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OHADA
A l’intention des Etudiants de L1 Droit (LMD)
L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, constitue à l’heure actuelle un
modèle original d’intégration juridique en Afrique. Elle a été instituée par la signature à Port-Louis le 17 octobre
1993 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique. Ce traité a été révisé par la suite le 17
octobre 2008.
L’OHADA est aujourd’hui un espace géographique doté d’institutions fortes et d’un cadre législatif
unifié dans les domaines du droit des sociétés, du statut
juridique des commerçants, du recouvrement des créances, des sûretés et des voies d’exécution, du
redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, du droit de l’arbitrage,
du droit du travail, du droit comptable, du droit de la vente et
des transports, et dans toute autre matière que le Conseil des Ministres décideraient à l’unanimité d’inclure.2
A ce jour, 17 Etats sont membres de l’organisation : le Bénin, le Burkina-Faso, le Cameroun, la
1
Cfr Article 1er du Traité de l’OHADA tel que révisé à ce jour
2
L’article 2 du traite de l’OHADA donne d’une manière non limitative les domaines d’intervention de l’OHADA en ce qui concerne
l’élaboration des actes uniformes.
L’harmonisation du droit des affaires en Afrique étant une question d’importance nationale et
régionale, son étude est d’un grand intérêt. Dans le cadre de cette introduction, nous nous limiterons à en
présenter les institutions (Chapitre premier), les actes uniformes (Chapitre deuxième) et quelques aspects
techniques généraux (Chapitre troisième).
Selon les dispositions du Traité révisé les différentes institutions de l’OHADA sont :
- Le Secrétariat Permanent ;
Les dispositions du Traité et des règlements fixent les règles qui déterminent l’organisation de l’OHADA et le
fonctionnement de ses différentes Institutions.
Les sièges des institutions et les personnes responsables chargés de les diriger et les membres de la CCJA
ont été prévus par les « Arrangements » de N’Djamena à titre transitoire afin de permettre le démarrage
effectif des activités de l’organisation.
Il faut souligner que ces « Arrangements » avaient fait l’objet de vives critiques de la part certains Etats
Parties relativement à son caractère non équitable à leur égard.
Ainsi, par la déclaration de Québec du 17 octobre 2008, les Chefs d’Etat et de Gouvernement mettaient fin
aux Arrangements et le retour aux dispositions du Traité originel s’agissant du recrutement du personnel
chargé d’animer les Institutions de l’OHADA.
Le «Traité de Port-Louis» n’avait pas prévu la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement,
après quelques années de fonctionnement de l’OHADA la nécessité d’une telle institution est apparue car
s’agissant de la révision du Traité seule cette structure est compétente et les grandes orientations de
l’organisation sont définies par celle-ci. Aussi son absence avait beaucoup handicapé le bon fonctionnement
de l’organisation.
Ce vide a été fort heureusement comblé par le Traité portant révision du traité de « Port-Louis » en
prévoyant cette institution.
L’article 27 dudit Traité dispose que «la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement est composée
des Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats Parties… ».
1. La composition et le fonctionnement
3
Ce chapitre est inspiré de la présentation de GREMA ARI LAWAN OUMARA, Magistrat, Directeur des Etudes Législatives, des
Réformes et de l’Intégration au Ministère de la Justice, et Président de la Commission Nationale de l’OHADA au Niger
Le Conseil des Ministres de l’OHADA, contrairement à celui des autres organisations multinationales
est original de par sa composition et ses attributions.
1. La composition du Conseil des Ministres
Selon l’article 27 du Traité révisé, le Conseil des Ministres est composé des Ministres chargés de la
Justice et des Finances des Etats Parties.
Il faut remarquer qu’il s’agit là d’une composition originale car en général les Conseils des
Ministres des organisations similaires sont composés des Ministres d’un même département. Cette
composition particulière peut s’expliquer par un certain nombre de raisons à savoir :
- Il s’agit des matières judicaires d’une part et que l’idée de l’harmonisation des règles juridiques venait
des Ministres de la Justice et reprise par les Ministres des Finances ;
- il faudrait responsabiliser les Ministres des Finances quant au devenir de l’OHADA puisque ces derniers
sont le plus souvent réticents pour débloquer les crédits pour les contributions. Cette situation a été à la
base du fait que bon nombre d’organisation ont cessé d’exister par manque de financement ;
- cette composition peut aussi être révélatrice de la volonté des Chefs d’Etat de faire de l’OHADA
un instrument d’intégration techniquement performant et bien conduit.
La présence du Ministre de la Justice est un gage du respect des normes juridiques pour l’élaboration des
Actes Uniformes, tandis que celle du Ministre des Finances est gage du respect des engagements
La présidence du Conseil des Ministres est exercée à tour de rôle et par ordre alphabétique,
pour une durée d’un an, par chaque Etat Partie. Les Etats adhérents assurent pour la première fois la
présidence du Conseil dans l’ordre de leur adhésion, après le tour des pays signataires du Traité.
Dans le cas où un Etat ne peut pas exercer la présidence du Conseil des Ministres pendant l’année où elle lui
revient, le Conseil désigne, pour exercer cette présidence l’Etat venant immédiatement après, dans l’ordre
prévu par le Traité.
Si, l’Etat précédemment empêché qui estime être en mesure d’assurer la présidence en saisit, en temps utile,
le Secrétaire Permanent, pour décision à prendre par le Conseil des Ministres.
Il faut souligner que le Traité n’a pas prévu lequel des Ministres (justice et Finances) assure la présidence du
Conseil. Mais dans la pratique on a constaté que c’est toujours le Ministre de la Justice qui l’assure.
Le Conseil des Ministres de l’OHADA se réunit au moins une fois par an sur convocation de son président, à
son initiative ou à l’initiative d’un tiers (1/3) des Etats Parties.
L’ordre du jour de la session est arrêté par le président du Conseil sur proposition du Secrétaire Permanent
de l’OHADA.
Le Conseil délibère valablement lorsque les deux tiers (2/3) des Etats Parties sont représentés, chaque Etat
disposant d’une voix et les décisions sont adoptées à la majorité absolue des Etats présents et votants. Par
contre les décisions relatives à l’adoption des Actes Uniformes sont prises à l’unanimité des Etats présents et
votants.
