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Genèse, Typologie Et Utilisation Des Sols: Sommaire Analytique
Genèse, Typologie Et Utilisation Des Sols: Sommaire Analytique
GENÈSE, TYPOLOGIE
ET UTILISATION DES SOLS
par Jean-Claude BEGON et Marcel JAMAGNE
Directeurs de Recherches à l’INRA
Service d’Étude des Sols et de la Carte Pédologique de France INRA - Orléans
SOMMAIRE ANALYTIQUE
I. Introduction (1 à 5)
II. Facteurs de la formation des sols (6 à 30)
A. Matériaux originels (6 à 12)
Liste B. Climat (13 à 15)
C. Relief - Géomorphologie (16 et 17)
D. Régimes hydriques (18 à 23)
E. Végétation (24 à 26)
Ta b l e
F. Facteur temps (27 à 30)
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AISS : Association Internationale de Science du Sol.
CPCS : Commission de Pédologie et de Cartographie des Sols.
INA-PG : Institut National Agronomique de Paris-Grignon.
INRA : Institut National de la Recherche Agronomique.
SESCPF : Service d’Étude des Sols et de la Carte Pédologique de France.
STIPA : Système de Transfert de l’Information Pédologique et Agronomique.
Liste
Ta b l e
I n dex
Glossaire
23.– Un engorgement prolongé de la porosité du sol induit 28.– Les sols les plus anciens, et qui sont aussi les plus diffé-
un déficit en oxygène et donc une ambiance réductrice. La renciés, ne se sont guère conservés que sur de vieilles surfa-
conséquence la plus visible en est la réduction du fer sous ces épargnées par l’érosion. Les sols développés sur les gran-
sa forme ferreuse, qui se signale par des teintes allant du des terrasses alluviales des couloirs fluviaux sont déjà moins
gris au gris bleuté. En outre, cette forme ferreuse est anciens. Ils présentent cependant des caractères d’évolution
mobile, parce que soluble, et peut donc migrer à l’intérieur évidents, notamment un appauvrissement de leur partie
du sol avec l’eau. En phase de ressuyage, certaines portions supérieure. Les sols les plus jeunes sont développés sur les
du sol s’assèchent plus rapidement et engendrent, par oxy- alluvions et colluvions récentes et ne présentent tout au plus
dation, des précipitations de fer sous sa forme ferrique qu’un léger appauvrissement et un début de structuration.
couleur rouille. Il en résulte que les zones du sol soumises 29.– Le réchauffement post-glaciaire du climat s’est fait
à de telles alternances de conditions réductrices et oxydan- cependant avec des ruptures : des périodes plus froides, plus
tes, notamment la zone de battement d’une nappe, présen- chaudes ou plus sèches. On en trouve des traces sur des sols
tent le plus souvent une marqueterie de taches grises et « fossiles » enfouis sous des apports plus récents qui les ont
rouille. On parle « d’horizon de pseudogley ». Le terme de protégés. C’est notamment le cas au sein des formations
« gley » est réservé aux horizons soumis en quasi-perma- lœssiques dont l’apport s’est fait en plusieurs épisodes.
nence à un excès d’eau ; ils présentent une teinte unifor-
mément gris-bleu. 30.– La mise en valeur agricole est la dernière grande rup-
ture : les grands défrichements et les érosions qu’ils ont
Plus largement, on parle de phénomènes d’« hydromor- générées, l’assainissement des zones humides, l’utilisation
phie » et d’« horizons hydromorphes ». des engrais, amendements et pesticides qui modifient pro-
Liste fondément le chimisme et les activités biologiques du sol.
E. Végétation
III. CARACTÉRISATION DES SOLS
24.– Les différentes formations végétales interviennent
dans la genèse des sols selon des processus différents et 31.– Les facteurs de la formation du sol sont étroitement
Ta b l e interdépendants et prennent donc tous une certaine part
avec plus ou moins d’intensité. Leur effet s’exerce princi-
palement par l’action de divers types d’enracinement, dans les processus de pédogenèse : altération, humifica-
ainsi que par l’apport de résidus végétaux de composi- tion, migrations... qui effacent progressivement les struc-
tion variée. En climats tempérés, les débris végétaux tures originelles des matériaux géologiques pour leur
retournent annuellement au sol. Ils s’y décomposent et se substituer, ou tout au moins leur surimposer des structu-
Index transforment plus ou moins vite en humus selon leur res entièrement nouvelles que l’on qualifie « d’organisa-
nature et les conditions offertes aux activités biologiques tions pédologiques ».
qui sont les agents essentiels du processus dit de « Ilhu- L’examen de ces organisations est essentiel au pédologue
mification (Duchaufour, 1983, 1991). pour comprendre les relations que le sol entretient avec
25.– Le climat commande bien entendu la nature des son environnement et quelles seraient ses réponses à des
Glossaire
associations végétales. Il s’établit une zonation à l’échelle aménagements ou à de nouvelles pratiques.
du globe en fonction de la latitude (forêt équatoriale,
savane, taïga...) et d’un effet régional plus ou moins mar- A. Les niveaux d’organisation
qué de « continentalité » ou « d’influences océaniques ». 32.– Le sol présente généralement une architecture
Dans les zones montagneuses, c’est l’altitude qui com- interne à plusieurs niveaux d’organisation. A chacun de
mande l’étagement de la végétation en forêt feuillue, ces niveaux, on peut identifier des volumes de dimensions
forêt mixte, forêt de résineux, et enfin les alpages. voisines, offrant de mêmes caractères morphologiques
26.– A l’échelle locale, l’exposition, la nature des maté- qui les originalisent. Les volumes de dimensions modes-
riaux originels peuvent privilégier ou au contraire inter- tes, jusqu’au décimètre, peuvent être plus ou moins aisé-
dire telle espèce à l’intérieur de l’association végétale en ment isolés à la main. Ces éléments structuraux consti-
équilibre avec le climat général de la région. On parle tuent des agrégats et représentent la « structure » qui est
d’espèces calcicoles, acidiphiles, également d’espèces de l’un des paramètres essentiels de la « description morpho-
stations fraîche, humide... qui reflètent des exigences diffé- logique » du sol. Le terme « microstructure », auquel
rentes en termes de besoins nutritionnels, de susceptibilité répond celui de « micromorphologie », est réservé dans la
à une toxicité, de microclimat... (Duchaufour, 1991). pratique aux niveaux d’organisation les plus fins, étudiés
au microscope.
