Je Lis Des Histoires Vraies 274 - Juillet-Aout 2017

Édito O hé matelot !
c’est parti, on lève l’ancre

pour un super voyage ! Histoires vraies
t’emmène au Canada sur La Grande Hermine, le fameux
navire de Jacques Cartier. Ce célèbre explorateur du XVIe siècle
découvrit le Canada et les Indiens qui y vivaient alors. Après
un détour par Montréal, qui fête ses 375 ans cet été, tu continueras
sur la route de Compostelle, en Espagne. Tu y croiseras Mahaut,
la petite pèlerine du Moyen Âge accompagnée de son âne. Enfin,
tu feras connaissance avec une grande reine : Aliénor d’Aquitaine.
Cette sacrée héroïne, culottée et rebelle, franchissait elle aussi
les frontières au galop… Bonnes vacances
et beaux voyages en images !
L’équipe d’Histoires vraies
o m a n h i s t o r i q u e
To n r
Couverture : © Granger NYC/Rue des Archives
À toi de lire !
4 Le grand voyage de Jacques Cartier

au Canada
32 Tes documents
Jacques Cartier
ACTU Les Indiens du Canada
Bon anniversaire Montréal !
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Ton docu-fiction
45 Mahaut et son âne,
sur le chemin de Compostelle
Ton dossier
53 Aliénor d’Aquitaine
une reine belle et rebelle !
Et aussi…
38 J’apprends à dessiner La Grande Hermine
ACTUS
40 On en parle ce mois-ci
57 Ta BD : découvre Les Châteaux de la Loire
59 Courrier
60 Le roi des menteurs

À la cantine, le cuisinier m’a dit :
« Aujourd’hui, c’est toi le chef ! » Alors j’ai...
62 Ta BD : Cléo, la petite pharaonne

Ce numéro comporte une offre de réabonnement et un catalogue multititre sur une sélection d’abonnés France,
un encart kiosque monotitre broché sur les exemplaires destinés aux kiosques.
Pour trouver l’adresse des kiosques qui vendent Histoires vraies, va sur le site : www.trouverlapresse.com
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Jacques Cartier
Un récit d’Anne Vantal,
illustré par Cyrille Meyer
NNAGES
SO
LES PER
Jacques Cartier
Taignoagny
Domagaya
Le chef Donnacona
E
n 1534, le roi François Ier charge un marin de Saint-
Malo, Jacques Cartier, de faire voile à travers
l’Atlantique pour découvrir un passage vers la Chine
et rapporter de l’or. Une expédition en plusieurs voyages
qui aboutira à la découverte du Canada…

CHRONOLOGiE
MAR I N !
QUEL CHRONOLOGIE
1491 Naissance de Jacques Cartier, à Saint-Malo, en Bretagne.
1520 Il épouse Catherine, fille d’un notable de Saint-Malo.
1520-1530 Cartier navigue beaucoup, sans doute au Brésil

et à Terre-Neuve, où il part pêcher.
Avril-septembre 1534 Premier voyage au Canada. Cartier rentre

en France avec à son bord deux Indiens, qu’il présente au roi François Ier.
Mai 1535-juillet 1536 Deuxième voyage au Canada. Cartier remonte

le fleuve Saint-Laurent. Il découvre le futur emplacement de Montréal.
Mai 1541-septembre 1542 Troisième voyage au Canada.
1542 Cartier se retire dans son manoir de Limoëlou, à Saint-Malo.
1557 Il succombe à une épidémie qui fait rage dans sa ville natale.
de…
A u t e m ps
J AC Q U E S C A RT I E R
1519
Premier
voyage autour 1539
du monde Le français
de Magellan. devient la
1494 Début de la 1555
Naissance 1500 langue officielle
construction du royaume par L’empereur
du futur roi Les Portugais du château
François Ier. découvrent l’ordonnance Charles Quint
de Chambord. de Villers-
le futur Brésil. abdique.
Cotterêts.
© Wikimedia Commons/Domain public
1492 1520
Christophe Soliman
Colomb découvre 1515 le magnifique est 1547
l’Amérique. Bataille de le grand sultan Ivan IV le Terrible
Marignan. de l’Empire devient le premier
François Ier ottoman. tsar de Russie.
devient Il régnera 46 ans !
1491 roi de Il s’alliera à
Naissance France. François Ier contre
1557
de Jacques Cartier Charles Quint. Mort de Jacques Cartier

x1
En route !
31 juillet 1535
P enché au-dessus de sa table de travail, Jacques

Cartier, le capitaine de La Grande Hermine, tient
son journal de bord. Par la fenêtre minuscule entre un
air délicieusement frais, et il entend les cris des mouettes
et des autres oiseaux de mer qui suivent la nef1 depuis
qu’elle a quitté le grand large pour s’approcher des côtes.
Sa plume court rapidement : « La côte ici est bordée
d’une grande rangée d’îles… » Quand la voix de
Thomas Fromont, son second, vient l’interrompre
dans sa rédaction :
– Capitaine ! Nous arrivons près des hauts-fonds !
Cartier ferme le livre et monte sur le pont du navire.
La manœuvre est délicate et seul le capitaine doit la
diriger. Il connaît cet endroit : il y est venu l’an passé,
lors de sa première expédition dans ces contrées
nouvelles, et il sait qu’entre les îles se trouvent des
bancs de sable sur lesquels on peut facilement
s’échouer. Il fait réduire la voilure, pour naviguer le
plus lentement possible. Dans le lointain, derrière lui,
1. Ce grand navire mesure 40 mètres de long et 8 mètres de large.

7

il distingue les silhouettes de La Petite Hermine et de
L’Émerillon, les deux autres vaisseaux2 qui font partie
du voyage. Devant lui, bien visibles, se trouvent des
îlots bas couverts d’arbres. Cartier sait qu’il ne faut
pas s’en approcher avant d’avoir doublé un cap repéré
l’année précédente.
Les trois bateaux se faufilent à la queue leu leu dans
l’étroit chenal et franchissent l’obstacle. Quel
soulagement pour le capitaine ! Tout va bien : le
19 mai, il a quitté sa bonne ville de Saint-Malo3 avec
une centaine d’hommes. Les vents favorables lui ont
permis de traverser l’océan en deux mois, et il se sent
prêt à poursuivre la mission que lui a confiée le roi
2. La Petite Hermine est un navire plus réduit appelé « courlieu ». L’Émerillon est un galion, de taille
8 encore plus modeste. 3. Situé au nord de la Bretagne, Saint-Malo était un grand port de pêche.

