Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
La
THÉORIE
de la
VESTE
Une méthode choc
pour faire de
l’échec une force
édito
Infographie: Michel Fleury
ISBN: 978-2-924959-68-8
ISBN Epub: 978-2-924959-77-0
«Je crois que chaque fois que vous décidez de prendre un risque, il
vous faut être un peu effronté. Vous devez oser pour vous- même et
oser changer autour de vous. Et si ça ne fonctionne pas, ça ne
fonctionne pas.
Rebondissez et reprenez vos esprits.»
Christine Lagarde
Pour Cédric, l’homme qui m’a tout donné.
Et Mike, l’homme qui m’a tout appris.
Avertissement
Les mormons
Lorsque j’étais petite, je devais assister aux messes mormones qui
duraient trois heures chaque dimanche. Trois longues heures
divisées en trois parties. Pendant la première heure, les femmes, les
hommes et les enfants étaient tous réunis dans la chapelle principale
sur des chaises en plastique – pas de bancs chez les mormons à
Whitecourt –, tête baissée pour écouter la prière, avant d’être
séparés pour les deux heures suivantes.
Ce jour-là, j’avais dans mon sac le petit matériel du bon mormon
de 14 ans: mon cahier d’études religieuses – à présenter chaque
dimanche pour prouver que j’étais bien allée à la prière quotidienne
de 5 h 30 à 6 h 30 pendant la semaine –, le «Séminaire», comme ils
l’appellent, et mon Livre de Mormon, une sorte de bible mormone
écrite par le fondateur de l’Église dans les années 1800, lequel avait
eu une révélation divine en plaçant des pierres magiques dans un
chapeau… Mais j’avais aussi fourré dans mon sac une bombe de
laque pour cheveux et des allumettes. Pour brûler mes livres. Et
j’étais bien décidée à le faire, je vous assure.
Vous vous demandez sûrement pourquoi je vous raconte cette
histoire digne d’un film d’horreur. Quel rapport avec la Théorie de la
veste? Vous allez comprendre.
Je suis l’aînée de dix enfants élevés dans le micro- village de Fox
Creek, en Alberta, au Canada. Ma famille représentait donc une
grande partie des habitants. On vivait loin de tout; le Walmart le plus
proche était à 220 kilomètres. Et l’hiver durait huit mois.
En tant qu’aînée, j’étais censé montrer l’exemple. Alors à 11 ans,
quand je me suis déclarée athée, ma famille a cru que j’étais possédée
par le diable. Mes parents m’ont forcée à aller à l’église. Quand à
13 ans j’ai eu un petit copain et que j’ai commencé à vouloir me
maquiller, mes parents, déboussolés, sont allés interroger l’évêque de
la paroisse pour savoir «quoi faire de cette enfant incorrigible qui ne
prie plus, se proclame athée et qui veut maintenant se maquiller». La
réponse fut sans appel: «Votre fille est comme une pomme
empoisonnée. Si on la laisse avec les autres, elle va toutes les
contaminer. Il faut l’éloigner. Et le plus tôt sera le mieux.» Ni une ni
deux, mes parents m’ont confiée à une famille d’accueil. Une famille
mormone installée au milieu de nulle part, à la campagne, à une
heure d’autobus de la première école. Et pendant que les parents
travaillaient aux champs, il fallait que je m’occupe de leur fille
handicapée.
Quelques mois plus tard, j’ai eu 14 ans. Règlement mormon oblige,
il me fallait commencer mes cours de doctrine religieuse: étude du
«Séminaire» chaque matin aux aurores. La première semaine, je n’y
ai pas assisté. Quand le premier dimanche est arrivé, je n’avais donc
rien à montrer à l’inspecteur. Je ne me suis pas démontée, je lui ai
expliqué que j’étais athée. Il m’a dit de me taire, que Dieu pourrait
m’entendre, Satan aussi – et qu’il allait en profiter pour me posséder.
