2012 Le religieux dit vraiment aux hommes ce qu'il faut faire et ne pas faire pour éviter le retour de la violence destructrice. Quand les hommes négligent les rites et transgressent les interdits, ils provoquent, littéralement, la violence transcendante à redescendre parmi eux, à redevenir la tentation démoniaque, l'enjeu formidable et nul autour duquel ils vont s'entre-détruire, physiquement et spirituellement, jusqu'à l'anéantissement total, à moins que le mécanisme de la victime émissaire, une fois de plus, ne viennent à les sauver, à moins que la violence souveraine, en d'autres termes, jugeant les "coupables" suffisamment punis, ne condescende à regagner sa transcendance, à s'éloigner juste autant qu'il le faut pour surveiller les hommes du dehors et leur inspirer la vénération craintive qui leur apporte le salut. Le religieux vise toujours à apaiser la violence, à l'empêcher de se déchaîner. Les conduites religieuses et morales visent la non-violence de façon immédiate dans la vie quotidienne et de façon médiate, fréquemment, dans la vie rituelle, par l'intermédiaire paradoxal de la violence. Le sacrifice rejoint l'ensemble de la vie morale et religieuse mais au terme d'un détour assez extraordinaire. Il ne faut pas oublier, d'autre part, que pour rester efficace, le sacrifice doit s'accomplir dans l'esprit de piétas qui caractérise tous les aspects de la vie religieuse. Nous commençons à entrevoir pourquoi il fait figure à la fois d'action coupable et d'action très sainte, de violence illégitime aussi bien que de violence légitime. (page 38) La conception mimétique détache le désir de tout objet; (pour Freud) le complexe d'Oedipe enracine le désir dans l'objet maternel; (à l’inverse, pour Girard) la conception mimétique élimine toute conscience et même tout désir réel du parricide et de l'inceste; la problématique freudienne est au contraire toute entière fondée sur cette conscience. (page 149) Les interdits ont une fonction primordiale; ils réservent au cœur des communautés humaines une zone protégée, un minimum de non- violence absolument indispensable aux fonctions essentielles, à la survie des enfants, à leur éducation culturelle, à tout ce qui fait l’humanité de l’humain . (page 323) Le Royaume de Dieu, c’est l’élimination complète et définitive de toute vengeance et de toutes représailles dans les rapports entre les hommes . (Page 289) L’appellation Fils de l’Homme correspond aussi, de toute évidence, à cet accomplissement par le seul Jésus d’une vocation qui est celle de tous les hommes . […] Les hommes ont tué Jésus parce qu’ils sont incapables de se réconcilier sans tuer (Pages 310-311)