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1 Les métabolismes

énergétiques
L’activité musculaire est à l’origine des dépenses énergétiques les plus élevées.
L’énergie libérée provient de l’hydrolyse de l’adénosine triphosphate, ATP, qui
est la seule source d’énergie chimique de l’organisme immédiatement conver-
tible en énergie mécanique. Les activités physiques sont classées en fonction
du métabolisme qu’elles privilégient pour produire l’ATP qu’elles utilisent.

LE MUSCLE SQUELETTIQUE
Les muscles striés squelettiques représentent près de 40 % de la masse
corporelle dans l’espèce humaine. Les cellules, ou fibres musculaires, sont
constituées d’une membrane périphérique (sarcolemme) qui entoure des
faisceaux de myofibrilles composés de « sarcomères » qui contiennent les
protéines contractiles. Le complexe contractile est constitué de filaments épais
et fins soutenus et fixés par un cytosquelette dans lequel la titine joue un rôle
majeur. La myosine et ses protéines associées constituent le filament épais.
Actine, tropomyosine, troponines et dystrophine sont les principales protéines
du filament fin. La contraction musculaire est due au glissement progressif des
filaments d’actine sur ceux de myosine vers le centre du sarcomère. En bref,
la dépolarisation membranaire permet l’entrée de calcium extracellulaire dans
la cellule, ce qui favorise le relargage actif du calcium intracellulaire. En se
fixant sur la troponine C, le calcium libère le site de liaison de la myosine pour
l’actine avec création de ponts transversaux actine-myosine. Chaque liaison
s’accompagne de la dégradation immédiate, par hydrolyse catalysée par la
myosine ATPase, d’une molécule d’adénosine triphosphate (ATP). Le relâche-
ment musculaire, dont la qualité dépend de la vitesse de repompage des ions
calcium, est aussi consommateur d’énergie.
Plusieurs types de fibres musculaires sont décrits. Leurs qualités contractiles
spécifiques dépendent de leur innervation et de leurs propriétés histochimiques.
La classification actuellement la plus utilisée différencie les fibres de type I, IIa,
IIb (ou IIx) et IIc. Leurs caractéristiques principales sont résumées dans le
tableau 2. Les fibres IIc, classées comme « indifférenciées », peuvent se
transformer en fibres I, IIa ou IIb. Chez l’Homme, la composition des muscles
est hétérogène avec plusieurs types de fibres. La réponse musculaire dépend
de l’intensité de la stimulation. Le recrutement des fibres est progressif, le
nombre de fibres sollicitées augmentant avec la force de la contraction, et
sélectif, les fibres de type I étant sollicitées avant les fibres de type II (figure 2).

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Les métabolismes énergétiques

Tableau 2 – Caractéristiques principales des fibres musculaires

Caractères Fibre I Fibres IIa Fibres IIb

Innervation UM lente UM Intermédiaire UM rapide


Fibres par MN Peu Intermédiaire Beaucoup

Voie métabolique principale Aérobie Mixte Anaérobie


Réserves glycogène + ++ +++
Réserves triglycérides +++ ++ +

Vitesse de contraction Lente Moyenne Rapide


Force développée + ++ +++
Fatigabilité + ++ +++

Activité Endurance Mixte Explosive

UM : unité motrice ; MN : motoneurone

Figure 2 : Recrutement progressif des différentes fibres musculaires en fonction de l’intensité


de la contraction musculaire.

%
100

Fibres IIb
80
Fibres IIa

Fibres I
60

20

Force de la
contraction
Faible Modérée Maximale musculaire

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Physiologie

LES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES

Production d’énergie
L’ATP est constituée d’une molécule d’adénosine (adénine + ribose) liée à
trois molécules de phosphate par des liaisons riches en énergie potentielle. La
rupture d’une de ces liaisons par hydrolyse libère de l’énergie. Cette réaction,
qui est immédiate, peut se faire indifféremment en présence ou en absence
d’oxygène. Elle libère du phosphate inorganique, un proton et de l’énergie,
comme le montre l’équation 1. L’unité de mesure énergétique des activités
physiques est la calorie (Cal) et l’unité d’expression de l’énergie est le joule (J)
avec la relation 1 kCal = 4,2 kJ.
Équation 1
ATP + H2O → ADP + HPO4− + H+ + 7,3 kCal (30,5 kJ)
avec ADP = adénosine diphosphate ; HPO4- = phosphate inorganique.

