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ACTE I

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Scène 3
LES MÊMES, AMARANTHE

AMARANTHE, arrêtant la noce prête à sortir


Arrêtez ! arrêtez !

TOUS
Hein ! Qu’y a-t-il ?

AMARANTHE
Il y a qu’un obstacle s’oppose au mariage de Clairette.

POMPONNET
Un obstacle ?

CLAIRETTE, à part
Enfin !

POMPONNET
Mais je n’en connais pas… mais les obstacles je m’en moque. Je les brave… je…

AMARANTHE
Tais-toi ! Je ne puis m’expliquer devant Clairette… (À Clairette) Mais ne te
tourmente pas petite, il ne s’agit que d’un léger retard.

POMPONNET
Mais je ne veux pas de retard, je suis pressé, moi !

GUILLAUME
Voyons, voyons, laisse parler Amaranthe.

AMARANTHE
Rentre dans ta chambre Clairette, nous reviendrons te chercher, ne t’inquiète pas…

CLAIRETTE, rentrant avec Babet


Oh ! Je ne suis pas inquiète.

POMPONNET
Mais je le suis, moi… Ça m’impressionne, ça m’agite… Oh ! que je suis donc agité !

(Amaranthe et les dames de la Halle ont reconduit Clairette chez elle avec Babet.)
– 35 –

Scène 4
LES MÊMES, MOINS CLAIRETTE ET BABET

GUILLAUME
Voyons, qu’est-ce que c’est donc ?

TOUS
Parle !

BUTEUX
Tu nous fais bouillir !

POMPONNET
Je dessèche.

AMARANTHE
Eh bien, mes enfants, nous sommes dans de jolis draps !

CADET
Mais dans quels draps donc que nous sommes ?

AMARANTHE
Vous vous rappelez tous que lorsque cette pauvre madame Angot a passé de vie à
trépas, et n’ayant plus au monde qu’une petite fille née au sérail de
Constantinople... ?

TOUS
Eh ben ? eh ben ?

AMARANTHE
Eh ben, nous n’avons pas hésité une minute… Nous nous sommes dit : Puisqu’elle
n’a plus ni père ni mère, elle sera l’enfant de la Halle. Et ça une fois dit, (aux
hommes) vous êtes tous devenus ses pères, (aux femmes) et nous sommes toutes
devenues ses mères !

THÉRÈSE
Pardine, si nous savons ça !

GUILLAUME
À quoi bon nous le rappeler ?
– 36 –

AMARANTHE
Eh ben ! mes petits agneaux, ce jour-là... nous avons fait une bêtise !

TOUS
Une bêtise ?

AMARANTHE
Comme elle ne possédait pas d’acte civil, nous sommes allés à la municipalité et
avons déclaré à l’autorité que la petite était l’enfant de monsieur et madame
Angot.

TOUS
Eh ben ?

TOUS
Ah !

POMPONNET
Comment, ma femme n’est pas la fille de son père ? Mais alors, de qui donc est-elle
la fille ?

AMARANTHE
Dame ! puisque sa mère était alors au sérail de Constantinople... c’est peut-être la
fille du Grand-Turc !

POMPONNET
Ma femme aurait du truc… du Turc dans le sang !... J’épouserais la fille d’un pacha à
trois queues !... Quel honneur pour un perruquier !

BUTEUX
Qu’est-ce que ça fait au maire ça ?

AMARANTHE
Au maire ? Ça ne lui fait rien !... mais il dit qu’il faut absolument que nous lui
trouvions un autre père !

TOUS
Ah !
– 37 –

AMARANTHE
À moins que le futur se contente de celui-là.

POMPONNET
Moi ?... qu’est-ce que ça me fait ? Est-ce que j’épouse son père ?... Est-ce qu’en
l’épousant je n’épouse pas un trésor ?

GUILLAUME
Oh ! Ça, tu peux t’en vanter !

JAVOTTE
Chargés de lui servir de parents, nous n’avons pas regardé à la dépense…

CADET
Elle a reçu une éducation de marquise !

AMARANTHE
Tu peux dire de duchesse, et dans le premier pensionnat de Paris.

THÉRÈSE
Aussi c’est sage, c’est modeste, c’est innocente.

POMPONNET
Oh ! pour innocente… elle est même trop innocente,

CADET
Tu t’en plains ?

POMPONNET
Oui, parce que ça l’empêche de me regarder.

JAVOTTE
Quelle différence avec sa mère !

POMPONNET
Ah ça ! mais, puisque vous l’avez connue, cette fameuse madame Angot, est-ce que
c’est vrai tout ce qu’on raconte sur elle ?

AMARANTHE
Si c’est vrai, écoute ça, fiston.
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1ER COUPLET

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POMPONNET
Comment ! le Grand-Turc a cinq cents femmes, et moi je n’en ai pas encore ! Vite
à la municipalité

(Bruit au dehors)

BUTEUX
Qu’est-ce qui se passe donc là-bas ?

AMARANTHE
Ah ! vive Dieu ! c’est cet aventurier d’Ange Pitou !

GUILLAUME
Comment il est sorti de prison ?

THÉRÈSE
Est-ce qu’il n’en sort pas toujours ?

CADET
Ça, c’est vrai que je ne sais pas comment il fait son compte ; mais toutes les
semaines on l’arrête, et trois jours après on le retrouve chantant sur la place
publique.

JAVOTTE
Et de jolies chansons !

AMARANTHE
Des chansons contre le Directoire !

POMPONNET
S’il ne s’en prenait qu’au Directoire, ça m’affligerait. Mais, non content de ça,
vous savez que ce scélérat de Pitou s’avise de tourner autour de ma fiancée !

BUTEUX
Oh ! pour ça, mon garçon, tu peux dormir tranquille.

GUILLAUME
Nous sommes là, nous !
– 46 –

LES FEMMES
Et nous donc !

POMPONNET
C’est juste ; ce n’est pas quand une fille a autant de pères et de mères, qu’un
séducteur est à craindre pour son mari.

(Nouveau bruit au dehors)

JAVOTTE
Les voilà qui se… séparent.

THÉRÈSE
Ange Pitou vient de ce côté !

GUILLAUME
Ne l’attendons pas, partons !

CADET
Au contraire, il faut qu’il sache que Clairette se marie !

ANGE PITOU, au dehors


Oui, oui, c’est convenu ! Dans une heure, à la place ordinaire ! (Entrant) et je vous
en chanterai de toutes les couleurs !

Scène 5
LES MÊMES, ANGE PITOU

BUTEUX
Te v’la donc sorti de prison, toi ?

ANGE PITOU
Tiens, toute la Halle endimanchée !

GUILLAUME
On ne finira donc pas par te pendre ?
– 47 –

ANGE PITOU
Jamais, Guillaume, jamais ! J’en suis à ma cinquantième arrestation. Libre
aujourd’hui, je serai peut-être arrêté ce soir ; mais on me relâchera demain, et
toujours comme ça !

CADET
Mais qui donc es-tu ?

ANGE PITOU
Les uns disent que... je n’ai pas de famille ; tout le monde connaît mon histoire
excepté moi, qui ne sait ni qui je suis ni d’où je viens. Mais pourquoi donc tous ces
bouquets ?

AMARANTHE
Nous sommes de noce.

ANGE PITOU
Bah !

BUTEUX
Et voilà le futur !

ANGE PITOU
Tiens, c’est cet imbécile de Pomponnet !

POMPONNET
Citoyen !

ANGE PITOU
Mes compliments sincères...

POMPONNET
Je reçois les compliments, mais le nom d’imbécile je ne l’accepte pas !

ANGE PITOU
Je le retire.

POMPONNET
À la bonne heure !
– 48 –

ANGE PITOU
Et vous épousez ?

CADET
Notre fille.

AMARANTHE
L’enfant de la Halle.

TOUS
Clairette !

ANGE PITOU
Clairette !... Ah ! c’est Clairette !... (s’inclinant devant Pomponnet) Mes
compliments réitérés…

BUTEUX
Et à ce propos, mon garçon, je suis bien aise de te dire que l’honneur de notre
gendre nous est aussi précieux que le nôtre.

CADET
Et que si jamais un godelureau venait roucouler près de madame Pomponnet...

GUILLAUME
C’est à nous qu’il aurait affaire...

TOUS LES HOMMES


À nous tous !

ANGE PITOU
Pourquoi me dites-vous ça ?

CADET
Pour que tu le saches. Et maintenant, les enfants, partons !

TOUS
Partons !
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jouer 2 fois

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– 50 –

Scène 6
ANGE PITOU, seul

Ah ! elle se marie... elle épouse cet imbécile... Eh bien, soit ! Dieu merci, les
consolations ne me manqueront pas ! Témoin ce billet qu’une vieille femme
m’a remis à la sortie du Petit Châtelet. (Lisant) « Citoyen, trouvez-vous demain
à quatre heures à votre place ordinaire, en face le portail de Saint-Germain-
l’Auxerrois. La personne qui vous remet ce billet viendra vous y chercher et
vous la suivrez quand elle vous aura dit : Je viens de la part de celle qui veille
sur vous ! » Celle qui veille sur moi, c’est une femme !
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ANGE PITOU
Que vois-je ?

