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Ohadata D-02-24

Ecodroit, n° 11 – Mai 2002, Pp. 10 - 20.

BILAN ET PERSPECTIVES DE L’OHADA.

Par KOUASSI KOUADIO


Magistrat, Conseiller Technique
au Ministère de la Justice et des Libertés Publiques,
Président de la Commission Nationale OHADA de Côte d'Ivoire

Signé le 17 octobre 1993 par une douzaine d'Etats à Port-Louis (Maurice), en marge du
Vème sommet de la francophonie, le Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en
Afrique est entré en vigueur le 18 septembre 1995, à la suite du dépôt auprès des autorités du
Sénégal, du 7è instrument de ratification par le Niger, le 05 juin 1995.
Ratifié par notre pays le 6 septembre 1995 (décret n° 95-674 du 6 septembre 1995), ce
traité a pour objet «l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties, par
l'élaboration et l'adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de
leurs économies, par la mise en œuvre de procédures judiciaires appropriées et par
l'encouragement au recours à l'arbitrage pour le règlement des différends contractuels». La
réalisation de ces tâches est assurée par l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du
droit des affaires (OHADA), comprenant un conseil des Ministres chargés de la justice et des
Ministres chargés des finances, une Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, un Secrétariat
Permanent et une Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA).
En unissant ainsi le droit des affaires par la création d'un espace juridique et judiciaire
commun, I'OHADA vise, à terme, l'institution d'une communauté économique africaine
ouverte à tous les Etats membres de l'organisation pour l'unité africaine (OUA), au sein de
laquelle la sécurité juridique des transactions commerciales est garantie. Afin d'apprécier la
réelle ambition des initiateurs de I'OHADA, il convient de mesurer le chemin parcouru (I) et
d'entrevoir les perspectives d'avenir (II).

I.- LE CHEMIN PARCOURU


Il ne s'agit pas ici de retracer les grandes étapes de l'harmonisation. Quelques repères
concernant la mise en place des institutions (A) ainsi que l'élaboration des textes harmonisés
suffisent à en dresser le bilan.
A.- La mise en place des institutions de l'OHADA
La mise en place de ces institutions a non seulement posé le problème de la répartition
des sièges ainsi que des postes de direction (a), mais elle a également soulevé la question de
leur financement (b).

a) La répartition des sièges et des postes de direction


La question de la mise en place des institutions a été abordée pour la première fois à la
réunion des Ministres signataires du Traité, tenue les 25 et 26 octobre 1994 à Lomé (à cette
réunion, le projet de création de l'ERSUMA avait également été examiné).
Mais c'est surtout à la réunion de BANGUI que le pas décisif avait été franchi. En effet,
après avoir évoqué l'importance de l'OHADA pour l'Afrique à la conférence des chefs d'Etats