Une grande partie (75 %) de l’énergie produite est dissipée sous forme de chaleur.
Les réserves d’ATP intramusculaires disponibles, ± 5 mmol.kg-1 de muscle
frais, sont faibles et ne permettent de maintenir une contraction musculaire
maximale que 2 secondes. Il est ainsi aisé de comprendre l’absolue nécessité
d’une resynthèse permanente d’ATP. Lors d’un exercice musculaire, les concen-
trations d’ATP diminuent au maximum de 40 à 50 %. Cette baisse, associée à
une augmentation d’ADP, déclenche simultanément trois mécanismes. Leur
utilisation préférentielle successive est essentiellement due à leurs inerties
différentes. Ces mécanismes énergétiques (tableau 3) sont caractérisés par
leur inertie (délai d’obtention de leur efficacité maximale), leur puissance
maximale (quantité d’énergie maximale libérée par unité de temps) et leur
capacité (quantité totale d’énergie libérable).

Tableau 3 – Caractéristiques principales des trois métabolismes énergétiques

Métabolisme Substrats Inertie Puissance Capacité Produits


(maintien) terminaux

Phosphagènes ATP, PC, ADP nulle +++ ; 4-7 kW – AMP, ADP


(anaérobie) (5-7 s)

Glycolyse Glucose, Glycogène 5-30 s ++ ; 2-5 kW + Acide lactique


(anaérobie) (30-40s)

Aérobie Glucides, Lipides, 120-180s + ; VO2 max. +++ H2O, CO2


Protides (2-8 min)
ATP : adénosine triphosphate ; ADP : adénosine diphosphate ; AMP : adénosine monophosphate ;
PC : phosphocréatine ; VO2 max : débit maximal d’oxygène.

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Le système des phosphagènes


Les deux voies rapides anaérobies de resynthèse de l’ATP sont regroupées sous
le terme de système des phosphagènes. L’ADP est rephosphorylée par deux
réactions quasi immédiates. D’une part, par la reconversion d’ADP en ATP
(équation 2), catalysée par la myokinase ;
Équation 2
2 ADP → ATP + AMP
avec AMP = adénosine monophosphate

d’autre part, par le transfert du groupement phosphoryl de la phosphocréatine


(PC) sur l’ADP (équation 3), catalysé par la phosphoryl créatine kinase (PCK).
Équation 3
PC + ADP → C + ATP
avec C = créatine

Il existe trois isomères de la PCK, musculaire squelettique, myocardique et cérébrale.


De plus, les PCK cytoplasmiques et mitochondriales ont des cinétiques différentes.
Ce système énergétique a une inertie pratiquement nulle, libère une grande quantité
d’énergie (4-6 mmol ATP.kg-1 de muscle frais), mais est rapidement épuisable car
les réserves de PC intramusculaires (18-20 mmol.kg-1 de muscle frais) sont faibles.
Il joue un rôle majeur dans les exercices explosifs très brefs (4-6 secondes). La
resynthèse de PC, qui se fait quasi-exclusivement à partir de l’ATP issu des
phosphorylations oxydatives mitochondriales, nécessite donc la présence d’oxygène.
Si l’exercice se prolonge, les autres systèmes de resynthèse de l’ATP mis en jeu en
même temps que le système phosphagène deviennent prépondérants.

