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L’IMPÉRATIF DE

RENFORCER NOTRE UNION

Rapport sur les propositions de


recommandations relatives à la
réforme institutionnelle de
l’Union africaine

préparé par S.E.M. Paul Kagamé

29 janvier 2017
Décision relative à la réforme institutionnelle de l’Union africaine
Assembly/AU/Dec.606 (XXVII)

« La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement,

1. RAPPELLE les conclusions de la Retraite des Chefs d’État et de


gouvernement, des ministres des Affaires étrangères et des ministres des
Finances qui s’est tenue à Kigali au Rwanda le 16 juillet 2016, concernant la
nécessité de mener une étude sur la réforme institutionnelle de l’Union
africaine (UA) ;

2. DÉCIDE de confier la préparation de l’étude à Son Excellence Monsieur Paul


Kagamé, Président de la République du Rwanda, qui sera chargé de
soumettre un rapport sur les propositions de réformes pour la mise en place
d’un dispositif de gouvernance capable d’apporter des réponses aux défis
auxquels fait face l’Union. À cette fin, le Président Kagamé peut, en
collaboration avec la Commission, engager les services d’experts de son choix
afin de s’acquitter efficacement de sa mission »

1
Contexte général et introduction
À l'aube du nouveau millénaire, nous avons pris la décision de transformer
l'Organisation de l'unité africaine afin de créer l’Union africaine (UA). Cette décision
historique a suscité de grandes attentes. Malgré des moyens insuffisants et un
environnement interne et externe difficile, l'Union africaine a enregistré des résultats
importants dans le domaine politique, de paix, de sécurité et socio-économique. Ce
que nous avons accompli témoigne de ce que nous pourrions réaliser si nous en
avons les moyens, la volonté et si nous prenons conscience de l'urgence de la
situation. Quinze ans plus tard, le monde se trouve face à un contexte inhabituel.

Alors que l’on assiste partout dans le monde à l’accumulation et à la propagation


spectaculaires d’un ensemble de défis sans précédent, de nouveaux facteurs de
vulnérabilité ne cessent d’apparaître, aussi bien dans les pays riches que dans les
pays pauvres.

Tous les pays doivent s'adapter, mais les évolutions récentes ont ceci de particulier
que même les pays les plus riches et les plus avancés au plan technologique ne
peuvent espérer faire face tout seuls à ces mutations.

Même si les bouleversements politiques remarquables qui ont lieu à l'échelle


mondiale créent de nouvelles incertitudes quant à l'avenir de la coopération
multilatérale, il est évident que la recherche de véritables solutions à des
problématiques telles que les changements climatiques, les idéologies extrémistes
violentes, les grandes pandémies ou les migrations de masse nécessite une
coopération étroite avec d'autres partenaires, dans certains cas par le biais
d’organisations régionales efficaces et ayant des objectifs clairs.

Nulle part ce constat n’est plus juste qu'en Afrique, un continent où les divisions
internes arbitraires qui nous sont imposées par l'histoire nous ont laissés
relativement plus isolés les uns des autres et du reste du monde.

Pour surmonter les séquelles de ce passé, nous avons dû nous unir autour d’une
vision et d’une action communes, tout d'abord pour nous libérer de la domination
étrangère, et ensuite pour conduire nos peuples vers la dignité et la prospérité.

2
Face à cet impératif, nous avons la chance d'avoir hérité d'un ensemble d'institutions,
notamment l’Union africaine et l’organisation qui l’a précédée, qui sont bâties sur
l’idéal de l’unité africaine et fondées sur les valeurs de respect, de tolérance et de
solidarité que nous partageons en tant qu’Africains.

Toutefois, la notion de l'unité africaine n'a jamais eu seulement une valeur


rhétorique, mais découle plutôt de la nécessité pratique de travailler ensemble afin
d’apporter à nos citoyens des améliorations concrètes en matière de bien-être et de
sécurité que nos pays ne seraient pas capables de réaliser individuellement.

Malheureusement, la vérité est que l'Afrique n'est pas assez préparée à faire face aux
évolutions en cours car l'Union africaine, malgré ses acquis, n'est toujours pas à la
hauteur des enjeux.

Le coût de l’inaction sera supporté par nos concitoyens et se traduira en termes de


réduction de l’espérance de vie et d'ambitions contrariées.