Selon l’article 4 du Traité révisé, « des règlements pour l’application du présent Traité et des
décisions sont pris, chaque fois que de besoin par le Conseil des Ministres ».
Le Conseil est compétent pour :
a. adopter et modifier les Actes Uniformes ;
b. déterminer le domaine du droit des affaires ;
c. adopter le budget des Institutions ;
d. approuver les Comptes de l’Organisation ;
e. nommer le Secrétaire permanent et le Directeur Général de l’ERSUMA ;
I I. LE SECRETARIAT PERMANENT
Le Traité originaire rattachait le Secrétariat permanent au Conseil des Ministres en prévoyant que
celui-ci est assisté d’un Secrétariat permanent (art. 3). Le traité révisé en fait une institution à part entière en le
citant comme tel. Le Secrétariat Permanent est l’organe exécutif de l’OHADA. Son siège a été fixé par les «
Arrangements » de N’Djamena à Yaoundé au Cameroun. L’accord de siège a été signé le 30 juillet 1997,
entre le Gouvernement du Cameroun et l’Organisation.
Le Secrétariat Permanent est dirigé par un Secrétaire Permanent nommé par le Conseil des
Ministres pour un mandat de quatre (4) ans renouvelables une fois. Le Secrétaire Permanent est assisté par
trois (3) directeurs :
Ceux-ci sont nommés par le Secrétaire Permanent dans les conditions prévues par l’article 40 alinéa 2
du Traité.
C’est l’article 3 du Traité de « Port-Louis » qui prévoit la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Il
dispose que « la réalisation des tâches prévues au présent Traité est assurée par une organisation
dénommée Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires comprenant un Conseil des
Ministres et une Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ».
1. La composition de la CCJA
Selon l’article 31 du Traité révisé la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage est composée de neuf
(9) juges, toutefois le Conseil des Ministres peut, compte tenu des nécessités de service et des possibilités
financières, fixer un nombre de juges supérieur à celui prévu par le Traité. Les Juges sont élus pour un
mandat de sept (7) ans non renouvelable parmi les ressortissants des Etats Parties. Comparativement au
traité originaire, le nombre des juges est passé de 7 à 9. Une autre nouveauté est que le tiers des
membres de la Cour doit être des avocats inscrits au Barreau de l’un des Etats parties ou des professeurs
de droit remplissant, dans les deux cas, la condition d’ancienneté d’au moins quinze années d’expérience
professionnelle.
L’article 14 alinéa1 du Traité révisé dispose que la CCJA « assure l’interprétation et l’application
communes du Traité ainsi que des règlements pris pour son application, des Actes uniformes et des
décisions ».
La Cour est investie de pouvoirs juridictionnels et consultatifs et intervient dans les procédures
d’arbitrage.
Les fonctions contentieuses : La CCJA est juge de Cassation pour tous les différends relatifs au droit
uniforme. Elle est saisie par voie de recours en cassation des arrêts d’appel des juridictions nationales à
l’exception des décisions prononçant des sanctions pénales. Elle peut être saisie soit directement par une des
parties au litige, soit sur renvoi d’une juridiction nationale. En cas de cassation, la CCJA évoque et statue sur
le fond. Cela évite les lenteurs que provoquent les renvois ainsi que la tentation de résistance des juridictions
du fond. Les pourvois en cassation sont portés devant la CCJA par l’une des parties ou sur renvoi d’une
- donner un avis sur les projets d’Actes Uniformes avant leur présentation au Conseil des Ministres ;
- interpréter le Traité, les Règlements pris pour son application et les Actes Uniformes ;
- rendre des avis consultatifs à la demande des Etats, du Conseil des Ministres ou des
juridictions nationales.
C’est le Traité de Port-Louis qui prévoit les fonctions d’arbitrage de la Cour dans son préambule. Il
ressort que les Etats signataires sont désireux de promouvoir l’arbitrage comme instrument de règlement des
différends contractuels.
La CCJA n’ayant pas le monopole de l’arbitrage, il faut distinguer selon qu’il s’agit d’une procédure d’arbitrage
institutionnel ou d’une procédure d’arbitrage ad’ hoc. Il revient alors aux parties, au moment de la rédaction de
la clause compromissoire, de choisir l’une ou l’autre procédure.
La CCJA intervient en matière d’arbitrage en tant qu’un centre d’arbitrage. Elle ne tranche pas elle-même les
différends mais nomme ou confirme les arbitres. Elle est informée du déroulement des instances et examine
les projets de sentences conformément à l’article 24 du traité.
1. Composition
L’école est dirigée par un Directeur Général nommé par le Conseil des Ministres pour un Mandat de quatre (4)
ans renouvelables une fois.
Son siège a été fixé à Porto Novo (bénin) par les « Arrangements » de N’Djamena. La raison de la création
de l’Ecole, c’est pour remédier au faible niveau de spécialisation des Magistrats, ainsi qu’à l’absence de
système de formation continue et l’insuffisance de formation juridique des différents acteurs.
Les organes de l’ERSUMA sont : le Conseil des Ministres, le Conseil d’Administration, le Conseil d’Etablissement et
- assurer, selon les modalités prévues par les statuts, la formation des magistrats, des auxiliaires et
fonctionnaires de justice des états membres ;
- œuvrer, en liaison avec la cour commune de justice et d'arbitrage et les hautes juridictions des états
membres, a une harmonisation de la jurisprudence et du droit, principalement dans toutes matières relevant du
traité ;
- accomplir toute mission qui pourrait lui être assignée par le conseil des ministres de l’OHADA ou par le conseil
d'administration.
Il convient de rappeler que le Traité a été révisé le 17 octobre 2008 à Québec au Canada.
