PROBLÈME PHYSIQUE ?


une littérature abondante et en constante évolution, il La MEF met en œuvre la modélisation mathématique d’un
n1

peut être difficile d’évaluer la validité méthodologique problème physique pour lequel il est impossible de four-
des différentes modélisations en MEF proposées pour nir une formule analytique pour la solution du système
da

répondre à une question de recherche clinique. Nous modélisé. La solution à ce problème dans un domaine
proposons dans ce premier article une approche claire fini (exemple : l’espace géométrique d’une mandibule,
et accessible de la MEF pour guider praticiens, prothé- fig.  2a) peut être la mesure d’un déplacement, d’une
vy

sistes et chercheurs dans la compréhension de cette contrainte, d’une température, d’une pression, d’une
méthode numérique. vitesse, etc. Ces grandeurs sont alors dépendantes d’une
le

variable de temps et d’une variable d’espace (exemple :


À L’ORIGINE DE LA MÉTHODE… où p est la variable de champ étudiée, en l’occurrence
Dès l’Antiquité, certains travaux ont cherché à résoudre la pression) et représentent les inconnues du système,
un problème complexe en calculant une valeur appro- donc les fonctions que l’on recherche. Ces fonctions sont
chée. La valeur approchée du périmètre d’un cercle à solutions d’équations aux dérivées partielles posées en
partir de la mesure de polygones adjacents au cercle général sur un domaine fini. Pour tenir compte des spéci-
est considérée comme la source historique conceptuelle ficités mécaniques, on rajoute à ces équations des condi-
de la MEF [16]. Dans cet exemple historique, la valeur tions aux limites, c’est-à-dire des conditions définies sur
peut être précisée en augmentant le nombre de som- le bord du domaine que l’on étudie (exemple : une condi-
mets du polygone (fig. 1). Dans les années 1950, en s’ap- tion de fixation limitant les mouvements d’un modèle
puyant sur les travaux de Hrennikoff [17] et Courant [18], de mandibule au niveau de ses branches, fig. 2c) et des
Argyris et Kelsey [19] et Turner et al. [20] posent les bases conditions de charge (exemple : une pression axiale de
modernes de la MEF. En 1960, Clough introduit le terme 66  kg/cm2 exercée sur l’arcade mandibulaire, fig  2c). Le
d’éléments finis [21]. Une définition actuelle de la MEF système d’équations qui en résulte représente le modèle
est proposée par Zienkiewicz et Taylor comme une procé- physique continu (exemple : une mandibule limitée dans
dure de discrétisation générale des problèmes de conti- ses mouvements par ses branches et subissant une pres-
nuums structurels [22]. sion axiale de 66 kg/cm2, fig  2c). Il est presque toujours

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a b c

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d e

tm
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f
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n1

g h
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2 Exemple d’analyse par éléments finis.


a. Un modèle simplifié de mandibule est modélisé. Les caractéristiques du matériau i
vy

étudié y sont implémentées (os cortical : E=13,7 GPa et ν=0,30).


b. Le modèle est maillé, et à chaque élément du maillage est associé une fonction (discrétisation du modèle).
le

c. Des conditions aux limites (fixation des branches de la mandibule) et conditions de charge (pression axiale de 66 kg/cm2 sur l’arcade
mandibulaire) sont ajoutées au modèle.
d. Après analyse, les résultats sont présentés sous la forme d’une carte de distribution des contraintes (ici contraintes de von Mises).
Un déplacement théorique (amplifié par le logiciel pour plus de clarté) est également proposé.
e. L’ajout d’une symphyse au modèle proposé modifie la carte de distribution des contraintes et l’amplitude du déplacement.
f-i. Le principe général est le même pour des modélisations plus complexes.

impossible de fournir une formule analytique pour la domaine étudié à l’aide de figures géométriques simples :
solution de ce système complexe. La MEF permet de pro- segments (en une dimension d’espace), triangle, rectangle
poser une valeur approchée de la solution. (en deux dimensions d’espace), cube, tétraèdre (en trois
dimensions d’espace), etc. Les sommets des figures géo-
PRINCIPES MATHÉMATIQUES métriques élémentaires sont appelés par convention des
La première étape consiste à modifier les équations en nœuds, et l’ensemble de ces figures forme le maillage du
construisant une formulation faible. Il s’agit de multiplier domaine physique. À chacune de ces structures élémen-
les équations à l’aide de fonctions bien choisies et d’inté- taires, notée Ti, on associe une fonction de base, fi. Le plus
grer le résultat sur le domaine physique (exemple : l’espace souvent il s’agit d’une fonction affine par morceaux : fi(x) =
géométrique d’une dent). On obtient ainsi une formulation ax + b ou d’une fonction polynomiale de degré 2 : fi(x) = ax2
dite « variationnelle » du problème. On découpe ensuite le + bx + c. Cette fonction fi sert à calculer une approximation

