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“ Environnement juridique et institutionnel des affaires

en Afrique : cas la Communauté économique des Etats


de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ”
Emmanuel Kagisye

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Emmanuel Kagisye. “ Environnement juridique et institutionnel des affaires en Afrique : cas la Com-
munauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ”. 2017. �hal-01496565�

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« Environnement juridique et institutionnel des affaires en Afrique : cas
la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) » *

1. Le projet de création d’une communauté de l’Afrique de l’ouest remonte à 1964, date à


laquelle le Président libérien, W. TUTBMA1, en a lancé l’idée. Finalement, la CEDEAO
fut créée par le Traité de Lagos du 28 mai 19752. Aujourd’hui, cette Communauté est
identifiée comme un des piliers régionaux ayant signé le Protocole de relations entre la
Communauté économique africaine (CEA) et les communautés économiques régionales
(CER) en février 19983. De même, sans pour autant être la plus ancienne, la CEDEAO
apparaît comme l’Organisation régionale la plus importante puisqu’elle couvre toute la
région ouest-africaine en « transcendant les clivages linguistiques, les divergences
idéologiques et les héritages coloniaux des Etats qui se partagent l’aire géographique
ouest-africaine »4.
Il convient de présenter sa mission et ses principes fondamentaux (§1), son
fonctionnement institutionnel (§2) ainsi que son système juridique et judicaire (§3).

§1. Missions et principes fondamentaux de la CEDEAO


2. La CEDEAO vise à intégrer les Etats de l’Afrique de l’ouest dans une communauté
politique et économique unifiée5. Le Traité de Lagos tel que modifié constitue le texte

*Par Dr.Emmanuel KAGISYE, Consultant-associé (Percussimo) et Professeur d’universités.


1
De son vrai nom William Vacanarat Shadrach TUBMAN. Né en 1895, il fut président du Liberia de 1944
à 1971.
2
Seize pays d’Afrique de l’ouest ont signé le Traité instituant la Communauté Économique des États
d’Afrique de l’ouest du 28 mai 1975. Après le retrait de la Mauritanie en 2000, la CEDEAO comprend les
pays suivants : Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée Conakry, Guinée-
Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, Sierra Léone, Sénégal et Togo. Les protocoles établissant la
CEDEAO ont été signés à Lomé (Togo) le 5 nov. 1976. Le Traité de Lagos a été revu pour accélérer
l’intégration économique et pour augmenter la coopération politique en juil. 1993.
3
Cf. nos développements infra, n° 479 et s.
4
K. BOUTORA-TAKPA, Etudes comparatives des organisations internationales économiques en Afrique
de l’ouest : le cas de la CEAO et de la CEDEAO, Thèse, Université des sciences sociales de Toulouse,
1992, p.14.
5
Sur les attentes des pays v. L. N'GALADJO BAMBA, J.O. IGUE et S. KALILOU,Sortir du sous-
développement : quelles nouvelles pistes pour l'Afrique de l'ouest ? Aspects historiques, institutions et
intégration,Symposium de la CEDEAO sur le développement, T. 1, L’harmattan, Paris 2012.
fondamental qui crée la Communauté en lui confiant une mission accomplie à travers ses
domaines d’intervention (A), tout en respectant certains principes fondamentaux (B).

A. Mission et domaines d’intervention de la CEDEAO

3. Depuis sa création en 1975, la CEDEAO a connu des difficultés qui l'ont empêchée
d’atteindre les objectifs fixés par le Traité de Lagos. C’est ainsi que certaines initiatives
visant à redynamiser le processus d’intégration régionale ont été prises depuis le début
des années 1990. En 1991, le Sommet des Chefs d’État de la CEDEAO a reconnu la
nécessité de procéder à la révision du Traité de 1975. Le sommet a dès lors créé un
comité d’éminentes personnalités chargé d’étudier la plupart des facteurs à l’origine de
l’échec et de faire des recommandations appropriées pour réviser les dispositions du
Traité. Le Comité a épinglé entre autres les problèmes d’ordre institutionnel,
d’intégration économique, de coopération politique, de paix et de sécurité au niveau
régional et de financement des efforts d’intégration régionale6. Ces différentes questions
ont conduit à l’amendement du Traité de Lagos en 1993.

4. Aux termes du Traité révisé, la CEDEAO s’est fixée comme but de réaliser
l’intégration régionale entre les pays de l’Afrique de l’ouest, en priorité sur le plan
économique, mais également dans tous les domaines de la vie sociale, afin de parvenir à
un développement intégral, pour le bien-être des populations. Dans ce sens, le paragraphe
1er de l’article 3 du Traité révisé, consacré aux buts et objectifs de l’Organisation, dispose
que « la Communauté vise à promouvoir la coopération et l’intégration dans la
perspective d’une union économique de l’Afrique de l’ouest en vue d’élever le niveau de
vie des peuples, de maintenir et d’accroître la stabilité économique, de renforcer les
relations entre les États membres et contribuer au progrès et au développement du
continent africain ».

