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1
Ohadata D-23-10

L’EFFERVESCENCE DU DROIT DES MARCHES


FINANCIERS DE LA CEMAC ET DE L’UEMOA A
L’EPREUVE DU DROIT OHADA

NGO NYOBE BAYIHA ESTHER PERONNE


JURISTE FINANCIER- CHERCHEUR, DOCTORANTE EN DROIT PRIVE OPTION
DROIT DES AFFAIRES UNIVERSITE YAOUNDE II-CAMEROUN
estherbayus@gmail.com

Article sélectionné par le conseil scientifique : Association Henri Capitant.

http://www.henricapitant.org

2
RÉSUMÉ
La dynamique actuelle du droit des marchés financiers en général et du droit des
marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA en particulier prend appui sur une base déjà
bien développée à savoir le droit des affaires. Dans la sphère OHADA regroupant les pays de
la CEMAC et de l’UEMOA, le droit matériel des affaires au travers d’une part, des actes
uniformes en général et en particulier de l’acte uniforme du 30 janvier 2014 relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique en particulier et de l’ingénierie
juridique d’autre part, a attisé le feu de la dynamique des marchés financiers de ces deux
communautés économiques régionales conduisant ainsi à leur effervescence au fil de ces
dernières décennies.
ABSTRACT

The current dynamics of financial market law in general and of CEMAC and WAEMU
financial market law in particular is based on an already well-developed business law
foundation. In the OHADA sphere, which includes the CEMAC and WAEMU countries,
substantive business law, on the one hand, through uniform acts in general and, in particular,
through the uniform act of January 30, 2014 on commercial companies and economic interest
groups, and legal engineering, on the other hand, has fanned the flames of the dynamics of the
financial markets of these two regional economic communities, thus leading to their
effervescence over the past few decades.

3
« Il y a fort à parier que le droit OHADA devienne à terme un véritable droit commun »1.
Ces propos du professeur André AKAM AKAM raisonnent fortement dans l’esprit des adeptes
du droit OHADA. Le droit OHADA a su fixer des bases et s’appuyer sur des moyens qui au fil
du temps lui permettront de s’affirmer dans de nouveaux domaines2. Le droit des marchés
financiers est une branche du droit des affaires3. Instituée le 17 octobre 1993 à Port-Louis,
l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) légitime son
droit d’aînesse en référence aux principales communautés économiques régionales présentes en
son sein à savoir l’Union Economique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA) instituée le 10
mars 19944 et la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique Centrale
(CEMAC) institué le 16 mars 19945. L’OHADA a ainsi précédé l’institution de l’UEMOA et
de la CEMAC6 et l’effet « spaghetti »7 caractérisant l’écosystème des organisations régionales
fonde l’appartenance de chacun des Etats membre de l’OHADA à d’autres organisations
régionales (CEMAC8, la CEEAC9 et l’UEMOA10). Les principales organisations régionales
internes de l’OHADA ont développé chacune des politiques économiques sectorielles parmi
lesquelles celles relatives aux marchés financiers. Il s’est ainsi développé au sein de l’OHADA
deux principaux marchés financiers notamment la Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique
Centrale (BVMAC)11 pour la CEMAC et la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières
(BRVM)12 pour l’UEMOA. L’institution de ces bourses s’est faite dans les débuts du droit
OHADA. Cela justifie dans un certain sens l’éviction implicite du droit OHADA dans les règles
gouvernant le marché financier de l’UEMOA tandis que le marché financier de la CEMAC
présentait déjà des prémisses d’emprunt des éléments régulés par le droit OHADA tels que
l’appel public à l’épargne13. Cet état de chose a poussé la doctrine à se camper sur l’apport du
droit des marchés financiers au développement du droit OHADA en général et du droit des
sociétés commerciales en particulier14.

