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1130TA

CONSTITUTION PHYSIQUE
DU SOL
par
Ary BRUAND
Chargé de Recherche à l’INRA
Unité de Science du Sol - SESCPF - 45160 Ardon
et Claire CHENU
Chargé de Recherche à l’INRA
Unité de Science du Sol - Route de St Cyr - 78026 Versailles Cedex.

SOMMAIRE ANALYTIQUE
I. Le sol : un milieu divisé (1 à 7)
Liste A. Constituants minéraux (3 à 5)
B. Constituants organiques (6 et 7)

II. Analyse granulométrique des constituants minéraux (8 à 27)


Ta b l e A. Echantillonnage (8)
B. Préparation de l’échantillon (9 à 12)
C. Méthodes de tri des particules (13 à 17)
D. Expression des résultats (18 à 21)
Index E. Granulométrie et minéralogie (22 à 27)

III. Analyse des constituants organiques (28 à 35)


A. Analyse de la matière organique totale (28)
Glossaire B. Analyse des constituants de la matière organique (29 à 31)
C. Répartition des matières organiques dans le sol (32)
D. Evolution des matières organiques (33 à 35)

IV. Conclusion (36)

©Techniques Agricoles 1130

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CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOL
TA 1130
INDEX ALPHABÉTIQUE

Acide aminé, 34. Eléments grossiers, 1, 9. Phyllosilicate, 23.


– fulvique, 30. Pipette de Robinson, 15.
Floculation, 12,.
– humique, 30. Polysaccharide, 30, 34.
Fraction granulométrique argile, 12,
Attaque acide, 18.
23, 26. Quartz, 26.
Biodégradation, 7, 33, 34. – limon, 27.
Rapport C/N, 28.
Biomolécules, 30. – sable, 27.
Rayons X, 16.
Broyage, 18. Fragmentation, 9.
Renouvellement (matière organique),
Capacité d’échange, 23. Humine, 30. 33.
Carbonate, 27. Humus, 6. Répartition (matière organique), 7.
Charge électrique, 12, 23.
Illite, 23. Sedigraph, 16.
Ciment, 10.
Smectite, 23.
Classe granulométrique, 3. Kaolinite, 23, 24.
Surface (spécifique), 24.
Compartiment (matière organique), 35.
Laser, 17.
Complexe argilo-humique, 32. Tamisage, 9, 11.
Lignine, 34, 30.
Courbe cumulée, 20. Taille équivalente, 14.
Loi de Stokes, 11, 13, 16, 17.
Terre fine, 1, 2, 4, 9.
Débris végétaux, 31.
Matériau originel, 3, 22, 27. – totale, 1.
Décarbonatation, 18.
Minéralisation, 33. Triangle de texture, 5. Liste
Densitométrie, 16.
Minéraux argileux, 12, 23.
Dosage (matière organique), 28. Ultrasons, 10.
Oxy-hydroxyde, 10, 26.
Echantillonnage, 8. Vermiculite, 23.

Ta b l e
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2

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I. LE SOL : UN MILIEU DIVISÉ tation granulométrique entre les trois principales classes
granulométriques argile, limon et sable ont été établies :
1.– Le sol est un milieu divisé pour lequel on distingue la
il s’agit de triangles de texture (Baize, 1988 ; Chamayou
terre fine représentée par les constituants de taille infé-
et Legros, 1989 ; Soltner, 1992) (Figures 2 et 3).
rieure à 2 mm et les éléments grossiers de taille supérieure
à cette limite. L’analyse détaillée de la constitution porte
généralement sur la terre fine, les éléments grossiers ne 0 100
faisant l’objet que d’une détermination de leur nature
pétrographique et de leur proportion pondérale dans la
15
terre totale (v. n. 9). Dans un certain nombre de cas, tout 20
particulièrement quand la teneur en éléments grossiers est éle-
vée, il y a lieu de les étudier en détail car ils affectent significati-
vement les propriétés du sol (Hénin et al., 1969 ; Gras, 1994). 35 ALO

Ar
bl e

gi l
2.– La terre fine est en proportion essentiellement constituée 45

Sa

e%
de particules minérales, ou grains minéraux, de tailles diffé- 55 45
rentes et secondairement de composés organiques qui ont
néanmoins un rôle important dans les propriétés d’un sol. AS
A AL
30
Si certaines propriétés ne sont pas uniquement liées à la
LSA LAS LA
nature de ses constituants élémentaires mais aussi à leur 80 SA 17,5
mode d’assemblage (v. Fasc. 1140 ), d’autres sont en LMS LM
Liste LS
revanche largement dépendantes de la seule nature des SL
7,5
S LLS LL
constituants élémentaires (v. Fasc. 1210, 1220 et 1300) 100 0
(Hénin et al., 1969 ; Monnier, 1984 ; Tessier et Pédro, 1984). 0 20 45 65 85 100
Limon %
C’est pourquoi l’une des premières analyses effectuées pour
Ta b l e mieux connaître les propriétés d’un sol consiste très générale-
ALO argile lourde LLS limon léger sableux
ment à en étudier la constitution physique. AL argile limoneuse LS limon sableux
A argile LMS limon moyen sableux
AS argile sableuse LSA limon sablo-argileux
A. Constituants minéraux LL limon léger S sable
LM limon moyen SL sable limoneux
3.– En fonction de leur taille, les particules appartiennent LA limon argileux SA sable argileux
Index à différentes classes granulométriques (Figure 1). Ces Fig. 2. – Diagramme de classification des textures.
particules résultent en premier lieu de l’altération plus ou Triangle établi par le Service de la carte des sols de l’Aisne
moins intense du matériau originel du sol. L’évolution (Jamagne, 1967, modifié)
pédologique des produits de cette altération affecte par la
suite encore les particules minérales (v. lessivage, podzo- Il existe plusieurs modèles, mais le principe est toujours
Glossaire
lisation, Fasc. 1110). Il résulte de ceci que la minéralogie le même, que le triangle soit rectangle ou équilatéral. On
des particules peut être très variable au sein d’une même positionne la composition granulométrique selon 2 des 3
classe granulométrique (v. n. 22 - 27). fractions (la troisième étant définie puisque la somme est
égale à 100 %). Deux triangles sont couramment utilisés
en France, le triangle établi par le Groupe d’Etude des
0,002 0,02 0,05 0,2 2 20 mm
Problèmes de Pédologie Appliquée (GEPPA) et celui éta-
2 20 50 200 2000 µm bli par le Service de la Carte des Sols de l’Aisne.