Et, bien sûr, cet inspecteur a immédiatement conseillé à ma famille
d’accueil de me serrer davantage la vis. Le soir même je fus très
sévèrement punie.
Mais qu’importaient les punitions, rien n’aurait pu me faire
prendre au sérieux ces textes tout droit sortis d’un chapeau. Je me
concentrais sur mes études car je savais que les bonnes notes en
classe me mèneraient sur le chemin de la liberté. Malheureusement,
une autre semaine à sécher mes cours de Séminaire me priva de tous
mes livres; le seul auquel j’avais droit était le Livre de Mormon. On
m’avait supprimé tous les autres. La seule condition pour y avoir
accès à nouveau était de suivre les cours de Séminaire… Ça ne
s’arrangeait pas.
Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est une «soirée
des mutuelles». Trois heures de messe dominicale et une heure
d’étude religieuse chaque matin ne suffisent pas à faire de vous un
bon mormon. De 12 à 18 ans, les jeunes filles doivent aussi assister
chaque jeudi soir à une réunion ayant pour but de les former à leur
vie d’épouse parfaite, de mère parfaite. On leur enseigne comment
cuisiner, coudre, tricoter, bricoler, jardiner fruits et légumes,
entretenir son jardin, décorer sa maison, pratiquer les premiers
secours, couper, coiffer et tresser ses cheveux, faire du point de croix,
abattre une poule… La liste est proche de l’infini. Mon mari,
aujourd’hui encore, n’en revient pas que je sache faire tout ça!
Ce fameux jeudi soir, sur l’horaire des activités, on pouvait lire
«career training», formation de carrière, en français. C’était la
première fois que je me rendais à l’église avec le sourire: j’avais hâte
d’y entendre enfin quelque chose qui allait m’intéresser. On allait
parler carrière!
Notre animatrice, sœur Swanson, commença par nous donner des
nouvelles de Salt Lake. Salt Lake City, c’est le Vatican mormon; tout
ce qui venait de là-bas nous était lu à haute voix aux différentes
messes. Sœur Swanson nous indiqua donc qu’un nouveau
communiqué venait de tomber concernant toutes les jeunes
adolescentes du monde mormon. Dans les grandes lignes, ce texte
nous informait qu’il y avait de plus en plus de femmes mariées qui se
trouvaient en grande difficulté parce que leur époux avait succombé
à un accident ou à une maladie et qu’elles se retrouvaient dans
l’obligation de demander de l’aide à l’Église – de la nourriture et de
l’argent – afin de pouvoir subvenir aux besoins de leurs (nombreux)
enfants. Ces femmes pesaient lourd sur les finances de l’Église
(chaque mormon reverse 10% de ses revenus à la communauté pour
accéder à l’amour de Dieu; un peu comme Netflix, mais en moins
drôle) et il était donc grand temps qu’elles soient formées à un métier
avant de se marier et d’avoir des enfants. Le communiqué s’achevait
par une liste des métiers «acceptables» pour une femme mormone:
coiffeuse, secrétaire, préposée aux bénéficiaires, assistante médicale,
éducatrice à la petite enfance, esthéticienne. Les diplômes ne
devaient pas s’obtenir en plus de deux ans – douze mois c’était mieux
–, car ce temps à ne pas faire d’enfants était «volé à Dieu»…
J’étais folle de rage. J’avais envie de pleurer, de cracher au visage
de sœur Swanson. «C’est tout? Coiffeuse? Secrétaire?» ai-je
demandé. La pauvre sœur Swanson n’a pas su quoi me répondre et
m’a conseillé d’aller demander d’autres informations à l’évêque.
Furieuse, j’ai quitté la pièce pour que personne ne voie mes larmes.