Scène 7
ANGE PITOU, CLAIRETTE, BABET

CLAIRETTE, à Babet
Tu as bien compris, veille sur nous !

BABET
Mais, mamzelle, vous n’y pensez pas !

CLAIRETTE
Tiens-toi sous les piliers, là-bas, et si tu les vois revenir, accours vite !

BABET
Ah ! le jour de son mariage !

CLAIRETTE, marchant résolument à Pitou


Eh bien ! vous ne me faites pas compliment de ma toilette ?

ANGE PITOU
Ah ! elle est forte, celle-là !

CLAIRETTE
À propos, je la sais, votre chanson.

ANGE PITOU
Ma chanson ?

CLAIRETTE
Oui, la nouvelle... celle que vous m’avez donnée il y a trois jours... Oh ! elle est
bien méchante !

ANGE PITOU
Il s’agit bien... Comment, Clairette, c’est quand je vous vois sous ce costume.
– 57 –

CLAIRETTE
Le fait est que je devrais être mariée à l’heure qu’il est...

ANGE PITOU
Mariée ?...

CLAIRETTE
Mais j’ai trouvé un moyen de retarder la cérémonie.

ANGE PITOU
Elle est retardée ?...

CLAIRETTE
Malheureusement mon moyen n’a qu’à moitié réussi.

ANGE PITOU
Alors ?

CLAIRETTE
Alors, il faut en chercher un autre.

ANGE PITOU
Si j’étais à votre place il serait vite trouvé !

CLAIRETTE
Vous en avez un ?

ANGE PITOU
Un bien simple : dire que nous nous aimons.

CLAIRETTE
Mais c’est vous-même qui ne le vouliez pas !

ANGE PITOU
Oh ! certainement, je ne voulais pas que vous parliez de moi, de moi qui ne suis
rien, qui n’ai rien ; mais vous, vous pourriez refuser l’affreux mari qu’on vous
donne...
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CLAIRETTE
Affreux ! D’abord Pomponnet n’est pas affreux... il est même très gentil,
Pomponnet.

ANGE PITOU
Ah ! vous trouvez ?

CLAIRETTE
Et puis j’ai déjà refusé dix-neuf prétendus, et vous savez bien que pour me faire
accepter celui-là, mes pères et mères m’ont dit qu’il y allait de leur bonheur ; que
je n’avais aucun motif de refuser ? Je leur dois tout à ces braves gens.

ANGE PITOU
Alors vous vous marierez par reconnaissance ?

CLAIRETTE
Oh ! non, ça n’ira pas jusque-là ! d’autant plus que vous m’avez dit que si je me
mariais vous vous tueriez !

ANGE PITOU
Oh ! pour ça !

CLAIRETTE
Vous le feriez, je le sais bien... aussi voyez mon embarras : si je l’épouse vous vous
tuez ; si je ne l’épouse pas, je désespère toute ma famille... Ah ! si ma mère s’était
trouvée à ma place !

ANGE PITOU
Madame Angot ?

CLAIRETTE
C’est elle qui n’aurait pas été embarrassée.

ANGE PITOU
Qu’aurait-elle pu faire ?

CLAIRETTE
C’est ce que je cherche !

ANGE PITOU
Cherchons ensemble !
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Scène 8
LARIVAUDIÈRE, LOUCHARD

LARIVAUDIÈRE
Eh ! eh ! nous effarouchons des tourtereaux !

LOUCHARD, regardant à gauche


Mais cet homme qui se sauve c’est lui !...

LARIVAUDIÈRE
Qui ? lui ?

LOUCHARD
Celui dont nous parlions, Ange Pitou.

LARIVAUDIÈRE
Le chansonnier réactionnaire ?

LOUCHARD
Lui-même, j’en suis sûr !

LARIVAUDIÈRE
Ainsi, l’on ne m’avait pas trompé, il est libre !...

LOUCHARD
Que voulez-vous ?... cela tient du prodige !... Nous avons beau l’arrêter, le
conduire au bureau central, le traîner devant les juges, le claquemurer dans un
cachot ; il se moque de tout cela, les juges l’acquittent ou son cachot s’ouvre ; je
crois que cet homme est le diable !

LARIVAUDIÈRE
Oui, le diable ; et il est libre, c’est grave, c’est très grave.

LOUCHARD
Pourquoi faire à ses chansons l’honneur de si fort les écouter ?

LARIVAUDIÈRE
D’abord, parce qu’elles sont très dangereuses. Il est instruit de mes relations avec
mademoiselle Lange.
– 72 –

LOUCHARD
Comment ! il saurait ?

LARIVAUDIÈRE
Ne me disais-tu pas que c’était le diable ? Et comprends-tu ce qu’une chanson faite
par lui en ce moment sur mes amours avec la favorite de Barras pourrait
amonceler d’orages sur ma tête !

LOUCHARD
Diable ! diable ! diable !

LARIVAUDIÈRE
Mon projet était d’aller le voir dans son cachot au Petit-Châtelet, j’avais même
trouvé un moyen de lui donner le change.

LOUCHARD
Ah ! vous aviez trouvé...

LARIVAUDIÈRE
Tu sais que j’ai pour rival et compétiteur dans mes entreprises financières cet
imbécile de Lavaujon ? C’était sur lui que je voulais faire tomber les soupçons de
cet Ange Pitou.

LOUCHARD
Eh ! mais...

LARIVAUDIÈRE
Au besoin même, j’aurais payé son silence, mais à présent…

LOUCHARD
Ma foi, l’occasion vous sert à merveille, Ange Pitou revient de ce côté.

LARIVAUDIÈRE
Laisse-nous, mais ne t’éloigne pas ! Si malgré mes offres, il persévérait dans
l’intention de me nuire...

LOUCHARD
Nous l’arrêterions encore, mais il serait délivré demain... Le voilà... je vous laisse...
– 73 –

Scène 9
ANGE PITOU, LARIVAUDIÈRE

ANGE PITOU, entrant au moment où sort Louchard


Enfin, ils se séparent !

LARIVAUDIÈRE, à part
Diable, comment entamer ?...

ANGE PITOU, à part


Eh bien ! est-ce que celui-là ne va pas s’en aller ?

LARIVAUDIÈRE, à part
Bah ! avec de l’or ! (Allant à lui) N’est-ce pas au chansonnier populaire, au célèbre
Ange Pitou, que j’ai l’honneur…

ANGE PITOU
Oui, citoyen.

LARIVAUDIÈRE, souriant
Recevez mes félicitations. J’estime fort votre talent et je partage vos convictions.
Se moquer des ridicules, signaler les abus, c’est bien, c’est beau, c’est brave ; et
tenez, à ce propos j’ai peut-être à vous donner un sujet de chanson.

ANGE PITOU
Ça ne m’étonne pas. De nos jours l’intrigue donne beaucoup de sujets.

LARIVAUDIÈRE
Vous avez entendu parler des nouvelles amours de la favorite Mlle Lange avec le
financier Lavaujon.

ANGE PITOU
Vous croyez ?

LARIVAUDIÈRE
Je connais toute cette intrigue, et si vous voulez faire une chanson là-dessus…

ANGE PITOU
Elle est faite.
– 74 –

LARIVAUDIÈRE
Déjà ?

ANGE PITOU
Il y a trois jours, avant ma dernière arrestation, je comptais même sur elle pour me
faire arrêter de nouveau.

LARIVAUDIÈRE
Ah bah ! déjà faite !

ANGE PITOU
Par exemple, nous ne sommes pas du tout d’accord...

LARIVAUDIÈRE
Comment ?

ANGE PITOU
Vous accusez de cette intrigue cet imbécile de Lavaujon, et moi j’en accuse ce
coquin de Larivaudière !

LARIVAUDIÈRE
Hein ! vous osez dire ?...

ANGE PITOU
Oh ! je suis bien renseigné. Mademoiselle Lange, la comédienne du théâtre
Feydeau, est pour l’instant la favorite de Barras, et en même temps... comment
dire cela ?... en même temps la protégée de Larivaudière.

LARIVAUDIÈRE
Monsieur !

ANGE PITOU
Et c’est par elle que Larivaudière obtient de Barras les biens promis à Lavaujon.

LARIVAUDIÈRE
Savez-vous à qui vous parlez, monsieur ?

ANGE PITOU
Non ; mais à qui donc ?

LARIVAUDIÈRE
Je suis Larivaudière.
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DUO BOUFFE
(version inédite)
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– 95 –

Scène 10
ANGE PITOU, puis BABET

ANGE PITOU, seul


Voyons, monsieur le chansonnier, savez-vous bien ce que vous venez de faire là ?
Tout simplement vendre votre plume... la vendre... oui !... Mais où est le mal ? Ce
Larivaudière est un fripon, mais Lavaujon en est un autre ! Or, fripon pour fripon…

BABET, accourant
Vite, vite, voilà toute la noce ! Tiens, elle n’est plus là ?

