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Ohadata D-18-14

LA NÉCESSAIRE RÉFORME DES INSTITUTIONS DE


L’ORGANISATION POUR L’HARMONISATION DU
DROIT DES AFFAIRES EN AFRIQUE

Par

Mamadou Ismaïla KONATE


Avocat, ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice de la République du Mali

1
L’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (Ohada) est née le 17
octobre 1993 en Ile Maurice par le Traité de Port-Louis, depuis, révisé en 2008 à Québec. Elle
regroupe pour le moment dix-sept pays.1 L’objectif originel était d’instaurer en Afrique
subsaharienne essentiellement francophone un espace unifié et sécurisé2, permettant le
développement des activités économiques des Etats-parties pour répondre aux attentes et
besoins des investisseurs nationaux et étrangers.

L’Ohada comprend cinq grandes institutions. Outre la Conférence des Chefs d'États et de
Gouvernements et le Conseil des Ministres, le Secrétariat Permanent qui est basé à Yaoundé au
Cameroun, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage à Abidjan en Côte d’Ivoire, et l’École
Régionale Supérieure de la Magistrature à Porto Novo au Bénin.

À ce jour, une abondante production normative a permis une réelle et authentique pratique du
droit des affaires au sein d’un espace, jadis dominé par le foisonnement et la très grande
disparité des textes juridiques en vigueur au sein des Etats-parties, lesquels textes étaient pour
la plupart inaccessibles, méconnus ou inusités.

Cependant, au regard de l’évolution du droit et de son environnement en perpétuelle mutation,


sans compter les nouvelles exigences qui se font jour dans la pratique des affaires, un constat
parait évident : les institutions et organes initiaux de l’Organisation apparaissent aujourd’hui à
la fois inadaptés et incomplets, à tout le moins pas toujours à même de lui assurer de nouvelles
perspectives permettant de mieux asseoir le droit et la pratique communautaire juridique au sein
d’un monde de plus en plus complexe et concurrentiel.

Il est aujourd’hui devenu nécessaire et même impérieux d’entreprendre une réflexion en vue de
faire évoluer les organes et les institutions de l’Ohada, pour une plus grande efficacité, dans
une synergie d’action plus large et plus coopérative tant de l’ensemble des Etats-parties que des
Etats non-parties, mais qui souhaitent nouer un cadre de partenariat. Cette nécessaire réforme

1
Cf. Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée-Bissau, Guinée, Guinée-
Equatoriale, Mali, Niger, République Centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.
Les langues de travail sont celles de l’Afrique (français, anglais, portugais et espagnol). Voir :
http://www.ohada.org/index.php/fr/
2
Cf. M’BAYE (Kéba), « l’unification du droit en Afrique », Revue sénégalaise de droit, n° 10, décembre 1971,
p.65 ; ISSA-SAYEGH (Joseph) et LOHOUES-OBLE (Jacqueline), OHADA, Harmonisation du droit des affaires,
coll. Droit uniforme africain, UNIDA, Juriscope, Bruylant, Bruxelles, 2002, n° 87 ; MARTOR (Boris) et
THOUVENOT (Sébastien), « L’unification du droit des affaires en Afrique par l’OHADA », La semaine
Juridique, n° 44, 28 octobre 2004, Supplément n° 5, p. 11 ; ISSA-SAYEGH (Joseph), « l’intégration juridique des
Etats africains de la Zone Franc », Revue Penant, n° 823, Janvier-avril 1997, p.5 et suiv ; ALLIOT (Michel),
« Problème de l’unification du droit africain », Journal of African Law, Vol. II, n° 2, 1967 ; ISSA-SAYEGH
(Joseph), « L’OHADA, Instrument d’intégration juridique », Revue de jurisprudence commerciale, juin 1999, p.
237.

2
devrait pouvoir être envisagée de façon sereine, notamment en ce qui concerne les structures
décisionnelles de l’Organisation et ses instances techniques. Il s’agit également de développer
des actions ambitieuses visant à promouvoir l’Ohada dans la communauté juridique des affaires
et économique mondiale.