François, premier du nom. Thomas, qui se tient à son
côté, semble avoir deviné ses pensées :
– Si Dieu veut, capitaine, nous trouverons un
passage !
Jacques Cartier rêve. Il a déjà tant voyagé… Tout
jeune, il est venu plusieurs fois jusqu’à Terre-
Neuve 4, pour y pêcher la morue. Plus tard, il a
connu les rivages du Brésil. Ici, il a été, l’an dernier,
le premier à aborder ces côtes qui n’ont pas encore
de nom. Découvrira-t-il une voie pour s’enfoncer
dans cette terre nouvellement découverte, où
personne encore ne s’est aventuré ? Ce passage lui
permettra-t-il d’atteindre enfin la Chine ?
4. Voir carte p. 4.
9

10

2x
Les baleines dans la baie
14 août 1535
L es trois bateaux ont progressé le long de la côte

avant de faire une halte. Ils sont restés plusieurs
jours au mouillage dans une crique. Les hommes se
sont reposés et ont effectué quelques réparations,
avant de reprendre leur route. Dans le livre de bord,
le capitaine décrit la baie immense dans laquelle il
navigue et la baptise solennellement : « Nous lui
donnons le nom de baie du Saint-Laurent. »
Ici, la mer est profonde et la navigation, aisée.
Thomas se charge des manœuvres. Sur le pont,
Jacques est bientôt rejoint par Taignoagny et
Domagaya, deux Indiens rencontrés lors de
l’expédition précédente. Ce sont les fils du chef
d’un village et Cartier a réussi à les convaincre, par
gestes, de l’accompagner en Europe. Il a promis
de les ramener chez eux au prochain voyage et,
dans quelques jours, ils seront de retour dans leur
village natal.
11

Les deux Indiens ont passé presque une année en
France. Ils ont vite appris la langue et sont maintenant
capables de guider le capitaine.
– Regarde bien, la mer s’arrête ici, explique Domagaya.
– Comment est-ce possible ? répond Cartier, nous
sommes entourés d’eau. Faites descendre un seau,
ordonne-t-il à l’équipage, qu’on puisse goûter l’eau !
– Elle est douce, capitaine !
Un fleuve ! Ce n’est donc plus l’océan, mais un fleuve
gigantesque dont Cartier vient de découvrir
l’embouchure… S’il parvient à le remonter, il aura
enfin découvert le passage dont il rêve !
Bouleversé, il demande aux Indiens :
– Cette terre a-t-elle un nom ?
12

– Kanata1, voilà son nom. Et vers le nord commence
le Saguenay2, le pays aux mille richesses.
Cartier n’en croit pas ses oreilles. De quelles richesses
parle Domagaya ? Se pourrait-il qu’on trouve de l’or ?
– M’aideras-tu, Domagaya ? Me serviras-tu d’interprète
pour explorer ton pays et le Saguenay ?
Le jeune homme n’a pas le temps de répondre : des
exclamations de surprise surgissent de toutes parts.
– Capitaine ! Capitaine !
Sur le pont, les marins sont très excités. Jacques se
penche au-dessus de l’eau. Tout autour du navire
plongent des centaines d’énormes baleines blanches
et noires. Jamais, même à Terre-Neuve, le capitaine
malouin3 n’en a vu autant !
1. Cartier transforma ce mot en « Canada ». 2. Région qui porte le nom du fleuve. Voir carte p. 4.
3. Originaire de la ville de Saint-Malo. 13

14

x3
Devant le roi
8 septembre 1535
« Ici commence la terre et province du Canada », note

Jacques Cartier dans son livre. Les voici revenus à
l’endroit qu’ils ont quitté l’an dernier ; Domagaya
et Taignoagny se préparent à débarquer pour
rejoindre leur famille.
En cette saison, les Indiens pêchent au bord du fleuve.
Quand ils voient arriver les navires, ils se précipitent
pour leur souhaiter la bienvenue. Aux marins, ils
offrent des anguilles fraîches, des melons et du pain.
Pour les remercier, le capitaine leur remet de petits
objets en verre de couleur. Les Indiens sont ravis.
Avertis par les pêcheurs, les habitants de Stadaconé1
accourent vers le rivage. Quelle joie de revoir les fils
du chef Donnacona ! Les femmes se mettent à chanter
et à danser. Puis le chef fait préparer une barque et
monte sur le bateau. Cartier assiste avec émotion aux
retrouvailles entre le père et ses fils, qui se lancent
dans une conversation animée. Le capitaine devine
qu’ils parlent des merveilles découvertes en France.
1. À proximité de la future ville de Québec. Voir carte p. 4.

15

– Mon père veut fêter notre retour. Viens dans trois
jours à Stadaconé avec tes hommes, déclare
Domagaya, quelques minutes plus tard.
Cartier aimerait ne pas trop s’attarder. Il souhaite
repartir au plus vite pour explorer le fleuve en amont2,
mais il doit respecter les traditions indiennes. Il ne
peut pas refuser, surtout s’il veut emmener avec lui
ses interprètes pour la suite du voyage.
Le jour dit, il se rend au village. Cartier s’étonne de
reconnaître des chênes, des cèdres, des noyers. Ce
Canada ne serait-il qu’un prolongement de sa
Bretagne natale ? Mais les huttes et les clôtures de
branchages de Stadaconé ne ressemblent guère aux
remparts de Saint-Malo !
Tous les villageois, hommes, femmes et enfants, se
sont rassemblés pour la fête. Cartier a pensé à
apporter du pain et du vin français. Les Indiens
2. Vers la source du fleuve.

