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PHÉNOMÈNES PHYSIQUES,
THÉORIES ET MODÈLES
Hendrik-Jan HILHORST
LA PHYSIQUE THÉORIQUE :
Président
L’UNITÉ DANS LA DIVERSITÉ
Jean-Claude Adam
La section 02 Phénomènes physiques, théo-
Patrick Aurenche ries et modèles – souvent brièvement appelée
Jean-François Berger Physique théorique – regroupe des théoriciens
Francis Bernardeau des domaines les plus divers de la physique ;
Sergio Ciliberto les méthodes issues de chaque branche de la
Nathalie Deruelle
physique étant ainsi utilisées pour faire progresser
d’autres thématiques. Si la physique des particules
Emilian Dudas
élémentaires constitue son noyau historique, ses
Peter Forgacs contours d’aujourd’hui incluent des champs
Daniel Gandolfo de recherche beaucoup plus vastes. Dans un
Krzysztof Gawedzki schéma très simplifié, on peut considérer que
Antoine Georges c’est la théorie des champs qui fait le lien entre le
Thierry Gousset noyau traditionnel et les autres domaines, pour la
Odile Heckenauer
plupart plus phénoménologiques, de la Section.
Marc Knecht La recherche en physique théorique peut
Marie-Christine Levy-Noel être analysée selon plusieurs critères :
Jacques Magnen – son spectre va des théoriciens des parti-
Henri Orland cules élémentaires, qui étudient la matière à
Philippe Roche son niveau le plus microscopique, jusqu’à ceux
Michel Vittot dont les recherches portent sur la cosmologie
Marie-Christine Levy-Noel
à l’échelle de l’univers ;
– certains chercheurs font des recherches
sur les lois fondamentales (gravitation, interac-
tions électrofaibles et fortes, chromodynamique
quantique, théorie des cordes), d’autres s’inté-
ressent aux systèmes à grand nombre de degrés
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des applications est sans doute promis à un bel sur la théorie des cordes continue d’être un
avenir étant donnés le contexte politicoenergé- sujet d’activité soutenue. Elle influence forte-
tique international et la demande sociale dans le ment les domaines plus traditionnels comme
domaine biomédical. la théorie des champs ou la relativité. La
découverte des vides branaires et du réseau
de dualités entre les théories des cordes et des
champs dans des dimensions différentes ont
1.4 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE bouleversé le paysage connu. Les recherches
récentes sur les aspects fondamentaux de la
théorie se concentrent sur la géométrie non
Traditionnellement, la physique mathé- commutative sous-jacente, sur la stabilité des
matique traitait les questions physiques qui vides et les effets dynamiques et sur les rela-
pouvaient être reformulées comme des problèmes tions entre supercordes et théories de jauge.
mathématiques dont les solutions permettaient Une autre tendance marquant la théorie des
une interprétation physique. Plus récemment, on cordes, bien représentée en France, est l’effort
étend ce nom à tous les domaines de la physique de trouver des implication testables au-delà
théorique à fort contenu mathématique. Selon du modèle standard et/ou cosmologiques.
les mathématiques utilisées, on peut distinguer Cet effort, essentiel pour l’avenir de la théorie,
dans la physique mathématique une direction ne devrait pas reléguer au second plan les
plus géométrique et algébrique et une autre recherches sur les aspects fondamentaux des
plus analytique. Dans la première direction les (super-)cordes car le progrès de ces dernières
grandes lignes de recherche restent : conditionne les applications physiques possi-
bles. L’outil principal de la théorie des cordes
– théorie des champs et des cordes, reste toujours la théorie conforme des champs,
gravité quantique ; aussi largement appliquée dans la physique
– systèmes intégrables. de la matière condensée et reliée à l’approche
récente dite « SLE » dans la théorie de probabi-
Et dans la deuxième : lité promise à un bel avenir. Les approches plus
directes à la quantification de gravité, basées
– mécanique quantique non relativiste ;
sur des modèles discrets (comme « mousses
– mécanique statistique à l’équilibre et de spin ») continuent aussi d’être développés
hors équilibre ; intensivement et meritent d’être soutenues.
– systèmes dynamiques et équations non
linéaires aux dérivées partielles.
