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IMAGINER DES UNIVERS NOUVEAUX

LA POESIE DES OBJETS

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? » de Lamartine

Séance 1/ Les objets du quotidien, source d’inspiration pour les poètes

1/ Les objets appartiennent au monde concret (antonyme = abstrait). Ils sont à


l’opposé des sentiments. Ce thème original s’écarte donc de la tradition de la poésie
lyrique. Sous la plume du poète, ils deviennent vivants. Ils peuvent provoquer des
sentiments comme la peur ou la tendresse. Ils forment un univers étrange qui attise la
curiosité.

2/ Le langage poétique permet de donner vie aux objets en utilisant :

a) Les figures de style (métaphore, comparaison), en particulier la


personnification.

La personnification évoque une réalité qui n’est pas animée en lui prêtant des
gestes, des attitudes ou des sentiments d’un être vivant :

Exemple : poème d’André Pieyre de Mandiargues, « La porte tournante » :

La porte me regarde

La porte se nettoie d’un coup de langue

La porte se gratte et s’endort.

b) Le lexique des sensations (le poète mobilise nos cinq sens afin que nous
éprouvions une multiplicité de sensations)

c) Des effets de sonorités et des variations de rythme pour accentuer


l’expression des sensations et sentiments.

Exemple : Dans « Jardin de France » de Léopold Sédar Senghor, on peut imaginer


que le rythme ternaire reproduit le martèlement du tam-tam (tambour en usage en
Afrique noire) :

Mais l’appel du tam-tam

Bondissant

par monts

et

continents,
Qui l’apaisera, mon cœur,

A l’appel du tam-tam

bondissant,

véhément,

lancinant ?

3/ Des poèmes qui explorent différentes formes poétiques :

a) Des poèmes classiques en vers réguliers (« Le buffet » de Rimbaud est un


sonnet) ; (revoir les poèmes en vers réguliers vus cette année)
b) Des poèmes en vers libres (« La salle à manger » de Francis Jammes). Un poème
en vers libre comporte des vers de longueur variable, avec ou sans rime, et se
rapproche de la prononciation courante. Il n’est pas toujours ponctué;
c) Des poèmes en prose (« Le cageot » de Francis Ponge). Francis Ponge donne vie à
des objets auxquels nous n’accordons aucune attention. Dans ce poème, il rend le
cageot attendrissant;
d) Des calligrammes (« La Cravate » de Guillaume Apollinaire) : Apollinaire crée une
forme originale de poésie en recréant des objets à l’aide de mots. Le poème se
transforme en dessin et devient un objet.

A ajouter après avoir étudié les poèmes.

Séance 2 / Le quotidien serait-il poétique ?

Activité : Un lieu surprenant et poétique ?

« Le petit endroit » de George Sand

Vous qui venez ici dans une humble posture

Débarrasser vos flancs d’un importun fardeau

Veuillez quand vous aurez soulagé la nature

Et déposé dans l’urne un modeste cadeau

Epancher dans l’amphore un courant d’onde pure

Et sur l’autel fumant placer pour chapiteau

Le couvercle arrondi dont l’austère jointure

Aux parfums indiscrets servira de tombeau.

1/ Quel est donc ce lieu ? Relève les éléments qui t’ont permis de répondre.

2/ Penses-tu que ce texte peut être considéré comme un poème ? Justifie ton avis.

Séance 3/ « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? »


« Le Buffet » d’Arthur Rimbaud

C’est un large buffet sculpté ; le chêne sombre,


Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens ;
Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre
Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants ;

Tout plein, c’est un fouillis de vieilles vieilleries,


De linges odorants et jaunes, de chiffons
De femmes ou d’enfants, de dentelles flétries,
De fichus de grand-mère où sont peints des griffons ;

-C’est là qu’on trouverait les médaillons, les mèches


De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches
Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.

-Ô buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,


Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis
Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires.

Poésies, 1870

« La salle à manger » de Francis Jammes

Il y a une armoire à peine luisante


qui a entendu les voix de mes grand-tantes,
qui a entendu la voix de mon grand-père,
qui a entendu la voix de mon père.
A ces souvenirs l’armoire est fidèle.
On a tort de croire qu’elle ne sait que se taire,
Car je cause avec elle.

Il y a aussi un coucou en bois.