Argile* Limons Limons Sables Sables Graviers Cailloux


fins grossiers fins grossiers B. Constituants organiques
Argile Limons Sables Eléments grossiers 6.– Juxtaposée ou le plus souvent étroitement liée aux
* On distingue aussi les argiles fines des argiles grossières (limite à 0,2 µm)
constituants minéraux, il existe dans le sol une fraction
organique. Cette fraction est quantitativement minori-
Fig. 1. – Limite de taille des classes granulométriques taire, mais elle affecte singulièrement les propriétés du
et dénomination sol. Son abondance varie beaucoup selon les sols, à la fois
4.– Des méthodes d’analyse granulométrique permettent selon le type de climat, la végétation naturelle ou cultivée, et
d’obtenir une distribution pondérale des particules cons- les pratiques agricoles (Duchaufour, 1983 ; Oades, 1989).
tituant la terre fine. Cette distribution est soit une distri- La fraction organique provient de la décomposition, par
bution continue, soit plus communément une distribu- des microorganismes, de tous les apports organiques au
tion discontinue donnant le poids relatif des particules sol : végétaux, cadavres d’animaux et apports organiques
appartenant à chaque classe granulométrique. faits par l’homme tels que engrais verts, fumiers ou boues
5- Un simple pétrissage de la terre à l’état humide permet résiduaires. L’ensemble de ces résidus à différents stades de
d’apprécier par sensation tactile la répartition des grains décomposition constitue la matière organique du sol.
dans les différentes classes granulométriques, c’est C’est donc une fraction très hétérogène. Le terme d’humus
l’appréciation de la texture. Des représentations graphi- recouvre en général les constituants organiques sans struc-
ques de la correspondance entre la texture et la représen- ture reconnaissable à l’œil (v. Fasc. 1110 et 1350).

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TA 1130
En pédologie, l’intérêt portant plus généralement sur la
Argile %
variation de composition granulométrique avec la pro-
100
fondeur, on peut procéder à un échantillonnage en fonc-
tion des variations morphologiques et de l’appréciation
tactile de la texture (Jamagne, 1967 ; Ruellan et Dosso,
1993). Cette façon de procéder est de loin la plus fré-
AA
quemment employée. On obtient alors une composition
granulométrique moyenne par couche de sol ou horizon
défini sur la base de critères essentiellement morphologi-
60
ques. On peut aussi procéder à un échantillonnage arbi-
traire par couche de sol d’une épaisseur constante sans
45 A tenir compte des variations morphologiques. On obtient
alors des données permettant de discuter la pertinence
As des horizons identifiés sur la base de critères morpholo-
Als AL
32,5 giques, et éventuellement préciser leurs limites.
AS
LAS La
22,5
Sa Sal LSa
B. Préparation de l’échantillon
12,5 L
7,5 S • Séparation de la terre fine
SS SI Ls LL
Liste
0 25 45 75 100 9.– Une fois prélevé, l’échantillon est séché à l’air ou à
Limon % l’étuve ventilée maintenue à une température inférieure à
40°C. On sépare ensuite la terre fine et les éléments gros-
AA argile lourde LSa limon sablo-argileux siers. La pesée de ces derniers permet de connaître la
A argile ou argileux L limon
Als argile limono-sableuse Ls limon sableux composition granulométrique de l’échantillon prélevé en Ta b l e
AL argile limoneuse LL très limoneux l’exprimant par rapport à la terre totale. Cette séparation
LAS limon argilo-sableux Sa sable argileux
LA limon argileux Sal sable argilo-limoneux
est effectuée par tamisage à sec après fragmentation
As argile sableuse Sl sable limoneux mécanique de l’échantillon. Il convient de procéder à une
AS argilo-sableux S sableux fragmentation très ménagée qui peut aller jusqu’à un
SS très sableux ou sable
tamisage sous l’eau lorsque l’on est en présence d’élé- I n dex
Fig. 3. – Diagramme de classification des textures. ments grossiers fragiles (marne, calcaire marneux, roche
Triangle établi par le Groupe d’Étude des Problèmes de très altérée).
Pédologie Appliquée (GEPPA)
7.– La fraction organique du sol est perpétuellement • Individualisation des particules élémentaires
renouvelée par apports et biodégradation. En consé- Glossaire
10.– L’analyse granulométrique requiert au préalable une
quence, les teneurs en matière organique, comme les
destruction des composés qui peuvent avoir un rôle de
proportions des différents constituants organiques,
ciment et qui limite par conséquent la dissociation des
varient dans le temps en fonction de l’activité biologique. particules élémentaires lors de l’analyse. Ces composés
La fraction organique est de façon systématique inégale- sont principalement des constituants organiques, des
ment répartie dans le profil de sol. Les horizons de sur- oxy-hydroxydes de fer et des carbonates. C’est pourquoi
face, et dans le cas des sols cultivés, la couche labourée, l’échantillon subit une attaque à l’eau oxygénée qui vise à
présentent des teneurs beaucoup plus élevées que les détruire les constituants organiques et, suivant les cas,
horizons sous-jacents. des attaques spécifiques des oxy-hydroxydes métalliques
ou des carbonates. Dans ce dernier cas, il faut néanmoins
II. ANALYSE GRANULOMÉTRIQUE s’assurer que ces attaques ne fragmentent pas les particu-
DES CONSTITUANTS MINÉRAUX les élémentaires et ne modifient pas, de la sorte, la distri-
bution de taille des particules (Guillet et Rouiller, 1994).
Des traitements utilisant des ultrasons sont aussi parfois
A. Echantillonnage utilisés pour dissocier les particules élémentaires. Il faut
alors s’assurer que de tels traitements se limitent effecti-
8.– La composition granulométrique du sol varie latéra-
vement à une simple dissociation et qu’ils ne créent pas
lement et verticalement. Lorsque l’on s’intéresse aux pre-
de nouvelles particules élémentaires.
miers décimètres du sol comme c’est généralement le cas
en agronomie, on aura soin d’adapter la méthode Enfin, dans la mesure où les propriétés du sol sont liées,
d’échantillonnage à l’objectif poursuivi. La méthode la non pas à la distribution de taille des particules élémen-
plus fréquemment employée consiste à obtenir un taires, mais à la distribution de taille de «grains» qui sont
échantillon moyen pour une zone. Il est alors essentiel de en fait des agrégats de particules élémentaires soudées
multiplier les points de prélèvement même si la zone entre elles par des constituants jouant le rôle de ciment, il
semble être homogène. En revanche, lorsque la zone est peut alors être pertinent d’effectuer deux analyses granu-
hétérogène, l’échantillonnage respectera autant que pos- lométriques, l’une avant la destruction des ciments,
sible les proportions de chaque type de zone. l’autre après celle-ci.