Ces lignes traditionnelles continuent de se Systèmes intégrables
développer, de s’interpénétrer, et de trouver des
applications nouvelles en physique et en mathé- Les progrès récents dans la théorie
matiques, illustrant bien le caractère intrinsèque- de systèmes intégrables, l’autre domaine
ment interdisciplinaire de la physique théorique. important d’une coloration algébrique de
la physique mathématique, viennent surtout
du développement des modèles de (grandes)
Théorie des champs et des cordes, matrices et de l’étude du rôle des symé-
gravité quantique tries quantiques de dimension infinie. Une
percée importante, en bonne partie réalisée
en France, dans la recherche de formules
(Voir § 1.1 Phénoménologie des super-
exactes pour les fonctions de corrélation des
cordes)
modèles intégrables a ouvert une direction
La recherche d’une théorie quantique de prometteuse. Les systèmes intégrables ont
toutes les interactions (gravité incluse) basée récemment trouvé des applications nouvelles
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complexes : le noyau de l’atome, la matière ont trouvé des applications à d’autres disciplines
supraconductrice, la cellule en biologie, etc. Il (géologie, biologie, finances). L’ensemble de
s’agit dès lors d’inventer de nouvelles méthodes ces développements a été très important tant
théoriques : des arguments statistiques, la simu- en France qu’au niveau international ; ils ont
lations numérique, des extensions de la théorie, conduit à des rapprochements entre labora-
etc. Les études de ces systèmes ont pour trait toires et équipes, à la création d’instituts de
commun de faire surgir des phénomènes recherche pluridisciplinaires, ainsi qu’à la mise
nouveaux dont l’existence n’était pas a priori en place de nouveaux enseignements.
prévue par les lois fondamentales. Dans ces cas,
on parle aujourd’hui de systèmes complexes et
de lois émergentes.
Problèmes à N corps quantiques
De nombreuses thématiques nouvelles et physique du solide
ont leur origine dans trois domaines tradition-
nels de la physique théorique : (Voir § 1.3 Le noyau vu comme un système
– (i) la théorie des champs, développée quantique fortement corrélé de taille finie)
à l’origine pour des problèmes quantiques en
L’étude des systèmes de particules quan-
interaction ;
tiques en interaction reste un problème majeur
– (ii) la mécanique statistique ; dont l’importance pour la physique nucléaire a
été soulignée au § 1.3 (Le noyau vu comme un
– (iii) la physique non linéaire, qui
système quantique fortement corrélé de taille
concerne plusieurs disciplines scientifiques
finie). C’est également une question centrale en
souvent très différentes, et qui trouve son
théorie de la matière condensée. Cette théma-
unité dans des concepts mathématiques tels
tique a connu de nombreux développements
que ceux d’instabilité, ceux issus de la théorie
depuis une dizaine d’années en raison des
des équations différentielles (ordinaires et aux
questions soulevées par la découverte et l’étude
dérivées partielles) et de la théorie des bifur-
expérimentale de matériaux comme les oxydes
cations.
de cuivre supraconducteurs, les composés de
Ces trois domaines de la physique théo- fermions lourds, les conducteurs organiques,
rique ont, ensemble, largement dépassé leurs les composés magnétiques présentant une frus-
cadres théoriques originels, si bien que leurs tration géométrique, etc. Le domaine connait
frontières sont devenues floues. actuellement une forte croissance, avec l’élabo-
ration de nano-objets comme les fils quanti-
De nombreux sujets de recherche sont ques, les points quantiques, les nanotubes de
maintenant ancrés dans deux voire trois de carbone, les conducteurs moléculaires ou les
ces thématiques. bio-molécules (ADN).
Ainsi, par exemple :
Dans tous ces matériaux, la dimensionalité
– (i) les problèmes de fermions en inter- réduite renforce les effets des interactions entre
action dans les systèmes macroscopiques ou électrons et rend le problème particulièrement
mésoscopiques sont à cheval entre la théorie ardu. Il est donc impératif de disposer d’outils
des champs et la mécanique statistique ; théoriques performants, tant analytiques que
numériques. Ce domaine a connu des succès
– (ii) la dynamique de systèmes désor-
théoriques spectaculaires. On peut citer par
donnés, les problèmes hors équilibre (comme
exemple : la compréhension des systèmes
fracture, flambage, friction), et la physique des
unidimensionnels (liquides de Luttinger) par
milieux granulaires relèvent de la mécanique
des méthodes de théorie des champs (boso-
statistique et de la physique non linéaire.
nisation, intégrabilité), la théorie de l’effet
Souvent, les recherches dans ces théma- Hall quantique fractionnaire, l’application des
tiques ont dépassé le cadre de la physique et théories conformes aux problèmes d’impuretés
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macroscopiques ou mésoscopiques, qui marie exemple est l’étude des équations aux dérivées
théorie des champs et mécanique statistique, partielles qui constituent un sujet traditionnel
ou celles de la dynamique des systèmes désor- d’importance scientifique durable au contact
donnés, des systèmes hors équilibre (fracture, de l’analyse et des mathématiques appliquées.
flambage, friction) ou de la physique des Ces équations interviennent principalement en
milieux granulaires qui marient la mécanique mécanique classique (équations de Boltzmann,
statistique et la physique non linéaire, s’ap- d’Euler, de Navier-Stokes) et en mécanique
puient sur des sous-disciplines qui avaient par quantique (équation de Schroedinger).