Concernant les actes uniformes dont l’adoption et la correcte application constituent la finalité
majeure de l’OHADA, l’on relève huit actes uniformes adoptés entre 1997 et 2003. Ce sont :
- d’abord, trois actes adoptés à Cotonou le 17 avril 1997, à savoir l’Acte uniforme relatif au
droit commercial général (AUDCG), l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique (AUDSCGIE) révisé le 30 janvier 2014 et publié au journal officiel numéro
spécial du 4 février 2014 et l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) ; l’AUDCG et l’AUS ont été
révisés le 15 décembre 2010 à Lomé ;
- ensuite, deux actes adoptés à Libreville le 10 avril 1998, à savoir l’Acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) et l’Acte
4
L’essentiel de ce chapitre est inspiré du cours d’Introduction au Droit OHADA, préparé et dispensé par le Professeur R. MULENDEVU
MUKOKOBYA année académique 2016-2017).
Une distinction peut être faite entre les anciens actes uniformes, même révisés, et le nouvel acte
uniforme.
a) L’AUDCG
Dans sa version non révisée, l’AUDCG traite, dans ses 289 articles de questions variées intéressant
b) L’AUDSC
C’est l’acte uniforme le plus long avec 920 articles31. Il a été révisé le 30 janvier 2014 et publié au
journal officiel le 4 février 2014.
Formellement, si l’on néglige le chapitre préliminaire comprenant trois articles qui traitent du champ
d’application personnel et temporel de l’Acte uniforme et du caractère d’ordre public de ses dispositions,
l’AUDSC comprend quatre parties, chacune des parties étant subdivisée, suivant les besoins, en livres, titres,
sous-titres, chapitres, sections, sous-sections et paragraphes. Ainsi, la partie 1 traite des « dispositions
générales sur la société commerciale », la partie 2 traite des « dispositions particulières aux sociétés
commerciales », la partie 3 est relative aux « dispositions pénales », et la partie 4 aux « dispositions finales et
transitoires ».
Si l’on exclut les dispositions pénales, qui pour l’essentiel retiennent des solutions qui étaient en grande partie
généralement acquises mais éparses, et les dispositions finales et transitoires qui, avec la fin de l’année 1999,
ont perdu de leur importance ou de leur intérêt, l’on s’aperçoit que l’Acte Uniforme consacre avec netteté :
- l’autonomie et l’indépendance ;
Toute discrimination fondée sur le sexe ou sur l’appartenance ethnique, religieuse ou politique est
interdite (article 6).
Dans le même sens, l’article 102 prévoit que chaque coopérateur dispose d'une voix quelle que soit
l’importance de sa participation au capital de la société coopérative.
Relativement à sa structuration, l’Acte comprend un chapitre préliminaire, puis quatre parties dont les
plus importantes sont les deux premières.
Le chapitre préliminaire (art. 1 à 3) est relatif au champ d’application de l’AUDSCOOP. Il déclare l’acte
uniforme applicable à toute société coopérative, toute union ou fédération, voire confédération, de sociétés
coopératives, dont le siège social est situé sur le territoire de l'un des Etats Parties au Traité de l’OHADA,
même si la société coopérative exerce une activité commerciale. Il déclare ses dispositions d’ordre public
sauf exception mais ajoute que les sociétés coopératives qui ont pour objet l’exercice d’activités bancaires
ou financières demeurent soumises aux dispositions du droit interne ou communautaire relatives à l’exercice
de ces activités.
La partie I sur les dispositions générales sur la société coopérative (art. 4 à 203) aborde, en huit
titres, la constitution et le fonctionnement de la société coopérative, l’action en responsabilité civile contre les
dirigeants de la société coopérative, les liens de droit entre les sociétés coopératives, la transformation de la
société coopérative, les fusions et scissions ainsi que la dissolution et la liquidation des sociétés coopératives
et, enfin, la nullité de la société coopérative et des actes sociaux.
La partie I , à l’image de l’AUDSC, traite des dispositions particulières aux différentes catégories de
sociétés coopératives (art. 204 à 385) qui sont la société coopérative simplifiée et la société coopérative
La partie I I sur les dispositions pénales est très brève. En deux articles (art. 386 et 387), il incrimine
l’usage abusif de l’appellation société coopérative… et déclare les 886 à 905 de l’AUDSC, articles qui traitent
des infractions pénales dans le cadre des sociétés commerciales, applicables aux sociétés coopératives.
La partie IV (art. 388 à 397) relative aux dispositions diverses, transitoires et finales aborde, entre
autres, la mise en harmonie des statuts avec l’AU dans un délai de deux ans à compter de son entrée en
vigueur, l’abrogation des dispositions légales contraires et son applicabilité dans un délai de 90 jours à
compter de la date de sa publication au journal officiel de l’OHADA. Cette publication étant intervenue le 15
février 2011, l’AUDSCOOP est applicable depuis le 15 mai 2011.
B. Les opérations
Deux actes concernent respectivement une opération commerciale, le transport de marchandises, et
la technique d’enregistrement des opérations du monde des affaires, la comptabilité.
a. L’opération de circulation physique des biens : l’AUCTMR
C’est l’acte uniforme le moins volumineux en nombre d’articles : 31 articles contre 36 pour l’Acte
uniforme relatif au droit de l’arbitrage, tous les autres actes uniformes comportant plus d’une centaine
d’articles. Il ne traite que du transport de marchandises par route en sept chapitres : champ d’application et
définitions ; contrat et document de transport ; exécution du contrat de transport ; responsabilité du
transporteur ; contentieux ; dispositions diverses ; dispositions transitoires et finales.
L’Acte ne traite pas des autres modes de transport (ferroviaire, air, mer) mais sur l’un des aspects, il
est large puisqu’il intéresse bien aussi bien les transports internes que les transports internationaux, pourvu
que le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués
au contrat, soient situés soit sur le territoire d’un Etat membre de l’OHADA, soit sur le territoire de deux Etats
dont l’un au moins est membre de l’OHADA. L’Acte paraît restrictif en limitant son objet au transport routier
avec en plus de nombreuses exclusions comme les transports de marchandises dangereuses, les transports
funéraires, les transports de déménagement ou les transports effectués en vertu de conventions postales
internationales. Certaines de ces exclusions sont discutables. Il en est ainsi également d’autres options ou
règles de l’AUCTMR mais l’on peut penser que l’AUCTMR sera d’un apport positif en ce qu’il précise les
conditions de formation du contrat, les obligations des parties et surtout la responsabilité des transporteurs. Et
cela, même si l’on peut d’ores et déjà penser à l’harmonisation souhaitable des autres domaines du droit des
transports ou à des améliorations à apporter au texte de l’AUCTMR.