6
Sur les progrès obtenus ultérieurement, v. A. SALL, Les mutations de l’intégration des Etats en Afrique
de l’ouest : une approche institutionnelle, L’Harmattan, Paris, 2006, 189 p.
5. Afin d’atteindre les buts annoncés ci-dessus, le paragraphe suivant de la même
disposition précise les domaines sur lesquels portera l’action de Communauté7. D’une
façon synthétique, on peut regrouper tous ces objectifs autour de deux axes à savoir : la
mise en place d’un marché commun en tant qu’ « objectif fondamental»8, et ensuite, la
mise en place d’une union économique et monétaire en tant qu’« objectif ultime »9.
Toutes les interventions de la Communauté et des Etats se réalisent bien entendu dans le
respect des principes inscrits dans le Traité révisé.

B. Principes fondamentaux de la CEDEAO

6. Le mandat initial de la CEDEAO visait la promotion de la coopération et de


l’intégration dans les domaines économique, social et culturel afin d’aboutir à une union
économique et monétaire. Tout cela en vue de l’amélioration des conditions de vie de ses
peuples, des relations interétatiques ainsi que la stabilité économique. Ce mandat fut
révisé en 1993 afin d’accélérer le processus d’intégration économique et de renforcer la
coopération politique. A l’occasion de cette révision, les Etats membres ont affirmé et
déclaré solennellement leur adhésion aux principes fondamentaux suivants10 : égalité et
interdépendance des Etats membres, solidarité et autosuffisance collectives, coopération
inter-Etats, harmonisation des politiques et intégration des programmes, non-agression
entre les Etats membres, maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionale par
la promotion et le renforcement des relations de bon voisinage, règlement pacifique des
différends entre les Etats membres, coopération active entre pays voisins et promotion
d’un environnement pacifique comme préalable au développement économique ; respect,
promotion des droits de l’homme et des peuples, transparence, justice économique et

7
La liste de ces actions est trop longue pour être reproduite ici. Pour le contenu, v. l’art.3§2 du Traité révisé
CEDEAO.
8
L.M., IBRIGA, D. COULIBARY et D. SANOU, Droit communautaire ouest-africain, Imprimeries
presses africaines, Ouagadougou, 2008, p.49.
9
Ibidem
10
Ces principes se traduisent en pratique par des interventions de la Communauté. A titre d’exemple, il y a
lieu de citer le Protocole de non-agression de la CEDEAO de 1978, le Protocole relatif au mécanisme pour
la prévention, la gestion et la résolution des conflits, la paix et la sécurité, le Protocole A/SP1/12/01 sur la
démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au Protocole relatif au mécanisme pour la prévention, la
gestion et la résolution des conflits, la paix et la sécurité.
sociale et participation populaire au développement, reconnaissance et respect des règles
et principes juridiques de la communauté, promotion et consolidation d’un système
démocratique de gouvernement dans chaque Etat membre, répartition juste et équitable
des coûts et avantages de la coopération et de l’intégration économique.

7. Ces principes s’accompagnent d’un engagement de chaque Etat à créer les conditions
favorables à la réalisation des objectifs de la Communauté, à prendre toutes mesures
appropriées et à honorer les obligations prises dans le cadre du Traité. Mais quels que
soient les objectifs et les principes de la Communauté, leur mise en œuvre dépend de
l’existence d’une structure institutionnelle dotée d’une organisation efficiente et des
moyens appropriés pour leur réalisation.

§2. Le fonctionnement institutionnel de la CEDEAO

8. Le régime institutionnel d’une organisation régionale ou internationale est révélateur


du schéma d’intégration qu’elle entend mettre en œuvre. A cet effet, la Communauté a
mis sur pied un ensemble d’organes composé par la Conférence des Chefs d’État et de
Gouvernement (A), le Conseil des Ministres (B), le Parlement CEDEAO (C), la
Commission (D). À ces organes de décision ou d’exécution, il faut ajouter les institutions
et les comités techniques spécialisés (E)11.

A. La Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement

9. Aux termes du Traité révisé, la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement est
l’organe suprême de la Communauté. Elle est composée des Chefs d’État et/ou de

11
L’art. 6 du Traité révise cite également les organes de contrôle. Pour une meilleure présentation, ces
organes feront l’objet de développementsinfra, n° 201 et s. Cette disposition prévoit également la mise en
place d’un conseil économique et social de la CEDEAO. Cette institution n’a toujours pas été créée.
Gouvernement des États membres12. La Conférence a la responsabilité de donner les
principes directeurs et contrôler le fonctionnement de la Communauté ainsi que de
prendre toutes les mesures afin de garantir le développement progressif et la réalisation
des objectifs13. Selon l’article 8 alinéa 3 du Protocole additionnel portant amendement du
Traité révisé14, la présidence de la Conférence est assurée selon un système de rotation
annuel qui tient compte de l’ordre alphabétique des Etats membres15. Elle se réunit en
session ordinaire au moins deux fois par an ou en session extraordinaire sur l’initiative de
son président ou à la demande d’un Etat membre, sous réserve de l’approbation de cette
demande par la majorité simple des Etats membres.

10. En dehors du pouvoir de nomination du Président de la Commission et des


commissaires aux comptes, les fonctions dévolues à la Conférence peuvent être
envisagées sous trois aspects :
- une fonction d’impulsion et d’orientation : il lui revient en effet de définir la
politique générale et les principales orientations de la Communauté et de donner
les directives ;
- Une fonction de contrôle : la Conférence assure le contrôle du fonctionnement des
institutions de la Communauté ainsi que la mise en œuvre des objectifs de la
Communauté ;
- Une fonction normative :la Conférence n’est plus dotée de pouvoir exorbitant
dans ce domaine. Ainsi, outre l’édiction du droit primaire de la CEDEAO, elle
prend des actes additionnels qui complètent le Traité.