16

viennent toucher les vêtements des marins malouins.
On danse, on chante, et il est bien tard quand les
Français remontent à bord.
Les jours passent et Jacques Cartier piaffe d’impatience.
Lors de son dernier voyage, on lui a parlé d’Hochelaga3,
un village qu’il rêve de voir de ses propres yeux.
Enfin, au matin du 16 septembre, Taignoagny se
présente devant lui.
– Notre père, Donnacona, refuse que nous repartions
avec toi.
Cartier ne comprend pas : c’était pourtant une chose
promise ! L’Indien explique :
– Ceux d’Hochelaga n’appartiennent pas à notre
clan. Tu devrais renoncer à t’y rendre !
– J’ai promis à mon roi, le chef de France, d’aller le
plus loin possible, insiste Cartier. Je dois absolument
poursuivre mon voyage.
3. À l’emplacement de l’actuelle ville de Montréal. Voir carte p. 4.

17

Mais les Indiens ne veulent rien entendre. Furieux
et déçu, Cartier décide de partir tout de même. Tant
pis s’il n’a pas d’interprètes !
Le lendemain, ses compagnons reviennent. Auraient-
ils changé d’avis ? Bien au contraire… Vêtus de
fourrure et maquillés de charbon, ils affirment avoir
reçu l’ordre d’empêcher le départ de Cartier.
– Nous avons interrogé nos dieux, ils t’interdisent
de partir ! s’exclament-ils.
– Et pourquoi donc ?
– Tu ne trouveras à Hochelaga que de la glace
et de la neige, et vous mourrez tous !
Cartier n’a que faire de ces conseils. Il remontera
le fleuve jusqu’à Hochelaga, mais avec quelques
hommes seulement. Les autres resteront à Stadaconé,
pour y construire un fort : les arbres ne manquent
pas, par ici, pour édifier une belle enceinte.
18

4x
Hochelaga
Septembre 1535
P ar précaution, Cartier est parti avec le plus petit

de ses navires, L’Émerillon, au cas où le fleuve
viendrait à se rétrécir. Le long de la rive, il distingue
des vignes sauvages, des bois de chênes et de saules.
Quand les marins croisent des pêcheurs, ils échangent
des poissons contre quelques couteaux. Comme le
sol est fertile ici ! À tout instant, des milliers d’oiseaux
déchirent l’air de leurs cris.
À la fin du mois, Cartier parvient à un grand lac.
– Impossible d’aller plus loin, capitaine ! La rivière n’a
pas assez de fond au-delà !
Mais il en faut davantage pour décourager Cartier. Il
en a vu d’autres ! Il fait préparer deux grandes barques
et y loge une quarantaine d’hommes, laissant un
équipage réduit à bord de L’Émerillon pour attendre
son retour.
Début octobre, la silhouette d’une montagne se
dessine à l’horizon. À mesure que les barques
s’approchent, un gros village circulaire entouré de
19

clôtures se distingue au pied de la colline. Voilà
enfi n Hochelaga ! Cartier baptise immédiatement
la montagne :
– Nous l’appellerons Mont-Royal ! s’écrie-t-il.
Le village, bien plus gros que Stadaconé, compte une
bonne cinquantaine de maisons longues couvertes
de toits en écorce de bouleau.
Dès le lendemain, Jacques Cartier et ses marins
franchissent l’impressionnante porte qui ferme
l’enceinte. Sur la place principale, les Français
découvrent plusieurs centaines d’Indiens venus
observer de plus près ces étranges visiteurs. On les fait
asseoir sur des nattes. Un vieil Indien s’approche d’eux.
20

C’est sûrement le chef : pour l’occasion, il s’est coiffé
d’une grande parure rouge ornée de piquants de porc-
épic. Cartier aimerait tellement pouvoir parler avec
lui. Il maudit intérieurement le mauvais sort qui l’a
privé de ses interprètes.
Mais voilà que le chef semble les prendre pour des
sorciers… Il fait venir des malades et des estropiés !
Comment faire comprendre à tous ces gens qu’un
capitaine malouin n’est ni un guérisseur, ni un prêtre,
ni un médecin ! Pour ne pas trop les décevoir, il offre
des couteaux et de petits bijoux de verre et fait jouer
de la trompette à ses hommes, ce qui plaît beaucoup
aux Indiens.
21

Cartier voudrait s’enfoncer davantage dans le
continent et remonter à pied le long du fleuve. À
l’aide de petits bâtons et de cailloux, il se fait expliquer
la géographie locale par les habitants d’Hochelaga.
Hélas ! le cours d’eau est bientôt interrompu par un
grand saut1 qui interdit le passage de la moindre
embarcation. Et le Saguenay, alors ? Quand il en parle,
Cartier fait naître chez les Indiens une peur panique !
Le Saguenay, lui explique-t-on par signes, est gardé
par d’autres Indiens, féroces et dangereux…
Cartier hésite. Poursuivre l’expédition avec un petit
nombre d’hommes n’est pas raisonnable. Mieux vaut
retourner à Stadaconé et retrouver le reste de
l’équipage. En outre, la température, ces jours-ci, s’est
beaucoup rafraîchie. L’hiver n’est plus très loin.
1. Chute d’eau, cascade.

22

x5
Le grand hiver
Janvier 1536
T homas et Jacques sont soucieux. L’aventure

du Canada ne se déroule pas comme prévu.
– Nous ne pourrons pas explorer le Saguenay cette
fois, capitaine ! La terre est gelée depuis des semaines
et nos bateaux sont pris dans les glaces.
Le froid ici n’a rien de commun avec l’hiver de
Bretagne. Pour résister aux températures glaciales, les
Français se sont couverts de manteaux de loutre ou
de castor, à la manière indienne. Pour se nourrir, il
faut se contenter du poisson séché. Plus un légume
ne pousse, plus un fruit sur les arbres. Il est même
impossible de pêcher : le fleuve est durci en profondeur
par la glace. Pour combien de semaines encore ?
Les hommes de Cartier vivent repliés dans le fort qu’ils
ont construit à l’automne. Lorsque le temps sera plus
clément, ils prendront le chemin du retour. Survivront-
ils jusque-là ? Certains jours, Cartier en doute… ses
marins ont très mauvaise mine. Les Indiens, dans leur
village, ne valent guère mieux. Ce matin, le capitaine
23

a croisé Domagaya. L’Indien est malade, c’est certain :
Cartier a remarqué ses jambes enflées qui dépassaient
de sa pelisse1. La maladie est peut-être contagieuse.
Immédiatement, le capitaine a fait fermer le fort et
interdit d’en sortir. Mais il ne parvient pas à éviter le
pire. Les hommes perdent leurs forces, leurs jambes
gonflent, leurs dents tombent. En quelques semaines,
le décompte est effrayant : presque tous sont atteints
d’un mal jusque-là inconnu2.
Un matin, Thomas vient trouver le capitaine. Son
émotion est grande, sa voix mal assurée :
1. Manteau garni de fourrure à l’intérieur. 2. On sait aujourd’hui qu’il s’agit du scorbut, une maladie
24 liée à l’absence de vitamines. Elle survient quand on ne mange plus de fruits ni de légumes frais.

