Revue française d’allergologie 62 (2022) 200–203

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Des bâtiments qui respirent

Buildings that breathe
Philippe Sigwalt (architecte dplg - ceaa)
Philippe Sigwalt Architecture sarl, 67000 Strasbourg, France

Bien que vitale, la qualité de l’air intérieur est souvent négligée, 1.2. Sources de pollution internes
car elle relève de domaines variés, tels que la santé, la micro-
climatologie et la construction, dont il est complexe d’apprécier Il s’agit de tous les polluants liés au bâtiment ou à l’activité
dans leur ensemble toutes les données. humaine :
Les spécialistes de la santé détermineront quel est le volume
d’air de renouvellement nécessaire à la respiration d’un individu
• les polluants de type chimique (COV) ou physique (fibres, pous-
sur une période donnée, quels sont les taux de polluants à ne pas
sières) émanant des matériaux de construction, du mobilier et
dépasser et quel est le niveau d’hygrométrie idéal.
des produits d’entretien ;
Les climatologues indiqueront quelles sont les zones les moins
• les polluants de type biologique (virus, allergènes, bactéries) ;
polluées où il est préférable de construire.
• la pollution liée à la respiration (CO2) ;
Les acteurs du bâtiment, dont les architectes, responsabilisés à
• l’humidité due à l’activité humaine, la cuisson, la lessive, le
la qualité de l’air, regrouperont ensuite ces données pour valider le
ménage, la présence d’animaux domestiques, mais aussi issue de
choix d’un site, sélectionner des matériaux de construction « sains »
la condensation.
et mettre en œuvre des systèmes de renouvellement d’air adaptés.
Une bonne information des utilisateurs, leur permettra la sur-
veillance de la qualité de l’air et une maintenance adaptée des S’il est possible de limiter la présence de polluants par un choix
systèmes de ventilation. scrupuleux des matériaux présents dans un bâtiment, on ne pourra
pas empêcher la pollution liée à l’activité humaine, qui sera toujours
présente.
1. Les sources de pollution de l’air intérieur

1.1. Sources de pollution externes 2. Les différents systèmes de ventilation

Le choix du site est déterminant, car c’est, bien sûr, la qualité de
l’air extérieur qui fait la qualité de l’air intérieur et les systèmes de
filtration sont onéreux et ont leurs limites.
La densification des villes peut paraître vertueuse pour éviter
l’étalement urbain, mais le risque est d’amplifier la stagnation de
l’air et de concentrer la pollution.
Construire à proximité d’axes routiers ou de sites industriels
aggrave la situation.
La bonne « respiration » des villes passe par l’existence de cein-
tures vertes ou de parcs urbains limitant les surfaces bâties, en
permettant une bonne circulation de l’air.
Dans un contexte rural, il faudra être vigilant par rapport aux
polluants liés à l’agriculture et à la poussière issue des surfaces non
cultivées à certaines périodes.
Adresse e-mail : sigwalt@psarchitecture.fr
Un système de ventilation adapté permet l’évacuation des pol-
luants pour en éviter une accumulation exponentielle, car pour citer
Paracelse, c’est la dose qui fait le poison. Dans des cas extrêmes, il
faudra filtrer l’air de renouvellement s’il est très pollué.
La méthode la plus simple consiste à aérer en ouvrant les
fenêtres, ce procédé est efficace quand il est réalisé régulièrement,
mais il a des limites, si par exemple, les pièces humides sont dépour-
vues de fenêtres.
Les systèmes de ventilation passifs ou mécaniques permettent
un renouvellement de l’air continu dans un contexte où les bâti-
ments sont de plus en plus étanches.
La qualité hygiénique de l’air intérieur est une préoccupation
qui a toujours existé. C’est au début du 20e siècle qu’apparaissent
les premières réglementations.
On retiendra essentiellement l’obligation d’une ventilation
continue qui apparaît dans les années 80 en France (arrêtés du
24/03/1982 et du 28/10/1983). Plus récemment, sont également
apparues des Normes européennes (EN 13 779 en 2007, puis EN

https://doi.org/10.1016/j.reval.2022.02.227
1877-0320/© 2022 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Fig. 1. Étude comparative – Philippe Sigwalt architecture.

16 798 en 2017) permettant une homogénéisation à l’échelle euro-

péenne.
Le recours à la VMC (ventilation mécanique contrôlée), fonc-
tionnant en continu, est désormais obligatoire. Le débit de
renouvellement de l’air était initialement idéalement normé à envi-
ron 1 volume/heure.
Or, avec l’apparition récente de la ventilation « hygroréglable
A ou B », présente dans la plupart des logements récents, il est
désormais permis de réguler le débit de ventilation en fonction de
l’occupation du logement, afin de limiter les déperditions d’énergie.
Cette ventilation est régulée grâce à des capteurs d’humidité ou
de présence situés sur les bouches d’aspiration dans les pièces Fig. 2. École de Kolbsheim – Coupe de principe – Image L. Matagne – Philippe Sigwalt
humides et sur les entrées d’air au niveau des fenêtres. Ce sys- architecture.