On aurait tort de considérer tout ceci comme de simples questions de spécialistes. Bien au
contraire, il s’agit de placer l’Ohada au cœur d’une stratégie africaine de développement
économique et d’en faire plus encore l’un des moteurs dans le monde. Une telle vision n’est
d’ailleurs pas en déphasage avec les travaux de l’Union Africaine visant à développer une zone
continentale de libre échange qui, espérons-le, verra le jour dans des délais raisonnables. Au
risque d’une certaine redondance, la réforme des institutions de l’Ohada va dans le sens de
l’histoire. Si la structure ne se réforme pas, si elle n’évolue pas rapidement, elle risque de se
retrouver marginalisée et dépassée, ce qui serait fort dommageable vu le travail abattu depuis
un quart de siècle. Dès lors, il ne s’agit pas de réformer pour réformer mais bel et bien de
positionner et d’armer l’Ohada pour qu’elle puisse répondre aux défis à venir. Derrière tout cela
c’est du développement économique de l’Afrique et de l’affirmation de structures juridiques
solides dont il est question.

***

Réformer les organes décisionnels : plus de fluidité, d’efficacité.

Au sein de l’Ohada, trois institutions sont dotées du pouvoir décisionnel qui leur permet de
prendre des actes et des mesures portant effets : la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement dont il faut aménager les compétences pour faire face aux nouvelles contraintes
et le Conseil des ministres qui doit être encore plus efficace. Quant à la Cour Commune de
Justice et d’Arbitrage, elle gagnerait, elle aussi, à être largement réformée.

La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement : l’adapter aux nouveaux enjeux.

Instituée à la faveur de la révision du Traité d’octobre 2008 à Québec, la Conférence des Chefs
d’Etat et de Gouvernement est l’organe suprême de l’Ohada. Elle est compétente pour toutes
les questions relatives au Traité. A l'instar des autres organisations multinationales, elle se réunit
à l'initiative de son Président ou à celle des deux tiers des Etats membres. Les décisions sont
prises par consensus ou, à défaut, à la majorité absolue des Etats-parties présents. Si la mise en
place de cette institution vise à donner une impulsion aux actions de l’Ohada, elle tend toutefois
à transformer l’Organisation, conçue à l’origine comme un outil technique d’intégration
juridique, en une machine politique à l’instar de beaucoup d’autres dans le continent, les intérêts

3
politiques divergents des Etats membres ou leur passivité pouvant retarder la prise de certaines
décisions importantes. De plus, l’institutionnalisation d’une Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement instaure une procédure lourde et coûteuse qui peut grever dangereusement le
budget de l’Organisation au détriment d’autres activités3.

Pour ces raisons, il est urgent d’envisager la réforme de cette institution sans pour autant la
supprimer. Ses missions devraient être davantage sériées pour tenir compte du caractère
technique et juridique de l’Ohada qui doit rester à l’abri des contingences politiques. Ainsi est-
il proposé de réduire les missions de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement en les
ramenant à la seule révision du Traité pouvant intervenir à tout moment, à l’initiative des deux
tiers des Etats membres. Elle se réunira une fois tous les cinq ans pour adopter un plan
quinquennal, fixer et orienter la stratégie, et procéder, si besoin, à la révision du Traité. Une
telle souplesse dans la structuration et les missions de la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement permettra une meilleure fluidité dans la mise en œuvre des grandes orientations
qu’elle aura dégagé pour les autres organes, notamment pour le Conseil des ministres. Le sujet
de l’institution d’un mécanisme efficace de financement des activités de l’organisation fait
partie des priorités qu’un plan quinquennal devrait prendre en charge pour assurer la poursuite
et la pérennisation des activités de l’organisation.

Le Conseil des Ministres : le rendre plus efficace.