Sans une Union africaine efficace, le continent ne peut progresser et nous risquons
de connaître une nouvelle décennie d’occasions manquées.

Des dizaines de milliers de cadavres de jeunes africains ont été engloutis par la mer
ou abandonnés dans le désert, arrachés à la vie dans leur quête d'une vie décente
pour laquelle ils sont prêts à tout risquer, persuadés qu'il n'y a aucun espoir dans leur
pays d’origine. Ils nous invitent à agir de façon urgente.

Continuer de remettre à plus tard les réformes nécessaires, c’est décider


implicitement de ne rien faire. C’est nous abandonner nous-mêmes et abandonner
nos populations. C’est aussi admettre que notre situation est inévitable et accepter
comme un fait normal la place subalterne qu’occupe l'Afrique dans le concert des
nations.

Pourtant, chaque époque est présentée comme étant l’heure de l'Afrique. La question
qui s’est toujours posée est de savoir si nous choisissons de répondre présent et de
nous doter des moyens nécessaires pour saisir les opportunités qui se présentent à
nous.

Mais la preuve que nous pouvons y arriver est tout à fait évidente. Par exemple, la
CEDEAO et la Communauté est-africaine ont déjà fait de la libre circulation une

3
réalité en leur sein. Il n'y a donc aucun obstacle technique à étendre ce principe,
comme nous sommes convenus de le faire.

Dans ce contexte, la 27è Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de


gouvernement a décidé, en juillet 2016, suite à l'adoption réussie de la Décision de
Kigali sur le financement de l'Union africaine, qu'il était urgent d'accélérer la réforme
en cours de l’Union africaine et a décidé de confier au Président rwandais, Paul
Kagamé, la tâche de préparer un rapport sur les propositions de solutions pour
garantir l’avenir de l’organisation.

À cette fin, le Président Kagamé a nommé pour l’assister dans sa tâche une équipe
consultative panafricaine avec laquelle il a tenu une série de réunions consultatives
en vue d’identifier les atouts et les insuffisances de l’Union africaine et de réfléchir à
des propositions de réforme1.

L'examen s’est appuyé sur les études détaillées conduites précédemment par les
organes et institutions de l’Union africaine. Il s'agit notamment du Rapport Adedeji
de 2007 et du Rapport Mekelle de 2016.

Le Président de la Commission, Dr. Nkosazana Dlamini Zuma, a largement contribué


à cet ensemble de réflexions à travers des avis et des contributions.

Les Chefs d'État ont régulièrement été informés et plusieurs d’entre eux fourni des
contributions détaillées, qui ont été soigneusement examinées.

De cet examen, se sont dégagées un certain nombre de conclusions importantes qui


ont permis de formuler les recommandations proposées :

 l'incapacité chronique à traduire en actes les décisions de l'Union africaine a


entraîné une crise de la mise en œuvre ;
 le sentiment que l’organisation est peu en phase avec les besoins des citoyens
africains ;

1 Mme Cristina Duarte (ancienne ministre des Finances de la République de Cabo Verde), de Dr. Donald
Kaberuka (ancien Président de la Banque africaine de développement), Dr. Acha Leke (associé principal de
McKinsey & Company), Dr. Carlos Lopes (ancien Secrétaire exécutif de la Commission économique des
Nations Unies pour l'Afrique), M. Strive Masiyiwa (président-directeur général de Econet Wireless), M. Tito
Mboweni (ancien président de la Banque centrale de l’Afrique du Sud), l'Honorable Amina J. Mohammed
(ministre de l'Environnement de la République fédérale du Nigéria), l'Honorable Mariam Mahamat Nour
(ministre de l'Économie et de la Coopération internationale de la République du Tchad), et Dr. Vera Songwe
(directeur régional pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre de la Société financière internationale).

4
 une organisation fragmentée ayant une multitude de domaines
d’intervention ;
 la dépendance excessive à l’égard des financements des partenaires ;
 l’insuffisance de résultats de certains organes et institutions liée au manque de
clarté concernant leurs missions ou d’un manque de financement chronique ;
 une capacité de gestion limitée ;
 l’absence d’obligation de rendre compte quant aux résultats, à tous les
niveaux ;
 le manque de précision concernant la répartition des tâches entre la
Commission de l'Union africaine, les communautés économiques régionales
(CER), les autres mécanismes régionaux (MR) et les États membres ;
 l’inefficacité des méthodes de travail tant au niveau de la Commission que de
la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement.