Le droit applicable avant l’AUCTMR était variable suivant les Etats et les zones géographiques (Afrique de
l’Ouest, Afrique centrale). Les sources d’inspiration sont, selon le professeur Dorothé C. Sossa, la Convention
2. Les actes uniformes relatifs au Règlement des litiges et recouvrement des créances
Ce sont l’AUS, l’AUPSRVE, l’AUDA, l’AUM et l’AUPCAP. La plupart de ces actes uniformes concernent la
prévention et le règlement des litiges tandis que le dernier est relatif à la prévention et au traitement des
difficultés des entreprises.
- le droit de rétention qui devient une sûreté complète avec la possibilité de réalisation forcée.
Enfin, il y a la sûreté réelle immobilière qu’est l’hypothèque, classiquement considérée comme la reine des
sûretés du fait du droit de suite et du droit de préférence qui lui sont attachés.
La révision a entrainé le changement de numérotation des articles dont le nombre passe de 151 à
228. Un titre préliminaire traite des définitions et du domaine d’application des sûretés ainsi que de l’agent des
sûretés qui est un professionnel de la gestion des sûretés d’autrui et qui constitue une innovation fondamentale
du nouvel acte uniforme (art. 5 à 11). Les autres titres sont les mêmes que ceux de l’Acte non révisé : ils
abordent les sûretés personnelles, les sûretés mobilières, les hypothèques, la distribution et le classement des
sûretés et, enfin, les dispositions finales. Aucune modification substantielle n’a été apportée relativement aux
sûretés personnelles. Néanmoins, dans l’ensemble, les innovations sont nombreuses. Ce sont, outre l’agent
des sûretés, la définition nouvelle de la sûreté, la notion de débiteur professionnel, la distinction entre le gage
et le nantissement fondée sur le fait que le gage porte sur des meubles corporels et le nantissement sur des
meubles incorporels, la propriété retenue ou cédée à titre de garantie (réserve de propriété et fiducie), la
réglementation de la publication des sûretés par l’AUS (art. 50 à 66)…
1°) L’AUPSRVE
C’est le deuxième acte le plus long avec ses 338 articles. Il traite des procédures simplifiées de
recouvrement que sont l’injonction de payer et l’injonction de délivrer ou de restituer (art. 1 à 27), qui visent
deux objectifs :
octobre 1993, relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, fait état dans ses considérants du désir
des Hautes parties contractantes « de promouvoir l'arbitrage comme instrument de règlement des
différends contractuels ».
Le droit OHADA de l’arbitrage réside principalement dans l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage
dont l’article 35 proclame solennellement que « le présent acte uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage
dans les Etats parties ». Il contient un ensemble de règles traitant de manière conforme à l’évolution de
l’arbitrage sur le plan international de son champ d’application et spécialement de la convention d’arbitrage
(chapitre 1), de la composition du tribunal arbitral (chapitre 2) dont la saisine ouvre l'instance arbitrale (chapitre
3) devant aboutir au prononcé d'une sentence arbitrale (chapitre 4) ouvrant droit, le cas échéant, à l'exercice
de voies de recours (chapitre 5) et pouvant faire l'objet d'une reconnaissance et d'une exécution forcée à la
suite d'une procédure d'exequatur (chapitre 6). Ainsi, « la structure de la loi (AUDA) est celle du déroulement
5
Article premier du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, fait à Port-Louis, le 17 octobre 1993, et modifié par
le Traité de Québec du 17 octobre 2008.
Il est réalisé par les procédures collectives de redressement judiciaire (RJ) et de liquidation des biens
(LB) qui ne s’ouvrent qu’après la cessation des paiements. Ces procédures poursuivent, soit le sauvetage de
l'entreprise s’il est présenté dans les délais une proposition de concordat sérieux, soit la liquidation de celle-ci,
avec un rôle important pour le syndic et le juge- commissaire dans les deux procédures ainsi que pour le
débiteur dans le RJ. Les solutions de ces procédures sont le concordat soumis au vote des créanciers, la
clôture pour extinction du passif, l’union et la clôture pour défaut d’intérêt de la masse. Les créanciers
impayés recouvrent leurs droits de poursuites individuelles contre le débiteur.
Le dispositif prévu, qui prend en compte l’urgence qui caractérise la matière, paraît cohérent et peut
permettre d’atteindre les objectifs de sauvetage de l’entreprise, de paiement des créanciers et de punition
des débiteurs ou dirigeants fautifs, surtout si les règles y afférentes sont bien connues et appliquées, en
Après cet aperçu du contenu des actes uniformes, il paraît utile d’évoquer les problèmes
techniques généraux qu’ils soulèvent.
Quel que soit le contenu matériel des différents Actes uniformes, qu’il s’agisse de ceux déjà adoptés ou de
ceux qui le seront par la suite, leur élaboration répond à une même finalité, à savoir l’adoption des règles
communes.
La nature exacte de ces règles communes n’est pas aisée à dégager. Le Traité, dans son intitulé et son article
premier, parle d’harmonisation. Mais les instruments de mise en œuvre de cette «harmonisation» sont qualifiés
d’« Actes uniformes » par l’article 5 du Traité ; ce qui peut renvoyer à l’idée d’une uniformisation voire d’une
unification. La lecture des Actes uniformes édifie peu à cet égard.
La question est par ailleurs délicate à cause des tempéraments posés par le Traité OHADA lui-même à
l’abrogation des droits nationaux.
