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QUELQUES ASPECTS

DE L'ORGANISATION
ET

DE LA TECHNIQUE
DES

CONFÉRENCES INTERNATIONALES
PAR

Marcel SIBERT
Professeur à la Faculté de droit de Lille,
Directeur de la Revue générale de droit international public.
NOTICE BIOGRAPHIQUE

Marcel SIBERT, né à Rouen le 26 janvier 1884, a fait ses études


de droit à la Faculté de Paris. Lauréat de cette Faculté, y a pré-
paré le concours d'agrégation.
Pendant la guerre de 1914-1918, lieutenant, puis capitaine d'in-
fanterie. Citation à l'ordre de l'armée. Chevalier de la Légion
d'honneur au titre militaire.
Après la guerre ¡ est reçu agrégé des Facultés de droit le 6 novem-
bre 1920. Professeur titulaire de droit international public à la
Faculté de Rennes en décembre 1922; délégué, en 1923, pour cet
enseignement, à la Faculté de droit de Lille, où il est actuellement
professeur titulaire.
Maître de conférences en 1932-1933 et 1933-1934 à l'Ecole libre
des Sciences politiques à Paris.
Professeur depuis 1924 à l'Institut des Hautes Etudes interna-
tionales, rattaché à la Faculté de droit de l'Université de Paris.
Directeur, depuis 1926, de la Revue générale de droit international
public.
En décembre 1931, délégué par le Comité national de la Croix-
Rouge française à la Réunion des experts convoquée, à Genève,
par le Comité international de la Croix-Rouge, concernant la régle-
mentation de la guerre aérienne.
Membre de la Commission permanente de Conciliation prévue
par le Traité de règlement judiciaire, d'arbitrage et de conciliation
entre la Roumanie et la Belgique (8 juillet 1930).

PRINCIPALES PUBLICATIONS

1. Le Premier Ministre en Angleterre, 1909.


2. Le Parliament Act et la réforme de la Chambre des Lords (deux articles
dans la Revue du droit public), 1911.
3. Le concours comme mode juridique de recrutement de la fonction publi-
que, 1912.
4. La condition juridique des fonctionnaires anglais (deux articles danB la
Revue du droit public), 1912.
8. La session de Rome de l'Institut de Droit international, 27 p., 1922.
6. La question de la réduction des armements terrestres & la III« Assemblée
de la Société des Nations, Revue générale de droit international public,
33 p., 1923.
390 Aí. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (4)
er r
7. La vie internationale du 1 nouemòre 1923 ou l« février 1924, 48 p.,
1924.
8. La question de la garantie et de la réduction des armements terrestres
h la IV« Assemblée de la Société des Nations. Le projet de traité d'assis-
tance mutuelle de septembre 1923, Revue générale de droit international
public, 48 p., 192ÎS.
.9. La loi agraire lithuanienne et les droits des minorités polonaises, Revue
générale de droit international public (en collaboration avec P. Fauchille),
27 p., 1923.
10. La sécurité, internationale et les moyens proposés pour l'assurer de 1919
à 1928, Revue générale de droit international public, 43 p., 1926.
11. El Instituto de Altos Estudios internacionales, dans Riv. de derecho inter-
nacional, 21 p., 1927.
12. La police en haute mer, Revue générale de droit international public,
29 p., 1927.
13. Une phase nouvelle du différend roumano-hongrois. L'affaire des optants
devant le Conseil de la Société des Nations, Revue générale de droit
international public, 37 p., 1927.
14. Les frontières en droit international, Académie diplomatique, séances et
travaux, octobre-décembre 1928.
1ÎS. Remarques sur le mémoire du Gouvernement hongrois adressé le 29 novem-
bre 1927 au Conseil de la Société des Nations, 33 p., Imp. du Palais,
1928.
16. La VI« Conférence panaméricaine, Revue générale de droit international
public, 21 p., 1929.
17. La protection des populations civiles contre les bombardements, Genève.
46 p., 1930.
18. Le Pacte Kellogg, Revue générale de droit international public, 22 p.,
1930.
19. L'affaire des téléphones de Colombie, Revue générale de droit interna-
tional public, 23 p., 1931.
20. Sur la procédure en matière de pétition dans les pays sous mandat, et
de quelques-unes de ses insuffisances, Revue générale de droit international
public, 16 p., 1933.
21. A propo9 des conventions signées à Londres le 3 juillet 1932, Revue géné-
rale de droit international public, 7 p., 1933.
22. L'armistice et le droit international, Revue générale de droit interna-
tional, 61 p., 1933.
QUELQUES ASPECTS
DE

L'ORGANISATION ET DE LA TECHNIQUE
DES CONFÉRENCES INTERNATIONALES

INTRODUCTION

N vue de discuter de leurs communs intérêts et d'abou-

E tir à des accords sur les sujets les plus variés, les Etats
ont de longtemps pris l'habitude de réunir leurs repré-
sentants ou délégués dans des réunions auxquelles on donne
le nom de conférences ou de congrès.
Depuis le début du xrs* siècle, ces réunions solennelles se
sont accrues en nombre et importance. A l'origine restreints
aux Etats européens (sans les comprendre tous), parce que
seuls les Etats européens étaient considérés comme consti-
tuant la communauté internationale, les grandes conférences
ou les grands congrès, à notre époque, rapprochent les Etats
de tous les continents. Môme les nations les plus favorables
à une attitude d'isolement politique ne peuvent se sous-
traire à leur emprise. S'il arrive qu'elles n'y soient pas repré-
sentées par des délégués, elles y figurent par le moyen de
leurs observateurs.
Après l'Amérique, l'Asie y a fait son entrée lorsque le
Japon (qui n'avait pas figuré au Congrès de Paris de 1856,
mais qui en signa la déclaration en 1886) apparut à la Confé-
rence de la Paix de 1899, escorté de la Chine, du Siam, de
la Perse (et de la Corée).
A côté de la tendance à l'universalité, de l'expérience la
plus récente des grandes réunions diplomatiques ressort
39a M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (6)
une seconde tendance. A l'origine, les grandes rencontres
diplomatiques se présentent comme des réunions de carac-
tère politique. Des préoccupations d'équilibre les accapa-
rent. Les règlements territoriaux, les mutations de popula-
tions, les annexions, les compensations, les dominent. Aussi,
une physionomie particulière marque-t-elle ces assises. Sans
en médire, accidentelle, transitoire, leur activité fut sou-
vent à base d'intrigues, de rivalités sourdes entre les grands,
de coups de force à rencontre des humbles, de courtisanerie
ou de quémandage de la part dès petits Etats envers les
Etats forts.
Avec le développement de la civilisation, qui créa tant
de besoins nouveaux, au fur et à mesure qu'allaient surgir,
encore confuses, les premières velléités de solidarité inter-
nationale, les assemblées diplomatiques n'eurent plus seule-
ment à dénouer des situations ou à composer des intérêts
politiques. Leur action se fit en même temps constructive,
émettrice de règles juridiques, organisatrice de procédés et
de mécanismes poursuivant des fins d'utilité commune. La
solidarité internationale s'y fortifie de ce qu'y perd l'intérêt
individuel des Etats, et le droit y prend sa place à côté de
la politique.
Dans une troisième phase de l'activité internationale appa-
rurent enfin ces vastes assemblées de diplomates, destinées
exclusivement à poser des règles obligatoires de droit inter-
national ou à établir dans les rapports entre peuples des
organismes aptes à faciliter, par-delà les frontières, la satis-
faction des besoins communs d'ordre économique, financier,
social, sanitaire... (unions internationales).
Loin de mettre fin à ce mouvement, les suites de la guerre
mondiale en accrurent l'envergure. Il fallait rapprocher,
unir, reconstruire. On s'y employa, parfois un peu confusé-
ment. Les initiatives répétées de la Société des Nations favo-
risèrent cette activité que n'ont pas toujours suivie — loin
de là — les résultats positifs.
Si l'on tient compte en dernier lieu de ce que le continent
américain, en quête d'organisation collective, s'est mis, lui
aussi, depuis une cinquantaine d'années, à avoir ses confé-
(7) INTRODUCTION 393

rences panaméricañnes pour s'occuper des questions propres


aux Amériques, on saisit de quelle importance sont ces gran-
des rencontres internationales, et de quelle utilité est l'étude
des règles qui président à leur organisation et à leur fonc-
tionnement. Renvoyant pour le détail de la matière aux
ouvrages particuliers, nous ne ferons ici qu'en indiquer les
caractéristiques essentielles.
CHAPITRE PREMIER

LES CONGRÈS

ONGRÈS. CONFÉRENCES : Deux mots. Donc, logiquement,

C deux idées, deux procédés. Le droit les sépare-t-il ?


Dans la doctrine, Bluntschli, il y a plus d'un demi-
siècle, faisait déjà la distinction, d'une manière il est vrai
elliptique, plus par intuition que par raisonnement. Scott
néglige l'opposition, mais parlant, à propos de 1'ceuvre de
La Hay« en 1899 et en 1907, des conférences qui la précé-
dèrent, il assigne aux réunions de « représentants d'Etats »
qu'elles comportent le but exclusif de poursuivre la modifi-
cation ou le développement des normes juridiques interna-
tionales. Plus récemment, écrivant dans La Paix des Peuples,
en 1919, un article remarqué sur la Conférence de la Paix de
Paris, M. G. Scelle, précisant la distinction entre les confé-
rences et les congrès, a écrit : « S'il est faux de prétendre
que les grands règlements politiques se fassent exclusivement
dans les congrès, puisque beaucoup de questions de pure
politique ont été tranchées par des conférences, il n'en reste
pas moins que les règlements politiques les plus considéra-
bles sont l'œuvre du Congrès. » Plus loin, Scelle parfait la
distinction en affirmant qu' « il ne viendrait plus à l'idée
de personne, en Europe, d'appeler congrès des assemblées
où des. questions d'ordre juridique sont traitées académique-
ment, comme celles où l'on règle l'organisation de services
publics internationaux, le statut juridique d'une contrée ou
celles où l'on recherche l'unification des législations ». De
tous ces points de vue, les assises de Montevideo (1888-1889)
sur le droit international privé, les réunions de Berne et
de Paris qui sont à l'origine de l'Union postale, celle de Ber-
lin, en 1885, qui s'est préoccupée de la condition du bassin
<9) CONGRES 39S
conventionnel du Congo, plus près de nous l'assemblée de
Paris (1929) et celle de La Haye (1930), relatives l'une à la
condition des étrangers, l'autre à la codification du droit
international, appartiennent sans conteste à la famille des
conférences, tout comme lee réunions de La Haye de 1899
et de 1907.
Parfois, il est vrai, parce que. la terminologie du droit
international est encore insuffisamment fixée, les titres offi-
ciels sont appliqués mal à propos. Ce qui de sa nature est
congrès devient conférence et vice versa. Les techniciens
eux-mêmes, jusque dans leurs entreprises officieuses, n'évi-
tent pas toujours la confusion. Par exemple, on parle cou-
ramment encore du Congrès juridique international de l'avia-
tion, réuni à Budapest les 29 septembre-3 octobre 1930. Pour
reprendre une illustration dans l'activité officielle, la Confé-
rence de Lausanne, qui devait aboutir à la Paix du même
nom (1923) avec la Turquie, a été, par nombre de ses aspects,
un véritable Congrès.
Ce n'est donc pas au titre, c'est à la nature, à l'objet des
délibérations qu'on doit s'attacher pour séparer le congrès
de la conférence. Poursuivant, dans le domaine de la poli-
tique, des fins d'activité particulière, guidé par les seules
vues de l'opportunité, évoluant dans des frontières où le droit
ne pénètre pas, ou bien dans lesquelles il ne pénètre qu'ac-
cessoirement, le congrès s'oppose à la conférence, dont la
tendance est essentiellement législative. Héritier des ancien-
nes assemblées où figuraient les souverains, les congrès visent
soit à mettre fin aux luttes de plusieurs peuples, soit à donner
à la politique générale une direction moins obscure.
La conférence construit. Le congrès consacre le triomphe
d'une politique; la conférence annonce celui du droit et de
l'organisation.
La différence des buts — c'est fatal — appelle, ici et là,
des moyens et des méthodes opposés.
« Aux uns, les congrès, convient une méthode autoritaire
et rapide essentiellement pratique; aux autres, les confé-
rences, une méthode scientifique, egalitaire et prudente. »
En matière de Congrès :
396 M. SIBERT. — CONFÉRENCES INTERNATIONALES (io)
o
I II faut aller vite, parce que l'œuvre à réaliser — le plus
souvent œuvre de paix après une période de guerre plus ou
moins prolongée — ne souffre pas de temporisation. Sinon
les résultats, chèrement acquis, risqueraient d'être remis en
discussion. Parfois, pour s'assurer la rapidité du résultat,
des assises préliminaires arrêteront, avec les garanties appro-
priées, les grandes lignes de la solution. Le détail ne sera
arrêté que plus tard, dans une mise au point conforme aux
décisions d'ensemble.
2° En outre, « comme il faut aboutir, poursuit l'auteur déjà
cité, une méthode autoritaire s'impose, tant en ce qui con-
cerne l'adversaire que les membres mêmes du congrès.
Pourvu que leurs prétentions ne dopassent pas les limites
du droit des gens, les vainqueurs ont le droit... d'exiger des
vaincus une adhésion immédiate sur les points capitaux et
un engagement préalable d'accepter les décisions ultérieu-
res sur les points réservés ». Un autoritarisme analogue,
ajouterons-nous, se conçoit dans une autre direction : dans
un congrès international destiné à liquider une période de
crise, figurent, aux côtés des Etats, premiers intéressés, qui
ont joué le plus grand rôle dans les événements, d'autres
associés, des membres à intérêts secondaires, dont la volonté
contraire ne doit pas plus pouvoir barrer la volonté générale
que la volonté de ceux dont les plus grands sacrifices consti-
tuent un titre à réclamer les réparations les plus étendues et
les garanties les plus certaines.
L'organisation des congrès devait refléter et a reflété cette
inéluctable pression des faits.
On le vit bien, sans recourir à des exemples plus anciens,
à l'origine même du Congrès de Vienne : dès septembre 1814
il fut convenu entre les quatre (Russie, Autriche, Prusse,
Angleterre) qu'ils se réuniraient en des conférences préli-
minaires. Un programme y fut élaboré pour les travaux du
Congrès, et l'on y tomba d'accord pour décider que « les
dispositions à faire des territoires » seraient « réglées au
Congrès par les Puissances alliées entre elles ». Après quoi,
un protocole stipula que les questions seraient divisées en
deux : I o celles relatives « aux grands intérêts de l'Europe,
(il) CONGRES 397
comprenant les rapports des Puissances entre elles, la fixa-
tion des limites et la disposition à faire des pays provisoire-
ment occupés et administrés par les Puissances alliées »,
c'est-à-dire les affaires de Pologne, d'Allemagne et d'Italie :
les quatre cours alliées en délibéreraient entre elles, et, quand
elles seraient d'accord, elles communiqueraient leur travail
aux représentants de la France et de l'Espagne, et « les
inviteraient à faire connaître leurs opinions et leurs vœux »;
2° la préparation du pacte îédératif de l'Allemagne : les cours
d'Autriche, Prusse, Bavière, Wurtemberg et Hanovre en
seraient chargées. Au protocole évoqué était joint, il est vrai,
un projet de déclaration portant que si les Puissances signa-
taires du Traité de Paris devaient diriger le travail du
Congrès, elles ne décideraient aucune question sans le
concours des Puissances qui paraissaient avoir droit d'y
intervenir; mais, pour transformer ce projet en une réalité,
toute l'habileté de Talleyrand ne fut pas de trop. Quand une
réunion des huit signataires du Traité de Paris, chez Metter-
meli, le 30 octobre 1814, eut consacré le principe d'un règle-
ment élargi des questions à débattre, la discussion s'enga-
gea sur la répartition du travail entre des comités qui seraient
dirigés par une délégation des huit. Mais « proposer de répar-
tir le travail, c'était, dit Sorel *, soulever la question préju-
dicielle de l'admission des envoyés du Roi de Saxe et de
ceux de Murât ». On « continua de traîner de protocole en
protocole. Cependant, pour les affaires moins litigieuses,
des comités se formèrent peu à peu ». Il y en eut pour les
affaires allemandes où figurèrent l'Autriche, la Prusse, la
Bavière, le Hanovre, le Wurtemberg. Un autre se forma pour
les affaires de Suisse, où figurèrent l'Autriche, la Prusse,
l'Angleterre, la Russie. Il y en eut un, un peu plus tard,
pour la statistique, que Castlereagh avait imaginé à propos
des affaires de Saxe, et dans lequel la ténacité de Talleyrand
fit pénétrer la France après une lutte renouvelée. Il y en eut
un pour la traite et un pour la libre navigation des fleuves.
En fin de compte, tout au long de son existence, le Congrès
fut dominé par la volonté des grands Alliés de parler en maî-