1
A. AKAM AKAM Dir., Les mutations juridiques dans le système OHADA, Paris, l’Harmattan, 2009, p23.
2
L’article 2 in fine du Traité OHADA du 17 octobre 2008 qui dispose : « (…) et toute autre matière que le Conseil
des Ministres, déciderait, à l’unanimité, d’y inclure » démontre l’ambition de l’OHADA de s’étendre à tous les
domaines du droit des affaires y compris le droit des marchés financiers.
3
Tout comme le droit du commerce extérieur Voir Y. KALIEU,2 Tour d’horizon sur les évolutions significatives
de l’univers des affaires en Afrique centrale et au Cameroun, Séminaire international : le code révise des douanes
CEMAC et les nouveaux enjeux commerciaux et douaniers Afrique centrale, Douala du 05 au 07 octobre 2022.
4
Avec la signature du traité de l’UEMOA à Dakar au Sénégal.
5
Avec la signature du traité de la CEMAC à N’Djamena au Tchad et qui est entré en vigueur en juin 1999.
6
Malgré l’intervention des ratifications du traité de l’OHADA après l’institution de la CEMAC et de l’UEMOA.
7
L’effet « spaghetti » pour désigner l’appartenance d’un Etat à plusieurs communautés régionales.
8
Cameroun, Tchad, Congo, Gabon, République Centrafricaine et Guinée Equatoriale.
9
République Démocratique du Congo et les Comores.
10
Bénin, Burkina Faso, Cote d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo
11
Institué par le règlement n°06/03-CEMAC-UMAC de juin 2003 portant organisation, fonctionnement et
surveillance du marché financier de l’Afrique Centrale. La BVMAC a connu une mutation en 2019 avec la fusion
intervenue entre la Douala stocks exchange (marché financier du Cameroun) et la BVMAC (marché financier
régional) ceci par l’Acte Additionnel n° 06/17-CEMAC-COSUMAF-CCE-SE portant unification du marché
financier de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) et mesures
d’accompagnement datant du 17 janvier 2018.
12
La Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) est un marché financier créé le 17 décembre 1993 et
commun à l’ensemble des huit (8) pays de l’Union Economique économique et Monétaire Ouest Africaine
(UEMOA) à savoir : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et
le Togo. Voir D. KEUFFI, La régulation des marchés financiers dans l’espace OHADA, Thèse de droit, Universités
de Strasbourg et de Dschang, 2010, pp33-34.
13
Article 8 du règlement n°06/03-CEMAC-UMAC de juin 2003 portant organisation, fonctionnement et
surveillance du marché financier de l’Afrique Centrale.
14
La majorité des études des marchés financiers de l’espace OHADA était des hymnes à la gloire des marchés
financiers. Voir R. NEMEDEU, Réforme du droit OHADA des sociétés commerciales et développement des

4
Au fil du temps, l’OHADA a peaufiné ses règles et parallèlement de nouveaux
mécanismes, constructions et pratiques se sont développés sur les marchés financiers. La
réforme du droit OHADA notamment du droit de sociétés commerciales intervenue le 30
janvier 2014 a institué de nouveaux mécanismes et constructions qui partent dans le sens des
pratiques des marchés financiers. Les multiples reformes de la réglementation des marchés
financiers de l’espace ont réceptionné la majorité des reformes du droit OHADA.
L’effervescence des marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA est activée par le droit
OHADA.
Ce dernier se voit ainsi être un tremplin dans le développement des marchés financiers
de la CEMAC et de l’UEMOA. Cela se perçoit tant au niveau du régime d’admission (I) qu’au
niveau du régime de fonctionnement (II) des marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA.

I) LE DROIT OHADA COMME UN TREMPLIN AU REGIME


D’ADMISSION AUX MARCHES FINANCIERS DE LA CEMAC
ET DE L’UEMOA

Les règles ou conditions d’admission sur les marchés financiers de l’espace OHADA se
fondent principalement sur les règles formalisées par le droit OHADA. Cet état de chose s’est
renforcé au fil des années de sorte qu’aujourd’hui le droit OHADA est considéré comme un
tremplin au régime d’admission aux marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA. Cela
se manifeste aussi bien au niveau de la forme (A) qu’au niveau du fond (B).

A) Au niveau de la forme
Par forme, ici nous faisons référence au jargon (1) et à la documentation (2) sollicités lors
des admissions aux marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA et moulés par le droit
OHADA.