ANGE PITOU
Non, va la rejoindre, et dis-lui que le moyen que nous cherchions, je l’ai trouvé.

BABET
Bon ! je vais lui dire !

(Bruit au dehors)

ANGE PITOU
Les voilà ! du courage ! Allons droit au fait !

Scène 11
ANGE PITOU, CADET, GUILLAUME, BUTEUX, AMARANTHE, JAVOTTE, THÉRÈSE,
POMPONNET, ensuite CLAIRETTE, à la fenêtre

CADET
Mais ne vous pressez donc pas puisque nous avons une heure devant nous.

POMPONNET
Mais songez donc que ma future doit craindre qu’un obstacle insurmontable ne la
prive du bonheur de m’appartenir ?...

ANGE PITOU
Oh ! si vous n’avez que cette crainte-là ?

BUTEUX
Ah ! te voilà encore toi !

ANGE PITOU
Oui, père Buteux, et je vous attendais tous...

TOUS
Ah !

GUILLAUME
Tu nous attendais ?...
– 96 –

ANGE PITOU
Je n’y vais pas par quatre chemins. En épousant Pomponnet, qu’elle ne peut pas
souffrir, Clairette se dévouait à la reconnaissance qu’elle vous doit à tous.

POMPONNET
Qu’est-ce qu’il dit ? qu’est-ce qu’il dit ?

CADET
Silence !... (À Pitou) Et toi, fiston, continue !

CLAIRETTE, paraissant à la fenêtre


Quel est donc ce moyen qu’il a trouvé ?

ANGE PITOU
La vérité est que Clairette et moi nous nous aimons.

CLAIRETTE, à part
Ah ! qu’est-ce qu’il dit là ?

ANGE PITOU
Si je vous l’ai caché jusqu’à ce jour, c’était à cause de ma position de fortune ;
mais les temps sont changés, je suis riche aujourd’hui.

CLAIRETTE, à part
Ah bah !

TOUS
Riche ?

ANGE PITOU
J’ai trente mille écus de fortune.

TOUS
Trente mille !...

THÉRÈSE
Et d’où c’ qui t’vient c’ t’ argent-là ?

ANGE PITOU
D’une chanson.

AMARANTHE
C’est une chanson qui te rapporte 30 000 écus ?

TOUS
Une chanson !

AMARANTHE
Ah ça ! décidément, est-ce que tu nous prends pour des oies ?
– 97 –

ANGE PITOU
Mais quand je vous jure...

CADET
Et quand bien même ! Est-ce que tu crois que notre fille est à vendre comme ta chanson ?

ANGE PITOU
Mais puisque je vous dis qu’elle n’aime pas Pomponnet !...

POMPONNET
Oh ! mais, c’est révoltant !

CADET
Tais-toi, nous allons tirer cette affaire-là au clair !

BUTEUX
Oui, faut savoir de quoi y retourne.

CADET
Et quant à toi, retiens bien ces paroles : si elle t’aime, nous te cassons les reins !

CLAIRETTE
Ah ! qu’est-ce que j’entends là ?
(Elle quitte la fenêtre.)

BUTEUX
Et si elle ne t’aime pas, nous te les cassons tout de même pour avoir dit qu’elle t’aimait !
(Ils entrent à droite.)

ANGE PITOU, à lui-même


Eh bien, me voilà joli garçon ! j’ai bien travaillé !

POMPONNET, sur le point de sortir le dernier, revenant sur ses pas


Oui, si elle t’aime...

ANGE PITOU
Morbleu !

POMPONNET, se sauvant
Pas moi ! pas moi ! (Sur le pas de la porte) Ils te casseront les reins !

Scène 12
ANGE PITOU, seul
Eh bien ! je ne l’aurai pas volé ! Ah ! tu vends tes chansons !... Gredin !... imbécile !...
bélitre !... ingrat !... idiot !... Va maintenant changer tes couplets !... Va chanter les vertus
de Larivaudière !... Ah ! c’est affreux !... c’est indigne ! c’est lâche !... Et pour me punir,
non je ne chanterai pas !... je rendrai cet argent, et je ne chanterai plus !
– 98 –

Scène 13
ANGE PITOU, Foule bariolée de toutes les modes populaires du temps

UN INCROYABLE, à la cantonade
Ah ! le voilà ! Par ici ! par ici !

ANGE PITOU
Allons, juste à point nommé !... ils arrivent bien !

UN INCROYABLE
Fidèle au rendez-vous ! Bravo ! bravo !

TOUS
Vive Ange Pitou !

ANGE PITOU
Oh ! ne vous égosillez pas, je n’ai rien à vous chanter !

TOUS
Rien !

ANGE PITOU
Non, rien !

L’INCROYABLE
Et cette chanson promise ?

ANGE PITOU
Elle n’est pas faite !

TOUS
Allons donc !

L’INCROYABLE
Tu nous as dit que tu la chanterais à onze heures.

ANGE PITOU
Ah ! morbleu, vous m’impatientez ! Faut-il tout vous dire ? Eh bien, je ne chante
plus !

TOUS
Ah !

ANGE PITOU
Je ferme boutique.

TOUS
Ah !
– 99 –

1
– 100 –
4

10
– 101 –

14

17
– 102 –

20

23
– 103 –
26

30

33

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– 104 –

39

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– 106 –

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– 107 –

71

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80

85
– 108 –

90

95

99
– 109 –
104

108

2E COUPLET
113
– 110 –

118

123

128

132
– 111 –

136

141
– 112 –

145

150

155

159
– 113 –

164

168

172
– 114 –

177

181

185
– 115 –

189

192
– 116 –

195

198

200
– 117 –

202

LOUCHARD avec les basses


– 118 –

205
– 119 –

208
– 120 –

211
– 121 –

216

moi seul
– 122 –

220
– 123 –

224
– 124 –

228
– 125 –

232
– 126 –

236
– 127 –

239
– 128 –

243
– 129 –

247
– 130 –

250
– 131 –

253
– 132 –

258
– 133 –

263
– 134 –

268
– 135 –

274
– 136 –

279
– 137 –

284

290

297
– 138 –
– 139 –
ACTE II
N° 6 bis.

12

18

24

29
– 140 –

8
– 141 –

11

14

16
– 142 –

19

22

24
– 143 –

27

30

32
– 144 –

34

36

38
– 145 –

40

42

44
– 146 –

LARIVAUDIÈRE
Oui, mesdames, c’est ainsi que cela s’est passé, sur le carreau de la Halle, une
jeune fille qui portait de la fleur d’oranger.

MADEMOISELLE DELAUNAY
C’est vraiment inouï.

CYDALYSE
C’est incroyable !

MADAME HERBELIN
C’est scandaleux.

MADEMOISELLE LANGE, entrant suivie d’Hersilie


Oui, c’est tout cela ; mais, de grâce, ne parlons plus de cette jeune fille ; j’ai
obtenu de Barras qu’on me l’amènerait dans la soirée.

LARIVAUDIÈRE
Vous l’amener ? la tirer de sa prison ?

MADEMOISELLE LANGE
Parfaitement ; je veux savoir par elle-même le motif de ces attaques. Mais
laissons ce sujet. Delaunay, tu étais hier à l’Opéra, qu’y disait-on ?

MADEMOISELLE DELAUNAY
On y faisait un grand bruit.

MADEMOISELLE LANGE
Pourquoi ?

MADEMOISELLE DELAUNAY
Parce que l’Opéra avait triplé le prix de ses places.

LARIVAUDIÈRE
Triplé ! Sous quel prétexte ?

MADEMOISELLE DELAUNAY
Sous le prétexte que la chandelle coûte aujourd’hui quarante-cinq livres.

MADEMOISELLE LANGE
Dame ! c’est assez juste... En temps de république, le soleil luit pour tout le
monde... mais la chandelle, il faut la payer.
– 147 –

MADAME HERBELIN
Et la vie est très chère, par ce régime. On parlait hier chez Fréron d’une corbeille
de noces de vingt-cinq millions... en papier.

LARIVAUDIÈRE
Aussi le gouvernement songe-t-il à faire fabriquer des assignats de cent mille
livres !

MADEMOISELLE LANGE
Et toi, Cydalise, où as-tu passé ta soirée ?

CYDALISE
Moi, je suis allé saluer l’astre naissant... J’ai voulu voir briller à son aurore la
ressuscitée de thermidor, la toute belle et toute puissante madame Tallien !

MADEMOISELLE LANGE
Eh bien ! qu’en penses-tu ?

CYDALISE
Ah ! ma chère, c’est trop drôle... Figure-toi Calypso ayant transporté son île au
Cours-la-Reine et se promenant en tunique grecque, décolletée, cela va sans dire,
et laissant voir le bas de la jambe et deviner tout le reste ; et cette nymphe allant,
venant, chantant et dansant, couverte de bijoux de la tête aux pieds !

MADEMOISELLE LANGE
Mais que fait donc mon perruquier ?... Hersilie, voyez si le citoyen Pomponnet est
arrivé.