1. L'Europe et la Révolution française, Paris, 68 éd., 8° partie, p. 381-382.


398 Aí. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (i»>

tres, mais par celle de la France elle-même qui sut, à mer-


veille, utiliser les dissentiments des quatre et la méfiance
de leurs satellites pour élargir les débats et être la pre-
mière à entrer dans le cercle agrandi des délibérations.
Aux circonstances, le Congrès de Berlin dut une physio-
nomie différente par certains aspects, mais au fond identique.
On n'alla pas au Congrès pour y régler les suites d'une
guerre d'ailleurs localisée (guerre russo-turque). « Délibérer
en commun sur la question d'Orient », « examiner comment
il fallait la régler en prenant pour point de départ les
conventions provisoires intervenues entre la Russie et la
Turquie », tel était le but des assises de Berlin. Sous la
présidence de l'honnête courtier : M. de Bismarck, y pri-
rent seules part « avec plénitude de droits » les six grandes
Puissances et la Porte ottomane. Les principautés de Rou-
manie, de Serbie et de Monténégro, bien qu'elles eussent
participé à la guerre comme « alliées de la Russie », n'étaient
pas « des Etats souverains complètement reconnus » : elles
étaient simplement sur le point de le devenir. Leurs délé-
gués ne furent entendus qu'officieusement. Quant à la Grèce,
la question de son admission, surgie devant le Congrès dès
le 13 juin 1878, s'y déroula avec ampleur le 17 juin. On la
trancha en décidant que le délégué grec serait appelé dans
des cas particuliers, toutes les fois qu'une des Puissances
en ferait la proposition et que la majorité du Congrès y sous-
crirait. Du Congrès à sa clôture sortit un traité, qui, tout en
proclamant la Roumanie indépendante, lui imposait la triple
charge de la rétrocession bessarabienne à la Russie (art. 4b),
de l'égalité des races et des croyances sur son territoire
(art. 44), de la compétence — dans une complète indépen-
dance die l'autorité territoriale, et dorénavant jusqu'à Galatz
— de la Commission européenne du Danube; les autres petits
Etats slaves de la Péninsule balkanique dans des disposi-
tions, pour certaines, analogues, et pour d'autres, différen-
tes, mais aussi lourdes (cf., par exemple, l'art. 29 du Traité
pour le Montenegro), étaient appelés à subir d'égale manière
l'effet de la volonté des grandes Puissances réunies au
Congrès.
(IS) CONGRES 399
Tant d'autoritarisme (dont la Turquie en particulier sentit
lourdement le poids) ne doit pas étonner. Le régime du
Danube, la question d'Orient, c'étaient là, à l'époque, le
terrain d'élection de l'intervention des grandes Puissances.
Le Traité de Berlin, issu du Congrès du même nom, ne pou-
vait pas ne. pas s'en ressentir. Quelques années plus tard,
des circonstances analogues devaient faire que les grandes
Puissances élaboreraient seules, sans l'intervention de la
Roumanie, ce Traité de Londres (1883) dont le Gouvernement
de Bucarest devait décliner l'opposabilité à son égard (dans
l'affaire portée devant la Cour permanente de Justice inter-
nationale, en 1925, de la compétence de la Commission euro-
péenne du Danube).
Les traités qui ont mis fin à la Grande Guerre dérivent
de procédés à peine différents. Tout au plus doit-on noter
qu'au Congrès de 1919 l'autoritarisme a été renforcé contre
l'adversaire vaincu dans les opérations militaires. Tout y a
été « réglé », a observé M. Scelle, « sans » sa « participation ».
M. de Talleyrand, à Vienne, bien qu'on ait tenté de le lui
appliquer, ni MM. Thiers et Favre, à Versailles, n'ont subi
un système d'exclusion aussi strict. « Admis à faire valoir
des observations écrites, obligés de les présenter dans un
délai très court, les adversaires (de la France et de ses alliés
et associés) se sont trouvés hors d'état de produire aucune
suggestion modifìant sensiblement le système qu'on leur
présentait. » *
Le môme autoritarisme, observe encore M. Scelle, s'est
manifesté à l'égard des Etats représentés à Versailles. Il a
été l'œuvre du Règlement déposé, dès l'ouverture du Congrès,
sur le bureau pour être distribué aux délégués.
Notons d'abord que les Puissances ont été représentées,
selon leur importance, par un nombre variable de délégués.
D'autre part, l'admission aux séances du Congrès s'est faite,
en vertu du Règlement lui-même, selon une quadruple dis-
tinction : o) les Puissances belligérantes à intérêts généraux
ont pris part à toutes les séances et commissions; ò) les Puis-
sances belligérantes à intérêts particuliers ont pris part aux

1. La Paix de» Peuple«, S» févr. 1919, p. 1».


loo M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (14)

séances où étaient discutées des questions les concernant;


c) les Puissances en état de rupture diplomatique ont pris
part aux séances dans lesquelles ont été discutées des ques-
tions qui les intéressaient; d) les Puissances neutres et les
Etats en formation devaient être entendus, soit oralement,
sont par écrit, sur convocation des Puissances à intérêts géné-
raux, aux séances consacrées spécialement à l'examen des
questions les concernant directement et seulement en ce qui
toucha ces questions.
Sur cette base générale et sous la protection apparente du
principe de l'unanimité, « six mois durant », le traité a été
étudié, préparé et discuté par plus de cinquante commissions
techniques, « où chaque pays avait délégué ses spécialistes
les mieux qualifiés, et qui ont tenu 1.646 séances ». Si, sur
chaque question, « tous les intéressés ont été entendus », il
arriva fréquemment que leurs conclusions fussent « boule-
versées » par des opinions en fait supérieures, c'est-à-dire
en l'espèce, ou par les dix, ou par les cinq, ou par les
quatre. Après quoi il fallut bien que l'ensemble des repré-
sentants signât.
On n'a pas manqué, de côtés très divers, de critiquer cette
procédure. En Allemagne, il arrive souvent qu'on parle, non
pas du Traité de Versailles, mais du Diktat de Versailles. En
France même, des publicistes de gauche ont décoché à cette
méthode de négociations des réflexions sévères. A d'autres,
il est vrai, elles semblent imméritées et paraissent ne pas
tenir compte d'un point de vue d'équité contre lequel il est
malaisé de s'élever. « On a reproché aux « gros », a écrit
M. Tardieu, d'avoir (à Versailles) trop écarté les « petits »;
pourtant, « sans parler de ceux qui, à l'exclusion de tout
acte de guerre, s'étaient contentés de rompre avec l'Alle-
magne les relations diplomatiques, ni de ceux qui, ayant
déclaré la guerre, n'avaient fourni aucun effort militaire,
pouvait-on prétendre que, dans la difficile entreprise d'amé-
nagement de la victoire, le droit d'initiative ne fût pas, eü
quelque mesure, subordonné aux sacrifices ? Parmi les vain-
queurs, certains avaient tout donné, leur sol, leurs hommes,
leur argent, non seulement pour défendre leur liberté, mais
(iS) CONGRES 401
pour conquérir celle des autres. Ces autres, au contraire,
même au prix de longues souffrances, n'avaient dû qu'aux
premiers leur résurrection. Un classement s'imposait donc...
Comment contester la justice de celui qui a distingué, sous
une formule de protocole chargée de réalité, les Puissances
à intérêts généraux et celles à intérêt limité ? »
L'argument d'équité et de justice n'entre pas seul en ligne
de compte. Le droit, lui aussi, a son mot à dire dans l'affaire.
Elaborer la paix dans un acte contractuel qui groupe main-
tes parties d'importance et de capacités très diverses est une
chose; poser des règles de droit objectif dans un traité-loi
en est une autre. Et l'on conçoit fort bien que l'on ne déter-
mine pas par les mêmes méthodes le contenu de deux instru-
ments aussi différents par leur nature. Comme la loi interne
est l'expression de la majorité, le traité-loi du droit interna-
tional devient de plus en plus l'œuvre d'une majorité d'Etats.
Comme le contrat de droit interne exige le consentement de
toutes les Parties Contractantes, le traité de paix, œuvre du
Congrès, subit la règle de l'unanimité; mais, de même qu'en
fait dans tout contrat du droit interne les plus aptes finissent
par imposer leurs volontés aux plus faibles, il n'y a rien de
surprenant à ce que dans le Congrès qui élabore une paix ou
un règlement d'intérêts, la volonté des plus forts prédomine
derrière le masque de l'unanimité.
CHAPITRE II

LES CONFÉRENCES

ès l'abord, l'esprit et partant le mécanisme de la Confé-

D rence stricto sensu sont tout autres que celui dont la


formule d'ensemble vient d'être esquissée.
Cela résulte de sa nature et de son but qui, on l'a dit, se
préoccupent d'établir des règles de droit, des mécanismes
d'intérêt international ou des contrôles.

SECTION PREMIERE.

La convocation.

Et d'abord, qui convoque la Conférence ? Jusqu'à une épo-


que réoente, l'initiative de la convocation est venue, d'une
manière constante, soit d'une personnalité internationale, le
plus souvent d'un chef d'Etat, soit d'un gouvernement : c'est
le tsar de Russie qui, en août 1898, proposa aux gouverne-
ments dont les représentants étaient accrédités à Saint-
Pétersbourg, de réunir une Conférence « destinée à recher-
cher les moyens les plus efficaces d'assurer à tous les peuples
les bienfaits d'une paix réelle et durable et de mettre avant
tout un terme au développement progressif des arme-
ments. » La convocation de la II6 Conférence de la Paix a eu
la même origine. Par contre, la Conférence navale de Lon-
dres (4 déc. 1908-26 févr. 1909) tira sa vie de la circulaire
adressée le 27 février 1908 par Sir Edward Grey aux repré-
sentants de S. M. britannique à Berlin, Madrid, Paris, Rome,
Saint-Pétersbourg, Tokio, Vienne et Washington. Le pro-
gramme inséré dans la note y est indiqué comme étant pro-
posé par le gouvernement de Sa Majesté britannique. En 1864,
(i 7) CONFERENCES 403

au Gouvernement suisse avait été laissé l'honneur d'inviter,


par l'entremise du Conseil fédéral, tous les Etats de l'Europe
et quelques-uns de l'Amérique à la Conférence pour l'amé-
lioration du sort des militaires blessés dans les armées en
campagne. En fait, la réunion de la Conférence fut due aux
efforts d'un organisme privé : la Société genevoise d'utilité
publique. De nouveau, après la Grande Guerre, on a vu un
chef d'Etat — dans l'espèce, le Président de la République
des Etats-Unis d'Amérique — inviter, par l'intermédiaire du
Secrétaire d'Etat, des gouvernements étrangers à se réunir
en conférence pour s'entendre sur la limitation des arme-
ments navals...
Au fur et à mesure que la Société internationale tend à
s'organiser avec méthode sur la base d'institutions générales
et permanentes, la convocation des conférences se discipline.
Une conférence peut être le résultat de vœux émis par une
conférence antérieure. On a vu de la sorte la IP Conférence
de la Paix (1907) recommander aux Puissances la réunion
d'une IIP Conférence dans un délai analogue à celui qui s'était
écoulé depuis la première. La Conférence de Gênes (1922) a
eu pour germe la Résolution adoptée le 6 janvier 1922 par la
Conférence de Cannes. La Conférence de Codification du droit
international, tenue à La Haye du 13 mars au 12 avril 1930,
a, dans une série de vœux généraux, formulé le souhait dis-
cret qu'une nouvelle assemblée reprît les travaux commen-
cés en la matière. La Conférence économique mondiale,
ouverte à Londres le 12 juin 1933, a constitué la suite dés
travaux effectués à Lausanne en 1932. En effet, après avoir
mis terme à son activité, la Conférence de Lausanne avait
constaté que, pour mettre fin à la crise mondiale, il conve-
nait de convoquer « une conférence élargie », et d'inviter la
Société des Nations à se saisir de la question sans délai.
Sans doute de pareilles manifestations, simples suggestions,
n'ont pas de valeur obligatoire. Mais on ne saurait mécon-
naître ni leur haute autorité morale, ni leur force effective, et
il faudra, en fait, des événements d'ordre exceptionnel (par
exemple la guerre de 1914) pour que de telles invitations
soient perdues de vue...
404 M. SIBERT. — CONFÉRENCES INTERNATIONALES (18)
Il est plus intéressant de noter comment l'activité de la
Société des Nations a, davantage chaque jour, dans ce
domaine, un effet salutaire. Déjà bien nombreuses sont les
conférences internationales que l'on doit à l'initiative de la
Société des Nations. Qu'il s'agisse de questions financières,
de mesures affectant le transit international (1921, 1923',
1927), la réglementation du régime des passeports (1920,
1926), la santé publique (1921-1922); qu'il s'agisse du trafic
des armes (192b), d'abus des drogues (1924), des publications
obscènes (1923), des formalités douanières (1923), de la
codification du droit international (1930), du traitement des
étrangers (1929), d'unification de la législation en matière
de lettres de change (1931), on a vu maintes fois, au sein de
la Société, et après proposition soit d'une de ses organisa-
tions techniques, soit d'une de ses commissions consultati-
ves, tantôt le Conseil, tantôt — et de plus en plus fréquem-
ment — l'Assemblée retenir d'abord l'idée de la Confé-
rence, puis, l'ayant retenue, inaugurer l'ère de la réalisa-
tion en désignant une Commission préparatoire chargée
d'apporter, à la Société des suggestions sur la date, le lieu,
la composition et le programme possibles de la Conférence.
« Cette méthode, a écrit avec raison Norman L. Hill l , a
l'avantage de s'assurer les services d'une organisation qui
fait profession d'être impartiale dans l'ajustement de tou-
tes les questions préliminaires affectant le succès des délibé-
rations postérieures. » On verra par la suite qu'elle est aussi
un gage de préparation approfondie et systématique.
Les convocations de conférences des types précédents sup-
posent une manifestation de volonté libre et indépendante.
Elles n'ont rien de nécessaire ni d'automatique. Il n'en va
pas de même des convocations qui se produisent en vertu
d'un statut préexistant et en application de ce statut. Ainsi
en était-il (et continue-t-il à en être), dès avant le Pacte de
la Société des Nations, dans le mécanisme des unions inter-
nationales. Revêtus d'une compétence constitutionnelle ou
législative, voire simplement, administrative, le Congrès, la

1. The public international conference, p. 128.


(19) CONFERENCES 405
Conférence ou l'Assemblée générale de l'Union se caractéri-
sent, en droit, par la périodicité de leurs assises et, par con-
séquent, par le caractère obligatoire de leur réunion. « Tan-
dis qu'un intervalle de trois à six ans est ordinairement
stipulé, remarque Hill l , par la convention (d'union), on y
trouve souvent un certain degré de souplesse qui rend pos-
sible de faire face aux situations urgentes. » Par exemple,
l'article 7 de la Convention relative au Bureau international
des Poids et Mesures dispose que la Conférence générale
mentionnée à l'article 3 de cette Convention devra se tenir
à Paris, sur la convocation du Comité international, au moins
une fois tous les six ans. « Il résulte de cette disposition et
d'autres semblables, propres à d'autres unions administra-
tives, que la Conférence est généralement établie sur la base
de la périodicité et de la convocation obligatoire... » Depuis
que la Société des Nations, dans le but d'assurer les grands
intérêts matériels d'ordre international, a mis sur pied les
organisations permanentes, le même principe s'y est intro-
druit. Le Statut sur l'organisation des communications et du
transit dispose que les conférences générales ordinaires (qui,
comme les conférences extraordinaires, sont convoquées par
le Conseil de la Société des Nations) se réunissent à des
périodes fixes, tous les quatre ans, sauf circonstances excep-
tionnelles. En matière d'Organisation du Travail, l'article 389-
du Traité de Versailles dispose : « La Conférence générale
des représentants des Membres tiendra des sessions chaque
fois que besoin sera et, au moins, une fois par an. » Com-
ment s'étonnerait-on de pareilles stipulations ? Le besoin
croissant de dispositions d'ordre législatif est le résultat de la
complexité chaque jour plus grande des rapports internatio-
naux. Or, nous l'avons dit : la loi internationale est du
domaine de la Conférence comme la politique appartient à
celui du Congrès.
Quand on cherche à préciser quels sont les Etats convoqués
à une assemblée diplomatique, on retrouve, là encore, dans
la nature et dans l'objet des congrès et des conférences, la
raison de distinguer. Très souvent, lá pure opportunité poli-
1. ibid., p. 133.
4o6 M. SIBERT. —. CONFERENCES INTERNATIONALES (20)

tique fait décider qui sera invité à un Congrès et qui ne le


sera pas. D'ailleurs, on doit l'avouer, parfois l'opportunité
politique aboutit à des résultats faits pour surprendre : à
Paris, en 1919, furent invités des Etats qui n'avaient fait que
rompre les relations diplomatiques avec l'adversaire. A l'oc-
casion aussi, les manœuvres d'un cabinet ou d'un autre
auront pour effet de modifier les exigences de l'opportunisme.
C'est un exemple fameux que celui de la Prusse, écartée tout
d'abord du Congrès de Paris en 1856, par suite des manœu-
vres de l'Angleterre, puis finalement invitée, sur le tard, le
10 mars de cette année-là. Dans d'autres circonstances, le
choix des Etats invités à un congrès est fonction du but assi-
gné au congrès lui-même. Si le congrès est de nature à modi-
fier un état de choses qui se trouve fixé par des conventions
antérieures, la Puissance invitante ne pourra pas négliger
de lancer ses invitations à tous les précédents signataires.
C'est ce qui a eu lieu lors de la tenue du Congrès de Berlin
0*uin-juill. 1878).
Quand il s'agit de convocations à une conférence destinée à
faire œuvre législative, ou constructive, voire administra-
tive, de nos jours, on procède différemment.
I o Si la conférence apparaît comme un des rouages statu-
taires d'une organisation permanente, la liberté de convo-
cation disparaît au profit du droit inhérent à chaque Membre
de l'Organisation de figurer aux réunions de l'organe déli-
bératif. Par exemple, le texte constitutif de l'Union postale
universelle créée à Paris le 1" juin 1878, après avoir établi
dans son article 19 qu'il serait tenu des « congrès des pléni-
potentiaires des pays contractants ou de simples conférences
administratives, selon l'importance des questions à résou-
dre », a prévu (art. 19 al. 2) que chaque pays pourrait « se
faire représenter soit par un ou plusieurs délégués, soit par
la délégation d'un autre pays ». Aux conférences des orga-
nisations permanentes de la Société des Nations ont droit
•de représentation et d'accès tous les Membres de l'Organisa-
tion. Par exemple, parlant de l'Organisation internationale
du Travail, M. Scelle * rappelle à propos de la Conférence :