Cependant, l'honnêteté nous commande de reconnaître que le problème fondamental


n'est pas essentiellement d’ordre technique, mais plutôt le résultat d’une défaillance
plus profonde.

Ce n'est pas par manque d'idées, de visions, de priorités, de ressources ou de moyens


que l'Union africaine n'a pas été en mesure d’évoluer avec son temps. L’on ne peut
pas non plus rejeter sur les autres la responsabilité des divisions internes qui
ralentissent à certains moments inutilement nos actions.

Ce n’est pas à la Commission de donner le ton de la réforme. Les dirigeants se situent


au début et à la fin du processus ; c’est à eux de bien définir les résultats attendus et
la cadence. Après tout, l’efficacité de l’Union africaine, c'est notre affaire et notre
responsabilité.

La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement a adopté plus de


1500 résolutions. Pourtant, il n'existe aucun moyen permettant de déterminer
aisément combien de ces programmes ont été effectivement mis en œuvre. Par notre
incapacité constante à suivre la mise en œuvre des décisions que nous avons prises,
nous avons donné le sentiment qu'elles n'ont aucune importance.

5
Le constat qui se dégage est celui d’une organisation dysfonctionnelle qui a peu de
valeur aux yeux des États membres, à laquelle les partenaires internationaux
accordent peu de crédit et qui ne jouit d’aucune confiance auprès de nos citoyens.

Si nous assumons notre part de responsabilité, nous pouvons espérer voir émerger
une Union africaine recentrée et revigorée, encore plus performante et qui progresse
continuellement d'année en année.

Pour renforcer davantage l'Union africaine, il faudra que nous agissions dans les
quatre domaines suivants :

 recentrer l’Union sur les priorités essentielles touchant l’ensemble du


continent ;
 recentrer les institutions de l'Union africaine sur ces priorités ;
 gérer efficacement l'Union africaine aussi bien au niveau politique qu’au
niveau opérationnel ;
 financer l'Union africaine par nos propres moyens et de manière pérenne.

L’agenda 2063 de l’Union africaine définit une vision à long terme ambitieuse
pour le continent. À cet égard, il faudra démontrer, à court et à moyen terme, des
résultats concrets et mesurables.

La réalisation de ces conditions permettra également à l’Union africaine de retrouver


la confiance des populations à travers le continent.

Pour chacun des quatre domaines d'action, les recommandations contenues dans le
rapport répondent aux questions essentielles énoncées ci-après.

Définir des orientations claires

 Comment faire en sorte que nos efforts ne soient pas dispersés et que l'Union
africaine se concentre sur des priorités qui auront un impact réel sur la vie des
citoyens africains ?
 Comment établir une répartition claire des tâches entre l'Union africaine, les
CER/MR, les États membres ?

6
Se recentrer

 Comment recentrer la Commission de l'Union africaine, les organes et les


structures techniques spécialisées sur les priorités définies de façon
consensuelle ?

Gérer

 Comment construire une Commission de l'Union africaine efficiente et


efficace employant les cadres africains les plus compétents ?
 Comment faire en sorte que les organes et les structures techniques
spécialisées de l'Union africaine produisent des résultats et un
impact concrets ?
 Comment renforcer les méthodes de travail du Sommet de l'Union africaine
afin d'améliorer la qualité et l'impact des décisions de l'organisation ?
 Comment assurer la mise en œuvre rapide des décisions de la Conférence des
Chefs d’État et de gouvernement ?

Se financer

 Comment parvenir à l'autonomie financière ?


 Comment renforcer la gestion financière et l’obligation de rendre compte ?

Mise en œuvre

Nous ne pouvons pas permettre que la mise en œuvre des réformes institutionnelles
soit laissée au hasard ou traiter cette dernière comme faisant partie de la routine. Au
niveau de la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement comme à la
Commission, la responsabilité de l'exécution du programme de réformes doit être
clairement définie.

Étant donné que des décisions ont été prises par le passé, mais n’ont pas été mises en
œuvre, il est temps de rechercher un mécanisme différent qui nous oblige
formellement et juridiquement à agir sans délai et nous rend responsables des
résultats.