F. Facteur temps 33.– Les organisations élémentaires et les agrégats structu-
raux. Les premières résultent de l’assemblage direct des
27.– La durée pendant laquelle s’est exercée l’influence constituants élémentaires du sol et ont des dimensions qui
des différents facteurs de la pédogenèse est très variable. débutent au niveau microscopique pour atteindre celui des
Les altérations notamment peuvent être très anciennes, premiers agrégats discernables à l’œil nu. On les étudie au
mais l’on peut considérer, tout au moins sous nos cli- microscope, sur des coupes minces, après enrobage dans
mats, que la pédogenèse n’a pu réellement s’exprimer de la résine. La description des assemblages, ou « micro-
que postérieurement à la dernière grande phase glaciaire, morphologie », recourt à un langage codifié - squelette,
soit il y a quelque 10 000 ans, avec l’apparition progres- fond matriciel, vides, concentrations, séparations... - qui
sive d’un couvert végétal. fait l’objet de glossaires (Fedoroff et coll., 1987).
ture particulière, pour libérer des oxydes de fer et donner C. Bases de l’observation
éventuellement naissance à la formation d’argiles. C’est et de la description des sols
donc un horizon d’altération en place (anciens B structu-
ral et B de couleur). 48.– Les sols se distinguent avant tout par des caractéris-
tiques morphologiques, décelables essentiellement lors
44.– * Les horizons C sont des horizons minéraux, non de l’examen de fosses ou tranchées. Il est donc indispen-
cohérents, analogues ou non au matériau originel pré- sable de prévoir une harmonisation dans le recueil de
sumé du sol, peu affectés par les processus pédogénéti- cette information.
ques, ne présentant pas les caractères distinctifs des hori-
zons A et B, mais pouvant cependant être modifiés par 49.– Il est tout d’abord très important de préciser l’état
certains phénomènes comme : d’humidité d’un sol lors de sa description, en raison de
son effet considérable sur de nombreuses caractéristiques
– une altération indépendante de l’activité biologique telles que la couleur, la consistance, la compacité.
principale ;
– une cimentation, induration ou compaction éventuelle ; 1. Couleur
– l’influence d’une nappe phréatique temporaire ou per- 50.– Lorsqu’un sol présente une teinte uniforme, la des-
manente ; cription à l’aide d’un code (Munsell par exemple) est aisée.
– une accumulation de carbonates. Lorsque des phénomènes d’oxydo-réduction, de
45.– * Les horizons R et M sont constitués par des roches (« gleyification »), se manifestent, on observe un bariolage
cohérentes (dures = R, consolidées = M) ayant donné ou plus ou moins net du matériau. Et de même, des phéno-
Liste non naissance au matériau sus-jacent. Le symbole M ou mènes de micropodzolisation latérale le long de pertuis
R est employé seul lorsque la roche est présumée être à radiculaires peuvent conférer au sol un aspect marmoréen.
l’origine du matériau meuble le recouvrant ; dans le cas Par ailleurs, certains caractères de coloration spécifiques,
contraire, un chiffre romain le précède pour indiquer comme les revêtements argileux ou humifères, les indura-
l’existence d’une discontinuité lithologique. tions et concrétions ferromanganésifères, sont significatifs
Ta b l e de processus et fonctionnements particuliers.
2. Le profil cultural Une grande attention est accordée notamment aux varia-
46.– L’analyse du « profil cultural » s’applique, comme le tions de teinte ou de dessin d’un bariolage d’un horizon à
nom l’indique, aux sols cultivés. Il s’agit essentiellement l’autre, en ce qu’elles sont révélatrices du fonctionnement
d’une méthode de diagnostic du rôle limitant de certai- hydrique du sol.
Index
nes propriétés physiques et du choix des moyens à même 51.– Certains dépôts peuvent cependant présenter une
de corriger ces insuffisances (Hénin et al., 1969). Le profil couleur de fond en relation avec la composition minéralo-
cultural est la « superposition de couches et d’horizons gique de leurs argiles et leur teneur en oxydes : on parle de
induits par les outils et l’action des racines... », et, tel lithochromie. C’est notamment le cas des argiles tertiaires
Glossaire quel, identifié par rapport au profil pédologique. ou secondaires, localement glauconieuses (teinte verte), et
Les critères de description du profil cultural procèdent de de faciès du Permien ou du Keuper (teintes rouge foncé).
manière évidente de la confrontation entre la description
d’un état physique (épaisseur des couches, humidité, 2. Composition minérale
structure) et la recherche d’indices révélateurs de dys- 52.– Texture. La notion de texture, appliquée à un maté-
fonctionnements (traces d’hydromorphie, état des matiè- riau-sol, correspond à l’ensemble des propriétés résultant
res organiques, abondance et état des racines) (Stengel, directement de la taille de ses constituants (Fasc. 1130).