L’on pourrait bien soutenir l’idée d’harmonisation. Dans celle-ci, on cherche à coordonner des systèmes
juridiques différents ou à respecter la sensibilité essentielle d’une législation donnée ; on réduit les différences
pour atteindre des objectifs communautaires. Or, ce n’est pas le cas pour l’OHADA qui, sur les points
concernés, recherche une réglementation unique, identique en tous points pour tous les États parties
Reste alors à s’interroger sur l’uniformisation et l’unification. M. Joseph ISSA-SAYEGH penche pour
l’uniformisation, définie « comme une méthode plus radicale de l’intégration juridique puisqu’elle consiste à
effacer les différences entre les législations nationales en leur substituant un texte unique, rédigé en des termes
identiques pour tous les États concernés» (Issa-Sayegh, (J), Quelques aspects techniques de l’intégration
juridique : l’exemple des actes uniformes de l’OHADA, Revue de droit uniforme, 1999, p. 6). Dans le même sens,
on peut citer M. Paul-Gérard Pougoué (Pougoué, (P. G.), OHADA, instrument d’intégration juridique,
Revue africaine des sciences juridiques, vol. I , n° 2, 2001, p. 12). L’unité et l’identité de la réglementation justifient
la qualification d’uniformisation du droit.
C’est bien ce qui se passe dans le cas de l’OHADA qui adopte le principe de la supranationalité permettant
d’introduire directement des normes dans l’ordre juridique interne des États parties tout en abrogeant les
dispositions contraires du droit interne, antérieures ou postérieures (article 10, Traité de l’OHADA). De
l’uniformisation à l’unification, il n’y a qu’un tout petit pas à effectuer. Mais, il faut le dire, c’est surtout une question
de terminologie.
À cette fin, elle est placée sous « le triple signe du réalisme, du gradualisme et de la concertation ».6 Elle
compte trois phases : la préparation du projet d’acte uniforme, l’adoption de l’acte uniforme, l’entrée en
vigueur de l’acte uniforme.
Les deux premières phases sont organisées par l’article 6 du Traité : « les actes uniformes sont préparés
par le Secrétariat permanent en concertation avec les gouvernements des États parties. Ils sont délibérés et
adoptés par le Conseil des ministres après avis de la Cour commune de justice et d’arbitrage ». En réalité, la
préparation du projet d’acte uniforme est dominée par
un formalisme qui va dans la logique de l’uniformisation attendue : il faut s’assurer que toutes les parties
prenantes participent à l’initiative qui débouchera sur un texte unifié. Aussi, trois organes interviennent
successivement et de façon complémentaire.
L’initiative de l’acte uniforme relève ainsi de la compétence du Secrétariat Permanent.7
L’avant-projet n’est pas réglementé. Dans la pratique, les commissions nationalesLe Secrétariat permanent
est l’organe administratif de l’OHADA. Il assiste le Conseil des ministres. Il est dirigé par un Secrétaire
permanent nommé par le Conseil des ministres pour une durée de quatre ans renouvelable une fois. Il siège à
Yaoundé au Cameroun ) ont été imaginées pour examiner les avant-projets. En fonction de la complexité de
l’avant-projet, le Secrétariat permanent a le loisir d’impartir aux commissions nationales le temps nécessaire
pour étudier ce dernier.
Les différentes contributions sont rassemblées et exploitées par le Secrétaire permanent qui dresse le projet
d’Acte uniforme. Celui-ci est alors soumis aux États parties qui disposent de 90 jours (art. 7) pour présenter
leurs observations et critiques. Depuis
( la révision du traité
le 17 octobre 2008 à Québec, le Secrétaire permanent de l’OHADA peut moduler ce délai en le prorogeant
d’une autre durée de 90 jours en fonction des circonstances
et de la nature du texte à adopter ). Le projet d’Acte uniforme accompagné des observations des États
parties et d’un rapport du Secrétariat permanent, est transmis pour avis par ce dernier à la Cour commune
de justice et d’arbitrage le( s Commissions nationales sont composées
des représentants des professionnels de l’administration, des experts juristes, de comptables. Mise en place
dans chaque pays, leur rôle est d’examiner les avant-projets afin d’éclairer l’État. Une méthode de travail
6
LOHOUES OBLE (J.),L’apparition d’un droit international des affaires en Afrique, RIDC, 3-1999, p. 547
7
Ibidem
Le Secrétariat finalise enfin le texte du projet d’Acte uniforme et propose son inscription à l’ordre du jour du
prochain Conseil des ministres. La troisième phase commence aussitôt. Elle est marquée par l’adoption puis
l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme la( CCJA donne son avis dans un délai de 30 jours à compter de la
réception de la demande
de consultation ). L’adoption relève du seul Conseil des ministres : ce qui exclut du coup les parlements
nationaux. L’option pour l’uniformisation maximum a amené à organiser strictement l’adoption de l’acte
uniforme.
Pour qu’aucun État partie ne soit tenté de le remettre en cause, l’OHADA exige l’unanimité dans l’adoption de
l’Acte uniforme. La question est tranchée par l’article 8 al. 1 du Traité de l’OHADA : « L’adoption des Actes
uniformes (…) requiert l’unanimité des représentants d’États parties présents et votants ». Mais il faut que les
deux tiers au moins des États parties soient représentés (article 8 al. 2). L’abstention ne fait pas obstacle à
l’adoption des actes uniformes (article 3). Partant du quorum fixé par l’article 8 al. 2, on peut s’étonner que la
majorité des deux tiers ne soit pas retenue l’ensemble des États participants. Il ne faudrait
pas que l’aspect consensuel de l’accord soit trop relativisé. Un seul vote défavorable suffit pour faire échec à
l’adoption d’un projet d’acte uniforme. Il y a là une espèce de droit de veto dont bénéficie chaque État partie.
L’unanimité consolide à la fois cet aspect consensuel et le caractère multilatéral des actes, partant le champ
géographique et l’espace juridique de l’uniformisation recherchée. Les actes uniformes ont la prétention d’être
complets et adaptés aux besoins des États concernés.
L’espace OHADA apparaît, pourrait-on dire, comme une confédération de droits : l’acte uniforme est la loi
nationale de chacun des États parties. Dans une telle logique, la technique du consensus s’impose. Cela étant,
l’adoption à l’unanimité peut présenter des inconvénients en termes de blocage. Peut-être aurait-il été plus
commode de retenir une majorité qualifiée.