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• Maintien de l’état dispersé c’est-à-dire 10 fois plus petite mettra 100 fois plus de
temps pour les parcourir (8 heures).
11.– Pour les méthodes qui utilisent la loi de Stokes (v. n. 13
- 15), on prépare fréquemment une suspension dont la con- 14.– La loi de Stokes s’applique aux particules qui tom-
centration est de 5 à 10 g d’échantillon par litre d’eau. Après bent dans un fluide avec une v itesse constante,
ajout d’eau (0,2 l d’eau pour 5 à 10 g d’échantillon), l’échan- c’est-à-dire pour lesquelles la force d’attraction due à la
tillon est agité mécaniquement pendant plusieurs heures. gravité est équilibrée par les forces de frottement. Celle-ci
Ensuite, une seconde quantité d’eau est ajoutée de façon à dépend de la viscosité du liquide et de la température.
obtenir un milieu dilué où les interactions entre les particu- Dans l’eau, seules les particules inférieures à 0,02 mm
les sont très faibles. La concentration ainsi obtenue est alors atteignent rapidement leur vitesse constante propre
de 5 à 10 g pour 1 litre d’eau. Quelle que soit la méthode, il quand, après agitation, la suspension est laissée au repos.
est nécessaire de procéder à la séparation des particules de
taille supérieure à 0,05 mm par tamisage sous l’eau. La dis- La loi de Stokes suppose les particules sphériques. Il con-
tribution de taille de ces particules est alors effectuée par vient de conserver à l’esprit que la distribution de taille des
tamisage. Quant aux particules de taille inférieure à 0,05 particules ainsi déterminée correspond à une distribution
mm, on fait appel à des traitements qui maintiennent la sus- de taille équivalente et non à la distribution de taille réelle
pension dans un état dispersé. des particules. Cette équivalence avec des particules sphé-
riques peut introduire des distorsions importantes lorsque
12.– Les particules appartenant à la fraction argile sont des particules de morphologie très différente coexistent
essentiellement constituées de minéraux argileux , dans un même échantillon (par exemple, des grains de
c’est-à-dire de particules en forme de plaquette qui sont quartz sphériques et des micas en forme de plaquette).
Liste électriquement chargées. Dans une suspension, les pla-
quettes argileuses peuvent s’attirer et engendrer des phé- • Méthodes basées sur la loi de Stokes
nomènes de floculation qui sont incompatibles avec une
analyse granulométrique. Afin de limiter de tels phéno- 15.– De nombreux laboratoires d’analyse de sol utilisent
mènes de floculation, on peut : divers tamis et la pipette de Robinson pour effectuer le tri
Ta b l e des particules constituant la terre fine. Pour les particules
– ajuster le pH de la suspension à pH = 9 de façon à se situer de taille supérieure à 0,02 mm, non seulement elles
à une valeur de pH supérieure au point isoélectrique de n’atteignent pas assez rapidement leur vitesse limite de
l’échantillon ; les particules possèdent alors toutes une chute dans le liquide mais la vitesse de chute est trop éle-
charge électrique de même signe et se repoussent ; vée pour permettre des prélèvements précis à l’aide de la
Index – utiliser des produits dispersants comme l’hexaméta- pipette de Robinson. On utilise alors des tamis dont les
phosphate qui s’adsorbent à la surface des particules ouvertures (distance entre deux fils consécutifs) corres-
électriquement chargées et qui accroissent la charge pondent aux classes granulométriques retenues. Pour les
électrique de ces particules et, par voie de conséquence, particules de taille inférieure à 0,02 mm, la pipette de
les répulsions électriques entre particules ; Robinson permet de prélever un petit volume de suspen-
Glossaire sion à une profondeur donnée et à des temps donnés.
– saturer l’échantillon par un cation monovalent comme
l’ion sodium ou potassium ; les ions monovalents satu- Ainsi, après pesée de la quantité de solide prélevé, on
rant le complexe d’échange accroissent effectivement le détermine le poids de particules inférieures à une taille
phénomène de dispersion en favorisant le développe- calculée par la loi de Stokes.
ment d’une double couche diffuse. 16.– D’autres méthodes utilisent la loi de Stokes et condui-
sent à une distribution continue de la taille de particules
C. Méthodes de tri des particules inférieures à 0,05 mm. La méthode utilisant un densitomè-
tre ne nécessitant pas de prélèvement de la suspension, elle
• La loi de Stokes a été longtemps utilisée dans de nombreux laboratoires.
13.– De nombreuses méthodes de tri des particules ont
été développées en Science de la Terre pour déterminer la La quantité de solide à une profondeur donnée peut aussi
distribution de taille de particules (AFNOR, 1987 ; Allen, être déterminée en mesurant sa densité à des rayons X de
1988 et 1993) (Figure 3). Pour les sols, un grand nombre faible énergie. La quantité d’énergie transmise après tra-
de méthodes utilisent la loi de Stokes qui établit pour un versée de la suspension est fonction de la concentration de
grain sphérique une relation entre sa vitesse (v) et son la suspension. C’est le principe qui est utilisé pour les
diamètre (D). Cette relation s’écrit : appareils de type Sedigraph. Le temps de mesure est par
ailleurs considérablement réduit par le déplacement verti-
v=[D2g(ρs-ρl)]/[18h] cal de la cellule dans laquelle s’effectue la sédimentation.
On peut ainsi en moins de 2 h déterminer la distribution
avec g : accélération de la pesanteur, ρ l : densité du en continu des particules de taille comprise entre H 0,1 et
liquide dans lequel s’effectue la chute, ρs : densité du 0,001 mm (soit 0,1 mm). L’absorption des rayons X étant
grain et h : viscosité du liquide. fonction de la composition chimique des particules, elle
La vitesse de chute est d’autant plus faible que la parti- croît avec la teneur en éléments à fort pouvoir absorbant
cule est petite. Elle est proportionnelle au carré du dia- comme le fer ou le manganèse. Compte tenu de la minéra-
mètre des particules. Ainsi, une particule de 0,02 mm logie des fractions argile, limon et sable (v.n. 22 et 27), de
mettra environ 5 minutes pour parcourir 10 cm dans de telles méthodes peuvent surestimer la fraction argile aux
l’eau à 20°C alors qu’une particule de 0,002 mm, dépens des fractions plus grossières.