– Philippe, notre plus jeune marin, vient de trépasser.
Cartier est accablé. Philippe avait 22 ans tout juste.
Quelle folie de l’avoir entraîné jusqu’ici pour l’y voir
mourir ! Les hommes décèdent les uns après les autres.
Ceux qui ne sont pas encore atteints se tiennent à
distance, mais cela ne sert à rien : bientôt, ils sont
touchés à leur tour. Sur les cent dix hommes embarqués
à Saint-Malo, dix à peine sont encore vaillants. Vont-
ils tous périr si loin de la France ? Cartier en a oublié
les richesses du Saguenay. Une seule chose lui importe :
sauver ses compagnons.
25

26

6x
De l’or pour le roi
Printemps 1536
E n ce matin d’avril, le soleil brille et le temps paraît

plus doux. La fin de l’hiver est proche. Jacques
Cartier n’en peut plus d’être enfermé dans le fort et
décide de sortir vers le village de Donnacona. Voici
justement deux Indiens qui marchent à sa rencontre.
Sidéré, Cartier reconnaît Domagaya, qu’il a vu si
malade quelques semaines plus tôt : le garçon marche
sans effort et ses jambes ont dégonflé ! Y aurait-il donc
un remède à la terrible maladie ?
– Nous autres Indiens, nous savons soigner ce mal,
explique Donnacona. Je t’apporterai la tisane. Les
femmes la préparent avec les feuilles et l’écorce d’un
arbre d’ici1. Donnes-en à tes hommes.
Il suffit de quelques jours : les hommes absorbent le
breuvage et guérissent presque tous ! Hélas, beaucoup
sont morts entre-temps, et Jacques Cartier sait qu’il
doit songer au retour.
La glace du fleuve a fondu, libérant les bateaux
qu’elle emprisonnait depuis des mois. Le capitaine de
1. C’est le cèdre blanc.

27

La Grande Hermine fait préparer deux navires.
La Petite Hermine ne reprendra pas la mer : il n’y a
plus assez de marins pour la faire naviguer.
Cartier est inquiet. Son roi sera-t-il satisfait ? Ce n’est
pas certain. Thomas essaie de le rassurer :
– Nous avons remonté le fleuve jusque loin dans les
terres, nous avons découvert de nouvelles plantes fort
utiles, nous avons vu des animaux étranges, nous
avons observé les coutumes de ceux d’ici, nous avons
dressé des cartes de cette terre nouvellement explorée !
Que voulez-vous de plus ?
Mais Cartier ne rapporte ni or ni pierres précieuses.
Il songe aux richesses du Saguenay, que les Indiens
disent connaître. Il lui vient une idée.
– Chef Donnacona, toi aussi, tu vas connaître la France
et mon roi. Je t’emmène avec moi !
Sur le pont, Cartier a repris espoir. Il présentera le
chef de Stadaconé à François Ier et lui parlera du fabu-
leux Saguenay. Et le roi, enchanté, commandera une
nouvelle expédition… Alors, peut-être, Jacques Cartier
reviendra-t-il une troisième fois sur cette terre sauvage,
pour y découvrir, enfin, l’or du Saguenay.
28

Épilogue
À son retour en France, le 16 juillet 1536, Jacques

Cartier n’a déjà qu’une idée en tête : obtenir du
roi qu’il finance une troisième expédition. Il présente
le chef Donnacona à François Ier. L’Indien continue
à parler d’or et de pierres précieuses. Mais Cartier
devra attendre six ans avant de repartir. De ce troisième
voyage, le capitaine rapportera enfin quelques trésors :
de l’or et des diamants… Hélas, l’expertise montrera
que ce ne sont que des cailloux de pyrite et de quartz !
Cartier ne traversera plus jamais l’Atlantique. Mais il
demeure, pour l’Histoire, le découvreur du Canada.
FIN
Merci à l’Association malouine des Amis de Jacques Cartier pour sa relecture.
À visiter cet été !

Jacques Cartier a son musée
À Saint-Malo, le manoir de Limoëlou,
où le capitaine a vécu, présente
sa vie, ses voyages et le Canada.
© Musée Jacques-Cartier
Musée Jacques-Cartier, rue David

Macdonald-Stewart, 35400 Saint-Malo.
www.musee-jacques-cartier.fr
Avec aussi des ateliers pédagogiques.
29

DES M
POUR OTS
A
Appareillage LE PIEVOIR
Manœuvre de départ pour MARI D
quitter un port ou un mouillage. N
Mouillage
Lieu où le navire décide de jeter l’ancre pour s’arrêter.
4
J
Bâbord
Partie gauche du bateau, quand on regarde vers l’avant.
p
Tribord b
L
Partie droite du bateau, quand on regarde vers l’avant. v
d
Astrolabe
Appareil servant à déterminer la position du navire
en mesurant la hauteur d’un astre dans le ciel.
Boussole
Instrument comportant une aiguille aimantée
qui indique le nord.
Quadrant
Instrument permettant de calculer la latitude.
Latitude
Position d’un point du globe au nord ou au sud de l’équateur
(cercle imaginaire situé à égale distance de chacun des deux pôles).
Longitude
Position d’un point du globe à l’est ou à l’ouest du méridien
de Greenwich (ligne imaginaire qui passe par les deux pôles).
Armateur
Propriétaire d’un bateau de pêche ou de commerce.
Quart
Service de veille, généralement d’une durée de quatre
heures, assuré par l’équipage à tour de rôle.
D
L
À
30 E
a
30_31_HV274_lexiqueOKV.indd 30 22/05/2017 14:34 Créa In

