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All content following this page was uploaded by Mohamed Talal Lahlou on 26 March 2020.
Sous la direction du Pr. Mohammed NADIF, Professeur de l’enseignement supérieur, FSJES - Souissi
JURY
Pr. Mohammed Rachid AASRI, Professeur de l’enseignement supérieur, FSJES Souissi, Président
Pr. Mohammed NADIF, Professeur de l’enseignement supérieur, FSJES Souissi, Directeur de thèse
Pr. Mohammed KHARISS, Professeur de l’enseignement supérieur, FSJES Souissi, rapporteur et membre
Pr. Khadija OUBAL, Professeur habilité, FSJES Souissi, membre
Pr. Abderrazzak ELMEZIANE, Professeur habilité, FSJES Salé, rapporteur et membre
Pr Omar EL KETTANI, Professeur de l’enseignement supérieur, expert en finance islamique, membre
Remerciements
A l’image de tout projet de la vie, depuis son initiation jusqu’à son aboutissement, cette thèse a
représenté un réel défi qui aurait sans doute été une tâche bien plus ardue sans le soutien d’un certain
nombre de personnes tout au long de mes années de recherche.
Ma première et dernière gratitude est à celui sans qui, rien de cela n’existerait, et qui, par ses
bienfaits, a fait que nous avons pu vivre et parvenir à cela aujourd’hui. Par ailleurs, les premières
personnes qui m’ont soutenu tout au long de ce grand projet de recherche ont bien sûr été mes
parents, comme ils l’ont fait tout au long de mon cursus académique. A eux reviennent les
remerciements chaleureux et la reconnaissance profonde qui ne sauraient être suffisants pour
témoigner ce qui doit l’être. Il en va de même pour mon épouse qui supporta avec patience ces
longues années d’efforts et de retrait. Je ne saurais oublier ma sœur, qui a accepté de revoir certains
passages malgré ses occupations.
Pour mes travaux, je souhaite à apporter mes vifs remerciements à mon Directeur de Thèse Pr.
Mohammed NADIF pour son support et son assistance tout au long de ces années à l’université,
m’ayant permis de mener à bien cette recherche. Mes sincères remerciements au président du Jury, Pr.
Mohammed Rachid AASRI, Professeur de l’enseignement supérieur à la FSJES Souissi, au Pr.
Mohammed KHARISS, Professeur de l’enseignement supérieur à la FSJES Souissi, au Pr. Khadija OUBAL,
Professeur habilité à la FSJES Souissi, au Pr. Abderrazzak ELMEZIANE, Professeur habilité à la FSJES Salé,
et au Pr Omar EL KETTANI, Professeur universitaire, expert en finance islamique.
Je tiens, au final, à remercier, une par une, l’ensemble des personnes, des experts et des
professeurs qui m’ont aidé, assisté et même critiqué durant ce périple académique. Sans avoir la
prétention d’être exhaustif, je remercierais Pr. Abdelbari El Khamlichi, M Abdessalam Cherad et Dr
Amine El Yousfi pour leur assistance et leurs contribution notoires. Je mentionnerais également Pr.
Sami Al Suwailem (IRTI-BID), Pr. Obiyathulla (INCEIF), Pr. Akram Laldin (ISRA), Dr Jamaluddin
(BursaMalaysia), Dr Ahmed Zaki (USIM), Dr Mahmoud Mhedat (Mufti d’Irbid – Jordanie), Dr Sami
Hazoug (Strasbourg EM), Dr Abou Hamdane (Paris Panthéon-Assas), Dr Hatim Benyoussef… Ainsi, du
Maroc à la Malaisie en passant par la Jordanie et les pays du Golfe, je remercierais tous ces acteurs et
les autres, ayant contribué de près ou de loin à l’aboutissement de cette thèse.
Résumé
L’université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette
thèse ; celles-ci doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
1 On parle de cycles redondants, bien que trop souvent, les périodes soient arrondies et variables
2 Effet de Halo : « Influence de l’évaluation globale (posture idéologique ici) sur l’évaluation des attributs spécifiques (le phénomène
économique spécifique analysé) » (Nisbett et Wilson, 1977).
3 http://www.economie.gouv.fr/facileco/friedrich-von-hayek (22/03/2017)
4Sharia : Traduit littéralement par la « voie ». Elle constitue le corpus de référence de l’Islam, notamment au niveau juridique, entre
autres. Ses principales sources sont le Coran et les traditions prophétiques authentiques.
PROBLEMATIQUE
L’idée de base préludant à notre problématique est que le système financier islamique5 institue
comme principe directeur la mise à l’écart de toute activité impliquant des jeux ou des transactions
basées sur du gharar (une incertitude majeure)6. Ce principe fondamental de la FI impliquerait qu’a
priori, toute activité spéculative est à proscrire comme nous le lisons dans une majorité d’ouvrages de
la FI. Dans ce cas, pourquoi serait-il incorrect, comme le démontre Abu Hamdane (2013, p336), de
systématiquement avancer, à l’instar de nombreux praticiens de la FI, que « tout ’’Bay` al-Gharar7’’ est
‘’spéculation’’, ou encore que toute ‘’spéculation’’ est ‘’Bay` al-Gharar’’, et encore plus pour le jeu (ou
Qimar) ». Surtout lorsqu’nous savons que « […] la majorité des Scholars croient que la spéculation dans
[avec] les dérivés conduit à une incertitude excessive […] qui équivaut au jeu. Ils considèrent les dérivés
comme des exemples clairs de jeux à somme nulle8, de simples contrats de différence [de prix] – un
moyen de jouer et de parier. » Kunhibava (2010, p31). Cette implication (d’interdiction de la
spéculation) n’est-elle donc plus une évidence en FI ? En conséquence, les MFI découlant de ce
système alternatif sont-ils, eux aussi, régis par la constante des cycles et des bulles spéculatives, ou
5 L’expression ‘’système financier islamique’’, impliquant l’existence d’un système économique complet sous-jacent, est discutée par
certains économistes. C’est en première partie que nous étudierons cette question en profondeur.
6 La notion de « gharar » est traduite par incertitude par extrapolation car, en réalité, elle n’a pas de traduction courte possible tant les
variables sont nombreuses à cerner pour la définir, selon la thèse de Abu Hamdane 6 (2013), qui a porté dans l’ensemble sur la
conceptualisation et la mise en perspective de cette notion.
7 Transaction commerciale basé sur le gharar
8 Jeu à somme nulle : Une opération dans laquelle les gains d’une partie ne peuvent augmenter qu’en contrepartie de pertes équivalentes
de l’autre partie. Ces jeux sont extensibles à un nombre infini d’opérateurs. La fonction d’utilité de chaque joueur est diamétralement
opposée à celle de l’autre, dans un univers bilatéral (Abu Hamdane, 2013, p355)
11 Critère de réfutabilité : une théorie est réfutable lorsque certains résultats peuvent l’infirmer (Popper, 1934)
12 http://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/2413/files/2015/02/mbengue.pdf
13Des analyses sans fin peuvent être entamées pour déterminer à partir de quel seuil la manifestation de tel facteur devient décisive ou
pas. Nous trancherons sur ce point en quatrième partie.
PLAN
Les éléments du plan ayant été mentionnés tout au long de l’introduction, nous nous proposons
ici de les structurer. En première partie, le cadrage épistémologique des concepts de système
économique islamique puis de spéculation s’imposera. Ce cadrage passera par la discussion des
définitions et principes, puis les postures des principaux courants économiques sur la spéculation. Il
nous permettra de mieux cerner nos concepts qui seront sans cesse confrontés tout au long de la thèse.
En seconde partie, nous nous approfondirons sur les causes principales de la spéculation. Cette
analyse s’appuiera sur une étude documentaire des déterminants de la spéculation relevés par les
analyses économiques qui se sont concentrées sur le sujet, d’un point de vue pratique et
contemporain. Le passage par l’inventaire des causes/facteurs de la spéculation permettra de
diminuer les zones d’ombre et la marge d’interprétation qui lui sont liées. Ces facteurs seront
réorganisés et structurés de manière novatrice et intelligible, dans des catégories distinctes et
complémentaires.
La troisième partie servira de première confrontation entre nos concepts. A ce stade, nous
reviendrons aux analyses initiales de la spéculation qui auront permis de dégager un certain nombre de
facteurs majeurs de la spéculation. Il s’agira dans cette partie de confronter les facteurs de la
spéculation aux principes théoriques de la FI, pour vérifier l’hypothèse de la résilience théorique des
principes de la FI à la spéculation. Cette confrontation des facteurs théoriques et pratiques de la
spéculation aux principes de la FI ne se fera pas sans des premières allusions aux pratiques de la FI, qui
permettront d’avoir une idée initiale sur les tendances des produits de la FI contemporaine. L’analyse
Relevant naturellement du champ, très étendu, des sciences humaines, l’économie islamique
repose-t-elle sur un certain nombre d’axiomes, de théories, de règles et de principes directeurs qui
l’orientent, à l’instar de l’économie classique ? Ces principes sont-ils sujets à débat entre les
spécialistes ? Cette économie alternative, certes nouvelle, mais dont les principes remontent à l’arrivée
du prophète Muhammad il y a de cela plus de quatorze siècles, demeure peu documentée lorsqu’il
s’agit de la présenter comme un modèle économique intelligible et intégré reposant sur des
institutions abouties et complémentaires. A ce titre, la remise en cause de l’existence même d’un
modèle économique islamique est le fait de penseurs tant occidentaux que musulmans. Dans son
Histoire de l’analyse économique J.A. Schumpeter écrit : « Pour ce qui concerne notre sujet, nous
pouvons sans crainte franchir d’un bond cinq cents ans, jusqu’à l’époque de Saint Thomas D’Aquin
(1225-1274) » (Verrier, 2004). L’une des raisons derrière cette remise en cause est que l’économie
islamique est représentée bien souvent comme une série d’interdits, que l’on viendrait greffer sur un
système économique capitaliste déjà bien en place et ancré dans nos sociétés modernes. Une autre
raison est le manque d’ouvrages traduits ou encore dédiés.
Cette représentation pose en réalité de nombreuses interrogations conceptuelles. Si l’on part
du principe que le capitalisme est un système économique, comme le serait le socialisme, à part
entière, la représentation précédemment évoquée supposerait implicitement que l’économie
islamique n’est pas un système, c'est-à-dire qu’elle n’est pas un ensemble d’éléments interagissant
entre eux selon des principes et des règles connues. Il ne pourrait donc y avoir de raisonnement
économique abouti sur une telle base. Rappelons qu’un système peut être défini comme étant un
« ensemble organisé de principes coordonnés de façon à former un tout scientifique ou un corps de
doctrine » ou encore un « ensemble d'éléments considérés dans leurs relations à l'intérieur d'un tout
fonctionnant de manière unitaire » mais aussi un « ensemble de procédés, de pratiques organisées,
destinés à assurer une fonction définie » (Larousse)14. Un système économique est défini par le
dictionnaire de l’économie du Larousse15 de la manière suivante :
14http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/syst%C3%A8me/76262 (3/9/15)
15 Bezbakh, P. et Gherardi, S. (2000), Dictionnaire de l’économie de A à Z, LAROUSSE, p.237.
http://www.larousse.fr/archives/economie/page/237 (3/9/15)
1.1.2.1 Historique
Si l’on est amené à parler des premiers écrits doctrinaux liés à la conceptualisation moderne de
la FI, c’est au début du vingtième siècle que l’on devra les situer (Chapellière, 2009), notamment avec
Al Mawdudi16 et Sader17 (Gamal, 2006), bien que l’évolution de la législation islamique se poursuive
jusqu’à ce jour avec l’Ijtihad18 (Khallaf, 1999). Ce fut surtout en réaction au mouvement colonial,
portant en son sein le système bancaire, que ces courants ont émergé. Cependant, les sources et les
fondements de la discipline sont à situer dès le début du huitième siècle avec la propagation de l’Islam
et des sciences qui y sont rattachées. Ainsi, apparaissent dès le second siècle de l’Hégire des ouvrages
entiers consacrés à la chose économique comme « Al Kharaj » (L’impôt) de Abu Yusuf ou encore « Al
Iktisab fi Ar-Rizq al Mustatab » (L’investissement) de Muhammad Ibn al-Hasan El Shaybani (745-805).
C’est le début d’une longue tradition qui mêlera bien souvent science sociale et science économique et
dont nous pouvons identifier de nombreux penseurs clés comme Al Maqrizi qui rapporte la crise
financière Egyptienne de son époque à des causes liées à la politique monétaire, qu’il aborde très en
détail19, ou encore Ibn Khaldûn qui évoque les principales caractéristiques de la théorie des cycles dans
son Prolégomène (Al Muqaddima). Cette tradition est généralement omise dans les traités
d’économie occidentaux, comme nous l’avons vu avec Schumpeter, qui constitue un postulat peu
crédible d’un point de vue historique et philosophique.
Dans sa version moderne, l’économie islamique s’est surtout exprimée à travers son sous-
système le plus avancé, la FI. Cette dernière est elle-même dominée par l’institution phare qu’est
16 Mawdudi : Economiste et théologien pakistanais sunnite de la première moitié du vingtième siècle fondateur de l’EI contemporaine
17 Sader : Economiste et théologien chiite de la première moitié du vingtième siècle, auteur de l’ouvrage ‘’Notre économie’’
(Iqtissaaduna)
18 Ijtihad : Effort (de raisonnement effectué par le savant en vue de déceler la réponse à une problématique
19 Maqrizi (1374-1442) : Théologien et économiste musulman qui s’est notamment intéressé à la crise économique en Egypte
Le Coran est le livre saint communément partagé par tous les musulmans. Il est considéré par
ces derniers comme étant la parole divine (Alwani, 1990), transmise par l’ange Gabriel au prophète
Muhammad. Contrairement à l’ancien et au nouveau testament, il existe une seule version du Coran
partout dans le monde car le livre est réputé authentique et jamais altéré dans la mesure où il repose
sur une double transmission écrite (qui débuta durant la vie du prophète) et surtout orale (un nombre
très important de rapporteurs différent l’ont mémorisé par cœur). Il existe plusieurs lectures
(variations relatives à la vocalité et la prononciation) qui relèvent toutes du même livre d’origine, qui
est disponible actuellement dans le monde musulman. Le Coran est un livre dont l’objectif est
b. La Sunna (Hadiths)
D’emblée, soulignons que contrairement au Coran, les Hadiths ne sont pas rassemblés dans un
seul et unique corpus partagé, diffusé et communément admis dans le monde musulman. Nous
pouvons même avancer que du fait de ce retard de compilation, lié selon Khallaf (1999) à la volonté du
calife Omar d’éviter l’amalgame entre Coran et Sunna, de nombreux courants sont apparus dans le
monde musulman. La Sunna bien qu’ayant été apprise, et notée en partie du vivant même du prophète,
n’a été compilée et rassemblée dans des ouvrages qui lui sont consacrés qu’au cours du second siècle
de l’hégire, en commençant par l’imam Malik, puis Shafei, puis Ahmad, Bukhari, Muslim… Durant les
deux premiers siècles, l’effort fut tourné vers la collecte. Durant les siècles qui ont suivi, l’effort
principal était tourné vers l’épuration, c'est-à-dire à travers un certain nombre d’outils, séparer les
Hadiths authentiques de ceux qui sont faibles, mensongers ou apocryphes. C’est ainsi qu’émerge une
science islamique nommée science du Hadith, dont les principaux fondateurs ont vécu au second siècle
de l’hégire (Malik, Shafei, Ibn al Madini, Ibn Maiin, Ibn al Mubarak, Ahmad, Bukhari…). Cette science,
existe encore et est encore pratiquée, parmi les plus célèbres contemporains nous pouvons signaler Al
Arnaout ou encore Al Albani, spécialistes du Hadith au vingtième siècle.
La Sunna est donc la seconde source de la jurisprudence islamique (Belabes, 2016). Elle est
considérée comme telle par toute l’école sunnite sans exception. Le chiisme s’est différencié en se
positionnant dans une école de pensée à part qui élabore ses propres sources de jurisprudence. La
Sunna contient les paroles, les actes et les validations (iqraar) du Prophète (Causse-Brocquet, 2012,
p27). Seule la Sunna authentique et authentifiée par les spécialistes de Hadith est considérée comme
Signifiant « l’effort », l’Ijtihad consiste pour le savant qualifié à faire le maximum d’efforts en
s’inspirant du Coran et de la Sunna pour arriver au jugement le plus juste concernant une question sur
laquelle il n’existe pas de texte clair (Alwani, 1990). D’emblée, relevons qu’Ibn Hazm et toute l’école
dite ‘’Dahirite’’ (littéraliste) rejette l’ensemble des autres sources d’Ijtihad et se contente des deux
principales : le Coran et la Sunna (Khallaf, 1999). Les autres écoles de jurisprudence, notamment les
quatre écoles du sunnisme considèrent ensemble que l’ijmaa (le consensus des savants d’une époque
donnée) et le qiyaas (raisonnement par analogie) (Belabes, 2016, p14) sont des sources de
jurisprudence. Après ces deux sources connexes, chacune des quatre écoles a des sources spécifiques,
certaines qu’elle partage avec d’autres écoles, d’autres pas. L’ordre des sources varie également. Il est
utile de souligner qu’à ce stade de la jurisprudence, il est surtout question d’éléments secondaires
dans la religion musulmane, les éléments fondamentaux étant tous tranchés par des textes des deux
premières sources. Il est également utile de souligner que dans la même optique, les savants jugent
qu’en présence d’un texte authentique, clair et sans équivoque et dont le contexte de la question levée
est le même que le contexte lors de la révélation, il n’y a pas de place pour l’Ijtihad. La fatwa (avis
juridique) basée sur l’Ijtihad est par ailleurs réservée aux savants ayant atteint un haut niveau de
connaissances des différentes sciences islamiques et qui ont été reconnus par leurs pairs comme étant
suffisamment compétents (ijaza / tazkiya).
22 Edition republiée en 1998, “Maqāṣid al-Sharīʿah al-Islamiyyah”, ed., al-Misawi, Muhammad al-Tahir, al-Basa’ir, Kuala Lumpur.
Les contrats sont considérés comme étant sacrés en Islam, tant qu’ils ne contreviennent pas
aux principes suprêmes de la charia. Ainsi, un verset du Coran énonce « Ô croyants, respectez vos
engagements » (Al Maida, 1) de même qu’un célèbre Hadith énonce : « Les croyants sont tenus de
respecter leurs clauses (dans les contrats), sauf une clause qui rend licite l’illicite ou rend illicite le
licite » (Tirmidhi, 1352). Les contrats sont caractérisés par l’unité de temps, de lieu et d’objet. Ils se
déclinent en plusieurs catégories (qui seront aussi détaillées) :
➢ Les contrats d’échanges de biens ou de services ;
➢ Les contrats d’engagement (mise à disposition de capital, de travail…) ;
➢ Les contrats de libéralités (transfert de droit sans bénéfices particuliers).
L’un des objectifs fondamentaux de la charia est d’éviter tout conflit éventuel qui peut découler d’un
contrat mal ficelé. Six conditions (Iqbal, 2007) principales doivent être réunies pour que le contrat soit
réputé valide :
➢ L’acceptation réciproque ;
➢ La qualification et la maturité des contractants ;
➢ La licéité de l’objet du contrat ;
➢ La possession de l’objet du contrat (sauf pour le contrat Salam et Istisnaa) ;
➢ La connaissance des clauses et la transparence de la transaction ;
➢ La possibilité de livrer l’objet du contrat (pour les exceptions à la condition 4).
Avant de nous intéresser aux contrats proscrits, nous pouvons synthétiser les longues explications des
types de transactions faites par les savants au sein du tableau à double entrée suivant :
Ce tableau dresse la typologie des transactions relatives aux biens non ribawi23. Pour les biens ribawi,
un tableau accompagné d’une explication des modalités figure en annexe A.1.
23Biens ribawi : Il s’agit de six catégories de biens (tableau en annexe) que l’on retrouve énoncées dans plusieurs Hadiths authentiques et
sur lesquels les conditions d’échanges sont plus strictes par rapport au reste, dans la mesure où ils représentent les outils d’échange (la
monnaie) et les biens de première nécessité.
• L’intérêt
De prime abord, précisons qu’en Islam il n’existe pas de différence entre l’usure et l’intérêt
(Kobiyh, 2016, p65), d’un point de vue conceptuel, pour plusieurs raisons que nous étaierons.
Historiquement, cette interdiction de l’intérêt n’est que le prolongement de celle que l’on retrouve
dans la tradition judaïque « Le juste ne prête pas son argent à intérêts » Psaumes 14/4, mais aussi dans
Exode 22/25, Lévitique 25/36, Deutéronome 23/20, Psaumes 15/5, Proverbes 28/8 et Ezéchiel 18/8-17.
Nous relevons cela également dans la tradition chrétienne, Mathieu 21/12 et Luc 6/34-36. Tout intérêt,
aussi faible soit-il, est considéré comme de l’usure par les jurisconsultes de l’Islam24. Il y a quasi-
unanimité sur ce point-là entre les savants anciens et contemporains, mis à part un nombre limité de
fatwas (avis juridique) controversées, dont l’une émise par Tantaoui25, mais qui a été rapidement
démentie par l’ensemble des conseils de jurisconsultes26. Étymologiquement, l’intérêt désigne tout
surplus par rapport au capital prêté que le prêteur contraint l’emprunteur à verser, qu’il soit matériel
ou immatériel. Le mot arabe « Riba » signifie le surplus. Il s’avère que l’on retrouve cette même
conception dans les définitions chrétiennes de l’usure : « Il arrive aussi qu’on prend quelquefois un
profit usuraire dans d’autres contrats, où l’on demande sans cause plus qu’on n’a donné »27. Ambroise
considérait que les usuriers se verraient refuser la paix éternelle alors que le concile de Paris réunit en
1312 réclamait tout simplement l’excommunication des laïcs coupables de prêt à intérêt (Martens,
2001).
