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Au début du XIVe siècle, le royaume de France, irrigué par de grands bassins fluviaux,

bénéficiant d'un climat favorable et d'une agriculture florissante, compte entre 16 et 17 millions
d’habitants7,8,9, ce qui en fait la première puissance démographique d’Europe. En 1328, une
grande enquête administrative portant sur près des trois quarts de la population et recensant les
feux fiscaux, permet de donner un aperçu du territoire. On y compte 2 469 987 foyers soit
environ 12 millions d’habitants et 32 500 paroisses10. Paris, à elle seule, compte, selon ce
recensement, plus de 200 000 habitants 11. Cette augmentation de la population n’est pas sans
effet sur l’aménagement du territoire, puisqu'une grande partie des forêts est défrichée au profit
de l'agriculture fondée sur un régime féodal et religieux très hiérarchisé. La capacité agricole et
le développement massif de l'énergie hydraulique permettent de nourrir la population (il n'y a
plus eu de famine depuis le XIIe siècle12). Avec la croissance proto-industrielle de l'usage du fer,
avec l'apparition de nouvelles techniques de labour ou d’attelage mais aussi l’utilisation du
cheval au détriment du bœuf, des zones peu fertiles peuvent avoir des exploitations qui
fournissent de la nourriture à une population dense, la noblesse quant à elle ayant pour devoir
de défendre les terres13.
Plus que sa population, le Royaume est imposant aussi par sa taille. Au couronnement de
Philippe VI de Valois, la France s’étend de l’Escaut aux Pyrénées, de l’Atlantique au Rhône, à la
Saône et à la Meuse, un pays que l’on met « 22 jours à traverser du nord au sud et 16 d’est en
ouest » selon Gilles Le Bouvier au XVe siècle soit près de 424 000 km214,15. Près de soixante
régions se différencient entre elles par de grandes disparités linguistiques, culturelles,
historiques voire, à certains moments, religieuses (comme les cathares au sud). Ainsi, le Nord du
Royaume parlant la langue d’oïl et proche du berceau de la dynastie capétienne, possédait de
riches terres agricoles et une population plus nombreuse (14 foyers par km2 pour l’Île-de-France
et jusqu’à 22 foyers par km2 pour les bailliages de Senlis et de Valois pour une moyenne de 7,9
foyers par km29) se démarquant nettement du Sud. Ce dernier, où la langue d’oc était utilisée,
avait une culture imprégnée par l’ancienne présence romaine mais était aussi plus pauvre sur le
plan agricole (en revanche, l'élevage y était plus riche) et moins peuplé (près de 4 foyers par km 2
pour les comtés de Bigorre, de Béarn par exemple), mais surtout il était plus indépendant vis-à-
vis du roi, car si ce dernier transférait une partie de son autorité entre les mains de ses vassaux,
il devait tenir compte de leur avis. Toutefois le souverain ne se privait pas de s’immiscer dans la
politique intérieure de ses subordonnés puisque depuis le XIIe siècle, il bénéficiait de pouvoirs
inégalés jusque-là. Il était au sommet d’une pyramide où les échelons inférieurs lui devaient
fidélité16.
Le clergé joue un rôle social majeur dans cette organisation de la société. Les clercs, sachant
lire et compter, gèrent les institutions ; les religieux font fonctionner les œuvres caritatives 17 et
les écoles18 (voir Éducation au Moyen Âge en Occident) ; par le biais des fêtes religieuses, le
nombre des jours chômés atteint 140 par an19. Toutefois sur ce plan aussi une différence
Nord/Sud existe. Le Midi, moins marqué par la renaissance carolingienne et les ordres religieux
que le Nord, se tournait essentiellement vers les sciences telles que la médecine alors que le
Nord avait une préférence pour la philosophie ou la théologie. Deux villes démontrent ce clivage,
Paris et Montpellier ; alors que la première possédait une des universités les plus réputées du
monde chrétien sur le plan théologique, la seconde avait quant à elle une des plus prestigieuses
facultés de médecine d’Occident où il n’était pas rare de voir des étudiants venus du Moyen-
Orient ou d’Afrique du Nord y étudier.
De la même manière, la noblesse doit conjuguer richesse, pouvoir et bravoure sur le champ de
bataille : vivant du labeur des paysans, le maître se doit de manifester sa bravoure et sa loyauté
envers eux13. L’Église a œuvré pour canaliser les chevaliers-brigands dès la fin du Xe siècle. À
partir du concile de Charroux en 989, les hommes en armes sont priés de mettre leur puissance
au service des pauvres et de l'Église et deviennent des milites Christi (« soldats du Christ »)20.
Depuis le XIIIe siècle, le roi de France a réussi à faire admettre l'idée que son pouvoir de droit
divin lui permettait de créer des nobles21 (voir Anoblissement). La noblesse se différencie donc
du reste de la population par son sens de l'honneur et doit faire montre d'esprit chevaleresque,
protéger le peuple et rendre justice en préservant un certain confort matériel. Elle doit justifier sur
le champ de bataille son statut social : l’adversaire doit être vaincu face à face dans un combat
héroïque. L’armée est donc structurée autour de la chevalerie la plus puissante d’Europe,
cavalerie lourde combattant de front, au corps à corps8. Cette volonté de briller sur les champs
de bataille est accrue par l’habitude de l’époque de faire des prisonniers et de monnayer leur
libération contre rançon. La guerre devient donc très lucrative pour les bons combattants et les
risques d’être tué sont donc amoindris pour les autres 22. Depuis Philippe le Bel, le roi peut
convoquer « le ban et l'arrière-ban », c'est-à-dire tous les hommes libres de 15 à 60 ans, de
toute condition (chevaliers et paysans, jeunes et vieux, riches et pauvres). Vers 1340, Philippe VI
de Valois peut compter sur 30 000 hommes d'armes ainsi que 30 000 hommes de pied.
Numériquement, c'est inégalable, car l'entretien d'un tel nombre de combattants représente un
coût extraordinairement élevé, mais c'est une armée hétéroclite et peu disciplinée 23.
Pour asseoir leur pouvoir face à la grande noblesse et à la papauté, les Capétiens ont donné
des gages au peuple : créations de villes franches avec octroi de chartes de franchises, création
des états généraux24… L'équilibre social passe par l'acceptation par le peuple d'un pouvoir royal
fort, qui l’émancipe de l’arbitraire féodal, et une administration de plus en plus centralisée qui lui
assure un certain confort matériel. À la veille de la guerre de Cent Ans, ce système se fragilise
car à la suite de la croissance démographique qui a lieu depuis le Xe siècle, on assiste à une
surpopulation des campagnes et à une demande d’autonomie des villes 25,7,26. La taille des
parcelles des paysans se réduit et les prix agricoles chutent : les ressources fiscales de la
noblesse diminuent et il devient impératif de briller sur le champ de bataille pour renflouer ses
finances27. Or l'équipement d'un chevalier coûte toujours plus cher.
En trois siècles, les rois capétiens ont réussi à consolider leur autorité et à agrandir leur territoire
aux dépens des Plantagenêt. Le prestige royal de la France est immense et, au temps de
Philippe IV le Bel, le réseau d’alliances françaises s’étend jusqu’en Russie8. Toutefois, malgré
les confiscations territoriales de Philippe Auguste, saint Louis et Philippe IV le Bel, les rois
d’Angleterre ont conservé l’étroit duché de Guyenne et le petit comté de Ponthieu : le roi
d’Angleterre est ainsi le vassal du roi de France28.

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