HERSILIE
Oui, citoyenne.

MADEMOISELLE LANGE
Et ne revenez qu’avec lui.

(Hersilie sort.)

LARIVAUDIÈRE
Vous renvoyez votre officieuse ?

MADEMOISELLE LANGE
N’avons-nous pas à parler de notre grand projet ? Quand nous réunissons-nous ?

(On se lève.)
– 148 –

MADEMOISELLE DELAUNAY
Mais, cette nuit !

MADEMOISELLE LANGE
Cette nuit ?

MADAME HERBELIN
Le rendez-vous est à minuit.

MADEMOISELLE LANGE
Où donc ?

MADAME HERBELIN
Mais ici même !

MADEMOISELLE LANGE
Mais pourquoi chez moi ?

LARIVAUDIÈRE
Pour inspirer moins de soupçons.

CYDALISE
Sans doute : on sait que tu es l’amie de Barras, et que cet hôtel isolé, rue de
Clichy…

MADEMOISELLE LANGE
Raison de plus ! Si l’on voit, la nuit, dans ce quartier désert, tous nos amis se
diriger vers cette maison... on va... Ah ! il me vient une idée... je ferai tout
illuminer comme pour un bal…

TOUTES
C’est cela.

LARIVAUDIÈRE
On ne saurait prendre trop de précautions. Les soldats d’Augereau ont appris que
nos amis avaient pour signe de ralliement un collet noir et une perruque blonde,
et, depuis hier, ils nous font une guerre acharnée.

MADEMOISELLE DELAUNAY
Oui, boulevard des Italiens... ils se sont rués sur tous les porteurs de collets noirs.

MADAME HERBELIN
On parle d’arrestations.

MADEMOISELLE LANGE
Oh ! mais patience, patience...
– 149 –

10
– 150 –

14

20

26

32
– 151 –

37

42

47

52
– 152 –

57

62

67
– 153 –

73

79

83

89
– 154 –

95

99

103

107
– 155 –

111

115

120
– 156 –

Scène 2
LES MÊMES, UN DOMESTIQUE, TRENITZ

UN DOMESTIQUE, entrant
Le citoyen Trenitz !

TOUTES, minaudant
Ah ! c’est lui ! c’est lui !

TRENITZ
Bonjou !... bonjou !... Toujou de plus en plus chamantes, adoables...(À Lange) Gloie
à la déesse de ce avissant séjou... Bonjou, Laivodié ! Vous voyez un homme
enchanté, avi...

(Il fait un entrechat et retombe sur le pied de Larivaudière.)

LARIVAUDIÈRE
Oh !

CYDALISE
Quelle grâce !

MADEMOISELLE DELAUNAY
Comme il s’élève !

MADAME HERBELIN
Et comme il retombe bien !

LARIVAUDIÈRE, à part
Oui, sur mon pied.

MADEMOISELLE LANGE
Ah ! grands dieux !

TOUTES
Quoi donc ?

MADEMOISELLE LANGE
Voyez, un collet noir !...

MADEMOISELLE DELAUNAY
Et une perruque blonde... Imprudent !
– 157 –

CYDALISE
Oh ! sortir ainsi !...

MADAME HERBELIN
Mais vous ne savez donc pas que les soldats d’Augereau ?...

TRENITZ
Eh bien, les soldats d’Augeeau... je viens de les voi... J’ai passé au milieu d’eux
avec mon collet noi...

TOUS
Au milieu d’eux ?

TRENITZ
Et en les egadant comme ça...

LARIVAUDIÈRE
Et vous étiez seul ?

TRENITZ
Tout seul...(Montrant sa canne) avec mon pouvoi exécutif.

MADEMOLSELLE DELAUNAY
Aussi brave que charmant !

MADAME HERBELIN
Mais d’une légèreté !...

TRENITZ
Oh ! pou légé...

(Il va pour sauter.)

LARIVAUDIÈRE, le retenant par la jambe


Non.

TRENITZ
Mais en palant de légèté, une gande nouvelle : la valse de Catufo a été exécutée
chez madame Ecamier, avec les chœus de l’Opéa conduits pa Gossec... Succès
étoudissant, paole d’honneu !...

MADEMOISELLE LANGE
La valse de Catrufo... mais nous la savons toutes ; c’est la fureur du jour, et dans
tous les salons...
– 158 –

Scène 3
LES MÊMES, POMPONNET

HERSILIE, annonçant
Citoyenne.

MADEMOISELLE LANGE
Ah ! c’est Pomponnet !

POMPONNET, l’air tout effaré


Ah ! madame... non, citoyenne, pardon, je suis en retard. C’est qu’il m’est
arrivé... j’ai couru, et...

MADEMOISELLE LANGE
Ah ! mon Dieu ! quel air étrange !

LARIVAUDIÈRE
En effet !

TRENITZ
Il a les cheveux ébouiffés.

CYDALISE
Et l’œil hagard.

TOUTES
Parlez, parlez !

POMPONNET
Si j’ai le cheveu hagard... et l’œil ébouriffé... non... l’œil...

MADEMOISELLE LANGE
Voyons !

POMPONNET
C’est qu’il m’arrive un grand malheur.

MADEMOISELLE LANGE
Lequel ?

POMPONNET
J’allais me marier avec une ange que j’adorais...

MADEMOISELLE LANGE
Et elle vous a trompé ?
– 159 –

POMPONNET
Non... pas encore... Mais au moment... l’on se rendait à la municipalité... Ah !
quand j’y songe !...
(Il s’essuie la figure.)

MADEMOISELLE LANGE
Achevez !

POMPONNET
Ma femme... non, ma fiancée, poussée par je ne sais quel vertigo...

MADEMOISELLE LANGE
Eh bien ?

POMPONNET
S’est mise à chanter, et...

LARIVAUDIÈRE
Ah ! j’y suis... je devine... ce doit être...

MADEMOISELLE LANGE
Pardon, est-ce vous qui racontez... ou si c’est Pomponnet ?

LARIVAUDIÈRE
C’est moi... si vous voulez.

MADEMOISELLE LANGE
Non... je ne veux pas... Continuez, Pomponnet !

POMPONNET
Oh ! non... je ne dois pas vous dire... et pourtant vous seule peut-être...

MADEMOISELLE LANGE
Attendez-donc ! Cette jeune fille arrêtée dans la rue avec la fleur d’oranger.
C’était votre fiancée ?

POMPONNET, s’agenouillant
Ah ! grâce pour moi... non pour elle...

MADEMOISELLE LANGE
Quoi ! c’est votre fiancée qui ose attaquer le gouvernement et médire de
moi ?

POMPONNET
Ah ! si vous la connaissiez !
– 160 –

12
– 161 –

15

18

22

26
– 162 –

29

32

35

39
– 163 –

MADEMOISELLE LANGE
Cette chanson, je veux la connaitre.

POMPONNET
Oui ; car c’est elle qu’il faut punir, ou plutôt celui qui l’a faite !

MADEMOISELLE LANGE
Vous le connaissez ?

POMPONNET
Si je le connais ! C’est un bohémien, un nommé Ange Pitou.

MADEMOISELLE LANGE
Ange Pitou !

TOUS
Lui !

LARIVAUDIÈRE
Encore lui ! Comment, je le paye pour ne pas chanter, et il fait chanter ses
rapsodies par des jeunes mariées !

POMPONNET
Oh ! c’est le hasard, ma future avait trouvé la chanson dans la rue.

MADEMOISELLE LANGE
Et cette chanson, où est-elle ?

POMPONNET
Chez moi... bien cachée.

MADEMOISELLE LANGE
Allez la prendre, et apportez-la-moi bien vite.

POMPONNET
Je cours. (Se jetant dans Larivaudière) Oh !
– 164 –

LARIVAUDIÈRE, le rejetant sur Trenitz


Au diable !

TRENITZ, le repoussant
Cobleu ! saquebleu !

POMPONNET
Pardon, excuse... je... (Se sauvant) Ah ! j’en ferai une maladie de peau !

(Il sort.)

LARIVAUDIÈRE
J’espère, chère Lange, que vous ne faiblirez pas... et que...

MADEMOISELLE LANGE
Je ferai ce que je voudrais, cette affaire m’est personnelle ! À propos, c’est ici, à
minuit, la réunion.

TRENITZ
Oui, on entea pa la petite pote du pac ; c’est moi qui dois assembler nos amis.

MADEMOISELLE LANGE
Hâtez-vous donc, car dix heures vont sonner.

TRENITZ, sortant
Un pas de zéphi et je eviens.

(Il sort.)

MADEMOISELLE LANGE, aux dames


Et vous, mes belles, allez parcourir mon parc, je vous ferai prévenir quand ces
messieurs seront arrivés.

MADEMOISELLE DELAUNAY
N’y manque pas, nous tenons à être là.

(Le dialogue continue pendant la musique du n°9 bis.)


– 165 –

N° 9 bis
SORTIE

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– 166 –

(pendant la musique du n°9 bis.)

MADAME HERBELIN
Pour le conseil.