La glycolyse
La glycolyse est une cascade de 10 réactions enzymatiques qui transforment
une unité glucose en deux molécules de pyruvate dans le cytoplasme sans
apport d’oxygène supplémentaire (anaérobie). L’autre produit terminal est le
nicotinamide adénine dinucléotide hydrogéné (NADH). Pour éviter l’arrêt de la
glycolyse, le NADH doit absolument être réoxydé. En l’absence d’oxygène et/ou
lorsque la libération de pyruvate dépasse les capacités d’oxydation mitochon-
driale, il est rapidement transformé en acide lactique (équation 4) grâce à un
des 5 isomères de la lactate déshydrogénase (LDH).
Équation 4
Acide pyruvique + NADH + H+ → acide lactique + NAD+
Le rendement de ce système est relativement faible (43 %) et le gain net en ATP
n’est que de deux ATP. Avec l’entraînement, son inertie peut être diminuée et sa
puissance maximale peut augmenter modérément. Sa capacité dépend surtout
des pouvoirs tampons musculaire et de l’organisme.

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Physiologie

Le métabolisme aérobie
Au-delà de quelques dizaines de secondes d’exercice, la resynthèse d’ATP est
due à des phosphorylations oxydatives résumées dans les équations 5 et 6.
Équation 5
Oxydation = substrats + O2 → CO2 + H2O + énergie
L’énergie produite par les oxydations est utilisée pour la phosphorylation de l’ADP
et ces deux processus sont couplés au niveau des membranes mitochondriales.
Équation 6
Phosphorylation = ADP + P + énergie → ATP
Les substrats énergétiques du métabolisme aérobie sont multiples : glucides,
lipides et protides. Leur utilisation préférentielle dépend de l’intensité et de la durée
de l’exercice. Les protides ne sont utilisés que lors d’exercices dépassant plusieurs
heures. Lors d’un exercice maximal progressivement croissant, l’utilisation des
lipides prédomine jusqu’à 40-60 % de la consommation maximale d’oxygène.
Au-delà, l’utilisation des glucides devient prédominante, puis quasi-exclusive
au-delà de 80 % de la consommation maximale d’oxygène.
Le substrat initial du cycle des acides tricarboxyliques (cycle de Krebs) est
l’acétyl-coenzyme A. Cet élément est commun à la dégradation, d’une part, du
pyruvate issu de la glycolyse et du catabolisme protidique et, d’autre part, des
acides gras libres (AGL). Les AGL « activés » sous forme d’acyl-coenzyme A sont
transférés dans la mitochondrie grâce à la carnitine. Ils subissent alors les
réactions de la β-oxydation pour aboutir à la formation d’acétyl-coenzyme A.
Dans la matrice mitochondriale, l’acétyl-coenzyme A est décarboxylé et déshydro-
géné dans le cycle de Krebs. Le métabolisme aérobie proprement dit correspond
à la phosphorylation oxydative qui fait suite au cycle des acides tricarboxyliques
et se déroule dans la paroi interne de la mitochondrie. Au sein de cette chaîne
respiratoire, l’oxygène joue le rôle de dernier accepteur des électrons (oxydation)
des protons libérés par l’ensemble des processus métaboliques antérieurs. Elle
est à l’origine de la formation d’ATP, d’H2O et de CO2 (figure 3). Le coût
glucidique d’un watt (W) est compris entre 0,15 et 0,30 mg.min-1.kg-1.
Dès qu’un exercice musculaire dépasse une à deux minutes, la performance
dépend pour une large part de la capacité individuelle de transport de l’oxygène
de l’air ambiant aux fibres musculaires actives. L’intérêt de la mesure de la
consommation ou du débit d’oxygène (VO2) utilisé pour l’exploration du méta-
bolisme aérobie apparaît donc clairement. Le délai et les limites de la capacité
d’apport de l’oxygène expliquent l’inertie et la puissance relativement limitée du
métabolisme aérobie par apport aux autres systèmes énergétiques décrits. Son
inertie explique aussi que le VO2 calculé lors d’un exercice musculaire ne reflète
fidèlement sa dépense énergétique que si celui-ci est réalisé en état stable. La
capacité du métabolisme aérobie, beaucoup plus élevée que celle des deux autres
systèmes, est inversement proportionnelle à l’intensité de l’exercice.

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Les métabolismes énergétiques

Figure 3 : Schéma récapitulatif de la glycolyse, du cycle de Krebs et de la chaîne respiratoire.


AA : acides aminés ; AGL : acides gras libres ; α-KG : acide α-cétoglutarique ; Ci : acide
citrique ; NADH : niotinamide adénine dinucléotide ; OA : acide oxaloacétique ; SCoA :
succinyl coenzyme A.