1990). Elle représente l’une des caractéristiques fondamentales
47.– Une systématisation de ces notions a été introduite du sol et est essentielle pour l’identification des maté-
par Manichon (1982). Son objectif est plus ambitieux : riaux originels et des horizons. La structure (v. n. 58), la
une description de la structure des couches travaillées de dynamique de l’eau, en dépendent largement.
façon à observer et quantifier les effets des systèmes de Cette notion de texture s’applique plus précisément aux
culture et des itinéraires techniques et d’en comprendre particules élémentaires minérales du sol inférieures à 2
les mécanismes. Cette approche implique de décrire mm. Celles-ci sont classées suivant leurs dimensions par
séparément les volumes de sol ayant subi des successions référence à une échelle internationale : Argiles (0-2 u =
de sollicitations différentes, de façon à pouvoir relier un microns), Limons fins (2-20 u), Limons grossiers ou
état observé à ses facteurs explicatifs, en retenant essen- Sables très fins (20-50 u), Sables fins (50-200 u), Sables
tiellement des critères morphologiques de description. grossiers (200-2 000 u), Éléments grossiers (+ de 2 mm).
Deux niveaux d’observations sont prévus : Cependant, dans certains cas, et en particulier pour mieux
caractériser l’origine et la nature des sédiments, on peut
– l’état interne des éléments structuraux, c’est-à-dire la effectuer davantage de fractionnements (Baize, 1988).
qualité des mottes individualisées par le travail du sol
(mottes de type « delta » et « gamma ») ; 53.– Teneur en calcaire de la terre fine. Cette teneur, sou-
vent matérialisée par des couleurs et des concentrations
– les modalités d’assemblage de ces éléments structuraux. particulières, peut être mise en évidence par réaction
On constate donc ici une extension importante de la avec de l’acide dilué, l’importance de l’effervescence
notion d’horizons, qui sont essentiellement définis ici obtenue étant normalement en relation avec la quantité
par les actions anthropiques qu’ils ont subies. de carbonate de calcium présent.
10
Le prélèvement d’échantillons non perturbés pour la 69.– En effet, certains matériaux ou situations topogra-
détermination de propriétés physiques ou pour la micro- phiques peuvent présenter un caractère suffisamment
morphologie requièrent par ailleurs des techniques spéci- extrême pour orienter entièrement l’évolution du sol
fiques (boîtes métalliques, techniques d’enfoncement et (tels les matériaux très argileux ou très riches en sels, ou
de dégagement...). des points marécageux soumis en permanence à un excès
L’ensemble des échantillons ainsi prélevés fait l’objet de d’eau). Auxquels cas on parle de « sols azonaux » ou
déterminations et d’analyses physico-chimiques et miné- « stationnels ». Et les grands modes de pédogenèse
ralogiques maintenant standardisées aux niveaux natio- s’appellent ici « vertisolisation », « hydromorphie »...
nal et international.
70.– Plusieurs catégories de processus de la genèse des
sols doivent être évoquées. Toutes sont étroitement
IV. PROCESSUS DE LA PÉDOGENÈSE
dépendantes à la fois de la nature des roches mères et des
conditions pédoclimatiques qui intègrent le climat et la
A. Différenciations verticale et latérale végétation. Indépendamment de l’incorporation de la
65.– Les conditions ayant présidé à la différenciation des matière organique et des phénomènes d’humification,
sols : origine géologique, mode de mise en place, impor- deux catégories de processus regroupent respectivement
tance des altérations, évolutions physico-chimique et les mécanismes d’altération et les phénomènes de redis-
biologique, y ont induit une double différenciation : dans tribution de matière.
leur organisation verticale et dans leur répartition spatiale.
Liste La première correspond à la notion traditionnelle de pro-
fil de sol telle que nous l’avons décrite, la seconde ne peut C. Altération et brunification
s’appréhender qu’en observant et analysant des toposé-
71.– Il est possible de distinguer ici des mécanismes
quences paysagiques, en étudiant suffisamment finement
d’altération physique et géochimique. Les premiers sont
les relations qui existent entre les différents profils de sols
Ta b l e se succédant sur un versant. responsables du fractionnement de la roche initiale sous
l’effet de phénomènes tels que les cycles humectation/
L’importance relative de ces deux modes de différencia- dessication et gel/dégel. Ce fractionnement peut aller
tion est naturellement liée aux possibilités de transferts jusqu’à une microdivision générant des fractions de plus
d’eau, de solutés et de particule, responsables en grande en plus fines : sableuses, limoneuses, et de la dimension
partie de l’évolution des couches de surface. des argiles (< 2 u). Les seconds ont alors leur tâche facili-
Index
tée par l’augmentation des surfaces exposées à l’action
B. Pédogenèses climatique et stationnelle agressive d’eaux chargées de diverses substances acides,
66.– L’examen des caractéristiques du sol permet au notamment d’origine organique.
pédologue de discerner quels facteurs ont joué le rôle le
72.– L’action successive ou conjuguée de ces mécanismes
Glossaire plus déterminant dans la formation du sol. Soit que ces
facteurs aient toujours primé sur les autres, soit que leur provoque une première homogénéisation du matériau,
action se soit exercée sur une durée plus longue. faisant ainsi disparaître les structures lithologiques initia-
les pour les remplacer par une structuration pédologique
67.– C’est ainsi que dans les régions du globe où le climat comme nous l’avons décrite plus haut.