Je ne sais pourquoi il n’a plus de voix.
Je ne veux pas le lui demander.
Peut-être qu’elle est cassée,
La voix qui était dans son ressort,
Tout bonnement comme celle des morts.

Il y a aussi un vieux buffet


qui sent la cire, la confiture,
la viande, le pain et les poires mûres.
C’est un serviteur fidèle qui sait
Qu’il ne doit rien nous voler.

Il est venu chez moi bien des hommes et des femmes


qui n’ont pas cru à ces petites âmes.
Et je souris que l’on me pense seul vivant
quand un visiteur me dit en entrant :
-Comment allez-vous, monsieur Jammes ?

De l’angélus de l’aube à l’angélus du soir, 1898


Vocabulaire pour « Le Buffet » :

1/ Griffon : animal fabuleux à la fois aigle, cheval, lion et poisson.


2/ médaillon : bijou dans lequel on place un portrait ou des cheveux.
3/ Tu bruis : forme du verbe bruire, produire un son confus, émettre un bruit léger,
chuchoter.

Biographie d’Arthur Rimbaud (1854-1891)

Surnommé le « poète maudit », il a connu une vie tumultueuse. Il a marqué la


littérature par ses poèmes à la frontière entre classicisme et modernité. Très précoce, il
écrit ses premières œuvres à 15 ans.

Biographie de Francis Jammes (1868-1938)

Ce poète attire l’attention sur la beauté et la richesse spirituelle des réalités quotidiennes
et familières dans lesquelles nous vivons.

Objectifs :

Les figures de style : la personnification

Lecture : la description

Rappel : La personnification est une figure de style qui attribue des traits, des sentiments
ou des comportements humains à une chose inanimée.

Le poème de Rimbaud évoque le buffet et les richesses qu’il recèle. Dans le poème « La
salle à manger » de Jammes, le buffet n’apparaît que dans la strophe 3.

I/ Description et poésie des vieux meubles


Un buffet est un objet banal du quotidien. Autrefois, il était présent dans toutes les
maisons. Il contenait la vaisselle puis on l’a utilisé pour ranger d’autres objets.
Le poème « Le buffet » est composé de quatre strophes qui sont des quatrains (strophes
de quatre vers) et des tercets (strophe de trois vers). Ce poème est un poème régulier
qui porte le nom de « sonnet ».
Dans la strophe 1, on voit l’aspect général du buffet grâce aux adjectifs : « de grande
taille » ; « large » ; « grandes portes » ; « sculpté ». Il est ancien : « très vieux » ;
« vieux » et « du vieux temps ». Dans les strophes 2 et 3, on découvre le contenu du
buffet car le meuble est ouvert: des vêtements du temps passé et des souvenirs.
L’hyperbole « tout plein » signale que le meuble déborde d’objets très différents ayant
appartenu à des personnes de tout âge (voir les énumérations). Dans la strophe 4, le
poète s’adresse au buffet. Il l’apostrophe. Invocation avec le « Ô ». Il est en admiration
devant lui. Le poète utilise le présent de description : « c’est », « verse », « se mêle »,
« bruit ».
Selon Arthur Rimbaud, ce buffet et son contenu ont le pouvoir de rappeler le temps
passé. En effet, comme un grenier ou un album photo, il conserve une trace du passé.

Le poème « La salle à manger » comporte 4 strophes qui sont de longueur décroissante :


la strophe 1 comporte 7 vers ; la strophe 2 comporte 6 vers ; les strophes 3 et 4 sont
composées de 5 vers.
Dans la strophe 1, le poète décrit l’armoire.
Dans les strophes 2 et 3, il fait la description du coucou en bois et du vieux buffet.
Dans la strophe 4, le poète fait allusion à l’âme des meubles.
Pour Francis Jammes, les meubles sont des serviteurs fidèles (strophe 3), qui gardent le
souvenir des personnes disparues (strophe 1), mais qui vieillissent également (strophe
2).

Dans « Le buffet », c’est tout le poème qui est consacré à la description du vieux meuble
qui renferme des objets qui sont des souvenirs. En revanche, dans le poème de Jammes,
cinq vers seulement décrivent le buffet et son contenu (vers 14 à 18) ; ce buffet sert à
ranger des victuailles.