Plus précisément, l’intérêt est subdivisé en deux catégories dans le fiqh (jurisprudence) :
l’intérêt lié au temps « Riba AlDuyun » et l’intérêt lié aux échanges inégaux et injustes dans les
monnaies et certaines matières premières « Riba AlBuyu’» (Kobiyh, 2016, p65). Les deux types sont
proscrits (El Khamlichi, 2010). Le premier désigne, comme son nom l’indique, le surplus qu’un
emprunteur paie en contrepartie du délai (ou du prolongement du délai) de remboursement du prêt,
comme le pratiquent les banques commerciales conventionnelles aujourd’hui pour le prêt. En Islam, le
remboursement d’un prêt doit se limiter au capital emprunté « Si vous vous repentez, alors vous n’avez
24 : Des juristes de 36 pays musulmans se sont rencontrés en 1965 à l’Université d’Al-Azhar pour mettre les choses au clair et mettre fin à
une polémique qui a pris beaucoup d’ampleur. Voir recueil des travaux du deuxième congrès du conseil de recherches islamiques,
Université Al-Azhar, Le Caire, Egypte 1965, 401-02
25 : Ancien président de l’Université Al-Azhar
26 Conseils regroupant des experts de la jurisprudence islamique ainsi que des experts de divers domaines. Ils se réunissent pour traiter
28 : ‘’Ô
croyants, craignez Dieu et délaissez ce qui reste comme intérêts si vous avez vraiment la foi. Si vous refusez, alors attendez-vous à
une guerre de la part de Dieu et de son prophète, et si vous vous repentez, vous avez alors droit au capital, vous ne léserez point et vous
ne serez point lésé » Baqarah / Coran
29 « Dieu maudit celui qui prend l’intérêt, celui qui le donne, celui qui en écrit le contrat et les deux témoins, ils sont égaux (dans la
Cité notamment par Causse-Broquet, (2012) et Dar et Presley, (2000), ce premier principe
découle directement d’une règle que nous pouvons considérer comme cardinale en FI. Elle est en effet
un pilier autour duquel vont tourner une très grande partie des avis juridiques. Cette dernière est elle-
même tirée d’un Hadith énonçant que « Tout profit sur un bien ou service doit être strictement attribué
à celui qui supporte le risque et les frais liés à ce bien ou service, au moment où le profit a été généré »
(Al Kharaaj bi ddamaan) (Tirmidhi, 1285). Ainsi, contrairement à la transaction classique du prêt à
intérêts, dans laquelle c’est l’emprunteur qui supporte le risque du montant prêté au cas où il le perd
ou qu’il est détruit alors même que c’est la banque qui en tire un profit certain, l’Islam impose de
partager tant les profits que les pertes dans une transaction plutôt participative et inclusive. Si le
financier accepte de financer un entrepreneur pour un projet, ils partageront les profits et les pertes,
sous des conditions précises que nous détaillerons une fois que nous aborderons les composantes et
les transactions de la FI. Partager les profits et faire supporter le risque de perte éventuelle à une seule
partie contrevient à l’esprit de justice institué par la jurisprudence islamique. Le risque (légitime) et le
temps sont considérés comme des facteurs de production ‘’dépendants’’, toujours adossés à d’autres
facteurs de production réels (terre, capital monétaire, capital physique et travail) selon Abu Hamdane
(2013, p135).
31Tracker : Un tracker ou ETF (Exchange Traded Funds) est un instrument financier côté en bourse permettant de reproduire en temps
réel l'évolution d'un indice boursier.
Un système économique abouti ne saurait être crédible tant qu’il n’est pas représenté,
appréhendé et conceptualisé tantôt par induction, tantôt par déduction, de la pratique à la théorie, et
inversement. Parmi les éléments majeurs de toute économie, les cycles et leur analyse. La prise de
conscience de l’existence des cycles se fait dès les premiers siècles de la civilisation islamique, bien
avant leur théorisation en économie politique. Miskawayh évoquait déjà au dixième siècle l’existence
de cycles économiques répétitifs. « Les phases du cycle commenceront à être décrites, encore très
sommairement, par Al-Turtûshi (1059-1126) qui distingue néanmoins très nettement les phases de
prospérité et les phases de décadence » (Verrier, 2004). C’est avec Ibn Khaldûn qu’une description
détaillée et méticuleuse de la théorie des cycles prendra naissance, à travers la distinction des
principaux paramètres déterminants des cycles, des liens entre population et production, ainsi que du
rôle des finances publiques dans cette dynamique. Selon lui, la première phase, ascendante, est un
processus accumulatif et expansionniste. « L’analyse d’Ibn Khaldûn réunit tous les principaux éléments
explicatifs d’une théorie de la croissance : croissance démographique, division du travail, progrès
technique, gains de productivité, ainsi que la nécessité pour l’Etat de respecter la liberté de chacun, tant
en matière de profit individuel que de propriété privée. Inversement toutefois, ces mêmes éléments
peuvent engendrer un processus cumulatif à la baisse : c’est la phase de dégradation économique et
politique » (Verrier, 2004). Ce processus cumulatif à la baisse se matérialise par l’émergence de
déséquilibres structurels, comme les externalités négatives, le développement des grandes cités au
détriment des petites, l’exode rural, l’accroissement de la consommation au détriment de
l’investissement, l’opulence, l’excès de dépenses privées et publiques, la dette... Cette théorie de la
b. Fiscalité et régulation
La civilisation islamique s’est rapidement étendue, en moins d’un siècle, sur trois continents.
Très vite, les autorités ont eu besoin de gérer le commerce interrégional et international à travers la
mise en place d’un certain nombre de mesures de supervision et d’impôts. L’impôt est en effet l’une
des principales manifestations de l’existence de l’autorité, de l’Etat. Il serait difficile donc d’imaginer
qu’une civilisation qui s’est étendue de l’Espagne actuelle à la Chine et l’Inde ne fut pas dotée de
structures économiques et de régulation appropriées. A ce titre de nombreux ouvrages furent
consacrés à la question, comme « Al Ahkaam assultaaniya » et bien d’autres. « Dès le VIIIe siècle, Al-
Muqaffa (720-756/757) dénonce l’oppression fiscale » (Verrier, 2004). Al Mawardi (974-1058)
recommande de préserver soigneusement la matière imposable et de ne pas l’étouffer. Dans un
registre similaire, « Al-Turtûshi (1059-1126) préconise la nécessité d’imposer chacun sa capacité
contributive » (Verrier, 2004). Ibn Khaldûn (1332-1406) replaçait souvent ses observations et théories
fiscales dans le cadre des cycles économiques, plaidant pour une fiscalité proportionnelle alors que
Abu Yusuf, dès le VIIIème siècle, avait une vision beaucoup plus interventionniste dans son ouvrage
« Al Kharaj », dans lequel il recommandait indirectement que l’Etat prenne en compte le principe
développé plusieurs siècles plus tard par Laffer, à savoir la possible baisse à un certain point des
revenus de l’impôt si les taux devenaient excessifs.
L’économie islamique, si l’on part des principes jurisprudentiels et des textes prophétiques
comme le refus du prophète de fixer les prix, l’aumône obligatoire (Zakat) ou encore la mise à l’écart
des impôts (sauf exceptions), peut être qualifié d’économie sociale de marché, ce qui n’est pas
exactement la même chose qu’une économie capitaliste ou libérale plaçant le capital ou la liberté des
agents comme pierre angulaire du système. Dans l’EI, le régulateur doit s’assurer de la transparence
des opérations, de l’absence de monopoles, de collusions, de pratiques de tromperie… Les autorités
n’ont pas vocation à s’impliquer dans les opérations économiques, mais sont surtout appelées à
assurer les meilleures conditions de transparence. Ainsi, la CPP étant un idéal en termes de principes
structurels de l’économie, nous n’identifions aucun élément de l’économie islamique qui imposerait
d’avoir un cadre diamétralement opposé à celui-ci. En tout état de cause, il demeure un cadre
c. Monnaie et inflation
« Contrairement à ce que l’on peut croire, les notions de monnaie, de capital, de profit, d’intérêt,
de valeur du temps… sont relativement connues dans ces milieux arabes préislamiques » (Saleh, 1992 et
Mooti, 2003, cités par Abu Hamdane, 2013). La monnaie et son optimisation sont un élément central
dans la pensée islamique et cela a déjà été évoqué lorsque nous avons abordé les deux catégories
d’intérêts (de prêt et d’échange). La première catégorie de biens dont les échanges sont strictement
cadrés dans les six catégories sont les biens monétaires. Il découle des textes que le marché doit
s’orienter de plus en plus vers la monétisation, en diminuant progressivement les volumes d’échanges
basés sur le troc, sans pour autant que le monnaie ne produise un rendement seule (Oaidah, 2010),
couplée au temps et sans appui sur un processus productif. C’est une vision très proche de la vision
Aristotélicienne de la monnaie (Abu Hamdane, 2013, p71).
Des principes économiques fondamentaux, comme la loi de Gresham (la mauvaise monnaie
chasse la bonne) sont introduits dans la pensée économique islamique dès le onzième siècle,
notamment avec Al Ghazali (né en 1058). Le processus de création monétaire, exprimé par Ibn
Taymiya par la ‘’frappe excessive’’, est aussi dénoncé dès le treizième siècle car il implique notamment
une fuite des capitaux, surtout de bonne monnaie. C’est au quatorzième siècle, avec Al Maqrizi (1363-
1442), que la théorie est explicitement formalisée, après que ce dernier eut constaté que les monnaies
or et argent ont disparues de la circulation laissant surtout sur le marché les monnaies en cuivre.
« Parmi les raisons invoquées, outre la thésaurisation, il cite les raisons commerciales, mais, la véritable
cause qu’il met en avant, est la crise économique et sociale du pays (l’Egypte), et la gestion
calamiteuse des finances publiques (…). Il annonce, on ne peut plus clairement, la future loi de T.
Gresham (1519-1579) ‘’La mauvaise monnaie chasse la bonne’’. Toutefois, l’analyse d’Al-Maqrizi est
plus poussée que celle d’Ibn Taymiya ou de Gresham » (Verrier, 2004).
L’une des conséquences immédiates d’un excès de masse monétaire32 est l’inflation. Ibn
Taymiya ne manqua pas de souligner le nécessaire équilibre entre masse monétaire et volume des
32« La masse monétaire représente la quantité de monnaie qui circule dans l'économie à un moment donné. Celle-ci est mesurée grâce à
des indicateurs statistiques (agrégats) qui sont fixés par la Banque Centrale Européenne (BCE). Cela correspond à tous les moyens de
paiement qui peuvent être transformés en liquidité
Ces agrégats indiquent le niveau de liquidité de certains agents économiques et sont représentés par les symboles suivants :
M1 qui correspond aux pièces et billets dans les comptes courants.
M2 qui correspond à M1 plus les dépôts sur livrets et les crédits à court terme.
d. Politique monétaire
Dans le cadre de la consolidation de bases saines d’un SEI, la politique monétaire est un
élément central et nécessaire. En termes de gestion de la politique monétaire et budgétaire, l’Etat a un
rôle à jouer. D’abord, la frappe de la monnaie est intimement liée à la politique monétaire, dans
laquelle l’Etat joue forcément un rôle, mais lequel ? Etant le garant de la stabilité monétaire, l’Etat se
doit de faire face aux cycles naturels de croissance et de dépression de l’économie, et dispose à cet
effet d’outils dans un cadre économique islamique. Cela peut paraître assez surprenant quand nous
parlons d’une économie sans intérêts, dans la mesure où la quasi-totalité des outils de gestion de la
politique monétaire connus sont liés au taux directeur (baisse ou augmentation des taux, open
market avec les bons du trésor, avances et reprises de liquidités à court terme…). Dans un SEI, nous
pouvons répertorier33 les outils de gestion de politique monétaire comme suit :
• Gestion des ratios de réserve obligatoire non rémunérée ;
• Gestion des seuils et plafonds de taux de rentabilité des Musharaka ;
• Open market à travers l’achat/vente de Sukuk34 ;
• Prêts sans intérêts consentis au besoin aux IFI ;
rendement de l’actif sous-jacent. La valeur des Sukuk fluctue ainsi directement en fonction des variations de valeur de l’actif sous-jacent. A
la différence des détenteurs d’obligations classiques, le porteur de Sukuk subit à la fois les hausses et les baisses de valeur de l’actif : les
profits éventuels mais aussi les risques de destruction ». Bengarai, T et Hassoune, A (2013), Les cahiers de la FI
Les Sukuk sont le segment qui connaît la croissance la plus importante de la FI (Rapport IFSB 2015, p18)
e. La politique budgétaire
La politique budgétaire relève également des prérogatives de l’Etat, en tant que second outil de
politique économique, à travers des contributions ponctuelles éventuellement en cas de besoin établi.
« AlMawardi présente une vision moderne des finances publiques, à deux doigts du principe du budget
cyclique, c’est-à-dire de la recherche de l’équilibre budgétaire sur plusieurs années à défaut de le
réaliser sur un an » (Verrier, 2004). Mais cet outil n’est pas systématique comme il le serait dans le
capitalisme social ou le marxisme à titre d’exemple. Ainsi la politique budgétaire est étudiée de
manière pointue par de nombreux économistes de l’Islam, notamment au niveau de son impact
macroéconomique et la justice qui doit toujours l’accompagner.
L’Islam est une religion et non un modèle politique profane. La justice et la solidarité sont
intrinsèquement liées à son application globale, en tant que système intégré. Chaque membre de la
société musulmane a un droit dans la richesse nationale, et, en théorie, la pauvreté doit être
combattue à l’extrême. Ce pilier ne ressemble pas aux quatre autres piliers, qui sont spécifiques à
l’individu ; il a une portée sociale en priorité.
La Zakat a été mentionnée 32 fois dans le Coran, dont 27 fois citée en même temps que la Salat
(prière obligatoire). Elle est obligatoire à partir du nissaab (l’équivalent de 85gr d’or, ou 595gr
d’argent) qui est le seuil minimal en dessous duquel l’individu n’est pas soumis à la Zakat. A ce titre,
certains savants sont d’avis qu’il faut choisir le seuil plus avantageux pour les pauvres. Du point de vue
des bénéficiaires, les plus proches sont prioritaires, familialement puis géographiquement.
D’un point de vue opérationnel, comment procède-t-on à l’évaluation de cette contribution
solidaire ? L’assiette de la Zakat inclut toutes les richesses épargnées par le musulman pendant une
année. Si cette assiette dépasse le seuil minimal (nissaab), le musulman est soumis à la Zakat. Sont
exclus de cette assiette les biens immobiliers non destinés au commerce, les outils de production, les
matériels de transport et tout ce qui est partie prenante dans le processus de production de biens ou
de services. Le taux appliqué, en dehors de certaines catégories de biens agricoles spécifiques, est de
2,5% sur l’assiette (Diagne, 2016, p41). Cette contribution n’est pas liée à l’impôt, et le paiement de ce
dernier n’en dispense pas. Il peut par contre être retirée de l’assiette tout naturellement. Elle vise donc
b. Le Waqf
35
Guénette Gilles (2008), Donner rend heureux, le Québécois libre, 6 Janvier, No 247.
URL : http://www.quebecoislibre.org/08/080106-4.htm (29/08/2015)
c. La micro-FI
Les institutions de micro-FI ont prospéré surtout hors des pays du Golfe, vu que ces derniers ne
manifestaient pas vraiment le besoin pour la microfinance. Ce sont donc des expériences au Soudan,
en Indonésie, en Malaisie, en Egypte et dans de nombreux autres pays musulmans qui ont marqué les
premiers succès de cette initiative. L’objectif des institutions de microfinance est de viser une
catégorie exclue d’emblée par les IFI du fait de leur non éligibilité aux conditions classiques que doit
rassembler un client conventionnel. Disposant d’outils spécifiques pour filtrer les profils, d’ailleurs très
proches des outils des institutions de microfinance à intérêts, ces institutions opèrent avec des
contrats souvent très proches de ceux utilisés par les IFI, et que nous développons ci-après.
d. Le Takaaful
Dans la partie consacrée aux principales interdictions dans la jurisprudence islamique, nous
avions fait allusion à l’interdiction du Gharar, interdiction qui implique la proscription de l’ensemble
des activités de type ‘’assurance commerciale’’. Cette interdiction a fait l’objet d’avis émis par des
conseils de jurisprudence (conseil de la ligue de l’OCI36 le 23/07/1978), confirmant que la règle
générale du gharar s’applique à ce métier en particulier. Les experts de l’EI ont néanmoins souligné
l’importance de l’assistance et la solidarité institutionnalisée, pour arriver à la conclusion que le
principe de solidarité est, en soi, fortement recommandé, mais que le fonctionnement et le modèle de
l’assurance classique n’était pas acceptable. Il fallait donc une alternative crédible, pérenne et
institutionnalisée, qui s’appuie sur le partage du risque et non sur la vente du risque (Masri, 2001).
C’est à l’intersection des institutions de solidarité pure (Zakat et Waqf) et des institutions à but
lucratif que se positionne le modèle islamique de couverture Takaaful (Kobiyh, 2016, p68), basé sur le
principe d’assurance solidaire et mutuelle, axé sur des contrats de don et non des contrats de vente.
En effet, ayant mentionné dans la partie du gharar que le gharar interdit ne concernait que les
transactions commerciales, nous pouvons en déduire que les dons ne sont pas concernés par ce
dernier. C’est pour cette raison donc que le Takaaful se base soit sur des modèles de don, soit sur des
modèles de Waqf, assez présent en Afrique du Sud et au Pakistan, notamment.
Les IFI sont actuellement le maillon fort de la FI et représentent l’un de ses deux pôles majeurs,
aux côtés des Sukuk et marchés des capitaux que nous développerons dans la rubrique suivante.
Apparues dans les années soixante-dix, ces institutions représentent en 2015 près de 2% de la finance
mondiale, avec des actifs en gestion avoisinant les 2000 Milliards de Dollars39. Etant présentes dans la
quasi-totalité des pays musulmans, elles se sont également implantées dans des dizaines de pays non
musulmans, notamment en Grande Bretagne, en Allemagne… L’objectif des IFI est de permettre
d’obtenir un financement sans passer par le crédit bancaire, en restant dans le cadre des opérations et
contrats licites. Ces contrats se divisent en deux catégories principales : Les contrats participatifs et
les contrats commerciaux.
• Contrats participatifs
- La Musharaka
Représentant l’essence participative de la FI, et ayant de nombreux équivalents en finance, la
centralité du contrat Musharaka n’est pas en soi une tentative de réinventer la roue selon les experts
37 Ne pas confondre avec l’école de pensée du crédo achaarite, détaillant une certaine vision du dogme islamique.
38 Le « subprime » désigne un crédit à risque, détenu par un emprunteur qui n'offre pas les garanties suffisantes pour bénéficier d’un taux
d'intérêt au prix du marché. Les établissements financiers prêteurs consentent ainsi des crédits à des taux variables et de niveau élevé.
Ces conditions d'octroi font peser un risque de solvabilité sur les emprunteurs. Ce type de crédit hypothécaire est apparu aux Etats-Unis.
Le crédit immobilier est ainsi gagé sur le logement de l'emprunteur.
Lafinancepourtous.com, Définition : Subprime. URL : http://www.lafinancepourtous.com/Decryptages?q=subprime
39 Belhadi Sarah (2015), A G20, la Turquie veut promouvoir la FI, La Tribune, 19 Juin.
URL : latribune.fr/economie/international/au-g20-la-turquie-veut-promouvoir-la-finance-islamique-485742.html (23/09/2015)
- Salam
Déjà évoqué dans la première classification dans le tableau des ventes, ce contrat représente
une issue très prisée dans le monde agricole, mais dont l’utilisation a été étendue au monde des
matières premières de manière plus générale. Le Salam consiste en un paiement immédiat de l’achat
pour une livraison à terme du bien (Dharir, 1995). Il est nécessaire que le cahier des charges soit très
précis afin d’éviter toute incertitude. Ce contrat porte seulement sur les biens fongibles, amplement
disponibles sur le marché et facilement remplaçables en cas de rupture de stock chez l’un des
fournisseurs. Il ne peut porter sur les monnaies ou les biens rares. Un Salam composé peut permettre
un financement à travers une IFI (Diagne, 2016). Ce contrat résout en partie les problèmes de BFR
(besoin en fond de roulement) et de risque de marché pour l’acheteur et le vendeur, posant une
alternative licite à de nombreux produits dérivés. Notons à ce titre que, bien souvent, le prix du Salam
est inférieur au prix d’une vente du même bien au comptant, lui-même inférieur au prix de la vente à
terme dans bien des cas. Les savants acceptent la notion de valeur-temps, tant que celle-ci est
rattachée à une transaction d’un actif réel et non à une transaction monétaire (Suwailem, 2000). Les
deux figures suivantes détaillent les deux principaux schémas de ce contrat :
Agriculteur Commerçant
Source : L’auteur
- Ijara
Ce contrat est assimilable à la location de biens et de services (Diagne, 2016, p37). Il se décline
en deux formes principales à savoir la location à durée déterminée ou la location avec possibilité de
cession du bien au terme de la période de location, à travers un contrat de cession séparé optionnel.
L’Ijara peut aussi être prépayée à condition que le cahier de charges soit extrêmement explicite. Bien
entendu, ce contrat, tout comme ceux qui le précèdent, s’opère en EI dans le respect de l’interdiction
des intérêts (pénalités de retard…) et du commerce de produits illicites.
- Murabaha
Produit phare en pratique (Martens, 2001), bien que marginal dans la jurisprudence, voire
rejeté par certains compagnons du prophète comme Ibn Omar et Ibn Abbas (Abu Hamdane, 2013, p79),
la Murabaha a connu un franc succès du fait du faible risque qu’elle comporte contrairement aux
produits participatifs. Elle est basée sur une vente et un paiement à terme (Diagne, 2016, p37), avec
possibilité de garder l’hypothèque, ce qui en fait un bien très peu risqué et proche, en termes de
niveau de risque, des activités des banques classiques. Cela en fait aussi l’un des biens présentant le
moins de valeur ajoutée d’un point de vue macro-économique, si ce n’est la bancarisation d’une
frange plus large de la population et l’adossement de l’économie à des activités réelles. Elle consiste
en l’achat puis la revente d’un bien donné, à condition que la seconde vente ne précède pas le premier
achat chez le fournisseur et que le second client ait la possibilité de se rétracter, avec l’interdiction de
Ce tableau récapitulatif permet de mieux cerner les différences entre ces produits. Les Sukuk
sont à mi-chemin entre les obligations et les actions. En pratique, les analystes occidentaux les
considèrent comme du ‘’Fixed Income’’, car les praticiens de la FI les présentent comme des répliques
des obligations, ce qui est un abus majeur au regard de leurs fondements. Ces produits sont
actuellement très prisés et fonctionnent de plusieurs manières selon la transaction sous-jacente. Ci-
après un schéma récapitulant les différents Sukuk, en prenant deux catégories principales : Les Sukuk
basés sur des transactions réelles, et ceux qui ne prennent la transaction que comme un indice de
référence pour la distribution de gains ou de pertes, mais qui ne sont pas liés en termes de propriété à
l’actif sous-jacent (les ‘’Asset Based’’). En réalité, ces derniers ne sont pas conformes aux principes de
la FI et sont de plus en plus marginalisés.