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Type de méthode Principe Appareil utilisé Gamme de mesure (mm)

Tamisage Passage au travers des mailles d’une toile Tamis >0,050


métallique par agitation mécanique

Sédimentométrie Prélèvement d’une aliquote Pipette 0,002 -0,02


(loi de Stokes)

Mesure de la densité de la suspension Densitomètre 0,002 - 0,05


Absence de prélèvement

Vitesse de chute accrue en augmentant le champ de Centrifugeuse à 0,0002 - 0,002


gravité disque ou en continu
Sédimentométrie par rayons X ou
photodensimétrie

Temps de mesure réduit par déplacement de la Sedigraph 0,0001 - 0,1


cellule
Sédimentométrie par rayons X

Conductimétrie Les particules en suspension dans un liquide Compteurde 0,0004 - 0,8


conducteur passent par un orifice. L’impédance particulesde type
électrique mesurée dans ce dernier est corrélée au Coulter
volume des particules

Difractométrie Analyse des figures de diffraction d’un faisceau Granulomètre laser 0,0001 - 0,6 Liste
laser

Fig. 4. – Principales méthodes utilisées pour réaliser l’analyse granulométrique d’un échantillon de sol.

Enfin, certains appareils permettent d’augmenter artifi- termes «décalcification» ou «décalcarification» sont Ta b l e
ciellement le champ de pesanteur dans lequel se trouvent encore fréquemment employés ; ils constituent une
les grains lorsqu’ils sédimentent et, ainsi, de réduire les source de confusion et devraient, par conséquent, être
temps de mesure pour les grains de très petite taille. Dans évités. Dans le cas où l’on procède à une décarbonatation
ce cas, la distribution de taille de particules ne peut être de l’échantillon, la composition granulométrique est
généralement obtenue que pour les particules de taille celle de la phase minérale non calcaire. Elle est soit expri- I n dex
inférieure à 0,002 mm. mée en pour cent de la terre fine - il est alors nécessaire
• Autres méthodes d’ajouter la teneur en carbonates à la somme des frac-
tions pondérales pour obtenir 100 - soit exprimée en
17.– D’autres méthodes utilisent des propriétés physi- pour cent de la fraction non carbonatée et, dans ce cas,
ques d’une suspension tels que les phénomènes de dif- leur somme est égale à 100 (Baize, 1988). Glossaire
fraction et de diffusion d’un faisceau lumineux mono-
chromatique (laser). Les analyses granulométriques «sans décarbonatation»
Les distributions de taille de particules obtenues le sont effectuées sur des échantillons carbonatés sont fréquem-
sur des concentrations de suspension très inférieures à ment d’un intérêt très limité en raison de l’effet du
celles qui sont utilisées pour la loi de Stokes et en un broyage intervenant lors de la préparation de l’échan-
temps très court. Néanmoins, ces distributions sont très tillon. En effet, ce broyage, s’il n’est pas réalisé avec pré-
différentes de celles obtenues avec les méthodes utilisant cautions, modifie fortement la distribution de taille des
la loi de Stokes et avec lesquelles nos références agrono- grains carbonatés et ceci d’autant plus qu’il s’agit de car-
miques ont été établies. Outre l’utilisation pour des tra- bonates tendres.
vaux de recherche très spécifiques, l’utilisation de telles Quant aux résultats des analyses «après décarbonatation»,
méthodes nécessite une phase d’étalonnage pour per- il faut toujours garder à l’esprit qu’ils peuvent être entachés
mettre le passage des résultats ainsi acquis à ceux obtenus d’une erreur liée à la libération de constituants résistants à
à l’aide de la loi de Stokes. l’attaque acide lors de la dissolution des grains carbonatés.
Enfin, des méthodes utilisées dans le domaine médical Ainsi s’explique que l’on puisse obtenir une teneur en argile
pour des comptages cellulaires peuvent être adaptées à (exprimée par rapport à la terre fine totale, c’est-à-dire non
l’analyse granulométrique mais la mise en oeuvre est décarbonatée) supérieure après décarbonatation à ce
délicate et leur utilisation limitée à une gamme restreinte qu’elle est pour l’échantillon non décarbonaté.
de taille de particule.
Il résulte de ceci que l’analyse granulométrique d’échan-
tillons carbonatés est une opération délicate. Il y a donc
D. Expression des résultats lieu de prendre garde au mode d’expression des résultats
18.– Le mode d’expression le plus généralement utilisé et de retenir que ni la méthode «sans décarbonatation»,
consiste à donner les proportions pondérales des cinq ni celle «après décarbonatation» ne conduisent à des
principales fractions granulométriques, leur somme résultats totalement satisfaisants dès lors que la teneur en
étant égale à 100 lorsqu’elles sont exprimées pour 100 g calcaire est supérieure à quelques pour cents et qu’il s’agit
de sol. La mention «après décarbonatation» indique qu’il de grains carbonatés à teneur élevée en constituants inso-
y a eu traitement acide pour détruire les carbonates. Les lubles (grains issus de calcaires marneux, de marnes.).

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1130TA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOL

Granulométrie en % de terre fine


a 0 20
Fractions granulométriques
40 60 80 100%
Prof. cm Horizon Argile Limons fins Limons gross. Sables fins Sables gross.
< 0,002 mm 0,002-0,02 0,02-0,05 0,05-0,2 0,2-2 mm
A LF LG SF SG A
0-6 A 9 7 4 13 67
6 - 12 A/E 5 8 4 14 69
A/E
12 - 35 E1 5 7 3 14 71
35 - 65 E2 5 5 3 12 75
65 - 105 B 33 4 2 10 51 E1
105 - 130 IIC 73 14 4 3 6
E2

B
0 20 40 60 80 %
0

20
b II C
profondeur en cm

A LF LG SF SG
40

Liste 60 c
80 %
100

100
Ta b l e
120
0 100 f 80

A L S 60
15
20
40

Index 35 ALO
%

Ar

20
ble

gil

45
Sa

e%

55 45
0
61 0,001 0,01 0,1 1
A AL
AS 33
30 A A/E E1
Glossaire LSA LAS LA
E2 B II C
80 SA 17,5
LMS LM
d 100
S SL
LS

LLS LL
7,5
0
Argile %
0 6 20 45 65 85 100
100 Limon %

e
AA
%
60
60
55 50
45 A 40
37,5
33 As 30
Als AL
32,5 27,5
AS 20
LAS La
22,5
17,5
Sa Sal 10
12,5 LSa L
S 7,5 0
7,5
SS SI Ls LL A LF LG SF SG
0 6 25 45 75 100
Limon % horizon B

Fig. 5. – Modes de représentation des résultats de l’analyse granulométrique de la terre fine (< 2mm). Les résultats présentés
dans le tableau correspondent à un profil de sol étudié en forêt d’Orléans (Lamotte et al., 1988).
Représentation des variations de composition granulométrique dans un profil de sol par horizon d’épaisseur arbitraire (a),
sous la forme de profils de teneur en argile, limon et sable (b) et sous la forme cumulée pour chaque hrizon (c).
Représentation de la composition granulométrique d’un horizon (horizon B) sous la forme d’un point dans un triangle de
texture (d et f) ou d’un histogramme