1. L’utilisation du jargon emprunté au droit OHADA


Il est un fait en épistémologie juridique que la compréhension d’une loi est fonction du
langage utilisé. Dans le domaine du droit des marchés financiers, le jargon est fortement
emprunté au droit des affaires. Pour comprendre une expression utilisée, les acquis du droit des
affaires sont généralement mobilisés. Cet état de chose n’échappe pas à la réglementation des
marchés financiers au sein de l’espace OHADA. Cela est d’autant plus perceptible à la porte
d’entrée des marchés financiers avec notamment les instructions de la CEMAC15 et de
l’UEMOA16 relatives aux conditions d’admission au marché financier. Le jargon employé par
les législateurs communautaire de la CEMAC et de l’UEMOA est fortement emprunté du droit
OHADA. L’on peut à titre d’exemple citer les expressions telles que : actions, obligations, titre

Marchés financiers dans l’espace OHADA, Communications conférence internationale en ligne Thème : « le
développement des marchés financiers africains », 27 avril 2021.
15
Instruction n°1 relative aux conditions d’admission à la BVMAC.
16
Instruction n°1-2022/BRVM/DG du 1er juillet 2022 relative à l’admission à la cote des titres de capital à la
BRVM et l’instruction n°2-2022/BRVM/DG du 1er juillet 2022 relative à l’admission à la cote des titres de
créances à la BRVM.

5
de capital, titre de créance, capital social, fonds propres, chiffres d’affaires, commissaires aux
comptes et suppléants, exercice… Toutes ces expressions sont déroulées par le droit OHADA
notamment l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique et l’acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière. La
documentation sollicitée lors de l’admission aux marchés financiers de la CEMAC et de
l’UEMOA tire sont essence du droit OHADA.

2. L’utilisation de la documentation financière exigée par le droit OHADA


Pour qu’une opération soit analysée de façon optimale, il est nécessaire de fournir la
documentation nécessaire. Les opérations d’admission aux marchés financiers n’échappent pas
à cette règle. Ainsi, de nombreux documents sont sollicités lors de l’opération d’admission.
Parmi les pièces à fournir pour l’admission aux marchés financiers de la CEMAC et de
l’UEMOA, figurent les états financiers certifiés, les statuts, le registre du commerce et du crédit
mobilier, les procès-verbaux des organes délibérants, le rapport de gestion… Tous ces
documents sont prévus par le droit OHADA. En l’absence du travail de chenille opéré par le
droit OHADA il aurait été difficile pour les émetteurs de savoir à quel document il est fait
référence. Au-delà de la forme, il est à relever que le droit OHADA constitue également un
tremplin le régime d’admission aux marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA au fond.

B) Au niveau du fond

Le fond fait référence aux entités (1) et aux titres (2) admissibles sur les marchés financiers
de la CEMAC et de l’UEMOA.

1. Les entités admissibles sur les marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA


Les compartiments des marchés financiers ne sont pas ouverts à toutes les sociétés. Les
sociétés de personnes17 et la SARL n’y sont pas admissibles à la cote. Seules sont admises les
sociétés de capitaux et même dans cette catégorie des divergences existent entre le marché
financier de la CEMAC et celui de l’UEMOA. Tandis que l’instruction n°1 relative aux
conditions d’admission à la BVMAC précise que seules les sociétés par action peuvent être
inscrites à la cote de la Bourse de valeurs dans les deux sous compartiments du compartiment
des actions, l’instruction n°1-2022/BRVM/DG du 1er juillet 2022 relative à l’admission à la
cote des titres de capital à la BRVM précise pour sa part que seules les sociétés anonymes sont
admissibles à la cote de la Bourse Régionale18. La simple utilisation de l’expression société par
action dans la réglementation de la CEMAC laisse planer le doute sur l’admission des sociétés
par actions simplifiées à la BVMAC. Au-delà de cette considération, il est à retenir que toutes
les sociétés émettant des titres de capital (actions) et principalement les sociétés anonymes sont
admises à la cote des bourses régionales de la CEMAC et de l’UEMOA. Le doute peut se poser
sur le compartiment des obligations ou titres de créances lorsqu’il est fait mention des sociétés