CYDALISE
Et l’entraînement… ça m’amuse beaucoup de conspirer, moi !

TOUTES
Et nous donc !

(Elles sortent.)

LARIVAUDIÈRE, à part
Pourquoi tient-elle tant à nous renvoyer ?

MADEMOISELLE LANGE, à Larivaudière


Eh bien ! que faites-vous là ?

LARIVAUDIÈRE
Mais, j’attends !

MADEMOISELLE LANGE
Ah ! donnez des ordres pour que les salons soient éclairés à minuit.

LARIVAUDIÈRE
Rien ne presse.

MADEMOISELLE LANGE
Pardon, mais je vous prie de me laisser seule.

LARIVAUDIÈRE
Ah ! si j’étais jaloux !

MADEMOISELLE LANGE
Soyez jaloux, mais allez-vous-en !

LARIVAUDIÈRE
Très bien, je m’en vais... (à part, sortant) mais je veillerai.
– 167 –

Scène 4
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Scène 5
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MADEMOISELLE LANGE
Clairette !
– 168 –

CLAIRETTE
C’est toi ?

MADEMOISELLE LANGE
Est-ce possible ?

CLAIRETTE
Ah ! par exemple !

MADEMOISELLE LANGE
C’est toi, toi qui me chansonnes sur la place publique !

CLAIRETTE
Mais la chanson ne parlait pas de toi !

MADEMOISELLE LANGE
Elle ne parlait pas de Mademoiselle Lange ?

CLAIRETTE
Lange, c’est donc toi ? À la pension, tu t’appelais Henriette Jolivar.

MADEMOISELLE LANGE
J’ai changé tout cela... Lange est mon nom de théâtre... mais, ma chère Clairette,
pourquoi chantais-tu en pleine rue une chanson séditieuse, et en toilette de
mariée encore ?

CLAIRETTE
Ah ! c’est toute une histoire ! On voulait me marier malgré moi.

MADEMOISELLE LANGE
Avec Pomponnet ?

CLAIRETTE
Oui, je ne pouvais ni l’épouser, ni le refuser.

MADEMOISELLE LANGE
Ni le refuser ?
– 169 –

CLAIRETTE
D’abord, parce qu’un beau jeune homme que je crois préférer...

MADEMOISELLE LANGE
Que tu crois ?

CLAIRETTE
Que je préfère, si tu veux... Eh bien, ce beau jeune homme m’avait juré de se tuer
si je me mariais.

MADEMOISELLE LANGE
Et tu as cru cela, enfant ?

CLAIRETTE
Oh ! si tu le connaissais !... Il n’a peur de rien ; et puis ce n’est pas tout... ce
mariage m’était ordonné par ces braves gens de la Halle qui m’ont élevée.

MADEMOISELLE LANGE
Je me souviens. Tes pères et tes mères, ils se portent bien ?

CLAIRETTE
Pas mal, merci... enfin pour sortir d’embarras je n’ai trouvé qu’un moyen, c’est de
me faire arrêter.

MADEMOISELLE LANGE
Ah ! ah ! en voilà une idée.

CLAIRETTE
Comme nous en avions à notre grande pension du faubourg du Roule.

MADEMOISELLE LANGE
Oui... à cette époque... nous étions gaies, naïves, innocentes !... Je parle pour moi.

CLAIRETTE
Oh ! la pension !

ENSEMBLE
La pension !
– 170 –

11
– 171 –

17

23

28

32
– 172 –

36

41

45

49
– 173 –

55

61

66
– 174 –

71

75

78

82
– 175 –

86

90

95

100

105
– 176 –

110

114

119

124
– 177 –

128

130

132

135
– 178 –

137

141

145
– 179 –

149

153

158
– 180 –
163

168

172

176
– 181 –

181

186

190
– 182 –

194

198

203
– 183 –

208

212

216

220
– 184 –

Scène 6
LES MÊMES, HERSILIE, LOUCHARD

HERSILIE, entrant
Citoyenne, puis-je vous parler ?

MADEMOISELLE LANGE, allant à elle


Qu’est-ce donc ?

HERSILIE
Une femme d’un certain âge vient d’arriver avec un jeune homme.

MADEMOISELLE LANGE
Ah ! mon Dieu, je n’y pensais plus !

HERSILIE
Je te dérange ?

MADEMOISELLE LANGE
Non, mais...

LOUCHARD, entrant
Pardon, citoyenne, je reviens prendre ma prisonnière.

MADEMOISELLE LANGE
Vous pouvez partir seul, Mademoiselle reste ici !

LOUCHARD
Ici ?

MADEMOISELLE LANGE
Allez, je réponds d’elle !

LOUCHARD
Je me retire. (Salue et dit à part) Et là... dans l’autre salon le chansonnier Ange
Pitou... Je saurai ce qu’il vient faire ici !

(Il salue et sort.)

MADEMOISELLE LANGE
Toi, ma chère Clairette... entre dans ce boudoir... Et sois tranquille, tu
n’épouseras pas Pomponnet.
– 185 –

CLAIRETTE
Oh ! merci !

(Elle entre à droite.)

MADEMOISELLE LANGE
Faites entrer.

HERSILIE
La vieille femme et le jeune homme ?

MADEMOISELLE LANGE
Non ! le jeune homme seulement.

(Hersilie sort.)

Scène 7
MADEMOISELLE LANGE, ANGE PITOU

ANGE PITOU, entrant


Attention, Pitou ! Il est bien convenu que tu n’es ici que pour Clairette... que
tu n’y viens que pour la sauver, par conséquent…

MADEMOISELLE LANGE
Approchez…

ANGE PITOU, à part


Dieu, qu’elle est jolie !

MADEMOISELLE LANGE
Me connaissez-vous, monsieur ?

ANGE PITOU
Je viens seulement d’apprendre que j’avais l’honneur d’être reçu par
Mademoiselle Lange.

MADEMOISELLE LANGE
Vous faites de jolies chansons.

ANGE PITOU
Madame doit s’y connaître.
– 186 –

MADEMOISELLE LANGE
Vous n’êtes pas mal.

ANGE PITOU
Que dirais-je si j’osais répondre ?

MADEMOISELLE LANGE
Voyons, que diriez-vous ?

ANGE PITOU
Que je suis ébloui ! que jamais beauté plus ravissante... (À part) Eh bien, qu’est-
ce que je dis donc là ?... et Clairette ?

MADEMOISELLE LANGE
Vous avez de l’esprit.

ANGE PITOU
Vous savez, on a ses jours...

MADEMOISELLE LANGE
Ajoutez à cela... ce nom d’Ange qui nous est commun à tous deux... car vous
vous appelez Ange aussi !

ANGE PITOU
Ange Pitou.

MADEMOISELLE LANGE
Mais pourquoi Ange Pitou fait-il de Lange une diablesse ?

ANGE PITOU
Parce qu’en dépit de la bonne opinion que vous avez de son esprit, Ange Pitou
est un imbécile qui parle sans savoir.
– 187 –

MADEMOISELLE LANGE
II est certain qu’on a toujours tort de juger sans voir et sans entendre, et si je
me suis déclarée votre protectrice, c’est que moi je vous connaissais.

ANGE PITOU
Vous me connaissez ?

MADEMOISELLE LANGE
Pour vous avoir vu et entendu sur la place de Saint-Germain-l’Auxerrois.

ANGE PITOU
C’est la seule place que j’occupe, et sans l’avoir sollicitée du Directoire.

MADEMOISELLE LANGE, souriant


C’est vrai qu’il vous en a donné d’autres que vous ne sollicitiez pas non plus !

ANGE PITOU, gaiement


C’est vrai !... Depuis que nous avons la liberté je suis toujours en prison... je les
connais toutes.

MADEMOISELLE LANGE
Oh ! vous n’y séjournez pas longtemps !

ANGE PITOU
Grâce à vous.

MADEMOISELLE LANGE
Mais mon pouvoir a des bornes... Voyons, venez vous asseoir près de moi et
causons...

ANGE PITOU
M’asseoir près d’elle !... Ah ! bien zut que je vais oublier Clairette !
– 188 –

[version de
Bruxelles - 1872]
1 1ER COUPLET

6
– 189 –

10

14

17

20
– 190 –

24

27

31

35
– 191 –
N° 11 bis

[version de Paris - 1872]


1

7
– 192 –

10

14

18

22
– 193 –

26

30

34

38
– 194 –

42

47

50

54
– 195 –

58

62

65
– 196 –

69

73

77

81
– 197 –

Scène 8
LES MÊMES, HERSILIE, ensuite CLAIRETTE

HERSILIE
De grâce, deux mots, citoyenne.

MADEMOISELLE LANGE, allant à elle


Qu’est-ce donc ?

HERSILIE, bas
L’agent de police qui vous avait amené la jeune fille a parlé à la vieille dame qui
a conduit ici le citoyen, puis il s’est rendu en toute hâte auprès du citoyen
Larivaudière, et je viens de les voir tous deux traverser la grande cour pour se
rendre ici. Le citoyen Larivaudière parait furieux !