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CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOL
TA 1130
19.– Un mode d’expression synthétique consiste à expri- retrait-gonflement des sols, et par conséquent de la dyna-
mer le résultat de l’analyse à l’aide d’un point dans un mique de fissuration
triangle de texture. Ce mode d’expression permet de Les minéraux argileux des sols se présentent sous la forme
regrouper les échantillons en ensembles présentant une de plaquettes dont la plus grande dimension est fréquem-
certaine cohérence du point de vue de leur composition ment inférieure à 0,0002 mm (0,2 mm) et leur épaisseur est
granulométrique (Figures 2 et 4). de l’ordre du millionième de millimètre (Figure 5).
20.– Lorsque la distribution de taille est connue avec suf- La taille des minéraux argileux n’est pas indépendante de
fisamment de précision, les résultats peuvent être présen- leur minéralogie, les particules les plus grandes étant géné-
tés sous la forme d’une courbe cumulée (Figure 4). ralement de type kaolinite et les plus petites de type smec-
L’analyse des courbes obtenues avec les méthodes four- tite. Il en résulte que la surface développée par les particu-
nissant une distribution «en continu» permet une ana- les (surface externe) varie de 15 à 30 m 2 /g pour des
lyse détaillée de la distribution de taille de particule (ana- kaolinites à plusieurs centaines de m2/g pour des smectites.
lyse des dérivées première et seconde) et permet de
25. - Ainsi, compte-tenu de l’importance du degré
mettre en évidence d’éventuelles différences alors qu’elles
d’hydratation et de la taille des particules élémentaires,
sont masquées par le découpage en classes granulométri-
les seules caractéristiques cristallochimiques des feuillets
ques généralement utilisé.
élémentaires – bases de la classification des minéraux
21.– Enfin, lorsque l’on s’intéresse aux variations de la argileux – ne suffisent généralement pas pour définir les
composition granulométrique avec la profondeur, on minéraux argileux des sols.
peut alors représenter l’évolution des proportions pon- La connaissance des minéraux argileux nécessite en effet
dérales de chaque classe granulométrique avec la profon- Liste
d’associer aux informations sur la structure élémentaire
deur (profil vertical, Figure 4). (type et constitution cristallo-chimique des feuillets,
nature des cations présents dans l’espace interfoliaire),
E. Granulométrie et minéralogie d’autres informations sur la dimension et la morpholo-
22.– La minéralogie des constituants peut varier à l’inté- gie des particules élémentaires hydratées, leur mode Ta b l e
rieur de chaque classe granulométrique. Néanmoins, les d’assemblage et les variations de ce mode d’assemblage
minéraux appartenant à la classe granulométrique argile en fonction des cations présents dans la solution du sol et
sont en majeure partie des minéraux phylliteux alors que de l’état énergétique de l’eau (Tessier, 1984 ; Tessier et
ceux appartenant aux classes granulométriques limon et Pédro, 1984) (v. Fasc. 1140).
sable sont de minéralogie plus variable suivant le maté- • Les minéraux non argileux de la fraction argile I n dex
riau originel du sol et le degré d’évolution pédologique 26.– Dans les sols non calcaires, les minéraux non argi-
(v. Fasc. 1110). leux présents dans la fraction granulométrique argile
• Les minéraux argileux de la fraction argile sont essentiellement du quartz et des hydroxydes de fer.
Le quartz est surtout présent dans la fraction 0,002 - Glossaire
23.– Les minéraux argileux présents dans la fraction gra- 0,0005 mm (2 - 0,5 mm) alors que les oxy-hydroxydes
nulométrique argile appartiennent aux phyllosilicates ; sont généralement présents sous la forme de particules
leur structure cristalline est par conséquent à base de de plus petite taille dont l’organisation cristalline est
feuillets constitués de couches tétraédrique et octaédri- imparfaite (composés cryptocristallins à amorphes). La
que (Caillère et al., 1982 ; Pédro, 1994) (Figure 5). Une présence de ces composés, même en faible quantité
classification de ces minéraux a été établie en considérant comme c’est fréquemment le cas, peut fortement modi-
la constitution chimique des feuillets élémentaires et leur fier le comportement des minéraux argileux, et en parti-
mode d’association. Les feuillets élémentaires peuvent culier les propriétés de retrait-gonflement.
être électriquement neutres, les seules charges présentes
sont alors localisées en bordure des feuillets (kaolinite). En sol calcaire, tout particulièrement lorsque le sol s’est
D’autres minéraux argileux possèdent aussi une charge formé à partir de marnes ou de calcaires marneux, une
électrique liée à un déséquilibre entre les charges des proportion importante de la fraction granulométrique
anions et celles des cations (illite, vermiculite, smectite). argile peut être composée de particules carbonatées. La
Les charges électriques localisées en bordure des feuillets, dissolution de ces particules est d’autant plus aisée
mais surtout celles liées au déséquilibre de charge au sein qu’elles sont de petite taille. On comprend alors que le
des feuillets, sont à l’origine de la capacité d’échange des degré de division des particules calcaires soit important
minéraux argileux (kaolinite : 10 - 15 cmol/kg, illite : 40 pour l’ambiance physico-chimique du sol et ses consé-
- 50 cmol/kg, smectite : 80 - 100 cmol/kg). quences agronomiques, en particulier pour les phénomè-
nes de chlorose ferrique (v. Fasc. 1300 et Fasc. 1280).
24.– Dans les sols, les minéraux argileux se singularisent
par leur degré d’hydratation élevé et leur très petite taille. • Les minéraux des fractions limon et sable
Dans un sol à la capacité au champ, l’essentiel de l’eau 27.– Les minéraux présents dans les fractions limon et
retenue par les minéraux argileux est localisé dans sable sont directement hérités du matériau originel du
l’espace inter-particulaire, seule une très faible propor- sol. Lorsque le sol a subi une longue et intense altération,
tion contribue en effet à l’hydratation des cations dans seuls les minéraux les plus résistants sont encore présents
les espaces interfoliaires lorsque ceux-ci peuvent s’hydra- (quartz, pyroxènes, ...). En revanche, dans les sols jeunes,
ter. Ce sont les variations de teneur en eau dans l’espace les minéraux sont beaucoup plus variés et l’on rencontre
inter-particulaire qui sont à l’origine des phénomènes de aussi des feldspaths, des micas et des carbonates.