LE NOUVEAU ROMAN HISTORIQUE DE
SILÈNE EDGAR
42 JOURS
( SILÈNE EDGAR
a écrit 14-14 avec Paul Beorn
• Prix des Incorruptibles 2015-2016
• Prix Gulli du roman 2014
NOUVEAUTÉ
Jpension
uin 1942. Sacha, douze ans, et Jacob, son
petit frère, partent en vacances dans la
de leur oncle Jean, un manoir breton au
Louis XIV, Néfertiti…
Ici, pas le temps de s’ennuyer !
Surtout avec les jumeaux Éléanore et Léandre.
bord de la mer ! Surtout avec les enquêtes à mener sur des
Les « pensionnaires » de cette colonie de bruits étranges qui viennent du grenier !
vacances pas comme les autres sont de drôles Et que sont ces loups qui rôdent dans les
d’adultes qui se prennent pour Victor Hugo, parages ?…
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MLLE DE SEVIGNÉ ENQUÊTE POUR SAVOIR QUI EST SON PÈRE.
À l’époque des Précieuses en 1661, Françoise,

fille de Mme de Sévigné, et âgée de
16 ans, fait son entrée à la Cour. Françoise y vit
l’enquête qu’elle mène afin de retrouver un
papier compromettant qui prouverait l’existence
d’une liaison entre sa mère et Fouquet.
nombre d’aventures – sans toutefois en parler Serait-il le père secret de Mlle de Sévigné ?
à sa mère... notamment pour ce qui concerne
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ASes dèle, 13 ans, est perdue depuis le décès de

sa grand-mère.
parents, pris par leur carrière, ne com-
Elle va assister au mariage de Margot, danser
pendant les noces, constater les problèmes
entre Catholiques et Protestants.
prennent plus rien à leur fille, qui s’intéresse Et rencontrer le beau Samuel, dont elle tombe
surtout aux garçons. amoureuse…
Pendant les vacances, alors qu’elle doit lire Entre ce qu’elle vit dans ses rêves et son
La Reine Margot, d’Alexandre Dumas, Adèle quotidien, Adèle n ‘a plus très envie de se
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Jacques
Cartier
Entre 1534 et 1542, ce navigateur
a dirigé trois expéditions en mer.
Destination : une terre encore
inconnue, le Canada.
De la Bretagne…
En 1491, Jacques Cartier voit le jour
à Saint-Malo. Tout jeune, il part pêcher
la morue à Terre-Neuve, dans l’Atlantique
Nord. De là lui sont venus son amour de
la mer et son expérience de la navigation.
Il voyage jusqu’au Brésil, où il apprend
le portugais. Grâce à son mariage, en
95). En réalité,
cq ue s Ca rt ie r (peinture de 18 navigateur 1520 avec Catherine des Granches,
Ja du
du vrai visage la fille du connétable (chef de la police) de
on ignore tout é re pr és en té de son vivant.
a ja m ai s ét
car il n’
nt donc imagin
aires ! Saint-Malo, il rencontre le roi François Ier.
Ses portraits so
L’Hermine
Cette nef, construite en 1517,
accompagne Jacques Cartier
lors de son deuxième voyage
au Canada. En 1537, le roi
François Ier l’offre au capitaine.
32
32_37_HV274_pages docs_OKV.indd 32 22/05/2017 15:02

Arrivée de Jacques
Cartier au Canada
lors de son troisième
voyage (1542).
En arrière-plan est
dessinée la carte de
la Nouvelle-France.
… au Canada La Nouvelle-France
En 1534, le roi François Ier confie Cartier doit attendre l’année 1542
à ce marin expérimenté une double pour repartir, mais sous les ordres
mission : trouver un passage vers la d’un autre capitaine, Jean-François
Chine et rapporter de l’or. Le 20 avril de Roberval. Il s’agit moins d’explorer
© Granger NYC/Rue des Archives (2) - Mary Evans/Rue des Archives - D. Defranceshi/Fotolia
1534, Cartier quitte Saint-Malo avec que de tenter de coloniser cette terre,
deux bateaux et 60 hommes. Il dépasse appelée Nouvelle-France durant
Terre-Neuve à la mi-mai. Tout l’été, la domination française. L’expédition est
il explore les îles de l’embouchure du un échec. Cartier revient et ne reverra
Saint-Laurent sans trouver l’entrée du jamais le Canada... Il meurt d’une
fleuve. Il établit les premiers contacts épidémie de peste ou de grippe en 1557.
avec les Indiens de la région et revient
en France avec deux d’entre eux pour
les présenter au roi. L’année suivante, Sur les rives du Sa
int-Laurent, Cart
Cartier repart au Canada avec trois surprise de voir
des phoques. Il
ier eut la
« poissons en fo les surnomma
bateaux et 110 marins. Cette fois, rme de chevaux
»!
il remonte le Saint-Laurent et rentre
avec de nouveaux Indiens, mais sans or
ni pierres précieuses ! Le roi est déçu.
CURIEUX !
Les Indiens ont été impressionnés
par les objets des Européens. Parfois,
ils se les sont appropriées de façon
surprenante. Ainsi, des chaudrons
sont devenus des percussions dotées
d’un pouvoir magique et des ciseaux,
des bijoux portés autour du cou !

Les Indiens
du Canada
Au Canada, Jacques Cartier rencontre des
“Indiens” qui n’ont, bien entendu, rien à voir
avec l’Inde ! Les Français découvrent alors
des peuples qu’ils appellent “Sauvages”.
Pêcheurs algonquins.
Pour capturer les poissons,
ils utilisent des lances.
Un campement indien, près du lac Huron (toile du XIXe siècle).
Les “Indiens” d’Amérique

Quand, en 1492, le navigateur Christophe
Colomb découvre l’Amérique, il croit
avoir atteint l’Inde par une nouvelle
voie maritime. Il est donc convaincu
que les hommes qu’il rencontre sont
des « Indiens ». Le nom est resté ! Mais,
pour éviter toute confusion, on préfère
aujourd’hui parler des Amérindiens.
Le Canada les désigne officiellement
sous le terme de « Premières Nations ».
34

Pas si sauvages
© PVDE/Rue des Archives - ADAGP - Granger NYC/Rue des Archives - North Wind Pictures/Leemage -
Il existe différents Amérindiens.

