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Ohadata D-11-19

PRESENTATION DU TRAITE DE L’OHADA


TRAITE, INSTITUTIONS, ACTES UNIFORMES
par
Frédérique CHIFFLOT BOURGEOIS
Avocate au Barreau de Paris
Journée d’étude sur L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA)
De sa création à l’adhésion de la République Démocratique du Congo
Université Catholique de LOUVAIN - Be1gique - et INEADEC (Institut euro-africain de
droit économique
Acte n° 2 du 11 mars 2010

En marge du Sommet de la Francophonie de 1993, quatorze Etats d’Afrique francophone


subsaharienne et centrale décident de s’unir pour réformer ensemble leur droit des affaires
devenu trop obsolète, aux dispositions éparses, manquant totalement d’ancrage dans la réalité
de la vie des affaires, tant nationales qu’internationales.
L’intégration et le développement économique par et grâce au droit, tels ont été les
fondements de cette volonté.
De celle-ci, est né un traité signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis : le Traité relatif à
l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, entré en vigueur en 1995.
Il en découle un espace géographique commun :
- des institutions permettant de conduire cette œuvre,
- une nouvelle manière d’appréhender et de gérer les différends,
- des textes de droit régissant la vie des affaires : les Actes uniformes.

Un grand espace juridique est né.


A ce jour, trois autres Etats l’ont rejoint : la République de Guinée Equatoriale, la République
de Guinée, et depuis le 08 février 2010, sous réserve du dépôt des instruments de ratification,
la République Démocratique du Congo.
Ce qui porte à dix-sept Etats le nombre d’Etats Parties au Traité.
De plus, en marge du Sommet de la Francophonie de 2008 (Québec), une révision du Traité a
été finalisée par les chefs d’Etat et de gouvernement réunis.
Un nouveau traité dit Traité Révisé a été signé le 17 octobre 2008.
Le Préambule (pour extrait) est explicite du succès du Traité fondateur :
« Réaffirmant leur détermination à accomplir de nouveaux progrès sur la voie de l’unité
africaine et leur volonté de renforcer la sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA
de nature à garantir un climat de confiance concourant à faire de l’Afrique un pôle de
développement,
« Résolus à faire de l’harmonisation du droit des affaires un outil d’affermissement continu
de l’Etat de droit et de l’intégration juridique et économique … ».
Signé le 17 octobre 2008 et portant révision du précédent Traité relatif à l’OHADA, son
entrée en vigueur a été prévue soixante jours après la date du dépôt du huitième instrument de
ratification.
Ce qui est désormais avéré avec la ratification du Sénégal.

Le Traité Révisé entre par conséquent en vigueur le 21 mars 2010.


Le nouveau droit des affaires en Afrique n’est donc en aucun cas une simple réforme
juridique, mais bien la création et la mise en place d’un instrument de droit international, sans
précédent et inégalé, au regard de ses spécificités.
Une étude détaillée démontrera, ainsi qu’il a été énoncé, qu’il définit, non seulement de par sa
qualité de Traité un espace géographique, accompagné d’institutions permettant son
fonctionnement, mais également une nouvelle organisation ayant pour finalité le règlement
des différends par voie judiciaire comme par voie arbitrale, et surtout la mise en œuvre de
textes communs, propres et uniques par branche juridique, tout en étant uniformes dans
l’ensemble de l’espace créé par le Traité.
Ces quatre spécificités fortes seront abordées séparément.

I.- UN TRAITE : OBJET ET FORCE


1.- Il s’agit d’un traité ayant pour objet l’harmonisation du droit des affaires.
Ainsi, aux termes de l’article 1 du Traité du 17 octobre 1993 par l’élaboration et l’adoption de
règles communes.
« Entrent dans ce domaine du droit des affaires, l’ensemble des règles relatives au droit des
sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et
aux voies d’exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation
judiciaire, au droit de l’arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente
et des transports, et toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à
l’unanimité, d’y inclure ... ».
A l’heure où de nombreuses organisations internationales à vocation également juridique
existent, il apparaît absolument nécessaire de souligner l’objet propre à chaque organisation,
afin d’éviter toutes confusions.

