Vous êtes sur la page 1sur 3

Ma Vallée

Il ne s’était jamais vraiment posé la question, bien


trop occupée à l’observer depuis le fond de salle de
classe, place qu’il avait choisie pour contempler
l’élue. Oui, c’est comme ça qu’il l’avait nommé
dans son journal intime, sa Ma vallée, ce chez elle
à elle, c’est endroit libérateur, ce lieu fascinant où
tous ses songes lui étaient autorisés…elle l’avait
érigé en sanctuaire ornant ses alentours de
magnifiques dessins de paysages dont lui seul avait
le secret.
Gréco avait commencé son année scolaire
bien plus tard que les autres élèves de sa classe de
Terminale littéraire. La faute à des problèmes
d’asthmes récurrents qui avaient contraints la jeune
blonde de 17 et demi à se trimbaler un inhalateur.
Deux mois après le début des cours, elle se
présentait donc à la salle entière, la voix tremblante
et les yeux irrésistiblement attirés vers ses
chaussures, étant trop difficile d’affronter les
mitraillettes visuelles de ses camarades.
«… Euh, bonjour, je m’appelle Yohanna Beaulieu,
je suis très heureuse de faire partie de cet
établissement et j’espère pouvoir m’intégrer au
plus vite afin de rattraper mon retard… »
...
Troublée par le silence que lui rendait la classe,
elle lança un regard discret vers son professeur de
philosophie qui semblait dans un monde parallèle.
Le quinquagénaire n’en fronça néanmoins point un
sourcil ; derrière ses lunettes à verres
rectangulaires, monsieur Pinelli regardait ou plutôt
observait un étrange papillon à ailes mi-jaune mi-
noir qui s’était déposé sur son « Apologie de
Socrate ». On aurait vraiment dit un indigent qui
pré dégustait de l’œil la miche de pain que lui avait
gracieusement offerte une vielle dame. Ah, ces
philosophes !
Cela dit, la situation commençait à devenir
extrêmement gênante pour Yohanna qui supportait
de moins en moins les lames acérées jetées par ses
camarades. Elle se tortilla d’avant en arrière
redressant sa paire de lunettes à elle et fit d’un
geste prompt basculer  

Vous aimerez peut-être aussi