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1130TA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOL

III. ANALYSE DES CONSTITUANTS - on ne peut pas séparer la matière organique de la


ORGANIQUES matière minérale sans un traitement chimique suscep-
tible d’altérer les constituants organiques ;
- il est difficile de fractionner la matière organique en des
A. Analyse de la matière organique totale entités qui correspondent à une homogénéité de nature,
de fonction ou de temps de résidence dans le sol.
28.– La méthode la plus courante de dosage de la matière
organique totale du sol est fondée sur le dosage de l’élé- On présentera ici les deux approches les plus couram-
ment constitutif majeur de la matière organique : le car- ment employées pour fractionner les constituants orga-
bone, sa proportion pouvant être considérée comme suffi- niques du sol.
samment stable. Le dosage du carbone organique est 30.– Le fractionnement chimique de la matière organi-
effectué par la mesure du pouvoir réducteur du sol par que consiste à séparer les acides fulviques, les acides
oxydation bichromique (méthode Anne, in Baize, 1988) humiques et l’humine selon leur solubilité dans diffé-
ou, en l’absence de carbonates, par analyse élémentaire rents réactifs (Figure 6). Cette définition, strictement
après combustion. En général, on estime que la teneur en opérationnelle, a servi de base depuis le 19ème siècle à
matière organique d’un sol est 2 fois sa teneur en carbone. l’étude de la réactivité chimique des substances humi-
ques et a largement contribué à des études de pédogénèse
Le dosage d’azote total est souvent fait par la méthode de (Duchaufour, 1983). Un des inconvénients de cette
Kjeldahl, ou, de plus en plus fréquemment, en dosant méthodologie est particulièrement bien illustré par la
simultanément C, N, H et O par chromatographie fraction «humine», dans laquelle on trouve à la fois des
Liste gazeuse après combustion sèche. Le rapport C/N est un constituants organiques très évolués (macromolécules
indicateur global de l’état d’évolution des matières orga- humiques) et des constituants organiques jeunes, non
niques. Le C/N des matières organiques fraîches est sou- transformés, voire des microorganismes. Les fractions
vent élevé : 30 pour une litière de feuillus, 100 pour des issues de ce fractionnement n’ont pas d’homogénéité
pailles. Il s’abaisse au cours de la biodégradation pour chimique ou structurale (Figure 6). L’inconvénient
Ta b l e atteindre une valeur plus proche de celle des microorga- majeur est sans doute que ces fractions sont également
nismes (C/N = 5 à 10). peu corrélées aux propriétés des sols, physiques ou chi-
miques, ou à un «âge» moyen dans le sol des composés
B. Analyse des constituants organiques.
Index de la matière organique Les substances humiques sont des macromolécules de
fort poids moléculaire, issues de l’assemblage au hasard
29.– La matière organique du sol est une fraction très de noyaux aromatiques et de chaînes polypeptidiques,
hétérogène et elle est en partie liée aux constituants polysaccharidiques ou lipidiques. Ces macromolécules
minéraux. Il s’ensuit deux conséquences majeures quant portent de nombreux groupements fonctionnels qui leur
Glossaire à l’analyse des constituants organiques : confèrent une grande réactivité chimique .(Figure 7).

Fig. 6. – Particules d’argile de sol observées en microscopie électronique à transmission en haute résolution. Les particules
élémentaires (P) font 0,1 à 0,2 mm de large et 0,05 mm d’épaisseur. Les feuillets élémentaires (F) de 0,001mm sont visibles sur
certaines particules (1 mm = 0,001 mm) (cliché F. Elsass et M. Hardy).