le passé des domaines d’application distincts. L’équation de Schroedinger dans un potentiel
aléatoire est un bon exemple de problèmes
à la frontière de l’analyse et de la théorie des
Physique expérimentale probabilités qui peut aussi bénéficier de l’ap-
port de la théorie des champs. Même si une
La théorie est indissociable des expé- stratégie unique d’approche des équations de
riences. La physique non linéaire, la physique la physique mathématique n’existe pas, on
du solide et la physique des interactions fonda- observe un rôle croissant des méthodes d’ana-
mentales sont des domaines où l’échange entre lyse micro-locale ou multi-échelles proches
les deux est très fort. Les théoriciens de ces des idées du groupe de renormalisation de la
domaines se trouvent d’ailleurs répartis sur mécanique statistique.
la Section 02 et les sections expérimentales
correspondantes. L’appartenance à une même
unité de recherche, ainsi que les rencontres Nouvelles interfaces
dans le cadre d’autres structures (type GDR),
favorisent naturellement le développement des Algorithmique et complexité ;
deux facettes de la discipline. La reconnais- cognisciences
sance et l’évaluation de tels échanges ne sont
pas toujours faciles. Il semblerait ainsi utile,
L’optimisation combinatoire est l’un des
par exemple, d’installer entre les sections 02
domaines où se rencontrent l’informatique, les
et 03 une structure commune permettant aux
mathématiques et la physique statistique. Cette
théoriciens nucléaires et des particules d’être
dernière discipline a contribué, en particulier,
évalués par leurs pairs.
des méthodes développées dans l’étude des
« verres de spin ». Typiquement, elles permet-
tent de reformuler un problème d’optimisation
Mathématiques
comme un problème de recherche de l’état
fondamental d’un hamiltonien. Les multiples
La physique théorique entretient des applications feront l’objet de recherches aussi
relations privilégiées avec les mathémati- dans les années à venir.
ques. Un premier exemple est la théorie
des cordes qui continue d’être une source En cognisciences, l’étude de réseaux de
d’idées mathématiques originales, en topo- neurones formels a hautement bénéficié des
logie, en géométrie différentielle, en théorie mêmes méthodes.
des algèbres d’opérateurs. Son outil principal
reste la théorie conforme bidimensionnelle
des champs, mais l’accent s’est déplacé vers Informatique quantique
la théorie conforme à bord. La nouvelle
tendance, qui va certainement s’accentuer à Il s’agit d’un domaine dont personne
l’avenir, est le développement de l’interface ne peut encore cerner les promesses, et où
entre les cordes et la géométrie non commu- la physique théorique devra avancer main
tative (qui décrit la géométrie des « branes » où dans la main avec les expérimentateurs et
vivent les extrémités des cordes). Un second les informaticiens.
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n’ont d’autre choix que de payer ce prix. On de 18 mois est très bienvenue ; encore faut-il
pense à l’émiettement des sources financières, que le calendrier de la procédure soit adapté
chacune avec ses contraintes (Europe de l’Est, pour permettre de recruter les meilleurs candi-
Russie, pays du tiers monde, francophonie, dats sur ces postes : les offres de postdoc sont,
région, département, etc.), et chacune distri- au niveau international, faites en janvier pour
buant de petites sommes mais avec de longs des contrats débutant en septembre/octobre de
dossiers à remplir. La simplification des procé- la même année.
dures devrait être un but constant.
Somme toute, il est indispensable qu’une
fraction des postes CNRS reste disponible pour
des accueils à tous les niveaux : postdocs et
Accueil de chercheurs confirmés visiteurs senior de courte et longue durée. Si
une position de principe amenait le CNRS à
Il existe des besoins à la fois en accueil ne pas vouloir multiplier et gérer, au sein de
de courte durée et en accueil de longue durée. l’organisme, les postes « précaires » que sont les
En physique théorique, domaine où l’absence postdoc, il faudrait que l’existence de ceux-ci
d’investissements en équipement expérimental soit assurée d’une autre manière, à discuter
confère aux chercheurs une grande flexibilité entre les organismes de tutelle.
thématique, ces accueils constituent l’artère
par laquelle un laboratoire reçoit de nouvelles La politique du Département SPM consis-
idées et commence de nouvelles collaborations tant à favoriser des structures comme les GDR,
internationales. Le fait que les dotations attri- aide à satisfaire de façon tout à fait complémen-
buées à un laboratoire se mesurent en mois taire au besoin d’échanges sur le plan national
– visiteur plutôt qu’en années – visiteur par an, et, depuis peu, européen.
indique la pénurie de ces possibilités d’accueil.
Évidemment, ce problème implique également
les universités, dont les contributions aux Recrutements
postes d’accueil varient, suivant le cas, entre et départs internationaux
raisonnables et quasi-nulles.
Recrutements
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