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MÉTHODES D’INVESTIGATION

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3 Discrétisation d’un domaine unidimensionnel de la forme
[a, b] découpé à l'aide de segments successifs [xi, xi+1] où xi =

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i×(b-a)
a + n , avec 0 ≤ i ≤ n, n + 1 représentant le nombre de points

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de discrétisation du domaine.
Les fonctions de base sont choisies affines par morceaux. Ainsi,
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la fonction fi est choisie pour valoir 1 au point xi, 0 en xi-1 et 0
en xi+1, elle est donc affine sur [xi-1, xi] et [xi, xi+1] et nulle partout

tm
ailleurs. L'ensemble formé par le segment élémentaire [xi, xi+1]
4 Maillage en éléments finis d’une seconde molaire
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et la fonction affine fi forme dans cette modélisation en une mandibulaire obtenu à partir d’acquisition cone beam
dimension un élément fini (cercle bleu : élément fini formé par le après segmentation, reconstruction du volume et maillage
segment [xi, xi+1] et la fonction affine fi). à l’aide d’éléments de type prisme.
LE
8@

de l’inconnue, à savoir la variable de champ recher- du nombre d’éléments finis nécessaires à la modélisation
n

chée (déplacement, contrainte, température, pression, du problème physique étudié (fig. 2a-b, fig. 3).
vitesse…). L’ensemble formé par une figure géométrique
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élémentaire et une fonction de base est appelé « un élé- Discrétisation de l’espace
ment fini » (fig. 3). On cherche ici à créer le modèle mathématique puis numé-
n1

Munis des structures élémentaires (Ti) 0≤i≤n, et des fonctions rique d’analyse en termes de nombre, type, taille et condi-
de bases associées, (fi) 0≤i≤n, on cherche une valeur appro- tions de connexions des éléments finis constituant la
da

chée des variables de champs (la pression p par exemple) structure globale. Le nombre d’éléments est un paramètre
sous la forme , où les coefficients pouvant être déterminé par une balance entre la préci-
αi(t) dépendent uniquement de la variable temporelle. En sion du modèle et la puissance de calcul nécessaire à sa
vy

injectant cette formule connue dans la formulation varia- solution. Une augmentation du nombre d’éléments finis
tionnelle précédente, on obtient en général un système apporte une précision au modèle, mais nécessite une puis-
le

matriciel d’équations différentielles ordinaires, dont les sance de calcul forte. Le type d’élément choisi est fonc-
inconnues sont les fonctions αi(t), où intervient notam- tion de la problématique posée. Ainsi, les éléments finis
ment la matrice de masse du système. Il reste donc à peuvent être unidimensionnels (fig. 3), bidimensionnels
résoudre ce système pour obtenir les fonctions αi(t), ce qui ou tridimensionnels (fig. 2b, fig. 4), ce qui sera généra-
permet finalement d’obtenir la valeur approchée pn de la lement le cas dans le cadre de la recherche en sciences
fonction p [1, 22]. odontologiques. Parmi les éléments tridimensionnels,
nous pouvons citer les tétraèdres et hexaèdres de premier
EN PRATIQUE ordre, les tétraèdres et hexaèdres de second ordre et les
Une méthodologie générale en six étapes est applicable prismes triangulaires (fig. 5a-c). La taille des éléments est
pour chaque problème de structure résolu par une Analyse en lien direct avec leur nombre et répond au même prin-
par éléments finis (AEF) [1, 22]. cipe d’équilibre entre précision du modèle et puissance de
calcul nécessaire à sa solution. Notons qu’une répartition
1. Discrétisation de la structure à étudier uniforme de la taille des éléments au sein de la structure
Cette étape consiste à discrétiser à la fois l’espace géo- n’est pas nécessaire à la modélisation. La concentration
métrique de la structure en un nombre de sous-parties d’éléments de plus petite taille aux abords d’une zone d’in-
élémentaires et à leur adjoindre des fonctions de bases ; térêt de la structure peut s’avérer adéquate en enrichis-
l’association des deux processus conduit à la modélisation sant la précision du modèle. La taille des éléments peut