1
d'Afrique et de France du 8 novembre 1994 tenue à BIARRITZ, les Ministres de la Justice
s'étaient à nouveau réunis à Bangui, le 21 mars 1995, pour jeter cette fois-ci, les bases de la
localisation des institutions.
A cette réunion de Bangui, ce problème de la localisation des sièges et des candidatures
à leur direction avait divisé les Etats parties au Traité.
Certains pays d'Afrique de l'Ouest, et surtout la Côte d'Ivoire, avaient considéré que sa
solution résidait dans le regroupement de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage et du
Secrétariat Permanent, ces deux institutions devant normalement fonctionner en symbiose.
Pour les partisans de cette thèse, la philosophie de l'intégration devrait conduire à éviter un
éclatement systématique des institutions par zone géographique.
Le Cameroun et la plupart des pays d'Afrique centrale s'étaient plutôt intéressés à
l'association Secrétariat Permanent - ERSUMA dont l'éclatement permettrait de contenter les
uns et les autres.
S'étant en effet, convenus de ce que le rattachement de l'ERSUMA au Secrétariat
Permanent tel qu'envisagé par l'article 3 alinéa 2 du traité n'étant qu'organique, ils avaient
conclu que le siège du Secrétariat pouvait se situer dans un pays autre que celui abritant
l'Ecole. Pour les tenants de cette position, non seulement l'article 41 du traité plaidait en
faveur d'une autonomie fonctionnelle de l'Ecole, mais cette autonomie contribuait mieux à
assurer la répartition géographique Afrique Centrale - Afrique de l'Ouest, puisqu'élargissant la
base de répartition des organes de direction.
Les positions étant restées inchangées à l'issue des débats, ceux-ci devaient aboutir aux
candidatures suivantes :
- Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature : Bénin et Mali
- Cour Commune de Justice et d'Arbitrage : Cameroun, Côte d'Ivoire, Togo
- Secrétariat Permanent : Congo, et Togo par la suite.
L'intégration africaine ne pouvant, toutefois, s'accommoder de positions rigides, les
Ministres avaient alors décidé de privilégier la concertation au plus haut sommet, entre les
chefs d'Etat. Aussi, à l'issue du Vè sommet France-Afrique de Cotonou, en décembre 1995, les
chefs d'Etat des Etats parties à l'OHADA avaient confié au Président de la République du
Sénégal le mandat de trancher lui-même la question de la répartition des sièges des
institutions entre les Etats candidats ainsi que celle de la nomination aux différentes fonctions.
C'est finalement au Conseil des Ministres des 17 et 18 avril 1996 tenu à N'Djamena
(Tchad), que le Ministre sénégalais de la Justice devait informer ses collègues de la solution
retenue par le Président Abdou Diouf. Le Bénin, le Cameroun et la Côte d'Ivoire s'étaient vus
attribuer respectivement le siège de l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature, du
Secrétariat Permanent et de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage. Aux Comores,
revenait le poste de greffier en chef, cédé par la suite au Congo, tandis que le Burkina Faso
recevait la direction de l'ERSUMA ; la présidence de la Cour étant réservée au Sénégal. Pour
le poste de Secrétaire Permanent, le Togo s'était finalement retrouvé face à la République
Centrafricaine, à qui il était proposé un poste de juge, à défaut de celui du Secrétariat
Permanent. Le Togo ayant finalement remporté le Secrétariat Permanent, le poste de premier
vice-président de la Cour avait été octroyé au juge de la République Centrafricaine.
Somme toute, de l'élection des juges de la Cour et des nominations des responsables des
autres institutions auxquelles le Conseil des Ministres a procédé, il est résulté les choix
suivants :

2
- Secrétaire Permanent : M. AREGA POLO (TOGO) récemment remplacé par M. KOUA
LUCIEN JOHNSON du même pays
- Directeur de l'ERSUMA : M. TIMOTHE SOME (BURKINA FASO)
- Juges de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage :
• M. Bahje DOUMSSIRIMBAYE (TCHAD) : 9 ans
• M. Maïnassara MAIDAGI (Niger) : 7 ans
• M. Boubacar DICKO (Mali) : 6 ans
• M. Jacques M'BOSSO (RCA) : 5 ans
• M. Cruz PINTO (Guinée-Bissau) : 4 ans
• M. Antoine OLIVElRA (Gabon) : 3 ans.
C'est également à la réunion de N'Djamena qu'il avait été retenu que les Etats abritant
les sièges des organes ne pouvaient prétendre en même temps à des postes pour leurs
ressortissants et que, pour des raisons d'équité, les postes de juges devraient être répartis entre
les pays n'abritant pas d'institution.
Enfin, à cette réunion de N'Djamena, il avait été discuté du financement de l'OHADA.

b) Le financement de l’OHADA
Les besoins de financement de l'OHADA ont été répartis en trois catégories :
- le financement de l'installation des institutions,
- le financement des frais de leur fonctionnement,
- et enfin, le financement des programmes d'activités.

* Le financement de l'installation des institutions.