Afin de représenter schématiquement l’ensemble du système, nous avons jugé utile d’en
rassembler les différents éléments au sein d’une même représentation. Dans ce schéma récapitulatif,
nous avons commencé par la base du système, à savoir les sept piliers, avec quatre principes directeurs
et trois interdits précédemment étayés. L’ensemble du système est supervisé par les comités de
conformité charia ou shari’ah boards nécessaires à l’entrée de l’institution dans la sphère de la FI. Sur
les côtés nous avons repris les éléments présents dans toute économie, à savoir la politique monétaire
et la politique budgétaire, nécessaires même dans ce système, tout en soulignant les spécificités et
l’adaptation. Nous avons par la suite répertorié les six principales institutions en revenant pour
chacune, autant que faire se peut, sur les principales spécificités, les avantages et les principaux défis.
Source : L’auteur
1.1.5 Conclusion
L’analyse des principes directeurs, qui a permis de cerner conceptuellement l’EI, nous a permis
de dresser un certain nombre de lois fondamentales intrinsèques au système économique islamique.
Ces lois font état d’axiomes, pour les plus ancrées d’entre elles qui ne font pas l’objet de divergences,
et constituent les frontières qui permettent de constater ce qui fait partie du SEI de ce qui n’en fait pas
partie. Bien qu’étant ouvert par définition (tout est permis, sauf ce qui est expressément interdit), le
système économique islamique est encadré par des principes tirés des sources primaires de la
jurisprudence (Coran et Hadiths) ainsi que des sources secondaires (Ijtihad…). Il est orienté vers la
préservation des cinq universaux, étant lui-même un sous-système du système social islamique. Les
interdits qui y figurent jouent ce rôle de frontière de système, aux côtés de principes positifs censés
orienter l’économie d’une manière générale.
Ce système économique est donc le fruit d’une doctrine qui s’est déclinée en pratiques pendant
quatorze siècles dans la civilisation islamique, avec des hauts et des bas, cycles qui ont d’ailleurs été
Marchés Financiers Islamiques et Risque de Spéculation - © Mohamed Talal LAHLOU
- 50 -
théorisés et analysés par Ibn Khaldûn, un précurseur. Le SEI jouit de procédés et de méthodes qui
varient selon les régions, sans pour autant violer les principes de base en général, communs aux
différentes économies islamiques types. De nombreuses théories y ont été développées, notamment
sur l’inflation, la monnaie, la fiscalité, le rôle de l’Etat, les politiques publiques, les cycles, les crises…
Ces théories ont peu souvent été citées dans les ouvrages d’économie qui reprenaient le postulat
Schumpétérien supposant que l’humanité a traversé cinq siècles de vide en termes de théorie
économique à partir du treizième siècle (Verrier, 2004). L’une des raisons que nous pourrions avancer
pour expliquer cette ignorance est que bien souvent, dans le monde musulman, l’économie est traitée
dans les ouvrages de jurisprudence et rarement dans des traités indépendants. D’autres raisons ont
très certainement participé à cette ignorance.
Plus concrètement, le système économique islamique semble riche en modes de financement
de l’économie, tant publics que privés, qui s’appuient sur un droit des contrats diversifié et qui répond
à différentes situations socio-économiques. Il s’avère relativement plus complexe et profond par
rapport à la superficialité qui lui est prêtée dans certains cas. De nombreuses institutions forment ce
système économique, interagissant entre elles, comme le Waqf, la Zakat, le Takaaful, la microfinance,
les MFI, le régulateur, les IFI… Ces dernières sont d’ailleurs le sous-système le plus avancé du SEI, et
disposent d’un éventail de mécanismes, de normes et de transactions très élargi, vu qu’elles sont déjà
déployées dans plusieurs pays. Au niveau social, la redistribution s’opère tantôt par des canaux privés,
tantôt par des canaux publics, alimentés par un système fiscal qui a hérité d’une longue tradition
d’expertise. Pris dans leur ensemble, ces éléments montrent que l’EI a tout d’un système.
Aujourd’hui, l’EI relève plus de la doctrine, certes plus proche de la théorie, tout comme la CPP,
que d’un système mis en pratique à la perfection dans toutes ses composantes. Certaines de ses
composantes sont cependant très bien ancrées. Nous avons à travers plusieurs pays musulmans des
segments d’EI, des émanations de ses sous-systèmes, proposant ainsi une ébauche d’alternative au
système capitaliste dominant l’économie depuis près de deux siècles. Ces émanations et cet intérêt
occidental croissant pour ces sous-systèmes, notamment celui de la FI, seront-ils durables ou
seulement passagers, constitueront-ils une source d’inspiration pour enrichir la perception humaine du
fait économique ou simplement une source d’investissements alternatifs pour diversifier les
portefeuilles ? Ce système, au vu de ses caractéristiques spécifiques, pourrait-il apporter une réponse
et plus de résilience face aux excès spéculatifs souvent observés ? Maintenant que nous avons cerné le
SEI, l’analyse de telles interrogations passera nécessairement par une connaissance approfondie d’une
des principales problématiques du capitalisme contemporain : la spéculation.
Depuis ses définitions les plus basiques du Larousse42 « Achat d’un bien en vue de réaliser un
bénéfice lors de sa revente » qui en font un concept quasiment similaire à toute opération commerciale
classique, aux définitions les plus fines et diverses chez les penseurs économiques, le concept de
spéculation est assurément l’un des concepts économiques et financiers que nous avons le plus de mal
à cadrer. Il est tiré du bas latin speculatio et speculari (Working, 1960, p1), désignant un lieu
d'observation pour le premier, et l’action d’anticiper pour le second. En ce sens, il s’agirait d’observer
42
Dictionnaire Larousse, Système, Le site des Éditions Larousse.
URL : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/syst%C3%A8me/76262 (3/9/15)
Il existe une croyance commune selon laquelle la spéculation est plutôt synonyme de prédation
plutôt que de productivité (Working, 1960, p2). La seconde partie de la définition de Kaldor est très
utile à ce titre, par rapport à la définition du Larousse, tant elle démarque d’emblée la spéculation de
l’activité commerciale, intrinsèquement liée aux flux physiques des marchandises dans la majorité des
cas, à travers leur emploi, transformation ou transfert d’un marché à un autre.
Pour ce qui est de l’emploi, c’est un processus de consommation de la marchandise ; aucune
autre étape n’interviendra donc après cette transaction finale pour cette marchandise, en l’état. La
valeur ajoutée est donc consommée par le consommateur final. Au niveau de la transformation, elle
s’inscrit dans le cadre éventuel d’un processus industriel destiné à greffer à cette marchandise une
valeur ajoutée supplémentaire avant de la remettre sur le circuit productif. La marchandise, en l’état,
est donc modifiée et acquiert de la valeur. Enfin, le transfert d’un marché à un autre est un processus
qui est aussi du domaine du commerce et dont la principale valeur ajoutée se situe dans la partie
logistique, c'est-à-dire la mise à disposition d’un marché donné d’une marchandise qui n’y existait pas.
Ces détails mis en avant, nous pouvons mieux imaginer pourquoi la spéculation est généralement
moins associée à une création de valeur. C’est le cas car le spéculateur ne consomme, ni ne modifie, ni
ne transfère la marchandise, lorsque nous analysons la valeur par rapport au cadre conceptuel fourni
par Kaldor. Nous percevons donc, en seconde partie de sa définition, l’insistance sur l’absence
d’impact économique physique et tangible de la transaction spéculative. C’est pour cette raison que
les tribunaux américains mettaient comme frontière distinctive entre la spéculation et le commerce
« l’intention de livrer » (Working, 1960, p3), critère incomplet car incorporant la couverture également.
La même tendance s’observait en France44.
44
« Avant la légalisation des opérations sur les marchés à terme par la loi de 1885, la jurisprudence avait déjà amorcé ce
tournant. Les juges opéraient une distinction en fonction de l’intention des parties entre opérations réputées sérieuses,
impliquant un transfert réel des valeurs et jugées économiquement utiles, et les opérations fictives dans lesquelles les parties
avaient l’intention de se régler par une simple différence de cours », (Morin, 1998, p.188 cité par Abu Hamdane)
45
Barron's Educational Series, Speculation, Allbusiness.com.
URL: http://www.allbusiness.com/glossaries/speculation/4946309-1.html (09/02/2015)
46 Même référence
Dans cet ordre d’idées, une définition sensiblement similaire est également adoptée par la
commission européenne qui définit le spéculateur comme procédant à « l’achat/vente (de dérivés) afin
d’acheter/vendre plus tard (souvent avant échéance du titre) ce même titre, afin de tirer profit des
variations de prix », ce qui oriente déjà la définition vers les dérivés (De Schutter, 2010, p10) dans le
mesure où la commission évoque la question de l’échéance du titre, ce qui n’a pas lieu d’être si nous
parlons d’actions ou de matières premières en dehors des dérivés (futurs48, options49…). Soulignons au
passage que le concept de liquidation/compensation est évoqué lorsque la commission parle de
‘’même titre’’, concept sur lequel nous reviendrons plus en détail. Dans le Dictionnary of finance and
investment terms50, la définition de la spéculation relève quelques outils de couverture parmi lesquels
les options, la vente à découvert, les contrats futurs et bien d’autres.
D’un point de vue historique, avant l’avènement des dérivés, la spéculation portait
essentiellement sur les titres financiers, et avant, elle portait sur les matières premières. Pourquoi un
tel glissement de supports ? Est-ce parce que, comme le rappelait Working (1960, p2), la distinction
47
L’espérance d’un investissement peut être positive, même en cas de très forte probabilité de perte, si en cas de gain le montant est
significatif. Le spéculateur raisonne en termes d’espérance plus qu’en termes de probabilité de succès.
48 Contrat futur : « […] est un accord entre deux parties pour acheter ou vendre un actif donné à une date future pour un prix convenu. »,
quantité d’un actif sous-jacent à une date future donnée et à un prix convenu. (…) Si l’exercice [donc du ‘droit’ ou de l’‘option’] peut
survenir à tout moment jusqu’à la date de l’échéance, l’option est dite américaine. Par contre, si l’option ne peut être exercée qu’à la date
d’échéance, elle est dite européenne. », (Hull, 2004, p. 7).
50 Barron's Educational Series, Speculation, Allbusiness.com. URL: http://www.allbusiness.com/glossaries/speculation/4946309-1.html
(09/02/2015)
51 http://acces.ens-lyon.fr/clea/lunap/Relativite/relativite-restreinte-principes-et-applications/Temps-Propre_Temps-Impropre.pdf
(10/02/2017)
Il est intéressant de noter que la définition de Kaldor met aussi en évidence l’horizon de court-
terme, sur lequel nous reviendrons dans le second chapitre. Nous garderons pour l’instant à l’esprit
que l’horizon sera également une variable de référence qui permettra de faire la différence entre les
investissements spéculatifs et classiques. En somme, elle cadre le concept tout en précisant qu’il s’agit
d’une activité qui respecte les lois de la finance liant proportionnellement risque et profitabilité. La
définition se garde de toute prise de position, perspective scientifiquement neutre qui n’est pas
toujours partagée dès lors que l’on sort de la perspective du chercheur (journalisme par exemple).
La notion de court terme se retrouve confirmée par la définition du Dictionnary of business
terms : « L’achat de toute propriété ou titre en s’attendant à réaliser un profit rapide du fait de la
volatilité, potentiellement sans étude préalable poussée. Se compare avec le jeu de hasard basé sur
la chance et l’aléatoire, mais contraste avec l’investissement » (Securities commission, 2007). Le
Dictionnary of banking terms définissant la spéculation note à cet effet que « les traders qui achètent
et vendent dans ces marchés pour leur propre compte s’attendent à réaliser des gains dans le court
terme »53. En général, le court terme reste le principal horizon opératoire du spéculateur. C’est
l’horizon opératoire privilégié pour les traders de dérivés, généralement motivés par les résultats
même à très court terme (Khan, Muntaqa et Abdulsamad, 2008, p2). Autrement dit, ce n’est pas le
rendement à long terme (dividendes d’actions) qui importe le spéculateur, mais bien la variation
La question de la ressemblance entre la spéculation et les jeux de hasard a souvent fini devant
les tribunaux aux USA, tant les perdants voulaient éviter de rembourser leur courtier en prétendant
que ces dettes étaient assimilables à des jeux (Working, 1960, p3). Pour rappel, la définition
d’Alternatives économiques greffe un concept supplémentaire qui est le pari, vu que la notion
d’anticipation du futur se trouve déjà chez Kaldor. Le pari est une terminologie empruntée au domaine
des jeux de hasard dans le langage courant. Son utilisation par la revue Alternatives Economiques
n’est-elle pas excessive, voire idéologiquement positionnée ? La spéculation serait selon eux une sorte
d’anticipation justifiée, d’intuition perçue ou d’observation probable, permettant de parier sur une
évolution future du prix d’un actif financier, ou son dérivé, et en tirer des bénéfices à la revente. Bien
entendu, le pari peut être gagnant ou perdant.
Il apparaît de plus en plus évident que ces définitions sont plus ou moins exhaustives et qu’il est
difficile de prétendre qu’une définition couvre le concept de spéculation avec l’ensemble de ses
composantes contemporaines, qui ont évolué, et qui évolueront encore vu qu’il s’agit d’une activité
humaine et non d’une loi naturelle. Il est aussi délicat d’avancer qu’une unanimité au niveau de la
définition du concept est possible, tant certaines définitions s’opposent radicalement à d’autres sur tel
ou tel élément de définition. Cela est perceptible dans la définition du Dictionnary of banking and
investment terms : « Le terme spéculation implique que le risque lié à une affaire ou à un
investissement peut être mesuré et analysé, et sa distinction du terme investissement est le degré de
risque supporté. Cela diffère du jeu qui est basé sur des résultats aléatoires ». Cette dernière remet
clairement en cause le parallèle effectué par d’autres dictionnaires avec les jeux de hasard, même si
cette dénonciation n’est pas toujours partagée.
La difficulté résidera donc surtout dans la capacité à mettre en avant une définition structurée
du concept, à partir de critères précis, qui permette d’inclure ou d’exclure sans équivoque tel ou tel
outil de la spéculation une fois confronté à la définition détaillée. Dans une optique plus distinctive et
précise, Woelfel (1993) et de nombreux auteurs sépareront désormais entre deux types de
spéculations : la spéculation ‘’primaire’’ (liée aux affaires commerciales classiques, tels certains
investissement immobiliers) et la spéculation ‘’accessoire’’ (généralement associée aux
investissements purement financiers et boursiers). La seconde est notre objet d’étude principal.
Newbery (1987) considéra même que la définition la plus adéquate de la spéculation est « l’entrée
dans une transaction financière dans le but de se porter contrepartie dans une opération de « transfert
du risque » du type « couverture » (hedging) ou « assurance » » portant clairement le concept sur sa
D’aucuns considèrent actuellement que la spéculation s’avère être un jeu à somme nulle, une
caractéristique partagée avec les jeux de hasard, au niveau macroéconomique (Greenspan, 1999). La
caractéristique de jeu à somme nulle est en elle-même suffisante pour caractériser une opération
spéculative, quel que soit l’outil utilisé (Al Suwailem, 2006, p82), argument réfuté par Gamal (2001). En
pratique, c’est un jeu à somme nulle non productif avec un transfert de richesses entre les amateurs
et les experts et autres initiés, selon Al Suwailem. Ce transfert de richesses entre amateurs et experts
s’explique, entre autres, par l’asymétrie d’informations et la maitrise des outils de spéculation. Ce qui
commençait au niveau microéconomique par un jeu à somme nulle aboutit inéluctablement au niveau
macroéconomique à un jeu à somme négative, du fait des frais de transactions systématiques que
doivent supporter les acteurs et des effets néfastes sur l’économie réelle (Al Suwailem 2006, p46).
Inéluctablement, ces effets néfastes se traduisent par une réorientation du capital vers la
rémunération d’activités non productives mais plus rentables, et donc une allocation de moins en
moins optimale.
Suleiman (2005) conclut que les spéculateurs génèrent leurs profits personnels au détriment de
la société dans son ensemble. Le constat est que ce jeu à somme nulle a bien plus d’impact, sur la
population mondiale que les paris au tiercé ou au casino, circonscrits à une catégorie limitée de la
population. Cet impact est important notamment sur les échanges internationaux, les investissements,
les politiques monétaires, les taux d’intérêts ou encore les prix des biens de première nécessité 54. Ainsi,
les politiques sont aujourd’hui fixées à ce que va ‘’dire le marché’’ ou comment va ‘’réagir le marché’’ à
telle ou telle initiative politique et économique. Comment alors ce jeu à somme nulle peut-il perdurer,
vu qu’il n’est pas productif et que c’est plutôt l’inverse qui semble plus plausible ?
Stiglitz (2002, p198) conclut que c’est grâce à l’argent des sauvetages et subventions
gouvernementales que la spéculation se perpétue. Ces subventions peuvent aussi être indirectes. Cela
s’est matérialisé par exemple lors de la crise de 2008 par les ‘’renflouements’’ des institutions
54 http://www.islamic-finance.com/item2_f.htm (27/8/14)
55 LTCM : Long term capital management, Fond d’investissement important piloté par les prix Nobel Merton et Scholes et d’autres grands
noms de Wall Street. Il s’écroula quasiment lors de la crise de 1998 du fait de stratégies de trading basées sur l’arbitrage à haut risque.
Investopedia Dictionnary, Long-Term Capital Management – LTCM.
URL : http://www.investopedia.com/terms/l/longtermcapital.asp (19/02/2015)
56 Jorion Paul (2013), Conference: Speculation. Its causes, consequences, and history, Vrije Universiteit Brussel.
59Investisseur neutre au risque: Investisseur indifférent au placement tant que le ratio gain / risque est le même. Il n’aura pas de
préférence entre un investissement rapportant 50$ avec une probabilité de 1 ou un investissement rapportant 100$ avec une probabilité
de 50%. L’investisseur averse au risque, lui, préférera un placement peu rentable mais faiblement risqué à un placement très rentable
mais très risqué, malgré une égalité parfaite du ratio gain/risque. Dans notre exemple, il préfèrera le premier placement.
De ce fait, il est tout à fait rationnel que les opérateurs cherchent à agir dans un cadre virtuel
qui permettrait des mouvements rapides sur les positions, vu que ce qui compte le plus est le
sentiment du marché et non les fondamentaux économiques. Or, ces derniers varient bien plus
lentement que les humeurs du marché. A cet effet, « J.M. Keynes oppose-t-il le sérieux de l'entreprise
au caractère ludique et quelque peu irresponsable de la spéculation […] La spéculation est qualifiée de
‘’passe-temps’’ (p169 de la théorie générale), la Bourse est comparée à un ‘’casino’’ (p171) ou à ‘’une
partie de chemin de fer’’ » (Orléan, 1988, p4). Gilbert Cooke (1969, p391) prétendait même qu’on « ne
trouvera pas de différences entre les paris et la spéculation ». Cette nouvelle posture théorique
keynésienne inspirera plus tard un certain nombre de néokeynésiens.
60 http://www.penseesdepascal.fr/Raisons/Raisons20-approfondir.php (08/03/2017)
61Les hedge funds, appelés en langue Française fonds alternatifs ou fonds spéculatifs, sont des fonds qui sont soumis à moins de
régulations que les fonds d’investissements, fonds de pension ou fonds d’assurances. Ils sont libres dans le choix de leurs objectifs de
placement, peuvent utiliser n’importe quel type d’instrument ou de technique financière (parmi celles-ci les ventes à découvert
notamment), et peuvent intervenir indifféremment sur les marchés au comptant et sur les marchés à terme. Ils ont également la
possibilité de s’endetter.
Iotafinance.com, Qu’est-ce qu’un hedge fund ? (19/07/2018)
URL : http://www.iotafinance.com/Article-Les-Hedge-Funds-ou-Fonds-Alternatifs.html (19/07/2018)
63« L'équilibre de Nash est un type de solution – proposé par John Forbes Nash en 1950 – couramment utilisé en théorie des jeux, dont la
définition même souligne le caractère auto-réalisateur. Un équilibre de Nash est, en effet, une combinaison de décisions individuelles,
appelées « stratégies », où chacun anticipe correctement les choix des autres ; il y a autoréalisation, puisque l'issue réalisée est le fruit de
décisions prises en pensant qu'elle va se réaliser. »
Universalis.fr, Équilibre de Nash. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/equilibre-economique/10-l-equilibre-de-nash/
64Agent myope : Agent qui a tendance à répondre de manière bien plus ample aux événements récents par rapport à ceux ayant eu lieu il
y a quelques mois seulement.
65Bruits : Ensemble d'informations non officielles et de rumeurs courants dans les salles de marché. Ces informations forment un bruit de
marché qui peut influencer les cours. Ainsi une simple rumeur non fondée peut influencer un cours sur plusieurs séances boursières
avant un éventuel démenti de l'entreprise. Certains investisseurs peuvent avoir un intérêt à faire circuler ce genre d'informations, mais
cette pratique est totalement illégale.
http://www.edubourse.com/lexique/bruit-de-marche.php (08/03/2017)
• Eléments exogènes
o Relation à l’information
Tandis que la théorie de l'efficience informationnelle suppose que la finance est fidèle à
l'économie réelle (Orléan, 1988, p3), notamment à travers une circulation parfaite de l’information,
l’école néo-keynésienne prend un positionnement tout autre. Selon Cootner (1960), lorsqu'on est loin
de la récolte, les négociations de futurs sont fortes, et elles baissent avec le temps, du fait de
l'incertitude (Tesler, 1960, p2, Réponse à Cootner). Nous sommes en présence de décalages
66 « Rejeter les crises financières en étant convaincu qu’il ne peut y avoir ni spéculation, ni catastrophe, car cela supposerait l’irrationalité,
reviendrais à ignorer la réalité pour le bien de la théorie » (Kindleberger, 1978, p274)
67 « Isaac Newton, lui-même grand maitre de la monnaie et homme de raison devant l’éternel nous offre un autre exemple de spéculation
déstabilisante d’un non-initié. Au printemps 1720, il écrit « Je peux calculer le mouvement des corps célestes, mais pas la folie des
hommes ». Le 20 Avril, il décide donc de vendre ses actions de la South Sea Company avec un confortable profit de 7000 livres, soit un
rendement de 100%. Malheureusement, saisi sur le tard d’une mauvaise intuition, il cède à l’euphorie générale et rachète des actions au
prix fort, pour une somme plus importante, et finit par perdre 20 000 livres. En proie à cette propension maladive à l’oubli qui nous guette
tous après un échec, il ne supporta plus d’entendre jusqu’à la fin de ses jours ne serait-ce que le nom de South Sea ». Kindleberger (1978,
p38)
68Pyramide de Ponzi : Montages financiers frauduleux où les premiers investisseurs sont rémunérés grâce aux fonds apportés par les
suivants.
http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/article-des-pyramides-de-ponzi-dans-l-apos-economie-33333.php (08/03/2017)
70 Habitus : « Systèmes de dispositions durables et transposables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures
structurantes, c'est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être
objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les
atteindre, objectivement «réglées» et « régulières» sans être en rien le produit de l'obéissance à des règles, et, étant tout cela,
collectivement orchestrées sans être le produit de l'action organisatrice d'un chef d'orchestre », extrait de Bourdieu, 1980.