Quel que soit le coût qui pourrait nous être imposé en cas de manquement à nos
obligations, il est largement inférieur au coût de l’inaction que paient tous les
Africains depuis trop longtemps.

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Les recommandations présentées dans ce rapport sont une contribution aux
discussions que nous avons engagées concernant l’avenir de notre organisation.

Nous avons tout ce qu’il faut pour réussir. Ne pas remplir une fois encore notre
devoir envers l’Afrique serait une faute impardonnable.

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Recommandations pour la réforme
SE RECENTRER sur les priorités essentielles touchant l’ensemble du
continent

L'Union africaine intervient actuellement dans presque tous les domaines liés au
développement du continent. Son champ d’action n’est pas bien circonscrit. Cette
absence d’orientation claire complique l’affectation stratégique des ressources et
contribue à la fragmentation et à l’inefficacité de l’organisation.

Recommandations
1. L'Union africaine devrait se concentrer sur un nombre moins important de
domaines prioritaires dont la portée s’étend à l’ensemble du continent tels que
les affaires politiques, la paix et la sécurité, l'intégration économique
(notamment à travers la Zone de libre-échange continentale) et la possibilité
pour l’Afrique d’être représentée et de faire entendre sa voix sur l’échiquier
mondial.
2. Dès lors, il convient d’établir une répartition claire des tâches et une
collaboration efficace entre l'Union africaine, les communautés économiques
régionales (CER), les mécanismes régionaux (MR), les États membres et les
autres institutions continentales, conformément au principe de subsidiarité.

RÉAMÉNAGER la structure des institutions de l’Union africaine en vue


de concentrer ses efforts sur les priorités essentielles

L'Union africaine est une organisation complexe regroupant des dizaines de


structures. Par exemple, on dénombre huit Directions rattachées à la Commission et
31 départements et services, de même que onze organes de l'Union africaine, 31
agences techniques spécialisées (ATS) et une vingtaine de comités de haut niveau.

Les études précédentes ont démontré comment cette structure compliquée réduit la
capacité de l'Union africaine à prendre des décisions et à mener à bien des initiatives.

En outre, l'Union africaine est perçue comme étant éloignée des préoccupations des
citoyens. Bien qu'elle ait réussi dans une certaine mesure à placer les questions

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touchant l’égalité entre les sexes et la situation des jeunes au cœur des priorités de
l'institution, il reste encore beaucoup à faire pour produire des résultats et un impact
réels pour les citoyens africains.

Recommandations
3. Il faudrait procéder à un audit des goulets d’étranglement et pesanteurs
bureaucratiques qui empêchent la prestation des services et les mesures
nécessaires devront être prises sans délai.
4. Les structures de la Commission devraient être réévaluées pour s'assurer
qu'elles ont une taille et des moyens suffisants pour produire des résultats
satisfaisants dans les domaines prioritaires convenus.
5. L'équipe dirigeante de la Commission doit être resserrée et axée sur les
résultats.
6. À la lumière des domaines prioritaires convenus, les autres organes et
institutions de l'Union africaine tels que ceux cités ci-après devraient
également être réévalués et renouvelés.

A. Le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique


(NEPAD)

Le NEPAD a été intégré au sein de la Commission en tant qu'organe


technique, mais dans les faits, il n'est pas encore pleinement intégré. La
coordination entre la Commission et le NEPAD reste difficile car l’une et
l’autre entreprennent des activités de planification et de mobilisation de
ressources de façon indépendante, et même dans certains cas, se battent pour
l’obtention des mêmes ressources financières. Par exemple, le NEPAD
s’intéresse surtout à l’industrialisation et aux infrastructures alors que la
Commission intervient également dans ces domaines. De plus, la Commission
et le NEPAD sont reliés par des canaux hiérarchiques parallèles à la
Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement et au Comité des
représentants permanents de l'Union africaine.

Recommandations

Le NEPAD devrait être pleinement intégré à la Commission, éventuellement


en tant qu'organisme de développement de l'Union africaine. Son action

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devrait s’inscrire dans le cadre des axes prioritaires convenus et s’appuyer sur
un dispositif renforcé de suivi des résultats.

B. Le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP)

Recommandation

Le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP) pourrait être


renforcé en vue de suivre la mise en œuvre et assurer le suivi et l'évaluation
des résultats dans les principaux domaines liés à la gouvernance sur le
continent.