2.- Ce Traité est multilatéral et réunit dix-sept Etats africains à l’heure actuelle.
Ce qui signifie un espace géographique commun.

3.- Il demeure ouvert à tout nouvel Etat qui souhaiterait adhérer.


La liste n’est donc pas close et de nombreux pourparlers sont en cours, basés sur les études
actuellement menées concernant les questions de compatibilité juridique qui ne manquent pas
de se poser, notamment avec les Etats africains anglo-saxons mais également lusophones.
A titre d’exemple, en matière de saisie de biens, qu’y a-t-il de commun entre la floating
charge anglaise et le bien identifié avant toute saisie en droit civil ? Rien, assurément.
Par ailleurs, l’importance de la question de l’adhésion de nouveaux Etats et donc, de
l’élargissement de l’espace OHADA, est telle que désormais, selon l’article 42 du Traité
Révisé, le français n’est plus la langue unique de travail de l’OHADA, l’anglais, l’espagnol
ainsi que le portugais l’y ayant rejoint.
4.- De par sa qualité de Traité, il s’impose en droit dans l’ordre juridique national
d’un Etat.
Cela signifie sous l’angle juridique, que la supranationalité de cet instrument s’impose dans
l’ordre juridique interne d’un Etat, dès lors que ses instruments de ratification ont été déposés
conformément au droit international des traités.
En ce qui concerne le Traité de 1993, qui subsiste naturellement aux côtés de celui de 2008,
ce grand principe de droit international relatif à l’ordonnancement juridique est également
rappelé indirectement mais péremptoirement à l’article 10, à travers la force obligatoire des
actes uniformes qui leur est conférée.
L’article 10 énonce : « Les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans
les Etats Parties nonobstant toute disposition contraire de droit contraire, antérieure ou
postérieure. ».
Ce qui signifie ni plus ni moins que tout ce qui en découle entre en vigueur dans l’Etat Partie
au Traité.
Cette question semble primordiale dans la mesure où il apparaît que de nombreux acteurs
économiques, toutes catégories professionnelles confondues, se sont et continuent de
s’interroger sur le point de savoir s’il convient d’appliquer réellement le droit imparti par les
actes uniformes, ou bien de réfléchir à une loi d’adaptation ou bien à une loi transitoire ou
bien encore, à une loi visant à étudier et autoriser la question de la supranationalité.
Il s’agit d’un Traité ; il s’impose.

5.- Des institutions sont prévues pour son fonctionnement.


Le Traité s’est accompagné d’institutions.

II.- LES INSTITUTIONS PERMETTANT SON FONCTIONNEMENT : L’OHADA


Ainsi, aux termes de l’article 3 du Traité initial et « afin de permettre la réalisation des tâches
prévues, il est prévu une organisation dénommée Organisation pour l’Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA) » comprenant :
- un Conseil des Ministres et une Cour commune de justice et d’arbitrage,
- e Conseil des Ministres étant assisté d’un Secrétariat permanent auquel est rattachée une
Ecole Régionale supérieure de la Magistrature.
Le Traité Révisé, en son article 3, prévoit la modification suivante :
Ces institutions seront désormais au nombre de quatre :
- la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement (dont le fonctionnement est fixé par
l’article 27 auquel il y a lieu de se référer) ;
Ce qui constitue une grande nouveauté et un renforcement de la place des plus hautes
autorités qui désormais existent ;
Ce sont désormais les chefs d’Etat et de Gouvernement qui pilotent le processus appuyé
techniquement par le Secrétariat permanent.
- le Conseil des Ministres composé des ministres chargés de la Justice et des Finances des
Etats Parties ;
- la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage dont le siège est à Abidjan ;
- le Secrétariat Permanent, dont le siège est fixé à Yaoundé, nommé par le Conseil des
Ministres.
Le siège de l’OHADA est fixé à Yaoundé, en République du Cameroun.
L’Ecole de Formation n’est plus dorénavant définie comme faisant partie intégrante des
institutions, mais son importance demeure néanmoins, si l’on en juge par l’article 41 du Traité
révisé, aux termes duquel il est désormais institué « un établissement de formation, de
perfectionnement et de recherche en droit des affaires dénommé Ecole Régionale Supérieure
de la Magistrature (ERSUMA) ».
L’importance de la formation est donc réaffirmée et cette école est située à Porto-Novo en
République du Bénin.
Chacune de ces institutions fait l’objet de dispositions tout à fait spécifiques et très étendues,
qui seront développées dans les différents rapports qui se succèderont.
On ne serait pas complet sans évoquer la création d’un Journal Officiel de l’OHADA.
La CCJA à elle seule mérite d’ores et déjà les précisions suivantes :
- le siège de celle-ci se trouve à Abidjan en République de Côte d’Ivoire ;
- il s’agit d’une Cour commune en dernier ressort à l’ensemble des Etats Parties au Traité ;
- trois missions lui sont dévolues : une mission consultative, une mission juridictionnelle,
des missions d’arbitrage ;
- la Cour fait l’objet d’un Règlement de procédure adopté le 18 avril 1996 et entré en
vigueur le 1er novembre 1997.
Les deux novations majeures en revanche qu’il convient de souligner, portent sur la manière
dont est organisé le règlement des différends et sur les Actes uniformes.