B. Le Conseil des Ministres

12
Les Etats peuvent cumulativement ou alternativement se faire représenter par les Chefs d’Etat ou par les
Chefs de Gouvernement.
13
Art. 7 § 2 du Traité revissé de la CEDEAO.
14
Protocole A/SP. 1/06/06 portant amendement du Traité révisé.
15
Le Protocole A/SP. 1/06/06 a introduit une donne importante dans le cadre de la bonne gouvernance.
Ainsi, un Etat qui aspire à la présidence perd automatiquement cette qualité lorsqu’un coup d’Etat y
survient ou que le pouvoir y est pris par un moyen inconstitutionnel.
11. Le Conseil des Ministres est le deuxième organe de la CEDEAO. A ce titre, le
Conseil entretien avec la Conférence des rapports hiérarchiques et joue auprès d’elle un
rôle d’assistance. C’est un organe d’animation et de suggestion chargé d’assurer le
fonctionnement et le développement de la Communauté. Intermédiaire et courroie de
transmission entre les organes proprement techniques et l’instance suprême, le Conseil
doit éclairer la Conférence à laquelle il est soumis. Créé par l’article 10 du Traité révisé,
le Conseil des Ministres est composé, par pays membre, du Ministre chargé des affaires
de la CEDEAO, du Ministre chargé des finances et le cas échéant de tout autre ministre16.
Le Conseil des Ministres est présidé par le Ministre des affaires étrangères, ou par le
Ministre chargé des finances du pays assurant la présidence de la Conférence 17. Le
Conseil des Ministres se réunit en session ordinaire deux fois par an, une des sessions
précédant immédiatement celle de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement. Il
peut également se réunir en session extraordinaire sur convocation de son Président ou à
la demande d’un Etat membre.

12. A titre de responsable du fonctionnement et du développement de la Communauté, le


Conseil des Ministres assume des fonctions qui peuvent être regroupées en quatre
fonctions essentielles :
- un pouvoir de nomination des fonctionnaires de la Communauté18 ;
- un pouvoir d’autorisation : le Conseil des Ministres autorise les programmes de
travail, approuve les budgets et l’organigramme de la Commission et des autres
institutions de la Communauté ;
- un pouvoir d’initiative : le pouvoir constitutif revenant à la Conférence, le Conseil
peut formuler des recommandations à la Conférence sur les questions visant à la
réalisation des objectifs de la Communauté ;

16
Art. 10§2 nouveau. Il s’agit dans la pratique du Ministre des affaires étrangères, de celui de l’économie et
des finances des Etats membres secondés de tout autre ministre dont le portefeuille dépend des questions
inscrites à l’ordre du jour du Conseil.
17
Il y a donc coïncidence entre la présidence de la Conférence et celle du Conseil.
18
A l’exception du Président de la Commission qui est nommé par la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement.
- enfin un pouvoir normatif : le Conseil édicte des règlements, des directives, prend
des décisions ou formule des recommandations et avis.

C. Le Parlement de la CEDEAO

13. Le Parlement de la CEDEAO a été créé par le Protocole A/P.2/8/94 du 6 août 199419
conformément à l’article 13 du Traité révisé. Le Parlement de la CEDEAO est conçu
pour être « une assemblée des populations de la Communauté »20. Ses membres,
dénommés « députés », siègent au nom des populations de la Communauté. Ils n’ont
donc pas de mandat impératif. Le Parlement de la Communauté comprend cent vingt
sièges, chaque Etat disposant d’un minimum de cinq sièges, soit un total de quatre-vingt
sièges. Les quarante autres étant repartis proportionnellement à la démographie des Etats
membres. Cette répartition peut être revue par la Conférence sur sa propre initiative ou
sur proposition du Parlement.

14. Contrairement aux parlements nationaux, les compétences du parlement de la


CEDEAO sont d’essence consultative. Il exerce cette fonction soit sur propre initiative,
soit sur demande des organes de la Communauté. Le Parlement de la Communauté peut
se saisir en effet de toute question intéressant la Communauté en matière de respect des
Droits de l’Homme et des libertés fondamentales et faire des recommandations aux
instances et aux organes de la Communauté. De même, le Parlement de la Communauté
peut être saisi par les institutions de la CEDEAO pour émettre des avis sur des questions
intéressant la Communauté notamment en matière de politiques sectorielles, sociales, des
droits de l’Homme et la révision du Traité.

19
Ce protocole entré en vigueur le 14 mars 2002 a été modifié par le Protocole additionnel A/SP.3/06/06
portant amendement du Protocole A/P.2/8/94 relatif au Parlement de la Communauté (J.O. de la CEDEAO,
vol. 27). Les principales modifications portent sur les points suivants : la réduction du mandat du Président
du parlement et de la durée de la législature de 5 à 4 ans , la non résidence du Président du Parlement au
siège de l’institution pendant la durée de la période transitoire qui couvrira la présente législature, la
réduction du nombre de commissions de 13 à 10 pour le rendre conforme au nombre de commissions
techniques de la Commission de la CEDEAO, la réduction du nombre des membres du Bureau de 16 dans
la première législature à 5 membres dans la présente, la suppression du poste de questeur pendant la
période transitoire, la restructuration des organes du parlement avec la création de la Conférence des
Bureaux des commissions en remplacement de la Conférence des présidents dans la première législature.
20
L.M., IBRIGA, D. COULIBARY et D. SANOU, Droit communautaire ouest africain, op.cit., p.75.
15. Le Parlement de la CEDEAO siège au moins deux fois par an en session ordinaire.
Les sessions sont convoquées par le bureau et dure trois mois au maximum. Le Parlement
peut également se réunir pour examiner une question spécifique sur l’initiative du
Président de la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement ou à la demande de la
majorité absolue des députés.