Le Conseil des Ministres Ohada est composé des ministres chargés de la Justice et des Finances.
Il se réunit au moins une fois par an, sur convocation de son Président, à l'initiative de celui-ci
ou du tiers des Etats-parties. Il ne peut valablement délibérer que si deux tiers au moins de ses
membres sont représentés. La présidence est assurée à tour de rôle par chaque Etat-partie pour
une durée d'un an dans l'ordre alphabétique des pays. Dans le présent format, c'est le Conseil
qui se charge de l'adoption des Actes Uniformes, d'élire les membres de la Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage et d’adopter les budgets annuels de son Secrétariat Permanent, de nommer
le Secrétaire Permanent et le directeur de l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature.

A l’évidence, les missions et compétences du Conseil des Ministres sont nombreuses et


marquent nécessairement le fonctionnement normal des autres organes. Or, en tant
qu’émanation des gouvernements des Etats membres, les membres du Conseil des Ministres ne

3
Cf. TOE (Souleymane), Les enjeux et les perspectives du traité OHADA révisé, Penant 2010, n°872, p. 357.

4
sont pas toujours disponibles pour assurer au mieux leur rôle. On assiste à une grande lourdeur
dans les procédures, toute chose qui joue sur l’efficacité du système4.

Aussi, pour éviter cette situation dommageable, on pourrait réorienter les missions et
compétences du Conseil des Ministres avec plus de clarté et de précision pour que
l’Organisation gagne en efficacité. Ainsi, le Conseil des Ministres pourra être utilement chargé
de la mise en œuvre du plan quinquennal de l’Organisation, du suivi de ses activités, de la
validation de la nomination des personnes composant ses institutions, de l’adoption des Actes
Uniformes nouveaux ou révisés et, enfin, du suivi et de la validation du budget.

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage : gagner en commodité.

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) est la juridiction suprême de l’Ohada, elle
se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel ou celles rendues en premier
et dernier ressort. La compétence de la Cour couvre l’interprétation et l’application du Traité,
des règlements et des Actes Uniformes. Son organisation actuelle lui confère le monopole des
pourvois en cassation pour tout litige impliquant l’application des Actes Uniformes. Un tel
monopole viendrait à dépouiller les juridictions suprêmes nationales de l’essentiel du
contentieux des affaires, ce qui ne va pas sans grincements de dents5. De plus, le format actuel
de la Cour ne favorise pas la rapidité dans le traitement des dossiers, ce qui est un inconvénient
majeur quand on sait le rôle crucial de la célérité dans les affaires. Ce constat impose donc une
réforme de la CCJA pour une plus grande efficacité dans le traitement judiciaire du contentieux
des affaires dans l’espace communautaire.

On peut donc envisager, au plan judiciaire et à titre expérimental, la possibilité d’avoir, au sein
des Cours d’appel, des chambres spécialisées Ohada dans les Etats membres de l’Organisation,
tenant compte du poids démographique des Etats-parties et du niveau de leurs activités
économiques. Sur ces bases, le nombre de chambres spécialisées à instituer varierait de une à
trois, dans une à trois Cours d’appels par Etats-parties. Elles auront des compétences plus larges
qu’actuellement, la nouveauté se situant à deux niveaux. Tout d’abord et principalement, au
sein des Cours d’appels, ces chambres Ohada statueront en dernier ressort sans possibilité de
recourir à la CCJA pour certains types d’affaires et de contrevaleur. Cette dernière ne sera saisie
que des pourvois de pur droit. En cas de cassation, elle disposera de la faculté d’évoquer
l’affaire et de statuer en dernier ressort comme actuellement ou de faire un renvoi devant une

4
En témoignent les lourdes et coûteuses procédures de révision des Actes Uniformes.
5
Notamment en raison de la résistance de certaines juridictions nationales. En ce sens, voir par exemple : Cour
suprême du Niger, Chambre judiciaire, n°01-158/C, 16 août 2001, Ohadata J-02-28.