A la réunion spécifique des Ministres de la Justice des 2 et 3 octobre 1995 à Bamako, où
avait été adopté le statut de l'ERSUMA, il avait également été retenu que les candidats à
abriter les sièges des institutions devaient communiquer au Sénégal le descriptif des
infrastructures qu'ils comptaient proposer à l'organisation et que ces infrastructures devaient
être fonctionnelles.
Sur la base de cet engagement, le Cameroun, où se trouve le siège du Secrétariat
Permanent a mis à la disposition de cet organe, un bâtiment pour servir de bureaux et un
logement pour le Secrétaire Permanent.
Le Bénin, attributaire du siège de l'Ecole, a construit et aménagé, à Porto-Novo, des
locaux pour cette Ecole et mis à la disposition de son directeur une résidence.
Quant à la Côte d'Ivoire qui abrite la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, elle a
entrepris la construction du siège, qui devait être livré depuis 1997, mais dont les travaux
n'arrivent pas à s'achever. Un budget d'environ un milliard de francs CFA avait pourtant été
octroyé pour construire ce bâtiment.
En vue de pallier le retard accusé par les travaux de finition du siège de la CCJA, des
locaux provisoires ont été mis à la disposition de celle-ci depuis 1998. Mais, ne comprenant ni
salle d'audience, ni salle de réunion lui permettant de faire face à la montée en puissance de
l'activité contentieuse, ces locaux demeurent non fonctionnels.

3
Le retard ainsi accusé dans la livraison du siège constitue un facteur de blocage du
fonctionnement des institutions, d'autant plus que le respect de leurs engagements par les
Etats parties conditionne le décaissement des contributions des bailleurs de fonds qui se sont
engagés à financer les activités de l'OHADA 1.

* Le Financement du fonctionnement des institutions de l'OHADA.


L'OHADA visant à promouvoir la sécurité juridique et judiciaire propice à la reprise de
l'investissement privé en Afrique, le projet justifiait une implication forte des bailleurs de
fonds. Toutefois, les fonctions des institutions, notamment la Cour de Justice, rendaient
souhaitable une participation des Etats membres de l'OHADA à hauteur de 51% du
financement. Il n'était pas sain, en effet, que ces institutions sur lesquelles devait reposer la
souveraineté des Etats africains fussent dépendantes de fonds majoritairement étrangers.
Aussi, les Etats membres s'étaient engagés, lors du conseil des Ministres de N'Djamena,
à prévoir dans les budgets respectifs pour l'année 1997, une dotation de 75 millions de francs
CFA pour assurer le démarrage effectif des institutions.
C'est le lieu de rappeler que s'agissant du financement des frais de fonctionnement
courant des institutions, les Etats membres de l'OHADA avaient convenu de mettre en place
un fonds de capitalisation alimenté par les Etats parties et les donateurs extérieurs et confié à
la gestion du PNUD. S'instruisant des perpétuelles difficultés de financement des
organisations africaines, la solution de la capitalisation avait le mérite de garantir une saine
gestion des ressources mobilisées et de mettre le fonctionnement des institutions à l'abri des
incertitudes budgétaires des Etats membres. En effet, ce fonds dont le montant aurait atteint
12 milliards de FCFA était susceptible de couvrir les dépenses de fonctionnement des
institutions pendant une dizaine d'années, si chaque Etat avait versé la totalité des trois cent
soixante quinze millions de FCFA de contribution. Or, jusqu'ici, seulement 11 pays ont libéré
leur dotation initiale de 75 millions de FCFA, deux Etats parties n'ont versé respectivement
que 20 millions et 18 millions et deux autres n'ont rien payé.
Quant au reliquat des 300 millions de FCFA dont l'intégralité aurait dû être acquittée en
1998, seulement dix Etats sur les seize l'ont versé jusqu'à ce jour.
Les bailleurs de fonds extérieurs n'ont-ils pas raison de conditionner leurs appuis
financiers à l'OHADA au respect par les Etats de leurs obligations vis-à-vis de l'organisation ?

* Le Financement des activités de l'OHADA.


Le financement des programmes d'activités des institutions est assuré par les
contributions des donateurs extérieurs sollicités lors des conférences des bailleurs de fonds de
Genève d'avril 1997 et de Cotonou d'octobre 1999.
Présentées sous forme de «menus» et soumises à l'examen des bailleurs de fonds par les
responsables des institutions, ces activités sont en progression constante et nécessitent, en
conséquence, un appui plus net des contributeurs. Depuis l'année 1999, l'Union Européenne
finance ainsi les programmes de formation de l'ERSUMA qui vient de bénéficier de cette
organisation d'une aide de 6.000.000 d'euros pour la poursuite des actions de formation tant au
niveau de l'Ecole elle-même qu'à l'intérieur des Etats parties.
Quid de l'élaboration des textes harmonisés ?