D. La Commission de la CEDEAO

16. La Commission de la CEDEAO est l’organe successeur du Secrétariat exécutif. Elle a


été instituée par le Protocole additionnel A/SP.1/06/06 du 14 juin 2006 portant
amendement du Traité révisé de la CEDEAO21, et constitue un organe permanent chargé
de la défense des intérêts de la Communauté. Aux termes de l’article 17 du Traité
amendé, la Commission est composée de neuf membres dont un Président nommé par la
Conférence, un vice-président et sept autres commissaires nommés par le Conseil des
Ministres.

17. Le Protocole additionnel A/SP.1/06/06 investit la Commission de fonctions plus


concrètes et plus larges que celle accordées au Secrétariat exécutif « défunt »22. En effet,
l’article 18 nouveau, en ses paragraphes 4,5 et 6, confère à la Commission de la
CEDEAO un pouvoir d’initiative d’une part, et des fonctions d’exécution, de contrôle et
de défense des intérêts de la Communauté d’autre part. Ainsi, la Commission fait à la
Conférence et au Conseil des Ministres toutes les recommandations qu’elle juge utiles à
la promotion et au développement de la Communauté. La Commission fait également à la
Conférence et au Conseil des propositions leur permettant de se prononcer sur les grandes
orientations des politiques des Etats membres et de la Communauté. Dans l’exercice de
son pouvoir d’exécution, la Commission peut adopter des règlements d’exécution des
actes édictés par le Conseil des Ministres. A l’égard des tiers, la Commission exerce une

21
Protocole additionnel A/SP.1/06/06 du 14 juin 2006 portant amendement du Traité révisé de la CEDEAO
(J.O. de la CEDEAO juin 2006).
22
L.M., IBRIGA, D. COULIBARY et D.SANOU, Droit communautaire ouest africain, op.cit., p.71.
fonction de représentation internationale. A ce titre, le Président de la Commission peut
conclure des accords de coopération avec d’autres communautés régionales, avec des
pays tiers ou tout autre organisme international. Enfin, le Président de la Commission
peut saisir la Cour de justice de la Communauté pour faire constater les manquements des
Etats à leurs obligations communautaires23.

E. Les institutions et comités techniques spécialisés

18. Il s’agit des institutions spécialisées et autonomes de la Communauté, chargées des


questions économiques et monétaires liées au processus d’intégration d’une part (I) et des
organes inter-gouvernementaux, dénommés commissions techniques spécialisées d’autre
part (II).

I. Les institutions spécialisées

19. En vue de la réalisation des objectifs fixés par le Traité, la CEDEAO a créé de
nombreuses institutions ou agences spécialisées, conformément à l’article 6 du Traité
révisé24. Nous retiendrons ici celles qui sont instituées par les textes de droit primaire à
savoir la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (a) et l’Agence
monétaire de l’Afrique de l’ouest (b).

a) La Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO

20. Tout en accordant beaucoup d’attention aux mesures destinées à éviter les distorsions
concurrentielles et à favoriser les conditions d’un marché uniforme, le Traité CEDEAO

23
V. l’article 10 du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 portant amendement du Protocole A/P/17/91 relatif
à la Cour de justice de la Communauté. Dans sa formulation, cette disposition accorde le pouvoir de saisine
au Secrétaire Exécutif. Etant donné que cette fonction a été remplacée par celle du Président de la
Commission, le pouvoir de saisine lui revient de droit.
24
Il s’agit de l’Organisation ouest africaine pour la santé (OOAS), de l’institut monétaire de l’Afrique de
l’ouest (IMAO), du centre de développement de la jeunesse et sports de la CEDEAO (CDJSC), du Centre
de la CEDEAO pour le développement du genre (CCDG), de l’Unité de coordination des ressources en eau
(UCRE), de la Carte brune CEDEAO et du système d’échange d’énergie ouest- africain (EEEOA).
donne également un certain poids à « la nécessité de favoriser une répartition juste et
équitable des bénéfices de la coopération et d’éliminer les disparités entre les niveaux de
développement des Etats membres »25. C’est dans cette perspective qu’a été créé le Fonds
de coopération, de compensation et de développement26. Les objectifs de ce Fonds étaient
à l’origine de financer des projets des Etats membres, d'indemniser les Etats membres
ayant subi des pertes par la suite d’implantation d’entreprises communes et de fournir des
compensations ou autres formes d’assistance aux Etats membres ayant subi des pertes en
raison de la libéralisation des échanges à l’intérieur de la Communauté27.