Dans ma tête d’adolescente, je ne savais pas vraiment ce que
signifiait une «carrière», mais j’avais compris que derrière ce mot se
cachaient de beaux appartements dans de grandes villes et que ces
femmes qui avaient une «carrière» étaient écoutées lorsqu’elles
prenaient la parole, qu’elles gagnaient de l’argent et pouvaient se
payer des taxis…
Devenir coiffeuse ou éducatrice à la petite enfance, c’est très bien
quand vous le choisissez, mais je n’avais aucune envie de faire ce type
de job. Je ne savais pas ce que je voulais devenir plus tard, mais je
voulais pouvoir choisir parmi une infinité de carrières! J’ai détesté ce
communiqué et ma déception a été à la hauteur de mon attente.
Après avoir beaucoup pleuré, j’ai ressenti une colère immense.
J’étais athée, personne ne pourrait me prouver le contraire. J’aurais
une belle carrière, personne ne pourrait m’en empêcher. J’avais
besoin de m’affirmer. De le crier à la terre entière. Et c’est ce cri du
cœur, ce besoin viscéral qui m’a donné l’idée de glisser de la laque et
des allumettes à côté des textes sacrés dans mon sac le dimanche
suivant.
Une grande fenêtre de la chapelle donnait sur une vaste pelouse
enneigée. J’ai pris place dans l’église en attendant le moment idéal.
Après quelques minutes de prière, j’ai attrapé mon sac et je suis
sortie discrètement. Dehors, juste devant la grande fenêtre, j’ai
creusé un trou dans la neige. J’y ai jeté ma bible, mes cours de
Séminaire et mon Livre de Mormon. J’ai tout aspergé de laque avant
d’y mettre le feu. Je me souviens qu’il m’a fallu m’y prendre à
plusieurs reprises pour que ça flambe. Puis j’ai lancé la bombe de
laque dans les flammes de ma rébellion et je suis revenue à ma place,
au chaud, dans l’église. Moins d’une minute plus tard, une explosion
a retenti. Je devenais officiellement une terroriste domestique.
Le temps que la foule se précipite dehors, le feu d’artifice était déjà
éteint – une seule bombe de laque ne pouvait pas grand-chose face à
tant de neige – et ne restait sur place que la preuve flagrante de ma
révolte.
«Qui a fait ça?» ai-je entendu. Je suis sortie de la foule, je me suis
avancée à côté de mon œuvre. La neige m’arrivait à hauteur de
hanches mais on voyait distinctement les textes sacrés brûlés sur la
couche de neige fraîche. C’était exactement ce que j’avais planifié. Je
voulais que sœur Swanson, l’évêque et tous les autres comprennent
en me voyant que rien ne pourrait m’arrêter. Bien droite devant les
cendres, j’ai relevé le menton, croisé les bras lentement, et prononcé
calmement ces mots: «C’est moi.» Autour, tout le monde s’est
regardé et des murmures sont montés de la foule.
J’ai été punie comme jamais, ce jour-là. Mais peu m’importait: ce
feu était mon espoir parce qu’il m’avait prouvé que je pouvais
changer mon destin. Je ne pouvais pas échanger la main que m’avait
distribuée l’Univers, mais je pouvais choisir comment jouer mes
cartes. J’avais goûté au bonheur de ne pas subir une situation.
Vingt-deux ans plus tard, je suis la «working girl» que j’ai toujours
rêvé d’être. Bien sûr qu’elle n’est pas celle que je croyais à 14 ans. Je
prends le moins de taxis possible, je vis dans une maison en banlieue
et pas en plein centre de Paris. Mais il y a une chose qui est
exactement à l’image de ce que j’avais imaginé: c’est moi qui décide
comment gérer chaque situation, qui crée mes propres opportunités.
J’ai le pouvoir de choisir mon propre destin.
C’est peut-être pour cela que j’ai inventé la Théorie de la veste.
Pour aider un maximum de personnes à ne plus subir ce qu’elles
n’ont pas choisi. Je ne suis pas mère de six enfants – j’en ai trois,
c’est déjà pas mal! – mais je suis propriétaire d’une petite entreprise
parisienne qui ne connaît pas la crise et je me suis entourée au fil des
années d’une super équipe.