C. Les organes judiciaires et législatifs

L'Acte constitutif de l'Union africaine prévoit la création d’une Cour de justice


de l’Union africaine. En 2008, la Conférence des Chefs d’Etat et de
gouvernement a adopté un protocole visant à fusionner la Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples et Cour africaine de justice en vue de créer
une seule cour, la Cour africaine de justice et de droits de l'homme.

Cependant, le protocole n'a pas encore été ratifié par un nombre suffisant
d'États membres pour permettre son entrée en vigueur, témoignant du
manque d’attachement pour cet organe. De même, le protocole portant
création du Parlement africain n’a été ratifié que par un Etat membre, de sorte
qu’il n’est à présent qu’un organe consultatif au sein de l’Union africaine.

Recommandation

Les rôles des organes judiciaires et législatifs de l'Union africaine (Cour


africaine de justice, la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples) et
du Parlement panafricain devraient être réexaminés et précisés, tout en
évaluant les progrès réalisés à ce jour.

Par exemple, le PAP devrait-il disposer de pouvoirs législatifs et, si oui, dans
quels domaines ? Devrions-nous envisager de modifier le mode d'élection au
PAP ? Qu'est-ce qui empêche la fusion de la Cour africaine de justice et de la
Cour africaine des droits de l'homme et des peuples ? Ces questions doivent
être réglées.

11
D. La paix et la sécurité

Bien qu’étant doté d’un cadre juridique solide et de pouvoirs et de fonctions


accrus, la qualité des décisions, des interventions et des résultats obtenus par
la Commission paix et sécurité n’est pas à la hauteur de l'ambition envisagée
dans le Protocole qui l’a créé.

Recommandation
Il faudrait engager une réforme profonde du Conseil paix et sécurité (CPS).
Cette réforme devrait consister à a) réviser la composition du CPS,
conformément à l’Article 5(4) du Protocole du CPS, b) renforcer les méthodes
de travail du CPS et c) renforcer le rôle du CPS dans la prévention et la gestion
des crises.

E. Le Comité des représentants permanents (CRP)

L'Acte constitutif précise que le Comité des représentants permanents est


« chargé de préparer les travaux du Conseil exécutif et d'agir selon les
instructions du Conseil exécutif2 ».

Toutefois, dans la pratique, le CRP s’est plutôt donné pour tâche de


superviser le travail quotidien de la Commission. Par exemple, la Règle 4 du
Règlement intérieur du CRP stipule que le CRP contrôle le « programme et le
budget de l'Union africaine, ainsi que la gestion administrative, budgétaire et
financière de la Commission3». Les consultations menées portent à croire
que cette activité a davantage contribué à affaiblir les capacités de mise en
œuvre de la Commission.

En outre, certaines décisions de la Conférence des chefs d'État et de


gouvernement ont été retardées, voire ignorées par le CRP, ce qui laisse
supposer que le CRP s’est attribué un rôle injustifié dans le processus de
prise de décision.

2 Article 21(2), L’Acte constitutive de l’Union africaine (2000)


3 Règlement intérieur du Comité des représentants permanents (2002)

12
Recommandation
Les règles et procédures du Comité des représentants permanents (CRP)
doivent être conformes au mandat prévu dans l'Acte constitutif. Le CRP
devrait faciliter la communication entre l'Union africaine et les capitales des
États membres et jouer le rôle d’organe consultatif auprès du Conseil exécutif
plutôt que celui d’organe de surveillance de la Commission.

F. Les agences techniques spécialisées (ATS)

Un nombre croissant d’ATS ont été créées par l'Union africaine ou intégrées
dans sa structure. Beaucoup d’entre elles ont des fonctions qui se chevauchent
et dont certaines ne correspondent pas aux priorités de l'Union africaine.

Recommandation
Les agences techniques spécialisées (ATS) devraient être réévaluées et
rationalisées. Seules celles dont le mandat s’inscrit dans le cadre des axes
prioritaires recommandés devraient être maintenues.