17
SNC et SCS.
18
Cela vaut pour tous les compartiments.

6
privées et des personnes morales. L’instruction n°1 relative aux conditions d’admission à la
BVMAC précise comme émetteurs admissibles les sociétés privées, les Etats et les collectivités
publiques. Sur le marché financier de l’UEMOA, l’instruction n°2-2022/BRVM/DG du 1er
juillet 2022 relative à l’admission à la cote des titres de créances à la BRVM précise que les
titres de créances de toute personne morale remplissant les conditions fixées sont admissibles à
la cote de la Bourse régionale dans un compartiment dédié aux titres de créances19. Il ne faut
pas se perdre dans ces expressions car seules les sociétés de capitaux (SA) peuvent émettre des
titres de créances. Par ailleurs, le développement des sociétés anonyme (sociétés par action)
autorisées à émettre des titres négociales est présenté comme un élément essentiel des marchés
financiers20. Par ailleurs, l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique prévoit des dispositions spécifiques aux sociétés anonymes
faisant appel public à l’épargne21. Et tout conflit de loi est évincé avec les dispositions pouvant
régir la bourse des valeurs concernées et l’admission des valeurs mobilières à cette bourse22.
Au-delà de ces précisions, les sociétés pouvant émettre les titres de créances sont réglementées
par le droit OHADA notamment l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et
du groupement d’intérêt économique. Les titres admissibles sont également réglementés par le
droit OHADA.

2. Les titres admissibles sur les marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA


Partant de la définition du marché financier selon laquelle « le marché des titres de
capital ou de créance émis par les entreprises et les administrations pour le financement de leur
investissement »23, l’on comprend d’entrée de jeu que les titres admissibles sont les titres de
capital et les titres de créances. Mais ces titres ne sont pas propres au droit des marchés
financiers. L’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique s’est chargé de définir le régime juridique des titres admissibles sur les
marchés financiers24. Au sens de l’article 744 de cet acte uniforme, les valeurs mobilières
émises par les sociétés anonymes comprennent : les titres de capital et les titres de créances
autres que les titres du marché monétaire. Ces valeurs mobilières quelle que soit leur forme
doivent être inscrites en compte au nom de leur propriétaire25. Les valeurs mobilières peuvent
revêtir la forme de titres au porteur ou de titres nominatifs. Toutefois dans le cadre des
négociations en bourse, les actions doivent être au porteur pour faciliter les opérations de
transmission. L’article 748-1 de l’acte uniforme dispose à cet effet que : « les actions qui ne
sont pas admises aux négociations sur une bourse des valeurs ni aux opérations d’un dépositaire
central revêtent la forme nominative ». Cette précision apportée par la révision de l’acte
uniforme intervenu le 30 janvier 2014 renforce le rôle de tremplin du droit OHADA dans
l’environnement des marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA. Par ailleurs,

19
Même les titres de créance des Etats sont admissibles Voir article 2 de l’instruction.
20
Y. KALIEU et D.E. KEUFFI, « L’émergence des marchés financiers dans l’espace OHADA », Afrilex n°4,
P40.
21
Voir article 823 à 853.
22
Voir article 823 alinéa 1er de l’acte uniforme.
23
F. DIDIER , droit commercial, T.3, le marché financier. Les groupes de sociétés, PUF, Paris, 1993, p.17 cité
par T. BONNEAU et F.DRUMMOND, Droit des marchés financiers, 2ème édition, Economica, Paris, 2005, p7.
24
Régime juridique des titres de capital (actions) voir 748 à 778-15 ; régime juridique des titres de créance
(obligations) article 779 à 821-1 de l’acte uniforme.
25
Voir article 744-1 de l’acte uniforme obligation de dématérialisation des valeurs mobilières.