Prenons quelques lignes afin de clarifier le choix de ces éléments distinctifs, et en quoi ils
permettent de caractériser au mieux le concept, et le différencier par rapport à l’investissement, au
commerce et aux jeux de hasard. Ces éléments sont dans une certaine mesure mutuellement exclusifs
mais pas complètement exhaustifs, vue la nature même du concept étudié. Nous jugeons le passage
par cette caractérisation détaillée nécessaire à l’avancement de la recherche et l’acquisition de rigueur
scientifique et d’objectivité pour les parties à venir, par rapport au traitement de ce concept. Précisons
de nouveau que notre définition concerne la spéculation dans son sens le plus commun, celle qualifiée
d’accessoire par Woelfel (1993), celle à laquelle l’esprit fait référence lorsqu’elle fait l’objet d’un débat.
Contrairement au commerce ou à l’investissement, la spéculation n’a pas d’impact direct sur les
biens physiques (a). Elle a besoin d’un minimum de volatilité pour permettre au spéculateur de gagner
sur les variations des prix (b). En l’absence d’incertitude, elle se résumerait à de l’arbitrage, en
environnement certain, entre marchés (c), alors qu’au contraire, elle intervient à l’étape 1 des modèles,
notamment d’Hirshleifer, lorsque l’incertitude domine. Cette incertitude est non seulement
caractéristique d’inégalité face à l’information, mais également de divergences dans l’interprétation,
éléments qui se résument dans le concept d’asymétrie d’information, au sens classique (d). Ainsi, le
spéculateur choisit un placement, une tendance, et donc place un pari sur la réalisation de cette
tendance (e). Ce choix est motivé par une analyse préalable qui s’appuie souvent sur l’étude des
statistiques des prix passés, et leur projection sur des modèles probabilistes prédictifs, surtout dans le
cas des spéculateurs expérimentés (f). L’objectif principal de ces modèles est de prévoir les tendances
Conclusion du chapitre
La revue des définitions a permis de dégager dans un premier temps les principales
caractéristiques du concept. Un passage par les théories détaillant les causes et les conséquences a été
nécessaire. Notre tableau de synthèse récapitule, sur la base d’une nomenclature commune, les
principaux traits distinctifs de ces théories, et leur positionnement sur chacun des paramètres liés à la
spéculation. Notre définition, tirée de l’ensemble des définitions et théories étudiées, rappelle les
composantes majeures de la spéculation. Elle souligne certaines dimensions et critères distinctifs
fondamentaux non évoqués par Kaldor. Parmi les dimensions : La probabilité plus importante de perte,
l’asymétrie d’information, les outils supports, le risque plus important, l’aboutissement au jeu à
somme nulle et à la compensation ou encore l’impact en termes de création de valeur et de nombre de
gagnants. Parmi les critères distinctifs fondamentaux, nous relevons l’environnement incertain, non
spécifié par Kaldor, qui ne permet donc pas à sa définition de distinguer arbitrage et spéculation. Il y a
aussi l’horizon de court-terme, caractéristique de la spéculation. La définition de Kaldor implique de
connaître l’intention (« en vue de »), une lacune majeure. Elle reste une référence incontournable.
Il apparaît à ce stade évident pourquoi le concept est complexe à cerner et à définir simplement,
tant ses composantes sont nombreuses et imbriquées. Cette définition permet néanmoins de
récapituler ces composantes, mais est appelée à évoluer à l’avenir car elle caractérise un
comportement humain évolutif et non une loi naturelle d’une science exacte. Elle permet également
de mieux identifier les situations spéculatives, même si l’intention de l’opérateur est inconnue. Elle
reste dans un cadre relatif et non absolu, dans le sens où elle permet de distinguer les situations qui se
rapprochent de la spéculation de celles qui s’en éloignent, vu que la vision binaire tranchée dans ce
phénomène serait réductrice. Une des utilisations de cette définition peut avoir lieu sous la forme d’un
arbre basé sur un processus d’élimination des situations non spéculatives, que nous avons illustré par
un arbre de la spéculation. Cet arbre, bien qu’inédit, a été laissé en annexe A.2, car il représente
justement ces choix binaires. Notre définition nous permettra d’analyser une autre problématique
importante liée à la spéculation : Ses facteur empiriquement identifiables, vu que nous avons passé en
revue les théories relatives à ces facteurs. L’inventaire de ces facteurs, à partir d’éléments empiriques
cette fois-ci, d’une manière qui se veut la plus complète possible, sera l’objet de la suite de nos
développements et facilitera la mise en place d’un outil de mesure adapté au phénomène.
Ce bref récapitulatif de la partie théorique, adapté au plan retenu pour la partie pratique, lui-
même issu d’analyses sur les deux volets, consolide notre choix d’avancer dans nos développements
sur la base de cette nomenclature incorporant les différentes tendances des postures théoriques. Ce
choix ne sera en réalité validé qu’une fois l’étude documentaire sur les causes, empiriquement
relevées, de la spéculation achevée à l’issue de la seconde partie. Selon toute vraisemblance, « la crise
financière déclenchée en 2007 a été attribuée à plusieurs facteurs parmi lesquels l’ingénierie financière,
les dérivés, les taux d’intérêts très bas avec une politique monétaire laxiste de la FED, des niveaux
minimums de capital réglementaire inadéquats chez les organismes financiers, un levier incontrôlé, une
spéculation sans précédent, l’opacité des comptes et l’information inadéquate qui les accompagne, la
cupidité, les comportements frauduleux, une régulation et une supervision inadéquate et bien plus
encore. L’histoire jugera dans quelle mesure chacun de ces facteurs a contribué à la crise. » (Askari et al,
2010, p161). C’est avec cet inventaire assez précis, clôturant l’un des articles composant leur ouvrage
« Stability in islamic finance », que les auteurs essaient de faire le tour des facteurs de la spéculation.
Dans l’optique de la précédente citation et en cherchant davantage de structuration, cette partie se
consacrera essentiellement à l’identification des facteurs de la spéculation relevés dans les analyses
économiques d’actualité, comme celles d’Askari et al, et surtout ceux observés dans la pratique, étant
donné que les analyses théoriques ont été discutées dans la partie précédente.
71 L’éthique : Ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu'un.
Dictionnaire Larousse, Ethique, Le site des Éditions Larousse. URL : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%A9thique/31389
(21/01/2015)
72 Harvard a reçu un énorme don de 10 millions de Dollars pour démarrer un cycle de formation et de recherches axé sur les
représenter la complexité des motivations humaines, connu depuis sous le nom de pyramide de Maslow. Les besoins des hommes sont
représentés sous la forme de couches superposées allant du plus physiologique au plus immatériel, la satisfaction des besoins de base
permettant d'envisager celle des besoins "supérieurs".
La simplicité de ce modèle a fait son succès durable. Elle lui a valu également de nombreuses critiques, notamment du fait de la hiérarchie
qu'il établit entre les différents besoins. Or, même quand ils sont au bord de la famine, les hommes ont aussi un besoin vital d'estime et de
reconnaissance sociale. »
Alternatives Economiques (Mars 2008), Maslow : un modèle dépassé mais parlant..., n° 267. URL : http://www.alternatives-
economiques.fr/maslow---un-modele-depasse-mais-par_fr_art_690_35874.html (21/01/2015)
Source : Actionco.fr
Le manque d’éthique est particulièrement avancé comme source des récents scandales du Libor,
de Kerviel et Madoff pour ne citer que ces exemples. Jacques Tripon (responsable de la branche de
financement et d’investissement de la BNP-Paribas dans la région du Golfe) affirmait à cet égard que
« la crise des subprimes a mis en évidence une absence de moralité et démontré la nécessité de
renforcer plus d’aspects moraux et éthiques » (Hubner, 2009)74. Ce paramètre est lié à l’éducation des
opérateurs et leurs sensibilités morales lors de l’accomplissement d’opérations financières.
Souvent, l’éthique n’est pas une priorité chez certains opérateurs de la haute finance. Nous
pourrions même parler d’un grand nombre d’opérateur dans la mesure où nous savons que 24% des
traders affirment être prêts à tricher pour gagner (Arbouna et El Islamy, 2008, p13) ! Il est
compréhensible que dans le monde de la finance, la majorité des acteurs soit attirée par le profit ;
néanmoins, il existe des limites à cette motivation. Gibbons (1859, p104) relatait à ce titre que « la
majorité des fraudes bancaires est commise par des gens honnêtes », non sans une touche de cynisme.
Cette attractivité du profit, au détriment d’autres critères d’évaluation de la performance, est
caractéristique des sphères financières et favorise des comportements qui peuvent être spéculatifs et
bien loin de toute préoccupation éthique. C’est ainsi que de nombreux jeunes traders ne manquent
pas seulement d’éthique, mais, peu sensibilisés aux impacts macroéconomiques de leurs décisions, se
préoccupent surtout de savoir comment contourner la régulation (Askari et al 168). Au final, bien que
restant dans la sphère légale, ils seraient largement dans le domaine des comportements non-éthiques.
Certains avancent d’ailleurs que le droit n’a pas vocation à être éthique.
Un autre exemple de manque d’éthique pouvant contribuer à plus de spéculation dans le
marché est quand un opérateur majeur du marché (grande institution financière, agence de notation
77
Roche Marc (2014), Les banques veulent contourner la réglementation européenne qui plafonne les primes dès 2015, 09 Janvier, Le
Monde
78 Buchanan Mark (2012), What Traders’ Testosterone Tells Us About Markets, 10 June, Bloomberg. URL :
http://www.bloomberg.com/news/articles/2012-06-10/what-traders-testosterone-tells-us-about-markets (16/04/2015)
79 http://www.cam.ac.uk/research/news/traders-hormones-may-destabilise-financial-markets (08/03/2017)
80 Expérience menée par des psychologues pour tester dans quelle mesure les participants sont prêts à payer un dollar plus cher que sa
valeur, tant qu’ils sont surs de pouvoir piéger leur prochain ou le revendre à leur prochain.
81 « Venue de Turquie, la fleur de tulipe fit son chemin à travers l’Europe dans le courant du XVIe siècle et commença d’être étudiée et
cultivée par des botanistes, dans le cadre de l’université de Leyde en Hollande, à partir de l’année 1593. Très vite ce ne sont plus seulement
des universitaires qui s’intéressent à cette plante, et de simples horticulteurs en développent d’infinies variétés inédites.
Les foyers bourgeois et aristocratiques de toute la Hollande, mais aussi des différentes cours d’Europe, veulent à leur tour posséder et
cultiver des tulipes. Mais ces tulipes ne fleurissent qu’au printemps, et des marchés à terme organisés sur les promesses d’achat et de
vente de « bulbes » de tulipe voient le jour dans les années 1630, en dehors de la Bourse d’Amsterdam elle-même : les transactions ont
lieu dans les auberges de différentes villes (en particulier, la ville d’Haarlem), parfois devant notaire, sans dépôt de garantie, et bien sûr
sans « appel de marge ».
Très vite les promesses de livraison se trouvent déconnectées des quantités réelles, et les cours de la tulipe s’effondrent en février 1637,
des milliers de Hollandais se trouvant alors ruinés. Selon Mackay et l’ensemble de ses thuriféraires, une crise économique d’importance
aurait alors duré plusieurs années. Des actes écrits prouvent en tout cas qu’au plus fort de la « tulipomanie » qui aurait ainsi saisi le peuple
hollandais dans son ensemble en plein XVIIe siècle, le bulbe de tulipe se négociait pour un montant égal à 15 fois le salaire annuel d’un
artisan, une variété de tulipe ayant atteint le prix de 6700 florins en février 1637, alors que la tonne de beurre ne valait que 100 florins
environ. »
http://bourse.trader-finance.fr/dossier/formation-bourse/le-krach-de-la-tulipe-1ere-bulle-financiere.html 20/1/15
82 Faujas Alain (2013), Tulipes : quand les bulbes dégénèrent en "bulle", 06 Août, Lemonde.fr.
URL :http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/08/05/tulipes-quand-les-bulbes-degenerent-en-
bulle_3457521_3234.html#0beUfAJZuFli2UHL.99 (20/01/2015)
83 LME : London Metal Exchange
Source : A partir des données recueillies auprès de MF Global, un des membres de la chambre de compensation du LME
Un autre exemple d’implication exponentielle des fonds spéculatifs est le marché des matières
premières, notamment avec le Goldman Sachs Commodities Index, qui est parfaitement illustré par les
volumes investis ces dernières années84.
Figure 10 : Placements dans les fonds indiciels et prix des matières premières
Cet état de fait est évoqué par Ayyash qui rejoint la Kaldor sur ce point. Le but du spéculateur
est de faire des profits en achetant et en vendant du risque, sans intérêt commercial dans la
marchandise échangée sur les marchés futurs (Ayyash, 2008, p19), ou d’intention de livrer ou se faire
livrer (Khan, Muntaqa et Abdul Salam, 2008, p16). Par conséquent, il est évident que plus les acteurs
du marché s’y positionnent avec une intention claire de spéculer et de parier, et non de négocier des
84 Bolis Angela (2012), La spéculation coupable de la flambée des prix des aliments ?, 14 Septembre, Lemonde.fr.
URL :http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/09/13/les-speculateurs-financiers-coupables-de-la-flambee-des-prix-des-
aliments_1757951_3234.html (28/02/2015)
86Hauton Gaël, Birouk Omar et Bouloux Alain-Nicolas (2012), Les placements des organismes d’assurance à fin 2011, Bulletin de la
Banque de France, N° 189, 3e trimestre.
URL :https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/publications/Bulletin-de-la-Banque-de-
France_189_Placements-Organismes-Assurances.pdf
87 CDS : Les CDS (Credit Default Swaps) sont des contrats de protection sur crédit visant à se couvrir contre le risque de défaut de
paiement. Le vendeur du CDS est en quelque sorte l'assureur, il s'engage à compenser les pertes liées à l'actif de référence en cas de
défaut de paiement. L'acheteur de la protection est l'assuré, il verse une prime annuelle au vendeur, calculée selon le risque de crédit de
l'actif de référence.
Abcbourse.com, Lexique Bourse Finance Économie, Lettre C. URL : http://www.abcbourse.com/apprendre/lexique.aspx?s=c (20/01/2015)
88 AIG : American international group est une entreprise internationale d’assurance.
89 Notionnel : Le notionnel est le capital théorique sur lequel porte l’engagement pris par deux parties sur un contrat dérivé. L’ensemble
des calculs de gains ou de pertes réalisés par l’intervenant en fonction de sa prise de position est calculé sur cette base. La notion de
notionnel s’applique aux contrats dérivés organisés mais également aux contrats de gré à gré.
http://www.trader-finance.fr/lexique-finance/definition-lettre-N/Notionnel.html (20/01/2015)
90 Dépêche AFP, reprise par le journal Le Soir, Belgique, 15/03/2009
91 Le Figaro (2009), Le renflouement d'AIG a permis de dédommager les banques européennes, édition du 16 Mars
92 FCIC : Financial Crisis Inquiry Commission
93 Schranz John (2011), Lutter contre la vente à découvert et la spéculation sur la dette souveraine, Communiqué de presse, 19 Octobre,
Parlement Européen. URL : http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/20111018IPR29720/Lutter-contre-la-vente-%C3%A0-
d%C3%A9couvert-et-la-sp%C3%A9culation-sur-la-dette-souveraine (23/12/2015)
94 Crise boursière : quatre pays européens, dont la France, interdisent les ventes à découvert 12/08/2011, Lepoint.fr
95 Vente à découvert : Action qui consiste à spéculer à la baisse sur le cours d’un titre en passant un ordre de vente (avec des titres que
l’on ne détient pas) afin de réaliser une plus-value.
Autorité des marchés financiers, Lexique. URL : http://www.amf-france.org/En-plus/Lexique.html# (20/01/2015)
96 http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/09/13/les-speculateurs-financiers-coupables-de-la-flambee-des-prix-des-
aliments_1757951_3234.html (28/02/15)
97 « Un ratio prudentiel est un ratio en deçà duquel une banque présente un risque d’insolvabilité. Ce ratio se mesure en comparant le
niveau des engagements d’une banque (le montant qu’elle prête) au montant de ses fonds propres (capital apporté par les actionnaires et
profit de la banque). Jusqu’en 2007, le ratio en vigueur était le ratio Cooke, égal à 8%. Cela signifiait que pour prêter un total de 100
millions d’euros une banque devait avoir au minimum 8 millions d’euros de fonds propres pour être considérée comme solvable, c'est-à-
dire sans risque de faillite. Depuis 2007, le ratio en vigueur est le ratio Mc Donough qui inclut désormais la qualité des créances détenues
par les banques (ce qui pose le problème de la notation de ces créances) et les risques dits « opérationnels » (nature des opérations sur
lesquelles reposent les actifs), contraignant les banques à disposer de fonds propres proportionnés à ces risques. »
Lafinancepourtous.com, Ratio Prudentiel. URL : http://www.lafinancepourtous.com/Outils/Dictionnaire/R/Ratio-prudentiel
98 http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/20111018IPR29720/ (24/12/2015)
99 http://www.twnside.org.sg/title2/finance/twninfofinance20080806.htm (4/9/2014)
100 Contrat à terme / Futur : « Les "Futures" sont des instruments financiers de la catégorie des contrats à terme. Le principe de ce type
de contrats et de permettre la négociation, achat ou vente, d'actifs quelconques dans le futur. Ce sont des produits dérivés car leur prix
va dépendre de l'évolution des prix au comptant du bien sur lequel ils portent, le sous-jacent.
Le négoce à terme n'est pas une nouveauté née de l'imagination d'un financier moderne, mais existe quasiment depuis que les hommes
commercent entre eux. Les producteurs et les utilisateurs de matières premières, notamment, ont toujours voulu se garantir contre des
fluctuations des prix pouvant pénaliser leur commerce. Un exemple nous aidera à mieux comprendre :
En pratique, ce qui est constaté dans les marchés boursiers c’est que, à l’échéance, il n’y a pas
de livraison mais seulement un paiement de la marge (profit / perte) de la partie perdante à la partie
« Imaginons que vous êtes producteur de Blé. La récolte se fait en été, mais les ventes n'auront lieu qu'en automne. Le blé se traite
aujourd'hui sur le marché au comptant à 1200 € la tonne. Au prix actuel, vous savez combien vaut votre récolte; ce que vous ignorez, c'est
le prix auquel vous pourrez vendre cette récolte dans 3 mois. Pour éviter de perdre de l'argent si les prix venaient à connaître une chute
inattendue, vous pouvez vous entendre aujourd'hui avec un acheteur pour lui vendre votre blé dans trois mois à un prix que vous fixerez
dès maintenant. Dans cet exemple, acheteur et vendeur ont des stratégies opposées. De votre côté, vous pensez que le blé va baisser et
vous préférez le vendre au cours d'aujourd'hui qui vous satisfait, l'acheteur, de son côté, anticipe plutôt une hausse des prix d'ici 3 mois et
escompte faire une bonne affaire». Abcbourse.com, les marchés à terme.
URL : http://www.abcbourse.com/apprendre/3_les_marches_a_terme.html (24/01/2015).
101 Forward : « […] l’obligation de livrer un bien donné à une date donnée pour un prix fixé à l’avance. », (Bodie et Merton, 2000, p. 319).
Au moment de la signature, « […] il n’y a pas d’échange de monnaie ou de marchandise. », (Kunhibava, 2010, p. 3).
102 Abcbourse.com, les marchés à terme. URL : http://www.abcbourse.com/apprendre/3_les_marches_a_terme.html (24/01/2015).
103 http://www.quebecoislibre.org/08/080815-3.htm
Cela est parfaitement illustré par le fait que seuls 2 % des contrats sont livrés réellement et
physiquement à échéance, les 98% des positions restantes sont soldées et annulées (FAO, 2010). De
ce fait, les contrats à terme aboutissent quasiment toujours (99% d’entre eux selon Al Suwailem, 2006,
p28 citant Pilbeam) à la liquidation des positions avant échéance, ce qui permet aux agents de ne pas
être obligés de respecter les engagements de livraison (Zuili, 2009, p9). Comment cette liquidation a
lieu, concrètement ? En général, « pour liquider leur position, l'opérateur qui détient une position
vendeuse va, en fait, acheter le même nombre de contrats qu'il a initialement mis en vente, et celui qui
a la position acheteuse va vendre la même quantité de contrat à terme qu'il devait acheter initialement.
La liquidation des contrats est permise grâce à la chambre de compensation qui assure le rôle de garant
et d'intermédiaire de la transaction entre l'acheteur et le vendeur du contrat. L'opérateur qui liquide sa
position avant l'échéance du contrat doit encaisser ou débourser la différence entre les deux
transactions par l'intermédiaire de la chambre de compensation ».
Selon François Combes, responsable du trading des matières premières de la Société Générale à
la City, il y a une différence entre le négoce et le marché des contrats à terme traités au LME. Si le prix
du cuivre est fixé au LME, un très faible pourcentage de contrats se traduit par une prise de livraison
physique dans les entrepôts, où les stocks font surtout office de garantie. 104 Rien qu’aux Pays-Bas,
« On ne compte pas moins de 20 hangars dans les alentours de Rotterdam. Chacun recèle 80 000
tonnes de métaux, codes-barrés, identifiables ‘’illico’’ ». Toutefois, « le nom du propriétaire d'un lot
peut varier à la City sans que ledit lot ne bouge d'un sabot à Rotterdam, à moins qu'un industriel ne
104 Cathala A-S. (2011), La folle envolée du cuivre, 06 février, Lefigaro.fr. URL : http://www.lefigaro.fr/matieres-
premieres/2011/02/06/04012-20110206ARTFIG00184-la-folle-envolee-du-cuivre.php (Consulté en Juin 2014)
Les marchés à terme se voient donc déconnectés de la vraie demande émanant de l’économie
réelle et sont propices à la constitution de bulles bien étrangères aux fondamentaux réels. Lorsque les
contrats à terme ont commencé à concerner les matières premières, nécessaires à la survie de
l’humanité, les effets s’en sont rapidement fait ressentir, avec par exemple une augmentation des prix
des matières premières de 50% en une année et même de 87% pour les céréales en 2008 106, voire
165% en un an pour le riz. Cela a un impact immédiat sur la population de cette planète souffrant de
famine (près de 1 milliard d’individus selon la FAO en 2008107) pour qui l’ensemble de ses journées de
travail ne permet même pas de couvrir la nourriture, surtout pour les familles consacrant plus de 80%
de leur revenu à l’alimentation (Hertel et al, 2004). Ils devront inéluctablement se priver de nourriture,
ce qui justifie la persistance de ce fléau majeur qui est la mort pour cause de famine.