1
NDLR d’Ohada.com. La construction, l’aménagement et l’ameublement de ces locaux sont actuellement
entièrement achevés.

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B.- L'élaboration de la législation communautaire
La mise en œuvre de la législation communautaire conduit à faire le point des actes
uniformes et des textes régissant le fonctionnement des différentes institutions.

a) Les actes uniformes déjà adoptés


Depuis l'entrée en vigueur du traité OHADA, sept actes uniformes ont été adoptés, à
savoir :
- le 17 avril 1997, à Cotonou (Bénin), trois actes uniformes relatifs au droit commercial
général, au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique et au droit
des sûretés, tous trois entrés en vigueur le 1er janvier 1998 ;
- le 10 avril 1998, à Libreville (Gabon), deux actes uniformes relatifs aux procédures
simplifiées de recouvrement et aux voies d'exécution, entré en vigueur le 10 juillet 1998, et
aux procédures collectives d'apurement du passif, entré en vigueur le 1er janvier 1999 ;
- le 12 mars 1999 à Ouagadougou (Burkina Faso), un acte uniforme relatif au droit de
l'arbitrage et le règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, entré en
vigueur le 11 janvier 1999 ;
- le 23 mars 2000, à Yaoundé (Cameroun), l'acte uniforme portant organisation et
harmonisation des comptabilités des entreprises sises dans les Etats parties au traité OHADA,
en vigueur :
• pour les «comptes personnels des entreprises» le 1er janvier 2001 : opérations et
comptes de l'exercice ouvert à cette date ;
• pour les «comptes consolidés» et les «comptes combinés», le 1er janvier 2002 :
opérations et comptes de l'exercice ouvert à cette date.
Des innovations apportées par tous ces textes, il résulte que les actes uniformes sont
synonymes de modernisation et de sécurisation de l'environnement juridique des entreprises.
Cette modernisation et cette sécurisation juridique découlent non seulement de la rénovation
du statut de celles-ci et du renforcement des garanties des créanciers, mais elle se traduisent
également par l'adéquation des procédures collectives d'apurement du passif aux difficultés de
ces entreprises.

b) Les règles régissant le fonctionnement des institutions


Le statut de l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature a été adopté le 03 octobre
1995 à Bamako, suivi par le règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage, au mois d'avril 1996 à N'Djamena.
A la suite de l'adoption du règlement financier des institutions, du statut des
fonctionnaires et du régime du personnel non permanent de l'OHADA, le 30 janvier 1998 à
Lomé, le Conseil des Ministres vient d'adopter en sa session des 23 et 24 mars 2001 à Bangui,
le règlement portant organisation et fonctionnement du Secrétariat Permanent.
De l'avis du conseil des Ministres, partagé par maints juristes, il convient de faire
oraison. Aussi, est-il prévu l'organisation de deux ateliers sous-régionaux à Brazzaville et à
Dakar, destinés à réaliser de manière participative un diagnostic permettant de dresser un état
des lieux des contraintes rencontrées sur le terrain dans la mise en œuvre de cette législation
communautaire. Ce temps d'arrêt permettra ainsi d'identifier des solutions concrètes
susceptibles de surmonter lesdites contraintes de manière harmonieuse et concordante sur
l'ensemble de l'espace OHADA ainsi qu'au niveau de chaque Etat partie.

5
Mais, n'entamons-nous pas là, les perspectives ?

III.- LES PERSPECTIVES


Avec l'adhésion de la Guinée en mai 2000, l'OHADA a étendu son espace géographique
au-delà des frontières de la zone franc, confirmant ainsi sa vocation d'organisation ouverte à
tous les pays d'Afrique. Cette ambition, qui devrait aboutir à la création d'une communauté
économique africaine, implique la mise en place de mesures d'accompagnement des actes
uniformes déjà adoptés (A) et la poursuite de l'œuvre d'harmonisation (B).