MADEMOISELLE LANGE, à part


Le faire sortir maintenant qu’il est venu... Ah ! (Ouvrant la parte et appelant)
Clairette ! Clairette !

ANGE PITOU, à part


Clairette !

MADEMOISELLE LANGE
Accours, accours vite !

CLAIRETTE, entrant
Me voilà !

ANGE PITOU
Se peut-il !

CLAIRETTE
Ah !

HERSILIE
Madame, les voilà !

MADEMOISELLE LANGE, à Clairette et à Pitou


De grâce, ne me démentez pas ! Quelque chose que je dise, dites comme moi,
ou je suis perdue !
– 198 –

CLAIRETTE et ANGE PITOU


Perdue !

MADEMOISELLE LANGE, voyant la parte s’ouvrir


Silence !

Scène 9
LES MÊMES, LARIVAUDIÈRE, LOUCHARD, VALETS

LARIVAUDIÈRE, aux valets qui restent dehors


Que toutes les portes soient gardées... Ne laissez entrer ni sortir personne.

MADEMOISELLE LANGE
Qu’est-ce à dire, monsieur.

LARIVAUDIÈRE
À merveille, madame. J’en apprends de belles.

MADEMOISELLE LANGE
Qu’apprenez-vous ?

LARIVAUDIÈRE
Vous me le demandez, quand je trouve ici... (Apercevant Clairette) Qui vois-je ?

MADEMOISELLE LANGE
Quand vous trouvez ?

LARIVAUDIÈRE
M’expliquerez-vous ?

MADEMOISELLE LANGE
Rien, c’est à vous de me dire ce que signifie une pareille entrée.

LARIVAUDIÈRE
Ah ! vous voulez que soit... Eh bien ! soit ! Apprenez donc madame, que je sais
tout.

MADEMOISELLE LANGE
Ah !
– 199 –

LARIVAUDIÈRE
Je sais que vous avez écrit à Monsieur...

MADEMOISELLE LANGE
Après ?

LARIVAUDIÈRE
À monsieur que vous aimez !

CLAIRETTE et ANGE PITOU, à part


Hein !

LARIVAUDIÈRE
Que vous l’avez fait conduire ici, que vous nous...

MADEMOISELLE LANGE
Et puis pour le recevoir

LARIVAUDIÈRE
Comment, et puis ?

CLAIRETTE, à part
Elle ne se défend pas !

LARIVAUDIÈRE
Vous trouvez que je n’en sais pas assez ?

MADEMOISELLE LANGE
Vous êtes fou !

LARIVAUDIÈRE
Je suis...

MADEMOISELLE LANGE
Et puis si j’avais à me justifier à vos yeux... Mais le temps nous presse, et la
gravité des circonstances doit l’emporter sur ma rancune. Oui, c’est vrai que j’ai
écrit à Monsieur. Oui, c’est vrai que je l’ai fait conduire ici, où se trouvait
mademoiselle, ma meilleure amie, et puisque j’en suis réduite à me justifier,
sachez donc que c’est monsieur Pitou qui aime mademoiselle Clairette, dont il
est également aimé.
– 200 –

8
– 201 –

12

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144

148

153
– 216 –

LARIVAUDIÈRE
Et quand bien même il serait vrai, me direz tous, madame, dans quel intérêt vous
protégez les amours d’un rebelle qui fait des chansons contre vous et contre moi, et
d’une péronnelle qui les chante en pleine rue ?

MADEMOISELLE LANGE
En vérité, monsieur, vous êtes d’une maladresse...

LARIVAUDIÈRE
Je suis...

MADEMOISELLE LANGE, montrant Louchard


Éloignez cet homme.

LARIVAUDIÈRE
Va-t’en, mais ne t’éloigne pas ! (Louchard sort.) Maintenant, madame, je vous
écoute...

MADEMOISELLE LANGE
Clairette, cause un instant avec ton amoureux, je suis à toi. (À Larivaudière) Vous ne
comprenez donc jamais rien ?

LARIVAUDIÈRE
Comprendre quoi ?

MADEMOISELLE LANGE
Que Pitou est un poète révolutionnaire royaliste... et qu’il est de la dernière
importance de nous l’attacher.

LARIVAUDIÈRE
Comment ?

MADEMOISELLE LANGE
Par la reconnaissance.

LARIVAUDIÈRE
Je déclare que je suis un imbécile.

MADEMOISELLE LANGE
Je n’osais pas le dire.

LARIVAUDIÈRE
Mais aussi pourquoi ce Louchard ?...

(Voix au dehors)

MADEMOISELLE LANGE
Silence, écoutez !

LARIVAUDIÈRE
Seraient-ce déjà nos amis qui...

POMPONNET, au dehors
Mais puisque je vous dis que je suis attendu !
– 217 –

MADEMOISELLE LANGE
Ciel ! la voix de Pomponnet.

CLATRETTE, descendant
La voix de mon futur !

MADEMOISELLE LANGE
II ne faut pas qu’il te voie.

(Elle ouvre la porte au fond à gauche)

LARIVAUDIÈRE, à part
Je me croyais trompé et c’était cet idiot de perruquier.

MADEMOISELLE LANGE, quand Pitou et Clairette sont sortis


Oh ! quelle idée. (À Larivaudière) Ce Pomponnet peut nous compromettre. Faites
entrer tous ceux qui sont là.

(Le bruit, qui a duré toute cette scène, devient plus fort ; voix de Pomponnet qui crie.)

POMPONNET, en dehors
Annoncez-moi, je veux qu’on m’annonce !

LARIVAUDIÈRE, ouvrant la porte


Eh bien ! qu’est-ce donc ? Pourquoi ce bruit ?

Scène 10
LES MÊMES, POMPONNET, LOUCHARD, DOMESTIQUES

POMPONNET, retenu par les valets qui masquent la porte


C’est moi, c’est moi, Pomponnet, je suis attendu et l’on veut m’empêcher...

LARIVAUDIÈRE
Entrez, entrez tous...

POMPONNET
Là, vous voyez bien ? (À mademoiselle Lange) Citoyenne, je vous apporte…

(Il fouille dans sa poche.)

MADEMOISELLE LANGE
Un instant !... Vous êtes, dites-vous, le fiancé de Clairette ?

POMPONNET
Oui... Nous nous adorons, et c’est pour cela...

MADEMOISELLE LANGE
Et n’avez-vous pas coiffé les demoiselles des maisons de Breteuil et de Condé ?

POMPONNET
Oui, avant la Révolution, quand on portait des vaisseaux sur la tête... mais...

MADEMOISELLE LANGE, aux Valets


Que l’on fouille cet homme.
– 218 –

N° 12 bis

POMPONNET MADEMOISELLE LANGE


Hein ? Il doit avoir sur lui une chanson
faite contre le Directoire.

POMPONNET, pendant POMPONNET, aux domestiques


qu’on le fouille Mais ne me fouillez donc pas ! Mais oui, puisque...
5 Mais oui. oui... c’est elle ! Puisque je viens exprès.

MADEMOISELLE LANGE LARIVAUDIÈRE


La chanson !... Qu’on POMPONNET Oui ! qu’on l’arrête ! Louchard,
arrête cet homme ! Hein ? vous nous en répondez.
10

LARIVAUDIÈRE, à part POMPONNET (On pousse


Je n’y suis pas... mais ça M’arrêter ! moi ? Pomponnet dehors.)
15 ne fait rien.
– 219 –

(Après la sortie de Pomponnet.)

LARIVAUDIÈRE
Je n’y comprends rien ! Me direz-vous pourquoi vous me faites arrêter ce pauvre
diable ?

MADEMOISELLE LANGE, qui est remontée


Attendez. (À la cantonade) Venez, venez.

CLAIRETTE, rentrant de gauche


De là nous avons tout vu, tout entendu.

ANGE PITOU
Pourquoi le faire arrêter à ma place ?

MADEMOISELLE LANGE
Vous prenez la sienne, il doit prendre la vôtre.

CLAIRETTE
Si c’est là ce qu’on appelle la justice.

LARIVAUDIÈRE
Enfin, me direz-vous ?

MADEMOISELLE LANGE
Je vous dirai d’abord qu’il est près de minuit.

LARIVAUDIÈRE
Minuit. Ah ! mon Dieu, j’oubliais.

MADEMOISELLE LANGE
Silence, moi je n’oublie pas ! (Hersilie paraît) Ma chère Clairette, tu vas suivre ma
camériste. Hersilie, conduisez mademoiselle dans ma chambre, elle y passera la nuit.

CLAIRETTE
Quoi, c’est là ma prison !

MADEMOISELLE LANGE
Couche-toi, dors bien, et demain nous causerons.

Scène 11
LES MÊMES, moins CLAIRETTE

MADEMOISELLE LANGE
Nous voilà seuls, et le temps presse. (À Ange Pitou) Vous regrettez l’ancien régime ?
– 220 –

ANGE PITOU
Oui, mademoiselle.