7
l’émergence des valeurs mobilières composées avec la modification de l’acte uniforme relatif
au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique le 30 janvier 2014
laisse planer un certain doute sur l’admission des valeurs mobilières composées sur les bourses
de valeurs. Le silence de l’acte uniforme et de la réglementation des marchés financiers
n’arrange pas la situation. Mais au-delà de cela, seuls les titres de capital et les titres de créances
réglementés par le droit OHADA sont admis sur les marchés financiers.
Au demeurant, l’expression du droit OHADA dans le régime d’admission aux marchés
financiers de la CEMAC et de l’UEMOA tant sur la forme qu’au fond est non négligeable. Cela
permet de percevoir le droit OHADA comme un tremplin du régime d’admission sur lesdits
marchés financiers. Plus en profondeur, le droit OHADA apparait également comme un
tremplin dans le fonctionnement même des marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA.

II) LE DROIT OHADA COMME UN TREMPLIN DANS LE


FONCTIONNEMENT DES MARCHES FINANCIERS DE LA
CEMAC ET DE L’UEMOA

Dans le cadre du fonctionnement des marchés financiers, le droit OHADA, bien


qu’implicitement mis en mouvement, est présent. Cela est perceptible tant au niveau du régime
juridique des opérations (A) qu’au niveau des mesures de contrôle desdites opérations (B).

A) Le régime juridique des opérations sur les marchés financiers de la CEMAC et de


l’UEMOA construit sur le droit OHADA

La réalisation des opérations sur les marchés financiers est faite grâce à un travail en lame
de fond réalisé par le droit OHADA. Cela est perceptible au travers des opérations réalisées sur
les marchés financiers (1) et du recours à l’ingénierie juridique développée par le droit OHADA
(2).

1. Le droit OHADA comme base des opérations réalisées sur les marchés financiers

Le marché financier est la place où se réalisent différentes opérations parmi lesquelles


l’appel public à l’épargne et les offres publiques26. L’opération d’appel public à l’épargne a été
réglementé par le droit OHADA depuis l’acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique du 17 Avril 1997. La révision intervenue
le 30 janvier 2014 a opéré un renforcement de ce régime juridique. Le législateur
communautaire de la CEMAC a dès l’adoption du règlement portant organisation et

26
C’est le lieu de rencontre entre l’offre et la demande en matière de titres financiers Voir E.P. NGO NYOBE
BAYIHA, Les mécanismes de présences sur une bourse de valeurs mobilières étrangère, Mémoire master en
droit des affaires, Université de Yaoundé II, 2027-2018, p3.

8
fonctionnement de la COSUMAF exposé l’application du droit OHADA dans l’opération
d’appel public à l’épargne. L’article 19 de ce règlement dispose : « Les émetteurs faisant appel
public à l’épargne sont soumis aux dispositions de l’Acte uniforme (OHADA) du 17 avril 1997
relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique et à celles du
présent Règlement Général et de ses textes d’application »27. Le législateur de l’UEMOA
n’expose pas explicitement le recours au droit OHADA mais, la lecture de l’instruction relative
à l’appel public à l’épargne révèle des accointances avec les prescriptions de l’acte uniforme
relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique. Par ailleurs
toutes les sociétés dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur les marchés
financiers de la CEMAC et de l’UEMOA sont réputées pour faire publiquement appel à
l’épargne28. Cela renseigne sur l’essence des opérations des négociations sur les valeurs
mobilières de sociétés cotées sur les marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA29. Le
droit OHADA est ainsi un référent dans le développement des opérations sur les marchés
financiers. Il a également mis son ingénierie juridique au profit de l’animation des marchés
financiers de la CEMAC et de l’UEMOA.

2. Le recours à l’ingénierie juridique du droit OHADA dans l’animation du marché


financier de la CEMAC et de l’UEMOA

L’ingénierie juridique est l’élaboration et la conception d’un dispositif juridique spécifique