III.- UN REGLEMENT DES DIFFERENDS BIEN SPECIFIQUE


Le règlement des différends dans l’espace créé par le Traité est bien spécifique et s’opère de
deux manières :
- le règlement par voie contentieuse : recours aux tribunaux nationaux et à la CCJA ;
- le règlement par voie d’arbitrage à travers l’intervention très délimitée de la CCJA.
Par ailleurs, il convient de rappeler ou tout du moins de préciser que dans le cadre du
règlement d’un litige à vocation internationale par voie judiciaire, le recours à un autre
tribunal – qu’il soit national ou arbitral – extérieur à la zone OHADA n’est ni exclu, ni
interdit, sous réserve de l’examen attentif des actes uniformes qui peuvent imposer une clause
attributive de compétence.
Au même titre, la possibilité de règlement par voie de négociation et d’élaboration de
protocoles d’accords transactionnels demeure ouverte à toute partie.
Faire des affaires avec l’espace OHADA n’exclut pas ces deux dernières possibilités.

A.- Le règlement des différends par voie de juridiction nationale


Concernant la zone OHADA et le règlement des différends par voie judiciaire, notons en tout
premier lieu que chaque Etat Partie a une organisation judiciaire au demeurant très classique,
comprenant un premier degré de juridiction, un second à travers l’appel et le dernier à travers
la Cour suprême ou de cassation.
Ainsi, aux termes de l’article 13 du Traité :
« Le contentieux relatif à l’application des Actes uniformes est réglé en première instance et
en appel par les juridictions des Etats Parties ».
Mais, l’innovation majeure et la spécificité de l’OHADA a trait aux pourvois ou recours en
cassation entrant dans le champ d’application du droit harmonisé.
Ceux-ci ne sont plus examinés par la Cour nationale de dernier degré, qu’elle soit suprême ou
de cassation, mais directement par la CCJA.
Ainsi, l’article 14 du Traité dispose que :
... « Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues
par les juridictions d’appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions
relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus, à l’exception des
décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel
rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux.
En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond. »
Concrètement, tout pourvoi en cassation est analysé et jugé par la CCJA et non plus par les
Cours suprêmes.
Cette volonté de vouloir créer d’emblée une jurisprudence unique, harmonisée, commune à
l’ensemble des Etats parties, au demeurant logique, n’a pas manqué naturellement de
déclencher de nombreuses réactions et critiques.
Cette dépossession du contentieux relatif au droit des affaires à la haute magistrature
s’apparente manifestement pour certains, à une perte de souveraineté. Cette question de la
souveraineté continue à faire débat comme dans toute organisation internationale, et l’Union
Européenne n’y échappe pas non plus.
Néanmoins, cette question du juge national « dépossédé » au profit de la CCJA, mais qui
s’impose de facto comme futur créateur de jurisprudence, demeure un sujet qui passionne.
Par ailleurs, ainsi qu’il sera développé plus loin à travers le champ d’action des actes
uniformes, tous les aspects du droit des affaires ne sont pas prévus, malgré l’immense
domaine d’application de ceux-ci.
De plus, les récurrentes questions de compétence des juridictions demeurent également et
peuvent donner lieu à de nombreux contentieux « dans le contentieux ». Le tribunal est-il