Au Canada, Cartier lie connaissance
avec des Iroquois et des Micmacs.
Champlain, un autre explorateur (voir p. 36),
sera en contact avec des Algonquins,
des Iroquois et des Hurons. La rencontre
Private Collection/Bridgeman - Heritage Images/Leemage
entre ces civilisations est un choc !

En Europe, ces peuples sont considérés
comme des gens sans foi ni loi.
On les nomme les « Sauvages ». Pourtant,
ils ont des modes de vie organisés :
les Algonquins, nomades, vivent de chasse
et de cueillette. Les Iroquois et les Hurons,
eux, construisent des villages et sont
agriculteurs.
Des tribus en conflit QUEL MICMAC !

Lorsque Cartier arrive, les différents Avant Cartier, des Basques
groupes d’Indiens ne font pas bon et des Bretons s’étaient aventurés
ménage et se font parfois la guerre. dans le golfe du Saint-Laurent pour
À la fin du XVIe s., les Iroquois pêcher la baleine et la morue.
La langue parlée par les Indiens
forment une alliance entre tribus
micmacs comportait des mots
(Mohawks, Oneidas, Onondagas, basques qu’ils utilisaient avec
Cayugas et Senecas) : la ligue les pêcheurs français. D’ailleurs,
des Cinq-Nations. Après Cartier, le mot “iroquois” vient du basque
la colonisation européenne et signifie “tueur”!
relancera les conflits entre tribus.
Les Iroquois s’opposeront aux Hurons,
alliés des Français. Hélas, les maladies
infectieuses introduites par les colons
décimeront les Indiens.
ne
Hochelaga, ville indien
(aujourd’hui Montréal),
En arrivant à Hochelaga
rand” village iroquois.
Cartier découvre un “g t une
isons en bois entouren
Une cinquantaine de ma couvertes
tout en longueur, sont
place. Les habitations, de jonc.
fermées par des nattes
d’écorces de bouleau et dans
ni cloisons : on dort
À l’intérieur, ni meubles -dessus Hochelaga, au XVIe siècle.
s le long des parois. Au
des couchettes installée s poissons
Les maisons iroquoises abritent
rs où sont suspendus de plusieurs familles et mesurent
se trouvent des grenie
des céréales. 10 m de large et 70 m de long. 35
séchés et entreposées

ACTUS
Bon anniversaire
Montréal !
Baptisé « la Nouvelle-France », le Canada
fut découvert par Jacques Cartier en 1534.
En 2017, on fête l’anniversaire de l’une
Samuel de Champlain, un autre explorateur
de ses plus grandes villes : Montréal. français, est considéré comme le vrai
fondateur du Canada. Il y débarqua en 1603,
environ 70 ans après Jacques Cartier.
375 bougies ! Il y établit une colonie et développa le
commerce de la fourrure. En 1608, il fonda la
En mai 1642, une quarantaine de ville de Québec. Il y vécut 30 ans mais faisait
des allers-retours en France, pour ramener
pionniers venus de France débarquent de nombreuses personnes. Il mourut en 1635.
sur les rives de ce qui allait devenir
Montréal. 375 ans plus tard, cette
ville est l’une des grandes métropoles
Une grande ville
cosmopolites, culturelles, industrielles où l’on parle français
et commerciales d’Amérique du Nord ! Immense pays d’Amérique du
Montréal célèbre cet anniversaire en Nord, le Canada fait près de
2017 et propose plus de 175 événements, quinze fois la France ! Il est divisé
pour la plupart gratuits (festivals, expos, en dix provinces. Sa capitale est
spectacles en plein air, films, parades, Ottawa (province de l’Ontario).
danses, activités sportives…). Montréal est la plus grande ville
Une idée pour les vacances ?! de la province du Québec. Ici, la
Infos : www.375mtl.com langue officielle est le français,
mais on y parle aussi anglais dans
certains quartiers. Mais comme
Le pont Jacques-Cartier fut construit en 1930. Nommé leurs voisins des États-Unis, les
ainsi en mémoire de l'explorateur, il enjambe le fleuve Canadiens des autres provinces
Saint-Laurent et compte 5 voies de circulation. Le 17 mai,
on l'a illuminé pour fêter l'anniversaire de Montréal ! parlent surtout l’anglais.
Construite sur la rive du fleuve
Saint-Laurent, la ville est divisée
en deux parties : est et ouest.
Le sais-tu ?
C’est Jacques Cartier, lors de son second voyage
en Amérique, en 1535, qui baptisa la montagne
qui surplombe la ville. Dans son récit de voyage,
il raconte : « Et parmi ces campagnes est située
et assise la ville de Hochelaga près d’une
montagne aux alentours labourés et fort fertiles
et sur laquelle on voit fort loin. Nous nommâmes
36 cette montagne le mont Royal.»

Un drôle d’accent...
et de drôles de mots
Les premiers Français arrivés au Canada
venaient du nord et de l’ouest de la
France. Ces colons parlaient la langue
de leur région (le normand, le picard, le
breton...) et les mots qu’ils employaient
sont restés au Québec alors qu’ils ont
parfois disparu en France. À Montréal,
l’épicier s’appelle « le dépanneur »
et la gomme, « une efface ». Une voiture
se nomme « char » et, pour faire
ses courses, on dit «magasiner » !
Les gratte-ciel
Montréal est dominée par une colline, le Mont-Royal : côtoient les
on se croirait en montagne ! Quand il neige, les gens petites maisons
y font du ski de fond ou marchent en raquettes. en briques ou
en bois coloré.
Le sais-tu ?
© P. Roy/Aurimages - J. Perron-Gagné/S. Poulin/M. Julien/Tourisme-Montréal - Commission Canadienne du Tourisme, Pierre St-Jacques