est à la fois bien tranché et stable depuis longtemps de
l’ordre du million d’années, les sols présentent partout de Un relais est alors pris très rapidement par les différentes
mêmes grandes organisations pédologiques. Ainsi, en activités biologiques : enracinement lié à la colonisation
région tropicale, un granite, un grès, ont subi pareille- par la végétation, actions fauniques et microbiologiques,
ment une altération et un appauvrissement très conduisant éventuellement à d’autres types de structura-
intenses ; ils donnent tous deux naissance à une latérite tion. La matière organique libère ainsi des composés
(ou ferrallite) et ne se distinguent guère que par quelques humiques qui forment, avec les éléments issus de l’altéra-
caractères mineurs. D’un autre côté, ces mêmes roches tion, des complexes organo-minéraux, de nature très
donnent naissance à un podzol dans le nord de la Russie, variable, et qui confèrent au sol un grand nombre de ses
sous climat sub-boréal. Dans les deux cas, on parle de « propriétés.
sols zonaux » pour rendre compte de cette zonalité pédo-
logique calquée sur celle des bioclimats. Et les « grands 73.– Le processus de brunification correspond à une alté-
modes de pédogenèse » qui leur correspondent sont ration ménagée - principalement sous climat tempéré
appelés, ici ferrallitisation et là podzolisation. humide - des minéraux primaires de la roche-mère. Le
68.– Dans un pays tel que le nôtre, de climat tempéré, où milieu est faiblement acide et les structures cristallines
l’évolution des sols ne s’est marquée que depuis la fin de des minéraux sont peu affectées. Une partie des bases
la dernière période glaciaire (indépendamment de sols libérées lors de l’altération géochimique sont éliminées
fossiles et paléosols), l’effet du bioclimat se traduit essen- dans les eaux de percolation, tandis qu’une libération
tiellement dans le caractère modéré des altérations et un modérée d’oxydes de fer intervient. L’association de ces
rôle significatif des activités biologiques. La majeure par- oxydes avec la fraction argileuse et les matières organi-
tie des caractères du sol sont en fait imposés par la nature ques humifiées (humus de type Mull) confère au sol une
des matériaux originels ou des conditions stationnelles teinte brune caractéristique qui justifie les appellations
liées au modelé. « sols bruns » et « brunification ».
11
12
83.– La classification française des sols de 1967 constitue B. Quelques grands types de sols
un exemple caractéristique (CPCS, 1967; P. Duchaufour,
86.– La formation d’un sol résulte souvent d’un enchaî-
1983-1991). Aux niveaux supérieurs de la classification
nement de pédogenèses, chacune d’entre elles créant les
générale, constitués par les Classes, Sous-Classes, Grou-
conditions propices à l’apparition de la suivante. Ceci
pes et Sous-groupes de sols, les critères fondamentaux
conduit à la notion d’évolution séquentielle, associée à
utilisés sont les suivants :
celle de phyllum pédogénétique (Jamagne et Begon,
Classes de sols.– Degré d’évolution et de différenciation 1984) (Fig. 1).
du profil. Mode d’altération en liaison avec l’évolution Nous évoquerons successivement quelques types de sols
des minéraux. Nature et action de la matière organique. parmi les plus représentés sur notre territoire, et ce par
Dominance de certaines conditions physico-chimiques : grands types de matériaux originels, à savoir : les matériaux
hydromorphie, salinité... calcaires, les matériaux sableux et les formations limoneu-
Sous-classes de sols.– Influence des conditions de pédocli- ses. Les premiers correspondent donc à une évolution en
mat, d’où peuvent découler des « ambiances physico-chi- milieu calcique, saturé en bases, les autres à un développe-
miques » particulières : régime thermique, régime hydri- ment en milieu désaturé, acide. Les définitions seront celles
que, variations cycliques dans la concentration des d’une part de la classification « CPCS », d’autre part celles
solutions du sol. Peuvent intervenir également des processus de l’actuel « Référentiel Pédologique » (entre parenthèses).
considérés comme secondaires au niveau des classes : lessi-
vage, intensité de l’oxydo-réduction, acidification... 1. Sols sur matériaux calcaires
Liste
Groupes de sols.– Morphologie du profil et différenciation 87.– Ces sols sont caractéristiques de nombreuses surfa-
des horizons, traduisant un processus génétique déterminé. ces cultivées en régions crayeuses (Champagne), mar-
Sous-groupes de sols.– Variations dans l’intensité du pro- neuses (Argonne), et sur calcaires durs (auréole jurassi-
cessus définissant le groupe et apparition éventuelle d’un que des bassins sédimentaires). Le profil initial est du
processus secondaire. type A/C ou A/R, en fonction de la nature plus ou moins
Ta b l e dure et cohérente du matériau originel. Cependant, une
84.– Les niveaux inférieurs de la classification sont défi- décarbonatation progressive intervient qui induit la dif-
nis essentiellement à partir de critères directement inter- férenciation d’un horizon structural au sein du manteau
prétables pour l’utilisation et la conservation des sols. de résidus insolubles (auparavant prisonniers de la
L’unité taxonomique de base est représentée par la « Série roche) qui se forme à la partie supérieure du solum.
Index de Sols », notion qui correspond à un besoin pratique de
Le profil est alors du type A/S/C ou R et l’on note souvent
classification des terrains en vue de la cartographie systé-
la concentration en sous-sol de carbonates dits secondai-
matique, et qui a été mise au point aux États-Unis
res, reprécipités sous forme de « mycélium », de nodules
(Simonson, 1989). Cependant, entre cette catégorie et les
ou d’encroûtements.
unités supérieures de classification existe un autre
niveau, celui de la « Famille de sols ». Les sols auxquels nous avons affaire sont des Rendzines
Glossaire
typiques, des Rendzines « brunifiées », des Sols bruns cal-
85.– Plus récemment, dans le cadre de la valorisation et de caires ou calciques pour les plus nombreux (Rendosols -
la structuration des connaissances acquises depuis près de Calcosols - Calcisols - Brunisols saturés) (Fig. 1).