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CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOL
TA 1130
porte comme un squelette, et qui est rapidement renou-
MATIERE ORGANIQUE DU SOL velée dans le sol (voir Fasc. 1340 et 1350).
tri manuel ou granulométrique Les fractions plus fines ou plus denses sont, elles, non dis-
sociables de la matière minérale, soit qu’elles possèdent les
mêmes caractéristiques de taille ou de couple taille-den-
HUMUS DEBRIS ORGANIQUES
GROSSIERS, FAUNE sité, soit qu’elles sont étroitement associées aux consti-
extraction à la soude tuants organiques. Le fractionnement granulométrique ne
génère pas non plus de fractions homogènes d’un point de
SUBSTANCES HUMIQUES vue chimique, mais permet de séparer des fractions de
même âge moyen. En tout état de cause, une difficulté
majeure de l’étude des constituants organiques reste
l’identification de fractions ou de critères d’analyse qui
aient un sens vis-à-vis du rôle des matières organiques.
ACIDES HUMIQUES HUMINE
ACIDES fulviques
solubles dans les solubles dans les insolubles dans
alcalins, insolubles les alcalins et
dans les acides
alcalins et les acides
dans les acides C. Répartition de la matière organique
dans le sol
Fig. 7. – Fractionnement de la matière organique
32.– Cette répartition est beaucoup plus hétérogène que
celle de la matière minérale, quelle que soit l’échelle
A1 rendzine A1 podzol d’observation et de mesure. A l’échelle du profil, la
teneur en matière organique décroît systématiquement Liste
• Matière organique
C total % 3,8 6,7 avec la profondeur puisque les apports organiques pro-
C/N 11,5 29,0
viennent de la surface du sol. En sol non cultivé, la teneur
en carbone diminue très rapidement avec la profondeur
acides humiques (% du C) 7,6 14,9
alors que, en sol cultivé, le travail du sol homogénéise la Ta b l e
acides fulviques (% du C) 19,6 18,6
distribution du carbone sur toute l’épaisseur travaillée
• Acides humiques (Figure 8). Les teneurs en matière organique sont égale-
Analyse élémentaire (%) : ment plus élevées à proximité des racines suite à l’incor-
C 48,4 50,3 poration de cellules mortes et d’exsudats racinaires
H 4,3 4,7 (Figure 9). I n dex
N 3,9 1,9 La répartition des constituants organiques varie égale-
O 40,4 36,0 ment à l’échelle des agrégats, et l’on montre que les agré-
Analyse fonctionnelle (mé/g) : gats stables vis-à-vis d’une désagrégation par l’eau sont
- COOH 2,7 2,7 plus riches en carbone que le sol moyen. Au niveau des
- OH alcalin 3,7 0,9 assemblages élémentaires, on met en évidence la coexis- Glossaire
- OH acide 0,5 0,9 tence de particules purement minérales, de particules
- C=0 3,6 3,8 organo-minérales (complexe argilo-humique) et de par-
- O-CH3 1,9 2,8
ticules purement organiques comme des débris de très
petite taille ou des microorganismes (Figure 10).
Fig. 8. – Composition chimique de la matière organique
présente dans l’horizon organo-minéral d’une rendzine et
d’un podzol (d’après Adreux et al., 1984).
D. Evolution des matières organiques
33.– Les matières organiques des sols sont constamment
décomposées sous l’action des microorganismes du
La matière organique comprend également des biomolé- sol : c’est la biodégradation. La biodégradation est une
cules, héritées des végétaux ou organismes vivants, que oxydation et une hydrolyse progressive de la matière
l’on peut quantifier, séparer et identifier par des métho- organique. Elle produit des composés intermédaires qui
des biochimiques appropriées : polysaccharides, protéi- peuvent persister dans le sol ou s’intégrer à des molécules
nes, lignines. Les biomolécules, analogues aux «minéraux humiques et elle aboutit à des éléments minéraux : C02,
primaires» de la fraction minérale, se retrouvent distri-
buées dans les fractions humiques selon leur solubilité NH3, H20 etc, c’est la minéralisation. Par apport et bio-