compétent pour statuer ? Que se passe-t-il si une Cour suprême statue ?
Conscients des futurs débats qui n’allaient pas manquer de naître, nourris par ces questions
concernant les relations entre les Cours nationales de dernier degré et la CCJA, les rédacteurs
du Traité ont prévu ces hypothèses en apportant une solution indirecte donnée par les
articles 16, 17 et 18 du Traité :
Ainsi, aux termes de l’article 16 : « La saisine de la Cour commune de justice et d’arbitrage
suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la
décision attaquée. Toutefois, cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution ».
De même, aux termes de l’article 17 : « L’incompétence manifeste de la Cour commune de
justice et d’arbitrage peut être soulevée d’office ou par toute partie au litige in limine litis. La
Cour se prononce dans les trente jours ».
Enfin, aux termes de l’article 18 pour extrait ... « la Cour se prononce sur sa compétence par
arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la juridiction en cause.
Si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue
par cette juridiction est réputée nulle et non avenue ».
La compétence de la Cour est donc extrême et absolue, dans la mesure où il a même été prévu
la nullité des décisions.
Un autre aspect fondamental ayant trait au règlement des différends par voie de recours aux
juridictions nationales a également été prévu en ce qui concerne les arrêts prononcés par la
CCJA ; la reconnaissance, la validité, l’exequatur des décisions et l’exécution des décisions de
justice.
Les arrêts rendus par la CCJA comportent des caractéristiques et des forces.

• Caractéristiques et forces des arrêts.


- Ils sont rendus en dernier ressort. Aucune Cour ne pourra les remettre en question.
- Ils sont reconnus d’un Etat à l’autre sur l’ensemble du territoire formé par l’espace
OHADA. La procédure de reconnaissance et de validité est supprimée.
- Ils sont revêtus de la force exécutoire. Ils sont donc directement exécutoires dans l’espace
OHADA, quel que soit l’Etat. La procédure dite de l’exequatur est supprimée.
Les deux procédures demeurent en revanche, si un arrêt doit être exécuté dans un Etat
extérieur à la zone OHADA. Le droit national de l’Etat dans lequel on souhaite voir
reconnaître une décision ou exécuter une décision est en effet applicable.
On ne s’étendra pas sur l’exécution même d’une décision de justice qui a trait au droit
processuel et aux voies d’exécution, à part.
A côté de la fonction purement juridictionnelle de la CCJA, le Traité et le Traité Révisé ont
conféré à celle-ci une fonction relative à l’arbitrage.
Sans avoir créé un centre d’arbitrage classique, il est néanmoins apparu heureux d’adjoindre
l’arbitrage comme type de règlement des différends.
La CCJA y occupe un rôle très particulier et précis.

B.- La fonction arbitrale de la CCJA : missions et étendue


En application d’une clause arbitrale ou d’un compromis arbitral découlant d’un différend
d’ordre contractuel, les missions suivantes lui sont ainsi imparties :
- la CCJA ne tranche pas elle-même les différends,
- elle nomme ou confirme les arbitres ;
- elle est informée du déroulement de l’instance ;
- elle examine les projets de sentence.
Et c’est tout sur le fond du litige.
Elle intervient en ce qui concerne les arbitres, s’il naît un différend.
Il appartient aux arbitres de rédiger la sentence, mais non à la Cour.
Celle-ci ne peut suggérer aux arbitres ou à l’arbitre des modifications de pure forme –
article 24, al. 2 du Traité.