Figure 11 : Evolution des prix des matières premières, du riz et du blé
Source : FAO
Les courbes ci-dessus permettent de constater le déphasage entre l’évolution des prix des céréales et
l’évolution démographique. Cette évolution, en grande partie due aux hedge funds fut dénoncée avec
vigueur par le Vatican en 2015, entre autres (la dépêche complète en annexe B.3).
2.1.2.4 Le spoofing
La fréquence des transactions permise par la cotation continue a un corollaire qui a pris de plus
en plus d’importance au niveau des marchés financiers, et dont les effets sont décisifs dans la
détermination, voire la manipulation, des prix. Pratique connue depuis la nuit des temps (fausses
enchères), le spoofing consiste à placer des ordres qui seront annulés juste avant la transaction.
Plusieurs objectifs peuvent animer une telle pratique, dont deux majeurs, à savoir la volonté de
diffuser de fausses informations sous forme d’ordres au marché, afin de pousser les cours dans un
sens ou dans l’autre, et la volonté de diffuser plusieurs ordres à des prix différents pour un acteur qui
va effectuer une transaction importante afin de ne pas se faire repérer par les chasseurs
d’opportunités et les spéculateurs intermédiaires qui y verront une occasion de faire des plus-values.
Cette pratique n’a généralement pas d’autre objectif que d’accroitre l’opacité du marché dans
son rôle premier qui est le reflet du juste prix, voire de manipuler carrément les cours de bourse,
comme le suggère l’analyse d’Artus (1996, p10) : « Nous voyons donc que le manipulateur peut
transmettre sciemment une mauvaise information au marché au travers des variations de prix qu'il
provoque (il se « déguise » en spéculateur informé) ». Cette opacité et cette manipulation artificielle
consolident la position des spéculateurs comme ce fut déjà analysé. « On arrive aujourd’hui à des taux
d’annulation de plus de 99%. Certains ordres sont annulés moins d’une milli seconde après avoir été
saisis, voire pour certains cas vingt micro secondes »108, commente Sophie Baranger, secrétaire
générale adjointe à la direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF109. Cette pratique alimente la
spéculation dans la mesure où elle contribue à diffuser de fausses informations au niveau du marché,
108 Easybourse.com, Trading à haute fréquence : quels enjeux pour la répression des fraudes ?
URL : http://www.easybourse.com/bourse/financieres/dossier/21119/trading-a-haute-frequence-quels-enjeux-pour-la-repression-des-
fraudes-.html (09/07 2014)
109 AMF : Autorité des marchés financiers. Organisme chargé du contrôle réglementaire et du suivi du fonctionnement des différents
Sur ce sujet, il apparaît de manière très claire que, dès la finalisation du contrat en 2006 entre la
banque et la collectivité locale, le taux s’envole à moyen terme, vu que la formule retenue prend en
compte le maximum d’un différentiel. Une telle formule est difficilement compréhensible par des élus
locaux censés se préoccuper d’affaires comme les permis d’habitat, les espaces verts, la collecte des
déchets urbains et la politique environnementale ou énergétique de la ville. A rebours, les concepteurs
112 Fruchard E., Lévêque P. (2013), Emprunts Toxiques : 2. Analyse critique de la « Gestion Active » de dette, 22 Juin. URL :
http://www.emprunttoxique.info/docs/2_Emprunts_Toxiques_Analyse_Critique_Gestion_Active.pdf (19/01/2015)
113 http://pssaintgermain.fr/emprunts-toxiques-du-sidru-le-jugement-en-appel-accable-emmanuel-lamy-1/ (24/04/2017)
114 Le métier d’« analyste quant » conjugue à la fois l’analyse mathématique pure de modèles de calculs probabilistes et à l'élaboration
des modèles mathématiques appliqués à la finance de marché.
Linkfinance.fr, Fiche métier : Analyste Quantitatif.
URL : http://www.linkfinance.fr/metiers/Banking/Investment-banking/Analyste-quantitatif-idm-347.html
115 CDS : Le crédit default SWAP est la forme la plus classique des dérivés de crédit : la personne désireuse de se protéger contre une
défaillance d'une contrepartie paie à un tiers un flux régulier et reçoit de ce tiers un paiement
défini à l'origine en cas de survenance de la défaillance redoutée.
Vernimmen.net, Credit Default SWAP, lexique financier, lesechos.fr.
URL : http://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_credit-default-SWAP.html?GYeLyHxeC13KZIHp.99 (16/09/2015)
116 SWAP : « […] est un contrat où deux parties s’échangent des paiements à intervalles spécifiés sur une durée fixée. », (Bodie et Merton,
2000, p. 320),
117 Le Mortgage Backed Security est un titre hypothécaire, assimilable à une valeur immobilière. Le Mortgage Backed Security est
représentatif de différents actifs immobiliers. Le rendement associé à un Mortgage Backed Security correspond au montant des intérêts
payés le plus souvent mensuellement par les débiteurs.
URL : https://www.mataf.net/fr/edu/glossaire/mortgage-backed-security
118 CDO : collateralized debt obligation, c’est un produit structuré dans lequel on rassemble des dettes dans un pack, puis on divise ce pack
en trois niveaux : equity, mezzanine et senior. La tranche equity souffre les premiers défauts et la tranche senior les derniers. La tranche
equity souffre rapidement. Certains cas ont même vu les tranches senior perdre leur AAA
119 SWAPtion : Les SWAPtions permettent d'acheter ou de vendre le droit de conclure un SWAP de taux d'intérêt sur une certaine durée ;
c'est une option sur un SWAP. Le SWAP sous-jacent est précisé initialement. Il est défini par son montant notionnel, son échéance, le taux
fixe et le taux variable auxquels il fait référence.
Vernimmen.net, SWAPtion, lexique financier, lesechos.fr.
0URL : http://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_SWAPtion.html?D6jJEiSTPASw1UYM.99 (16/09/2015)
120 SWAP : Le SWAP est un échange entre deux entités pendant une certaine période de temps. Les deux intervenants doivent, bien
entendu, trouver chacun un avantage à cet échange qui peut porter soit sur des actifs financiers, soit sur des flux financiers. Le mot SWAP
désigne dans le langage courant un échange de flux financiers (calculés à partir d'un montant théorique de référence appelé notionnel)
entre deux entités pendant une certaine période de temps. Contrairement aux échanges d'actifs financiers, les échanges de flux
financiers sont des instruments de gré à gré sans incidence sur le bilan, qui permettent de modifier des conditions de taux ou de devises
(ou des deux simultanément), d'actifs et de passifs actuels ou futurs.
Vernimmen.net, SWAP, lexique financier, lesechos.fr.
URL : http://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_SWAP.html?OJfdbs6SMz0ZFYeJ.99 (19/01/2015)
121 Minsky, H 1986, « Stabilizing an unstable Economy, A twentieth Century Fund report », New Haven and London : Yale University Press
122 Forshaw Jeff (2013), Why do physicists gravitate towards jobs in finance?, 21 July, theguardian.com.
URL : http://www.theguardian.com/science/2013/jul/21/physics-graduates-gravitate-to-finance (15/12/15)
123 Rapport annuel de l’OCDE, 2009. URL : www.oecd.org/fr/presse/43125784.pdf
Dès lors que le prix du sous-jacent dépasse le prix d’exercice plus la valeur du call, on entre en zone de
profits. En dessous du prix d’exercice (strike), le call n’a plus de valeur.
Les dernières statistiques estiment à 800 000 milliards d’euros les produits dérivés dans le
monde alors même que le PIB de l’économie réelle mondiale n’est qu’à 70 000 milliards d’euros126. La
situation devient difficilement contrôlable lorsque ces produits deviennent dominants dans les
marchés, ce qui est le cas actuellement. Avec des produits dérivés qui représentent près de 12 fois le
PIB mondial, la spéculation ne peut qu’être significative. Nous sommes donc dans un rapport qui
dépasse les 1000%. C’est un modèle en pyramide inversée dont la caractéristique est l’instabilité. « Les
dérivés, en faisant jouer la spéculation, contribuent à l’augmentation de l’instabilité des marchés, à
l’éloignement de la finance de l’activité productive, ainsi qu’à la distorsion des prix, la création de bulles
et l’augmentation de la dette et du levier » (Abou Hamdane, 2013, p344).
Figure 14 : L’évolution des volumes des produits dérivés et celle du PIB mondial entre 2000 et 2012
125 https://www.cairn.info/loadimg.php?FILE=DEC_REP/DEC_JEGOU_2010_01/DEC_JEGOU_2010_01_0075/DEC_JEGOU_2010_01_0075_i
mg001.jpg (24/04/2017)
126 http://labourseauquotidien.fr/15-million-de-milliards-de-dollars-de-derives-tonnerre-de-brest/ (08/03/2017)
127 http://www.crunchthenumbers.net/crunch-the-numbers/2012/6/22/how-big-is-the-derivatives-market.html
128 Futurs / Contrat à terme : Engagement ferme entre deux personnes portant sur une quantité déterminée d’actifs sous jacent à un prix
déterminé à une date et lieu de règlement connus à l’avance.
129 CFD : Le CFD est un contrat portant sur la différence de prix entre le cours d'entrée et le cours de sortie d'un actif financier sans pour
(put warrant) une valeur (action, obligation, indice, etc.) à un prix et à une échéance donnée.
131 Certificat : Ce sont des valeurs mobilières qui ressemblent pour partie aux warrants et qui permettent aux investisseurs de se placer
variations d’un indice prédéterminé ou d’évoluer en suivant une formule prédéterminée fondée sur un indice donné. Ils peuvent être
achetés ou vendus en bourse tout au long de la journée de cotation, comme des actions ‘’classiques’’.
Autorité des marchés financiers, Lexique. URL : http://www.amf-france.org/En-plus/Lexique.html# (20/01/2015)
133Homo economicus : Sujet conçu par l'analyse économique comme un être agissant de manière parfaitement rationnelle. (Cette
expression a été utilisée par les classiques comme A. Smith, mais également par l'école marginaliste, qui en fait la clé de voûte de son
explication de l'activité économique.)
Dictionnaire Larousse, Homo Economicus, Le site des Éditions Larousse.
URL : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/homo_economicus/40255 (19/01/2015)
Cette notion reste relativement utopique tant l’être humain n’est pas rationnel dans la somme de ses comportements et tant les
émotions et les passions constituent un trait indissociable de sa personnalité le poussant bien souvent à prendre des décisions bien loin
de la rationalité supposée être la sienne.
Conclusion du chapitre
La première sous-catégorie de facteurs se rapporte aux comportements des opérateurs sur les
marchés financiers. Dans un monde où l’éthique vient souvent après le profit, la finance ne déroge pas
à la règle. Avec 24% des opérateurs prêts à frauder pour gagner plus et vite, le contournement de la
régulation devient une des pratiques favorites de cette catégorie, négligeant au passage les
conséquences macroéconomiques de ces manquements. D’autres iront jusqu’à abuser de leur capital
moral pour induire en erreur le marché où même certains de leurs clients, à travers l’escroquerie, fléau
généralisé lors des phases spéculatives. Ces comportements favorisent la spéculation aux côtés de la
cupidité et les guerres de prestige que se livrent les spéculateurs. Dominés par la théorie du plus fou,
les opérateurs sont souvent très loin de la rationalité fondamentaliste censée guider leurs
investissements. Les histoires de golden boys réussissant à coups de millions de Dollars ne participent
aucunement à l’apaisement des ferveurs, induisant des batailles d’égo dont les perdants sont sur un
autre front - celui de l’économie réelle - le seul but étant de s’imposer, oubliant les précédentes
dérives, même si elles ont moins d’une décennie. La spéculation est également alimentée par l’excès
de prise de risque dans certains investissements financiers, l’unique but étant le gain important et
rapide. Ce sont les acteurs qui cherchent le plus de risque qui finissent par le récolter, et non les plus
solides contrairement à la théorie. Une fois le risque transformé en titre négociable, peu de barrières
empêchent alors son transfert vers des acteurs majeurs pouvant présenter un risque systémique. Ces
acteurs sont de plus en plus motivés par les placements spéculatifs à court-terme plutôt que dans
l’économie réelle : ils cherchent explicitement à spéculer, sans intention de livrer ou transférer un
quelconque sous-jacent. Or, la prépondérance de ces acteurs à l’intention spéculative sur des marchés
on ne peut plus réels, participe à les transformer en marchés spéculatifs, dans lesquels les cours sont
de moins en moins orientés par l’offre et la demande réelles. La spéculation ne s’en trouve
qu’exacerbée.
Sans un certain nombre de transaction, ces comportements n’auraient sans doute pas pu
autant exacerber la spéculation. D’emblée, nous avons relevé l’implication des assureurs qui spéculent
en nom propre de manière croissante, ou acceptent de couvrir des transactions hautement risquées
donnant une illusion de couverture et de sérénité, créant ainsi un aléa moral en termes de prise de
risque, comme ce fut le cas avec les CDS. L’interconnexion systémique qu’elles ont avec les banques
Marchés Financiers Islamiques et Risque de Spéculation - © Mohamed Talal LAHLOU
- 157 -
accroît le risque global en cas d’imprévu. Ce risque spéculatif systémique est accru dans les marchés
légalisant la vente à découvert. Grâce aux emprunts d’actifs, l’opérateur peut gonfler artificiellement
l’offre faisant entrer la valeur cible dans un cercle vicieux de dégradation, un procédé proscrit dans de
nombreux marchés. La spéculation est également amplifiée par les ventes futures, du fait de
l’incertitude accrue et la possibilité d’échapper à la livraison physique à travers la
liquidation/compensation. Les ventes futures étant également dans l’esprit du jeu à somme nulle vu
que leur essence se rapproche de l’assurance, ils amplifient la déconnexion avec l’économie réelle.
Cette déconnexion favorable à la spéculation trouve aussi sa source dans le spoofing, essentiellement
des fausses enchères destinées à désorienter le marché, orienter les cours ou encore camoufler
certaines transactions, procédé également interdit sur de nombreuses places financières. La
complexification et la sophistication de l’ensemble des transactions financières vient favoriser un peu
plus la spéculation à travers l’éparpillement du risque rendant la traçabilité et le contrôle toujours plus
délicats, permettant aux opérateurs de risquer toujours plus. Même les professionnels s’y sont perdus
en 2008, sous-estimant le risque lié à de nombreux produits structurés (Lehman Brothers notée triple
A quelques jours avant son écroulement)134, produits qui ont parfois permis de contourner, avec brio
et en toute discrétion, certaines régulations. L’illiquidité de ces produits en phases d’incertitude,
l’illusion qu’ils donnent de couvrir le risque et la possibilité de contourner les réglementations
prudentielles grâce à leur utilisation, permettent d’avoir un terrain favorable aux activités spéculatives.
Lorsque ces produits dérivés complexes deviennent dominants au niveau des marchés, le risque
spéculatif devient une norme avec laquelle les acteurs de l’économie réelle doivent composer. Les
dérivés servant de support aux paris d’acteurs financiers majeurs vu qu’ils permettent de spéculer à
moindre coût sur tout type d’actif, le marché est alors dominé par les opérations à somme nulle, closes
par des liquidations, facilitant un peu plus la spéculation.
Ces éléments relevés des pratiques actuelles illustrent de nombreux postulats évoqués au
niveau des théories principales de la spéculation. Néanmoins, cette première catégorie de facteurs
n’est pas la seule, et nous verrons qu’une autre catégorie regroupant des facteurs, exogènes cette fois-
ci, est d’une importance majeure du fait de sa contribution au risque de spéculation.
135 « Le Monde, en partenariat avec 108 médias étrangers et le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) a eu accès à
une très grande masse d'informations inédites : 11 millions de fichiers provenant des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca,
spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore. Les données, qui constituent le plus gros "leak" de l'histoire, s'étalent de 1977 à 2015.
Elles révèlent que des chefs d'Etat, des milliardaires, des grands patrons, des figures du sport, de la culture, de l'économie recourent, avec
l'aide de certaines banques, à des montages de sociétés afin de dissimuler leurs avoirs »
http://www.lemonde.fr/panama-papers/ (08/03/2017)
136 « Le shadow banking ou finance de l'ombre désigne des activités de financement réalisées en dehors des circuits officiels et régulés de
la banque. Le terme a été popularisé suite à la crise des subprimes en 2008, mais se trouve utilisé le plus souvent aujourd'hui pour décrire
une partie du système financier chinois. »
URL : https://www.cafedelabourse.com/lexique/definition/shadow-banking
137 Journal Les Echos, édition du 30/10/2014
138 Les facteurs de résilience de la FI à l’épreuve de la crise, enquête d’un groupe d’étudiants EM Lyon (http://recapssfis.wix.com/finance-
islamique) 25/03/2013
• Risque de qualité : La qualité livrée ne correspond pas forcément aux attentes de l'acheteur.
139
Bank for International Settlements (2013), BIS Quarterly Review, March.
URL : http://www.bis.org/statistics/otcder/dt1920a.pdf (Juillet 2014)
140
Roe Mark (2015), The big Banks are Back, 16 January, Project-syndicate.org.
URL : http://www.project-syndicate.org/commentary/dodd-frank-repeal-us-financial-regulation-by-mark-roe-2015-01 (20/01/2015)
142 OECD (2009), Corporate Governance and the Financial Crisis: Key Findings and Main Messages.
URL : http://www.oecd.org/corporate/ca/corporategovernanceprinciples/43056196.pdf (09/02/2014)
143 Ce circuit de libéralisation-spéculation est illustré par un récapitulatif en annexe
144 http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/04/09/comment-le-lobby-financier-pese-sur-bruxelles_4398032_3214.html
(08/03/2017)
145
Il : La décision se fait dans l’exécutif généralement par le ministre des finances, qui a bien souvent des liens passés ou futurs avec les
bénéficiaires de ces opérations.
Cependant, certains soutiennent que ce type de cotation continue accroit l’instabilité ainsi que
la possibilité de spéculer à très court terme, sans réelle valeur ajoutée pour l’économie réelle. « On
observera même que le passage en 1986 du fixing à la cotation continue n’a produit aucun effet de
réduction de la volatilité des cours de bourse, bien au contraire » (Lordon, 2010). En effet, l’argument
de la nécessité de réconcilier horizon économique et horizon financier fait son chemin parmi les
analystes économiques147. Or, nous savons pertinemment qu’une entreprise a besoin d’un certain
temps pour finaliser une activité productive, qui ne se limite généralement pas à quelques secondes
séparant deux transactions financières. « Mais le Stock Exchange réévalue tous les jours un grand
nombre d'investissements, et ses réévaluations fournissent aux individus (mais non à la communauté
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/11/26/arretons-la-cotation-en-temps-continu-sur-les-marches_1796084_3232.html
(11/08/14)
Cette tendance majeure à la spéculation, notamment par le ‘’day trading’’, ou dans sa version
encore plus robotisée, ‘’high frequency trading’’ (90% des ordres en bourse)148, est propice à la
création de bulles et leur effondrement à la même vitesse. Le premier, et a fortiori le second, considéré
par d’éminents économistes comme de la spéculation pure (Obiyathulla, entretien personnel en
Janvier 2014), dans la mesure où aucune transaction n’a pour objectif un engagement économique réel
(Pardo et Lucia, 2007, p2). Il permet aux acteurs de procéder à des dizaines de transactions par jour et
de profiter des faibles variations de prix sur d’importants montants pour encaisser les profits liés à ces
micro-variations se produisant tout au long de la journée. Al Suwailem (2006) montre que 90% des
« daytraders » finissent perdants. Si l’on se tient à la règle précédemment invoquée par rapport au
risque et à la nature de l’activité, et vu que toute activité dans laquelle la probabilité de perdre est
supérieure à celle de gagner ne peut être considérée comme source de profit durable mais plutôt
comme activité spéculative et ludique (Al Suwailem, 2006, p63), on classera aisément le daytrading
dans la catégorie des activités hautement spéculatives au vu de ce taux d’échec stupéfiant.
En conséquence, alors que le temps moyen de détention d’un titre dans les années 70 était de
quelques jours, actuellement, le temps moyen de détention d’une action est de 22 secondes (EM Lyon,
2013). Ce temps moyen devrait encore diminuer vu que l’écrasante majorité des transactions sont
espacées de périodes de quelques millisecondes. Ce temps moyen est un temps impossible à
effectuer et à suivre par un trader. Pourtant, depuis quelques années, un tel exploit devient réel du fait
des capacités d’action des progiciels de bourse qui fonctionnent sur le système des seuils et plafonds,
et plus récemment grâce à - ou à cause de - l’intelligence artificielle. Le trader d’aujourd’hui n’est donc
souvent qu’en arrière-plan afin de veiller au bon déroulement des choses et intervenir afin de mener
des actions correctives en cas de besoin. Son métier est en voie de disparition. Dans notre exploration
personnelle, quelques entretiens avec des traders nous ont permis de vérifier cet état de fait. Le
trading à haute fréquence représente des transactions issues de programmes algorithmiques,
appliqués par de puissants robots, élaborés par des informaticiens versés dans la finance afin
d’exécuter de manière automatique les transactions sans avoir recours à l’intervention humaine. C’est
148 http://www.easybourse.com/bourse/financieres/dossier/21119/trading-a-haute-frequence-quels-enjeux-pour-la-repression-des-
fraudes-.html (09/07/2014)
Ces machines aux facultés nouvelles et à la vitesse de la lumière rendraient presque ringard le
daytrading humain. En toute logique, les dérapages de marché se font également à une vitesse
fulgurante à l’ère du THF. Il ne serait pas improbable que même les délais des cycles économiques,
que nous avons analysés à l’aide des travaux d’Ibn Khaldûn puis de Kitchin, Jugglar et Kondratieff, se
raccourcissent considérablement tout en augmentant d’amplitude à l’ère du THF dès lors que cette
pratique deviendra généralisée. Le 6 Mai 2010, un « Flash Krach » ayant entrainé la dépréciation des
indices boursiers américains de près de 14%151 en quelques secondes a été stoppé net par la bourse
de Chicago par une mesure inédite : éteindre152 les systèmes de cotation boursière pendant 5
secondes ! Notons au passage que c’est littéralement la première fois dans l’histoire de l’humanité que
l’homme éteint un robot intelligent qui le menace directement et à une échelle globale. Voilà un fait
qui en dit long sur l’avenir de la cohabitation entre humains et robots. A cette échelle de temps, la
déconnexion entre les processus de production de l’économie réelle et l’échelle temps de la finance
est actée. L’horizon est clairement en dessous du court terme habituellement utilisé, et n’est plus
maitrisable à l’échelle humaine naturelle. Cela est rendu possible tant par la cotation continue que par
la robotisation des transactions et l’intelligence artificielle. La spéculation devient alors non seulement
tentée et souhaitée, mais programmée et robotisée. C’est une dimension hors de portée de la finance
classique ou du négociant de l’économie réelle. Le daytrading et le THF sont considérés comme les
manifestations les plus évidentes de la spéculation liée à la cotation continue. « Par essence, la
149 Faculté d’apprentissage qui renvoie aux notions de deeplearning qui permettent à l’intelligence artificielle d’acquérir de plus en plus
d’autonomie au fur et à mesure de ‘’ses expériences’’. Deepmind, rachetée par Google est l’un des pionniers dans ce domaine.