1. L'Organisation internationale du Travail et le Bureau international du


Travail, Paris, 1930, p. 134.
(21) CONFERENCES 407

« Elle est l'organe délibérant de l'Organisation internatio-


nale du Travail. Elle correspond dans son domaine à ce qu'est
l'Assemblée (de la Société des Nations) dans le sien. Comme
l'Assemblée, elle est composée des délégués de tous les Etats
Membres de l'Organisation internationale du Travail. » Les
conférences générales de l'Organisation des Communications
et du Transit sont, elles aussi, des réunions des représentants
de tous les Etats Membres de l'Organisation.
2° Les conférences qui ne fonctionnent pas comme rouage
statutaire d'un organisme préexistant se tiennent avec une
fréquence croissante sous les auspices de la Société des
'Nations. De la sorte, à l'initiative d'un Etat déterminé ou
d'un groupe d'Etats, se trouve substituée celle d'une associa-
tion eminente de personnes internationales. Il n'y a là rien
que de naturel et d'heureux. Il ne l'est pas moins que la
Société, après avoir pris l'initiative de la réunion, prenne la
responsabilité des invitations. Son Conseil s'en charge dans
un esprit de large coopération internationale. S'il peut être
déraisonnable de convoquer, selon le sujet, à une conférence
internationale tous les Membres de la Société, il pourrait
ne l'être pas moins, selon le cas, de laisser en dehors du
cercle des invités tel ou tel Etat sous prétexte qu'il ne fait
pas partie de la Société. Les Etats-Unis d'Amérique, qui res-
tent en dehors de la Société des Nations; le Brésil, qui s'en
est détourné; l'Islande, qui ne pense pas à y entrer; Monaco,
dont l'insistance pour y pénétrer n'a pas duré, etl'U. R. S. S.
elle-même, dont les sarcasmes n'ont pas eu de limites, avant
qu'elle n'y entrât, pour cette association de « gouvernements
bourgeois » qu'est la Société de Genève, ont accepté l'invi-
tation qui leur a été adressée par son Conseil de participer
à la Iro Conférence pour la Codification du droit internatio-
nal. A l'inverse, les huit principales Puissances productrices
d'opium ont été seules priées d'envoyer des délégués à la
Conférence de l'Opium, de 1924. Le fait que la responsabilité
du choix incombe au Conseil de la Société des Nations, sous
le contrôle de l'Assemblée, constitue une excellente garantie
qu'il sera exercé judicieusement, soit qu'il invite, comme
c'est le cas le plus fréquent, à titre deliberati], soit qu'il
4o8 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (32)

étende les invitations, cette fois à titre consultatif, à des orga-


nismes particuliers, dont il peut être bon d'entendre l'avis.
C'est ainsi, par exemple, que furent invités à titre consultatif
à la Conférence internationale sur le traitement des étran-
gers : I o les représentants du Comité économique de la
Société des Nations; 2° les représentants du Comité fiscal de
la Société des Nations; 3° les représentants de la Chambre de
Commerce internationale.

SECTION II.
*
Le programme.

Le programme (agenda) de la conférence appelle quelques


précisions.
Quand un Etat ou un groupe d'Etats prennent l'initiative
d'une conférence, le programme général est notifié, aux Etats
invités, dans l'acte (note ou circulaire) qui transmet l'invi-
tation. Par exemple, dans la circulaire du comte Mouravieff
(du 12-24 août 1898) conviant les Puissances à se Téunir à La
Haye, en vue de la Iro Conférence de la Paix, étaient indi-
qués en quelques lignes, et le but même et le programme de
la conférence projetée. En prévision de la réunion, à Lon-
dres, en 1908-1909, de la Conférence navale, la circulaire de
Sir Edward Grey aux représentants de Sa Majesté britan-
nique dans les diverses capitales procéda de la même manière.
Le Conseil de la Société des Nations n'agit, pas autrement
quand il convoque les Puissances à s'assembler pour déli-
bérer sur des questions d'intérêt général. Il est indispensable
que ce programme général, susceptible d'être, par la suite et
d'un commun accord, amplifié ou restreint, soit présenté en
termes assez précis pour donner, par avance, tous les apai-
sements nécessaires à tous les Etats invités.
Faute de savoir aussi exactement que possible sur quoi
porteront les discussions fondamentales d'une conférence, les
Puissances déclineront de s'y rendre. Ce sentiment bien natu-
rel de leur part trouve à s'employer à propos d'un congrès
'où le jeu de la politique ne doit pas faire place à celui de
(23) CONFERENCES 409

la surprise et du hasard, comme dans une conférence pro-


prement dite, parce qu'il peut être aussi désobligeant d'avoir
inopinément à y accepter certains principes.qu'à les repous-
ser. Aux fins d'une certitude renforcée, il arrive que l'invi-
tation de s'assembler en conférence ne soit faite qu'après un
échange de vues préliminaire sur son objet précis, ou même
après une série de travaux préparatoires, plus étendus, qui
comportent nécessairement qu'on délimite avec précision le
champ des discussions projetées. Par exemple, quand la
Société des Nations résolut d'entreprendre l'œuvre de codi-
fication, (( elle décida que cette œuvre serait précédée de tra-
vaux préparatoires portant sur le choix des matières qui,
après consultation de tous les gouvernements, pouvaient être
considérées comme mûres pour la codification. Une commis-
sion et un comité de juristes furent chargés de cette tâche. La
première détermina trois sujets qui devaient être inscrits à
l'ordre du jour de la conférence », c'est-à-dire, en réalité, tout
son programme. On doit noter avec satisfaction cette heu-
reuse tendance à substituer, pour la détermination des tra-
vaux projetés d'une conférence, la technicité et la méthode
d'un organe spécialisé à l'initiative incontrôlée des Etats.
C'est là un point qui mérite une considération spéciale.
On peut le dire sans exagérer; la complexité croissante des
questions remises à l'activité des conférences, le grand nom-
bre des Etats appelés à y prendre part, la diversité des inté-
rêts en présence, exigent dans la préparation une minutie de
plus en plus rigide, qu'on ne trouve pas, par la force des
choses, quand il s'agit des grands congrès politiques. Déjà, à
propos de la Conférence navale de Londres (déc. 1908-1909),
on s'inspira de cette nécessité. On vit le Gouvernement bri-
tannique, après avoir suggéré un programme déterminé à
l'assentiment des Puissances maritimes, proposer à leurs gou-
vernements d'échanger, avant une certaine date, des Memo-
randa qui exposeraient d'une façon sommaire quelle serait,
à leurs yeux, la vraie règle du droit international applicable
à chacune des matières visées. On échangea donc ces Memo-
randa, dont le Miscellaneous, n° 5, 1909 (p. 1 et suiv.) nous
a conservé le contenu. A la suite de quoi le gouvernement
410 M. SJBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES U4>

de la Puissance invitante rédigea, sur chacune des matières


comprises au programme (contrebande, blocus, etc.), un ex-
posé des vues exprimées par tout Etat consulté dans son
Memorandum. De courtes observations s'efforçaient, en pré-
sence de chaque cas, de dégager l'idée d'ensemble des Memo-
randa pour aboutir, en fin de compte, à la rédaction des bases
de discussion que la Conférence prit pour point de départ
de ses discussions.
Avec le temps, cette méthode s'est à la fois amplifiée et
précisée dans le sens d'une plus grande technicité et objec-
tivité de la préparation. En effet, les travaux préparatoires
ont passé des mains d'un gouvernement, nécessairement imbu
de vues politiques, à un organisme offrant plus de garanties
d'impartialité.
a) D'abord on a songé à recourir à un comité intergouver-
nemental : dans son Acte final, la IIo Conférence de la Paix
(1907) déclarait qu'il « serait très désirable que deux ans
avant l'époque probable de la prochaine réunion un comité
fût chargé par les gouvernements de préparer un programme
qu'ils arrêteraient assez tôt pour qu'il pût être sérieusement
étudié dans chaque pays ». Les événements de 1914-1918 ren-
dirent vaines les vues précédentes.
b) Après la guerre mondiale, de nouveaux progrès furent
réalisés. Au Comité intergouvememental volontiers trop
étroit on allait préférer un organe plus largement collectif,
ou préconstitué et quasi autonome, ou établi en considération
des circonstances.
L'Union postale universelle et son mécanisme en fournis-
sent le prototype.
Dans le domaine des congrès postaux, « le travail de pré-
paration, écrit H. R. Türkei *, a augmenté de manière si
considérable qu'une pièce nouvelle du mécanisme adminis-
tratif international a été forgée pour aider le Bureau (de
l'Union). C'est la Commission d'études (Study Commission)
organisée pour la première fois par le Congrès de Madrid en
1920. Deux réunions de cette Commission se sont tenues
1. International postal congresses, The British year book of international
law, 1920, p. 172.
<2S) CONFERENCES 4H
avant le Congrès de Stockholm (1924). Au cours de ce der-
nier, la Commission d'études a vu porter de sept à quatorze
le nombre de ses membres. Cette Commission ne comprend
que des experts en matière postale. Les experts se réunissent
six mois avant le Congrès et font des recommandations qui
s'incorporent dans la seconde édition du « cahier »...
)) Une fois née (en grande partie sous la pression des néces-
sités de la technique), l'idée de la Commission préparatoire
d'études devait s'étendre aux conférences dans lesquelles la
technique et la politique s'apparentent étroitement (exemple :
conférences économiques, conférences en matière de désar-
mement, etc.)... »
Il est clair qu'au cas où le rôle de pareille commission
sera dévolu non pas à un mécanisme préexistant (par exem-
ple, tel ou tel comité de la Société des Nations), mais à un
organe constitué en considération même des fins propres à
la conférence projetée, les Etats destinés à y figurer devront
prêter, dès l'origine, une attention particulière tant à la
composition de la commission qu'à l'orientation de son
activité.
Nous citerons à cette place trois cas dans lesquels le rôle
de la Commission de préparation a été particulièrement
actif :
i° Le premier a mis en jeu le Comité économique lui-
même de la Société des Nations. Pensant qu'il était bon
d'utiliser, en vue de l'œuvre économique d'apaisement et
d'équité à réaliser, un organisme préexistant au sein de la
Société et doté d'amples moyens, permanents, de recherche
et d'information, la X° Assemblée de la Société des Nations,
par sa résolution du 23 septembre 1929, a demandé au Con-
seil de charger le Comité économique d'établir un avant-
projet de convention destiné à servir de base à un accord
sur une action économique concertée. Et le Comité écono-
mique a préparé le texte qui devait servir de point de départ
à la discussion entre les Etats.
2° Le domaine du désarmement en est un certes où la poli-
tique et la technique s'avoisinent en des actions et réactions
répétées. Pour donner suite aux promesses de l'article 8 du
412 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (a6)

Pacte de la Société des Nations, l'Assemblée de la Société


des Nations de 1925 décida, sur la proposition de la France,
de constituer une Commission préparatoire de la future Confé-
rence du Désarmement. Cette Commission comprit « en pre-
mier lieu des représentants officiels des Membres du Conseil
de la Société des Nations, permanents (France, Grande-Bre-
tagne, Italie, Japon) et non permanents, puis des représen-
tants, également officiels, des pays, Membres ou non-Mem-
bres de la Société des Nations, qui se trouvent dans une situa-
tion spéciale vis-à-vis du désarmement en raison de leur posi-
tion géographique; on tenait par là compte des stipulations
de l'article 8 al. 2 du Pacte ». « Entourée, comblée de compé-
tences techniques de toutes sortes », la Commission prépara-
toire put même « faire appel à toute personnalité qu'elle esti-
mait utile d'entendre ». L'ampleur inaccoutumée de la
Commission et la diversité des matières qu'elle avait à consi-
dérer la conduisirent à constituer deux sous-commissions.
La première (sous-commission militaire) compta jusqu'à près
de cent membres; la seconde fut la sous-commission écono-
mique. Par la voie de rapports, le Conseil de la Société des
Nations était tenu au courant des progrès réalisés par la
Commission. Dotée de son Président, de ses Vice-Présidents,
de son propre Bureau, la Commission eut, en six sessions (de
1926 à la fin de 1930), un grand nombre de séances qui se
tinrent au Secrétariat de la Société des Nations et furent
publiques. De tant d'efforts, souvent déployés dans la riva-
lité aiguë des conceptions, sortit finalement un projet de
convention du désarmement représentant la base des tra-
vaux de la future conférence.
3° Une procédure analogue a retenu l'attention dans la
matière de l'Union fédérale européenne, dont l'élaboration
a connu des vicissitudes diverses. —Quand la question se
posa de procéder aux travaux préparatoires d'une pareille
entreprise, deux thèses, a-t-on rappelé, se trouvèrent en pré-
sence : la thèse anglaise tendait au renvoi du problème à la
sixième Commission de l'Assemblée de la Société des
Nations « qui se fût prononcée sur la procédure à suivre et
en eût saisi l'Assemblée »; la thèse française préférait « la
(27) CONFERENCES 413
constitution immédiate, sans formalités, d'une Commission
d'études spéciale composée de représentants des Membres
européens de la Société des Nations ». Ce point de vue fut
finalement accepté par la quasi-unanimité des délégations
(à l'Assemblée de la Société des Nations); le 16 septembre
1930, on s'arrêta à l'idée de créer un Comité « ad hoc » qui,
composé de représentants de tous les Etats européens, étu-
dierait la question et ferait un rapport à l'Assemblée. Ce
Comité ad hoc a pris le nom de Commission d'études pour
l'Union européenne. Pour la première année de sa vie, on
pria M. Briand d'en assumer la présidence. Le Secrétaire
général de la Société des Nations « fut désigné comme Secré-
taire de la Commission ». Chaque Etat, qui y est représenté
par un membre titulaire, a reçu la faculté de désigner un
membre suppléant. La Commission s'est vu reconnaître le
pouvoir de constituer son bureau et celui de décider des
» collaborations qu'elle jugerait utile de s'assurer parmi les
Etats qui ne font pas partie de la Société ou qui, en faisant
partie, n'appartiennent pas au continent européen ».
Que la préparation de la Conférence soit remise à des
agents nationaux ou à un organe international, préexistant
ou constitué de toutes pièces pour la circonstance, le but, tou-
jours le même, tend à établir un point de départ, une base
précise et stable pour les discussions de la Conférence. Cette
base peut affecter une forme variable.
a) Ou bien elle se présente sous l'aspect d'une série de prin-
cipes suggérés à l'adoption des Etats, qui, après les avoir
acceptés, repoussés ou modifiés, les grouperont à leur gré
dans un texte conventionnel dont la structure, comme le
fond définitif, seront leur œuvre : c'est de la sorte qu'on pro-
céda jadis pour la Conférence navale de Londres, puis, après
la Grande Guerre, avec un souci peut-être trop grand du
détail, pour la l™ Conférence de Codification. Il n'est pas
superflu à cet égard de rappeler que, sur la matière de la
nationalité, le Comité préparatoire n'avait pas dressé moins
de vingt-quatre bases divisées en huit rubriques; sur celle
de la mer territoriale, il avait réuni, comme bases de dis-
cussion, vingt-huit articles sous quatre rubriques; à propos
4M M- SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (28)
de la responsabilité des Etats, il y en eut plus de trente, si
bien que l'on a pu critiquer l'éparpillement des solutions sug-
gérées et l'insuffisant dégagement des principes.
6) Dans d'autres cas, la base de discussion se présentera
comme un projet de convention formant bloc, ordonné et
équilibré selon le rythme habituel des conventions en par-
ties, chapitres, articles, avec, le cas échéant, tableaux an-
nexes. Tels ont été, dans les années les plus récentes et
pour nous borner à ces deux exemples, le cas du projet de
convention élaboré par le Comité économique de la Société
des Nations pour servir de base de discussion à la Conférence
sur le traitement des étrangers (5 nov.-5 déc. 1929) et le
projet de convention préparé par la Commission prépara-
toire de la Conférence du Désarmement.
Sans grande importance en apparence, le choix de la ville
destinée à servir de siège à une conférence ne laisse pas de
présenter, en fait, bien des difficultés. L'amour-propre natio-
nal, le sentiment de la prééminence, un certain désir de
paraître exercer une hégémonie, ont souvent poussé les Etats
à la prétention d'ouvrir leur territoire à la tenue d'un
congrès ou d'une conférence.
Il est naturel qu'un congrès, par suite de l'allure poli-
tique qu'il affecte, se réunisse dans la capitale de l'un des
Etats qui ont joué le rôle le plus important dans les événe-
ments ayant donné lieu à sa réunion. Dans la coalition qui
triompha de Napoléon, l'Autriche avait tenu une grande
place, ne serait-ce que par la campagne de Schwartzenberg
sur la Seine : le congrès se réunit à Vienne. Après la guerre
de Crimée, ce fut dans la capitale de l'un des vainqueurs
que se réunit le Congrès de Paris (1856). Quand prit fin la
guerre russo-turque, en présence de la Russie victorieuse
mais dont la victoire allait être paralysée par l'intervention
des Puissances, en présence de la France dans le recueille-
ment, de l'Italie qui venait de naître à la vie de grande
Puissance, de l'Autriche mal guérie de Sadowa et qui
accepte d'être à la remorque de la Prusse et de l'Allemagne,
en présence, enfin, de l'Angleterre lointaine, le congrès se
réunit à Berlin sous les auspices de la Prusse et de Bismarck.
(ag) CONFERENCES 4iS