• Force des sentences :


Le Traité accorde l’autorité de la force jugée aux sentences arbitrales (article 25) sur
l’ensemble du territoire de l’espace OHADA. Mais, en ce qui concerne leur exécution forcée,
la procédure de l’exequatur sera nécessaire.
Le règlement des différends dans l’espace OHADA est donc novateur par la création de la
CCJA, classique en revanche en ce qui concerne les décisions qui sont rendues, rendu fort
grâce aux caractéristiques imparties aux décisions de justice, et audacieux par l’introduction
de l’arbitrage.
Il y a lieu également de souligner la parfaite adéquation et ressemblance en la matière au droit
et forces relatifs aux décisions et aux sentences arbitrales totalement semblables à ce qui se
fait en Europe.
L’ancrage judiciaire de la CCJA dans l’ordre juridictionnel international n’est pas à faire,
conformément aux vœux des Chefs d’Etats qui ont initié ce système de règlement des
différends d’une manière très subtile.
Le Traité Révisé ne modifie en rien cette structure et cette manière d’appréhender le
règlement des différends.
Les fonctions fondamentales de la Cour sont réaffirmées aux termes de l’article 14 du Traité
Révisé.
« La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage assure l’interprétation et l’application
communes du Traité ainsi que des règlements pris pour son application, des actes uniformes
et des décisions ».
... alinéa deux :
« Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues
par les juridictions d’Appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions
relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à
l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
« Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel
rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux.
« En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond. »
Enfin, on ne serait pas complet sans préciser que désormais, aux termes du Traité Révisé, les
juges ne sont plus sept mais portés à neuf.
« Article 31 : La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage est composée de neuf juges ».
La quatrième spécificité du Traité, du Traité Révisé et de l’OHADA porte sur les actes
uniformes.

IV.- LES ACTES UNIFORMES


L’objectif étant de créer un nouveau droit des affaires, il fallait trouver rapidement une
méthode.
Ce fut les Actes uniformes.
En effet, faire légiférer quatorze Etats aurait été trop long. Harmoniser ou rajeunir des
législations obsolètes dont certaines datent de 1804 aurait été tout aussi fastidieux. Le
nouveau droit qui émane de l’espace OHADA ne s’appelle donc pas code, mais Acte
uniforme.
Il fallait également tenir compte de l’ancrage en droit international des futurs textes, faire en
sorte de combler des retards et être également innovant.
C’est là l’audace des Actes uniformes.
Un Acte uniforme, c’est donc en quelque sorte un code portant sur un domaine juridique
précis et tels qu’ils sont visés par le Traité.
Chaque Acte représente à lui seul des centaines d’articles.
Leurs spécificités :
- ils n’émanent pas d’un Parlement national ; le texte qui est pris – et c’est là l’entière
originalité et force – est le même pour l’ensemble du territoire composant l’espace de
OHADA ;
- un acte est donc élaboré et est applicable pour les seize Etats Parties à l’OHADA. Il n’est
donc plus nécessaire de chercher quelle est la législation nationale en vigueur en matière de
... C’est la même. Elle est identique ;
- les Actes uniformes sont directement applicables dans les Etats Parties ;
- Ils remplacent les dispositions nationales existantes et contraires.
L’article 10 du Traité qui dispose :
« Les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties
nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ».
Ce qui signifie concrètement qu’il n’y a pas lieu de réécrire des lois nationales dans les
branches du droit visé par le Traité. Les actes uniformes les remplacent.
Comment procède-t-on ?
Avec le Traité Révisé (article 7 du Traité Révisé), désormais,
… « Des projets sont pris et communiqués par le Secrétariat Permanant aux gouvernements
des Etats Parties qui disposent d’un délai de quatre vingt dix jours (prorogeable pour une
durée équivalente) à compter de la date de la réception de cette communication pour faire
parvenir au Secrétariat Permanent leurs observations écrites.
A l’expiration de ce délai, le projet d’Acte uniforme accompagné des observations des Etats
Parties et d’un rapport au Secrétariat Permanent est transmis pour avis par ce dernier à la
Cour commune de justice et d’arbitrage.
La Cour donne son avis dans un délai de soixante jours à compter de la demande de
consultation.
A l’expiration de ce nouveau délai, le Secrétariat Permanent met au point le texte définitif du
projet d’Acte uniforme, dont il propose l’inscription à l’ordre du jour du prochain Conseil
des Ministres ».
Ce processus est donc très spécifique.
Quand entrent-ils en vigueur ?
Aux termes de l’article 9 du Traité Révisé, les actes uniformes sont publiés au Journal Officiel
de l’OHADA par le Secrétariat Permanent dans les soixante jours suivant leur adoption.
Ils sont applicables quatre vingt dix jours après leur publication, sauf modalités particulières
d’entrée en vigueur des Actes uniformes.
Quels sont les Actes uniformes en vigueur à ce jour ?
Huit branches juridiques ont été appréhendées :
- Acte uniforme sur le droit commercial général entré en vigueur le 1er janvier 1998,
- Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique entré en vigueur le 1er janvier 1998,
- Acte uniforme portant organisation des sûretés entré en vigueur le 1er janvier 1998,
- Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des
voies d’exécution entré en vigueur le 10 juillet 1998,
- Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif entré
en vigueur le 1er janvier 1999,
- Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage entré en vigueur le 15 mai 1999, complété par
le Règlement d’arbitrage de la CCJA du 11 mars 1999 entré en vigueur le 15 mai 1999,
- Acte uniforme portant organisation et harmonisation de la comptabilité des entreprises
entré en vigueur, en ce qui concerne les comptes personnels des entreprises, le 1er janvier
2001 et en ce qui concerne les comptes consolidés et comptes combinés, le 1er janvier
2002,
- Acte uniforme sur les contrats de transport de marchandises par route entré en vigueur le
1er janvier 2004.
Ces Actes uniformes représentent les principales branches du droit nécessaires à la vie des
affaires : conclure un contrat, ouvrir un commerce, créer une société, se faire payer, prendre
des garanties de paiement, tenir une comptabilité, penser à recourir à l’arbitrage, transporter
ses marchandises.
Chaque Acte uniforme représente des centaines d’articles et il ne saurait être question de les
décrire en détail, d’autant que certains le seront au cours de cette journée.
Un résumé en sera donc fait.