Une fois l’acte adopté, il entre en vigueur dans les quatre-vingt-dix jours sauf modalités particulières prévues
par l’acte uniforme lui-même. Il est opposable trente jours francs après sa publication au journal officiel de
l’OHADA. Il faut préciser que la seule formalité de publication qui emporte des effets juridiques est la publication
au Journal Officiel de l’OHADA ; la publication dans et par les États parties n’a aucune incidence juridique,
concourant seulement à la vulgarisation des textes OHADA art.
( 9 Traité OHADA ).
L’article 1er du Traité renchérit que le Traité a pour objet, «l’harmonisation du droit des affaires dans les États
parties (…) ». L’article 10 du Traité précise que «les actes uniformes sont directement applicables et obligations
dans les États parties… ».
On déduit de ces textes que tout acte uniforme tient lieu de droit positif pour tous les États parties au Traité de
l’OHADA.8
La question peut ensuite inviter à savoir si le champ d’application des actes uniformes est national,
transfrontalier ou international.9 Si les actes uniformes s’appliquent sans aucun doute aux rapports juridiques
internes, s’appliquent-ils aussi aux rapports dont les éléments sont répartis entre États membres, entre un État
membre et un État tiers et entre États tiers ?
La réponse est délicate, car en jeu le principe de l’effet relatif des traités. On ne trouve ni dans le Traité ni
dans les différents Règlements de l’OHADA des éléments explicites de réponse. La lecture des actes uniformes
est contrastée. Alors que certains actes ont nettement
déterminé leur champ d’application spatial acte
( uniforme relatif au droit commercial général ; acte uniforme
relatif au droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique ; acte uniforme relatif aux
8
en
( ce sens, Sawadogo, (F.M.), OHADA Droit des entreprises en difficulté, Bruxelles, Bruylant, collection droit
uniforme africain, 2002, p. 19, n° 28 ; Anoukaha, (F) et Alü, OHADA Sûretés, Bruxelles, Bruylant, collection droit
uniforme africain,
2002, p. 4, n° 7 ; Issa-Sayegh, (J), Quelques aspects techniques de l’intégration juridique : l’exemple des actes
uniformes de l’OHADA, Revue de droit uniforme, 1999, n° 1, p. 18 ).
9
POUGOUE, (P. G.) et KALIEU ELONGO, (Y),Introduction critique à l’OHADA, Yaoundé, PUA, 2008, p. 120, n° 95 ).
Il n’est point besoin de recourir aux règles des conflits de lois du for pour la désignation des actes uniformes
qui seraient applicables à un rapport juridique donné.
En l’absence de règles d’applicabilité de l’acte uniforme, l’on pourrait se référer à la théorie générale du droit
des traités. Alors on pourrait considérer d’une part que le champ d’application de l’acte uniforme est général
puisqu’il remplace purement et simplement,
en présence d’élément d’extranéité, le droit interne et d’autre part que les règles de droit international privé
du for serviront à désigner les cas dans lesquels l’acte uniforme doit être applicable .
Mais, il faut relever tout de suite, l’inconvénient majeur de cette solution qui aboutit en réalité à une application
sélective suivant les États. Malgré ce double régime apparent, il semble que
l’on peut soutenir l’idée d’une unité de régime juridique des actes uniformes qui est la solution préconisée par
quelques actes uniformes privilégiant le critère du lien avec au moins un État membre de l’OHADA.
En effet, la technique de l’uniformisation ou unification du droit des affaires invite à cette conclusion. C’est bien
l’esprit de l’espace fortement intégré de l’OHADA qui est sur la voie de la constitution d’un véritable ordre
juridique.
Cette manière d’aborder la question va du reste dans le sens de la solution recommandée par la Résolution
de l’Institut de droit international sur «Le champ d’application des règles de conflits ou de droit matériel
uniforme prévues par des traités ». En effet, selon l’article 5, ali 2
de cette Résolution «Les traités contenant des règles de droit matériel doivent limiter l’application de ce droit
aux situations ayant un lien significatif avec au moins
l’État contractant… » Voir,
( Institut de droit international, Annuaire, vol. 59, Tome I , Session de Dijon, 1981, p. 256 ).
En souscrivant au Traité de l’OHADA, les États parties ont consenti une importante délégation à l’OHADA qui
soustrait aux parlements nationaux et organes exécutifs nationaux leurs pouvoirs, législatif et réglementaire,
dans les domaines concernés.
L’effet immédiat de l’article 10 est renforcé par les dispositions de l’article 9 du Traité. Cet article bouleverse
les règles traditionnelles de mise en vigueur des lois en enlevant ainsi aux organes exécutifs nationaux leur
pouvoir de promulgation : aucun acte (décret d’application
par exemple) n’est nécessaire pour la mise en vigueur des actes uniformes. C’est vrai que l’article 9 in fine
dispose que les actes uniformes sont également publiés au Journal Officiel des États parties ou par tout autre
moyen approprié. Mais il faut le dire, si une telle publication est
utile pour une meilleure lisibilité des actes uniformes, elle n’est pas nécessaire à leur mise en force en
application.
Celle-ci dépend uniquement de la publication dans le Journal Officiel de l’OHADA. Il n’y a qu’avantage que soient
ainsi évitées des dérives et distorsions entre les lois nationales issues d’une même norme indicative et entre les
textes réglementaires nationaux d’application
d’une norme internationale de portée générale.
L’applicabilité immédiate bénéficie également aux règlements et décisions pris par le Conseil des ministres de
l’OHADA (article 4 du Traité de l’OHADA tel que modifié par le Traité de Québec).
L’applicabilité immédiate, plus techniquement, signifie que les textes visés sont opposables dans les différents
États parties à partir du moment où ils ont rempli les conditions de leur entrée en vigueur au plan de l’OHADA.
L’applicabilité immédiate est une illustration du droit des espaces fortement intégrés par rapport au droit
international. Par principe, le droit international ne règle pas lui-même les conditions de sa réception dans
l’ordre juridique. Il revient à chaque État de régler le problème selon ses propres règles constitutionnelles. En
dehors de l’OHADA, on trouve le principe de
l’applicabilité immédiate dans d’autres espaces intégrés : UEMOA, CEDEAO, CEMAC. L’applicabilité immédiate
Comme le droit OHADA est un droit d’uniformisation ou d’unification, la relation entre l’effet direct des actes
uniformes et la compétence de la CCJA sur l’application et l’interprétation des normes de ceux-ci montre que
l’OHADA est déjà sur la voie de la constitution d’un véritable ordre juridique (voir entrée OHADA).