Cela n'alla d'ailleurs pas sans difficultés dont l'histoire a


gardé l'écho. Plus tard, après la guerre de 1914-1918, quand
sonna l'heure de la grande réparation pour la grande injus-
tice de 1871, c'est à Versailles qu'après les entretiens de
l'Hôtel Crillon sera signé l'acte qui consacre la défaite de
l'agresseur.
S'il s'agit, au contraire, de délibérer dans une conférence
sur des intérêts qui n'affectent pas des préoccupations poli-
tiques, la désignation d'un pays à l'écart de l'activité diplo-
matique se recommande. Les règles sur le sort des malades
et blessés de la guerre sur terre sont nées puis ont évolué à
Genève, située en pays neutre et ville de la nation où s'était
développé tout le mouvement. S'agissant de la codification
des lois de la guerre sur terre, c'est à La Haye que se sont
réunies les deux Conférences de 1899 et 1907. Un peu plus
de vingt ans après, La Haye encore, devenue le siège de la
Cour permanente de Justice internationale, donna l'hospi-
talité à la F* Conférence de Codification du droit interna-
tional (13 mars-12 avril 1930). Autant que l'atmosphère
internationale, la proximité immédiate de la Société des
Nations, de ses multiples organismes, comités et commis-
sions, la présence de ses moyens de documentation et
d'information, font de Genève une ville de prédilection pour
les grandes conférences internationales. Nous ne prétendons
pas que la désignation de ces villes ne supporte pas d'excep-
tion. Le désir de rendre hommage à une Puissance invitante
a pu déterminer d'autres choix. La réduction des armements
navals s'est débattue en 1922 à Washington. Avant la
Grande Guerre, c'est à Londres que la Conférence navale
(1908-1909) s'est efforcée de préciser les lois de la guerre
maritime. Il n'est pas impossible non plus qu'en hommage
au principe de l'égalité des Etats, quand il s'agit du moins
de réunions périodiques, il soit procédé par roulement. C'est
ainsi qu'en matière d'union postale universelle, la pratique
s'est instaurée de tenir les congrès postaux successifs dans
une capitale différente.
Quant à la question de savoir de qui émane le choix, là
encore la méthode de la conférence s'oppose nettement à
4 irt M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (30)

celle d>i congrès. Il est naturel que le lieu d'un congrès


appelé à décider du rétablissement de la paix soit fixé par
le parti vainqueur. Il l'est tout autant qu'à une époque où
la communauté des nations tend à s'intégrer dans une
Société des Nations de vocation universelle, la désignation
de la ville appelée à abriter une conférence soit abandonnée
au Conseil do la Société des Nations. C'est lui qui a choisi
Paris pour la Conférence sur le traitement des étrangers
(Î3 nov.-U déc. 1929). Par contre, avec encore plus de solen-
nité et surtout, peut-être, plus de raison puisque c'est elle
qui, actuellement, incarne le mieux la collectivité interna-
tionale, Y Assemblée elle-même de la Société des Nations,
dans sa huitième session, a fixé La Haye comme lieu de
réunion de la F0 Conférence pour la Codification du droit
international.
SECTION III.

L'organisation.

§ 1. — Présidence et Commissions.
Une fois convoquée, pour ne pas être stérile, une assemblée
diplomatique doit réunir des conditions de bonne organi-
sation. Quelles sont-elles?
Une assemblée diplomatique ne serait qu'une foule vouée
à l'anarchie et à l'inanité des résultats si aucun principe
d'autorité ne la dominait pour guider ses débats et les main-
tenir dans une atmosphère de sereine activité. Mais cette
autorité, sans cesser d'être ferme, ne doit jamais être rigide.
La souplesse, la temporisation, une dévotion persévérante
à l'esprit de conciliation, la perspicacité, le sens de là
justice, une connaissance certaine des choses et des hommes,
ce sont là quelques-uns seulement des éléments de ce pré-
cieux alliage fait homme qu'est le Président d'une assemblée
diplomatique.
Comment donc sera désigné l'homme prédestiné à tant de
qualités?
Là encore congrès et conférences vont se différencier
sinon toujours du moins fréquemment. Et d'abord qui sera
(3 0 CONFERENCES 417
pris pour Président ? M. Clemenceau l'a rappelé dans son
discours d'inauguration du Congrès de la Paix après la
Grande Guerre : « Une tradition internationale de vieille
courtoisie envers le pays qui a l'honneur d'accueillir la
Conférence (de la Paix) conduit à porter à la présidence un
des hommes d'Etat les plus en vue du pays d'accueil. » Le
principe est ancien et d'application fréquente. Pour ne
remonter qu'au xrx° siècle, le prince de Mettermeli a présidé
le Congrès de Vienne (1813); le comte Walewski, celui de
Paris (1836); le prince de Bismarck, celui de Berlin (1878);
h Bucarest (1913), la présidence fut remise au premier
délégué de la Roumanie. M. Clemenceau a présidé la Confé-
rence de la Paix qui suivit les armistices de 1918. Mais le
principe comporte des exceptions. La présidence par roule-
ment entre les premiers délégués fut pratiquée à la « Confé-
rence » de Londres de 1912-1913; reprise à la « Conférence »
de Lausanne (21 nov. 1922-1" févr. 1923), elle laissa en
dehors de son application le délégué turc qui demanda vaine-
ment, à titre de compensation, que le Secrétariat général
de la réunion fût confié à un des membres de la délégation
turque.
En matière de conférences stricto sensu, on a, pendant
longtemps, observé la règle de pure courtoisie qui tend à
rendre hommage au pays d'accueil en donnant la présidence
à une de ses personnalités nationales. La Conférence d'Algé-
siras de 1906, qui a doté le Maroc d'un certain Statut, a été
présidée par le duc de Almodovar del Rio. Le premier
délégué de la Grande-Bretagne à la Conférence navale de
Londres a été désigné pour Président par la Conférence, et
par l'effet de l'habituel principe de courtoisie et par
hommage pour sa particulière compétence. Dans le cas de la
Conférence de Washington (1921-1922), qui, de caractère
mixte, tint à. la fois et de la conférence et du congrès,
M. Balfour présenta comme une règle bien établie « que la
nation invitante, offrant l'hospitalité à la Conférence, lui
donne aussi son président ». En conséquence, M. Hughes,
premier délégué des Etats-Unis, fut désigné pour ces hautes
fonctions. La présidence,'à La Haye, de la i™ Conférence
4i8 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (32)

de Codification du droit international a été attribuée à


M. Heemskerk, ancien premier ministre des Pays-Bas. Quand
la Puissance invitante n'est pas la Puissance qui reçoit la
conférence et lui cède l'honneur de la recevoir, il paraît de
bon ton de reconnaître cet acte de courtoisie par un autre
acte courtois en choisissant le Président dans son personnel
diplomatique ou gouvernemental. Ainsi procéda-t-on par
deux fois à La Haye, aux Conférences de la Paix de 1899
et de 1907, quand la Russie, qui avait laissé les Pays-Bas
donner l'hospitalité à ces deux assemblées, se vit honorer
de la présidence remise, lors de la première, à M. Staal, et
lors de la seconde, à M. de Nélidow.
Depuis qu'on est entré dans la phase des conférences orga-
nisées sous les auspices de la Société des Nations, moins
de formalisme protocolaire se fait jour. Des considérations,
plus profondes, de compétence et de technicité ont incité
la Société des Nations, à asseoir la tradition qu'il faut avant
tout se préoccuper « d'assurer la bonne marche des délibé-
rations de la conférence en en confiant la direction à un
président qui, choisi en dehors des délégations, puisse leur
apporter íe concours d'une haute compétence et d'une
impartialité absolue ». C'est en exécution de cette double
préoccupation que M. Devèze, membre de la Chambre des
représentants de Belgique et ancien ministre du Gouverne-
ment belge, a reçu la présidence de la Conférence tenue à
Paris, en novembre-décembre 1929, sur le traitement des
étrangers.
Quant à la source de la désignation, une simple remarque
s'impose : œuvre pendant une longue période de temps des
assemblées elles-mêmes, la nomination du Président tend
à devenir, quand il s'agit de conférences dont la Société des
Nations a pris l'initiative, le fait du Conseil de la Société,
soit en vertu d'une libre délibération comme on en a des
exemples peu éloignés lors de la Conférence sur le traite-
ment des étrangers et de la Ira Conférence de Codification du
droit international, soit parce qu'un texte de statut
préexistant lui en a donné compétence . expresse, comme
c'est le cas dans l'article 10 du Statut de l'Organisation des
Communications et du Transit.
(33) CONFERENCES 419

« ART. 10. — Au cas où le Conseil n'aurait pas désigné


le Président de la Conférence, la Conférence le désigne
elle-même. »
Pour le suppléer dans sa tâche, le Président trouve l'assis-
tance de Vice-Présidents. Elus par l'Assemblée, ils sont sui-
vant les cas en nombre variable. La Iro Conférence de Codi-
fication en a eu trois qui ont été nommés, en séance plénière,
après que les présidents des commissions eurent été
eux-mêmes désignés. Celle sur le traitement des étrangers
en eut quatre. Ce choix, qui est libre dans une conférence
« stricto sensu », peut ne plus l'être intégralement dans un
congrès : c'est ainsi que le règlement de la Conférence de la
Paix de Paris (1919) a prévu (art. VI) qu'au cours de sa
première séance, la « Conférence désignerait en plus du
Président définitif quatre Vice-Présidents pris parmi les plé-
nipotentiaires des grandes Puissances dans l'ordre alphabé-
tique. » Là encore, le Congrès se ressent de sa nature politique
et de l'issue des événements qui l'ont fait surgir.
Notons enfin, en terminant sur ce point, que s'il est
parfois nommé, en outre du Président effectif, un Président
d'honneur (en 1907, à La Haye, le ministre des Affaires
étrangères des Pays-Bas fut l'objet de cette distinction), il
y a là une manifestation d'ordre purement honorifique.
Sur le Bureau, de la conférence (ou du congrès) il y a peu
d'observations à présenter. Le Bureau est un organe collectif.
Il groupe généralement le Président de la Conférence, ses
Vice-Présidents et, s'ir y a lieu, un Secrétaire général adjoint
élu par la Conférence. Le Règlement de la Conférence qui
détermine la composition exacte du Bureau en détermine
aussi la compétence : en ce sens, le Bureau délibère sur
l'ordre des travaux de la Conférence et lui soumet à cet
égard ses propositions. Il assure la coordination entre les
travaux des diverses commissions et exerce dans une cer-
taine mesure la police des séances plénières quand il est
qualifié, par le règlement, pour décider que les séances ne
seront pas publiques *.

1. La tâche singulièrement ardue impartie à la Conférence sur la réduction


des armements l'incito dès le début de sa vie à donner au Bureau une compo-
sition et un rôle singulièrement étendus.
Le Bureau de la Conférence comprit : le président, le président d'honneur.
420 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES in)
Une fois dotée de ces premiers organes, l'Assemblée,
Conférence ou Congrès, poussera plus avant son organi-
sation. A cet effet, l'adoption d'un Règlement intérieur (ou,
comme disent les Anglo-Saxons, de Rules of procedure),
inutile pour une réunion de peu d'envergure, est de nécessité
inéluctable — ainsi le veulent l'ordre et la régularité —
quand la réunion comporte un nombre tant soit peu impor-
tant de délégations. Là où il n'est pas établi de règlement,
le Président définit quelques règles de procédure. C'est ce
que fit, dès le 13 juin 1878, le prince de Bismarck quand
il suggéra au Congrès de Berlin d'accepter — ce qu'il fit —