MADEMOISELLE LANGE
Eh bien, ce que vous regrettez nous le regrettons aussi.

ANGE PITOU
Vous ?

MADEMOISELLE LANGE
En deux mots, ceux-là que vos chanson poursuivent, servent votre cause.

ANGE PITOU
Vous, l’amie de Barras ?

MADEMOISELLE LANGE
Barras lui-même est des nôtres !

ANGE PITOU
Il se pourrait.

(Bruit dehors)

LARIVAUDIÈRE
Le signal !

MADEMOISELLE LANGE
Vous allez en avoir la preuve.

LARIVAUDIÈRE
Les voilà... ils montent !

MADEMOISELLE LANGE
Quoi qu’il arrive, quoi que vous entendiez, vous garderez le silence le plus absolu.

ANGE PITOU
Je vous le jure sur l’honneur !

(On frappe à la porte.)

MADEMOISELLE LANGE
C’est bien... ouvrez !

(Larivaudière ouvre la porte à gauche.)


– 221 –

N° 13

9
– 222 –

15

19

23
– 223 –

27

30

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– 236 –

170

175

180
MADEMOISELLE LANGE
Les voici... les salons sont illuminés... qu’on
ouvre toutes les portes. (Ici les portes du
fond s’ouvrent et l’on aperçoit une enfilade
de salons illumines pour un bal.)

183 187

MADEMOISELLE LANGE
Allons, messieurs, la
main aux dames.
– 237 –

188

TRENITZ
Ah ! valsons ! Oui, la nouvelle valse !
194 J’en ‘affole, pa’ole d’honneu’...

202

210

218
– 238 –

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– 248 –

467

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488

493

498
– 250 –

504

509

515

522
– 251 –

ACTE III
N° 13 bis.

12

17

22
– 252 –

28

35
33 43

39 50
47

51

56

61
– 253 –

66

71

76

81

90
86 92

91
93
– 254 –

Scène 1
CADET, GUILLAUME, BUTEUX, AMARANTHE, JAVOTTE, THÉRÈSE, Dames et Forts
de la Halle. Nombreuse figuration des mêmes personnages. Puis le Cabaretier. Au
lever du rideau, fricassée dansée par tout le monde.

LE CABARETIER, entrant après la fricassée


Eh bien, que faites-vous donc ? Vous dansez ici à la porte... mais vous pouvez aller
dans la salle de bal, on vient de finir de l’illuminer.

UN FORT
Alors, allons-y !

TOUS
Allons-y !

(Toute la figuration sort par la gauche.)

N° 13 ter. REPRISE

8
4 10

9
11 12
– 255 –

JAVOTTE
Eh ! bien, est-ce que nous ne les suivons pas ?

GUILLAUME
Ma foi, non.

AMARANTHE
Ah ! c’est dommage, c’est si bon de danser !

CADET
Danser !... Faut tout d’même que nous ayons bien peu d’cœur pour danser au
jour d’aujourd’hui.

THÉRÈSE
Bah ! pourquoi donc ça ?

CADET
Comment ? pourquoi ? quand nous ne savons à quoi nous en tenir sur la conduite
de Clairette.

JAVOTTE
Nous savons qu’elle n’est plus en prison, puisque c’est elle qui nous a donné
rendez-vous ici.

BUTEUX
Oui, mais pourquoi s’y est-elle fait mettre ?

GUILLAUME
Et comment en est-elle sortie ?

AMARANTHE
Moi, c’ qui m’ passe, c’est c’te chanson qu’elle a chanté su l’ carreau de la Halle,
ni plus ni moins que Fanchon la vielleuse.
– 256 –

THÉRÈSE
C’est vrai, une sainte Nitouche qui n’osait lever les yeux sur personne...

CADET, tirant une lettre de son habit


Si encore c’te lettre nous apprenait quelque chose... mais non... (Lisant)
« Trouvez-vous ce soir à 8 heures au bal de Calypso, j’y serai et vous saurez
tout. Clairette. »

JAVOTTE
Eh bien ! puisque nous saurons tout...

THÉRÈSE
C’est qu’elle n’a rien à nous cacher.

BUTEUX
C’est clair !

(Bruit au dehors)

TOUS, remontant
Qu’est-ce que cela ?

AMARANTHE, au fond
Tiens, une commère que l’on entoure.

GUILLAUME
Ah ! Jarnicot, j’ai t’y la berlue ?

CADET
Mais non, c’est elle.

TOUS
Clairette !

BUTEUX
Et la vl’a.
– 257 –

N° 14

11
– 258 –

16

20

24
– 259 –
– 260 –

40

45

50
– 261 –
54

59

64 1ER COUPLET

69
– 262 –

73

77

81

86
– 263 –

90

94

99
– 264 –

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108
– 265 –

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121

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– 266 –

129

133

137

141

145
– 267 –

149

153

158
– 268 –

162

166
– 269 –

BUTEUX
Comment ! c’était pour ça ?

AMARANTHE
Eh bien ! pourquoi que tu ne nous l’as pas dit tout simplement au lieu d’te faire
arrêter ?

GUILLAUME
Et comment que t’es sortie de prison ?

CLAIRETTE
Tout ça serait trop long à vous apprendre... J’attends ici tout plein de monde, et
je ne veux pas que ce monde-là me trouve en arrivant. Tout ce que je puis vous
dire en deux mots, c’est que je crois être trahie.

TOUS
Trahie !

CLAIRETTE
Par celui que j’aime.

AMARANTHE
Et celui qu’ t’aimes, c’est Ange Pitou.

CLAIRETTE
Oui, Pitou, et si c’ que j’ soupçonne est vrai, ah ! Jour du ciel ! c’est fini, je ne
l’épouserai jamais !

CADET
Et t’auras raison.

CLAIRETTE
Et je resterai fille toute ma vie.
– 270 –

JAVOTTE
Ça, tu auras tort !

THÉRÈSE
Mais Pomponnet ?

CLAIRETTE
Pomponnet ?

GUILLAUME
Oui, qu’est-ce que tu fais de Pomponnet dans tout cela ?

CLAIRETTE
Ne vous occupez pas de lui ; il est en prison à ma place.

TOUS
En prison !

CLAIRETTE
Ce serait encore trop long à vous raconter. Et d’abord ne restons pas à cette
porte, car ceux que je fais venir ici ne m’y attendent pas, et je veux leur causer
quelque surprise... Bon chien chasse de race, dit-on... Ah ! vive Dieu ! je leur
prouverai que je suis la fille de ma mère.

BUTEUX
C’est à ne plus la reconnaitre.

CLAIRETTE
Et vous en verrez bien d’autres !
– 271 –

N° 14 bis

5
– 272 –

10

14

18
– 273 –

Scène 3
LARIVAUDIÈRE

LARIVAUDIÈRE seul, regardant à droite


Voyons si je n’ai rien oublié. (Lisant un billet) « Citoyen, on vous trompe ; hier soir
on s’est moqué de vous. Si vous voulez être témoin vous-même des nouvelles
amours de mademoiselle Lange, trouvez-vous ce soir à 9 heures au bal de
Calypso, à Belleville. C’est un bal où brillent les habitués du marché des Innocents.
Prenez un costume qui vous déguise, et ouvrez les yeux — Clairette. » Clairette,
c’est le nom de cette jeune mariée qui depuis deux jours joue un rôle si singulier...
De qui se moque-t-elle ? ... Si je pouvais l’apercevoir et profiter de ce costume
pour la suivre sans être reconnu d’elle ! Mais je ne la vois pas... c’est égal,
cherchons-la... mais soyons prudent (Sortant par la gauche) On danse… je puis, en
me glissant le long de ces bosquets…

Scène 4
POMPONNET, puis LARIVAUDIÈRE
(Après sa sortie, Pomponnet entre en courant, vêtu en fort de la halle, costume
tout couvert de farine, figure de Pierrot.)

POMPONNET
Ouf ! je leur échappe... Où suis-je ici ? tiens, dans un bal !... Ô dérision... saro saro
de la destinée ! En v’la t’y des tribulations pour un perruquier ! Le jour de ma
noce, on arrête ma femme ; le lendemain on m’arrête moi-même et l’on me
fourre dans la prison du Château-d’Eau où gémissait le père Gérôme, une de mes
pratiques, pour avoir cassé les reins à un mirliflor qu’il surpris avec son épouse. Je
pleure dans son gilet, ça l’attendrit, et comme il devait sortir de prison ce soir à 8
heures et qu’il ne tenait pas beaucoup à revoir sa femme, je prends son costume,
il prend le mien, et quand on appelle le citoyen Gérôme, je me présente, on
m’ouvre la porte et je file ; mais je n’avais pas fait trente pas dans la rue que
j’entends crier : « Arrêtez ! arrêtez ! » Alors je ne m’arrête plus, je me faufile dans
une foule de petites rues et, sans savoir comment, j’arrive à Belleville, où je
tombe dans un bal... moi au bal quand ma fiancée gémit dans les fers ! Mais,
voyons, il ne s’agit pas de se désespérer, il faut prendre son parti, et puisque je
suis libre, il faut en profiter pour agir. Mais, voilà, à qui m’adresser ?... cherchons-
le parmi mes pratiques.
– 274 –

LARIVAUDIÈRE
Je ne connais aucune de ces figures-là.