1.- L’Acte uniforme relatif au droit commercial général : 289 articles


Il s’agit du premier qui ait été rédigé.
Il concerne les commerçants personnes physiques. Cet acte appréhende donc le statut du
commerçant et son exercice. Ainsi, des dispositions sont prises en ce qui concerne le bail
commercial et le fonds de commerce, son immatriculation au registre du commerce et du
crédit mobilier. Ainsi que les sûretés mobilières (actions et parts sociales, nantissement du
fonds de commerce, du matériel professionnel, des véhicules automobiles).
Cet acte définit également le statut des intermédiaires de commerce tels le commissionnaire,
le courtier et les agents commerciaux.
Enfin, et c’est une partie très importante dans cet acte, il détermine le droit de la vente d’une
manière que l’on peut classer de très romano-germanique.
Le droit de la vente, qui est la base des contrats quels qu’ils soient, est organisé d’une manière
très classique et habituelle en ce qui concerne le champ d’application du contrat, la formation
du contrat, les obligations du vendeur, les obligations de l’acheteur, les sanctions de
l’inexécution des obligations et leurs conséquences sur la vie du contrat.
Enfin, cet acte se termine par des dispositions relatives au transfert de la propriété et des
risques.
C’est donc un acte très important, car il guide des opérations commerciales très simples et très
complexes.

2.- L’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement


d’intérêt économique - 920 articles
Fondamental dans la vie des affaires, cet acte uniforme prévoit d’une manière très détaillée,
ce qu’est la société commerciale, de sa création à sa dissolution.
Il envisage également la société à responsabilité limitée, la société anonyme, la société en
participation, la société de fait et le groupement d’intérêt économique.
Il est également à relever que l’aspect pénal de la vie des sociétés est prévu, car on y trouve de
nombreuses dispositions en matière d’infractions.