L’hiver, il y fait – 10 °C en moyenne mais
le thermomètre descendre parfois à – 30 !
C’est pourquoi beaucoup de magasins
se situent dans des galeries souterraines.
37

’ a p p r e n d s à
J
des s i n e r
La Grande Hermine
Apprends à dessiner le bateau de Cartier
en suivant ces cinq étapes.
1 2
3 4
© Illustration Bruno Fourure
38
38_39_HV_274_dessinOKV.indd 38 22/05/2017 14:38

Le sais-tu ?
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39
38_39_HV_274_dessinOKV.indd 39 22/05/2017 14:38

La cathédrale de
Saint-
Jacques de Compo
Un père et son fils, assis sur le talus pour faire stelle
abrite le tombeau
une pause, se lèvent alors que Mahaut passe de saint
Jacques, l’un des
douze
devant eux. « Ultreïa3 ! » s’écrient-ils. apôtres de Jésus.
Au Moyen
C’est le cri de reconnaissance des pèlerins. Âge, elle est l’un
des
– Je m’appelle Jehan, et toi ? demande le garçon trois lieux de pèle
rinage
à la petite fille. importants pour
les chrétiens,
avec Rome et Jéru
– Mahaut et j’ai 9 ans ! salem.
– Moi aussi ! s’exclame Jehan.
Ils se mettent à bavarder, tant et si bien que Mahaut oublie sa fatigue.
– Mes parents sont les seigneurs d’un village fortifié dans le Jura,
raconte Mahaut. On fait le pèlerinage pour remercier saint Jacques d’avoir guéri
Louis, mon petit frère.
– Moi, je viens d’une ferme en Savoie. Ma mère est malade. Mes sœurs sont
restées auprès d’elle et nous faisons le vœu qu’elle se rétablisse ! explique Jehan.
Comme de nombreux jacquets4 venus de toute l’Europe, les deux familles vont
implorer saint Jacques, qui a évangélisé5 l’Espagne au Ier siècle après Jésus-Christ.
Mais la route est encore longue et l’heure est venue de se reposer…
3. Issu du latin, signifie « aller plus loin, plus haut ». 4. Pèlerin marchant vers Saint-Jacques de Compostelle.
46 5. Prêcher l’Évangile à des non chrétiens.
44_51_HV274_Docu_CompostelleOKV.indd 46 22/05/2017 15:40

Quatre grands itinéraires
Arrivés à l’hôpital6, les pères montrent leurs traversent la France pour se rendre
à Saint-Jacques :
crédentiales7 : heureusement il reste quelques
• la voie de Tours (Via Turonensis) ;
lits libres, au milieu d’autres pèlerins ! • la voie de Vézelay (Via Lemovicensis) ;
– Et toi, mon brave Martin, tu as soif ? • la voie du Puy (via Podiensis) ;
dit Mahaut à son âne. • la voie d’Arles (Via Tolosana).
– Hi, han ! répond l’animal comme s’il avait
parfaitement compris.
Pendant que ses parents s’installent, Mahaut
emmène Martin à la rivière. L’eau fraîche est
tentante : la fillette y trempe ses pieds endoloris
et joue avec le courant. Mais quand elle
se retourne, son âne a disparu !
– Mon Dieu, j’ai dû mal l’attacher… Martin !
Martin ! Où es-tu ? s’écrie-t-elle.
Inquiète, Mahaut court à sa recherche dans
les bois. Elle tombe sur Jehan en train de cueillir
des herbes.
– Ne t’inquiète pas, nous allons le retrouver, ton âne ! la rassure le garçon.
6. Lieu d’asile, et non de soins, qui accueillait les pèlerins, appelé aussi hospice.
7. Lettre du curé du village du pèlerin, sorte de passeport pour obtenir le gîte, gratuit. 47

buissons ( image
détourée)
Les enfants entendent des voix

un peu plus loin...
Ils s’approchent en se cachant
dans les buissons : deux
hommes avec lesquels la famille
de Mahaut a partagé
un quignon de pain à midi
avancent en tenant l’âne.
– Ah ! nous n’avons pas perdu
notre journée ! dit l’un des
voleurs à son complice.
À défaut d’avoir la bourse de
ces pèlerins, nous avons l’âne !
Peu rassurés, Jehan et Mahaut les suivent sans bruit. Les hommes longent
la rivière et s’approchent d’un passage à gué8. Ils s’enfoncent dans l’eau jusqu’aux
cuisses. Soudain, l’un d’eux glisse sur les cailloux et lâche la longe de l’âne...
8. Un gué est un endroit où l’on peut traverser un cours d’eau à pied, à dos d’animal.
48

sur un homme
Au Moyen Âge, les pèlerins

parcourent environ 40 kilomètres
par jour. Il faut à peu près deux
mois pour effectuer les 1 600 km
qui séparent Paris de Saint-Jacques
de Compostelle.
– Voilà notre chance. Appelle-le ! souffle Jehan

à Mahaut.
La fillette court au bord de la rivière et crie :
La panoplie du pèlerin
– Martin ! Viens mon âne ! :
une cape à capuche, un
La bête redresse la tête... Reconnaissant grand
chapeau à larges bords
,
Mahaut, il fait demi-tour et traverse le torrent une besace en bandou
lière
en un bond ! Les deux manants tentent de courir et un bourdon, un bâton
derrière lui mais le courant est puissant sur lequel est accrochée
et ils tombent dans la rivière en jurant. une calebasse, la gourd
e
de l’époque…
– Bien fait ! rit Jehan en serrant la main
de Mahaut dans la sienne.
Les enfants rentrent vite à l’hôpital, où leurs parents les félicitent.

– Ces faux pèlerins sont l’un des dangers du chemin, avec les loups !
remarque l’hospitalier9 qui leur sert à manger, au coin de l’âtre.
9. Bénévole accueillant les pèlerins.