Ce livre n’est pas là pour raconter mes Mémoires, mais mon
éditeur a su me convaincre de partager cette histoire «flambante»
pour que vous compreniez qui je suis et d’où me vient cette rage de
réussir et de dépasser mes limites, de prendre mon destin à pleines
mains. Je suis heureuse de l’avoir fait, car c’est assez représentatif de
la femme que je suis devenue.
Si en lisant ceci vous pensez: «Dans sa situation, j’aurais pu faire la
même chose», alors vous allez probablement aimer ce livre. Si vous
pensez: «Dans cette situation, j’aurais aimé faire la même chose,
mais je n’aurais pas osé», alors vous avez vraiment besoin de ce livre,
parce que le monde appartient à ceux qui osent. Audacieux is the
new black. Et l’audace est un muscle. Il peut être entraîné, allongé,
étiré: avec LTDLV vous allez comprendre comment développer ce
muscle de l’audace pour sortir des situations que vous ne voulez plus
accepter.
N’ayez pas peur, pour pratiquer LTDLV, je ne vais à aucun
moment vous conseiller de brûler quoi que ce soit. Commençons par
une petite histoire…
* Le titre a été modifié afin de protéger l’identité de la personne que j’ai réellement
contactée.
*** Un KPI ou ICP est un indicateur clé de performance pour une entreprise; il permet de
suivre l’efficacité d’une action par rapport à des objectifs définis.
CHAPITRE DEUX
La culture de l’échec
Bien sûr que les Français sont des magiciens de l’ingénierie et de
l’innovation, qu’ils ont une très grande énergie créatrice. Mais il me
semble, pour bien connaître aujourd’hui les deux cultures, qu’on se
fait moins mal au Canada qu’en France. Pour un résultat équivalent,
on rigole plus au Canada, on se fait moins violence. C’est moins
douloureux. On est plus ouvert, quoi. Au Canada, si vous proposez
quelque chose, on vous répond: «Ah oui! pourquoi pas! Et quoi
d’autre?» En France, la première réponse, c’est toujours: «Non,
impossible.» Révélateur, non?
Quand je donne des conférences en France pour encourager les
gens à pratiquer LTDLV, je constate toujours avec étonnement qu’ils
y adhèrent immédiatement. Bien sûr! Ça leur permet tout
simplement de réconcilier deux extrêmes absolument opposés: ce
qu’ils ont appris à l’école (soyez sages, entrez dans le moule, mais
n’oubliez pas que la perfection n’existe pas) et ce qu’on leur demande
au boulot (osez plus, allez plus vite, soyez agiles, testez et
apprenez…). En remplissant leur quota de vestes, ils sont à la fois
obéissants (ils remplissent leurs fameux KPIs) et capables d’oser plus
et de quitter leur zone de confort.
Ce quota de vestes, c’est la première étape d’un programme en
trois parties que j’ai développé au fil des années pour motiver mes
équipes, pour progresser, et changer la relation au rejet et à l’échec
de mes clients. Il faut bien ça pour effacer les stigmates de leurs
années d’école et les aider à aller de l’avant!
Plus je pratique la Théorie de la veste, plus je constate que de
nombreuses personnes appliquent déjà cette méthode de façon
naturelle et spontanée, sans le savoir. Un de mes exemples préférés,
c’est l’histoire d’un professeur d’école primaire, partagée des milliers
de fois sur LinkedIn, qui encourage ses élèves à parler ouvertement
de leurs échecs et à les assumer pleinement. Il a placé des affichettes
dans sa classe où sont inscrits des messages comme: «Tu as échoué,
ce n’est pas grave! Essaie encore, ça va marcher!» «Tu t’es trompé…
c’est fantastique! Que retiens-tu de cette erreur?»