3. Principe de la primauté
Le principe de primauté des actes uniformes découle nettement de l’article 10 du Traité de l’OHADA selon lequel
«les actes uniformes sont (… ) applicables et obligatoires dans les États parties nonobstant toute disposition
contraire de droit interne, antérieure ou postérieure». La Cour commune de justice et d’arbitrage, dans un
avis rendu le 30 avril 2001, a en l’occasion de se prononcer sur le sens de cet article, singulièrement sur la
règle de supranationalité qu’il recèle : «L’article 10 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires
contient une règle de supranationalité parce qu’il prévoit l’application directe et obligatoire dans les États
parties des actes uniformes et institue, par ailleurs, leur suprématie sur les dispositions de droit interne
antérieures et postérieures». (CCJA, avis n° 001/2001/EP, ohada.com, Ohadata D.04-12, p. 19 et s. obs. J. Issa-
Sayegh).
La véritable question concerne la primauté. Peut-on aller jusqu’à soutenir une supranationalité. On peut
seulement regretter que la CCJA, dans son avis du 30 avril précité, se soit contentée d’une formule générale
En Europe, la CJCE dans l’arrêt Internationale Handelsgesellschaft du 17 décembre 1970 lève toute équivoque
en affirmant que : « l’invocation d’atteintes portées, soit aux droits fondamentaux tels qu’ils sont formulés parla
Constitution d’un État membre, soit aux principes d’une structure constitutionnelle nationale, ne saurait affecter la
validité d’un acte de la communauté ou son effet sur le territoire de cet État ».10
La Cour affirmait de la sorte la règle de communauté selon laquelle les «dispositions constitutionnelles internes
ne sauraient où être utilisées pour mettre en échec le droit communautaire » (Ondoua (A), Étude des rapports
entre le droit communautaire et la
Constitution en France L’ordre juridique constitutionnel comme guide au renforcement de l’intégration
européenne Thèse),
( l’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2001, p. 129 ).
La primauté des actes uniformes sur l’ensemble du droit interne devrait être affirmée. Aucun État partie à
l’OHADA ne pourrait invoquer les dispositions mêmes constitutionnelles de son droit interne, pour justifier la non-
exécution des actes uniformes. Cette primauté trouve son fondement dans l’uniformisation du droit recherchée.
Elle est une exigence vitale ; sans elle, l’œuvre unification entreprise par l’OHADA est sans lendemain.
L’aspiration à l’unification du droit dans un espace intégré comme l’OHADA peut dès lors être considérée
comme un principe général de droit constitutionnel. Sur le plan formel, c’est la conséquence logique de la
ratification du Traité qui, tout en créant l’espace intégré, pose le principe de la primauté. C’est bien le cas de
l’OHADA dont le Traité fondateur soumis à ratification pose le principe de la primauté des actes uniformes en
son article 10 voir
( entrée OHADA ).
4. Effet abrogatoire
L’effet abrogatoire de l’acte uniforme s’inscrit dans le prolongement de la supranationalité de ce dernier au
sens de l’article 10 du Traité de l’OHADA. En effet, au terme de cet article 10 in fine, les actes uniformes sont
obligatoires nonobstant toutes dispositions contraires de droit interne.
Aff.
( 11/70, Rec., p. 1125. V. aussi Masclet (J.-C.), Les grands arrêts de droit communautaire, Paris, PUF, coll.
10
Certains autres actes uniformes contiennent des dispositions relatives à l’abrogation du droit interne. Mais les
formulations sont variées et contrastées. Parfois la formule consacre l’abrogation des seules dispositions
contraires par
( exemple l’article 919 ali 1, ali 3 de l’acte
uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ), parfois elle
semble se limiter à l’abrogation des seules dispositions antérieures (par exemple, l’article 257 de l’acte
uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif) et l’article 150, ali 1 de l’acte
uniforme portant organisation des sûretés. Parfois aussi la formule consacre le maintien de lois non contraires
des États membres (par exemple, l’article 1 ali 2 de l’acte uniforme relatif au droit commercial général).
La CCJA a heureusement eu assez tôt l’occasion d’apporter un peu de lumière. Dans son avis consultatif n°
001/2001/EP du 30 avril 2001, elle unifie le régime juridique de l’abrogation sur la base de l’article 10 : «En vertu
du principe de supranationalité qu’il consacre, l’article 10 du Traité relatif à l’Harmonisation du droit des affaires
en Afrique qui prévoit l’applicabilité directe et obligatoire des Actes uniformes dans les États parties ,nonobstant
toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure, contient bien une règle relative à
l’abrogation du droit interne par les actes uniformes ».
Plus loin, elle précise : «Sauf dérogations prévues par les Actes uniformes eux-mêmes, l’effet abrogatoire de
l’article 10 du Traité relatif à l’OHADA concerne l’abrogation ou l’interdiction de l’adoption de toute disposition
d’un texte législatif ou règlement de droit interne présent ou à venir ayant le même objet que les dispositions
des actes uniformes et étant contraires à celles-ci ». Il y a lieu d’ajouter que cette abrogation concerne
également les
dispositions de droit interne identiques à celles des actes uniformes. Selon les cas d’espèce, « la disposition »
peut désigner un article d’un texte, un alinéa de cet article ou une phrase de cet article.
Avec cet avis, le régime juridique de l’abrogation est clarifié et unifié : l’article 10 du Traité de l’OHADA
La question rebondit toutefois sur le terrain de l’identification par énumération des textes nationaux abrogés
suite à l’entrée en vigueur de l’acte uniforme. On a proposé, pour résoudre cette difficulté que les États
procèdent systématiquement à la mise en conformité de leur droit interne avec les actes uniformes (en ce
sens, Issa-Sayegh, (J), Réflexions et suggestions sur la mise en conformité du droit interne des États parties
avec les actes uniformes de l’OHADA et réciproquement, ohada.com, Ohadata D.04-12 p. 4). Certains États ont
tenté l’opération (notamment, la Côte d’Ivoire et le Gabon). Mais, il faut le dire, c’est un travail fastidieux et peu
fructueux. Une saine compréhension de l’avis de la CCJA pourrait même suppléer l’absence de mise en
conformité. On peut en effet estimer que selon l’avis de la CCJA, les
dispositions internes aux États contraires ou identiques à l’acte uniforme sont de toute manière dépourvues
d’efficacité juridique. Que ces dispositions ne soient pas formellement abrogées, elles sont réputées non
écrites.