49

La coquille était la preuv
e
que le pèlerin avait été
jusqu’à la mer par où, sel
on
la légende, le corps de
saint
Jacques est arrivé dans
une barque. On la retrou
ve
sculptée sur de nombreu
x
monuments le long
du chemin, en France
et en Espagne.
Cela fait près de deux mois que les deux enfants marchent au même rythme.
Après avoir traversé les Pyrénées par le col de Roncevaux, ils ont rejoint le
Camino Francés10 et traversé la Meseta, la vaste plaine espagnole. Ils approchent
enfin de Saint-Jacques de Compostelle, dont ils aperçoivent les clochers au loin...
- Enfin voilà la cathédrale ! On va voir le tombeau de l’apôtre ! s’exclame Mahaut.
Des centaines de personnes se pressent à l’entrée de la ville. Les deux familles
traversent les ruelles entre les échoppes débordant de victuailles. Elles débouchent
sur la place de l’Obradoiro, devant la façade de l’impressionnante cathédrale.
50 10. « Chemin français » en espagnol, le plus emprunté.

ACTUS
Depuis la fin du XX siècle,
e
– Que c’est haut ! s’émerveille Jehan une fois
à l’intérieur. ce pèlerinage connaît un
Durant la messe, la ferveur est à son comble quand nouvel essor. Les marcheurs
prennent le chemin dans un
le « botafumeiro », un gigantesque encensoir11,
but religieux ou attirés par
est balancé à travers le transept12 à toute vitesse. une belle randonnée. Pour
Mahaut et Jehan ne le quittent pas des yeux, la saint Jacques, le 25 juillet,
bouche bée. Saint-Jacques de Compostelle
Le lendemain, il leur reste à repartir vers le cap est en fête durant dix jours !
Finisterre13, à trois jours de marche. Sur la plage,
ils ramasseront une coquille Saint-Jacques
et l’accrocheront à leur chapeau en souvenir
du célèbre pèlerinage.
Puis ils referont le chemin en sens
inverse, ensemble, car une belle amitié
est née entre les deux enfants.
– J’espère qu’à mon retour,
mon vœu aura été exaucé,
glisse Jehan à Mahaut, qui lui
serre alors fort la main. FIN
11. Vase en métal qui diffuse de l’encens, à l’origine pour masquer
l’odeur des pèlerins ! 12. Nef transversale de l’église. 13. Promontoire
de granit au bord de l’Atlantique.
51

57
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58
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Alors j’ai...
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… cuisiné une piè r
aux araignées pou
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la maîtresse et pou , des bonbons
tr ée
des sucettes en en lé pour le plat,
sa
au caramel beurre s en dessert ! »
et des chewing-g um
eur (29)
Apollon, 7 ans, Lanm
Bravo Apollon
me 1
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“Les Vikings” de s,
Aventures de Sa
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autant que l’on voulait. »
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... Je me suis mise à faire danser

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Et envoie ton texte

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de téléphone et ton adresse (jeu réservé aux
j’ai enlevé
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Dossier personnage) – Gwénolé Le Dors (BD Dossier personnage) – Mathilde Giard (texte Docu-fiction) – Vincent Wagner (illustrations Docu-fiction) – Laurent Audouin (illustrations Roi des menteurs) - Béatrice Bon
(iconographe). Publicité : UNIQUE HÉRITAGE MÉDIA. Directrice de la régie : Frédérique Nodé-Langlois. Directrices de publicité : Marie Cabuil (01 56 79 36 51), Nathalie Demougeot (01 56 79 36 53), m.cabuil@fleuruspresse.
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2017 – Dépôt légal à parution. Tous droits de reproduction réservés sauf autorisation écrite préalable © Histoires vraies Les coordonnées de nos abonnés sont communiquées à nos services et aux organismes liés
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Ton roman historique
Jacques Cartier
En 1534, le roi François Ier charge un marin de Saint-Malo,

Jacques Cartier, de faire voile à travers l’Atlantique pour
découvrir un passage vers la Chine et rapporter
de l’or. Une folle expédition en plusieurs voyages
qui aboutira à la découverte… du Canada !
Et aussi :
Ton docu-fiction
●
● Ta fiche “Personnage” à collectionner
● Tes pages documentaires
● Tes actus
● Tes BD
Aventures sur la route

de Compostelle M 05329 - 274 - F: 5,80 E - RD
PRESSE JUNIOR
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Je Lis Des Histoires Vraies 274 - Juillet-Aout 2017

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Édito O hé matelot !

c’est parti, on lève l’ancre

4 Le grand voyage de Jacques Cartier

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60 Le roi des menteurs

62 Ta BD : Cléo, la petite pharaonne

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1520 Il épouse Catherine, fille d’un notable de Saint-Malo.

1520-1530 Cartier navigue beaucoup, sans doute au Brésil

Avril-septembre 1534 Premier voyage au Canada. Cartier rentre

Mai 1535-juillet 1536 Deuxième voyage au Canada. Cartier remonte

Mai 1541-septembre 1542 Troisième voyage au Canada.

1542 Cartier se retire dans son manoir de Limoëlou, à Saint-Malo.

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P enché au-dessus de sa table de travail, Jacques

1. Ce grand navire mesure 40 mètres de long et 8 mètres de large.

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L es trois bateaux ont progressé le long de la côte

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« Ici commence la terre et province du Canada », note

1. À proximité de la future ville de Québec. Voir carte p. 4.

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2. Vers la source du fleuve.

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3. À l’emplacement de l’actuelle ville de Montréal. Voir carte p. 4.

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P ar précaution, Cartier est parti avec le plus petit

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1. Chute d’eau, cascade.

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T homas et Jacques sont soucieux. L’aventure

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E n ce matin d’avril, le soleil brille et le temps paraît

1. C’est le cèdre blanc.

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À son retour en France, le 16 juillet 1536, Jacques

Merci à l’Association malouine des Amis de Jacques Cartier pour sa relecture.

À visiter cet été !

Musée Jacques-Cartier, rue David

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30_31_HV274_lexiqueOKV.indd 30 22/05/2017 14:34 Créa In

A LA COUR DU ROI SOLEIL,

À l’époque des Précieuses en 1661, Françoise,

ENTRE LE COLLÈGE, LES COPINES ET LA COUR DE LA REINE MARGOT,

ASes dèle, 13 ans, est perdue depuis le décès de

Créa Insert 175x255 Livre jeunesse.indd

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Un campement indien, près du lac Huron (toile du XIXe siècle).

Les “Indiens” d’Amérique