En faisant des recherches pour ce livre, j’ai même rencontré un
enseignant américain qui organise des «marathons de la veste» dans
des hôtels à New York. Des parents inscrivent leurs enfants et leurs
ados à ces stages où Jason Diaz les entraîne, pendant un week-end
entier, à se prendre des vestes. Au programme, une immense chasse
au trésor de vestes avec des listes de défis à remporter. Ça commence
avec des choses faciles comme «demander en mariage la jeune
femme de l’accueil», puis ça monte en puissance jusqu’à «chanter de
plus en plus fort dans le hall d’un hôtel jusqu’à ce qu’on vous
demande de vous taire». Chaque fois qu’ils se font rejeter, les
participants gagnent des points. Ils sont gênés, bien sûr, mal à l’aise,
mais ils continuent pour gagner des points et aller jusqu’au bout de
leur liste. Bref, tout le week-end est conçu comme un parcours du
combattant destiné à ne plus se laisser paralyser par la peur de ce
que les autres vont penser de vous.
C’est vraiment un terrain à étudier de près, mais comme je ne
souhaite pas me mettre à dos le système éducatif français (surtout
que mes trois enfants commencent tout juste leur scolarité), je
préfère m’attaquer à cette peur du rejet et de l’échec en entreprise. Et
comme nous passons quand même 33% de notre vie à travailler, il
me semble que c’est plus urgent.
Le pouvoir de la vulnérabilité
J’ai pris soin de ne pas commencer ce chapitre par ce mot, il aurait
pu vous effrayer. Lorsque les gens l’entendent, ils se disent
généralement: «Vulnérable? Non merci! Pourquoi me montrer
vulnérable alors que je suis le PDG d’une entreprise cotée en Bourse?
J’ai fait de grandes études, je n’ai pas besoin de vulnérabilité. C’est
bon pour les starlettes ou pour Brené Browne.» (Si vous ne
connaissez pas cette femme, chercheuse à l’université de Houston,
faites une recherche sur Google: son discours TED sur la
vulnérabilité a changé ma vie.) Et puis, si j’avais commencé par ça,
j’aurais eu peur que vous ne lisiez pas ce livre…
Le pouvoir de la vulnérabilité est immense et je suis convaincue
que tout le monde peut en tirer profit. Le Français le plus «sérieux»
qu’il m’ait été donné de rencontrer était l’un de mes étudiants de
Sciences Po, où j’étais intervenante. La plupart des élèves qui
fréquentent cette école sont brillants, ils ont soif d’apprendre, mais
lui avait un humour quasiment aussi froid et inexistant que le
printemps au Québec… Il aurait tellement eu besoin de vulnérabilité,
ce petit quelque chose qui rend impossible de ne pas vous aimer,
parce que vous vous dévoilez un peu.
En écrivant sa lettre au directeur de cette maternelle prestigieuse,
Béatrice a accepté de montrer sa vulnérabilité, en indiquant noir sur
blanc qu’elle aurait regretté de ne pas oser le relancer, bien qu’elle
soit au courant de toutes les règles de protocole qu’elle brisait en
agissant ainsi… Si elle révèle une petite part de sa tourmente, ça
devient difficile de refuser sa demande, non? Sa lettre était bien
formulée, sa tentative de veste efficace: même si la réponse s’est
montrée finalement – et fermement – négative, Béatrice a choisi le
paramètre mignon. Elle s’est montrée un peu… vulnérable.
Regardons de plus près comment ajouter de la créativité et une
pointe de vulnérabilité à vos tentatives de vestes peut vous faire
redoubler d’efficacité.
Vous avez bien compris à quel point je désirais signer avec Chanel
depuis des années. (Maintenant que c’est fait, je me suis attaquée à
Kering; si vous avez des contacts là-bas ou que vous travaillez dans
cette prestigieuse société et que vous ne me trouvez pas
complètement folle, envoyez-moi un courriel pour qu’on organise un
rendez-vous. Je suis très sérieuse, voici mon adresse:
annabelle@present-perfect.fr.) J’avais tellement envie de leur
présenter mes formations, de les aider à rendre leurs présentations
PowerPoint plus pertinentes – et plus glamour –, mais je n’arrivais
pas à décrocher ce rendez-vous tant espéré. Pourtant, est-ce que j’ai
baissé les bras? Jamais de la vie! Comme il était hors de question de
laisser tomber et de passer à autre chose, j’ai décidé d’être plus
créative.