GLUCOSE Protides LIPIDES

Cytoplasme NADH
+ H+

AGL
AA
acide acide
lactique pyruvique

AcylCoA

Mitochondrie Acétyl CoA

OA

Ci
SCoA

Cycle de Krebs CO2


α-KG

NADH + H+

1
/2 O2 H2O

Chaîne des électrons

La performance physique aérobie individuelle dépend donc pour une grande


part de l’aptitude à extraire de l’énergie des substrats énergétiques et à la
transférer au complexe contractile du muscle squelettique. La puissance
maximale aérobie (PMA) varie selon les substrats utilisés. Ainsi, la consomma-
tion d’une molécule d’oxygène libère l’énergie nécessaire à la resynthèse de

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Physiologie

6,5 et 5,7 molécules d’ATP si les protons proviennent respectivement de la


glycolyse ou du catabolisme des acides gras. En d’autres termes, l’oxydation
des lipides est plus coûteuse en O2 que celles des glucides.
Sachant que 1 L d’O2 libère en moyenne 4,8 kCal, soit environ 21 kJ, que
1 W = 1 J.s-1 et que le rendement mécanique global (travail mécanique/dépense
métabolique) d’un sujet est voisin de 20 %, il est relativement aisé de passer de
la puissance à la consommation d’oxygène ou l’inverse. Pour exemple, lors d’un
effort de 100 W la puissance métabolique développée est de 500 W ou de
30 kJ.min-1. Le VO2 correspondant au travail fourni est donc égal à 1,43 L.min-1.
Le VO2 au repos étant de 1 MET (Metabolic Equivalent of the Task), soit
3,5 mL.min-1.kg-1, pour obtenir le VO2 total il convient de rajouter la dépense
métabolique de repos, soit 3,5 x poids du sujet.

Devenir de l’acide lactique


Dès que l’intensité de l’exercice dépasse 30 à 40 % de la consommation
maximale d’oxygène, l’activité de la LDH et la concentration musculaire d’acide
lactique augmentent. Cette production d’acide lactique musculaire est indépen-
dante du niveau de pression partielle en oxygène. Au sein du muscle actif, l’acide
lactique produit par les fibres de type IIa et IIb diffuse librement sous forme d’ion
lactate vers les fibres de type I voisines, où il est oxydé. La diffusion et l’oxydation
du lactate sont possibles grâce à des navettes extracellulaire et mitochondriale.
Ainsi, la respiration mitochondriale a un rôle essentiel dans le contrôle du devenir
du lactate. Il n’existe donc pas de « seuil lactique » au niveau musculaire. L’acide
lactique diffuse rapidement dans la circulation sanguine, dont le pH fait qu’il libère
immédiatement un proton pour être converti en ion lactate. L’acide lactique
participe relativement peu à l’acidose du milieu, qui dépend plus des protons
libérés par l’hydrolyse de l’ATP (équation 1). La lactatémie est la résultante de la
production musculaire et de la consommation périphérique du lactate. Le « seuil »
lactique sanguin est donc observé lorsque la production de lactate dépasse les
possibilités individuelles de sa consommation. Le devenir du lactate sanguin
d’origine musculaire est multiple. Lors d’un exercice prolongé d’intensité constante
sous-maximale, la plus grande partie du lactate est métabolisé par les muscles
actifs, surtout au niveau des fibres de type I. Une fois dans la circulation sanguine,
le lactate diffuse dans l’organisme par la circulation artérielle. Pour une faible part
reconverti en glucose au niveau hépatique (cycle de Cori), il est surtout oxydé au
niveau du cœur et des muscles inactifs. Ainsi la captation du lactate par le
myocarde est proportionnelle à l’intensité de l’exercice. Le lactate est peu éliminé
dans la sueur et les urines. Il est donc essentiel de retenir que le lactate n’est pas
un déchet métabolique. Au contraire, l’oxydation d’une mole de lactate libère
17 moles d’ATP. Ainsi, chez le sujet sain, une production importante de lactate est
essentiellement le témoin d’un exercice intense.

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