150 blogs.hbr.org/cs/2013/08/will_the_internet_destroy_the.html?utm_source=Socialflowetutm_medium=Tweetetutm_campaign=Socialf
low
151Même référence
152 « Un des moyens d’arrêter la panique consiste à fermer les marchés. Ce qui arrive au New York Stock Exchange en 1873 et à Londres et
dans beaucoup d’autres villes au moment de la déclaration de guerre en 1914 » (Kindleberger, 1978, p177). Le procédé de suspension de
cotation est donc vieux de plusieurs siècles, c’est surtout l’échelle du temps qui frôle le surréaliste dans l’épisode du 6 Mai 2010.
Un autre risque inédit lié au THF est celui de la criminalité financière et la dissimulation
d’opération frauduleuses. Nous retrouvons clairement ici la dimension d’opacité qui semble être l’une
des aires de jeu préférées des spéculateurs, en plus de l’opacité fournie par les produits dérivés
précédemment analysée. C’est une opacité qui remplit donc plusieurs objectifs. En effet, les systèmes
de cotation actuels conservent les données à la seconde, un délai suffisant pour procéder à des
millions de transactions pour les robots, et donc cacher certaines informations au régulateur, pouvant
éventuellement tomber sous la coupe de la manipulation de marché à visée spéculative. Cette
manipulation est proscrite par les places financières et les autorités de contrôle. Un extrait, que nous
avons relevé dans le règlement intérieur du LME154 présente certaines de ces prescriptions, non
exhaustives, portant sur les abus du marché (Market Abuses) et visant visiblement à prévenir tout
comportement intentionnellement spéculatif ainsi que tout déraillement du marché :
_ “11.2.1 No person shall manipulate or attempt to manipulate or otherwise abuse the market or
create or attempt to create an artificial market.”
_ “11.2.2 No person shall enter into or attempt to enter into a transaction or series of transactions
designed to create an artificial market whereby prices and turnover do not truly reflect the business
transacted”. 155 Autant dire qu’après le spoofing, le THF est un des meilleurs candidats à la
contravention de ces règles. Éric Deleuze explique que « la SEC156 a été incapable de recueillir
l’intégralité des données transmises au marché provoqué par l’emballement d’un algorithme. Un
fraudeur mal intentionné peut se servir des algorithmes comme véhicules de dissimulation ». Sophie
Baranger, secrétaire générale adjointe de l’AMF, ajoute par ailleurs que « certaines données qui
pourraient permettre de reconstruire le carnet d’ordre ne sont pas toujours disponibles avec la qualité
souhaitée ». Pour le président de l’AMF, s’il n’est pas possible rassembler les preuves irréfutables
permettant des sanctions dissuasives, l’intégrité du marché ne pourra être assurée qu’en supprimant
ou limitant le risque à la source. Autrement dit, «si nous ne pouvons pas contrôler les high frequency
traders, il nous faudra alors limiter ou supprimer le high frequency trading »157.
153 Daigler 1998 a montré que les commerçants détenaient leurs positions plus longtemps que les non commerçants (ici, spéculateurs).
Ederington et Lee ont montré que le turnover des positions évolue du simple au double.
154 LME : London Metal Exchange, la place boursière de Londres consacrée aux métaux
155 LME.com (2016), Trading Regulations, part 3, 22 August.
URL : https://www.lme.com/~/media/Files/Regulation/Rulebook/Part%203%20-%20Trading%20regulations.pdf
156 SEC : Securities exchange commission, l’agence de supervision boursière américaine
157 Easybourse.com (2011), L'AMF pense à interdire le trading à haute fréquence, 06 Octobre.
URL : www.easybourse.com/bourse/financieres/article/20627/lamf-pense-a-interdire-le-trading-a-haute-frequence.html
158 Trading intraday : Type de trading qui consiste à entamer ses opérations le matin et les continuer en journée, tout en veillant à solder
toutes les positions à la fermeture de la bourse, afin de ne pas laisser de placement pour la nuit.
159 Kyoungwha Kim (2015), China Just Killed the World's Biggest Stock-Index Futures Market, 8 September, Bloomberg.com. URL :
http://www.bloomberg.com/news/articles/2015-09-08/china-just-killed-the-world-s-biggest-stock-index-futures-market (11/09/2015)
160 Daytrading : Ouverture et fermeture d'une ou plusieurs positions dans la même journée, afin de jouer sur des variations à très court
terme (intraday).
Abcbourse.com, Lexique bourse Finance Économie, Lettre D.
URL : http://www.abcbourse.com/apprendre/lexique.aspx?s=d (19/01/2015)
161Random Walk : Théorie de la marche aléatoire, démontrant que les prix évoluent de façon imprédictible et qu’il n’est pas possible de
surperformer sans prendre plus de risque.
http://www.investopedia.com/terms/r/randomwalktheory.asp (08/03/2017)
162 Black et Scholes avancent que la négociation du sous-jacent permet d'éliminer le risque de l'option et sa rentabilité sera au moins
égale à l'actif dans risque. En réalité l'option ne se comporte pas totalement comme cela (Ayub, 2003)
163 L’analyse chartiste : « L'analyse chartiste est une méthode d'investissement qui repose sur l'étude des cours et volumes des divers titres
cotés en bourse. Elle est aussi appelée analyse graphique. Cette méthode est notamment utilisée par les traders qui l'appliquent sur le très
court terme pour prendre des positions sur le marché. L'analyse chartiste peut cependant être utilisée sur le moyen et long terme. Pour
cela, elle se base sur l'historique des cours et détermine des zones d'inversement de tendance. Ces zones appelés supports et résistances
sont psychologiques. A leur approche, d'après l'historique des cours, les investisseurs ont tendance à acheter près d'un support et à vendre
près d'une résistance. C'est le mimétisme des investisseurs qui donne de la force au renversement de tendance. Mais attention, cette
méthode n'est pas infaillible, les supports et résistances sont faits pour être cassés. Lors de leur cassure, il y a souvent accélération
haussière ou baissière selon que ce soit un support ou une résistance. Par la suite une étude des figures formées par le cours de bourse
peut être effectuée. Ces figures, tels que le W haussier, le triangle, et biens d'autres sont autant d'indications pour déterminer l'évolution
du cours de bourse. Les mathématiques jouent un rôle important dans l'analyse chartiste, elles permettent de déterminer des potentiels
de hausse ou de baisse. Cependant, l'analyse chartiste est plus une étude du comportement des investisseurs, de leur psychologie. Cette
méthode vient en opposition à l'analyse fondamentale qui elle, est basé sur l'étude de l'entreprise par ces comptes. »
http://definition.actufinance.fr/analyse-chartiste-829/ (16/4/15)
167 « Expression anglo-saxonne désignant le fait que certaines banques sont si grosses qu'il est impossible d'imaginer qu'en cas de faillite,
l'Etat ne vienne pas à leur aide. Lehman Brothers était l'une de ses banques, mais les faits ont démontré que l'Etat américain n'a pas aidé
à la sauvegarde de cette banque pour envoyer un message fort à la communauté financière.
Cette expression peut aussi être utilisée dans le cadre de pays. Autant certains pays peuvent être se déclarer en cessation de paiements
sans réel risque, autant certains seront systématiquement soutenus par les autres Etats. »
Edubourse.com, Lexique, Too big to fail. URL : http://www.edubourse.com/lexique/too-big-to-fail.php
170 http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=sls2010
171 Lepoint.fr (2014), En moyenne, en France, un trader gagne 1 million d'euros par an, 19 Avril, magazine Le Point.
2.2.2.4 Volatilité
Parmi les éléments se rapportant au contexte financier dans lequel évoluent les spéculateurs, il
y a le facteur volatilité. Cet élément a déjà été abordé rapidement au niveau de la définition, et il
convient d’étudier en quoi c’est non seulement une composante mais aussi un facteur en amont qui
favorise la spéculation. Qu’elle soit perçue comme une cause, une manifestation ou une conséquence
de la spéculation, la volatilité est nécessairement un levier pour les spéculateurs. En effet, la
spéculation est prospère surtout dans un contexte de volatilité avec de fréquentes variations de prix,
tant à la hausse qu’à la baisse. Le spéculateur n’aurait que peu d’opportunités de générer des marges
récurrentes dans un environnement très stable. Il serait perdant du simple fait des coûts de
transactions. L’un des responsables de la bourse de Chicago confiait à un magnat de l’agro-
alimentaire que « la stabilité, monsieur, est la seule chose que nous ne pouvons gérer » (Dawabah,
2006, p144), en référence à l’importance des gains encaissés en période de spéculation et avec
172 « L'expérience n'indique pas clairement que la politique de placement qui est socialement avantageuse coïncide avec celle qui rapporte
le plus » (Keynes, 1936, p169).
173 Rationalisation (en psychanalyse) : Terme introduit en psychanalyse par Ernest Jones en 1908 (La Rationalisation dans la vie
quotidienne), et utilisé pour désigner un procédé qui, comme tel, apparaît dans un champ très étendu allant de la pensée normale à la
pensée délirante. La rationalisation permet au sujet de tolérer des attitudes émotives et des expériences pulsionnelles (qu'il redouterait
ordinairement) chaque fois qu'il peut les justifier comme « raisonnables » logiquement ou acceptables moralement, ou les deux à la fois.
Les motifs véritables de sa conduite, de sa pensée ou de ses actes ne sont pas aperçus ; le sujet évite de prendre conscience du fait qu'il
est le jouet de ses pulsions. Tant qu'il réussit à justifier ainsi ces dernières, il peut s'y soumettre.
Lacas Pierre-Paul, Rationalisation, psychanalyse, universalis.fr.
URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/rationalisation-psychanalyse/ (21/01/2015)
Le lien entre spéculation et volatilité semble dépasser le lien de cause à effet pour s’inscrire
dans une dynamique circulaire continue. La volatilité est une des causes de la spéculation, mais
l’inverse est aussi vrai. Volker notait d’ailleurs que la spéculation est la première cause de la
volatilité175. Ceci confirme ce rapport étroit dans une configuration ressemblant à une sorte de cercle
vicieux qui s’amplifie entre la volatilité d’une part et la spéculation d’autre part. La volatilité croît aussi
avec la fébrilité du marché et son illiquidité. Cette hausse de la volatilité réalimente paradoxalement
le système, poussant les entreprises à demander aux financiers davantage de produits dérivés de
couverture pour se prémunir contre les fluctuations importantes. Les produits dérivés, sensés
atténuer les risques ne font en fait que les augmenter et donc par là même, créent plus de volatilité
(Al Suwailem, 2006, p15). Une fois qu’ils sont négociés sur le marché, ces risques titrisés sont
susceptibles de proliférer, de se multiplier et de se répartir de façon disproportionnée, ce qui crée plus
de volatilité et moins de stabilité. (Steinherr, 2000).
Par souci d’objectivité, il convient de souligner que « la spéculation sur les marchés des métaux
ne peut à elle seule expliquer la forte hausse des prix. Il existe en effet une étroite corrélation entre
l'évolution des fondamentaux et l'ampleur de la spéculation. En période de demande stable et d'offre
174 Bruno Jetin (2009), « Financing development with global taxes: fiscal revenues of a currency transaction tax ».
175 Islamicfinance.com (Juillet 1996), Speculation. URL : http://www.islamic-finance.com/item2_f.htm (27/08/2014)
176 Lelièvre Frédéric (2014), La vitesse, arme fatale des traders à haute fréquence, 14 février, Journal Le Temps (Suisse)
178OXFAM, dans son rapport de 2017 sur les inégalités dans le monde
https://www.oxfamfrance.org/communique-presse/justice-fiscale/davos-2017-huit-personnes-possedent-autant-que-moitie-plus-pauvre
(16/01/2017)
181 M1 : « L'agrégat monétaire M1 est l'un des trois agrégats monétaires européens définis par la Banque Centrale Européenne pour
l'ensemble de la zone euro. M1 est à la fois l'agrégat le plus étroit et celui où se classe les actifs les plus liquides. L'agrégat monétaire M1
regroupe les billets (monnaie fiduciaire), les pièces et les dépôts à vue. »
URL : https://www.mataf.net/fr/edu/glossaire/m1
182 M2 : « L'agrégat monétaire M2 regroupe M1 ainsi que les dépôts à terme inférieurs à deux ans et les dépôts avec un préavis inférieur
URL : https://www.mataf.net/fr/edu/glossaire/m3
184 http://positivemoney.org/2017/01/hidden-subsidy/ (08/03/2017)
185 http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20130330trib000756871/ponction-massive-a-chypre-sur-les-
comptes-de-plus-de-100.000-euros.html (08/03/2017)
186 Irving Fisher 1933, « 100% Money », New York: Adelphi Company
2.2.3.3 Le levier
Ce processus de création monétaire induisant une abondance de liquidités permet d’utiliser un
outil très fameux dans le monde de la finance : L’effet de levier. Une des leçons retenues de la dernière
187L’achat à la marge : “Un acheteur donné engage une mise de fonds initiale correspondent à 10% du montant et emprunte les 90%
restants à un agent de change ou un courtier qui, à son tour, emprunte sur le marché de l’argent au jour le jour. L’argent provient des
banques, de caisses spéciales (fonds d’investissement dans les reports créés à cet usage par des banques et d’autres investisseurs) et de
personnes physiques » Kindleberger (1978, p74)
188 Le montant de 4 000 fois la somme disponible déjà relevé par Kindleberger nous a été confirmé par un trader de la bourse de Paris et
bien plus, à savoir un levier de 40 000. Ainsi dans ce cas de figure, un spéculateur pourra investir dans 4 000 000 € d’actifs avec
seulement 100 € de disponibles, le reste étant un emprunt à intérêts. Un tel levier est de nature à exacerber les possibilités et les
situations spéculatives.
189 Effet de massue : « si la rentabilité économique est inférieure au coût de l’endettement, cet effet de levier joue cette fois dans l’autre
C’est pour cette raison que la dette basée sur l’intérêt et l’effet de levier qui en découle ont été
considérés comme des facteurs aggravant la spéculation et favorisant les crises financières (Chapra,
2004)190. En l’absence de taux d’intérêt, les flux entre institutions financières seraient bien plus basés
URL : http://www.lafinancepourtous.com/Decryptages/Mots-de-la-finance/Effet-de-levier
190 Chapra, M.U. (2004) “The Case Against Interest,” International Conference on Islamic Banking and Finance, Brunei, Jan. 5-7.
191
Histoire des faits économiques, « L’origine de la lettre de change », 4/11/2013
URL : https://docs.google.com/document/d/1I0dTdYsqbaanQZY1gYZKbGJC4v9f_jmYe5c04nQ64bI/edit
192
Bourghelle David (2010), Il faut brider le moteur de la spéculation…, 03 Novembre, lemonde.fr.
URL : www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/03/il-faut-brider-le-moteur-de-la-speculation_1434044_3232.html
193Roland Laskine, Figaro blog, Wall street, mûr pour adopter les principes de la charia ? Lien : http://blog.lefigaro.fr/cgi-bin/mt/mt-
ftsearch.fcgi?search=chariaetIncludeBlogs=97etlimit=20
Les facteurs endogènes de la spéculation sont certes moins nombreux que les facteurs
exogènes, ils demeurent pour autant décisifs. La survenance de certains d’entre eux seulement peut
jouer le rôle de catalyseur d’un phénomène spéculatif de fond. Le développement technologique a
joué un rôle d’accélérateur de phénomènes durant ces dernières décennies. L’accélération a
évidemment concerné les cycles à la hausse comme à la baisse des marchés financiers. La prolifération
des outils financiers liés à ces développements technologiques a rendu les marchés financiers
relativement plus spéculatifs en ce sens qu’elle a notamment participé à leur dématérialisation ainsi
qu’un certain nombre d’autres phénomènes qui ont accru leur instabilité. Ce sont ces phénomènes, en
plus des facteurs comportementaux, qui sont souvent à l’origine de la spéculation et qui seront
confrontés au fur et à mesure aux principes de la FI, dans ce chapitre. Ces facteurs se divisent en deux
grandes catégories. La première rassemble les facteurs de la spéculation liés aux comportements des
opérateurs des marchés financiers. La seconde regroupe les principales transactions favorisant la
spéculation, et qui en sont souvent les supports privilégiés.
194Le due diligence est un concept anglo-saxon consistant à accorder toute l'attention et tout le soin approprié à quelque chose.
Le due diligence s'applique entre autres au monde des affaires. Le due diligence doit permettre d'éviter des problèmes financiers ou bien
des problèmes de qualité ou encore des actes de négligence.
Mataf.net, Définition : Due Diligence.
URL : https://www.mataf.net/fr/edu/glossaire/due-diligence
195 Les cinq universaux ou addaroriyates al khams : Selon l’Imam Abu Hamid al-Gahzali, repris par l’imam Abu Ishaq al-Chatibi, la charia
vise à préserver cinq éléments essentiels de la vie humaine : « Le but de la Charia est la promotion du bien-être des gens, qui consiste à
préserver leur foi (din), leur âme (nafs), leur intellect (al-aql), leur progéniture (nasl) et leurs biens (māl). Tout ce qui garantit la
préservation de ces cinq intérêts est souhaitable, et tout ce qui leur nuit est un mal qu’il faut chasser ». (Abu Hamid al-Gahzali, cité par
Chapra M.U., La vision islamique du développement à la lumière de maqassid al-charia, Institut Islamique de la Recherche et de la
Formation, IFI de Développement, Djeddah, p.6)
196 Cette affirmation doit être nuancée en partie au vu de l’expérience soudanaise qui reste une référence. Cette dernière s’appuie sur un
système économique et financier fonctionnant selon les principes de la sharia, malgré quelques lacunes. Cependant, les problèmes géo-
politiques récents ainsi que les guerres, couplés au manque d’interactivité et la très faible activité en bourse rendent l’analyse moins
révélatrice. Certains éléments illustrant la situation au Soudan seront néanmoins analysés et présentés en partie V.
197http://blog.yurizk.com/mufti-taqi-usmani/ (24/04/2017)
198IFSB : Islamic financial services Board, organisme basé à Kuala Lumpur au sein de la banque centrale malaisienne, chargé d’adapter les
normes prudentielles internationales, notamment Bâle, aux IFI
200 AAOIFI : Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial Institutions
Du point de vue des marchés financiers, ce contrat n’est pas négociable ou transférable à un
prix différent de sa valeur faciale, car c’est un contrat commercial équivalent à une dette qui
représente la marchandise à livrer (Ayyash, 2008, p22). Toute spéculation sur les variations de prix ou
de quantités à livrer est donc impossible au niveau du contrat Salam. Ainsi, dans un MFI privilégiant le
contrat Salam, l’incertitude serait grandement réduite la mesure où ce ne sont pas 10% du prix (marge
de sécurité) qui sont avancés et réajustés au fur et à mesure, mais bien l’ensemble du prix, ce qui
prévient considérablement la spéculation (Ayyash, 2008, p25). Il en découlera que ce seront les
opérateurs ayant un intérêt commercial réel dans le sous-jacent physique qui seraient prépondérants
dans ce marché. Le contrat est automatiquement soldé par une livraison et il n’y a pas possibilité de
compensation / liquidation (Ayyash, 2008, p22). Ce contrat peut être titrisé à travers un appel public à
l’épargne pour l’investissement, mais il se limite au marché primaire. Donc une fois que le montant
requis est rassemblé pour entrer dans le contrat, la transaction est close. Il n’est pas négociable sur le
marché secondaire tout comme le contrat Istisnaa, contrairement aux futurs. Il est donc moins exposé
à la spéculation (Ali, 2004). Certains analystes soutiennent même qu’il exclut d’emblée les spéculateurs
201 Certains savants avancent même qu’il ne constitue pas une exception à la règle mais va bien dans le sens de la vision économique
islamique, dans la mesure où, si la vente à terme est autorisée (alors même qu’un léger doute existe quant à la possibilité qu’aura le
client de payer sa dette en monnaie à échéance, sachant que la monnaie sera disponible par ailleurs), alors le Salam est de la même
manière autorisé, étant une vente à terme inversée (vente de monnaie contre une marchandise à livrer à terme, de toute façon
disponible par ailleurs, car portant uniquement sur les biens fongibles).
202 BFR : Besoin en fond de roulement
Notons que, du point de vue jurisprudentiel, le consensus rapporté quant à l’interdiction des
ventes futures, est remis en cause par certains savants (Ibn Al Qayyim entre autres) anciens et surtout
contemporains (Abu Hamdane, 2013, p302) tels que Kamali (1999, p12) ou encore Dharir cité par Al
Suheibani (2008) et Al Suheibani lui-même. Masri (2010) va même jusqu’à reconnaître que le produit
futur, s’il est motivé par une réelle transaction de livraison physique, répond à un besoin réel au niveau
économique, rejoignant ainsi les thèses de Kamali. Il précise que les versions contemporaines des
contrats laissent peu de place à l’incertitude (argument principal de l’interdiction) et que les autres
arguments relatifs à cette interdiction (intérêts d’une part, et un Hadith jugé faible d’autre part) sont
largement discutables. L’obligation de procéder à la livraison à l’échéance est une condition majeure
pour la validité du futur selon Al Suheibani (2008) aux cotés de la nécessité de recourir à ce contrat
pour des raisons de couverture et non de spéculation, ce qui nous met, somme toute, bien loin des
contrats actuels quasiment tous liquidés avant l’échéance. Cet argument semble valable a priori, si l’on
reste dans le cas d’un contrat bilatéral non négociable, et si l’on met de côté d’autres raisons liées à
l’interdiction telles que la livraison physique, l’impossibilité de liquider la transaction par la
compensation ou encore la sécurisation du flux financier par rapport à tout investissement connexe
porteur de risque. Pour ces raisons, le consensus des savants reste malgré tout l’opinion retenue par
l’AAOIFI au regard de ces quelques voix critiques de l’interdiction.