Cette femme ne voulait pas de moi au téléphone, qu’à cela ne
tienne: je lui ai envoyé un courrier par la poste. Elle n’a pas répondu
à ma lettre, je lui ai fait livrer un ballon rose le jour de la Saint-
Valentin! Elle ne m’a pas donné de nouvelles… OK, là, j’ai décidé de
la laisser tranquille, de me faire oublier: je devais éviter d’être lourde
si je voulais garder toutes mes chances auprès de cette cliente.
N’oubliez pas qu’essayer de remplir son quota de vestes ne doit pas
ternir votre réputation. Il y a plein de vestes à prendre dans le
monde, ne vous focalisez pas sur une seule. Ça peut mal finir; pensez
au capitaine Achab avec Moby Dick…
J’ai donc laissé passer un peu de temps. Quelques mois plus tard,
elle a posté un lien sur LinkedIn. Il était 17 heures – j’arrête de
travailler entre 17 h 15 et 20 heures pour passer un moment en
famille chaque jour –, et je n’avais pas encore atteint mon quota de
vestes quotidien. Alors j’ai eu une idée: j’ai demandé à mon
assistante de l’époque d’envoyer à cette Madame-Communication-
de-Chanel un… cactus, accompagné d’un petit mot: «Je sais que je
suis insistante mais je vous promets que je ne pique pas;-) À votre
disposition pour boire un café.»
Pas de réponse.
Je n’ai personnellement jamais obtenu ce rendez- vous avec
Chanel. C’est le premier représentant commercial embauché dans
mon agence qui a obtenu cette rencontre. J’avais pourtant appliqué
le paramètre mignon… qu’est-ce qui ne fonctionnait pas?
En réalité, j’avais oublié quelque chose de très, TRÈS important.
Pour plaisanter, j’ai l’habitude de dire que ma job, c’est de
développer des présentations PowerPoint. Mais c’est un peu
dévalorisant parce que les discours que nous préparons à l’agence
sont percutants et nos présentations exceptionnelles; elles n’ont rien
à voir avec ces PowerPoint de base qui ressemblent à des punitions.
Maîtriser PowerPoint ne fera jamais de vous un excellent orateur,
pas plus que de savoir taper vite à la machine ne vous transformera
en écrivain à succès.
Nous aidons avant tout nos clients à créer des présentations et des
discours originaux capables de toucher les gens, de les mobiliser. Des
présentations qui donnent envie d’agir ou d’adhérer à l’idée qu’on
propose. Et la seule façon d’y parvenir, c’est de commencer par ce
que nous appelons un «audit du public» – un audience audit, dans
mon anglais natal –, la base de toute communication. J’avais
totalement oublié cette étape quand j’ai voulu remplir mon quota de
vestes. Vous devez impérativement en tenir compte.
Comment choisir
son quota de vestes
La famille du flop
Soyons honnêtes, LTDLV c’est une idée géniale, et c’est aussi une
jolie façon d’évoquer des situations qui peuvent vraiment être
désagréables, voire douloureuses… «Essayez! Échouez!
Recommencez! Remplissez votre quota de vestes!»: c’est très bien
pour aller de l’avant, pour se motiver, et je vous assure que ça
fonctionne vraiment. LTDLV vous donne de la force pour avoir
confiance en vous, elle vous fait avancer dans votre job et dans votre
vie privée. Tout ça c’est vrai et c’est très bien. Mais se faire rejeter, se
prendre des vestes, ça fait mal, il faut bien le dire.