Afin de renforcer les ressources financières du Fonds à travers l’ouverture de son


capital aux partenaires non-régionaux, la Conférence des chefs d’Etat et de
Gouvernement, en sa vingtième session tenue les 9 et 10 décembre 1999, a décidé la
transformation du Fonds de la CEDEAO en une société holding régionale dénommée
Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC). La Banque
possède deux filiales spécialisées à savoir le Fonds régional de développement de la
CEDEAO (FRDC) et la Banque régionale d’investissement de la CEDEAO (BRIC).

b) L’Agence monétaire de l’Afrique de l’ouest (AMAO)

21. L’Agence monétaire de l’Afrique de l’ouest a été créée par le Protocole A/P.1/7/93 du
24 juillet 199328 en remplacement de la Chambre de compensation de l’Afrique de
l’ouest (CCAO)29. Outre les missions traditionnelles de la CCAO, l’AMAO est chargée
de la mise en œuvre du programme d’intégration monétaire qui doit aboutir à la création

25
K. BOUTARA-TAPKA, op.cit., p., 183.
26
Art. 21 du Traité révisé de la CEDEAO tel qu’amendé par l’Acte additionnel A/SA. 9/01/07 du 19 janv.
2007.
27
V. art. 52 du Traité de Lagos (originaire), complété par le Protocole de Lomé du 5 nov. 1976 relatif au
Fonds, annexé au Traité de Lagos.
28
Protocole A/P .1/7/93 relatif à l'Agence monétaire de l'Afrique de l'ouest (AMAO) signé à Cotonou le 24
juil. 1993 (J.O. de CEDEAO vol.25.p.3).
29
La CCAO avait été créée par l’Accord de Lagos du 14 mars 1975. La CCAO regroupait l’ensemble des
pays membres de la région et constituait un système centralisé de compensation dans lequel les transactions
facturées dans la monnaie locale du pays d’origine sont exprimées en Unités de comptes de l’Afrique de
l’ouest (UCAO) pour les entrées de débit et de crédit de chaque banque centrale.
d’une monnaie unique en Afrique de l’ouest. Pendant la période transitoire, l’AMAO doit
poursuivre les objectifs suivant :
«- promouvoir l’utilisation des monnaies nationales des Etats membres dans le cadre
du commerce régional et d’autres transactions ;
- réaliser des économies dans l’utilisation des réserves extérieures des Etats
membres ;
- aider les Etats membres à harmoniser et coordonner leurs politiques monétaires
et fiscales ainsi que leur programme d’ajustement structurel;
- encourager l’application par les Etats membres des politiques macro-
économiques, permettant d’avoir des taux de change et des taux d’intérêt
déterminés par le marché dans le cadre du commerce-intra-régional».

II. Les commissions techniques spécialisées

22. Les commissions techniques constituent le « pivot du système ouest-africain


d’intégration économique et de développement »30. Ces commissions assurent en effet, en
tant qu’experts, la préparation des travaux des autres organes de la Communauté.
L’article 22 prévoit la création de huit commissions techniques dans différents domaines
à savoir : alimentation et agriculture ; industrie, science et technologie et énergie ;
environnement et ressources naturelles ; transport, communications et tourisme ;
commerce, douanes, impositions, statistiques, monnaie et payements ; affaires politiques,
juridiques et légales, sécurité régionale et immigration ; ressources humaines,
information, affaires sociales et culturelles; administration et finances. La Conférence
peut, si elle le juge nécessaire, restructurer les commissions existantes ou en créer de
nouvelles. Chaque commission peut, si elle le juge nécessaire, créer pour l’aider dans
l’accomplissement de ses fonctions, des sous-commissions dont elle détermine la
composition.

30
M.NAHM-TCHOUGLI, Les difficultés des intégrations économiques régionales entre pays en
développement : le cas de la CEDEAO, aspects juridiques et institutionnels, Thèse, Université de Lille II,
1994, p. 113.
De ce qui précède, il est évident que la CEDEAO s’est dotée d’un arsenal
institutionnel à même de lui permettre d’atteindre les objectifs fixés par le Traité de
Lagos tel que révisé à Abuja. Le même Traité renforce les moyens d’actions des
institutions par la mise en place d’un système juridique et judiciaire communautaire.

§3. Le système juridique et judiciaire de la CEDEAO

23. Le Traité instituant la Communauté économique des Etats de l’Afrique occidentale a


mis en place un ordre juridique propre (A), et organise un système judiciaire pour
contrôler l’application du droit communautaire (B).

A. Système juridique de la CEDEAO

24. Depuis l’adoption du Protocole A/SP.1/06/06 du 14 juin 2006 portant amendement du


Traité révisé, la CEDEAO a révisé la nouvelle nomenclature des actes de la Communauté
modifiant ainsi les sources et le régime des instruments communautaires. Nous
présenterons ici les sources du droit de la Communauté (I) ainsi que les caractéristiques
du droit communautaire (II).

I. Les sources du droit de la CEDEAO

25. Dans toute étude d’un ordre juridique communautaire, il est devenu classique de
distinguer parmi les sources de droit communautaire, le droit primaire (a) et le droit
dérivé (b). Le système juridique de la Communauté économique des Etats de l’Afrique
occidentale ne fait pas exception à cette pratique.

a) Le droit primaire de la CEDEAO

26. Le droit primaire de la CEDEAO est constitué par le Traité révisé de 1993, tel
qu’amendé en 2006 ainsi que des différents protocoles conclus depuis la création de la
Communauté. A cet effet, l’article 92 du Traité révisé abroge expressément le Traité
constitutif de 1975 dès son entrée en vigueur et reprend à son compte toutes les
conventions, protocoles, décisions et résolutions adoptés depuis 1975. Le nouveau Traité
étant entré en vigueur le 23 août 1995, il faut considérer que le Traité de 1975 est abrogé
dans toutes ses dispositions. Droit de nature conventionnelle, le Traité CEDEAO et les
protocoles sont soumis aux procédures classiques d’élaboration des traités31.