POMPONNET
Oh ! à tout prix, je veux la sauver.

LARIVAUDIÈRE
Ma foi, je ne reste pas ici...

POMPONNET
Courons à la Halle.

LARIVAUDIÈRE
Sauvons-nous.

(Ils se mettent à courir et se heurtent.)


– 275 –

N° 15

10
– 276 –

15

20

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35

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68

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80

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– 281 –

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– 285 –

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158
– 286 –

LARIVAUDIÈRE
Mais comment se fait-il ? Je le croyais en prison.

POMPONNET
Oh ! mon Dieu, est-ce que vous voudriez m’y faire remettre ?

LARIVAUDIÈRE
Moi ? Bien au contraire, je suis trop heureux de te rencontrer.

POMPONNET
Heureux !

LARIVAUDIÈRE
J’ai dans l’idée qu’on nous trompe tous deux !

POMPONNET
On nous trompe ! Qui donc ?

LARIVAUDIÈRE
Voyons d’abord si nous sommes seuls.

(Ils remontent l’un à droite, l’autre à gauche.)

Scène 5
LES MÊMES, CLAIRETTE, entrant par la tonnelle

CLAIRETTE, à elle-même
Les voilà casés, et 9 heures approchent.

LARIVAUDIÈRE
Personne !

POMPONNET
Personne !

CLAIRETTE, à part
Hein, qui est là ?

LARIVAUDIÈRE
Est-ce que mon costume ne t’étonne pas aussi ?

POMPONNET
Oh ! si.

LARIVAUDIÈRE
Eh bien ! c’est ta fiancée qui m’a conseillé de me déguiser de la sorte.

POMPONNET
Clairette ?
– 287 –

CLAIRETTE, à part
Mon nom !

LARIVAUDIÈRE
Elle m’a écrit.

POMPONNET
À vous ?

LARIVAUDIÈRE
Pour me dire et me prouver que Mademoiselle Lange me trompe...

CLAIRETTE, à part
C’est Larivaudière...

POMPONNET
Clairette qui est en prison vous a écrit ?

CLAIRETTE
Et Pomponnet, il est donc libre ?

LARIVAUDIÈRE
Eh non, nigaud, ta Clairette n’est plus en prison, puisqu’elle t’y a fait mettre à
sa place. Entre nous, je ne crois pas cette Clairette quelque chose de bien bon.

CLAIRETTE
Ah !

POMPONNET
Clairette ! un ange de candeur et d’innocence !

LARIVAUDIÈRE
Ce que tu me dis là me prouve que tu es un imbécile.

POMPONNET
Ah ! appelez-moi comme vous voudrez, ça m’est égal, mais n’attaquez pas
Clairette, car elle, voyez-vous, je la défendrai contre tout le monde ; elle, si
gentille, si bonne, si honnête... et je l’aime tant !

CLAIRETTE, à part
Pauvre garçon !

LARIVAUDIÈRE
Et si je te prouvais qu’elle est ici.

POMPONNET
Ici !
– 288 –

LARIVAUDIÈRE
Écoute, nous allons parcourir ce jardin, mais si nous la rencontrons, je désire ne
pas être reconnu tout d’abord ; je voudrais observer, surveiller ses démarches
afin de savoir dans quel but elle m’a écrit.

CLAIRETTE
Ah ! tu ne veux pas être reconnu.

(Elle disparaît.)

POMPONNET
Décidément, je deviens idiot ! Comment Clairette, que de mes yeux j’ai vue
conduire en prison, ce serait elle ?

LARIVAUDIÈRE
Suis-moi, te dis-je ; mais quand nous l’apercevrons, garde-toi de lui parler.
Évitons-la, sans la perdre de vue.

(Clairette fredonne à la cantonade.)

LARIVAUDIÈRE
Une voix de femme !

POMPONNET
Ah ! mon Dieu !

LARIVAUDIÈRE
Quoi donc ?

POMPONNET
Mais c’est elle !

LARIVAUDIÈRE
Elle ! (L’entrainent vers la tonnelle) Laissons-la passer.

(Ils se cachent et Clairette qui n’a pas cessé de chanter, entre, les deux mains dans
les poches de son tablier et comme se promenant. D’abord elle se dirige vers le
fond et regarde au dehors, puis elle revient sur ses pas et, toujours chantant,
s’approche de la tonnelle et pousse un cri à la vue de Larivaudière et Pomponnet.)

CLAIRETTE
Ah ! qu’ c’est bête ! Vous m’avez fait peur !

POMPONNET
Eh quoi ! c’est...

LARIVAUDIÈRE, lui donnant un coup


Tais-toi !
– 289 –

POMPONNET
Ah !

CLAIRETTE
Ah ! mais, pardon, j’ croyais parler au père Guillaume ; mais je ne vous connais
pas, vous autres. Est-ce que vous venez de la vallée ?

LARIVAUDIÈRE, étonné
De l’avaler !

POMPONNET
D’avaler quoi ?

LARIVAUDIÈRE
Ah ! oui, oui, que nous en venons.

CLAIRETTE
Alors vous êtes ici pour la grande affaire.

LARIVAUDIÈRE
C’est ça, justement, c’est pour la grande affaire.

CLAIRETTE
Que vous ne connaissez pas.

LARIVAUDIÈRE
Non pas encore, c’est vrai.

CLAIRETTE
Alors j’ vas vous mettre au fait, il s’agit de moi !

LARIVAUDIÈRE
De vous !

CLAIRETTE
De moi, Clairette.

LARIVAUDIÈRE
Ah ! vous êtes...

CLAIRETTE
Figurez-vous qu’on voulait me faire épouser, oh ! un brave homme, pour ça
j’peux pas dire le contraire ; comme brave homme, comme bon cœur et
comme honnêteté, y avait pas son pareil, aussi je l’aimais bien.

POMPONNET, à part, pleurant


Ah ! qu’il est donc doux d’entendre dire ces choses-là !
– 290 –

N° 16

9
– 291 –

12

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– 292 –

21

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33
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– 294 –

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– 295 –

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67
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70

73

76

79
– 297 –

83

87

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– 298 –

99

104

109

114
– 299 –

118

122

126
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Scène 6
ANGE PITOU, entrant du fond et s’arrêtant à la porte
Le bal de Calypso, m’y voilà. Ah ! le cœur me bat. Mademoiselle Lange m’écrit
d’être ici à 9 heures... Ah ! c’est un rêve... me donner un rendez-vous à moi...
c’est à ne pas y croire... et pourtant hier, quand, vers la fin du bal, elle m’a dit :
« C’est donc vrai, vous aimez Clairette ? » comme sa voix était douce, comme ses
yeux étaient tendres, comme elle me serrait la main... Sans Clairette qui nous a
surpris, j’aurais pu lui répondre, quoi ? Je n’en sais rien, mais vraiment j’aurais
répondu quelque chose. Elle a dit à Clairette que nous parlions politique... Et que
m’importe Clairette ? (Sortant un billet) Ah ! ce charmant billet ! Depuis ce matin,
je l’ai lu et relu plus de cent fois. (Apercevant Mademoiselle Lange, il remonte.)

Scène 7
MADEMOISELLE LANGE, ANGE PITOU

MADEMOISELLE LANGE, en poissarde, le reconnaissant


Ah ! ma foi... j’ai du bonheur.

ANGE PITOU
Elle !

MADEMOISELLE LANGE
Je craignais de me trouver seule dans un pareil endroit !

ANGE PITOU
Seule... vous avez douté ?...

MADEMOISELLE LANGE
Non, j’entrais ici un peu craintive ; je suis exposée à tant de perfidies, et comme
je ne connaissais pas votre écriture...

ANGE PITOU
Mon écriture !

MADEMOISELLE LANGE
Enfin, vous voilà... je suis rassurée. Que pensez-vous de mon costume ?
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ANGE PITOU
Il est ravissant et vous rend mille fois plus jolie, mais je ne me l’explique pas.

MADEMOISELLE LANGE
Vous ne vous l’expliquez pas, quand c’est vous-même qui m’avez écrit de le
mettre pour me rendre à ce rendez-vous.

ANGE PITOU
Moi !

MADEMOISELLE LANGE
Et je n’ai pas eu de peine à comprendre qu’en effet, pour venir ici... Ah ! vous
avez choisi un singulier endroit.

ANGE PITOU
Mais c’est vous qui l’avez choisi.

MADEMOISELLE LANGE
Moi !

ANGE PITOU
Dans ce charmant billet que je sais par cœur.

MADEMOISELLE LANGE
Un billet que je vous ai écrit, moi ?

ANGE PITOU
Vous en repentez-vous ?

MADEMOISELLE LANGE
Non, mais je serais curieuse de le connaître...

ANGE PITOU.
Vous ne vous en souvenez plus ! Oh ! alors, écoutez !
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