J’ai pris l’une de mes plus douloureuses vestes lorsque l’un de mes
rêves les plus chers s’est brisé. Un rêve que j’avais depuis le tout
début de ma carrière. Je vais partager cette histoire avec vous
maintenant, parce que même si en parler reste très douloureux après
tout ce temps, je tiens à vous montrer que même la reine de la veste
que je suis a toujours besoin de pratiquer LTDLV en suivant pas à
pas chaque étape. En l’occurrence, ici, trouver sa famille du flop.
Si vous lisez ces lignes, c’est que je ne vous ai pas perdus en route.
Génial! Ça veut dire que vous avez compris, comme tous ceux qui
pratiquent LTDLV, que rien d’intéressant ne se passe dans sa zone de
confort. Ça veut dire aussi que vous voulez savoir comment pratiquer
la troisième et dernière étape de LTDLV. Vous allez voir, c’est très
simple: il suffit de faire n’importe quoi, de vous ridiculiser. Et en
public, s’il vous plaît. C’est ce que j’appelle pratiquer «l’auto-
embarras», dernière étape pour adopter pleinement les
superpouvoirs du rejet afin d’aller au bout de vos ambitions.
Cette étape de LTDLV est importante car si votre quota de vestes
vous fait sortir de votre grotte (ou canapé, version moderne), l’auto-
embarras vous assure de ne plus y retourner. Grâce à cette étape,
personne ne pourra plus «vous faire sentir inférieur sans votre
consentement». Et ce n’est pas moi, Annabelle Roberts, qui vous le
dis, c’est Eleonor Roosevelt. Cette fameuse citation nous rappelle que
la gêne, le doute, l’embarras, l’hésitation ou la peur qui peuvent
freiner notre ambition ou nous empêcher d’accomplir nos objectifs
ne sont que des limites que nous nous fixons à nous-mêmes. Si nous
entraînons notre muscle de la veste en nous ridiculisant, nous
supprimons aux autres tout pouvoir de nous nuire.
Dévoiler sa vulnérabilité
pour se sentir plus fort
Avant de clore ce chapitre, je vous livre les paroles inspirantes de
Dave Nadelburg, qui a eu la gentillesse de se prêter pour nous à une
petite interview sur les pouvoirs du ridicule.
«On me demande souvent pourquoi autant de gens sont prêts à se
porter volontaires pour dévoiler leurs rêveries prépubères sur scène à
des inconnus… Je pense que si chaque participant a une raison
différente de vouloir le faire, le dénominateur commun est de se
reconnecter à son enfance et de rire avec des inconnus, de créer des
liens. Après cette expérience “cathartique”, comme on me le dit
souvent, on se sent plus léger et davantage connecté aux autres. Et
puis c’est valorisant de dévoiler des choses aussi intimes, c’est un bon
moyen de faire taire son ego et de se dire que finalement, montrer
ses imperfections et ses vulnérabilités, ça aide à se sentir plus fort.
«Mortified est avant tout un spectacle pour rire. Aller chercher ces
rires en permettant aux gens d’explorer leur relation à la honte est
une façon de la désacraliser. C’est l’une des principales raisons pour
lesquelles je continue à développer ce principe.»
Pratiquer l’auto-embarras encadré, se ridiculiser de son plein gré
sur scène ou rire pour rien dans un club de yoga du rire est une
partie cruciale de LTDLV parce que cette pratique n’est pas juste une
collection d’astuces pour créer plus d’opportunités, c’est aussi une
manière exceptionnelle de développer la confiance en soi. Le monde
appartient à ceux qui ont de l’audace, et c’est ce qui caractérise
LTDLV.
Finalement, c’est la seule raison pour laquelle j’écris ce livre. Je
n’en peux plus de me trouver en rendez-vous avec des femmes plus
minces que moi, plus belles ou plus instruites et qui ne croient pas en
elles-mêmes. Je n’en peux plus de rencontrer des salariés qui n’osent
pas demander de promotion ou d’augmentation, des entrepreneurs
qui perfectionnent leur produit mais n’essaient pas d’appeler leurs
contacts pour les leur vendre. Je n’en peux plus d’entendre certains
parents dire à leurs enfants de «ne pas faire de vagues».