20 ans tant en France qu’à l’étranger, un référentiel des
types de sols est en cours d’élaboration sous l’égide de
l’AFES et de l’INRA, le « Référentiel Pédologique » (AFES- 2. Sols sur matériaux sableux
INRA, 1992). 88.– En fonction des propriétés intrinsèques des maté-
riaux : réserve en minéraux altérables, mode de transport
Ce système consiste en :
et mise en place, la différenciation peut être plus ou
– une liste d’horizons de référence (horizons d’interpréta- moins rapide et intense sous l’influence des conditions
tion) dont il est fourni une définition et une caractéri- pédoclimatiques.
sation précises ;
Les horizons d’accumulation d’argile du type BT s’orga-
– une collection de solums de référence (diagnostiques) défi- nisent le plus souvent en bandes d’épaisseur centimétri-
nis par des superpositions d’horizons de référence, com- que, se localisant de façon préférentielle aux discontinui-
plétée d’une liste de « macro-caractères » relatifs à plu- tés de sédimentation, même peu marquées, préexistant
sieurs horizons. Pour l’établissement des références, il a au sein du matériau. Une désaturation progressive par
été tenu compte le plus possible des propriétés et fonc- lixiviation et une évolution géochimique plus importante
tionnements physico-chimique, hydrique et structural ; sous l’influence de composés acides provoquent alors la
– une liste de termes (adjectifs, préfixes, périphrases) destruction partielle ou totale de ces concentrations argi-
définis avec précision, qui, ajoutés au nom de la réfé- leuses, laissant la place aux processus de podzolisation
rence, permettent de fournir nombre d’informations proprement dits. Les types de sols de cette première
supplémentaires. phase sont ainsi des Sols « bruns », ainsi que des Sols
Chaque profil, chaque plage cartographique ou chaque lessivés et lessivés podzoliques (Arénosols typiques, luvi-
unité cartographique peuvent ainsi être rattachés à une ques, néopodzoliques).
ou plusieurs catégories du référentiel. Ce système consti- On observe ensuite deux types essentiels de podzolisa-
tue donc un langage qui permet à tous les pédologues tion possibles : soit une podzolisation modérée condui-
d’échanger des informations sans ambiguïté. sant à la différenciation de Sols ocreux, cryptopodzoliques
13
FORMATIONS
RENDOSOL CALCOSOL CALCISOL BRUNISOL SATURE
CALCAIRES
ARENOSOLS PODZOSOLS
typique luvique leptique typique
Liste
SABLEUSES
Ta b l e
S. brun S. lessivé S. podzolique Podzol
LIMONEUSES
LOESSIQUES Glossaire
Milliers d'années
Durées d'évolution :
Dizaines de milliers d'années
14
et ocre podzoliques, soit une podzolisation forte condui- très acidifiés, voient se manifester une évolution podzoli-
sant aux sols les plus différenciés de type sols podzoliques que dans leur partie supérieure.
ou Podzols (Alocrisols et Podzosols). 91.– Cette évolution en séquence, ou « phyllum », a un carac-
L’évolution podzolique peut être associée à des processus tère très général, et elle intéresse aussi bien l’ensemble des
d’hydromorphie, comme c’est le cas dans la région des matériaux limoneux. Son cours peut cependant être assez
Landes où de nombreuses microtoposéquences mon- fortement modifié dans certaines conditions de milieu. Ainsi
trent le passage de sols hydromorphes podzoliques à des dans le cas d’alluvions anciennes, l’hydromorphie est plus
podzols très différenciés (sols à « alios » des Landes) précoce en raison de leur dispositif en larges terrasses mal
(Righi, 1977). drainées. L’horizon BT est ici plus argileux mais moins struc-
turé et donc moins perméable. D’un sol dégradé glossique on
89.– Les altérations en place de roches cristallines, érup- passe très rapidement à un sol dégradé dit planosolique, voire
tives ou métamorphiques donnent par ailleurs naissance à un planosol, où le contact E/BT prend un dessin linéaire,
à des « arènes » de granulométrie variable en fonction de souvent souligné par des concentrations ferriques allant
la quantité et de la qualité des minéraux altérables origi- jusqu’à l’induration en carapace le « grep » toulousain des
nels et de l’intensité des processus d’argilisation. Certai- sols de type « boulbène » (Begon, 1979).
nes d’entre elles peuvent être très sableuses et subir ainsi
la succession des phases évolutives que nous venons 92.– Nous dirons enfin quelques mots sur les sols déve-
d’évoquer. On retrouve essentiellement ces sols dans les loppés sur matériaux argileux. Dans le cas de formations
massifs collinaires et montagneux (Vosges, Massif Cen- sédimentaires, et si elles n’évoluent pas en pélosols ou
tral, Alpes, Pyrénées) ; la morphologie des profils y tra- vertisols (Duchaufour, 1991 ; AFES-INRA, 1992), un
Liste duit rarement une podzolisation accentuée, mais appauvrissement en argile peut survenir à leur partie
exprime le plus souvent une podzolisation modérée supérieure du fait d’une circulation hydrique essentielle-
caractérisée par la présence de Sols ocre podzoliques ment latérale, en écoulement hypodermique. Un horizon
(Podzosols ocriques). E se différencie donc directement aux dépens du massif
argileux et l’on passe sans transition d’un sol brun initial
Ta b l e
à des sols de type sol planosolique et planosol.