les quatorze vice-présidents'de la Conférence, les président« des commissions


où toutes les délégations étaient représentées et le vice-président de la
Commission générale.
La solution des questions de procédure entra bien dans la compétence
du Bureau de la Conférence. Toutefois, la compétence du Bureau ne fut pas
limitée à ces questions. D'autre part, les pouvoirs que l'on reconnut par
la suite au Bureau ne l'ont pas été en vertu de textes préétablis, niais en
raison de circonstances inhérentes'à l'évolution de la discussion.
Ainsi, sur l'invitation do la Commission générale (Cf. résolution du
23 juillet 1932), le Bureau constitua, le 22 septembre 1932, le Comité pour
la réglementation du commerce et de la lubrication privée et d'Etat des
armes et des, matériels de guerre. Ce Comité créa deux sous-comités : l'un
pour la fabrication des armes, l'autre pour le commerce des armes.
Le 22 novembre 1932, le Bureau chargea encore un Comité aérien (com-
posé de personnalités ayant une responsabilité politique, et non d'experts)
d'étudier la question des forces aériennes. Ce Comité ne s'est jamais réuni;
finalement, les questions qui lui avaient été renvoyées furent examinées par
un Comité aérien constitué plus tard par la Commission générale.
Le Bureau eut aussi à entreprendre des travaux d'un caractère plus
technique en rapport avec le Mémorandum français du 14 novembre 1933.
Au nombre de ces travaux figurent : le calcul des forces terrestres, confor-
mément au plan contenu dans les propositions du Président Hoover; le
calcul des totaux afférents au personnel de « l'élément de police » (élément
irréductible) des forces terrestres existantes de chaque pays; la détermi-
nation des étapes et des méthodes suivant lesquelles les armées continen-
tales peuvent être mises en harmonie avec le type général d'organisation
adopté; la fixation du tonnage maximum des chars d'assaut; la fixation,
pour l'avenir, du calibre maximum des pièces mobiles de l'artillerie terrestre;
celle du poids à vide maximum des aéronefs militaires et navals; celle, en
ce qui concerne les forces navales, du tonnage maximum et du calibre
maximum de l'artillerie pour les bâtiments de ligne, les bâtiments porte-
aéronefs, les croiseurs, les destroyers, les bâtiments sous-marins, etc.
Le 8 juin 1933, le Bureau de la Conférence fut encore chargé de préparer
un texte pour la seconde lecture du projet de convention présenté le
16 mars par la délégation du Royaume-Uni, et son Président, President
lui-même de la Conférence, « invité par la Commission générale à entre-
prendre telles négociations qui pourraient êtro nécessaires pour faire avancer
la préparation de ce texte ».
(35) CONFERENCES 431
o
que : I toute proposition, tout document, destinés à figurer
au Protocole fussent rédigés par écrit et lus par les Membres
du Congrès qui en auraient l'initiative; 2° que l'ordre des
travaux fût arrêté, dès leur origine, d'après l'ordre d'impor-
tance des questions; 3° qu'un certain intervalle séparât les
séances; 4° que les plénipotentiaires gardassent le secret de
leurs délibérations. Le Règlement intérieur est d'ailleurs le
plus souvent établi librement par l'Assemblée qu'il est
destiné à régir, soit d'emblée par l'Assemblée elle-même,
soit à la suite de suggestions sous forme de projet de règle-
ment issu d'un organisme préexistant. C'est là un principe
général qu'on retrouve même à la Conférence de l'Organi-
sation des Communications et du Transit (cf. Statut de
l'Organisation revisé le 2 septembre 1927, art. 10 al. 2,
J. 0. de la Société des Nations, nov. 1927, p. 1605). Par l'effet
de cette liberté de l'Assemblée, cette dernière peut donc, ou
bien établir son règlement de toutes pièces en votant tout
d'abord les articles sur lesquels il y a accord, ou bien décider
qu'elle adoptera un règlement en vigueur pour un autre
organisme. C'est à cette décision que se rangea la Conférence
sur le traitement des étrangers quand elle résolut, le
b novembre 1929, sur la proposition de son Président,
d'adopter, mutatis mutandis, le Règlement de l'Assemblée de
la Société des Nations.
Si le principe précédent, avons-nous dit, est général, il'
n'est pas absolu. La pratique consacrée au. sein de l'Union
panamêricaine veut que le Règlement de procédure des confé-
rences panaméricaines soit établi et adopté par le Bureau de
Direction de l'Union panamêricaine avant l'ouverture de la
session. Mais « on prévoit d'habitude, dans l'un des articles
des règles de procédure, que des changements y pourront
être apportés par un vote de la Conférence pris à la majorité
des deux tiers ».
En fait, les différents règlements de procédure sont
d'étendue extrêmement variable.
On conçoit qu'un règlement applicable à un congrès se
borne à poser en peu d'articles quelques règles générales.
L'esprit d'autorité qui domine un congrès s'accommoderait
422 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (36)
mal d'un règlement par trop détaillé. Le Règlement adopté
par la « Conférence de Lausanne » eut dix articles; le Règle-
ment de la Conférence de la Paix de Paris en eut quinze.
Dans la famille des conférences, les règlements ont ten-
dance à s'allonger considérablement. Le Règlement de la
Conférence navale de Londres, concis et clair, comportait
seulement neuf courts articles. Celui de la ITÙ Conférence de
Codification en a atteint vingt-cinq. La cause n'en est pas
à un souci déréglé du détail, mais à la complexité naturelle
des questions et des situations, à l'incertitude aussi, trop
fréquente, des principes du droit des gens, à l'opposition
encore des intérêts en présence. Le Règlement intérieur de
la Conférence sur le traitement des étrangers qui se confondit
avec celui de l'Assemblée de la Société des Nations eut la
même étendue que ce dernier ¡ c'est-à-dire vingt-huit articles.
Plus encore que par l'ampleur du règlement on est frappé
par certains aspects de son contenu. Normalement un règle-
ment intérieur d'assemblée est un corps de règles consacrées
à la procédure. Les questions de forme en sont le domaine;
les règles de fond n'y ont pas place. La tendance dans les
règlements des conférences les plus récentes s'oriente vers
des vues différentes. On y trouve insérées des dispositions
sur les conditions de majorité nécessaires pour qu'un texte
soit considéré comme approuvé, sur les réserves, sur le point
de savoir si la Conférence procédera par voie de convention
ou de déclaration; de la sorte est singulièrement accrue
l'importance, pour les destinées d'une conférence et de ses
résultats, du débat sur l'élaboration du règlement; des incon-
vénients graves en peuvent surgir sous la forme de conflits
soudains et aigus qui sont autant de menaces pour la vie de
la conférence.
D'autres stipulations réglementaires ont trait : I o au droit
d'entrée en séances; 2° à la constitution des commissions
et à leur nombre; 3° à l'organisation d'un comité de
rédaction; 4° au droit d'amendement; 5° à la rédaction et à
la publication des procès-verbaux; 6° à la publicité ou au
secret des délibérations; Ia aux langues employées;
8° à l'étendue du droit de parole; 9° aux pouvoirs du Pré-
sident; 10° aux fonctions du Secrétariat.
(37) CONFERENCES 4*3
Une Assemblée qui prétendrait n'accomplir sa tâche qu'en
séance planiere n'en verrait jamais la fin. Donc la division
méthodique du travail est ici une nécessité impérieuse. Dans
les assemblées diplomatiques, comme dans les réunions par-
lementaires, on la réalise par la constitution de commis-
sions. Si ce principe est d'une vérité générale, son appli-
cation cependant rencontre des différences selon qu'il est
appelé à jouer dans le cadre des congrès ou dans celui des
conférences proprement dites. Si la nature des congrès les
condamne à moins de systématisation que les conférences
dans l'organisation des commissions, c'est que l'opportunité
y joue nécessairement un rôle plus grand que la technicité.
Or, l'opportunité exige la liberté et n'entend pas se lier par
des règles préétablies, à tout le moins rigides. Aussi, tandis
que, dans une conférence, le règlement envisage la consti-
tution des commissions selon des règles précises, comme une
opération destinée à prendre place aussitôt que possible
après l'ouverture de la conférence, on a vu le Congrès de
Berlin (qui n'avait prévu aucune disposition de principe sur
la matière) attendre au 29 juin 1878 pour constituer la
Commission de délimitation des frontières, et le Congrès de
la Paix de Paris de 1919 se borner à annoncer dans son
Règlement (art. 13) que, si la conférence l'estimait dési-
rable, l'examen technique de toute question particulière
pourrait être confié à un comité de délégués techniques dont'
le devoir serait de faire rapport et de suggérer des solutions.
Par contre la Conférence de Lausanne, de caractère mixte,
en réalité, par l'effet des questions que l'on y débattit et
dont un grand nombre échappaient au domaine de la poli-
tique pure, prévoit, dans son règlement même (art. V), le
nombre et la compétence des commissions « chargées de
l'étude des questions impliquées dans la conclusion du Traité
de Paix ».
A vrai dire, dans les conférences, le nombre des commis-
sions n'est jamais grand. S'il importe de diviser le
travail, il convient de ne pas le fragmenter : c'est à ce
résultat qu'on aboutirait si l'on multipliait les commissions.
A La Haye, en 1899, le nombre des commissions fut, sur la
424 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (38)
proposition du Président, fixé à trois. La première, présidée
par le premier délégué de la Belgique, eut à s'occuper de la
limitation des armements et des questions annexes; la
deuxième, présidée par le second délégué de la Russie,
consacra son activité aux lois de la guerre; la troisième,
sous la présidence du premier délégué de la France, fut celle
de la solution pacifique des conflits internationaux. Ce
chiffre de trois se retrouve à la Iro Conférence de Codification
du droit international avec : I o la Commission de la nationa-
lité; 2° celle des eaux territoriales; 3° celle de la respon-
sabilité des Etats en raison des dommages subis par des
étrangers; toutes trois correspondaient aux trois matières
retenues par la résolution, prise le 27 septembre 1927 par
l'Assemblée de la Société des Nations. A La Haye, en 1907,
le nombre des commissions fut porté à quatre. La première
Commission « reçut le mandat d'étudier les améliorations
à apporter aux dispositions de la Convention relative au
règlement pacifique des conflits internationaux ». La
deuxième Commission eut à s'occuper du droit de la guerre
sur terre. La troisième Commission eut à étudier une partie
du droit de la guerre maritime. La quatrième Commission
fut chargée d'étudier toutes les questions relatives à la guerre
maritime non comprises dans le programme de la troisième.
Quatre commissions se devaient retrouver lors de la Confé-
rence internationale sur le traitement des étrangers. Elles
s'occupèrent, dans l'ordre suivant : I o des garanties affé-
rentes au commerce international (garanties civiles et judi-
ciaires); 2° du régime fiscal; 3° du régime des sociétés et
personnes morales; 4° des dispositions générales et de la
rédaction. C'est aussi en quatre commissions que se divisa
la Conférence de Gênes de 1922.
Malgré la considérable complexité de son activité,
l'Assemblée de la Société des Nations jusqu'à une date
récente ne constituait que six commissions. Ce nombre
n'avait pas de caractère obligatoire : l'article 14 du Règle-
ment de l'Assemblée laisse à la latitude de cette dernière
« la création des commissions pour l'étude des questions
figurant à l'ordre du jour ». Rien n'empêche donc 1'Assem-
(39) CONFERENCES 4^5
blée, d'une année à l'autre, d'élargir ou de restreindre le
cercle des six commissions qui, jusqu'à sa treizième sessdon,
ont été, chaque année, constituées, en vertu d'un usage
établi, pour la durée de la session, savoir : I o Commission
des questions constitutionnelles et juridiques; 2° Commis-
sion des Organisations techniques; 3° Commission de la
réduction des armements; 4° Commission des questions
budgétaires et financières; 5° Commission des questions
humanitaires et générales; 6° Commission des questions
politiques. Des considérations d'opportunité devaient con-
duire les présidents des treizième et quatorzième sessions de
l'Assemblée à lui proposer de ne constituer que cinq com-
missions. Quand s'ouvrit la quinzième session (10 sept. 1934),
les circonstances qui avaient motivé ces décisions subsis-
taient. La Conférence pour la réduction des armements avait,
en effet, suspendu ses travaux dans des conditions qui ne
pouvaient que conduire l'Assemblée à juger plus opportun,
en 1934 encore, de ne point charger l'une de ses commissions
de délibérer sur les mêmes sujets dont la Conférence demeu-
rait saisie. Se rangeant à la suggestion de son Président,
l'Assemblée de 1934 ne constitua donc pas de troisième
commission.
En présence des exemples précédents, les Zittii commissions
de la Conférence panaméricaine de La Havane (1928) appa-
raissent un luxueux record; les deux commissions (écono-
mique et monétaire) de la Conférence économique de Londres
(juin 1933), comme un 'minimum.
Quant à la répartition du travail entre les commissions,
c'est un principe depuis longtemps dégagé par la pratique
et consacré notamment par le Règlement de l'Assemblée de
la Société des Nations (art. 14) que les questions du mêmt
ordre sont envoyées à la même commission. Uno application
remarquable de cette méthode — la seule qui permette
l'utilisation efficace des compétences — s'est produite à la
W Conférence de la Paix (en 1907). La troisième Commission
se divisa en deux sous-commissions : l'une s'occupa du bom-
bardement par les forces navales et des mines sous-marines;
l'autre se consacra à la neutralité maritime et à l'améliora-
426 Af. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (40)

tion de la Convention de 1899 pour l'adaptation à la guerre


maritime des principes de la Convention de Genève. La
quatrième Commission fit porter son examen sur des
questions dont le lien entre elles résulte de leur seul énoncé :
transformation des bâtiments de commerce en vaisseaux de
guerre; propriété privée ennemie; délai de faveur; contre-
bande; blocus; destruction des prises neutres; extension à la
guerre maritime du droit conventionnel de la guerre sur
terre. La Conférence eût été devant une tâche véritablement
impossible si une rationnelle répartition des matières entre
les commissions n'avait pas été établie. En proposant à
l'Assemblée la constitution des commissions, son Président
annonça que les nombreux « sujets » compris au programme
proposé par le Gouvernement russe avaient été groupés par
des spécialistes pour être distribués dans ces organismes.
L'organisation dans la conférence d'un plus ou moins
grand nombre de commissions soulève un autre point. Il peut
se faire en effet qu'une conférence forme un comité de la
conférence entière (Committee of the whole). On dit encore
que la conférence tient des séances de comité. On a recours
à ce procédé quand on estime utile qu'en dehors des séances
officielles, la conférence tienne des réunions privées consa-
crées à une étude préparatoire des questions soumises à ses
délibérations. « La composition du Comité de la Conférence
entière, écrit Hill *, se confond avec celle de l'Assemblée
plénière. L'avantage de cette manière d'agir consiste en ce
que l'organisation et la procédure sont « plus simples et
mieux adaptées au débat ».
On utilise plus souvent qu'on ne le pourrait croire cette
manière de procéder, à première vue peu conforme à la solen-
nité d'une grande assise internationale, mais, en réalité, tout
à fait apte à faciliter le règlement de certaines questions
préliminaires. Sans remonter au-delà de ce siècle, la Confé-
rence d'Algésiras en fournit une très bonne preuve. Dans sa
séance d'ouverture même, la Conférence décida qu'en dehors
des séances officielles, il serait tenu des séances de comité.
Il n'y en eut pas moins de douze contre dix-huit séances
1. Op. cit., p. 68.
(41 ) CONFERENCES 427
officielles. On y examina successivement : a) la surveillance
et la répression de la contrebande des armes; b) le meilleur
rendement des impôts et l'augmentation des revenus de
Sa Majesté chérifienne; c) la réglementation sur les douanes;
d) deux projets, l'un allemand, l'autre français, concernant
la création d'une banque d'Etat; e) l'organisation de la
police. Tant de questions, si propices à la divergence des
vues, ne pouvaient que gagner à faire l'objet de discussions
à l'abri de la publicité et de la solennité habituelles. Près
de trois ans après, à Londres en 1908-1909, le Règlement
de la Conférence navale devait prévoir, à son tour (al. 6),
que la Conférence siégerait « en séance plénière ou en
commission ». En conséquence, la Conférence siégea douze
fois en séance plénière contre onze en commission. Elle avait
eu le soin, dès le 11 décembre 1908, de choisir pour les
séances en commission un Président différent du Président
désigné pour présider l'Assemblée plénière. Sa méthode de
travail, adaptée au but que l'on assigne au procédé en discus-
sion, consista à constater d'abord et à déterminer les points
du programme qui réunissaient l'unanimité, pour examiner
ensuite les questions soulevant des divergences en envisa-
geant s'il y avait lieu d'établir des règles nouvelles à leur
égard.
Il importe de le préciser à cette place : quand la Confé-
rence décide de se constituer en Comité de la Chambre
entière, en vue de faciliter le travail, il peut être utile que
ce Comité se divise, à l'occasion, par rapport à telle ou telle
matière en sous-comités. Rappelés, le 15 novembre 1921, par
le Chairman de la Conférence de Washington, les avantages
de ce procédé l'ont fait adopter séance tenante.
Le procédé du Comité de la Chambre entière a acquis droit
de cité à peu près universel. En 1922-1923, la Conférence sur
les affaires du Centre-Amérique a consacré et sa légitimité
et l'utilité qu'il comporte en réglementant dans les grandes
lignes son mécanisme. A l'inverse, on devrait voir une
anomalie dans le fait qu'une conférence ne comporterait pas
l'existence de commissions. L'exemple cité par Hill de la
Conférence de Madrid n'aura sans doute plus de lendemains.
438 M. SIBERT. — CONFÉRENCES INTERNATIONALES (43)

La question du nombre des commissions n'est pas la seule


qui surgisse. Celles de leur mode de désignation, de leur
composition, de la procédure qui y est en honneur, doivent
retenir l'attention.
La matière n'est pas tributaire d'une réglementation capri-
cieuse. On y retrouve, la dominant de sa force — parfois
émaciée par la politique — mais parfois aussi par d'inéluc-
tables nécessités, le grand principe de l'égalité des Etats.
Parce que les Etats, groupements indépendants, sont,
répète-t-on, égaux en droit, chaque Etat participant à une
« conférence internationale » doit normalement avoir la
faculté de se faire représenter dans chaque commission.
Heureuse différence, rappelons-le ici, avec ce qui se passo
dans les congrès proprement dits où la présence de certains
dans les commissions est écartée d'autorité quand elle ne
fait pas l'objet de tentatives détournées d'exclusion.
L'exemple encore proche de la Conférence de Gênes (9 avril-
19 mai 1922) en demeure un témoignage. On ne peut guère
mettre en doute qu'en dépit de son appellation, la réunion
qui groupa à Gênes des Etats très divers dans le dessein
d'établir la paix européenne sur des bases solides, ait été,
par plus d'un aspect, un prolongement du Congrès de la Paix.
Aussi ne doit-on pas s'étonner de certaines tendances qui se
manifestèrent au sein de la « Conférence » à convoquer des
commissions (de caractère plus spécialement politique) sans la
participation de l'U. R. S. S., qui ne manqua pas d'ailleurs
de protester contre ces velléités d'atteinte au principe bour-
geois de l'égalité.
La même raison conduit à décider que chaque Etat doit
avoir, dans chaque commission, autant de délégués que tout
autre. De fait, le Règlement de la Société des Nations (art. 14
al. 3) décide que : « Chaque délégation peut désigner
un délégué (et des conseillers techniques) pour chaque Com-
mission. » Le Règlement adopté par la Conférence de Codi-
fication (13 mars-12 avril 1930) disposa de manière analogue
(art. 6 al. 2) : « Le chef de chaque délégation désigne pour
chaque commission le membre de sa délégation chargé d'y
représenter celle-ci. » En adoptant pour règles de procédure
(43) CONFERENCES 419
celles en honneur à la Société de Genève, la Conférence sur
le traitement des étrangers s'est purement et simplement
rangée à l'égalité de représentation dans les commissions
comme dans les séances plénières. Déjà, en 1921, lors des
délibérations de Barcelone, on avait eu recours au principe
de l'égalité à raison d'un membre par délégation dans la
commission. De ce point de vue encore, les congrès, réunis
pour liquider un conflit entre peuples, s'opposent très nette-
ment aux conférences, à tel degré qu'il n'est même pas sûr
quo le caractère plus proprement technique de certaines
commissions au sein d'un congrès les mette à l'abri des
atteintes constantes au principe de l'égalité : lors des délibé-
rations d'où devait sortir le Traité de paix de Versailles, la
Commission aéronautique de la Conférence de la Paix, toute
chargée qu'elle fût d'étudier les questions éminemment tech-
niques de navigation aérienne, ne suivit pas, dans sa
composition, la règle de l'égalité. Y figurèrent, en effet :
1° 2 représentants de chacun des pays suivants : Etats-Unis
d'Amérique, Empire britannique, France, Italie, Japon;
2° 1 représentant pour chacune des sept Puissances à inté-
rêts limités désignées par le Conseil suprême; 3° 5 repré-
sentants élus par les autres Etats participant à la Conférence
de la Paix. Par ailleurs, l'inégalité de représentation a
caractérisé la composition des autres commissions du
Congrès (improprement Conférence) de la Paix telle que la
suggéra, le 25 janvier 1919, le Bureau de l'Assemblée. On
arrêta qu'à la Commission des réparations ne figureraient
pas plus de trois représentants de chacune des grandes Puis-
sances ni plus de deux des Etats suivants : Belgique, Grèce,
Pologne, Roumanie et Serbie. Toutes les autres commissions
(Société des Nations, responsabilité de la guerre, législation
internationale du travail, contrôle international des ports,
communications fluviales et chemins de fer...) comportèrent
deux délégués de chacune des cinq grandes Puissances et
cinq représentants à élire par les nations plus petites.
G. A. Finch, dans le remarquable article qu'il consacra
dès 1919 (American Journal of International Law, p. 172 et
suiv.) à la Conférence de la Paix, nous a laissé le souvenir
430 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (44)