Au niveau opérationnel, c’est dans un cadre de contraction économique sévère, suite à la crise
asiatique, que la Malaisie, contrairement aux autres juridictions, autorise203 les ventes futures du
CPO (crude palm oil)204, qui est la matière première de base permettant l’échange de liquidités entre
les banques (contrat type en annexe C.5). En parlant du cas malaisien, Kamali (1999, p5) affirme que
« vu l’impact du retournement actuel en Malaisie sur les volumes de trading, cela (autorisation des
futurs) devrait revigorer les volumes de trading et la liquidité ». Au niveau de ces contrats,
contrairement à la vente Salam, ce n’est pas seulement la livraison qui est différée, mais également le
paiement. Ces Futures peuvent éventuellement, en cas d’injection massive de liquidités de la part des
institutions locales ou de fonds étrangers, accentuer la déconnexion entre les prix réels et les actifs
sous-jacents, surtout si l’on garde à l’esprit que seuls 5% des CPO sont livrés (Obiyathulla, interview le
10/01/2014). Il est à noter que cette décision ne concerne que les futurs sur matières premières, et
203 Résolution de la securities commission suite à sa réunion du 26 Novembre 1997 (Resolutions of the securities commission shariah
advisory council)
204 Un exemple de contrat CPO est exposé en annexe
Source : L’auteur
Cette incitation à la transparence et à la simplicité n’est pour autant pas universelle au niveau
des juridictions utilisant des produits financiers islamiques. En Malaisie, plusieurs produits structurés
sont autorisés par les autorités locales, mais cela n’est pas un benchmark vu que la pratique est réfutée
Figure 19 : Schéma récapitulatif du fonctionnement des SWAPS en Malaisie (Obiyathulla et al, p323)
D’une manière plus générale, les constats pratiques au niveau des tendances des marchés
financiers permettent de noter que bien souvent, les produits ne sont que des répliques de produits
conventionnels, en plus complexe (Kuran, 2004 ; Khan, 2010 ; Hideur, 2013 cités par Siddiqi (2009)).
Cette complexité, qui s’explique par la volonté de répliquer des produits déjà existants en faisant de
larges détours juridiques pour leur donner un aspect islamique, est d’ailleurs l’un des défis majeurs de
la FI (Haron et Nursofiza, 2008, p8).
L’une des explications sur la prolifération de ces instruments est le fait que les montages se
font généralement par des cabinets juridiques conventionnels (Omar, Abduh et Sukmana, 2013,
p101). « Cela donne des produits complexes, difficiles à comprendre, coûteux à structurer et mettre en
place, combinant plusieurs contrats individuellement licites mais dont la composition va à l'encontre
des objectifs de la sharia ». En effet, la majorité des acteurs de la FI proviennent des institutions
conventionnelles et ont une tendance naturelle à transposer les produits qu’ils savent déjà faire
(Ascarya et Yumanita, 2008, p33).
206http://blog.yurizk.com/mufti-taqi-usmani/ (24/04/2017)
207« L’Islamic Fiqh Academy de l’OIC (Organisation of Islamic Conference) a émis un avis défavorable aux FWD et FUT conventionnels
dans sa Résolution no. 63 (7/1) : Islamic Fiqh Academy, OIC, Résolution no. 63 (7/1), 7ème session, 9-14 mai 1992, cité dans Kunhibava,
2010, op. cit., p. 12. La même position a été prise par le Conseil Européen de la Fatwa et de la Recherche : European Council for Fatwa
and Research, Rapport final de la 12ème session ordinaire, Janvier 2004, cité dans : Ibid., p. 12 (voir : Amine, 2008). Parmi les figures-clés
penchant du côté de l’interdiction de ces contrats figurent de même le Mufti M.T. Usmani (1992 et 1996), Sh. Gari (1992, 1993 et 2006),
Chapra (1985) et d’autres. Kamali (2002) cite parmi les plus anciens : Suleiman (n.d.) et Abdelbassit (n.d.). Nous renvoyons à la note
précédente. » (Abu Hamdane, 2013, p331)
Les deux premiers aspects sont pour certains chercheurs à mettre sur une même échelle, le maysir
étant la manifestation extrême du Gharar, et le « bay al gharar » devant être traduit littéralement par
« Vente du risque » (Gamal, 2001). Or, « il est facile de démontrer qu’un dérivé classique simple
vérifie ce concept de ‘’vente de risque’’ » (Abu Hamdane, 2013, p349) dans la mesure où la condition
de jeu à somme nulle est vérifiée. Ainsi, les produits dérivés contreviennent donc aux principes de la
FI de plusieurs points de vue.
Les IFI ne sont alors pas autorisées à s’investir dans les produits financiers structurés risqués
(Belabes, 2013, p5). L’ensemble du système financier islamique se veut être un système ‘’asset backed
finance’’, c'est-à-dire épousant totalement la sphère réelle des échanges de biens et services. C’est
d’ailleurs ce qui constitue l’une des cinq piliers communément admis de la FI : la nécessité d’adosser
toute transaction à un actif réel (Belabes, 2013, p5).
En outre, vu que la FI impose d’avoir seulement des transactions immédiates dans ce marché,
les produits dérivés sur les devises sont de facto éliminés. Le risque de change ne peut être traité que
de manière mutualiste en FI, et non lucrative (Al Suwailem, 2006, p118). L’analyse en seconde partie a
permis de voir que les dérivés sur le marché des changes se rapprochent d’un volume global de 50 000
milliards de dollars. La part des transactions immédiates sur les sous-jacents (les devises elles-mêmes)
étant bien plus infime (de l’ordre de 2% comme nous l’avons vu en introduction), nous pouvons
considérer que dans un MFI, entre 95 et 98% des échanges sur les marchés des changes devraient
disparaître, car portant sur des produits dérivés ou des transactions ne satisfaisant pas les critères de
la règle de récupération (l’immédiateté pour les devises).
Notons au passage que la Malaisie, contrairement aux autres juridictions (9 pays adoptant les
normes AAOIFI, dont la 21 interdisant les SWAPS), autorise les Swaps de profits et certains dérivés, ce
qui peut amener à se demander si la spéculation est plus favorisée dans son cas. D’ailleurs, le modèle
malaisien semble plutôt interdire la spéculation excessive et non la spéculation dite ‘’tolérable’’
(Application of options in Islamic Finance, ISRA research paper 46/2012, p8).
Dans cette juridiction Malaisienne, les produits dérivés restent marginaux pour le moment,
nous sommes loin des chiffres de la finance. Leur part est minime, de l’ordre de 5% selon le directeur
du marché alternatif BursaMalaysia (entretien personnel réalisé à BURSA en Janvier 2014) alors qu’en
L’état actuel des produits islamiques est pour l’instant très loin d’une domination des
transactions par les produits dérivés, mais la tendance s’accélère, selon Al Suwailem (entretien
personnel réalisé en 2014). La résilience théorique semble à relativiser de plus en plus dans les faits.
Conclusion du chapitre
Ce chapitre a permis de constater dans quelle mesure les principes fondateurs de la FI sont
résilients aux facteurs de la spéculation que nous avons choisi de qualifier d’endogènes. Les principes,
pris dans leur globalité, sont résilients. L’analyse détaillée a permis cependant de mettre en évidence
un certain nombre de lacunes relatives à la résilience à certains facteurs, lorsqu’il s’agit d’évoquer le
volet pratique. C’est le cas notamment des facteurs liés aux comportements dans un premier temps.
Ces derniers sont les plus délicats à cadrer quel que soit le contexte financier dans lequel nous nous
plaçons. Hormis l’engagement personnel et la conviction des opérateurs eux-mêmes, peu de systèmes
sont susceptibles d’influer sur ces éléments relevant de l’ordre de l’intime et du non-dit. Pour ce qui
est des transactions, les choses sont déjà plus évidentes à cerner. Les principes de la FI, comme
démontré, sont résilients à cette sous-catégorie de facteurs. Au niveau pratique, la résilience persiste
pour un certain nombre d’entre eux de manière assez claire, comme la vente à découvert. Pour
d’autres, la résilience est à relativiser en pratique, notamment la complexité des produits, les ventes
futures et surtout le spoofing. Après avoir passé en revue l’éventail des facteurs endogènes, qu’en est-
il des facteurs exogènes de la spéculation ?
Source : CIMB
Ces données permettent de confirmer les constats préliminaires. Le tableau démontre même
que l’ensemble des leaders du marché du conseil juridique pour le montage de Sukuk est d’obédience
conventionnelle. A cet égard, de nombreuses habitudes et pratiques de la finance conventionnelle,
208CIMB Principal Islamic Asset Management (décembre 2014), Global Sukuk Snapshot, Monthly Commentary. URL : http://www.cimb-
principalislamic.com/Monthly_Commentary-@-Global_Sukuk_Snapshot_-_December_2014.aspx
Au niveau des banques d’affaires, la même problématique est relevée. Pour autant, nous
relevons dans la liste quelques IFI. En effet, contrairement aux cabinets juridiques, les banques
d’affaires sont plus exposées en ‘’front office’’. Ce dernier est dans certains cas plus exigent quant à
l’origine de la firme qui effectuera le montage et la commercialisation du produit. Par ailleurs, bien
souvent, afin d’améliorer l’image, les responsables des Sukuk font appel à un duo composé d’une
banque conventionnelle et d’une IFI. La liste demeure malgré tout dominée par des banques
conventionnelles. Le marché de la FI étant prometteur, et parfois exigent, les opérateurs bancaires
n’ont pas hésité à s’y déployer en établissant les partenariats nécessaires avec les juristes et certains
comités sharia parfois laxistes, afin d’offrir à cette clientèle une version refondue et répliquée de leur
produit initial, sous un label islamique (El Gamal, 2005, p4).
En tout état de cause, bien que les principaux objectifs de la FI abondent dans le sens d’une
orientation locale et développementale de la FI, loin des velléités d’arbitrage réglementaire et fiscal
tant ce dernier favorise la spéculation, la pratique semble prendre une orientation bien différente,
ne divergeant quasiment pas avec les pratiques financières mondiales dominantes. La résilience au
niveau de ce facteur demeure donc uniquement théorique, dans l’état actuel des choses.
« (…) le quatrième argument est lié aux problèmes d’aléa moral des banques, c’est-à- dire le
fait que les dirigeants des banques peuvent être incités à prendre des risques excessifs au
détriment des déposants ou des états. Les déposants des banques conventionnelles ont peu
d’incitations à surveiller l’état financier de leur banque quand ils sont protégés par un
mécanisme d’assurance des dépôts. Une telle situation peut dès lors favoriser une prise de
risque excessive des dirigeants des banques : ceux-ci savent que les déposants ne risquent
pas de retirer leur argent de leur banque ou d’exiger un taux d’intérêt sur les dépôts plus
élevé s’ils prennent des risques importants avec l’argent des déposants. En revanche, les
déposants des IFI ont des incitations radicalement différentes : ils doivent surveiller les
banques comme leur rémunération est totalement liée à la performance de la banque, en
l’absence d’une rémunération fixe sans lien avec le profit de la banque. Les IFI devraient
ainsi être mieux disciplinées par leurs déposants incités à sanctionner tout comportement
d’aléa moral des dirigeants des banques par un retrait de leur épargne » (Weill, 2013, p3).
La bonne gouvernance est doublement consolidée : Les normes de l’AAOIFI sont adoptées par
une dizaine de pays dont :
• Bahreïn ;
• Dubai ;
• Jordanie ;
• Qatar… (Seshachellam, 2008, p27).
Elles sont aussi le reflet d’un certain professionnalisme au niveau du traitement des questions de
bonne gouvernance.
Il y a, par ailleurs, une étape clef dans tout processus de décision de commercialisation d’un
produit financier, c’est la validation de la conformité par rapport à la Charia de ce produit par un
209 « Le prophète a interdit de revendre les marchandises sur le même lieu que leur achat, jusqu’à ce que le commerçant les récupère
chez lui » Sahih Abu Dawud 3499
3499 حسنه األلباني في صحيح أبي داود: )النبي صلى هللا عليه (نهى أن تباع السلع حيث تبتاع حتى يحوزها التجار إلى رحالهم
210 « Nous achetions du temps du prophète (paix et bénédiction sur lui) de la nourriture, alors il envoyait des messagers à nous afin de
nous ordonner de transporter la nourriture à un lieu différent avant de la revendre » Muslim 1527
حدثنا يحيى بن يحيى قال قرأت على مالك عن نافع عن ابن عمر قال
كنا في زمان رسول هللا صلى هللا عليه وسلم نبتاع الطعام فيبعث علينا من يأمرنا بانتقاله من المكان الذي ابتعناه فيه إلى مكان سواه قبل أن نبيعه
211 http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/04/15/le-parlement-europeen-renforce-l-encadrement-des-marches-
financiers_4402140_3234.html#bdFP6QbFc3FYUIQk.99 (20/01/2015)
Source : L’auteur
213 Joala : « La Joala est un arrangement en vertu duquel une personne s’engage à récompenser une autre personne, si celui-ci accepte
d’accomplir une tache donnée »
URL : http://www.institut-numerique.org/ii3-les-autres-produits-les-moins-utilises-le-Salam-listisna-la-joala-les-soukouk-ou-obligations-
islamiques-5266b925efbf2 (08/03/2017)
3.2.2.4 Volatilité
La seconde partie a permis de constater l’importance d’un facteur tel que la volatilité dans la
spéculation. Nous reviendrons brièvement ici sur l’une des composantes de la volatilité que nous
jugeons utile de détailler, avant de passer à la confrontation avec les principes de la FI. Dans le système
bancaire actuel, la banque se place dans une double perspective : La première en tant que prêteur et la
seconde en tant qu’emprunteur. Dans la première perspective, lors du financement de l’investissement,
l’ensemble des risques est supporté par l’emprunteur. Le risque n’est supporté que par une seule
partie, une situation spéculative qui rend les chocs, lorsqu’ils se produisent, n’étant pas mutualisés,
bien plus violents, plus amples, favorisant ainsi la volatilité dans les marchés. Dans la mesure où les
acteurs économiques sont interdépendants, la faillite de quelques maillons peut produire un effet
domino qui peut, à défaut d’un réajustement immédiat, se transformer en crise économique. Le
modèle de banque universelle, dominant de nos jours, ne fait qu’accroître le risque de contagion
systémique (Akhtar, 2007, p2), à travers plus de procyclicité et de volatilité.
Dans la seconde perspective, en tant qu’emprunteur de fonds auprès des épargnants, la banque
se doit légalement de garantir le nominal des dépôts de ses clients. Si cet argent est placé dans des
actifs tels que les actions, des projets d’investissement ou des actifs plus risqués tels que les produits
dérivés, et que certains de ces actifs sont dévalués à cause d’un retournement du marché, la banque
doit supporter seule le risque et cette dévaluation, et doit directement l’impacter sur ses fonds
propres, vu que les dépôts sont garantis. Cela rend le choc plus violent, et en réalité expose les
déposants directement, car, généralement, les fonds propres ne dépassent pas 10 à 12% du passif.
Ainsi si la baisse de valorisation des actifs n’est que de 15%, la banque doit souvent déclarer faillite et
donc l’ensemble des déposants est menacé par la pure et simple disparition de leurs dépôts, la banque
centrale ne garantissant pas les dépôts des clients des banques secondaires en totalité.
214
Gatinois Claire (2008), Comment va s'appliquer le plan Paulson, 29 septembre, lemonde.fr.
URL : http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/09/29/le-plan-paulson-mode-d-emploi_1100626_3234.html
De cette manière, les risques sont mutualisés quelle que soit la posture de l’IFI, car si un projet échoue,
en aval, ce sont les déposants en amont qui vont partager les pertes avec l’IFI, à travers une
dépréciation de leurs comptes d’investissement. Le choc sera évidemment bien plus facile à absorber
vu qu’il sera atomisé et mutualisé. Le déséquilibre actif-passif est moindre en FI (Al Suwailem, 2006,
p114), comme nous le démontrerons. La volatilité sous-jacente en est considérablement réduite.
Ainsi, dans le même cas qu’évoqué ci-dessus, en cas de choc et de dévaluation des actifs bancaires de
15%, si les fonds propres de l’IFI sont à 10%, l’IFI supportera donc 1,5% de dévaluation et les déposants
13,5%. 8,5% des fonds propres de l’IFI seront intacts, si l’ensemble des dépôts sont des dépôts
d’investissement. En cas de diversité des dépôts cela variera au prorata des dépôts d’investissement
par rapport aux comptes courants (Qard hassan). Ce traitement spécial des comptes d’investissements
a été pris en compte dans la norme 4 de l’IFSB au niveau des préconisations pour le calcul de ratios
prudentiels adaptée à la FI, comme nous le voyons dans cette représentation graphique :
Dans un premier temps, il est utile de préciser que dans le cas d’un passif hybride, comportant capitaux
propres, comptes courants et comptes d’investissements, seuls les capitaux propres et les comptes
d’investissement peuvent supporter des dépréciations d’actifs (pertes). A cet égard, nous pouvons
résumer la perte maximale en pourcentage par la relation suivante :
Pmax = {(CP+CI)*100} / A
Une illustration graphique de la relation serait sous la forme suivante, en prenant comme hypothèse
des capitaux propres de départ de 12% :
Figure 25 : Valeur de la perte en actifs possible, par rapport à la part des CI dans le passif
Actif
total
100%
62%
50%
d’actifs
Valeur
CP : 12%
Figure 26 : Schéma comparatif d'une dévaluation d'actif entre une banque et une IFI
Actif Passif Actif IFI Passif IFI Actif Passif Actif IFI Passif IFI
Cas d’une dévaluation d’actifs de 15% Cas de passif hybride (50% compte à vue
et 50% de comptes d’investissements)
Actif Passif Actif IFI Passif IFI
Actif IFI Passif IFI
Total CP= 0 Total CP = 8,5
Total CP = 7,27 (10-2,73)
= 85 (10-15) = 85
Comptes = 85 Compte à vue= 45
Faillite
d’Invest C d’invest = 32,73
Dette
= 76,5 (45 – 12,27)
= 90
(90-13,5)
Dans le dernier cas, avec un bilan ayant pour actif 100 unités, l’IFI participe avec ses capitaux propres
dans les investissements à hauteur de 10 et les comptes d’investissement à hauteur de 45. Ainsi 55%
du passif peut supporter les pertes, les 45% restants ne sont pas concernés, ni par les profits ni par les
pertes, étant des comptes courants garantis. La part de l’IFI dans les investissements est 10/55=18,2%
et celle des investisseurs 81,8%. En cas de pertes de 15 sur les actifs, l’IFI supportera 18,2%*15= 2,73 et
CP/(CP+CI)
De la même manière, la relation illustrant la part de perte qui sera supportée par les comptes
d’investissements sera :
CI/(CP+CI) ou (1-CP)/(CP+CI)
Nous avons donc une résilience conséquente par rapport aux banques du système financier
conventionnel qui, elles, font faillite en cas de perte de 15. Cihak and Hesse, (2008) montrent que ce
partage évite la détérioration des bilans des IFI en cas de difficultés économiques. Cette résilience a
été vérifiée même au niveau du client, par une récente étude empirique basée sur les données de la
banque centrale de Pakistan dans laquelle Baele, Farooq et Ongena (2010) constatent que le taux de
défauts sur les financements islamiques est très largement inférieur à celui sur les financements
classiques. Askari et al (2013, p119) ont répertorié les avantages liés au financement par le capital
plutôt que par la dette :
• Un marché actions plus efficient et diversifié en opportunités ;
• Réduction de la dépendance vis-à-vis des créanciers et de leurs intérêts ;
• Permet au gouvernement de financer ses projets en partenariat avec ses citoyens et par là,
d’améliorer la relation mutuelle ;
• Limite la création monétaire et facilite la politique monétaire ;
• Peut créer plus de solidarité sociale ;
• Permet un meilleur contrôle du fait de l’implication des citoyens et donc une meilleure
gouvernance ;
• Offre un levier intéressant pour le financement de projets à long-terme ;
• Permet de mieux gérer la liquidité tant pour l’Etat que pour les entreprises.
215La traduction littérale du concept serait la politique dans le cadre de la charia. C’est en réalité ce qui est délégué aux autorités afin
d’améliorer le bien-être général, n’étant pas clairement cadré par des textes légaux de la charia, mais plutôt par des textes d’ordre moral.
216Broek Taoufiq-Johan Van Den (2011-2012), La FI est- elle un remède à la crise ?, Rapport, Université Catholique de Louvain, Centre
interdisciplinaire d'études de l'Islam dans le monde contemporain (CISMOC). URL :
http://www.ethesis.net/finance%20islamique/finance%20islamique.pdf (19/07/2018)
217 Les biens de production (immobilier, machines, matériel roulant…) n’étant pas soumis à la Zakat
218
Il serait intéressant de voir si les IFI incluent dans les produits Musharaka, la Musharaka dégressive immobilière avec promesse
d’achat contraignante, qui n’est rien d’autre, finalement, qu’un produit de consommation basé principalement sur l’endettement et le
remboursement de créances, bien qu’il soit plus participatif que la Murabaha. Si c’était le cas, nous serions amenés à conclure qu’en aval,
le principe de PPP est quasiment absent et la résilience à la spéculation clamée ne sera pas au rendez-vous en cas de choc financier. Seule
la résilience en amont atténuerait le choc, au profit des banques.
219 PSIA : Profit sharing investment accounts, sigle utilisé pour faire référence aux comptes participatifs, contrairement aux comptes de
R = (N*P*J*T)/360221
Exemple : R = 1MDhs*6%*90*0.75/360
Une étude de corrélation entre les taux des marchés monétaires conventionnels et ceux des produits
islamiques en Malaisie donne les niveaux de corrélation suivants (Obiyathulla, 2008, p18):
Benchmark Corrélation
(i) Overnight 0.949027
(ii) 1 semaine 0.975201
. " ال تبع ما ليس عندك: فقال، أفأبتاعه له من السوق ؟، يأتيني الرجل فيريد مني البيع ليس عندي، يا رسول هللا: "عن حكيم بن حزام قال 222
3503 : صحيح أبي داود الرقم- األلباني: المحدث- صحيح: خالصة الدرجة- حكيم بن حزام:الراوي
MV=PT223
Partant de l’hypothèse que V et T sont des données fixes à court terme, en cas de baisse de la
croissance de la masse monétaire (baisse de M), nous avons automatiquement une baisse de
l’augmentation des prix P. L’inflation est donc bien moindre dans un système financier islamique du
fait de l’absence de l’intérêt et de la création monétaire ex-nihilo. Cela est confirmé par Askari et al
(2013, p92) selon qui la FI limite le système des réserves fractionnaires. Il faudrait d’ailleurs, selon eux,
que le mode de fonctionnement des IFI s’adapte à cela en décidant de ne plus utiliser les dépôts des
comptes courants et de les classer comme ‘’amanah’’ inutilisable par l’IFI plutôt que ‘’qard hassan’’,
comme c’est le cas actuellement, ce qui ne leur permettra plus d’en user d’un point de vue
jurisprudentiel (Askari et al, 2010, p102).