3. Sols sur formations limoneuses
et sur matériaux argileux
C. Découpage de la couverture pédologique
90.– Ces matériaux, le plus souvent d’origine lœssique,
sont propices à une différenciation rapide par lessivage 93.– L’analyse des organisations de la couverture pédolo-
Index gique procède d’une démarche dont l’objectif premier est
des argiles. Cependant, nombre d’entre eux étaient ini-
tialement calcaires et ont donc subi au préalable une d’établir et de formuler des lois de distribution spatiale
décarbonatation, donnant naissance successivement à des sols à différents niveaux d’organisation de l’espace
des sols bruns calcaires puis calciques ; les traces en sont géographique. Le mode d’expression traditionnel de
notamment les bien connues « poupées du lœss », nodu- cette analyse est une carte de sols. S’y substitue
Glossaire aujourd’hui, de plus en plus, des bases de données-sols
les calcaires très indurés résultant de la précipitation des
carbonates dans la partie inférieure du solum. La pour- spatialisées et des Systèmes d’lnformation Géographique
suite de cette évolution conduit à un sol brun proprement (dits SIG) qui, à la fois, constituent un outil d’analyse
dit, qui voit se différencier un horizon coloré et bien spatiale et apportent une grande souplesse de choix dans
structuré à faible profondeur : l’horizon S. les modes de représentation, facilitant ainsi la gestion et
le traitement des données.
La désaturation progressive du sol par lixiviation crée
Quoiqu’il en soit, le travail du pédologue - cartographe
ensuite des conditions favorables au lessivage. On assiste
est de procéder au découpage de la couverture pédologi-
alors à la différenciation de sols bruns lessivés, puis de sols les-
que en volumes sensiblement homogènes, d’en décrire le
sivés, caractérisés par un horizon E appauvri en argile et fer
contenu et de les repérer dans l’espace (Jamagne, 1993).
surmontant un horizon BT enrichi de ces mêmes éléments
(Néoluvisols et Luvisols typiques). L’argile ainsi mobilisée se 94.– Le continuum constitué par la couverture pédologi-
répartit en se concentrant dans les pores et sur les faces des que peut être subdivisé en deux types de sous-ensembles
éléments structuraux, en revêtements caractéristiques. (Girard, 1984) :
L’intensification de cette différenciation tant structurale – les uns homogènes et correspondant à un découpage
que texturale, entre horizons E et BT, conduit à la mani- horizontal : les Horizons (v. n. 34) ;
festation de conditions d’engorgement temporaire par – les autres hétérogènes, constituant des ensembles territo-
l’eau dans leur zone de contact. L’hydromorphie qui en riaux cartographiables et correspondant à un découpage
résulte et l’acidification qui l’accompagne sont de plus en vertical : les Unités typologiques et cartographiques de sols.
plus accusées et provoquent la destruction de la partie
supérieure du BT, par remise en mouvement et sans 95.– Une Unité Typologique de Sol (UTS) est constituée
doute altération des argiles précédemment déposées. On par ce que l’on a défini comme « Profil » ou « Solum »,
observe un approfondissement de l’horizon E aux dépens c’est-à-dire un volume de la couverture pédologique pré-
de l’horizon BT dans lequel il s’enfonce sous forme de sentant partout où il est présent la même superposition
langues (« glosses »). Les sols sont dits alors sols lessivés d’horizons, l’un ou l’autre de ces horizons pouvant être
dégradés glossiques, sous-entendu hydromorphes (Luvi- éventuellement absent.
sols dégradés). Il est enfin fréquent que de tels sols, déjà Les Unités Cartographiques de Sols (UCS)
15
16
Luvisol
(érodé)
Luvisol
U.T.S. U.T.S.
U.C.S. 1 U.C.S.
2
2 1
1
3
U.F.S. 3
4
4
2 5 2
Rendosol 6 5
3 5 3 Horizon L Crétacé
Calcisol Horizon E Grève crayeuse
Horizon BT Colluvions
Liste anciennes
Loess Colluvions
récentes
Colluviosol
Transferts hydriques de particules…
Ta b l e
Fig. 2. – Bloc diagramme illustrant les notions d’Unités Typologiques de Sols (UTS) :1 à 6, d’Unités Cartographiques de Sols
(UCS) : 1, 2, 3 et d’Unités de Fonctionnement de Sols (UFS). Le « vecteur » de l’UFS est ici constitué par les phénomènes de
ruissellement et d’érosion.
104.– Un modèle relationnel permet donc d’organiser les d’une telle évaluation. La carte des sols est ainsi « traduite
Index informations de façon à ce qu’elles reflètent le mieux » en une carte d’aptitude qui, selon le cas, apporte un ou
possible la structure spatiale de la couverture pédologi- plusieurs types d’informations :
que. Ce modèle permet non seulement d’expliquer la dis-
– le simple exposé des caractéristiques du sol et singulière-
tribution spatiale des différents types de sols, mais aussi
ment de ses contraintes vis-à-vis de l’utilisation envisagée ;
de formuler leurs inter-relations essentielles. La carte
Glossaire stricto sensu « classique » n’en est pas pour autant sup- – l’exposé des solutions techniques propres à rendre le sol
primée, mais elle représente une vue partielle de ce apte à cette utilisation ;
modèle d’organisation, vue orientée vers une thématique
– l’estimation globale d’un degré d’aptitude aux fins de clas-
définie en réponse à un problème posé.
ser entre elles les unités cartographiques d’un territoire
donné, soit en termes d’aptitudes actuelles, soit en termes
VI. UTILISATION DES DONNÉES SOLS d’aptitudes potentielles préjugeant des améliorations atten-
SPATIALISÉES dues de l’application des solutions techniques proposées.