des protestations qu'élevèrent les Puissances à intérêts


limités et contre cette répartition elle-même et contre le fait
qu'elle était l'œuvre première non pas de la Conférence
plénière, mais de son Bureau. Avec la rudesse dont il était
coutumier, M. G. Clemenceau leur répondit que les cinq
grandes Puissances auraient pu se montrer moins libérales.
Les petits Etats ne se tinrent pas pour battus; finalement,
leur insistance leur valut, lors des élections aux commis-
sions, quelques avantages supplémentaires.
* Le principe d'égalité appliqué aux conférences veut encore
que chaque Etat ait, au sein de la commission, un vote
unique. La doctrine récente ou plus ancienne ne peut pas
taire cette conséquence du principe. Dans la pratique, lors
de chacune des deux Conférences de La Haye (1899 et 1907),
le Règlement de procédure de la Conférence a reconnu à
chaque Etat un vote tant en commissions que dans les
séances plénières.
Une dernière conséquence de l'égalité au sein des commis-,
sions a traàt aux conditions qu'un vote y doit remplir pour
être considéré comme acquis. En théorie, la règle de la
décision à Vunanimité devrait s'imposer aux commissions
comme aux séances pléhières. Dans la réalité, la rigueur de
la règle a fléchi, d'une manière générale, en ce qui touche
à la fois et les séances plénières, comme on le verra plus
loin, et les commissions parmi lesquelles nous demeurons.
La pratique observée dans ce domaine par l'Assemblée de
la Société des Nations, sans heurter de front les principes
généraux, a permis d'échapper aux inconvénients insépa-
rables de leur rigidité, et indique d'une manière définitive
aux conférences de l'avenir la voie que leurs commissions
devront suivre. Somme toute, les délibérations des com-
missions ne constituent que « des étapes préparatoires » vers
les résolutions véritables. Les textes qui en sortent ne sont
pas strictement des décisions, mais des formules provisoires
qu'il appartient à l'Assemblée pionière d'accueillir ou de
repousser. Dans ces conditions on n'aperçoit pas comment
il serait possible de déclarer que les commissions sont liées
par la règle de l'unanimité. Pratiquement d'ailleurs, si
(45) CONFERENCES 431

l'unanimité était indispensable, les commissions seraient


rarement en mesure de faire quoi que ce soit. Il ne faut pas
dire : la conclusion qui vient d'être dégagée porte atteinte
aux droits des délégations en minorité dans la commission;
« si une délégation se voit dans l'impossibilité de s'incliner
devant l'opinion de la majorité d'une commission, il lui
appartient toujours, en séance d'assemblée, de manifester
par un vote son opposition ». En fait, déjà en 1924, un
délégué étranger devant la première commission de la cin-
quième Assemblée de la Société des Nations remarquait
que : « Depuis la première Assemblée, la règle dé l'unanimité
n'était pas strictement observée. »
Réduite aux seules modalités qui viennent d'être préci-
sées, l'organisation des commissions ne suffirait pas à
assurer l'efficacité de leurs travaux. Pour que leurs débats,
en apparence plus limités mais peut-être bien de plus grande
conséquence que ceux de l'Assemblée plénière, soient profi-
tables, il faut qu'ils se déroulent en toute liberté et sincérité.
A cet égard, le mode de désignation des membres des com-
missions n'est pas indifférent. Comme le monde organisé
n'est pas encore établi sur des données supranationales, il
n'est pas étonnant que l'élection des commissaires par
l'Assemblée plénière ne soit qu'une très lointaine possibilité.
Les (( commissaires », représentants, dans un organisme plus
étroit que la réunion plénière, des Etats admis à la réunion,
ne peuvent avoir d'autre origine que la volonté même de
l'Etat représenté. Cette volonté s'exprime par la bouche du
chef de la délégation de chaque pays. Le Règlement de la
Iro Conférence de La Haye (1899) disait formellement : « Les
premiers délégués désigneront ceux des Membres de leurs
missions respectives qui devront faire partie dé chacune des
commissions. » Le Règlement de la Conférence de Codifi-
cation (13 mars-12 avril 1930) n'emploie pas un autre lan-
gage quand il dit (art. VI) : « Aussitôt que possible après
l'ouverture de la Conférence, le chef de chaque délégation
désigne pour chaque commission le membre de sa délégation
chargé d'y représenter celle-ci. » Cette façon de procéder fait
ressortir le caractère purement « domestic », disons interne.
433 M. SIBERT. — CONFÉRENCES INTERNATIONALES (46)

de l'opération encore dans la plupart des cas. C'est qu'en


effet, ailleurs qu'à Genève ou dans l'Ancien Continent, au
sein de l'Union panaméricaine, une pratique, en principe
plus heureuse, s'est fait jour. Elle tient dans l'obligation
qui incombe au Président définitif de la Conférence (panamé-
nicaine) de soumettre à l'approbation de cette dernière la
désignation des membres des commissions respectives. Mais
la valeur d'une telle stipulation est liée — c'est bien évident
— à l'indépendance dont l'Assemblée, dans son ensemble,
est apte à faire preuve vis-à-vis de toutes sortes de
contingences.
La question de la présidence des commissions ne suscite
que peu de difficultés. Du point de vue de leur désignation,
trois systèmes, concevables, ont, suivant les cas, été
observés : I o Ou bien chaque commission élit pour son
compte son président et pourvoit de même à la vice-prési-
dence. C'est le système en honneur à l'Assemblée de la
Société des Nations (cf. Règlement, art. 14 al. 4); la Confé-
rence de Codification ne s'est pas bornée à s'en inspirer :
elle l'a perfectionné en faisant admettre qu'il est bon de
ne pas prendre dans le même groupe continental et les pré-
sidents de commissions et les vice-présidents de la Confé-
rence. 2° Un second système abandonne la désignation des
présidents et vice-présidents de commissions à la liberté de
la Conférence elle-même. Ce système a été adopté par la
IIe Conférence de La Haye (1907) en l'article 3 de son règle-
ment. C'est à lui qu'on a eu recours lors de la Conférence
monétaire et économique de Londres (1933) où, à la vérité,
la désignation par la Conférence a eu lieu sur la recom-
mandation très précise du Bureau. 3° Il existe un troisième
système : il prétend réaliser l'égalité entre les Puissances
appartenant à un même groupe et ne fait, en réalité,
qu'organiser — sans la légitimer — la prééminence de
quelques-uns au détriment des autres. C'est le procédé auquel
s'est arrêtée la Conférence de Lausanne (21 nov. 1922-
1er févr. 1923) peut-être à cause de son caractère qui, somme
toute, l'apparentait plus au congrès qu'à la conférence.
« Chacune de ces commissions, porte l'article V al. 2 du
projet de règlement, sera présidée par un délégué d'une des
(47) CONFERENCES 433

Puissances qui ont organisé la Conférence. Dans les commis-


sions, la présidence sera, en l'absence du Président, occupée
par le second délégué de la Puissance à laquelle la présidence
a été attribuée. »
Quel que soit le procédé auquel ils doivent leur désigna-
tion, les présidents de commissions ont un rôle et des
pouvoirs constants. C'est à eux qu'est remise la mission
toujours délicate d'ordonner les débats dans le sens des
résultats vraiment efficaces. De ce point de vue on leur
reconnaît normalement compétence : I o pour orienter la
fixation de l'ordre du jour dont toute commission reste la
maîtresse (dans la mesure où l'Assemblée plénière lui a
renvoyé telle ou telle question); 2° pour guider la discussion
et clore le débat; 3° parfois (par exemple dans les confé-
rences panaméricaines) pour désigner un ou plusieurs
rapporteurs chargés « d'exposer les différents aspects de la
question en discussion et suggérer les conclusions appro-
priées ». Les présidents de commissions, qui ont le pouvoir
de modifier les heures d'ouverture des séances selon les
circonstances, doivent contrôler l'exercice qui est fait du droit
de parole. En particulier, le Règlement de l'Assemblée de
la Société des Nations prévoit (art. 7) que si « tout repré-
sentant a le droit de faire à une commission toute commu-
nication », il « n'y pourra prendre la parole », s'il n'en est
membre, « à moins d'autorisation spéciale du Président de
la Commission ».
Infiniment plus souples que l'Assemblée plénière, les com-
missions peuvent cependant se révéler des organismes
encore trop lourds et insuffisamment maniables. Aussi,
depuis un temps prolongé, a-t-il été admis qu'une commis-
sion doit avoir toujours le pouvoir de se diviser en sous-
commissions (qui constitueront elles-mêmes leur bureau).
Parce qu'elle met en jeu des questions d'opportunité, cette
répartition échappe nécessairement à des règles détaillées.
Certes, il apparaît naturel que ce soit sur l'initiative de son
bureau (dûment autorisé à cet effet) que chaque commission
délibère sur le nombre et la composition de ses sous-
commissions.
434 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (48)

II est arrivé qu'usant de cette liberté à l'extrême des


commissions aient multiplié le nombre de leurs sous-com-
missions. Hill rappelle qu'à la Conférence de Washington
(de d921-1922) il y en eut une quantité anormalement
grande i. A Gênes (en 1922) on revint à plus de mesure.
Etant donné le but auquel correspondent les sous-commis-
sions, et l'amplitude nécessairement limitée à laquelle leur
fin condamne ces organismes, on ne voit pas comment
la règle de Végalité des Etats s'y pourrait donner cours
sous la forme de la représentation de chaque déléga-
tion dans tout sous-comité appelé à l'existence. Un choix
devra donc être proposé par le bureau de la commission :
pour ne pas heurter la raison, il devra tenir compte plus des
compétences que des pays ou des individus; de cette manière,
on fera bénéficier l'organisme des lumières des spécialistes
en une question déterminée : « l'amateurisme », parasite des
Parlements, doit être tenu à l'écart des groupes parmi
lesquels s'élabore, sur des données positives, l'œuvre
constructive ou législative des conférences diplomatiques.
Cette esquisse des commissions serait incomplète si l'on
ne disait quelques mots de leurs rapporteurs et du secrétariat.
Des premiers, la mission, tout objective et impersonnelle,
consiste à mériter la confiance à eux accordée par la com-
mission qui les a désignés, en établissant d'une manière
définitive le rapport dont la présentation aura lieu, en son
nom, à l'Assemblée plénière. « Le rapporteur, proclamait
jadis M. Léon Bourgeois à la première séance de la troisième
Commission de la I™ Conférence de la Paix, ne devra être ni
l'avocat d'une thèse, ni le représentant d'une majorité, mais
l'interprète fidèle des opinions exprimées par tous les
membres. » Etant donné les qualités que l'on requiert des
rapporteurs, il sera prudent de ne pas tenter le sort en les
multipliant à plaisir. La désignation d'un rapporteur doit
correspondre à une nécessité : ce n'est pas un hochet que
l'on puisse décerner à des hommes dont on entend s'assurer
la fidélité ou les services. On demeure dans l'étonnement
quand on constate que telle commission de la Société des
i. Op. cit., p.' 73.
(49) CONFERENCES 433
Nations a pu, en 1927, désigner jusqu'il dix rapporteurs sur
des questions inscrites à l'ordre du jour. Quant à l'instant
précis où doive avoir lieu la nomination de rapporteurs,
il a fait, en dépit de la simplicité apparente de la question,
il y a longtemps déjà, l'objet de quelque discussion. Le
23 mai 4899, à la première séance de la deuxième Commis-
sion de la Conférence de la Paix, le délégué français
(M. L. Renault) émit l'avis que la désignation du rapporteur
ne devrait s'effectuer qu'après clôture de la discussion et
adoption de solutions. Le délégué belge (baron Descamps)
exprima l'opinion que cette nomination ne devait pas
« attendre la formation d'une majorité ». S'appuyant sur le
rôle du rapporteur qui doit être de « signaler à l'Assemblée
plénière la physionomie générale des discussions et l'état
des solutions proposées, abstraction faite de son opinion
personnelle », le représentant de la Belgique estima que « le
rapporteur pouvait être nommé immédiatement ». La Com-
mission se rangea à cette manière de voir. Trente ans après,
le projet de règlement de la Iro Conférence pour la Codifi-
cation du droit international contenait (dans son article VII)
une disposition plus élastique et préférable, semble-t-il :
« Chaque commission... nomme..., au moment où elle le
juge utile, un ou plusieurs rapporteurs. »
Bien que les séances des commissions revêtent un aspect
moins solennel que celles de l'Assemblée plénière, il est
utile de garder la trace de leurs travaux. Le Secrétariat de
\a Conférence, parmi tant d'autres, assumera cette tâche.
Sous ce rapport, deux méthodes peuvent se concevoir : I o la
première consiste à donner aux procès-verbaux un caractère
non authentique. En ce cas, le Secrétariat est chargé
d'établir : a) pour chaque séance, un compte rendu aussi
complet que possible, qui ne sera pas imprimé et qui sera
tenu à la disposition de la commission; b) un compte rendu
analytique, résumant les propositions formelles faites en
séance et qui sera imprimé et distribué à tous les membres.
On a prêté à cette procédure l'avantage d'assurer une « dis-
cussion plus libre, plus intime et moins officielle ». Ce fut
la méthode utilisée à La Haye en 1899. 2° Dans un second
436 Aí. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (50)
système, il est tenu pour chaque commission un registre de
ses délibérations et un procès-verbal. Ces documents, qui
doivent être publiés aussitôt que possible, ne le seront toute-
fois qu'après approbation par la commission intéressée. Ce
sont des procès-verbaux authentiques. C'est à eux expressé-
ment que se réfère en son article 14 al. 6 le Règlement inté-
rieur de l'Assemblée de la Société des Nations.
11 ne suffit pas de travailler pour la paix et la coopération :
il faut encore que l'opinion publique soit mise à même de sui-
vre et de comprendre les efforts consacrés à «ette double
cause. De ce point de vue, la question de la publicité des
délibérations intéresse les commissions autant que les réu-
nions plénières elles-mêmes d'une assemblée diplomatique.
Quand donc on se demande : les séances de commissions
doivent-elles être publiques ou ne l'être pas ? Si l'on ne tenait
compte que de la curiosité naturelle des esprits, il semble-
rait qu'il n'y ait qu'à pose« sans hésitation la règle de la
publicité. Mais ce serait méconnaître le caractère vrai des
commissions et de leurs travaux. Du mécanisme, nous avons
déjà dit qu'il est un mécanisme de préparation. Si vraiment
les commissions constituent une sorte de laboratoire où
s'élabore, parmi la série des actions et des réactions, la chi-
mie, pleine de risques, des résultats, est-il nécessaire de
convier la foule des impatients, des curieux ou des médisants
à franchir leurs portes grandes ouvertes pour assister au
spectacle d'enfantements toujours lents et souvent doulou-
reux ? Certaines illusions sont nécessaires à la paix des peu-
ples : à voir, à la faveur de la publicité obligatoire, dans une
salle de commission — partant d'un peu trop près — ceux
qui parlent en leur nom,, que de lustre ces derniers ne per-
draient-ils pas. Sachons le reconnaître : les commissions ont
été bien inspirées en ne maniant la publicité qu'à bon
escient. La Conférence de La Haye de 1907 elle-même n'osa
pas parler de publicité autrement que pour ses séances plé-
nières. Lors de la Conférence sur les affaires du Centre-
Amérique (1922-1923), l'article 13 du Règlement n'hésita pas
à exclure en termes catégoriques la publicité et du Comité
de la Conférence entière et des autres commissions. A
(SO CONFERENCES 437
Washington, lors de la discussion sur la limitation des arme-
ments, le secret s'imposa aux commissions. Sur la propo-
sition du représentant des Etats-Unis, la Conférence de Codi-
fication de La, Haye décida que les séances des commissions
ne seraient pas publiques, à moins que, dans un cas déter-
miné, la commission n'en décide autrement. A plus forte
raison le congrès, autoritaire par nature et nécessité, s'en
tient-il à pareille règle. A cet égard, il n'apparaît pas que
la Conférence de la Paix de Paris en ait usé autrement que
ses devanciers du siècle précédent. 'Le 17 janvier 1919, on
décida de n'admettre les journalistes qu'aux séances plé-
nières, « étant entendu que les débats des grandes Puissan-
ces n'étaient que de simples conversations, et que les séances
où participaient les petites Puissances étaient des séances
privées ».
Parce que son Pacte proclame la nécessité d'entretenir
au grand jour les relations internationales, la Société des
Nations n'allait-elle pas être tenue à moins de rigueur et
peut-être à moins de prudence ? Le Règlement de l'Assem-
blée n'a pas cru qu'il méconnaîtrait le respect légitime dû à
la publicité en n'en faisant pas la règle absolue de l'Assem-
blée. Son article 14 al. 6 a donc décidé qu'en principe le
public ne serait pas admis aux séances des commissions.
Par « décision contraire », il est vrai, il pourra y avoir accès.
Telle est la solution en, droit. En fait, la publicité est habi-
tuelle. La plupart du temps même chaque Commission prend
soin dès le début de ses travaux de proclamer, sur la propo-
sition de son Président, que ses séances seront publiques.
Il n'est pas jusqu'à la sixième Commission de l'Assemblée,
dont le domaine pourrait le plus aisément ne pas s'accom-
moder de pareilles décisions, qui ne se soit ralliée très libre-
ment à cette manière d'agir. Naturellement, même quand la
commission déclare que ses séances seront publiques sans
réserver la possibilité des portes fermées, le secret des déli-
bérations n'en reste pas moins toujours licite en vertu du
Règlement de l'Assemblée, derrière lequel toute Commis-
sion peut, à tout moment, s'abriter. Il faut d'ailleurs rendre
cette justice aux commissions de l'Assemblée de la Société des
438 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (sa)
Nations qu'elles se sont montrées on ne peut plus réservées
dans l'utilisation des délibérations à huis clos.
Tel est, en raccourci, le fonctionnement des commissions.
On' y aura noté, au passage, un certain nombre de traits dif-
férents selon qu'il s'est agi des commissions d'une confé-
rence ou de celles d'un congrès. Dans le domaine des réso-
lutions auxquelles aboutit l'activité des unes et des autres,
une dernière opposition est à signaler. Sans doute, en droit,
leurs résolutions ne valent que comme des suggestions à
l'Assemblée pionière, maîtresse absolue de ses propres déci-
sions. Mais on travestirait la vérité en attribuant une iden-
tique valeur de recommandation aux conclusions adoptées
par la commission d'une conférence et à celles venues de
telle ou telle commission de tel ou tel congrès. ¡Là encore,
le caractère autoritaire du congrès entraîne des conséquences
que l'histoire a plus d'une fois enregistrées. Nous ne médirons
pas de la Société des Nations et de son Assemblée en affir-
mant que bien rares ont été les occasions où le rapport venu
d'une de ses commissions n'a pas été adopté avec la plus
accomplie docilité. Par contre, encore près de nous sont des
exemples qu'un congrès procède en sens inverse* Dans le
livre auquel il faut toujours revenir quand on parle de la
Paix de Versailles de 1919, A. Tardieu a reconnu que « sur
certains points, et non des moindres, les conclusions des
commissions n'ont pas été adoptées par les chefs des gouver-
nements, ni à leur suite par la « conférence ». Etait-il pos-
sible qu'il en fût autrement ? » Téméraire serait celui qui
répondrait oui. « La paix est une œuvre politique faite par
des corps politiques qu'on appelle les nations. En outre,
elle était la paix, c'est-à-dire une œuvre d'harmonie succé-
dant à ume période de luttes. Deux conséquences en résul-
taient, qu'il est trop aisé d'oublier quand le temps est passé
du danger. La première, c'est que les motifs techniques
devaient, à l'heure des solutions, être parfois primés par
des raisons d'ordre général dont les experts, nous ajoute-
rons, ou les commissaires, « n'étaient point juges ».
Les commissions dont il vient d'être parlé ne sont pas
les seules que comporte une assemblée diplomatique. Sans
(53) CONFERENCES ' 439