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ANALYSE PAR ÉLÉMENTS FINIS : POINT MÉTHODOLOGIQUE - PARTIE 1

En pratique, les fonctions P1 et P2 sont généralement utili-


sées. Le choix d’une fonction P1 ou P2 aura une incidence
directe sur la précision du modèle. Ainsi, une modélisa-
tion par P1 sera plus simple à conceptualiser mais moins
précise, tandis qu’une modélisation par P2 sera plus com-
plexe mais plus précise. L’erreur commise par la solution
approchée de l’une ou l’autre fonction par rapport à la solu-
tion exacte recherchée est en lien direct avec la dimension
caractéristique des éléments finis choisis (exemple : le côté
h d’un carré). Ainsi, l’erreur commise par la solution appro-

om
chée par rapport à la solution exacte est de l’ordre de h
pour un choix de fonction P1, et de h2 pour un choix de fonc-

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tion P2. Comme la valeur de h est généralement très infé-

l.c
rieure à  0, l’écart de valeur entre la solution exacte et la
solution approchée est plus grand pour un choix de fonc-
D

ai
tion P1 et plus petit pour un choix de fonction P2. Le choix

tm de la fonction de base est donc une étape essentielle de la


VY

MEF, participant à la précision du modèle.

5 Exemples d’éléments de discrétisation tridimensionnels.


a. Prismes triangulaires de premier ordre (points noirs
2-3-4. Détermination de la matrice
LE

uniquement) et de second ordre (points noirs et violets).


b. Tétraèdres de premier ordre (points noirs uniquement) élémentaire et du vecteur des efforts
8@

et de second ordre (points noirs et violets). élémentaires, assemblage des éléments


c. Hexaèdres de premier ordre (points noirs uniquement) pour obtention de la matrice de rigidité
n

et de second ordre (points noirs et violets).


globale et vecteur des efforts.
da

Les éléments de second ordre présentent des nœuds


99

supplémentaires au milieu des arêtes. Leurs fonctions Ces trois étapes font intervenir les notions mathéma-
mathématiques de base sont également plus complexes tiques de calculs matriciels [23]. La dimension de l’équa-
que celles des éléments de premier ordre.
n1

tion matricielle finale dépendra notamment des degrés de


liberté associés à chaque nœud et du nombre de nœud du
da

ainsi varier sur l’ensemble de la structure et plus particu- système global [1].
lièrement aux abords de zones où une modification des
variables de champs est attendue (concentration maximale 5. Ajout des conditions aux limites
vy

de contrainte attendue aux abords d’un sommet cuspidien, Des conditions sont implémentées au bord du domaine
par exemple). Enfin, le nombre et le type de nœuds défi- fini, afin de tenir compte des spécificités mécaniques
le

nissent le mode de connexions entre les éléments modéli- du modèle étudié. Ces conditions sont alors nommées
sant l’ensemble de la structure étudiée. Dans le cas d’une « conditions aux limites » (fig. 2c). Elles apparaissent expli-
structure continue pour laquelle les variables étudiées sont citement dans la formulation dite « variationnelle ».
uniformes, les connexions peuvent être réparties unifor-
mément. Dans le cas d’une structure à la géométrie dis- 6. Résolution du système d’équations
continue ou de variables étudiées non uniformes, le mode L’ensemble du système étant paramétré et les déplace-
de connexion doit être adapté à cette discontinuité. ments spatiaux possibles des nœuds connus, les variables
Il existe en pratique des programmes de génération auto- de champs étudiées (déplacement, contrainte, tempéra-
matique de maillage permettant de limiter les interven- ture, pression ou vitesse, fig. 2d-e) peuvent être analysées
tions de l’opérateur dans le processus (logiciels Gmsh, au niveau global de la structure.
AvizoTM, Mmg…). Cette méthode de construction des modèles est partiel-
lement automatisée au sein de programmes informa-
Choix des fonctions de base tiques permettant de limiter les interventions répétitives
Les fonctions de bases peuvent être de trois types : P1 fonc- de l’opérateur. Notons que l’acquisition tridimensionnelle
tion affine du type fi(x) = ax + b, Pn fonction polynomiale du volume à étudier, la construction du maillage et l’AEF
de degré 2 du type fi(x) = ax2 + bx + c, Pn fonction poly- proprement dite peuvent faire intervenir plusieurs logi-
nomiale de degré n du type fi(x) = anxn + an–1xn–1  + … + a0. ciels distincts [4]. Concernant l’AEF, citons parmi les plus

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MÉTHODES D’INVESTIGATION

connus Abaqus (ABAQUS, Simulia, Dassault Systèmes),


Ansys (Ansys), FreeFem++, ou encore des environnements
de programmation tels que Matlab (Matlab, MathWorks)
ou Scilab (Scilab, Inria).