107– Les sols sont impliqués par ailleurs dans une politique
A. L’utilisation et la protection des sols générale de conservation des ressources naturelles. Les sols
105.– Indépendamment de l’intérêt scientifique qu’elle sont en eux-mêmes directement menacés par les érosions,
présente, la connaissance des sols est indispensable à une l’acidification, l’altération de leurs qualités biologiques, et,
gestion rationnelle de l’espace rural (Boulaine, 1980). indirectement, ils interviennent dans le maintien de la qua-
En fonction de leurs propriétés et de leur distribution lité de l’eau, de la diversité des écosystèmes, et celui de
dans l’espace, les sols se prêtent plus ou moins bien aux grands équilibres naturels. Le jugement porté par le pédolo-
différentes utilisations que l’homme veut en faire (Jama- gue s’exprime davantage ici en termes de sensibilité ou de
gne et al., 1977). Ce sont en priorité les utilisations agri- mise en défens, par exemple : limitations d’apports de nitra-
coles, mais aussi des utilisations non-agricoles telles que tes dans les zones de recharge des nappes, ou l’interdiction
les loisirs ou les transports, ou des utilisations mixtes tel de construire sur les terres agricoles jugées les meilleures.
l’épandage d’effluents industriels ou urbains où le sol 108.– A la différence des cartes d’aptitude cependant,
bénéficie d’apports en éléments fertilisants en même l’évaluation ne porte plus tellement sur des unités de sols.
temps qu’il assure une fonction d’épuration. Des critères autres que pédologiques sont pris en
106.– De nombreuses études ont été réalisées sur tous ces compte. Ainsi une sensibilité à l’érosion est-elle appré-
thèmes, qui procèdent d’une évaluation des aptitudes des hendée au niveau de bassins versants élémentaires, donc
sols à satisfaire à une utilisation donnée au vu de leurs d’unités de fonctionnement de sols, et son évaluation fait
seules propriétés (Begon et al., 1977). En termes de car- intervenir l’agressivité du climat et les systèmes d’exploi-
tographie, c’est chaque plage délimitée qui fait l’objet tation agricole.
17
PAYSAGE
AGRAIRE
Topographie-Hydrographie Ta b l e
Parcellaire
I n dex
BASE DE CONNAISSANCES
Ex : • Réserve en eau
projection cartographique
• Faisabilité d'une culture
d'un thème
• Risques d'érosion
• Risques de pollution
Fig. 3. – Exemple d’introduction des paramètres pédologiques d’un paysage agraire dans une base de données sols
spatialisées - Système d’information Géographique (d’après King, 1991).
18
109.– Quant à la définition d’une « bonne terre agricole », problème du choix de grandes orientations au niveau régio-
on l’entend tantôt comme un capital naturel à préserver nal avant de passer à la programmation et à la réalisation de
(une terre riche, profonde... apte à toutes les spéculations) travaux ou à la mise en œuvre de préconisations techniques.
et tantôt comme l’ensemble terre-exploitant-contexte éco- 112.– Le thème du drainage agricole en est une bonne
nomique le plus performant. illustration :
110.– Il reste que c’est de la confrontation de ces diverses • au niveau de la région, du département, un zonage des
préoccupations que l’on tire les éléments d’une politique terres humides permet de délimiter les secteurs justifia-
d’aménagement de l’espace : les terres sont affectées à l’une bles d’une aide publique ;
ou l’autre utilisation par les plans d’occupation des sols ou • c’est ensuite au niveau de la commune ou d’un ensem-
autres schémas d’urbanisme, ou peuvent être échangées ble de communes mitoyennes, regroupées en associa-
dans le cadre de procédures telles que le remembrement. tions ou en syndicats intercommunaux, que l’on pro-
cède à une reconnaissance des contraintes d’excès d’eau
B. Une approche globale multiéchelle spécifiques aux différentes qualités de terre invento-
111.– Le tableau de la figure 4 reprend les différents thè- riées, et que l’on raisonne par évaluations ou mesures le
mes cités, situe les niveaux géographiques auxquels on les calibrage du réseau global ;
appréhende et indique les échelles de cartographie le plus • enfin, c’est au niveau de la parcelle agricole que l’on
couramment utilisées. Il suggère aussi que l’aménagement implante le réseau de files de drains enterrés et des collec-
de l’espace procède souvent par étapes, posant d’abord le teurs.
Liste
Hydraulique agricole Conservation des sols
Potentialités agricoles et forestières
gestion de l’eau Affectation des terres
CHOIX DES ORIENTATIONS
niveaux régional et départemental - échelles 1/250.000, 1/100.000, 1/50.000
Ta b l e
- inventaire des terres susceptibles - inventaire des terres susceptibles - inventaire de zones à risque :
* de nouvelles cultures * d’un drainage * érosions
* de nouvelles pratiques : * d’une irrigation * pollutions diffuses,
sylvo-pastoralisme, *d’épandages d’effluents acidification
extensification... *stabilité des terrains
Index - zonages agroclimatiques, régionalisation - avertissement aux irrigants - schémas d’aménagement, réserves
du conseil agronomique naturelles, voies de communication
PROGRAMMATION DES TRAVAUX
niveaux communal et intercommunal, groupements d’exploitations - échelles 1/25 000, 1/10 000
- plans d’exploitation - conception des chantiers de - études d’impact
Glossaire de sucreries, conserveries... drainage, de périmètres d’irrigation, de - remembrements
campagnes, d’épandage d’effluents
liquides
- délimitation de zones - POS
d’appellation
- gestion de zones de parcours - retenues collinaires - aménagement d’aires de loisir
d’ovins, de massifs forestiers
EXPERTISES, INTERVENTIONS TECHNIQUES, ACQUISITION DE RÉFÉRENCES
niveaux parcelle ou exploitation - échelles 1/5 000, 1/2 000
- conseil à l’agriculteur - dessin de réseaux de drainage - échanges de terres
à la parcelle, plans d’aspersion
- choix des essences forestières, - reconstitution de sols
des traitements
Fig. 4. – Quelques grandes applications des études de sols.