METTRE l’Union africaine au service des citoyens

7. L’Union africaine devrait se mettre davantage au service des citoyens en


lançant des initiatives telles que :

Recommandations

 Instaurer des quotas de représentation des femmes et des jeunes au sein de


toutes les institutions de l'Union africaine, ainsi que pour les représentants
du secteur privé, le cas échéant ;
 créer un Corps de volontaires africains ;
 faciliter les échanges dans les domaines culturel et sportif entre les États
membres ;
 mettre le passeport africain à la disposition de tous les citoyens qui y ont droit
le plus rapidement possible, conformément à la décision de la Conférence des
Chefs d’Etat et de gouvernement ;
 identifier et fournir un ensemble de capacités ou « ressources » nouvelles sous
forme de services communs définis comme importants par les États membres
et les citoyens. Par exemple, l’organisation pourrait fournir des services

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neutres en matière d'arbitrage et de concurrence ou une plateforme technique
commune pour le recueil et l’analyse des données permettant d’évaluer les
progrès accomplis par l'Afrique vers la réalisation de ses objectifs de
développement.

GÉRER efficacement l’Union africaine aussi bien au niveau politique


qu’au niveau opérationnel

Un certain nombre d’enjeux ont été identifiés avec l’équipe dirigeante actuelle de
l'institution aussi bien au plan politique qu’au plan opérationnel.

Au plan politique

Les méthodes de travail du Sommet de l'Union africaine sont inefficaces et entravent


la prise de décision et la mise en œuvre. Les réunions du Sommet se tiennent souvent
en retard et sont caractérisées par des ordres du jour surchargés qui empêchent de
concentrer les échanges sur les questions stratégiques qui devraient retenir
l'attention des Chefs d'Etat4.

Les responsables ont très peu l’occasion de dégager un consensus sur les questions
majeures avant la séance plénière et les CER ne sont pas suffisamment consultées.
En outre, il n'existe aucun mécanisme de coercition permettant de garantir la mise
en application des décisions de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement.

Recommandations

8. Il convient de réformer les méthodes de travail lors des Sommets de


l’Union africaine :

 chaque sommet de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement ne


devrait pas inscrire à son ordre du jour plus de trois questions
d’importance stratégique, conformément aux recommandations du

4 Étude comparative des méthodes de l’Union africaine et celles des autres organisations Internationales et
multilatérales similaires, Union africaine, 2016.

14
rapport Mekelle. Les autres questions devraient être déléguées au Conseil
exécutif.
 Au niveau de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement, un seul
sommet devrait être organisé par an, à l'exception des sessions
extraordinaires.
 Les règles et lignes directrices régissant l’organisation des Sommets
devraient être révisées, notamment en ce qui concerne le niveau de
représentation acceptable (par exemple, peuvent y assister seulement les
présidents, les vice-présidents ou les premiers ministres).
 Le deuxième sommet de l'année devrait porter sur la coordination avec les
CER. Il devrait être élargi au Bureau de la Conférence des Chefs d’Etat et
de gouvernement de l'Union africaine ainsi qu’aux présidents des CER et
des mécanismes régionaux. Avant le sommet, l'Union africaine devrait
jouer un rôle de coordination et d'harmonisation plus actif auprès des
CER, conformément au Traité d'Abuja.
 Des partenaires extérieurs devraient être invités aux sommets à titre
exceptionnel et dans un but déterminé.

9. Les sommets de partenariat organisés par des partenaires extérieurs


devraient être examinés dans le souci d’offrir à l’Union africaine un cadre
propice pour l’établissement de partenariats viables. Au lieu d’associer
l’ensemble des pays, l'Afrique pourrait être représentée par :

 le/la Président(e) en exercice de l’Union africaine ;

 l’ancien(ne) Président(e) de l’Union ;

 le/la Président(e) entrante de l’Union ;

 le/la Président(e) de la Commission de l’Union africaine ;

 les Président(e)s des communautés économiques régionales


(CER).

10. Afin de garantir la continuité et la mise en œuvre effective des décisions de


la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement, il conviendrait
d’instaurer un schéma de collaboration tripartite (Troïka) entre le

15
président sortant, le président en exercice et le président entrant. Cela
nécessiterait que le président entrant soit choisi un an à l'avance. Le rôle
du Président de la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement devrait
également être clarifié.

11. Le mécanisme actuel de sanctions devrait être renforcé et appliqué. À cet


égard, il serait bon d’envisager de conditionner la participation effective
aux délibérations de l'Union africaine au respect des décisions du Sommet.