Point n’est nécessaire que l’abrogation soit effective pour que l’acte uniforme s’applique. Cela étant, l’idéal
serait que les États sollicitent l’avis de la CCJA lorsqu’ils envisagent de légiférer dans un domaine où est
intervenu un acte uniforme. Le Mali l’a fait à propos de la compatibilité entre un article d’un projet de loi sur
l’habitat et l’article 39 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et
des voies d’exécution.
La question pourrait aussi rebondir sur le terrain des autres législations communautaires de l’OHADA.
Quel est le sort de celle-ci après l’entrée en vigueur de l’acte uniforme ? Dans les rapports droit OHADA/droit
interne, la règle de la supranationalité de l’article 10 du Traité OHADA produit tous ses effets et fonde le
principe de l’abrogation du droit interne. Mais, comment appréhender les rapports entre l’OHADA et les
communautés régionales de l’espace OHADA telles que, l’UEMOA, la CEDEAO ou la CEMAC ? Si l’on estime que
l’OHADA est une communauté au même sens que celles-ci, alors l’acte uniforme de l’OHADA et les lois de ces
communautés sont de même niveau. Dans ce cas, pour trancher le conflit, la convention de Vienne du 23 mai
1969 sur le droit des traités demande de recourir soit à la maximelex posterior derogat priori , soit à la
maximespecialia generalibus derogat voir
( Brière (C), Les conflits de conventions internationales en droit privé,
LGDJ, Paris, 2001 ). À la faveur de la première maxime, lorsque deux conventions internationales ayant un
degré de généralité identique quant à leur objet soit en conflit, la plus récemment adoptée l’emporte voir
( en
ce sens MM. Bokali Victor Emmanuel, Cossi Sossa Dorothé pour trancher le conflit entre l’acte uniforme relatif
Il est cependant permis de se demander si l’on a affaire à des communautés concurrentes. D’abord, l’OHADA
est fondamentalement un outil technique qui cherche à unifier le droit dans un domaine très largement entendu
pour les besoins des États et des communautés économiques
et monétaires. Dès lors, l’OHADA et les communautés économiques régionales ont des spécificités propres, le
droit spécifique de ces communautés étant, par rapport au droit OHADA, un régime particulier au sens de
l’article 916 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique. Cet
esprit des pères fondateurs invite à une concertation permanente entre l’OHADA et les organisations
régionales économiques et
monétaires. L’intégration juridique maximale recherchée pourrait justifier que l’acte uniforme de l’OHADA
abroge, en ce qui concerne aussi bien les États que les communautés économiques et monétaires qui
regroupent ces États, tous les membres en même temps de l’OHADA,
les dispositions contraires antérieures ou postérieures. Cette analyse est du reste confortée par l’avis n°
002/2003 du 9 avril 2003 de la Chambre judiciaire de la Cour de justice de la CEMAC portant sur le projet
de règlement relatif aux systèmes, moyens et incidents de paiement.
Dans cet avis, le juge de la CEMAC, s’exprimant à propos de l’article 10 du Traité de l’OHADA, indique que
«cette disposition contraignante pour les États concernés
s’applique aux normes primaires et dérivées issues de la CEMAC ». Finalement, si malgré tout, un conflit de
normes surgissait entre les normes OHADA et les normes des
communautés régionales économiques ou monétaires, la primauté devrait être donnée à la norme OHADA, et
le cas échéant, il reviendrait à la CCJA de statuer pour trancher le conflit (sur l’ensemble de la question, voir
entrée « Organisation pour l’harmonisation en Afrique de
droit des affaires »).
Ce cours d’Introduction au Droit OHADA n’est qu’une présentation sommaire visant à donner aux
étudiants une vue globale et panoramique de l’OHADA dans son cadre organisationnel et substantiel. Il serait
donc prétentieux d’estimer avoir touché, dans ces quelques lignes, toutes les questions se rapportant à cette
organisation. Les éléments contenus dans ce cours auront l’importance de préparer l’étudiant à tout autre
enseignement qui portera sur l’OHADA en tant qu’organisation ou sur tout Acte Uniforme résultat de cette
organisation d’intégration juridique.
- Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, fait à Port-Louis, le 17 octobre 1993, et
modifié par le Traité de Québec du 17 octobre 2008.
- Acte uniforme portant sur le droit commercial général du 15 décembre 2010
- Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique du 30
janvier 2014
- Acte uniforme portant organisation des sûretés du 15 décembre 2010
- Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif du 10 septembre
2015
- Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage du 23 novembre 2017
- Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière 26 janvier 2017
- Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution
du 10 avril 1998
- Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route du 22 mars 2003
- Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives du 15 décembre 2010
- Acte uniforme relatif à la médiation du 23 novembre 2017
- LOHOUES OBLE (J.),L’apparition d’un droit international des affaires en Afrique, RIDC, 3-1999
- SAWADOGO, (F.M.),OHADA Droit des entreprises en difficulté, Bruxelles, Bruylant, collection droit uniforme
africain, 2002
- ANOUKAHA, (F)et Alü, OHADA Sûretés, Bruxelles, Bruylant, collection droit uniforme africain, n°7, 2002
- ISSA-SAYEGH,(J), Quelques aspects techniques de l’intégration juridique : l’exemple des actes uniformes
de l’OHADA , Revue de droit uniforme, n° 1, 1999
- POUGOUE, (P. G.) et KALIEU ELONGO, (Y),Introduction critique à l’OHADA , Yaoundé, PUA, n° 95, 2008
- POUGOUE, (P. G.),Encyclopédie du Droit OHADA , Paris, Ed. Lamy, 2011