nous y attarder, nous nous bornerons à signaler successi-


vement :
I o Les comités d'examen, dans lesquels un petit groupe de
techniciens fait « des questions les plus délicates une étude
en apparence préparatoire, en réalité définitive ».
2° Les comités de rédaction comportant, désignés par la
conférence et sur la suggestion de son bureau, des membres
en nombre limité et généralement techniciens. Ces comités
sont chargés de coordonner les actes votés par la conférence,
ou de formuler des propositions à soumettre pour examen
à la conférence. Sur rapport du comité de rédaction, les
actes de la conférence sont adoptés en leur forme définitive.
Aux comités de rédaction sont dévolues pour examen, aussi
bien que des questions de fond, des questions de simple
règlement. Ainsi, le Comité de rédaction désigné par la Con-
férence pour la Codification du droit international (1930),
après examen des articles réservés du Règlement de la
Conférence, a successivement étudié : a) les formes à donner
aux résultats des travaux de la Conférence; b) la prépara-
tion et le rôle des documents concernant ces travaux; c) la
possibilité de formuler des réserves.
3° La Commission de vérification des pouvoirs, régulière-
ment composée d'un petit nombre de membres, est élue par
l'Assemblée sur la proposition de son Président. Elle a pour
objet de vérifier, dès le début des opérations, les pouvoirs'
que les délégués ont dû déposer entre les mains du Secré-
tariat en arrivant au lieu du congrès ou de la conférence.
A !cet effet, la Commission procède à l'examen des docu-
ments qui lui sont communiqués par le Secrétariat; elle véri-
fie si les délégués ont produit des pleins pouvoirs émanant
du chef de l'Etat qu'ils représentent ou s'ils ont reçu des
pouvoirs émanant de quelque autre source, s'ils sont accré-
dités aussi pour négocier et pour signer, ou pour négocier
seulement, auquel cas il appartient à la Commission de
suggérer à la conférence de prier les délégués intéressés de
se munir d'une autorisation pour signer. Dans son rapport
à l'Assemblée, la Commission lui donne des éclaircissements
sur tous ces points. Si la Commission constate que quelque
440 Aí. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (S4>
Etat a désigné pour suivre en qualité d'observateurs les tra-
vaux de conférence, elle doit en informer cette dernière.
Après intervention de son Président, l'Assemblée, statuant
sur les conclusions du rapport, décide si tous les délégués
peuvent être admis dans son sein. D'où il ressort que la
Commission de vérification des pouvoirs elle-même n'accom-
plit que des actes préparatoires, à l'opposé de l'Assemblée
qui dispose de la décision.

§ 2. — Les séances plénières.

Les séances plénières d'une assemblée diplomatique appel-


lent moins d'explications. Plus solennelles sans doute sont-
elles que les séances de commissions. Mais en général la
portée des débats y est, sous* une apparence plus impression-
nante, bien plus limitée. Le plus souvent, en effet, c'est au
sein des commissions que se produit l'entente définitive;
après quoi, dans ses séances plénières, l'Assemblée tout
entière, fréquemment, joue en fait le rôle de Chambre d'enre-
gistrement.
C'est régulièrement par une séance plénière qu'un congrès
ou une conférence commencent leurs travaux. Cette première
séance offre au Président de l'Assemblée l'occasion — qu'il
ne néglige pas — de louer la sagesse des hautes autorités
auxquelles revient l'initiative de la réunion, l'hospitalité du
pays qui l'abrite, la compétence éprouvée des délégués appe-
lés à collaborer au bien commun. De discrètes allusions à
la difficulté des tâches ne sont pas déplacées, ne serait-ce
que pour mieux inciter à en venir à bout par un labeur fait
de persévérance et de concessions. En suite de quoi, de
plus en plus rarement, il est vrai, soit sous la forme d'une
timide allusion, soit sous celle d'une prière récitée par un
chapelain officiel, comme cela fut encore le cas à la Confé-
rence de Washington de 1922, l'Assemblée place sous la pro-
tection de la Divinité ses travaux qui commencent, séance
tenante, en présence de tous les représentants diplomatiques
placés les uns à côté des autres dans l'ordre alphabétique
français des Puissances (en débutant par la droite du Prèsi-
(Ä51 CONFERENCES 44»
dent). De la sorte se manifeste dès l'abord, entre les Etats
représentés, cette égalité juridique dont beaucoup, pour finir,
devront se contenter...
Des séances plénières et des Commissions, la physionomie
et la méthode de travail diffèrent nécessairement.
Si les commissions, dans la limite de leur compétence, pro-
posent, par la voie de rapports sujets à discussion en Assem-
blée pionière, cette dernière dispose du sort des projets
sortis des commissions. Son vote favorable en fera un texte
en attente de signature et de ratification : un scrutin contraire
les rejettera au néant. Notons aussitôt que ce rythme peut
comporter des exceptions. Il peut arriver que les travaux
d'une commission soient incapables de produire un rapport
à discuter en séance plénière. C'est là une fâcheuse circons-
tance; bien que rare, elle s'est pourtant rencontrée de nos
jours : à la /re Conférence de Codification du droit interna-
tional, le 11 avril 1930, le Président de la troisième Commis-
sion dut rendre compte à la Conférence, en séance plé-
nière, que la troisième Commission n'avait pas pu terminer
l'examen des questions relatives à « la responsabilité des
Etats pour les dommages causés sur leur territoire à la per-
sonne ou aux biens des étrangers ». Par la voix de son
Président, la Conférence pionière ne put que « donner acte »
à la Commission de cette déclaration.
Quels procédés la Conférence plénière a-t-elle à sa dispo-
sition pour remplir son rôle ?
On a déjà vu — et nous n'y reviendrons pas — comment
il lui appartient d'exécuter, avant tout, un travail d'ordre
et d'organisation. Une fois réglées les questions relatives à la
Présidence (s'il y a lieu), à la vérification des pouvoirs, au
Bureau, au règlement intérieur et avant même que ne soit
réglée, avec la constitution des commissions, la répartition
entre ces dernières des questions spéciales entrant dans
l'ordre du jour, il se peut que la Conférence pionière soit
amenée à se demander s'il convient ou non qu'elle entre-
prenne une discussion générale. Des exemples récents exis-
tent qu'une conférence se soit ralliée à l'affirmative. Sans
insister à cette place sur ce qui se fait aux Assemblées de
443 Af. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (56)
la Société des Nations, où l'examen annuel du rapport sur
l'œuvre du Conseil équivaut à une discussion générale, c'est
par une discussion générale, antérieure même à la constitu-
tion des commissions chargées d'étudier chaque groupe de
questions, que la Conférence sur le traitement des étran-
gers commença ses travaux.
Quand, le 2 février 1932, se réunit à Genève la Conférence
sur le désarmement, çn ne procéda pas différemment. Succes-
sivement parurent à la tribune les grands « premiers rôles »
du jour, Henderson, Tardieu, Gibson, Brüning, Mátsudaira,
Grandi, Hymans, Litvinof. Après ceux-là parlèrent les porte-
parolf) des « Etats à intérêts limités ». Discussion géné-
rale ? Suite de monologues ? Réserve faite de l'allure plus
ou moins contradictoire, selon le cas, de la « discussion »,
la « discussion sur l'ensemble » a pour but de permettre aux
diverses délégations d'exprimer leur sentiment sur le pro-
blème à débattre et de présenter des observations générales,
sans cependant s'engager dans l'examen des points de détail
et des questions spéciales, auquel on procédera par la dis-
cussion ultérieure des articles, Elle permet aux grands cou-
rants de pensée ou aux systèmes de prendre conscience d'eux-
mêmes, de se préciser, de se compter, de se rapprocher sans
doute, mais aussi de s'opposer. L'opinion publique y trouve
une source d'information et de clarté. Tout n'est donc pas
condamnable dans ce procédé qui retarde les solutions en
reculant l'étude des détails. Mais il importe d'y recourir à
bon escient. En particulier, on a pu, non sans raison, douter
qu'il fût à sa place dans une conférence de caractère tech-
nique, préparée avec soin et pour laquelle une documen-
tation très complète aura été réunie.
Une fois la discussion générale terminée, ou d'emblée
quand elle n'aura pas été jugée nécessaire, les commissions
compétentes se mettent à l'œuvre selon la procédure que nous
avons déjà envisagée. Suspendue d'une manière plus ou
moins continue pendant la durée de leurs travaux, l'activité
de l'Assemblée plénière reprend pour la discussion des rap-
ports et le vote définitif. Deux questions, à cet égard, se
posent : la première a trait aux conditions de fond dans
(S7) CONFERENCES 443

lesquelles le vote sera pris; la seconde englobe les détails


de procédure qui s'imposent à l'observation de la Confé-
rence plénière.

A. LE VOTE. — Un principe domine toute la matière : tous


les Etats représentés bénéficient de l'égalité des droits; tel on
trouve le principe exprimé au début du siècle, non sans
intransigeance, à la Iro et à la IIo Conférence de la Paix
(La Haye, 4907), tel on le retrouve proclamé dans l'article 15
des règles de procédure utilisées par la Conférence de La
Ha van« (1928). La doctrine et les déclarations des hommes
politiques se plaisent, peut-être, avec trop de rigidité, à repro-
duire la règle. Plus d'un règlement des conférences qui inté-
ressent le plus notre Continent lui rendent un hommage
indirect, mais certain. Il n'est pas jusqu'à certains congrès
eux-mêmes où on ne lui ait rendu un hommage plus verbal
que sincère.
Du principe on a déduit, au profit de chaque Etat, la règle
de l'égalité dans le vote, et, comme ultime conséquence, la
règle de la décision à l'unanimité, avec cet effet que l'oppo-
sition d'un seul doit pouvoir empêcher tous les autres de
se lier.
Pareille règle a pour elle — on le conçoit — l'attachement
absolu des petits pays; le Secrétaire d'Etat Hughes agissait
donc en politique avisé quand il la rappelait à la Conférence
des affaires du Centre-Amérique (1922-1923). Certes, la règle
est impressionnante. Ne permet-elle pas d'espérer sans doute
peu de résultats mais, du moins, des résultats solides ? Pour-
tant, on a douté de sa valeur et même de sa sincérité, et
l'on ne s'est pas fait faute de la critiquer amèrement. Il est
certain qu'elle présente des dangers : a) le moindre groupe-
ment de votes suffira à écarteler l'unanimité nécessaire; or,
de tels groupements ne sont pas rares : on en a vu un
exemple peu éloigné dans un cas symptomatique, lors de la
première tentative de codification à La Haye; b) le veto d'un
seul Etat est encore plus redoutable. Hill rappelle qu'à la
Iro Conférence de La Haye, le seul vote de la Roumanie suffit
à faire échouer le plan original en faveur d'une Commission
d'enquête fonctionnant sur la base de l'obligation.
444 Aí. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES ($8)
Aussi, pour éviter, avec les impasses, l'absence de résul-
tats, s'est-on, certain jour, trouvé conduit à maintenir la
règle en apparence et à la tourner en réalité. La sincérité
n'y a rien gagné, sans que la certitude des principes s'en
soit accrue. D'abord, on a eu recours aux abstentions, plus
ou moins volontaires, des Etats opposants : on les a « con-
vaincus » de se désintéresser de tel ou tel débat, et de ne
pas participer au vote. Mais le droit, et la simple morale,
n'ont rien à gagner à de telles pratiques. Ensuite, on a
recouru au retrait des propositions repoussées par la majo-
rité, mais ce remède, qui s'apparente étroitement, par les
procédés, au précédent — « sacrifice fait au succès de l'œu-
vre commune » — n'est pas un assentiment véritable. Consé-
quence plus néfaste encore : la nécessité de l'unanimité est,
pour une bonne part, responsable de l'introduction dans les
conventions, issues des conférences, des réserves multiples
qui en détruisent l'unité et en anémient la force, tout en
obscurcissant la portée vraie des engagements. Pour éviter
l'insuccès manifeste, on se réfugiera dans l'illusion d'un
texte voté à l'unanimité, sans doute, mais dans lequel cha-
que signataire aura pris soin de se tailler, par le jeu des
réserves, son régime individuel et séparé.
Tant de ruses à l'égard de la règle ne l'ont même pas pré-
servée des attaques directes. Elles se manifestèrent avec vio-
lence dès le lendemain de la Conférence de La Haye de 1907.
En Angleterre, le Times du 19 octobre, sous le titre : « Le
Fiasco de La Haye », dénonçait, non sans violence, à l'opi-
nion publique la fiction de l'égalité et ses corollaires. La
doctrine des internationalistes britanniques, tel Westlake 1 ,
proclamait à son tour que la doctrine de l'égalité et ses effets
se heurtent à « la force des choses ». Lawrence, dans ses
Essays on some disputed questions in modem international
law (The Primacy of the Great Powers), n'avait-il pas
affirmé, dès 1885, qu' « il était impossible de s'en tenir plus
longtemps à la vieille doctrine de l'égalité absolue de tous les
Etats indépendants devant le dToit » ?
Le droit positif lui-même a fini par se rallier, au moins
1. Cf. Quarterly Review, janv. 1908, p. 221-230.
<59) CONFERENCES 445
dans une certaine mesure, aux vues précédentes. Plus d'un
organisme international, à l'heure actuelle, ne fonctionne
qu'en mettant à l'écart la règle de l'unanimité. Les commis-
sions internationales d'enquête prévues par l'article 30 de
la Convention de La Haye (1907) pour le règlement pacifique
des conflits internationaux, décident à la majorité. L'arti-
cle 78 al. 2 du même texte édicté la même règle pour ce qui
est du Tribunal Arbitral visé sous le chapitre III (Procédure
arbitrale) de la Convention. Les articles 5b et 37 du Statut
de la Cour permanente de Justice internationale prévoient
expressément que les décisions de la Cour « sont prises à la
majorité des juges présents ».
En matière de conférences internationales proprement
dites, il s'en faut, malgré des attaques répétées contre l'una-
nimité, que celle-ci ne soit plus qu'un souvenir; la règle se
défend : en 1922-1923, on la trouve encore rappelée lors de la
Conférence sur les affaires du Centre-Amérique. A ne pren-
dre que ce cas et un ou deux autres, on pourrait croire que
se perpétue intacte la tradition riche, au xix° siècle, en exem-
ples dont un des plus célèbres est celui de la Conférence de
1868 relative à la revision de l'œuvre accomplie par la Confé-
rence de 1864. Ce serait une erreur; depuis bien des décades
déjà, des fissures très diverses s'observent dans la règle de
l'unanimité. En les groupant non dans le temps, mais par
nature, on les peut caractériser de la sorte :
I o Nettement à part on doit placer le précédent de La
Haye, en 1907; en effet, si le principe de l'unanimité y a
perdu de sa rigueur, il n'en demeure pas moins que la pra-
tique observée à la Conférence du point de vue qui nous
occupe a été, comme le faisait observer W. Schiicking en
1918 *, « si obscure et inconsistante » que Huber et Zorn,
tous deux délégués, sont sur ce sujet en contradiction directe.
Le premier affirme que chaque Etat a maintenu son droit de
veto contre l'adoption d'une résolution par un vote à la
majorité. Zorn, par contre, affirme qu'à la IIo Conférence de
La Haye, on concéda que les résolutions réunissant la quasi-
unanimité devraient être considérées comme résolutions de
1. The international Union o/ the Hague Conference», p. 210 et fluiv.
446 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (60)
la Conférence sans qu'il fût possible, il est vrai, de détermi-
ner, en droit et d'une manière précise, ce qui constituerait
la quasi-unanimité. Quoi qu'il en soit de ces discussions et
de ces doutes (qui étonnent quand ils s'appliquent à des faits
aussi proches de nous), on peut constater que, sous prétexte
de protéger la minorité contre la majorité, la IIe Conférence
de La Haye n'a peut-être bien pas suffisamment su proteger-
la majorité contre les caprices de la minorité.
2° Il faut aller de l'avant et détrôner la règle en lui substi-
tuant le principe majoritaire. L'évolution a commencé, il y
a longtemps, en ce sens. Nous avons signalé plus haut com-
ment le vote à la majorité a déjà pénétré dans les commis-
sions. Bien avant qu'il en fût ainsi, le mécanisme des unions
internationales l'avait maintes fois retenu comme une des
modalités, sinon régulières du moins fréquentes, de leur fonc-
tionnement. Par exemple, en regardant ce qui existe dans
l'Union postale universelle on constate que si de nombreux
articles fondamentaux de la convention qui en est la charte
ne peuvent être amendés que par un vote à l'unanimité,
d'autres peuvent l'être à une majorité spéciale des deux
tiers. Par ailleurs, la convention peut être interprétée à la
majorité absolue des voix. Dans l'ancienne Commission des
sucres, les décisions se prenaient à la majorité. Il est même
remarquable qu'un Etat pouvait être contraint de modifier
son tarif contre son gré si la majorité en décidait ainsi.
Somme toute, si (comme le constate avec raison Rapisardi-
Mirabelli *), dans cet organe des unions que sont les confé-
rences, « on s'attache » comme règle « au principe de l'una-
nimité », celui de la majorité y fait figure d'une exception
qu'on ne doit pas sous-estimer. Sans doute doit-on s'expli-
quer ce résultat par le fait que les intérêts en jeu dans les
diverses unions, en dépit de leur étendue, n'approchent pas
de la gravité inhérente aux intérêts vitaux d'un pays.
Par des motifs analogues, on a vu la règle de la majorité
s'introduire dans les séances plénières des conférences pour
les questions de procédure. Un des premiers exemples s'en