Au plan opérationnel

Dans l’exercice de sa mission, la Commission est confrontée à des problèmes de


management dont beaucoup ont été identifiés lors d'évaluations antérieures, mais
n'ont pas encore été traités. On peut citer notamment la responsabilisation
insuffisante des dirigeants, les lacunes au niveau de la supervision et la coordination,
l’inadaptation des systèmes de recrutement et de gestion de la performance et
l'inadéquation du processus de sélection des candidats aux hautes fonctions au sein
de la Commission.

Recommandations

12. L’élection du Président de la Commission devrait être renforcé à travers un


dispositif de gouvernance solide et transparent (par exemple, la
présentation de manifestes par les candidats, leur audition par les Chefs
d’État, des manifestations publiques).

13. Le/la vice-président(e) et les commissaires devraient être recrutés par voie
de concours conformément aux meilleures pratiques, et nommés par le/la
Président(e) de la Commission, à qui ils doivent être directement
rattachés, tout en respectant entre autres les principes de diversité des
sexes et des régions.

14. Le rôle du vice-président devrait être redéfini pour lui confier la


responsabilité de veiller au bon fonctionnement de l'administration de la
Commission. Le titre du président de la Commission et du vice-président
de la Commission pourrait également être revu (par exemple,

16
Président/Secrétaire général, Vice-président/responsable principal des
opérations).

15. Il faudrait procéder à une révision profonde de la structure et des besoins


en personnel de l'organisation ainsi que des conditions d’emploi pour tenir
compte des axes prioritaires recommandés.

FINANCER l’Union africaine par nos propres moyens et de façon


pérenne

En 2014, le budget de l'Union africaine était de 308 millions de dollars, dont plus de
la moitié était financé par des donateurs. En 2015, il a augmenté de 30 % pour
s'établir à 393 millions de dollars, dont 63 % ont été financés par des donateurs. En
2016, les donateurs ont assuré 60 % du budget de 417 millions de dollars. En 2017,
les États membres devraient assurer 26 % du budget prévu de 439 millions de
dollars, tandis que les donateurs devraient apporter les 74 % restants5.

Les programmes de l'Union africaine sont financés à 97 % par les donateurs 6. En


décembre 2016, seuls 25 des 54 États membres avaient acquitté intégralement leur
cotisation pour l'exercice 2016. Quatorze États membres ont versé plus de la moitié
de leur contribution et 15 n'ont effectué aucun versement.

Ce degré de dépendance vis-à-vis des financements des partenaires extérieurs


soulève une question fondamentale : comment les États membres peuvent-ils
contrôler l'Union africaine et retrouver leur dignité s'ils ne définissent pas ses
priorités ?

L'amélioration de la responsabilité financière de manière générale supposera


l’adoption de budgets finançables par les États membres et établis selon une formule
de partage équitable du fardeau, ainsi que l'instauration d'un ensemble de « règles
d'or » en matière de gestion financière.

5 Commission de l’Union africaine, Commission de l’Union africaine, Manuel de l’Union africaine 2014-2017
6 Oyoo, S., AU dependency on Donor Funding, 2015

17
Recommandations

16. La décision de Kigali sur le financement de l’Union devrait être appliquée


immédiatement afin d'assurer la viabilité financière de l'Union africaine.

17. Les mesures complémentaires essentielles décrites ci-après devraient être


également étudiées pour donner plus de force à la décision de Kigali sur le
financement de l’Union :

 le barème actuel des cotisations devrait être révisé en tenant compte des
principes suivants : a) la capacité contributive ; b) la solidarité ; et
c) la répartition équitable du fardeau (pour éviter la concentration des
risques).

 Le Comité des Dix ministres des Finances mis en place en vertu de la


Décision de Kigali sur le financement de l’Union africaine adoptée en 2017
devrait assurer le contrôle du budget et des finances de l'Union africaine.

 Le Comité des Ministres des Finances devrait élaborer un ensemble


de « règles d'or » définissant des principes clairs de gestion et de
responsabilité en matière financière, lesquels seront inscrits dans
les Statuts et le Règlement financier de la Commission de l'Union
africaine. La Décision de Johannesburg prévoyant le financement
par les États membres de l’Union africaine de 100 % du budget de
fonctionnement, de 75 % du budget de programme et de 25 % du
budget des opérations de soutien à la paix constitue un bon point de
départ.