PARAMÈTRES MÉCANIQUES ET MEF :


NOTIONS ESSENTIELLES
Du point de vue biomédical, la construction du modèle
n’est pas exclusivement mathématique, mais tient sa pré-
cision des paramètres biologiques ou physiques initiaux

om
implémentés dans la modélisation.
Les caractéristiques physico-chimiques des matériaux

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étudiés sont principalement l’homogénéité, l’isotropie et

l.c
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l’élasticité [24].
Graphique des contraintes en fonction des déformations
L’homogénéité peut être définie comme l’uniformité du structurelles. La contrainte σ est ici représentée en ordonnée
D

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matériau en tout point de son volume. et la déformation ε est représentée en abscisse. Dans le
domaine (a), l’élasticité est dite « linéaire », la structure subit

tm
L’isotropie est une extension du principe d’homogénéité
VY

une déformation réversible, dite « déformation élastique »,


dans laquelle les propriétés physiques d’un matériau entretenant une relation de linéarité avec les contraintes subies.
ne sont pas influencées par la direction de la variable de La limite Re, ou limite élastique, signe la fin de la réversibilité
des déformations et de la linéarité de la relation contrainte-
LE

champ appliquée [24].


déformation. Le domaine (b) au-delà de la zone de la limite
L’élasticité décrit les modifications d’un matériau à la suite
8@

élastique Re correspond alors au domaine des déformations


de l’application d’une force extérieure et ses capacités à plastiques. Le module de Young E apparaît alors comme le
n

retrouver sa forme initiale par suite de l’annulation de l’ap- coefficient directeur de la droite représentant le comportement
plication de cette force [25]. du matériau étudié dans le domaine élastique linéaire : σ=Eε.
da

99

La limite Rm ou limite maximale correspond à la contrainte


L’émail, la dentine et le cément, par leur arrangement histo- maximale avant rupture. L’allongement avant rupture correspond
logique en prismes, tubules et fibres, sont biologiquement alors à la déformation maximale avant rupture.
n1

considérés comme des matériaux anisotropes [25]. Pour


des raisons de simplification des modèles numériques, et
da

bien que certains auteurs s’interrogent sur la validité de tels


modèles [24], l’hypothèse de tissus dentaires considérés
comme homogènes, isotropes et soumis à des conditions Ces deux constantes peuvent être appréhendées par
vy

d’élasticité linéaire est souvent modélisée [4, 5, 26]. Dans des tests conventionnels de mesures in vitro. Ainsi, les
le cadre de cette hypothèse, l’élasticité linéaire s’entend mesures moyennes de module de Young fournies par la lit-
le

alors comme le domaine dans lequel la limite élastique Re térature sont comprises entre 40 GPa [27] et 130 GPa [28]
n’a pas encore été atteinte et pour laquelle le matériau ne pour l’émail, et entre 12 GPa [29] et 29 GPa [30] pour la den-
subira pas de déformations irréversibles sous l’effet d’une tine. Concernant les coefficients de Poisson, la synthèse lit-
contrainte mécanique (fig. 6). Dans ce contexte d’homogé- téraire des mesures in vitro montre des valeurs comprises
néité, d’isotropie et d’élasticité linéaire, deux constantes entre 0,30 [31] et 0,33 [32] pour l’émail et 0,31 [33] pour la
permettent de caractériser les matériaux : le module d’élas- dentine. Enfin, les mesures moyennes des deux constantes
ticité et le coefficient de Poisson, liées par une relation pro- d’élasticité pour les tissus de supports sont généralement
portionnelle [26]. situées autour de : E=50  GPa et ν=0,45 pour le ligament
Le module d’élasticité, ou module de Young (E), mesure parodontal [32], E=13,7  GPa et ν=0,30 pour l’os cortical,
l’élasticité normale d’un matériau. Il exprime un lien entre E=1,37 GPa et ν=0,30 pour l’os trabéculaire [34].
la contrainte normale (appliquée perpendiculairement) Certains auteurs ont mis en évidence les biais inhérents à
et la déformation induite par cette contrainte normale en ces hypothèses de travail postulant un comportement des
Pascal (Pa). Un module d’élasticité élevé exprime une rigi- matériaux homogènes, isotropes et soumis à des condi-
dité forte du matériau. tions d’élasticité linéaire [24, 35]. Des options sont ainsi
Le coefficient de Poisson (ν) exprime la contraction proposées, modélisant plus finement les comportements
du matériau perpendiculairement à la direction de la des matériaux : émail considéré comme anisotrope [24],
contrainte appliquée. loi de comportement hyperélastique ou viscoélastique