Le Traité constitutif de la Communauté détermine les compétences et les pouvoirs


des différentes institutions mises en place ainsi que la nature des actes juridiques qui
seront pris au sein de la Communauté. A cet effet, l’article 6 paragraphe 2 précise que
« les institutions de la Communauté exercent leurs fonctions et agissent dans les limites
des pouvoirs qui leur sont conférés par le présent Traité et les protocoles y afférents»32.
La Conférence est par ailleurs habilitée à saisir la Cour de justice de la Communauté au
cas où une institution de la Communauté outrepasserait ses compétences ou excèderait les
pouvoirs que lui confère le Traité33. La Cour de justice de la Communauté exerce ainsi le
contrôle de la conventionalité des actes communautaires.

27. Outre le Traité révisé de 1993, le droit primaire de la CEDEAO est constitué par les
multiples protocoles additionnels adoptés par la Conférence. D’aucuns pourraient
s'étonner de l’abondance des protocoles additionnels et même se poser la question de
cette préférence du droit primaire pour la mise en application du Traité. Certains auteurs34
trouvent que les Etats membres de la Communauté sont réticents à prendre des actes
contraignants et préfèrent des protocoles qui ne les lieront qu’après ratification ou qu’ils
ne seront liés que quand ils le souhaitent. Ces auteurs vont jusqu’à affirmer que compte
tenu des résultats peu encourageants de cette communauté, la CEDEAO ne serait qu’une
« tribune de bonnes intentions »35. D’où leur préférence au recours au droit dérivé pour la
réalisation des objectifs poursuivis par le Traité.

31
Pour plus de détails sur les procédures de négociation, signature et ratification des traités, V. la
Convention de Vienne sur le droit des traités, articles 6 et s.
32
Cette disposition pose le principe de « compétences d’attribution » des organisations d’intégration.
33
Art.7 §3 (g) du Traité révisé.
34
L.M., IBRIGA, D. COULIBARY et D.SANOU, Droit communautaire ouest africain, op.cit., p.99.
35
Ibidem.
b) Le droit dérivé de la CEDEAO

28. Le droit dérivé de la CEDEAO est constitué par différents actes que prennent les
institutions pour appliquer le droit primaire. Ces actes émanant principalement de la
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, du Conseil des Ministres et de la
Commission. Aux termes de l’article 9 paragraphe 1er du Traité révisé, « les actes de la
Communauté sont dénommés actes additionnels, règlements, directives,
recommandations et avis ». Ces différents instruments n’ont pas le même régime
juridique ou les mêmes destinataires. Les actes additionnels s’imposent aux Etats
membres et à l’ensemble des organes de la Communauté. Les règlements ont une portée
générale et sont obligatoires dans tous leurs éléments. Ils sont directement applicables
dans les Etats membres et ont une force obligatoire à l’égard des institutions de la
Communauté. S'agissant des directives, elles lient les Etats membres quant aux objectifs
à atteindre. Enfin, les décisions ont une force obligatoire à l’égard de leurs destinataires
tandis que les avis et les recommandations ne sont pas obligatoires. Si ces actes sont
soumis aux régimes juridiques différents, il y a lieu cependant de dégager certaines
caractéristiques communes.

II. Les caractéristiques du droit de la CEDEAO


29. Parmi les organisations d’intégration chevauchant l’espace ohada, la CEDEAO a
tardé à instituer un véritable ordre juridique communautaire. Pendant longtemps, les Etats
membres de cette Communauté ont eu recours au droit conventionnel. La situation
semble avoir changé après l’amendement du Traité révisé. Il convient dès lors
d’examiner les rapports entre le droit de la CEDEAO et les ordres juridiques des Etats
membres. Plus particulièrement, il faut préciser les modalités d’intégration des normes de
la Communauté dans les ordres juridiques des Etats membres ainsi que les effets produits
à l’égard des particuliers d’une part et déterminer si on peut établir une hiérarchie entre
les normes communautaires et les normes nationales d’autre part.
A Priori, il convient de constater que l’applicabilité immédiate du droit
communautaire de la CEDEAO ne suscite aucun problème. Les dispositions du Traité
révisé le stipulent expressément. Ce qui n’est pas le cas de l’effet direct des normes de la
Communauté. En effet, pendant longtemps, le caractère interétatique du droit de la
CEDEAO était suffisamment affirmé à travers les articles 9§4 et 12 §3 du Traité révisé
de 1993 qui désignaient les Etats parties et les institutions communautaires comme seules
destinataires du droit de la CEDEAO36. Il en va autrement aujourd’hui depuis l’adoption
des Protocoles additionnels A/SP. /01/05 du 19 janvier 2005 portant amendement du
Protocole A/P/17/91 relatif à la Cour de justice de la Communauté et du Protocole
additionnel A/SP.1/06/06 du 14 juin 2006 portant amendement du Traité révisé de la
CEDEAO. Ces deux protocoles ont révisé la nomenclature des actes du droit CEDEAO et
ont ouvert la saisine de la Cour de justice de la Communauté aux particuliers 37. Ainsi
peut-on affirmer que les normes de la CEDEAO sont non seulement d’application
immédiate mais produisent également des effets directs à l’égard des particuliers.