5
juridiction d’appel d’un Etat-partie, ce qui est une nouveauté. Ensuite, c’est le second niveau,
au sein des chambres spécialisées Ohada dans les Cours d’appel nationales seront nommés de
sept à onze magistrats, sans considération de nationalité, dans une proportion d’un tiers de
nationaux, d’un tiers de juges ressortissants de la zone UEMOA (Union Economique et
Monétaire Ouest-Africaine) et d’un dernier tiers issu de la zone CEMAC (Communauté
Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale), à l’exception des Comores, de la Guinée
Bissau et de la Guinée Equatoriale pour des questions de langues à régler sans compter le
Cameroun dans une certaine mesure. Tous les juges étant nommés selon les mêmes modalités
de recrutement que ceux de la CCJA.

Par ailleurs, en vue d’accélérer l’intégration juridique et judiciaire qui est, rappelons-le l’un des
objectifs prioritaires de l’Organisation, il est proposé de donner la possibilité aux plaideurs de
délocaliser le règlement de leur contentieux par l’institution d’une « convention de
compétence » au sein de la communauté Ohada. A l’image de la convention d’arbitrage, cette
« convention de compétence » pourra se former soit, par clause de compétence insérée dans un
contrat avant la naissance de tout litige, soit par un compromis de compétence à la naissance
d’un éventuel litige. Cette ouverture nécessitera en outre, la mise en place d’un barreau-Ohada
en lieu et place d’une conférence des bâtonniers de l’espace Ohada qui ne peut se concevoir
sans avocats et sans barreau. Un barreau est la structure qui assurera une meilleure synergie
d’action dans la défense des intérêts des justiciables au sein de l’espace communautaire et
constituera de veille face à la juridiction communautaire suprême.

Réformer les organes techniques : plus de collectif et de compétences, plus


d’influence et de lobbying.

Au-delà de la réforme des instances décisionnelles, il convient également d’agir sur les organes
purement techniques. On en compte deux principaux : le Secrétariat Permanent et l’Ecole
régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA). Pour une plus grande efficacité, la structure
d’ensemble de ces deux instances doit évoluer. Le Secrétariat Permanent gagnerait à devenir
un Secrétariat Exécutif, l’ERSUMA évoluant quant à elle en Ecole communautaire. On
ajouterait également une troisième et nouvelle structure à créer dénommée le « Tiers Etat
Ohada ». Enfin, il faut absolument envisager une politique de lobbying et de communication
pour développer l’Organisation.

6
Le Secrétariat Permanent devenant le Secrétariat Exécutif : jouer plus collectif.

Le Secrétariat permanent est l'organe exécutif de l'Ohada, ses principales attributions sont
actuellement d’assister le Conseil des Ministres et coordonner les activités des institutions, de
préparer et suivre la procédure d'adoption des Actes Uniformes, de les publier au Journal
Officiel de l'Ohada et d’exercer la tutelle sur l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature.

Depuis 2008, le Secrétaire Permanent est désigné par le Conseil des Ministres pour une durée
de quatre ans renouvelable une fois. Il nomme ses collaborateurs conformément aux critères de
recrutement définis par le Conseil des Ministres, sur la base de compétences professionnelles,
et dans la limite des effectifs prévus au budget. Cependant, aujourd’hui nombre d’Etats-parties
se sentent à l’écart du fonctionnement de l’Institution, ce qui à terme peut entraîner une certaine
désaffection de ces Etats vis-à-vis de l’Organisation à un moment où la solidarité
communautaire devrait être renforcée.

Ainsi, est-il proposé que le Secrétariat Permanent soit transformé en Secrétariat Exécutif
composé des représentants des dix-sept Etats-parties. Ces représentants porteront le titre
d’Ambassadeurs de tel ou tel Etat près l’Ohada, ce qui aura pour avantage d’alléger le budget
de fonctionnement de l’Organisation en faisant directement supporter les charges de séjour de
ces « diplomates » par leur propre pays. Ils auront pour mission de procéder à l’animation et au
suivi des activités administratives, législatives et politiques de l’Ohada. Le Secrétaire Exécutif
est ressortissant de l’Etat-partie qui assure la présidence du Conseil des Ministres. Il assure cette
fonction pour une période de douze mois. Durant ces douze mois, le Secrétaire Exécutif assure
les fonctions d’Administrateur en Chef de l’Organisation et la représente aux yeux des tiers.