3.- L’Acte uniforme portant organisation des sûretés - 151 articles


Cet Acte envisage ce que tout futur créancier souhaite avoir avant toute transaction : des
garanties de paiement.
Des garanties de paiement, au demeurant très classiques, personnelles sur le cocontractant : le
cautionnement, la lettre de garantie.
Il prévoit également des garanties mobilières à travers le gage, le nantissement sans
dépossession et les privilèges.
Il prévoit également la technique de l’hypothèque, soit conventionnelle, soit forcée.
Enfin, il est également prévu l’organisation des sûretés avec des articles relatifs à la
distribution et le classement des sûretés.
Bien sûr, cet Acte uniforme est à combiner avec l’Acte uniforme relatif au recouvrement
simplifié des créances et des voies d’exécution, que l’on soit débiteur ou créancier ou futur
cocontractant, quelle que soit l’importance d’une affaire.

4.- L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de


recouvrement et des voies d’exécution - 142 articles
Cet Acte uniforme organise deux éléments fondamentaux dans la vie des affaires :
- Le recouvrement de créances avec deux types de procédure : l’injonction de payer et la
procédure simplifiée tendant à la délivrance ou à la restitution d’un bien meuble déterminé.
L’objectif de ces deux procédures qui alimentent tous les contentieux possibles aura été
d’être d’un emploi simple, lorsque cet acte a été rédigé.
- Les procédures d’exécution ou voies d’exécution constituent un Acte très riche et complet.
Il appréhende les biens que l’on peut saisir (biens meubles, droits d’associés, valeurs
mobilières, aliments, rémunérations, immeubles) et la procédure à suivre.
- Saisie conservatoire, saisie exécution, saisie immobilière, incidents, paiement, distribution
du prix ... saisir avant ou après l’obtention d’un titre, cet Acte uniforme a le mérite de tout
prévoir.

5.- Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du


passif - 258 articles
Le règlement des difficultés des entreprises devait être prévu.
Cet acte a pour objet d’organiser les procédures collectives de règlement préventif, de
redressement judiciaire et de liquidation des biens du débiteur, en vue de l’apurement collectif
de son passif.
Le mérite de cet acte est d’envisager pas à pas la faillite et ses possibilités de sauver une
entreprise : règlement préventif, redressement judiciaire et liquidation des biens.
Il envisage également concrètement ce qu’il advient des biens de l’entreprise, du chef
d’entreprise à travers les dispositions relatives à la faillite personnelle et la réhabilitation.
Il prévoir également la banqueroute et il a le mérite d’envisager les procédures collectives
internationales.
6.- Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage : 36 articles
Acte novateur en ce sens qu’il ouvre la voie à la clause compromissoire ou au compromis
arbitral, cet Acte uniforme allié au Règlement contient toutes les dispositions classiques
propres au droit de l’arbitrage.
Ainsi, il comporte un champ d’application, la composition du tribunal arbitral, l’instance
arbitrale, la sentence arbitrale, le recours contre la sentence arbitrale et la reconnaissance et
l’exécution des sentences arbitrales.
Le Règlement fixe les attributions de la CCJA, la procédure à respecter et des dispositions
relatives à la reconnaissance et à l’exécution des sentences arbitrales.

7.- Acte uniforme relatif à l’organisation et l’harmonisation de la comptabilité des


entreprises.
Au-delà de cette harmonisation, il a été prévu un système comptable de manière à renforcer la
comptabilité.

8.- Acte uniforme relatif au contrat de transport de marchandises par route.