30. Cette évolution en ce qui concerne l’effet direct du droit communautaire CEDEAO
n’est pas cependant repérable en ce qui concerne la primauté du droit de CEDEAO sur le
droit interne des Etats membres. En effet, la CEDEAO ne peut, malgré l’amendement du
Traité révisé, se prévaloir ni de dispositions expresses du Traité révisé, ni d’une
jurisprudence communautaire, ni non plus de jurisprudence nationale affirmant le
principe de primauté du droit de la Communauté sur le droit des Etats membres.
Cependant quelques éléments tirés du protocole additionnel A/SP.1/06/06 du 14 juin

36
L’article 9§ 4 prévoit que « les décisions de la Conférence n’ont force obligatoire qu’à l’égard des Etats
membres et des institutions de la Communauté » et l’article 12§3 que « les règlements du Conseil n’ont de
plein droit force obligatoire qu’à l’égard des institutions ».
37
Le Protocole additionnel A/SP. /01/05 du 19 janv. 2005 donne à la Cour de justice de la CEDEAO
« compétence pour connaître des cas de violations des droits de l’Homme dans les Etats membres ». V.
not. le célèbre arrêt n° ECW/CCJ/ JUD/06//08 du 27 oct. 2008 dans l’affaire Dame Hadjidatu MANI
KORAOU à l’occasion de laquelle la Cour de justice condamne l’Etat du Niger pour pratique d’esclavage.
Sur cette affaire, v. Y. HAMULI KABUMBA, « Discrimination, arrestation et détention arbitraires selon la
Cour de justice de la CEDEAO dans Hadijatou Mani Koraou c. Niger (27 oct. 2008) », Revue de droit
international, de sciences diplomatiques et politiques; vol. 87, afl. 3, 2009, pp. 291-316.
2006 peuvent faire présumer de la volonté des Etats signataires d’adjoindre au droit de la
CEDEAO un caractère de primauté.

En effet, l’article 4 (i) du Protocole de 2006 proclame que les Hautes parties
contractantes affirment et déclarent leur adhésion au principe de « reconnaissance et de
respect des règles et principes juridiques de la Communauté ». L’article 5§3 quant à lui
ajoute que « chaque Etat membre s’engage à honorer ses obligations aux termes du
présent Traité et à respecter les décisions et les règlements de la Communauté ». Cette
obligation suppose que les Etats doivent prendre des dispositions pour rendre
inapplicables leurs législations nationales contraires au droit communautaire. Enfin, aux
termes de l’article 76 §2, la décision de la Cour de justice de la Communauté est
exécutoire et sans appel. De ce fait, cette décision s’impose aux Etats membres, aux
institutions ainsi qu’aux personnes physiques et morales de la Communauté. Tous ces
éléments participent, malgré les incertitudes que présente le texte du Traité, à démontrer
la primauté du droit communautaire de la CEDEAO sur les normes nationales. Une
jurisprudence de la Cour de justice serait la bienvenue pour garantir l’institution effective
de cette supranationalité.

B. Le système judiciaire de la CEDEAO

31. Le système judicaire de la Communauté est composé par la Cour de justice de la


CEDEAO (I) et du Tribunal arbitral de la Communauté (II)38.

I. La Cour de justice de la CEDEAO

32. Considérée comme inactive depuis sa création, la Cour de justice de la CEDEAO a


été redynamisée par l’adoption de Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier
2005. Ce texte détermine sa composition et lui assigne une mission précise (a) à travers
des compétences plus élargies (b).

38
Pour des développements complets, v. A SALL, La justice de l'intégration : réflexions sur les institutions
judiciaires de la CEDEAO et de l'UEMOA, CREDILA,Dakar, 2011,398 p.
a) Composition et mission de la Cour de justice de la CEDEAO

33. Le 6 juillet 1991, la Conférence des Ministres de la Justice a signé, à Abuja, le


Protocole A/P1/7/91 portant création d’une Cour de justice de la Communauté39. Le siège
de la Cour se trouve à Abuja au Nigeria, mais elle peut se transformer en une juridiction
foraine, qui peut se déplacer pour siéger hors les murs le cas échéant. Elle se compose de
sept juges indépendants40, désignés par la Conférence des Chefs d’État et de
Gouvernement de la Communauté à partir d’une liste comptant deux juges proposés par
chaque Etat membre. Les premiers juges de la Cour ont été nommés le 30 janvier 2001
mais la Cour n’est fonctionnelle que depuis le 22 août 2002.