 Les pénalités applicables en cas de non-paiement des contributions mises


en recouvrement devraient être revues et renforcées, conformément au
nouveau régime de sanctions exécutoire. En particulier, la perte du statut
de membre pourrait être imposée à titre provisoire en cas de non-
paiement intégral des cotisations dues dans un délai de 18 mois, et la

18
réintégration des membres serait conditionnée au règlement des arriérés,
assortis d’autres frais annexes.

Ceci n'est pas la première tentative de réforme de l'Union africaine. Les


recommandations formulées par le passé sont restées pour la plupart lettre morte.
Des structures spéciales de supervision, de mise en œuvre et de gestion du
changement doivent être créées au niveau de la Conférence des Chefs d’Etat et de
gouvernement et de la Commission de l'Union africaine pour veiller à la mise en
œuvre des recommandations.

Recommandations

18. Un panel de haut niveau des Chefs d'État et de gouvernement devrait être
mis en place pour superviser le processus de mise en œuvre.

19. Une Cellule de mise en œuvre de la réforme et de gestion du changement


devrait être créée au sein du bureau du/de la Président(e) de la
Commission pour piloter au quotidien la mise en œuvre des réformes dans
le respect des échéanciers définis.

20. Un mécanisme juridiquement contraignant devrait être mis en place pour


veiller à ce que les États membres honorent leur engagement à mettre en
œuvre ces réformes.

19
Conclusion
Aujourd’hui, l’Union africaine se situe à un nouveau tournant dans son histoire. Elle
peut poursuivre sur la même voie ou changer de cap pour être davantage au service
des populations. La décision d’opérer ce changement se trouve entre les mains des
dirigeants africains. Il est temps d’offrir à nos citoyens un continent dans lequel ils
peuvent s’épanouir.

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Séquence des recommandations
La mise en œuvre des recommandations proposées dans ce rapport nécessitera
l’élaboration d’un plan structuré pour la mise en place des réformes dans un délai de
1 ou 2 ans commençant immédiatement :

À court terme (0-6 MOIS)


REF7 1) Recentrer le programme d’action de l’Union africaine sur un nombre plus
réduit de domaines prioritaires
REF 16) Mettre en œuvre la Décision de Kigali relative au financement de l’Union
REF 17) Adopter des mesures complémentaires pour donner plus de force à la
Décision de Kigali relative au financement de l’Union
REF 11) Renforcer et veiller à l’application du mécanisme de sanctions
actuellement en vigueur
REF 18) Mettre sur pied un groupe de haut niveau pour superviser la mise en
œuvre de la réforme
REF 19) Créer une cellule au sein de la CUA qui sera chargé de piloter la mise en
œuvre de la réforme
REF 20) Instaurer un mécanisme contraignant pour garantir la mise en œuvre de
la réforme
REF 8) Réformer les méthodes de travail du Sommet
REF 9) Déterminer le mode de représentation approprié des États africains lors
des sommets de partenariat

À moyen terme (6-12 MOIS)


REF 12) Renforcer le processus de recrutement du Président de la Commission
REF 13) Recruter le vice-président de la Commission et les commissaires par voie
de concours
REF 14) Redéfinir le rôle du vice-président et modifier éventuellement l’intitulé
des fonctions du président et du vice-président

7 Numéro de la recommendation de réforme

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REF 3) Procéder à un audit des goulets d’étranglement et des pesanteurs
bureaucratiques dont souffre l’Union africaine
REF 4) Réévaluer la taille et les capacités des structures de la Commission
REF 5) Doter la Commission d’une équipe dirigeante resserrée et axée sur les
résultats
REF 15) Revoir la structure, les besoins en personnel et les conditions d’emploi de
la Commission

À long terme (1-2 ANS)


REF 2) Clarifier la répartition des tâches entre l’Union africaine, les CER, les
mécanismes régionaux, les États membres et les institutions continentales
REF 6) Examiner et mettre à jour le mandat et la structure des principaux
organes et institutions
REF 7) Lancer des initiatives essentiellement destinées à rapprocher davantage
l’Union africaine des citoyens
REF 8) Réformer les méthodes de travail du Sommet
REF 10) Mettre en place une troïka regroupant le président sortant, le président
en exercice et le président sortant de l’Union africaine

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