dans les acides et les bases. dégradation, il y a renouvellement perpétuel des matières
organiques.
31.– On peut également appliquer aux constituants
organiques un fractionnement physique : granulométri- 34.– Tous les composés organiques n’ont pas la même
que (v. n. 11 et 14) ou densimétrique par flottation dans biodégradabilité. Par exemple, des acides aminés ou
des liqueurs telles que le bromoforme ou le polytungstate polysaccharides sont plus rapidement et complètement
de sodium. Ces fractionnements permettent en particu- biodégradés que des lignines. Les composés résistants
lier d’isoler une fraction grossière (diamètre >50 mm) ou auront tendance à s’accumuler dans le sol.
fraction légère (densité < 1,7 ou 2) qui correspond à de la Le sol influence beaucoup les vitesses de biodégradation
matière organique particulaire, non associée à la matière des composés organiques. Les conditions physiques dans
minérale : ce sont des débris végétaux peu décomposés. le sol peuvent être peu propices à l’activité des microor-
C’est une fraction qui du point de vue physique se com- ganismes, par exemple par déficit d’oxygène. La phase

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1130TA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOL

-20
profondeur (cm)

-40

-60

labour
-80
travail superficiel
non travail
-100
Liste
0 5 10 15 20 25 30
teneur en carbone (g/kg sol)

Ta b l e Fig. 9. – Profil de distribution du carbone en fonction


de la profondeur (d’après Balesdent et al., 1990).

Fig. 11. – Distribution de la matière organique à l’échelle


distance par rapport au rang (cm) des constituants les plus fins du sol.
Index Observation d’une fraction < 1mm en microscopie électroni-
-40 -20 20 40 que à transmission montrant en section des particules d’argile
0 (a), une bactérie (b), le complexe argilo-humique (c), la paroi
d’une bactérie en cours de dégradation (d) et des substances
0,63 humiques associées à Fe et Al (e) (cliché C. Chenu).

Glossaire 20 0,067 0,067


sol entre des molécules très jeunes, qui ne restent que
profondeur (cm)

0,086 quelques jours ou semaines dans le sol, et des molécules


40 très âgées, qui, elles, persistent pendant des siècles voire
des millénaires. On décrit cette hétérogénéité de la
0,032 matière organique par la définition de compartiments,
au sein desquels les constituants organiques ont la même
60 persistance dans le sol, soit encore la même vitesse de
renouvellement. La prévision d’évolution des stocks de C
0,013
et N dans les sols fait appel à des modèles de simulation
80 compartimentaux (v. Fasc. 1340 et 1350).

Fig. 10. – Distribution des débris organiques grossiers (> 0,2


mm) provenant du maïs à l’issue d’une année de culture IV. CONCLUSION
(d’après Balesdent et Balabane, 1992). Les teneurs sont
exprimées en mg de carbone par g de sol. 36.– L’étude des constituants minéraux et organiques
d’un sol permet de le caractériser de manière objective.
solide peut retarder la biodégradation par séquestration En cela, une telle étude constitue une base essentielle
des constituants organiques dans des pores du sol peu pour la connaissance des sols, que ce soit lors des travaux
accessibles aux microorganismes, ou par blocage des sur- de cartographie pédologique ou lors de l’appréciation
faces de ces composés par des cations plurivalents (Ca++ des potentialités agronomiques. Il n’en reste pas moins
Al+++) ou par des argiles. que, dans l’un et l’autre cas, il est généralement néces-
35.– La résultante de la biodégradabilité intrinsèque et de saire d’effectuer des analyses qui sont complémentaires
l’effet du sol est que certains composés persistent très de l’étude de la constitution physique et spécifiques de
longtemps dans le sol. Il y a toujours coexistence dans un chaque problématique.

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