34. La Cour de justice de la Communauté a pour mission « d’assurer le respect du droit


et des principes d’équité dans l’interprétation et l’application du Traité ainsi que des
protocoles et Conventions annexes et d’être investie de la responsabilité de régler tout
différend pouvant lui être soumis conformément aux dispositions de l’Article 76 alinéa 2
du Traité ainsi que les différends pouvant surgir entre les Etats membres et les
Institutions de la Communauté ». Ainsi, la Cour ne pouvait, selon le système mis en place
par le Protocole de 1991, que connaître des plaintes émanant d’États membres et des
institutions de la CEDEAO ainsi que des questions se rapportant aux Etats qui
n’acquittent pas leurs dettes. Aujourd’hui, depuis l’affaire « Olajide Afolabi vs Federal
Republic of Nigeria »41, la Cour peut être saisie par tout ressortissant d’un des Etats
membres, en cas de violation des protocoles, décisions, traités ou conventions adoptés par

39
Le Protocole du 6 juil. 1991 a été adopté en application de l’article 15.1 du Traité révisé de 1991. Ce
Protocole a été révisé par les protocoles additionnels A/SP.1/01/05 du 19 janv. 2005 et du 14 juin 2006
relatifs à la Cour communautaire de justice.
40
Le Traité révisé de la CEDEAO confirme cette indépendance en son article 15 §3 qui dispose que « Dans
l’exercice de ses fonctions, la Cour de justice est indépendante des Etats membres et des institutions de la
Communauté ». Par ailleurs, les dispositions relatives au statut des juges sont de nature à leur garantir
l’indépendance nécessaire à leurs fonctions. C’est notamment le cas des incompatibilités, des privilèges et
immunités et de l’obligation de prestation de serment.
41
Affaire jugée par la Cour en 2004. Cet affaire a mis en exergue la nécessité d’élargir la saisine de la Cour
aux requérants individuels. D’où la révision du Protocole de 1991 pour y intégrer entre autres cette
modification.
la CEDEAO. La Cour de justice de la CEDEAO est devenue ainsi une véritable
juridiction communautaire que les particuliers peuvent saisir, sans intermédiaire, en
matière d’appréciation de la légalité des actes communautaires et des droits de l’homme.

b) Les compétences de la Cour de justice de la CEDEAO

35. Le Protocole A/P1/7/91 du 6 juillet 1991 tel que révisé confère à la Cour de justice de
la Communauté des compétences en matière contentieuse et consultative. Dans sa
fonction contentieuse, la Cour est en charge de plusieurs contentieux à savoir le
contentieux de la déclaration, le contentieux de l’annulation, le contentieux de pleine
juridiction et le contentieux relatif aux droits de l’Homme42.

36. Le contentieux de la déclaration comprend les recours en manquements des Etats


ouverts aux Etats membres43 et à la Commission44 ainsi que le renvoi préjudiciel en
interprétation qui peut être déclenché par une juridiction nationale, de sa propre initiative
ou à la demande de l’une des parties au différend. Le contentieux de l’annulation quant à
lui concerne le recours en appréciation de la légalité d’une action par rapport aux textes
de la Communauté. Il est ouvert aux Etats membres, au Conseil des Ministres et à la
Commission. Le même type de recours est ouvert à toute personne physique ou morale
contre tout acte de la Communauté lui faisant grief45. La Cour connaît également le
contentieux de pleine juridiction, relatif à la réparation des dommages causés par les
organes de la Communauté ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de leurs fonctions
et aux litiges opposant la CEDEAO à ses agents. Le Protocole du 19 janvier 2005
conditionne ce type de recours à l’épuisement des recours prévus par le Statut et le
Règlement du personnel de la Communauté46. Enfin, la Cour connaît le contentieux des
droits de l’Homme. A cet effet, l’article 9§4 du Protocole du 19 janvier 2005 dispose que

42
Comparée aux attributions des autres juridictions communautaires de l’espace ohada, la compétence en
matière des droits de l’Homme de la CEDEAO apparaît comme une spécificité de cette Cour.
43
Art. 9§1 d du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janv. 2005.
44
Art. 10 a du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janv. 2005.
45
Art. 10 b et c du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janv. 2005.
46
Art.10 e du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janv. 2005.
« la Cour est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l’Homme dans
tout Etat membre » et sans la condition classique de l’épuisement des voies de recours
internes. Les arrêts de la Cour s’imposent aux Etats membres, aux institutions de la
Communauté et aux personnes physiques47.

37. En dehors du contentieux, la Cour dispose de compétence consultative. A ce titre, la


Cour émet des avis juridiques sur des questions qui requièrent l’interprétation des
dispositions du Traité sur saisine de la Conférence, du Conseil des Ministres, de tout Etat
membre, de la Commission et de toute institution de la Communauté.

II. Le Tribunal arbitral de la Communauté

38. Le Tribunal arbitral est prévu par l’article 16 du Traité révisé qui dispose qu’« il est
créé un Tribunal d’arbitrage de la Communauté ». La disposition continue en précisant
que « le Statut, la composition, les pouvoirs, les règles de procédures et les autres
questions relatives au Tribunal d’arbitrage sont énoncés par un protocole y afférent».
Jusqu’à ce jour, ce protocole n’a pas encore été signé. Par ailleurs, il est permis de se
demander, comme l'ont fait observer certains auteurs48, quelles devraient être les
compétences du Tribunal, à côté de la Cour de justice, qui en plus de l’exclusivité
statutaire, remplit pour le moment des fonctions d’arbitrage. En revanche, cette question
de dualité de juridictions ne se pose pas au sein des organisations d’intégration
sectorielle, étant donné que ces organisations n’ont pas institué de juridictions
communautaires.

47
Art. 15 § 4 du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janv. 2005.
48
V. not. L.M., IBRIGA, D. COULIBARY et D.SANOU, Droit communautaire ouest africain, op.cit.,
pp.73-74.

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