permettant la réalisation d’un objectif stratégique global30. La réglementation des sociétés
émettant les titres admis sur les marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA par le droit
OHADA constitue un fleuve où s’abreuvent les acteurs des marchés financiers. Cela se
manifeste aussi bien lors des négociations avec la détermination des cours des titres que lors de
l’animation des marchés financiers avec notamment les offres publiques d’acquisition hostiles.
S’agissant de la fixation des cours, la révision de l’acte uniforme de 2014 a instauré une liberté
dans la détermination de la valeur minimale des titres de capital. C’est cette logique qui guide
la détermination des cours des actions dans les négociations sur les marchés financiers de la
CEMAC et de l’UEMOA. Le cas de l’opération de la société SANCFIS FASO sur le marché
financier de l’UEMOA en est un exemple. La société SANCFIS FASO est une société anonyme
qui a lancé un appel public à l’épargne où le prix d’une action était de 600 Fcfa. Cela démontre
de l’affirmation de la liberté de la détermination de la valeur nominale des actions sachant
qu’avant la révision de 2014 la valeur minimale d’une action lors des souscriptions sur les
marchés financiers était de 10 000 Francs CFA31. Il est ainsi donné la liberté aux émetteurs de
définir librement leurs stratégies juridiques basée sur le prix de l’action et le nombre d’actions
à émettre pour atteindre leur résultat. L’ingénierie juridique se manifeste également dans les
offres publiques d’acquisition hostiles. L’offre publique est une opération dont l’objectif est

27
Le projet du nouveau Règlement garde la même logique. L’article 1114 dispose : « Les émetteurs faisant appel
public à l’épargne sont soumis aux dispositions du Règlement n°01/22/CEMAC/UMAC/CM/COSUMAF du 21
juillet 2022, à celles du présent Règlement général et à celles de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ».
28
Voir article 81 de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commercial.
29
Le marché secondaire.
30
ALIOUAT B. et ROQUILLY Ch., 1996a.
31
La valeur minimale fixé dans l’acte uniforme de 1997 étant de 10 000 Francs CFA ;

9
d’acquérir ou de céder des titres financiers admis aux négociations sur un marché règlementé32.
L’offre publique d’acquisition ou d’achat (OPA) est une opération consistant pour un initiateur
(personne physique ou morale), à indiquer publiquement aux actionnaires d’une société qu’il
est prêt (pendant une période déterminée) à acheter leurs titres à un prix supérieur au cours coté
en bourse en vue de s’assurer le contrôle ou la majorité de la société sans avoir recours à des
achats successifs en bourse ou à une cession directe d’actions.33 L’offre publique d’acquisition
peut être amicale et hostile. Elle est amicale lorsqu’elle résulte d’un processus de négociation
avec les dirigeants de la société visée34. Elle devient hostile lorsque l’offrant ou « raider »
décide de déclencher une offre sans l’accord des dirigeants de la société cible donnant alors à
l’OPA une connotation guerrière35. Dans cette dernière hypothèse, le droit OHADA met à la
disposition de la société cible pour se défendre notamment des mesures préventives telles que
l’aménagement des statuts (liberté dans la rédaction des statuts de la société) et les obligations
des organes de direction ou d’administration. Des mesures offensives organisées par le droit
OHADA existent également notamment le pouvoir de délibération des actionnaires qui peut
conduire la société cible à céder ses titres à une autre société 36. Il est ainsi offert aux sociétés
cotées sur les marchés financiers au sein de l’espace OHADA des moyens de défenses37. La
réglementation du fonctionnement des sociétés anonymes dont les titres sont inscrits sur une
bourse de valeurs peut aussi être mobilisée comme technique offensive. Le droit OHADA
exprime ainsi là sa présence dans le domaine des marchés financiers de la CEMAC et de
l’UEMOA. En plus de la construction du régime juridique des opérations sur les marchés
financiers de la CEMAC et de l’UEMOA sur le droit OHADA, il y a également la construction
du régime d’information sur le droit OHADA.

B) Le régime d’information sur les marchés financiers de la CEMAC et de


l’UEMOA construit sur le droit OHADA

Un régime d’information se basant sur des éléments du droit OHADA est exercé sur les
marchés financiers de la CEMAC38 et de l’UEMOA39. Il s’agit d’un régime d’information
permettant la réalisation d’un contrôle à priori (1) et à postériori (2) par les autorités de
régulation.