La description des deux buffets fait appel surtout à des sensations olfactives :
-chez Rimbaud, « les parfums sont engageants », « les linges odorants » et « le parfum
se mêle à des parfums de fruits ».
-chez Jammes, cela « sent la cire ».
Le buffet de Rimbaud et son contenu sont aussi évoqués grâce à des sensations visuelles
comme « le chêne sombre », « les linges jaunes », « les fichus où sont peints des
griffons », « des cheveux blancs ou blonds » et « les grandes portes noires ».

II/ L’âme des choses


Les deux poètes n’évoquent pas le buffet comme s’il s’agissait d’un simple objet immobile
et sans âme. Chez Rimbaud, le buffet a le pouvoir d’agir. Au vers 2, le poète le compare
à une personne âgée : « a pris cet air si bon des vieilles gens ». Il connaît aussi le passé
des habitants de la maison : « tu sais bien des histoires ».
Jammes croit davantage aux petites âmes qui habitent les objets ; il attribue des
sentiments à l’armoire et au buffet qui sont tous deux considérés comme des
serviteurs « fidèles ». Le coucou est doté d’une voix. Le poète dialogue avec ses
meubles : « car je cause avec elle » ; « je ne veux pas le lui demander ».
Rimbaud personnifie son buffet lorsqu’il s’adresse à lui pour lui parler : « Ô buffet du
vieux temps ». Et le meuble semble lui répondre : « tu bruis » !
Dans la strophe 4 de « La salle à manger », Jammes se moque des visiteurs qui,
lorsqu’ils se rendent chez lui, ignorent qu’ils devraient saluer également les meubles et
les objets car le poète est convaincu qu’ils sont dotés d’une âme et d’une sensibilité
semblables à celles des hommes.

Conclusion :
Le buffet n’est pas un objet banal mais un témoin précieux du passé. Il est doué de
savoir, de pensée, de volonté et de mémoire. Il connaît des histoires, des contes. Il
symbolise, ainsi que son contenu, le temps qui s’écoule.

GRAMMAIRE

Rappel sur les expansions du nom :


1/ Dans le poème de Rimbaud, relevez les expansions du nom « fichus » et indiquez leur
nature.
Les deux expansions relevées sont : « de grand-mère » (GN complément du nom) et
« où sont peints des griffons » (proposition subordonnée relative)

Les formes de phrases


2/ Relevez l’expression qui, dans chaque poème, sert à introduire la description des
meubles ou des objets. Quel effet produit sa répétition ?
Chez Rimbaud, c’est l’expression « C’est » ou « C’est … qui » qui sert à introduire la
description des meubles (vers 1, 5 et 9). Chez Jammes, il s’agit de « Il y a » (vers 1, 8 et
14).
Ces expressions sont des présentatifs qui mettent des mots et groupes de mots en valeur
dans une phrase).
La répétition de « c’est » précise et détaille la nature et le contenu du buffet.
La répétition de « il y a » introduit une sorte d’inventaire des meubles et des objets qui
se trouvent dans la salle à manger.

Séance 4 Quand un objet banal devient attachant…

« Le Cageot » de Francis Ponge

Objectifs : 1/ Analyser un poème en prose. 2/ Etudier comment le poète joue avec les
mots et les figures de style pour donner vie à un objet banal.

Compétence : élaborer une interprétation d’un poème : comment un poète rend-il


attachant un objet sans intérêt ?

Dès le début de ce poème en prose, rédigé sous forme de paragraphes, le « cageot » est
caractérisé par l’enfermement et est comparé à deux lieux signifiant la prison : « la
cage » et « le cachot ». On remarque le jeu sur les sonorités très proches des trois
mots ; « cage », « cachot » et « cageot » (idée de mot-valise ? Prendre l’exemple de «
Scolinfo »)

Le cageot a une fonction, un métier : il est « voué » au transport des fruits. Il est donc
personnalisé.

Il vit moins longtemps que les denrées qu’il renferme et est donc éphémère.

Avec « il luit de son éclat sans vanité », cette nouvelle personnification met en valeur sa
modestie.

Les adjectifs « ahuri », « sympathique » le personnifient aussi. Il apparaît « maladroit »,


« un peu ridicule » et « sympathique » car c’est un objet pratique et banal.

Conclusion : ce poème en prose évoque un objet qui n’est pas spécialement poétique à
première vue. En effet, ce banal cageot, voué au transport des légumes, est brisé à la fin
du poème. Cependant, grâce aux diverses personnifications, au jeu sur les sonorités, le
cageot devient un objet poétique.