A.- Les mesures d’accompagnement des actes adoptés


Plus de deux ans après l'entrée en vigueur des premiers actes uniformes, entrepreneurs
privés et même de nombreux professionnels du droit ont une mauvaise connaissance de leur
contenu et des conséquences pratiques de ces textes sur leurs activités.
Pour que ces actes uniformes adoptés ne restent pas un droit « papier » inapplicable et
inappliqué, il est indispensable que des mesures de soutien à leur application soient prises en
droit interne. Celles-ci ont trait à la mise en conformité des législations nationales avec les
actes uniformes (a) et à la diffusion et à la vulgarisation du nouveau droit harmonisé (b).

a) La mise en conformité du droit national avec les actes uniformes adoptés


La mise en conformité des textes actuellement en vigueur avec les actes uniformes
adoptés concerne, en fait, tout le processus de soutien à leur mise en application, En effet,
ceux-ci contiennent un certain nombre de dispositions ou soulèvent simplement certaines
interrogations qui, pour recevoir une réponse aboutissant à l'application cohérente des textes,
doivent impérativement être complétées par des mesures de droit interne visant, par exemple,
à:
- préciser l'application dans le temps, des actes uniformes au regard des articles 9 et 10
du Traité d'une part, et des dispositions transitoires de chaque acte uniforme, d'autre part ;
- passer en revue tous les actes uniformes adoptés et identifier, de façon exhaustive, les
dispositions dont la mise en œuvre effective implique l’adoption de dispositions spécifiques
au plan national ;
- recenser et identifier les textes législatifs et réglementaires du droit antérieur qui ont
été abrogés, complétés ou modifiés par les actes uniformes ;
- recenser les textes qui édictent des sanctions pénales relativement aux infractions
définies par les actes uniformes mais non sanctionnées par ceux-ci ; et prendre, enfin, les
dispositions pénales pour rendre effective la répression de ces infractions.
Toutes ces mesures doivent aboutir à la réécriture des actes uniformes en substituant à
leurs termes génériques les termes spécifiques appropriés (en matière judiciaire et
administrative) du droit interne des Etats parties.
Ce travail d'inventaire, qui n'est pas une sinécure, a été entrepris par la Côte d'Ivoire et a
abouti sous la supervision du professeur Joseph ISSA-SAYEGH, à la confection
d'impressionnants documents de travail, bases indispensables de la vulgarisation du droit
harmonisé.
Cette mise en conformité intéresse également le registre du commerce et du crédit
mobilier dont les nouveaux formulaires, proposés depuis deux ans par le Secrétariat
Permanent, attendent le financement et l’adoption d'un logiciel unique pour être fonctionnels.

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b) La diffusion et la vulgarisation des actes uniformes
Nécessaires à l'application des actes uniformes, leur diffusion et leur vulgarisation
passent par des actions de formation et de publication.

1.- Les actions de formation


Les actions de formation justifient la création de l'ERSUMA. Celles-ci visent
principalement à spécialiser les magistrats, les auxiliaires de justice, les universitaires et
même les praticiens et les opérateurs économiques dans le domaine du droit des affaires.
S'agissant d'un droit nouveau, et supranational, la vulgarisation des actes uniformes est
un des instruments essentiels pour surmonter les résistances en créant une culture OHADA, et
un sentiment d’appartenance. Ainsi, les populations ne doivent pas se demander ce que
l'OHADA peut faire pour elles, mais ce qu'elles peuvent faire pour l'OHADA. Les actes
uniformes ont donc besoin d'être connus. En effet, l'Etat de droit est indissociable de la
connaissance du droit positif par ceux qui le reçoivent et par ceux qui sont chargés de sa mise
en œuvre.
Dans ce contexte, les actions de formation devraient être dirigées en priorité vers les
enseignants juristes. Il revient à ceux-ci de partir des données brutes et sèches des textes pour
rendre compte, dans une présentation cohérente et exhaustive et selon un discours intelligible,
non seulement pour les justiciables, mais aussi pour les futurs praticiens du droit. Or, pour
bien former les autres, l'on a besoin d'être bien formé soi-même.
La nécessité de la formation portant sur les actes uniformes explique l’intérêt de certains
bailleurs de fonds pour les programmes d’activités de l’ERSUMA, qui vient de bénéficier
d'un appui de six millions d’euros pour la formation des formateurs.
Mais si les actions de formation devraient s’adresser aux enseignants ainsi qu'aux
professions juridiques (magistrats, avocats, opérateurs économiques et étudiants), elles ne
devraient pas pour autant exclure le grand public, même s'il n'est pas un consommateur direct
de ce droit. Autrement dit, la formation devrait faire acquérir la connaissance de quelques
règles essentielles de base à des non-juristes pour que ceux-ci puissent avoir un « réflexe
d’alerte » les conduisant à consulter un professionnel. Elle devrait, enfin, s’étendre en
direction des journalistes (souvent oubliés).