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ANALYSE PAR ÉLÉMENTS FINIS : POINT MÉTHODOLOGIQUE - PARTIE 1

pour modéliser le ligament parodontal [35, 36], ou encore ne permettra pas de déterminer si la structure étudiée est
hypothèse de comportements mécaniques différents soumise à des contraintes en traction, compression ou
selon l’orientation des fibres d’un tenon fibré [37]. Ces cisaillement.
hypothèses de comportement mécanique des matériaux D’un point de vue pratique, les cartes de distribution de
peuvent conditionner la validité biologique des résultats contraintes (fig.  2d-e) permettent de mettre en évidence
mis en œuvre par la MEF [24, 35]. Cependant, il a pu être des zones où la contrainte est maximale dans la structure
montré que les propriétés de certains matériaux comme la analysée. Elles peuvent être appliquées en sciences odon-
dentine et, en moindre mesure, l’émail, dépendaient for- tologiques pour chercher :
tement de la forme étudiée, atténuant l’influence de l’ho- - la localisation d’un point de rupture prédictible d’une pro-
mogénéité et de l’isotropie [38, 39]. Un équilibre entre thèse plurale fixée céramo-céramique et la modification de

om
précision du modèle et résultat attendu est donc requis lors cette zone en fonction des matériaux mis en œuvre [4] ;
de la conception d’une analyse par MEF. - la distribution différentielle des contraintes entre une

ho AN
structure monolithique en zircone et une structure sem-

l.c
INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS blable en céramique stratifiée [5] ;
Dans la plupart des études de contraintes mécaniques, - les schémas de déplacement et de contraintes exercées
D

ai
la MEF peut par exemple analyser la distribution des sur le ligament parodontal d’une canine lors d’un mouve-

tm
contraintes principales maximales au sein du ou des maté- ment orthodontique par aligneur [41] ;
VY

riaux étudiés [22]. - ou encore la réduction des contraintes maximales


La notion de contraintes principales permet, dans un milieu lorsqu’un overlay à gradient de fonctionnalité (overlay
LE

continu, de décrire la direction et l’intensité d’une force constitué d’un gradient de couches présentant des modules
(contrainte mécanique). En effet, pour chaque point de l’es- d’élasticité décroissant dans le sens corono-radiculaire) est
8@

pace, on peut montrer qu’il existe trois plans orthogonaux scindé en de plus nombreux grades fonctionnels [42].
n

pour lesquels la contrainte est dite « normale » (c’est-à-dire


appliquée perpendiculairement au plan). Ces trois axes de CONCLUSION
da

99

contraintes normales sont nommés contraintes principales La méthode des éléments finis est une méthode numérique
σ1, σ2 et σ3 et forment, d’un point de vue mathématique, aux multiples applications en recherche odontologique.
n1

les valeurs diagonales du tenseur de contraintes (matrice à L’existence d’une balance entre la puissance de calcul
neuf coefficients prenant en compte les trois directions de nécessaire à la résolution du problème posé et la précision
da

l’espace associées à leurs trois degrés de liberté). de la modélisation conduit à certaines limites dans l’inter-
La contrainte principale maximale est, dans ce cadre, la prétation des résultats. Leur détermination passe par :
première composante décrivant des contraintes de trac- - la maîtrise du principe général de la MEF (nombre, taille,
vy

tion ; elle est notée σ1. En pratique, sa distribution est type, connexions des éléments finis et fonction mathéma-
mise en évidence par une représentation graphique dans tique sous-jacente) ;
le

laquelle sont représentées des lignes isostatiques. La dis- - la compréhension des caractéristiques de la structure
tribution de ces lignes permet alors de visualiser le mode modélisée comme le choix de l’homogénéité, de l’isotro-
de distribution de la contrainte au sein de la structure étu- pie, du domaine élastique ;
diée (fig. 2d-e). - la capacité à juger de la pertinence du modèle choisi pour
Des contraintes de von Mises peuvent parfois également simuler la contrainte exercée (uni ou multidirectionnelle,
être calculées [40]. Elles sont nommées « contraintes équi- en un point unique ou sur reliefs occlusaux, avec ou sans
valentes » ou « critères de plasticité » et permettent de se modélisation d’un environnement musculaire, d’un envi-
positionner par rapport à un éventuel risque de rupture ronnement parodontal…) ;
de la structure étudiée (fig.  2d-e). Néanmoins, ce critère - la capacité à évaluer les résultats obtenus. ■

Les auteurs ne déclarent aucun lien d'intérêts.


Correspondance : pierre-hadrien.decaup@u-bordeaux.fr

Biomatériaux Cliniques 83
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MÉTHODES D’INVESTIGATION

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84 Biomatériaux Cliniques VOL. 7 / N° 1 / MARS 2022

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