tème peut s’avérer peu pérenne et compliqué à appréhender pour

l’utilisateur. Les débits de renouvellement sont par ailleurs souvent Sélectionner des matériaux sains à très faible émanation de pol-
insuffisants. luants.
Utiliser des systèmes de ventilation permettant un taux correct
de renouvellement de l’air et permettant éventuellement le rafraî-
3. Qualité de l’air versus économies d’énergie
chissement en saison chaude et l’apport d’un air tempéré en saison
froide.
Les économies d’énergie étant considérées comme prioritaires,
Concevoir des espaces bénéficiant d’une double orientation afin
et la plus grande source de déperdition étant le renouvellement de
de permettre l’aération naturelle par balayage, et, pour les loge-
l’air, on constate souvent des débits insuffisants dans les construc-
ments, équiper les salles de bain de fenêtres.
tions récentes, avec notamment la généralisation des ventilations
Utiliser des bouches de ventilation pérennes, facilement démon-
de type hygroréglable.
tables pour le nettoyage, et, branchées sur secteur en évitant les
Nous avons étudié la différence de coût de construction pour un
systèmes à piles.
même bâtiment avec deux systèmes de VMC : hygroréglable avec
Externaliser les sources de pollution liées à l’activité humaine.
réduction de débit et autoréglable avec débit constant. Dans le cas
Par exemple, des buanderies collectives limitent une pollution chi-
du projet avec une VMC classique autoréglable, il faut compenser
mique liée aux lessives et la présence d’un taux d’humidité élevé
la perte énergétique liée au plus grand renouvellement de l’air par
dans les logements.
une meilleure isolation thermique. (Fig. 1).
Informer l’utilisateur lors de l’achat ou de la location d’un loge-
À consommation énergétique équivalente, le surcoût n’est que
ment ou d’un local tertiaire sur le système de ventilation existant
de 5 %, le prix d’une ventilation efficace et d’une bonne qualité de
et son bon usage.
l’air !

3.2. Présentation de 3 projets intégrant la qualité de l’air dès la

3.1. Comment améliorer la qualité de l’air lors de la conception
des bâtiments
Tout d’abord, choisir un site de construction épargné le plus
possible par la pollution urbaine, industrielle ou agricole.
conception, dans les domaines de l’enseignement et du logement
L’école de Kolbsheim où a été optimisée l’utilisation de maté-
riaux réputés « sains » liée à une ventilation efficace dans le cadre
d’un projet à énergie positive. Tous les matériaux ont été sélection-

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Fig. 3. Principe de fonctionnement des caves géothermiques – Logements à la Strasbourg-Koenigshoffen – ICF Nord-EST Philippe Sigwalt architecture.

Fig. 4. Périscolaire de geispolsheim – Bâtiment Passif à énergie positive – Philippe Sigwalt architecture.

nés dès l’appel d’offre des entreprises de construction pour leurs
faibles taux en COV. La structure étant en bois ne comprend que du
bois massif sans aucun matériau composite tel que contreplaqué ou
aggloméré. Le bois massif est protégé des émanations naturelles par
un gel à très faible taux de COV. Les faux plafonds sont fixes (non
modulaires) pour éviter l’accumulation de poussières. Le nettoyage
se fait à la vapeur pour éviter les produits chimiques (Fig. 2).
Les logements pour la société ICF à Koenigshoffen sont
construits à côté d’une voie ferrée, où circulent de nombreux trains
de fret la nuit. La double problématique d’acoustique et de qualité
de l’air est résolue en faisant « respirer » les logements grâce à un
système de ventilation à « double-flux » connecté à une cave géo-
thermique, véritable labyrinthe en béton à forte inertie thermique
qui permet de rafraîchir l’air de renouvellement en saison chaude,
en évitant aux occupants d’ouvrir leurs fenêtres et d’être exposés
au bruit des trains (Fig. 3).
Le Périscolaire de Geispolsheim est un projet bioclimatique de
type « passif » et à énergie positive. Un taux de renouvellement de

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P. Sigwalt
l’air d’environ 2 à 3 volumes/heure est facilité par la présence d’un
puits canadien surdimensionné.
Les débits de ventilation sont pilotés grâce à des sondes mesu-
rant à la fois la température, l’hygrométrie et le taux de Co2.
Le process de ventilation et de gestion de la température a été
intégré depuis l’esquisse. La disposition des conduites de ventila-
tion, ainsi que l’équilibrage de l’ensemble, la forme des plafonds en
rapport avec la position de bouches de soufflage, ont été particu-
lièrement étudiés pour une parfaite distribution de l’air (Fig. 4).
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La qualité de l’air est l’une des données, en plus du confort ther-
mique, des économies d’énergie, de l’acoustique, et de la facilité
de maintenance, qui ont été prises en compte dans une approche
globale permettant la réussite de ces projets.
Déclaration de liens d’intérêts
. L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.