2.- Les actions de publication


Suffit-il que les actes uniformes soient publiés au Journal Officiel de l’OHADA ou dans
les Journaux Officiels des Etats parties, pour qu'ils soient connus ? La réponse n'est
malheureusement pas bien sécurisante : le Journal Officiel, qu'il soit celui de l'OHADA ou
celui des Etats parties, ne paraît pas régulièrement et lorsqu'il paraît, seuls les lecteurs assidus,
réguliers et avertis de cette austère publication sont informés de la promulgation des textes,
c'est-à-dire peu de personnes en fin de compte ; en tout cas, pas la majorité des justiciables ou
des avocats. Faute d'une publication régulière spécialement destinée à renseigner sur la
parution de nouveaux textes au fur et à mesure de leur promulgation, il est difficile d'être mis
au courant de l'actualité juridique.
Le remède est clair : permettre aux utilisateurs du droit d'y accéder sans trop de
difficultés, soit sur support papier, par le biais des bibliothèques et des centres de
documentation (CNDJ) ; soit sur support informatique, à l'aide de sites Internet, de bases de
données juridiques, de CD-ROM etc...
Par ailleurs, l'édition de fiches, plaquettes ou autres instruments de vulgarisation et
d'information à l'attention du grand public s'avère indispensable.

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Enfin, la même observation doit être faite à propos de la jurisprudence de la Cour
Commune de Justice et d'Arbitrage, qui n'existe pas encore. En effet, si le contentieux relatif à
l'application des actes uniformes est réglé par les juridictions des Etats parties, en première
instance et en appel (article 13 du Traité), il revient à la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage d'assurer l'interprétation et l'application communes aux Etats parties au Traité des
règlements pris pour son application et des actes uniformes. L'exercice des attributions à elle
dévolues reste donc une question essentielle pour l'ensemble des Etats membres de l'OHADA.
Des treize recours déposés devant la Cour Commune, les aspects concernant le rôle
consultatif de celle-ci dépassent encore largement ses attributions juridictionnelles 2. Compte
tenu des problèmes de locaux, lesdites attributions restent bloquées, contribuant ainsi à créer
un doute sur l'efficacité du nouveau droit harmonisé 3. La Cour Commune est par conséquent
interpellée par les Etats parties sur l'exercice des attributions qui sont les siennes, car avoir de
beaux textes c'est bien, mais les appliquer c'est encore mieux.
Mais qu'en est-il de la poursuite de l'œuvre d'harmonisation ?

B.- La poursuite de l'œuvre d'harmonisation


Circonscrite à l'objectif essentiel de l'OHADA qui est l'harmonisation du droit des
affaires par la promulgation d'actes uniformes, l'analyse des perspectives, conduit à examiner
les actes uniformes en cours d'élaboration (a) et les matières nouvelles (b) à inclure dans le
domaine de l'article 2 du Traité.