La mise en oeuvre d’une telle formule aura l’avantage de permettre une meilleure animation de
l’Ohada avec la participation effective de tous les Etats-parties, ce qui est assurément un gage
de succès et d’atteinte des finalités affichées de l’Organisation.

L’ERSUMA devenant Ecole communautaire Ohada : monter en compétence et se


recentrer sur des missions de formation et de recherches fondamentales.

L’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature avait fait l’objet de plusieurs propositions de


réformes6. Ces propositions ont en partie été prises en compte par le Traité révisé de 2008. En
effet, aux termes de l’article 41 du Traité, « Il est institué un établissement de formation, de

6
Cf. ISSA-SAYEGH (Joseph) et POUGOUÉ (Paul-Gérard), « L’OHADA : défis, problèmes et tentatives de
solutions », Actes du Colloque sur l'harmonisation du droit OHADA des contrats - Ouagadougou 2007. Revue de
droit Uniforme, UNIDROIT, 2008, p. 455.

7
perfectionnement et de recherche en droit des affaires dénommé Ecole Régionale Supérieure
de la Magistrature ». De la sorte, l’ERSUMA ne doit plus se limiter à assurer un
perfectionnement au bénéfice du seul personnel judiciaire des Etats-parties, mais peut élargir
ses actions de formation pour englober tant les personnels judiciaires que para-judiciaires, les
personnes du secteur privé et d’une manière générale, les acteurs du monde des affaires. Ses
actions de formation peuvent également porter sur les matières des autres organisations
communautaires des affaires telles l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine, la
Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la Conférence Interministérielle
des Marchés d’Assurance et l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle et de bien
d’autres. La mission de recherche confiée à l’ERSUMA soulève toutefois quelques
interrogations. En effet, s’il est vrai, que l’Ecole, au regard de la facilité qu’elle a pour constituer
une base de donnée jurisprudentielle peut être un centre de documentation très efficace en droit
africain des affaires7, il est à craindre que cette mission de recherche ne vienne annihiler les
missions principales de formation et de perfectionnement en droit des affaires.

Pour recentrer l’ERSUMA sur ces missions essentielles de formation et de perfectionnement,


il est proposé de changer sa dénomination en « Ecole communautaire OHADA » qui aura pour
mission de dispenser des enseignements du droit Ohada, de constituer un centre de
documentation de référence en la matière, d’assurer la formation initiale et continue en droit
Ohada, d’en valider les connaissances et les enseignements par la délivrance de certificats, de
diplômes ou de mention de spécialités, de procéder à la formation à distance et d’assurer la
promotion et la diffusion du droit Ohada, toute chose qui contribuera à mieux assoir le
rayonnement de l’Ohada tant en Afrique que dans le reste du monde.

L’institution d’un nouvel organe dénommé le « Tiers Etat Ohada » : gagner en influence.

Monument juridique de la première importance, l’Ohada suscite de nombreux espoirs tant au


sein de l’Organisation qu’au-delà. Ainsi, certains Etats non-parties comme le Ghana, le Nigéria
ou le Maroc, pourraient être intéressés. Pour transformer ces espoirs en réalité, il convient
d’associer les forces vives des Etats-parties de l’Organisation au processus Ohada en créant un
cadre juridique propice et opérationnel à la coopération pour attirer de nouveaux entrants. À

7
Selon SAWADOGO (Filiga Michel), « L’ERSUMA a abattu un travail important, de même que nombre d’Etats
et d’universités, qui explique que le droit OHADA soit incontestablement le droit communautaire le plus connu
en Afrique. Il est même plus connu que le droit national. Il reste à poursuivre l’œuvre en veillant à l’accroissement
de son efficacité. Finalement, le rôle essentiel de l’ERSUMA, c’est de contribuer à une correcte application des
Actes Uniformes… », in Présentation de l’OHADA : les organes de l’OHADA et les Actes Uniformes, Ohadata,
D-O6-32.