Craindre le ridicule provoque le même sentiment d’inconfort que
la peur d’être rejeté. Si vous créez vous-mêmes ce malaise, vous
pouvez vous entraîner à le supporter de mieux en mieux; vous êtes
sur le chemin de la confiance et vous allez vous ouvrir une multitude
d’opportunités. C’est comme l’entraînement en gravité zéro des
astronautes qui sont encore sur Terre.
CHAPITRE SEPT
Le syndrome de l’imposteur
L’une de mes histoires préférées est celle d’Emily Winter. Autrice et
humoriste américaine, elle a établi un jour son quota de vestes à
cent. En tant qu’autrice, en un an, elle a essayé de se faire rejeter cent
fois parce qu’elle estimait ne pas progresser assez vite, ni comme elle
l’espérait, dans sa carrière.
Pour cela, elle a été très méthodique. Elle a fait un tableau Excel
listant toutes ses vestes et ses notes personnelles sur ses sentiments à
propos de chacune d’entre elles, «veste très difficile», «je suis
blessée», «blessure personnelle», etc. À la fin de l’année, Emily s’est
retrouvée avec cent sept tentatives de veste et finalement quarante-
trois opportunités. Ce sont les vestes, véritables moteurs de sa
pratique de LTDLV, qui l’ont aidée à continuer à foncer, à sortir de sa
zone de confort et à se démener pour trouver un éditeur!
Aux États-Unis, si vous souhaitez être publié, il existe plusieurs
titres qui se présentent comme le saint Graal: le New York Times, le
New Yorker ou The Atlantique, selon ce que vous écrivez. Si vous
signez pour ces titres, c’est le début de la gloire.
À l’occasion d’une conversation avec le psychologue
comportemental Adam Grant13, Emily a déclaré: «Je rêvais d’écrire
pour le New York Times et le New Yorker. Avant mon année de
vestes, je me disais que je n’étais pas assez intelligente pour écrire
pour ces deux publications. Alors j’avais décidé de ne pas leur
soumettre mes textes pour ne pas me ridiculiser…» Mais comme elle
s’était fixé ce quota de cent vestes en un an, Emily a finalement
décidé de se lancer en leur proposant ses textes. C’était une situation
gagnant-gagnant: soit ses textes étaient publiés dans l’un de ces
journaux mythiques et elle réalisait son rêve, soit elle se prenait une
veste et elle surmontait ainsi son syndrome de l’imposteur,
consistant à ne pas soumettre son texte parce qu’elle n’était – selon
elle – pas «assez douée».
Finalement, ça a fonctionné. Le New Yorker a adoré ce qu’elle
écrivait et elle a été publiée. Si Emily n’avait pas eu son talent et son
intelligence, elle n’aurait jamais été choisie par ce titre prestigieux
dirigé par des gens parmi les plus brillants dans leur domaine,
connus pour leurs très fortes exigences: LTDLV est souvent l’outil à
utiliser pour obtenir ce que vous savez possible au plus profond de
vous.
C’est en cela que je dis que LTDLV est faite pour ceux qui ont de
vrais talents, une certaine intelligence, des savoir-faire particuliers,
etc. Talent + ambition + LTDLV = progrès vers votre but. Si l’une de
ces trois composantes manque à l’équation, elle ne fonctionne plus.
Le quiz du gloryhole
10. Est-ce qu’il vous arrive de sentir que vos collaborateurs ne vous
disent pas vraiment ce qu’ils pensent? Comme s’ils vous protégeaient
ou qu’ils filtraient ce qu’ils ont à vous dire.
Je ressens souvent cela, j’aimerais que les gens me parlent plus
franchement.
Ça arrive. Pas forcément pour me protéger, plutôt pour
d’autres raisons, j’ai l’impression.
Non, mon équipe me dit toujours la vérité. Enfin… je crois.