Activités :

I/ Compare le poème « Le cageot » de F. Ponge avec l’article de dictionnaire ci-dessous.


Lequel préfères-tu ? Et pourquoi ?

CAGEOT, n.m. 1 Emballage à claire-voie, souvent sans couvercle, en bois, en


plastique, servant au transport des denrées alimentaires périssables. […]

Article « cageot », Le Petit Robert, 2016.

II/ Cherche la définition du mot « bateau ».

A la manière de F. Ponge, écris un poème à partir de ce mot. Joue sur les sonorités, les
jeux de mots, … Utilise des métaphores, des comparaisons, des personnifications.
Séance 5 Un nouveau regard sur l’objet poétique.

Objectifs :

*Découvrir un calligramme : « La cravate » de Guillaume Apollinaire.

*Voir comment la relation entre le texte et la mise en page offre un nouveau regard sur
l’objet.

A/ Observation :

1/ Observe attentivement ce calligramme. Que constates-tu ? (temps, modes,


ponctuation, …)

2/ Essaie de donner une définition de « calligramme ».

Un calligramme est un mot inventé par Apollinaire qui désigne un poème dont la
disposition graphique forme un dessin en rapport avec le thème (titre) du poème.

B/ Compréhension :

1/ Relève les pronoms personnels. A qui s’adresse Guillaume Apollinaire ? Comment le


nomme-t-il ? Quelle est la classe grammaticale du mot qui précède « civilisé » ? Quel est
l’antonyme de « civilisé » ?

2/ Que demande le poète à son destinataire?

3/ Que symbolise la cravate ? Dans quelles occasions porte-t-on une cravate ?

4/ Ce calligramme donne-t-il une impression de lourdeur ou de légèreté ? Relève les


adjectifs qualificatifs.

Atelier :

1/ A votre tour, choisissez un objet et créez un calligramme.

2/ Présentez-le aux autres groupes. Préparez un questionnaire : Que représente ce


calligramme ? Quel est l’intérêt de ce calligramme ? …

Séance 6 / Atelier écriture

A partir d’une nouvelle d’Objets éphémères, « Autopsie d’un chewing-gum », écrivez à


votre tour, une nouvelle en personnifiant un objet (ce travail peut être proposé à des
élèves de troisième lorsqu’ils étudient la Première Guerre mondiale : faire parler un
fusil ; un casque ; des bottes…

Séance 7

Evaluation de lecture cursive

Au choix :

1/ Alice au pays des Merveilles de Lewis Carroll (Carrés Classiques – Nathan)

2/ Objets éphémères de Christine Dérouette (Les Editions Persée)

Questions de lecture pour Objets éphémères :


1/ Que signifie l’adjectif « éphémère » ?

2/ Qu’est-ce qu’un éphémère ? Pourquoi le nomme-t-on ainsi ?

3/ Quelle figure de style revient dans chaque nouvelle ?

4/ Ces portraits sont-ils péjoratifs ou mélioratifs ? Réponds en utilisant trois exemples du


livre.

5/ Ces nouvelles se terminent-elles bien ? Choisis trois exemples.

6/ Résume la nouvelle que tu as préférée en cinq lignes et explique ensuite ton choix (5
lignes – 3 arguments).

Voir fiche de lecture avec corrigé.

Les autres évaluations :

Dominante : Orthographe

Support : La bicyclette de J. Réda

Dictée : « La bicyclette »

Passant dans la rue un dimanche à six heures, soudain,

Au bout d’un corridor fermé de vitres en losange,

On voit un torrent de soleil qui roule entre des branches

Et se pulvérise à travers les feuilles d’un jardin,

Avec des éclats palpitants au milieu du pavage

Et des gouttes d’or en suspens aux rayons d’un vélo.

C’est un grand vélo noir, de proportions parfaites,

Qui touche à peine au mur. Il a la grâce d’une bête

En éveil dans une fixité calme : c’est un oiseau. […]

Jacques Réda, « La bicyclette »

Dominante : évaluation orale / récitation

Au choix (mise en scène et récitation) :

1/ « Le Pot de terre et le Pot de fer » de Jean de La Fontaine (Livre V, II)

OU

2/ « Déjeuner du matin » de Jacques Prévert.

SOURCES : Quelques idées trouvées dans les manuels BORDAS et BELIN (programme
2016)

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