1. Théorie générale des unions, Recueil des Cours de l'Académie, t. 7, p. 368.


(o') CONFERENCES 447
trouve dès 1868, quand la Conférence de Genève prit pour
règle qu'un vote à la majorité autoriserait la mise en dis-
cussion d'une mesure, alors que l'adoption définitive de cette
mesure devait nécessiter l'unanimité. Actuellement, à la
Société des Nations, l'article 49 du Règlement de l'Assem-
blée établit pour principe que les décisions sont prises à
l'unanimité des Membres de la Société représentés à la
séance. Mais il ajoute (cf. al. 2) : toutes questions de procé-
dure qui se posent aux séances de l'Assemblée, y compris la
désignation des commissions chargées d'enquêter sur des
points particuliers, sont réglées par l'Assemblée et décidées
à la majorité... L'alinéa 2 a le soin de préciser qu'il faut
considérer comme des questions de procédure « toutes déci-
sions prises en vertu des articles du Règlement lui-même ».
La règle de la majorité a poussé encore plus loin ses
conquêtes. Cette règle s'applique à des questions qui se
posent comme des questions de fond, soit devant l'Assem-
blée de la Société des Nations1, soit au sein des conférences

1. Les plus importantes exceptions à la règle de l'unanimité dans l'Assem-


blée de la Société des Nations sont les suivantes :
Première exception. — Pour l'admission des nouveaux Membres dans la
Société, la majorité des deux tiers est suffisante (art. im al. 2 du Pacte).
Deuxième exception. — Depuis que, en juin 1926, l'amendement voté à
l'article 4 du Pacte (8 oct. 1921) par la seconde session de l'Assemblée a
été ratifié par l'Espagne, l'Assemblée 0 qualité pour fixer, à la majorité
des deux tiers, les règles concernant les élections des Membres non perma-
nents du Conseil, et, en particulier, celles qui concernent la durée de leur
mandat et les conditions de leur rééligibilité.
Troisième exception. — A la majorité des deux tiers des « suffrages expri-
més », l'Assemblée peut décider, dans certaines conditions de temps, que
sera rééligible au Conseil de la Société un Membre non permanent du
Conseil dont le temps de mandat expire ou est expiré (art. 2 du Règlement
fixant les règles d'élection des neuf Membres non permanents du Conseil,
sept. 1927).
Quatrième exception. — L'Assemblée peut, en tout temps, et en statuant
à la majorité des deux 'tiers, décider que, par application de l'article 4 du
Pacte, il sera procédé à une nouvelle élection de tous les Membres non
permanent» du Conseil (art. 3 du Règlement précité).
Cinquième exception. — A la majorité simple, l'Assemblée peut donner
son approbation a ce que le Conseil accroisse le nombre de ses Membres
permanents (art. 4 al. 2).
Sixième exception. — A la majorité «impie, l'Assemblée, est appelée par
l'article 6 al. 2 du Pacte à donner son approbation au choix que le ConBeil
fera des secrétaires généraux de la Société des Nations.
Septième exception. — Pour les vœux que l'Assemblée est fondée à émettre,
448 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (ft)
de certaines de ses organisations permanentes. Ainsi, au sein
de l'Organisation internationale du Travail, les projets de
conventions sont votés par la Conférence à la majorité des
deux tiers. Le Statut de l'Organisation des Communications
et du Transit dispose, dans l'article 10 (chiffre 4) : « La
simple majorité des suffrages exprimés par les délégations
présentes décide, dans tous les cas où une majorité plus forte
n'est pas exigée par un des articles du présent Statut. » Il
n'est d'ailleurs pas toujours aisé de savoir dans quelle caté-
gorie l'on doit placer un vote.
Il n'est pas jusqu'aux conférences sans lien avec les
organisations du type précédent qui ne s'ouvrent, elles aussi,
progressivement h la règle de la majorité. Les « vœux » et
les « recommandations », à cause de leur aspect particulier,
ont été le premier domaine où elle se soit installée. Ce qui
a été observé à la Conférence pour la Codification du droit
international en est une preuve peu éloignée. Les disposi-
tions de fond elles-mêmes ne sont plus à l'abri de ses pro-
grès. Dans le cas à l'instant rappelé, les conditions de vote
arrêtées par le Règlement de la Conférence ont comporté
l'adoption, en séance pionière, par la majorité simple des
délégations (présentes à la séance où le vote a lieu), des
projets de conventions, protocoles, recommandations et
vœux présentés par les commissions.
Tous les exemples précédents le prouvent : la règle de la
majorité n'est pas encore consacrée, mais elle est en voie de
développement très certain. Sans doute finira-t-elle par pré-
valoir sur la vieille règle de l'unanimité. Il ne faut pas s'en
offusquer. La règle de la majorité dans les conférences n'op-
prime pas les minorités que ne lient pas, à l'heure actuelle,
les accords établis contre la volonté de ces dernières. Elle
ne fait que protéger la majorité contre les velléités que peut
éprouver à l'occasion une minorité intolérante d'empêcher
il résulte des « précédents » que là encore la majorité de la moitié plus un
des Membres représentés a la séance est suffisante.
Toutes ces exceptions concilient fort utilement la rigidité du principe de
lu décision à l'unanimité (qui subsiste) avec les exigences du fonctionne-
ment et des progrès de la Société. La nécessité de majorités spéciales (deux
tiers) est un frein qui ralentit; le ceto d'un «eut serait un frein qui risquerait
de tout bloquer.
(63) CONFERENCES 449

la majorité de se lier par des règles créatrices, alors qu'elle


y est décidée parce qu'elle y a intérêt.
B. LA PROCÉDURE. — Destinées à nous moins retenir que
les questions précédentes qui avaient trait au fond même de
la matière, les règles de procédure proprement dites, c'est-
à-dire de forme, nécessitent cependant quelques explications.
1° Et d'abord le plus souvent les séances plénières ne sont
pas limitées en nombre. Mais cette règle n'est pas absolue.
En vue d'empêcher les travaux de s'éterniser, il est arrivé
que la quantité des séances plénières ait été limitée par le
Règlement de la Conférence. C'est ce qu'a fait par exemple
l'article 25 du Règlement de la Ve Conférence panaméricaine,
tout en stipulant que cette limitation pourrait être dépassée
dans des cas de « vitale importance », sur un vote des deux
tiers des délégations présentes à la Conférence.
2° Plus d'un règlement, d'autre part, se préoccupe de fixer
un quorum faute duquel il ne sera pas tenu séance; par
exemple on dira que, pour qu'une séance ait lieu, il sera
nécessaire qu'un« majorité des nations présentes à la confé-
rence soient représentées à la séance au moins par un de
leurs délégués.
3° S'il est bon de parer au danger des abstentionnistes, il
n'est pas mauvais de se prémunir contre le péril des inter-
ventions interminables. A La Haye, en 1907, on adopta la
règle des dix minutes pour chaque orateur dans la même
séance. Ailleurs, la limitation a consisté à assigner à chaque
délégation un certain maximum de temps d'occupation, d'af-
filée, de la tribune. Aux termes de certains règlements, les
auteurs de motions se voient accorder un temps de parole
plus considérable que les autres orateurs.
Du vote et de la forme en laquelle il se prend, nous dirons
simplement, en tenant compte des leçons fournies par les
règlements les plus récents, que : 1° la Conférence vote
par appel nominal; 2° les élections, en règle générale, ont
lieu au scrutin secret; 3° en commission, on vote à main-
levée (avec épreuve contraire), sauf dans le cas où la com-
mission décide de voter par appel nominal (les délégations
qui déclarent s'abstenir' sont considérées comme non pré-
«o M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (54)

sentes); 4° en présence de plusieurs propositions, on donne


la priorité, dans le vote, à celle qui s'éloigne le plus par le
fond de la proposition principale; 5° la division d'un texte
mis aux voix est de droit, si elle est demandée par une
délégation; 6° la possibilité du vote par procuration de délé-
gation à délégation, proposée à La Haye en 1907, fut finale-
ment repoussée. C'est à juste titre qu'elle ne paraît pas
s'être recommandée à l'adoption par les conférences posté-
rieures.
La liberté des amendements risque, si elle n'est pas pru-
demment réglementée, d'être anarchique et destructrice des
résultats. Aussi les conférences les plus récentes ont-elles
tendu à en circonscrire la possibilité, dès le stade de la
discussion en commissions, dans des frontières déterminées
par le règlement.
Théoriquement, on peut encore présenter des amende-
ments au cours des séances plénières d'une conférence. Mais
— et c'est là une règle bien établie qu'on retrouve sous tou-
tes les latitudes, y compris dans les conférences panaméri-
caines — à moins que l'Assemblée n'en décide autrement,
les amendements (qui sont présentés par écrit) devront être
renvoyés à la commission correspondante de la conférence.
En outre, ils sont mis aux voix avant l'article ou la propo-
sition dont ils tendent à modifier le texte. On doit d'ailleurs
noter que la possibilité de demander la clôture dans les condi-
tions du règlement constitue un moyen indirect, mais sûr, de
couper court au risque des amendements intempestifs.
Il est indispensable que le souvenir puisse être fidèlement
gardé de tout ce qui est dit à une conférence. Le présent doit
à l'avenir de le faire juge des responsabilités assumées par
chacun. A cette fin concourent les procès-verbaux, que par-
fois on nomme protocoles, mais à tort, car cette appellation
prête à confusion. La rédaction des procès-verbaux dans la
ou les langues officielles de la conférence est aux soins du
Secrétariat général de la Conférence. Pour les séances des
commissions, il n'est dressé, en général, que des procès-
verbaux succincts. Pour les sous-commissions et les comités
d'examen, on se bornera à prendre note des conclusions
(«S) CONFERENCES 4SI
auxquelles ils auront abouti. Il est d'une bonne méthode
de distribuer aux délégations, dans le plus bref délai pos-
sible, les procès-verbaux en épreuve provisoire. Si, dans un
certain délai, aucune modification n'est demandée, le texte
en sera considéré comme approuvé et déposé aux archives de
la conférence. Si des modifications sont demandées, le Secré-
taire général peut faire les corrections de pure forme; pour
les autres, il doit en référer au Président qui, s'il y a lieu,
saisit de la question la conférence ou la commission
intéressée.
CONCLUSION

i l'on cherche à. préciser au terme de cet exposé dans

S quelle mesure la technique actuelle des conférences


et des congrès est en progrès sur le passé, on aperçoit
les gains dans quatre directions principales.
1" La préparation, avons-nous vu, s'est ordonnée. Cela ne
veut pas dire que ses méthodes aient d'ores et déjà atteint
la plus grande certitude. A cet égard, la Conférence pour la
Codification du droit international a dégagé (en son vœu
n' IV) des directives qui, dépassant le cadre de la codifica-
tion, prennent une valeur d'ordre général. Elles visent :
a) le choix motivé de la matière susceptible d'une entente;
6) l'établissement à'avant-projets de conventions, en s'ins-
pirant de toutes les données de la science et de la pra-
tique; c) la communication de ces avant-projets aux gouver-
nements aux fins d'avis et d'observations; d) la commu-
nication respective. des réponses; e) l'inscription au pro-
gramme de la Conférence des matières qui auraient recueilli
l'assentiment formel de la très grande majorité des Puis-
sances appelées à y participer.
2° Nous avons précédemment constaté comment, dans les
conférences, la majorité échappe progressivement à la tyran-
nie des minorités. Nous ne reviendrons pas sur ce point et
indiquerons seulement que si l'on veut vraiment assurer un
jour le règne de la Paix par le Droit il faudra bien accepter
la règle des assemblées délibérantes d'ordre interne où la
majorité impose ses décisions à la minorité.
3° La périodicité des conférences est la troisième caracté-
ristique de leur histoire la plus récente. De ce point de vue,
ici encore, les congrès doivent être distinguos des conféren-
ces stricto sensu. Un congrès n'est jamais qu'un événement
accidentel. La vicissitude des temps le fait éclore; prétendant
(67) CONCLUSION 453
dénouer une crise, souvent il ne fait qu'en reculer les solu-
tions vraies; parfois môme, plus ou moins inconsciemment,
il en préparera d'autres, faute d'apporter dans ses arrêts CM
le courage, ou la prudence, ou la justice, indispensables trax
œuvres de durée. Nées des besoins profonds des peuples qui
ne se soucient pas de remanier à espaces rapprochés la carte
du monde, mais d'accroître régulièrement leur bien-être, les
conférences ont subi depuis peu de temps mais "subiront
encore de plus en plus l'attraction de la périodicité. La
preuve s'en trouve dans de multiples exemples. Non des
moindres sont ¡ceux des conférences panaméritaines, -qui
comptent déjà une longue suite de réunions depuis que la
Conférence de Washington (1889) en inaugura 1a remarqua-
ble série. Sans compter ses sessions extraordinaires, l'As-
semblée de la Société des Nations ne se Téunit-elle pas
chaque année, de plein droit (au siège de la Société), le pre-
mier lundi de :septemifore P Même les ententes régionales
comme la Petite Entente, on CCB ententes qui, tout récem-
ment, viennent de dépasser le stade de Taction privée,
oomme 1' « Entente balkanique », doivent, Don gré mal çré,
pour ne pas abandonner leur activité au hasard, tenir des
réunions à des intervalles à peu près réguliers. Mais c'est
au sein des organisations permanentes, mises sur pied
depuis le statut de la Société des Nations, que se réalise
le mieux la périodicité des conférences. La Conférence géné-
rale des Communications et du Transit se réunit tous les
quatre ans sur convocation du Conseil de la Société des
Nations pour délibérer selon un règlement qu'elle élabore
elle-même. La Conférence de l'Organisation internationale
du Travail se réunit chaque année en octobre.
4° Le développement croissant de la technicité est le qua-
trième trait qui caractérise l'évolution actuelle des confé-
rences. Le temps n'est plus où les diplomates formés à l'étude
de l'histoire diplomatique, de la politique et d'un peu de
droit suffisaient à élaborer une convention décente. La com-
plexité nouvelle des rapports internationaux exige qu'on
fasse successivement appel, dans l€>s diverses conférences, à
toutes les branches des connaissances humaines. Cette iné-
454 M. SIBERT. — CONFERENCES INTERNATIONALES (68)
luctable fatalité s'est emparée des congrès eux-mêmes. Serait-
il par hasard téméraire d'affirmer que, pour l'avoir peut-être
méconnue ici ou là, un congrès récent, qui restera l'un des
plus grands du monde, n'ait procuré que des solutions bâtar-
des lourdes de décevants lendemains ?
Cela dit, la technicité s'obtient par deux procédés : 1" Ou
bien les délégations composées d'hommes d'Etat, de poli-
tiques et de diplomates consulteront, au fur et à mesure
des besoins de la Conférence, la suite souvent longue des
experts-spécialistes qui les accompagnent. Certaines confé-
rences, celles de Gênes (1922), de Washington (1921-1922),
plus récemment celle du désarmement (1932), resteront
remarquables au moins par le nombre des techniciens qui y
ont fait escorte aux hommes de gouvernement. 2° Ou bien
les délégués des Etats présents à la Conférence sont eux-
mêmes spécialistes pour les questions débattues. Un exemple
typique est celui des congrès postaux internationaux. D'autre
part, si l'on ne peut éviter que des délégués de caractère
politique figurent dans les conférences des organisations per-
manentes de la Société des Nations, il est naturel que ce
soit là qu'on rencontre la plus grande quantité de délégués
techniciens; on aurait grand tort à y vouloir ressusciter le
mot célèbre de Beaumarchais.
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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 391

CHAPITRE 1. — Les Congrès 394

CHAPITRE II. — Les Conférences 402


SECTION I. — La convocation 402

SECTION II. — Le programme , 408

SECTION III. — L'organisation 416


§ 1. — Présidence et,Commissions 416

§ 2 . — l e s séances plénières 440

CONCLUSION 151

BIBLIOGRAPHIE 488

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