a) Les actes uniformes en cours d'élaboration


Trois avant-projets d'actes sont en préparation. Il s'agit des avant-projets relatifs au droit
du travail, au droit des transports terrestres et au droit de la vente aux consommateurs, dont le
conseil des Ministres a autorisé la confection lors de l'examen du programme annuel
d'harmonisation, à la réunion de mars 1999 à Ouagadougou. Rédigé par un expert juriste
canadien, l'avant-projet d'acte uniforme relatif au droit des transports terrestres a déjà été
communiqué par le Secrétariat Permanent aux Etats parties, pour leurs observations écrites à
travers leurs commissions nationales.
Quant au droit de la vente aux consommateurs, sa rédaction a également été confiée à un
autre expert juriste canadien et le document final devrait être remis au Secrétariat Permanent
à la mi-juin 2001.
Concernant le droit du travail, quoique l'élaboration de son avant-projet soit en cours
avec la collaboration du Bureau International du Travail, il a fait l'objet de réserves de la part
du dernier conseil des Ministres de Bangui. En effet, déjà à l'approbation du programme
annuel d'harmonisation du droit des affaires à Ouagadougou, le conseil des Ministres avait
prescrit au Secrétariat Permanent de lui soumettre, avant l'élaboration de l'avant-projet d'acte
uniforme, une étude préliminaire lui permettant de définir clairement le cadre souhaité. La
présentation de la note préliminaire par le consultant commis n'a pourtant pas décidé le
conseil des Ministres à tracer le cadre attendu. Ainsi, après avoir entendu les explications
fournies par le consultant, et suite à de longs débats, il a été convenu, compte tenu de la
complexité et de la sensibilité de la matière, de renvoyer l'examen de la note d'orientation au
niveau des commissions nationales élargies aux partenaires sociaux. Les observations des
commissions nationales seront ainsi transmises au Secrétariat Permanent, afin de permettre au

2
NDLR du site Ohada.com. L’abondante jurisprudence publiée par le site Ohada.com tend à inverser cette
constatation faite il y a quelques années.
3
NDLR du site Ohada.com. Voir note 1

8
consultant d'élaborer un avant-projet d'acte uniforme qui suivra la procédure habituelle
d'adoption.
Les matières à harmoniser énumérées à l'article 2 du traité OHADA étant épuisées, le
conseil des Ministres a songé aux nouvelles matières à intégrer au processus.

b) Les nouvelles matières à harmoniser

A la demande des Ministres des Finances des pays de la zone franc réunis à MALABO
(Guinée Equatoriale), il a été demandé au Secrétariat Permanent de présenter un exposé sur
«le bilan et les perspectives de la mise en œuvre du traité OHADA».
A la suite de cet exposé, les Ministres des Finances ont décidé de constituer un groupe
de travail composé de représentants de l'UEMOA, de la BEAC, de la CIMA, de la CPRES, de
l'OHADA et de la France. Ce groupe de travail a reçu mission d'étudier les perspectives de
développement de l'intégration régionale et de passer en revue les matières nouvelles qui
pourraient faire l'objet d'actes uniformes.
A l’issue de ses réflexions, le groupe de travail a suggéré les matières suivantes :
- le droit de la concurrence ;
- le droit bancaire ;
- le droit de la propriété intellectuelle ;
- le droit des sociétés civiles ;
- le droit des sociétés coopératives et mutualistes ;
- le droit des contrats ;
- le droit de la preuve.
Le rapport du groupe de travail qui a été présenté aux Ministres des Finances au cours
de leur réunion du 19 septembre 2000 à Paris a débouché sur le communiqué final suivant :
«constatant l'importance des travaux d'harmonisation déjà effectués, ils ont appelé à un
enrichissement de l'intégration juridique régionale par l'ouverture à de nouveaux domaines,
tels que le droit de la concurrence, le droit bancaire ou encore le droit de la propriété
intellectuelle...».
C'est fort de ce communiqué des Ministres des Finances de la zone franc, qu'à la
réunion du conseil des Ministres des 22 et 23 mars 2001, à Bangui, le Secrétariat Permanent a
proposé à celui-ci d'inclure dans le domaine du droit des affaires, les matières retenues par le
groupe de travail mis en place par les Ministres des Finances et approuvées par ceux-ci.
Toutefois, après avoir adopté, à son tour le projet de programme d'harmonisation tel qu'ainsi
proposé par le Secrétariat Permanent, le conseil des Ministres a émis le vœu de faire une
évaluation à mi-parcours de l'application des actes uniformes déjà adoptés, tout en
recommandant aux Etats parties de mener des actions de vulgarisation desdits actes.

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