32
H.D. AMBOULOU, Le droit des marchés financiers dans l’espace Ohada, Paris, L’Harmattan, 2016. P 38.
33
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2018, p.1504.
34
E. BARBEY, Les défenses anti-opa en droit français et en droit américain des affaires, Mémoire de Master
Recherche, Université de Panthéon-Assas Paris II, Aout 2016, P 7.
35
E. BARBEY, Les Défenses Anti-Opa En Droit Français Et En Droit Américain Des Affaires, Mémoire de Master
Recherche, Université de Panthéon-Assas Paris II, Aout 2016, P 7.
36
Cette technique en bourse est appelée technique du chevalier blanc.
37
Voir S.A. BASSOU HAKASSOU, les stratégies de défense en matière d’offre publique d’achat hostile dans
l’espace OHADA, Mémoire master en contentieux et arbitrage des affaires, Université Catholique de l’Afrique
Centrale, 2019-2020, 93p.
38
En l’occurrence, la Commission de Surveillance du Marché Financier (COSUMAF).
39
En l’occurrence, l’autorité des marchés financiers de l’Union Monétaire Ouest Africaine (AMF-UMOA) ancien
CREPMF (conseil régional de l’épargne publique et des marches financiers).

10
1. L’exercice d’un contrôle à priori : le document d’information
Les titres admissibles sur les marchés financiers doivent au préalable satisfaire certaines
conditions. Cela est valable tant pour les opérations d’appel public à l’épargne que pour les
autres opérations. Parmi ces conditions figure une qui est commune à toutes les opérations
notamment l’exigence du document d’information. Ce dernier est un document fourmi par les
initiateurs de toute opération sur les marchés financiers et qui contient un nombre d’éléments
relatifs aux modalités et aux contours de cet appel public à l’épargne. Le régime de ce document
d’information est déroulé dans l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique notamment aux articles 86 à 96-1. Les législateurs
communautaires de la CEMAC et de l’UEMOA ont repris ces prescriptions en détaillant le
contenu du document d’information. En plus ce document d’information, d’autres éléments
trouvant leur source dans le droit OHADA sont sollicités notamment : les statuts, le registre du
commerce et du crédit mobilier, les états financiers, les procès-verbaux d’assemblées
générales…40. C’est à la suite de l’examen de ces documents que l’autorité des marchés
financiers appose son visa avant diffusion au public. Il s’agit là d’un contrôle à priori des
autorités de régulation des marchés financiers. Un contrôle est également effectué après la
réalisation des opérations sur les marchés financiers.

2. L’exercice d’un contrôle à posteriori : les informations permanentes et périodiques


Un droit d’information est garanti à tout investisseur sur les marchés financiers de la
CEMAC et de l’UEMOA. Ce droit d’information prend la forme des publications annuelles et
de fin du premier semestre prévues aux articles 847 et 849 de l’acte uniforme relatif au droit
des sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique. Si ces dispositions prescrivent
des publications annuelles et de fin du premier semestre au profit des investisseurs, il est à
relever que c’est sur cette logique que se fonde les informations permanentes, occasionnelles,
périodiques ou événementielles transmises aux autorités des marchés financiers dans l’exercice
de leur pouvoir de contrôle. En effet tout comme la notification aux investisseurs de la tenue de
l’Assemblée Générale et de l’état des lieux à mi-parcours des activités de la société dont les
titres sont inscrits en bourse, il est également transmis aux autorités des marchés financiers dans
cette logique en plus des informations spécifiques à la notification des investisseurs, des
éléments propres à la notification de l’autorité des marchés financiers notamment : les états
financiers, les procès-verbaux de l’assemblée générale et tout autre document attestant de la
survenue d’un incident.

En somme loin d’être un hymne à la gloire du droit des marchés financiers de la CEMAC
et de l’UEMOA41, le droit OHADA est une pierre angulaire dans le développement du droit des
marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA. Le droit OHADA participe de
l’effervescence voire de l’ébullition croissante du droit des marchés financiers de la CEMAC
et de l’UEMOA. Son recours dans le régime d’admission et le régime de fonctionnement des
marchés financiers de la CEMAC et de l’UEMOA permet de ne pas en douter.

40
Voir supra.
41
R.NEMEDEU, Réforme du droit OHADA des sociétés commerciales et développement des marchés financiers
dans l’espace OHADA, … Op.Cit.

11

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