Le transport devait être prévu. Cet Acte porte sur tout contrat de marchandises par route, dès
lors que le lieu de prise en charge et le lieu de livraison sont situés soit sur le territoire d’un
Etat Partie, soit sur deux Etats différends, dès lors qu’un Etat est Etat Partie.
Sont exclus de son champ d’application, les transports funéraires, les marchandises
dangereuses, les transports de déménagement ou effectués en vertu de conventions postales
internationales.
La nationalité et le domicile des parties sont indépendants et indifférents au contrat de
transport.
Depuis la création de ces actes et leur utilisation tant par les opérateurs économiques que par
les acteurs du droit, toutes catégories professionnelles confondues, une jurisprudence est née,
beaucoup de questions sont apparues.
Leur efficacité a pu être mesurée et des améliorations sont déjà envisagées.
Des actes font déjà l’objet de réformes : l’Acte relatif aux sûretés, par exemple.
Des actes uniformes demeurent en préparation : l’Acte uniforme relatif au contrat, à la preuve,
au droit du travail.
De l’ensemble de ces dispositions, si on examine plus en détail certains actes, il y a lieu de
constater leur ancrage dans l’ordre juridique commercial international. Les Actes uniformes
tirés du droit civil romano-germanique sont conformes aux grands principes du droit
commercial international porté par ce même droit, qui à l’heure actuelle, domine encore
malgré d’autres influences.
La dynamique de l’espace créé en 1993 lors d’un Sommet de La Francophonie, passionne et
passionnera encore.

CONCLUSION GENERALE
Le Traité de l’ OHADA est donc entré dans une phase supplémentaire, en démontrant que
quinze années après sa création, il demeure capable d’étendre son champ d’application,
d’évoluer et de se réformer.
Cette intégration juridique supranationale sans équivalent dans le monde est bien un processus
d’harmonisation et non d’uniformisation, même s’il s’appuie sur un cortège d’« actes
uniformes », d’où la méprise possible.
Mais, chaque pays membre adapte ces textes selon ses propres particularités nationales –
montrant en ce sens une similitude avec les directives de l’Union européenne – à condition
que tous jouent bien évidemment la même partition musicale, dont la CCJA, pierre angulaire
du système, s’impose comme le chef d’orchestre.
Pour autant, le caractère supranational de cette Cour de dernier degré ne manquera pas de
continuer à alimenter les débats sur la perte de souveraineté des Etats et subsisteront
manifestement des « ohadasceptiques », comme il demeure des « eurosceptiques ».
Le point crucial est que ce Traité – on doit d’ailleurs vanter la qualité du travail de ses
rédacteurs – a bel et bien instauré un droit des affaires moderne et performant en phase avec
son époque mais également, et là réside probablement la véritable victoire de l’OHADA, créé
et structuré un espace géographique en tant qu’entité.
Cet espace a vocation à s’élargir et les négociations avec d’autres pays africains, notamment
anglophones et d’Afrique australe, en vue de leur adhésion éventuelle, démontre
indéniablement sa réalité tangible et sa reconnaissance, n’en déplaise à ses détracteurs.
Pour autant, ce bel outil ne saurait avoir pour finalité sa seule existence.
Il s’avère comme le premier jalon d’une intégration plus poussée, à terme, sur un plan
économique, permettant à 1’Afrique de prendre enfin la place qui lui revient dans l’économie
globalisée du 21ème siècle.

Frédérique CHIFFLOT BOURGEOIS

Après un DESS « Carrières juridiques du commerce international » (Faculté de Droit et


Sciences politiques de l’Université de Bourgogne), elle rejoint le Centre français du
Commerce extérieur en qualité de juriste, puis intègre le Barreau de Paris en janvier 1987,
après l’obtention du CAPA (promotion 1986) dont elle est membre depuis cette date.
Spécialisée dans les affaires commerciales internationales et plus particulièrement dans les
garanties de paiement, l’appréhension et la gestion du risque juridique et judiciaire, le
recouvrement de créances internationales (zone Europe, Afrique et Moyen Orient), Frédérique
CHIFFLOT BOURGEOIS a à connaître les nombreuses techniques juridiques qui font la
sécurité des affaires, tant sous l’angle judiciaire que la conduite de pourparlers.
Elle est également responsable de la Commission ouverte AFRIQUE/OHADA du Barreau de
Paris, Arbitre près la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA, dont le siège est à
Abidjan.
Enfin, sa présence pendant l’année 2009 en République Démocratique du Congo lui confère
un regard particulier sur ce grand pays.

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INEADEC, Journée d’Etude : L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du


Droit des Affaires (OHADA) de sa création à l’adhésion de la République Démocratique
du Congo – Mars 2010 – article 1.

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