8
côté, le « Tiers Etat Ohada » regrouperait les représentants des usagers, utilisateurs et
bénéficiaires du droit communautaire. C’est-à-dire des professionnels du droit, de la justice et
des chiffres. Il aura une voix consultative au sein de l’Organisation et sera appelé à remplacer
les actuelles commissions nationales. Une telle formule pourrait rendre l’Ohada plus attractive
et plus effective, toute chose qui garantira au mieux l’atteinte des objectifs d’intégration, de
sécurité juridique et judiciaire, pour un meilleur développement socio-économique de
l’Afrique.

Développer un lobbying OHADA : faire rayonner l’organisation, renforcer les liens avec
les partenaires et associer de nouveaux acteurs.

On ne pourra faire rayonner l’Ohada et développer le droit communautaire sans faire


l’économie d’une communication et un lobbying plus charpentés, ni sans développer des
initiatives ciblées que ce soit en Afrique bien évidemment mais également hors du Continent.

L’Ohada a un rôle à jouer dans l’enseignement du droit communautaire au sein de


l’enseignement supérieur africain. Aujourd’hui l’enseignement du droit Ohada reste épars,
encore trop balbutiant et morcelé dans les Etats-membres.8 L’organisation doit impérativement
sensibiliser les Facultés de Droit sur la question en les aidant et en les conseillant pour mettre
en place de véritable cursus-Ohada dans les dernières années d’études des apprentis juristes.
On gagnerait également à infuser le droit Ohada chez les juges nationaux qui, trop souvent
encore, voient l’organisation et ses magistrats comme des empêcheurs de tourner en rond et de
ronronner tranquillement. L’Ecole communautaire a un rôle à jouer mais elle ne doit pas
simplement rester un simple centre d’enseignement ni une structure collectant la documentation
Ohada. Depuis quelques temps, elle organise des formations délocalisées dans les pays
membres, c’est heureux mais cela reste peut-être insuffisant au vu de son potentiel.

Les activités de formation permettraient de passer des conventions d’associations ou de réels


partenariats avec des écoles prestigieuses que ce soit dans les domaines juridiques stricto sensu
ou dans les études africanistes (de la London School of Economics à la School of Oriental and
African Studies, en passant par l’Université de Galatasaray ou Sciences Po Paris avec son Ecole
de Droit et son programme Europe-Afrique). Ceci légitimerait et valoriserait encore davantage
le travail de l’Ohada, permettrait de recueillir des ressources humaines et financières, et de
développer plus encore l’aura du droit communautaire.

8
Voir sur ce point : SOW (Abdoulaye), « La diffusion du droit communautaire Ouest-Africain », Civitas
Europa, n°37, 2016/2, pp. 351-370.

9
Pour les Institutions qui soutiennent l’organisation au premier rang desquelles on trouve
l’Union Européenne, la Banque Africaine de Développement, le Programme des Nations Unies
pour le Développement et l’Organisation Internationale de la Francophonie au sein desquels
l’Ohada doit être plus visible et mieux connue au-delà des petits cercles de spécialistes évoluant
dans ces institutions.

Plus globalement, l’Ohada gagnerait à évangéliser les mondes non-africains pour porter la
bonne nouvelle du droit communautaire. Ceci notamment dans les pays qui investissent en
Afrique, de la Chine à la Turquie en passant par la France ou le Brésil. Bien évidemment les
facultés de droit, les barreaux et le monde juridique de ces pays sont les cibles prioritaires mais
on doit également penser à toutes les associations économiques (patronales, investisseurs, etc.)
tentées par le continent. Ceci afin de démontrer aux plus frileux que leurs investissements seront
sécurisés, d’attester que des normes existent et que l’Afrique n’est décidément pas une terra
incognita au niveau du droit des affaires.

***

L’Ohada a un quart de siècle. Le monde et l’Afrique ont changé depuis ses débuts, les choses
s’accélèrent, la demande et les obligations se font plus pressantes, le niveau d’intervention et
les exigences augmentent. Réformer l’Organisation paraît indispensable pour développer une
réelle force de frappe capable de répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain.

Il faut s’en donner les moyens économiques, humains et structurels. C’est un impératif pour le
développement des pays africains.

10

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