113.– Une approche globale de ce type, que l’on peut 114.– Ce même tableau se lit aussi horizontalement. On
qualifier en l’occurrence d’approche multiéchelle, a été retrouve ainsi certaines connexions entre thèmes qui se
systématisée dans les années 80 sous l’impulsion de réalisent effectivement dans la pratique : entre drainage
l’ONIC et du Ministère de l’Agriculture (Favrot, 1987). et remembrement ou encore entre l’implantation d’une
Des aires-échantillons d’environ 1 000 hectares, appelées conserverie et la conception d’un plan d’épandage de ses
encore « secteurs de références hydrauliques », ont été effluents par aspersion irrigante.
sélectionnées dans les diverses grandes zones humides du
territoire. Ces secteurs ont fait l’objet d’études pédologi- Dans le même ordre d’idée, la protection des grands axes
ques détaillées et de mesures hydrauliques, dont on fluviaux doit prendre en compte les choix d’occupation
déduit un ensemble de préconisations techniques extra- du sol et les aménagements hydrauliques jalonnant leur
polables aux territoires qui les entourent. Une expertise à cours, en raison d’un effet cumulatif reconnu sur leur
la parcelle reste néanmoins nécessaire pour valider et régime de crue et leur charge en polluants dont les consé-
ajuster ces préconisations. quences peuvent se faire sentir jusque sur le littoral.
19
117.– Les différents paramètres du milieu physique : sol, 121.– La notion de Système d’Information Géographique
relief, températures et précipitations, occupation du sol, sera très certainement dans l’avenir amenée à remplacer
celle, conventionnelle, de « carte ». On constate, d’autre Liste
peuvent être réunis dans un même ensemble pour être
consultés simultanément. Ils constituent autant de « cou- part, que la conception de cartes dites « thématiques » fait
ches » ou « couvertures » spatiales organisées dans un progressivement place à celle de combinaisons de données
ensemble dénommé Système d’Information Géographi- permettant l’élaboration de scénarios et de simulations, et
que (King, 1991). Une décomposition de l’information ceci notamment en termes d’évaluation de risques.
Ta b l e
ainsi structurée permet évidemment de combiner les 122.– Il apparaît donc qu’une adaptation et une certaine
données en fonction des problèmes traités. Mais cette réorientation des études de sols soient nécessaires pour
intégration spatiale des différentes données du milieu contribuer efficacement à l’aménagement de l’espace
physique se heurte à plusieurs problèmes importants : rural. Elles doivent prendre en compte, d’une part la
celui de leur disponibilité notamment, mais surtout celui nécessité d’un rapprochement avec les besoins des utili- I n dex
lié aux différences de variabilité entre ces données. sateurs qui implique des analyses détaillées d’unités
118.– Parmi les objectifs actuels de la gestion de l’espace naturelles représentatives, d’autre part la prise en consi-
rural, deux types de questions dominent : dération, indispensable, de la variabilité temporelle de
certains paramètres du milieu physique. Pour ce faire,
– La prévision de rendements par type de culture, ou, tout l’utilisation des outils statistique et informatique à tous Glossaire
au moins, le pronostic des conjonctures « agro-climatiques les stades de la démarche semble être la voie de l’avenir.
» de succès, ou d’échec, soit à l’échelle de l’année, soit en ter-
mes de fréquence à l’échelle d’une longue période. 123.– Aujourd’hui encore, un certain cloisonnement per-
siste dans les approches de l’espace rural, lié pour une part
– La prévision de situations à risque dans le domaine de la à un partage de compétences entre spécialistes (pédolo-
préservation de l’environnement, qu’il s’agisse de situations gues, agronomes, hydrauliciens...) et, pour une autre part,
accidentelles, liées par exemple à un épisode météorologi- à la pluralité des instances de décision. Il s’y ajoute que les
que exceptionnel - tel un épisode érosif -, ou d’évolutions périmètres d’aménagement n’intéressent le plus souvent
plus lentes liées à des changements dans la nature des spécu- qu’un territoire limité et l’expert se trouve ainsi « dispensé
lations ou des pratiques culturales à l’échelle d’une région, » d’analyser les conséquences de ses décisions à d’autres
voire de changements encore plus progressifs liés à une échelles que celles du périmètre qu’il a en charge.
modification lente du climat (« Global Change »).
En effet, ce n’est que récemment que s’est produite une
119.– L’importance de ces questions a incité, d’une part, réelle prise de conscience du jeu complexe des interrela-
à la mise en place de réseaux d’observatoires et de sites tions entre les divers compartiments du milieu physique
expérimentaux, et, d’autre part, de banques de données comme entre les différents domaines de l’activité
et d’outils de gestion à même de fournir une extrapola- humaine. La gestion de la ressource en eau, le besoin
tion des informations recueillies par ces réseaux à des nouveau d’une planification agricole aux dimensions du
ensembles géographiques plus vastes. Tel est le réseau marché européen, la mondialisation des enjeux écologi-
« d’Observatoires de la Qualité des Sols » du Ministère de ques, sont autant de questions qui ont aidé à cette muta-
l’Environnement, destiné à enregistrer toute altération tion. Pour la soutenir, les pays, l’Europe, mettent en place
de notre environnement. Tel est le réseau de « secteurs de des structures et des outils à même d’assurer une pluri-
références agronomiques » que veut mettre en place le disciplinarité la plus large possible. La pédologie y trouve
Ministère de l’Agriculture, en couplage avec un inven- une importance renouvelée en raison de la place privilé-
taire régional des sols à échelle 1/250 000. Tel est enfin giée qu’occupe le sol à l’interface entre l’atmosphère,
l’objectif européen de mise en place d’une banque de l’hydrosphère et la biosphère, et de son rôle essentiel de
données dont le sol constituerait l’argument principal. support des activités humaines.
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