Certains théoriciens sortent cependant de ce consensus à l’instar de Siddiqi (1983) dans ‘’Issues
in islamic banking’’ ou encore Boudjellal (1998) dans ‘’Les banques islamiques’’ en arguant qu’à partir
du moment où l’Etat contrôle les instruments monétaires, il peut se permettre de procéder à la
création monétaire (seigneuriage) afin de financer les projets d’investissement. Ces auteurs
reprennent, entre autres, l’argument selon lequel l’attribution de prêts pour financer l’investissement
et le commerce est sain et ne générerait pas d’inflation. Pourtant, déjà au 18ème siècle, cet argument
est « très vivement rejeté par Ricardo », « les échanges favorisent l’escompte qui favorise l’inflation »
(Kindleberger, 1978, p64). En tout état de cause, en suivant cette seconde opinion, il est possible d’être
223 MV=PT : masse monétaire*vitesse de circulation = niveau des prix*transactions (ou quantité de transactions)
224 Friedman, M. 1972, « An economist’s Protest », New Jersey : Thomas Horton and company
225 Askari, Iqbal, Krichene, Mirakhor, 2010, « The Stability of Islamic Finance », Wiley
Il y a certes eu des efforts afin de rendre ces pratiques plus conformes à la charia, comme la
création de l’IILM (international islamic liquidity market), mais cela reste encore embryonnaire tant au
niveau des marchés financiers qu’au niveau du financement de la consommation. Les articles 4/5 à
4/10 des normes AAOIFI proscrivent clairement ce genre de contrat. Sur le plan du taux de référence et
la nécessité d’avoir une courbe de taux, l’initiative du IIBOR229 permet d’obtenir un taux de référence
indexé sur la moyenne des profits (Seshachellam, 2013, p19). Le dernier rapport de l’IFSB230 (2015,
p18), montre que les IFI sont à un niveau de levier de 10,5 alors que les banques sont à des niveaux de
15 à 20. Enfin, les SWAPS de profit, le Wa’ad et certains Sukuk permettent également d’amplifier le
levier (IFSB-15, p35). L’exposition au levier est donc contrairement à la vision théorique, bien existante
et assez significative, bien que largement inférieure à l’exposition des banques conventionnelles. La
résilience théorique de la FI à ce facteur est donc à nuancer sérieusement.
228 Tawarruq organisé : Une forme de tawarruq dans laquelle l’IFI prend des mandats successifs pour se charger de l’ensemble des
transactions au nom du client. Le tawarruq classique, lui, consistait à acheter réellement une marchandise à tempérament, pour la
revendre à un tiers, afin d’obtenir de la liquidité immédiate. El Gamal (2005, p11)) montre que plus on ajoute d’intermédiaires dans une
vente Al Ina (buy-back) plus le nombre de juristes qui la condamnent diminuent, ce qui explique la complexité et le nombre d’étapes de
certains montages. Cela en supposant que les transactions financières sont adossées à des flux bien physiques et réels.
229 IIBOR : International islamic bank offer rate
230 IFSB : Islamic Finance Services Board, organe chargé d’établir des normes prudentielles à destination des IFI, basé à Kuala Lumpur
Source : L’auteur
Seule la négociation d’actifs titrisés est licite, à travers le processus des Sukuk. De même, seuls
les Sukuk participatifs (Musharaka, Murabaha…) sans garantie du nominal ou ceux ayant un actif
sous-jacent générant un loyer ou un profit, sont admis au marché secondaire ; Le reste constitue une
titrisation de dette (asset based securities, titres d’opération Murabaha et autres titres qui
matérialisent seulement des flux de dettes) dont la négociabilité, voire la licéité pour certains, est
dénoncée par les jurisconsultes, comme ce fut le cas avec Mufti Taqi Usmani, secrétaire général de
l’AAOIFI, lorsqu’il a affirmé en 2008 que 85% des Sukuk n’étaient pas conformes (Rapport Al
Khawarizmi, 2012, p74). Toujours selon lui, « il n’y a pas de doutes sur le fait que les comités de
Shari’ah ont permis aux IFI d’utiliser des opérations s’approchant plus de la ruse qu’à des opérations
réelles, mais cette permission s’est faite sur la base d’un contexte difficile avec peu d’IFI. Le but était de
permettre aux banques de survivre en essayant de converger progressivement vers l’application stricte
de la Shari’ah dans ses opérations et prendre leurs distances petit à petit par rapport aux banques
conventionnelles ». Les titres circulant sur le marché financier en FI doivent, en ce sens, refléter des
actifs réels sous-jacents, et ne pas permettre une déconnexion entre le marché financier et
Ces critères, variables selon l’indice étudié, ne sont pas communément admis parmi les
praticiens de la FI231 du fait de leur souplesse excessive et leurs carences au regard des objectifs de la FI,
notamment la dette, selon certains experts (Khan, Muntaqa et Abdulsamad, 2008, p21). Ils sont aussi
qualifiés d’arbitraires et subjectifs (Obiyathulla, 2009, p3). Ils permettent de s’inscrire dans un cadre
favorisant l’endettement de manière durable, en cautionnant jusqu’à 33% d’endettement à intérêts
231L’Académie du Fiqh rejette toute action d’une entreprise qui reçoit ou verse des intérêts même en dessous de 5% de son actif tel que
toléré par le Dow Jones Islamic Index (Abou Zeid, 2008, p8)
Il en va de même pour la négociabilité des Sukuk incorporant moins de 49% de dette, tolérés par
certains Sharia Boards (Grewal, 2013, p16). Ces produits, refusés dans la majorité des autres pays, ne
sont rien d’autre que des titres de dette, tout ou partie, dans la mesure où ils représentent des flux
futurs d’une transaction commerciale déjà préétablie, et qui ne sont en théorie pas éligibles à une
négociation au niveau du marché secondaire. Cette titrisation permet, entre autres, d’accentuer
l’omniprésence des produits basés sur l’endettement et donc possiblement l’expansion de la base
des crédits, cause essentielle d’instabilité selon Maurice Allais (Allais, 1999). Le risque de défaut,
propice aux activités spéculatives à la baisse, n’en devient que plus probable. Avec l’expansion de ce
genre de pratiques, la vertu de la FI qui s’exprimait à travers l’interdiction de la négociabilité de la
232 Bay al iinah : Procédé par lequel un client en besoin de liquidité achète à tempérament un bien puis le revend immédiatement à celui
qui le lui a vendu, en se faisant payer cette fois en liquide, mais avec un montant inférieur. Le résultat de cette transaction est la
génération d’une dette dont le montant de remboursement dépasse le montant prêté, une réplique du crédit classique mais utilisant une
transaction intermédiaire pour atténuer l’aspect illicite. Ce procédé est proscrit chez trois des quatre principales écoles de jurisprudence,
et fait divergence dans l’école Chaféite, qui domine en Malaisie.
Figure 30 : Volume des principaux instruments interbancaires en Malaisie (Askari et al, 2013, p125)
Les Sukuk
les plus liquides
Une autre explication de la tendance à la réplication est la présence de plus en plus importante
au niveau académique de chercheurs ayant une formation en finance conventionnelle et qui essaient
d’islamiser, à travers des détours juridiques, les produits classiques qu’ils maitrisent, ce qui donne
des propositions encourageant la titrisation et la négociabilité des créances (réescompte d’effets de
commerce…) à une valeur différente de la valeur nominale (Davies, 2013, p43), élément proscrit par les
principes de la FI. Nous retrouvons cette idée, entre autres, chez Jobst (2008, p2), Andreas de son
prénom : « la FI peut synthétiser de proches équivalents à l’Equity, aux crédits hypothécaires et aux
dérivés connus en finance conventionnelle », une assertion qui semble dénuée du recul nécessaire par
rapport aux principes fondateurs que nous avons pris le soin d’étayer en première partie. Ces analyses
sont actuellement pléthore. Hideur (2013) constatait que « l’exercice des activités des IFI reste inféodé
au système dominant dans ses référentiels techniques, réglementaires et professionnels. Certains de
ces établissements, dans leur souci de s’imposer dans leur environnement concurrentiel et d’offrir une
rémunération compétitive à leurs actionnaires ou leurs investisseurs tout en réduisant les risques
Conclusion du chapitre
L’étude des facteurs exogènes de la spéculation a permis de conforter les conclusions tirées du
premier chapitre sur la résilience des principes de la spéculation. Cette résilience théorique est, ici
également, à nuancer pour un certain nombre d’éléments. Précisons que le fait de nuancer la
résilience est commun à l’ensemble des facteurs, sans exception. Pour autant, la remise en cause
sérieuse de la résilience ne concerne que certains facteurs. Au niveau du cadre réglementaire, cela
concerne notamment l’arbitrage réglementaire et fiscal, les opérations et les comptabilités parallèles,
la cotation continue ainsi que le poids des lobbys. Pour les facteurs liés au contexte financier, cela
concerne la structure oligopolistique et la domination de l’analyse comportementale. Pour les facteurs
du cadre macroéconomique, cela concerne le système bancaire la dette et la détérioration de
solvabilité, ainsi que la création monétaire et l’abondance de liquidités. Tout l’objet de la partie qui suit
est d’élaborer un instrument de mesure qui permettra de mettre tout cela en perspective.
Le long de cette exploration bibliographique, l’objectif fixé était de comprendre dans quelle
mesure la FI serait-elle qualifiée de système financier. Dans son acceptation la plus large, cet objectif
s’étend aussi à la présentation des raisons propres audit système islamique, comparativement à
d’autres systèmes, qui le rendent capable de mieux faire face à l’instabilité et la spéculation. Cette
quête implique aussi l’identification de l’ensemble de ses différences notables avec le système
Les entretiens effectués avec ces experts de la FI en Malaisie nous ont fortement aidé à confirmer un
certain nombre de constats relevés au niveau de la littérature, surtout lorsque l’expérience de ce pays
était évoquée. Ce fut l’un des volets majeurs de notre étude terrain. Les principaux éléments de ces
entretiens seront évoqués ultérieurement. Pour autant, une dissonance importante persistait et
semblait de plus en plus incontournable au fil des discussions.
233
Le guide d’entretien sera en effet bien plus mature. Pour autant, il sera réorienté vers une étude qualitative, qui s’avèrera plus en
phase avec les impératifs de notre thèse. Ce point sera détaillé davantage.
Dans cette construction, étant donné que nous avons émis l’hypothèse selon laquelle les MFI
étaient immunisés face aux facteurs pouvant contribuer au risque spéculatif, un renversement total
de notre posture méthodologique s’est opéré pour passer de l’approche hypothético-déductive à une
démarche hypothético-déductive falsificatrice. Comme cela fut rappelé en introduction, dans les
schémas complexes dont la nature même rend difficile de prouver que l’ensemble des facteurs sont
absents, il devient plus simple de prouver que l’un des facteurs est présent, et tester l’hypothèse. Il
fallait alors démontrer qu’au moins un facteur de spéculation pouvait se manifester dans ces marchés,
pour pouvoir remettre en cause l’hypothèse. L’incapacité à aller au bout de cette démonstration
constituerait une confirmation de l’hypothèse. Dans cette perspective, l’identification de notre
idéaltype, et l’élaboration de notre référentiel conceptuel furent des étapes décisives.
A cet effet, l’enquête représente, dans le cadre de notre recherche, l’aboutissement des efforts
de conceptualisation théorique, à travers leur confrontation aux données recueillies. Les éléments
théoriques obtenus, à travers le processus d’induction qui a servi dans la structuration des facteurs de
la spéculation (partie II), seront utilisés comme cadre de base pour l’élaboration de nos questions
soumises au panel d’experts des marchés financiers conventionnels (partie IV) ainsi qu’aux experts des
MFI (partie V) qui seront, eux, bien plus rares. Ainsi, bien que nombreux, les facteurs de la spéculation
donneront lieu, pour chacun d’entre eux, à une ou deux questions principales dans notre questionnaire.
Dans le cadre de cette quatrième partie, et afin de pouvoir mettre en relief les éléments
analysés lors de la phase exploratoire sur le concept de spéculation, nous avons jugé nécessaire de
confronter les définitions et théories explicatives collectées sur le concept, à la pratique. A ce titre
nous avons élaboré une enquête quantitative sur les facteurs de spéculation en finance
conventionnelle, que nous avons soumise à un public relativement diversifié, averti et plus proche des
enjeux et des questions de la finance de marché. La liste de ce public comprend notamment :
234 « L’épistémologie positiviste s'inspire des trois axiomes de la syllogistique d’Aristote fondant la logique formelle contemporaine :
l'axiome d'identité, l'axiome de non-contradiction et l'axiome du tiers exclu. Elle reprend “ les règles pour la direction de l'esprit ” de
Descartes, Le Discours de la méthode (1637), qui postule la dualité sujet/objet et préconise le raisonnement déductif et analytique basé
sur les quatre préceptes : évidence, exhaustivité, réduction et causalisme. Le paradigme positiviste a été institutionnalisé par Auguste
Comte à travers son « tableau synoptique des disciplines scientifiques » construit en 1828, en le qualifiant de positif, le mot positif
désignant le réel. Le positivisme postule que la connaissance que constitue progressivement la science est la connaissance de la Réalité,
une réalité en soi, objective, indépendante des observateurs qui la décrivent ».
URL : http://theses.ulaval.ca/archimede/fichiers/20640/ch03.html#d0e1417 (24/04/2017)
235 Il est utile de souligner ici qu’un économiste avait attiré notre attention sur une des premières versions des questions, et l’aspect
éventuellement subjectif de certaines, ou qui pourraient influencer le répondant. Nous avons très tôt pris en compte cette remarque afin
de soumettre aux experts financiers et aux experts des MFI.
236 Neutralité axiologique : Notion introduite par Weber prônant une réserve totale de jugements de valeur lors de la recherche.
237 Echelle de Lickert : Echelle de mesure discrète, de 1 à 5, de type faible, moyen, bon…
Par ailleurs, l’agrégation des facteurs de la spéculation et leur pondération obéit, dans le cas de
notre baromètre, au principe de l’individualisme méthodologique238, qui fait l’objet « d’un large
consensus en économie » (Boudon, 1983). Ainsi, les facteurs ne sont pas des éléments subis devant
lesquels l’humain est passif, comme par exemple les conditions météorologiques. Ces facteurs de la
spéculation sont le fruit de stratégies individuelles lorsqu’ils sont endogènes, et le fruit d’interactions
d’opérateurs et d’institutions lorsqu’ils sont dans la catégorie ‘’exogène’’. Cet élément est à garder à
l’esprit afin d’avoir une lecture objective du baromètre. Pour autant, pouvons-nous dire de
l’élaboration de ce baromètre qu’elle est scientifiquement neutre et objective en tout point ?
Indépendamment de ce qui est avancée, le passage par le procédé de l’idéaltype ne doit pas
cacher la contingence de l’analyse, tant le concept approché relève de la science sociale et donc de
l’interaction humaine qui est par nature toujours complexe et en constante évolution. « À la
différence des ‘’types moyens’’ qui ne peuvent que résumer statistiquement des différences de degrés
de la part d’une même catégorie homogène, les types idéaux sont des constructions mentales du
chercheur plus adaptées à la complexité du social en mettant en relation pour chaque processus les
divers et hétérogènes ‘’sens visés’’ (Dantier, 2004, p4). Bien que le cadre soit scientifique et
relativement universel, ses composantes et ses variables doivent permettre une certaine latitude et
238Individualisme méthodologique : « L'expression individualisme méthodologique désigne, dans les sciences sociales, la démarche
explicative selon laquelle rendre compte d'un phénomène collectif (macroscopique) consiste à l'analyser comme la résultante d'un
ensemble d'actions, de croyances ou d'attitudes individuelles (microscopiques). Elle a été d'abord appliquée à la façon dont les faits
économiques ont été pensés, entre 1870 et 1914, par les économistes néo-classiques. »
URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/individualisme-methodologique/ (09/03/2017)
Dans cette optique, l’un des principaux défis de cette thèse fut d’opter pour la meilleure
posture épistémologique dans une discipline qui est à l’intersection de plusieurs domaines, assez
éloignés et obéissant à des paradigmes aux fondements complexes, parfois contradictoires. Le choix
d’un positionnement adéquat est d’autant plus délicat qu’une partie de la thèse emprunte la voie de
l’induction alors que l’ensemble est plus dans la déduction. En tout état de cause, un positionnement
épistémologique adéquat permet de valider le caractère scientifique de la connaissance produite,
qui est l’objet essentiel d’un travail de thèse. La posture choisie se doit donc d’être adéquate vu que
l’épistémologie peut « être définie comme la philosophie de la science » dont l’objectif est de
déterminer le caractère scientifique ou non du savoir produit (Perret et Séville, 2003, cités par Abu
Hamdane, 2013, p25).
A cet effet, il est utile de rappeler que, dans sa globalité240, notre recherche s’inscrit dans un
cadre hypothético-déductif de falsification241, comme étayé au niveau de l’introduction générale.
Nous nous donnons pour objectif de constater si, éventuellement, il est possible qu’un certain nombre
d’éléments infirment l’hypothèse selon laquelle les MFI sont immunisés face à tous les facteurs du
risque de spéculation. Cet objectif a été en partie atteint au niveau de la partie précédente, d’un point
de vue documentaire et au niveau de la littérature de seconde main. La présente partie servira surtout
à formaliser notre démonstration à travers l’établissement de notre instrument de mesure, clôturant
ainsi la parenthèse constructiviste de notre recherche, avant de le confronter à la pratique, aux
données primaires.
Dans le cadre de cette démarche hypothético-déductive de falsification, le chercheur s’inscrit
dans une démarche de test de modèle élaboré à partir de la théorie. Ce modèle théorique
représentera les principes fondateurs de la FI. La démarche de recherche est alors définie avant
l’intervention du chercheur sur le terrain. La méthode, si elle est fiable et valide, garantit des résultats
non biaisés : - un instrument de mesure fiable produit les mêmes résultats quelle que soit la
personne qui l’utilise et à n’importe quel moment ; - un instrument de mesure valide donne toujours
239 Heuristique : « Ce terme de méthodologie scientifique qualifie tous les outils intellectuels, tous les procédés et plus généralement
toutes les démarches favorisant la découverte - c'est la racine grecque du mot - ou l'invention dans les sciences »
URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/heuristique/ (09/03/2017)
240 Ce qui n’implique pas la totalité des parties de la recherche
241 http://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/2413/files/2015/02/mbengue.pdf
4.1.8 Difficultés
Comme pour tout travail de recherche, les difficultés n’ont pas tardé à apparaître dès les
premiers mois de notre exploration. L’un des premiers éléments qui fut un obstacle à l’avancement
rapide de la revue de littérature fut la focalisation de la majorité des travaux sur les IFI et le manque
de documentation spécifique aux MFI. Naturellement, la langue française n’offre pas un cadre
exhaustif et actualisé pour contourner tous ces points. Il a fallu composer avec les écrits en anglais et
en arabe. L’hétérogénéité des cadres jurisprudentiels régissant les différentes juridictions de la FI fut
un obstacle qui nécessitait également beaucoup de recul.
En ce qui concerne le concept de spéculation, nous nous retrouvions bien souvent prisonniers,
même lors de la lecture des plus grands économistes dans les revues américaines les plus prestigieuses
Au niveau empirique, c’est d’abord la constitution d’une base de données d’experts reconnus
et crédibles en finance de marché qui fut fastidieuse. Afin de collecter un peu plus d’une centaine de
répondants parmi les 7 catégories ciblées sur notre questionnaire lié aux facteurs de spéculation en
finance conventionnelle, nous avons dû constituer une base de près de 3500 contacts que nous avons
sollicité et relancé à plusieurs reprises durant plusieurs mois. Parmi les difficultés liées à notre premier
et principal questionnaire, nous relatons également le manque de disponibilité des opérateurs et
praticiens, comparativement aux académiciens. Enfin, la proposition d’indicateurs de mesure pour
chacun des facteurs a soulevé énormément de difficultés, dans la mesure où certains incorporaient
une subjectivité certaine, complexe à synthétiser en chiffres exhaustifs et significatifs.
Toujours au niveau empirique, mais cette fois-ci concernant notre questionnaire adressé aux
experts des MFI, nous avons également eu à affronter un certain nombre d’obstacles. L’absence
d’experts des MFI s’est clairement faite ressentir. Pour les rares cas connus, les aborder par un simple
entretien parait bien inaccessible. Le fait que ces experts soient tous à l’étranger compliquait
davantage la tâche, rendant la communication avec eux moins facile. Cette carence naturelle dans un
domaine de la FI, encore embryonnaire, nous a contraint à composer avec des questionnaires ad hoc,
s’inspirant des questionnaires adressés aux experts de la finance, et adaptés aux réalités de la FI. Parmi
les premières difficultés que nous avons également rencontrées, nous pouvons évoquer l’inexistence
d’un MFI en bonne et due forme qui permette de confronter les éléments relevés en théorie à la
pratique.
Conclusion du chapitre
En fin de partie, les facteurs dans les deux catégories de la seconde partie seront rappelés, un à
un, suite à quoi nous formulerons une proposition de « ratio de mesure » pour chaque facteur. Cet
inventaire permettra, in fine, d’aboutir à la mise en place d’un « Baromètre d’évaluation du risque de
spéculation ». Pour nous, ce baromètre du risque de spéculation devrait constituer un outil performant
pour nous permettre de nous prononcer, en fonction d’un marché étudié lambda, dans quelle mesure
celui-ci, possède les caractéristiques d’un marché spéculatif. Le baromètre permettra d’approcher le
concept de la spéculation de manière plus scientifique, que ce soit qualitativement ou numériquement,
et de l’appréhender de manière plus détaillée et objective.
Comme cela apparaît clairement, nous avons rencontré certaines difficultés lors de la collecte des
données en provenance des opérateurs et des experts en finance de marché. Toutefois, la somme de
ces deux catégories permet d’obtenir un effectif respectable de 17 sur les 109 répondants. Les publics
qui ont répondu le plus favorablement à nos sollicitations sont les professeurs et les étudiants ou
doctorants. Au vu des difficultés majeures à recueillir les réponses, l’administration du questionnaire
s’est étalée sur deux années (2014-2016). Cela s’explique notamment par le fait que les experts dans
le domaine de la finance de marché sont extrêmement sollicités, mais aussi par le fait que notre public
se trouve à l’étranger, et non au Maroc. Nous avons ainsi ciblé les universitaires et les experts dans les
pays abritant des marchés financiers où les pratiques du secteur sont développées et abritant des
universités de renommée internationale, comme le Royaume Uni, l’Union Européenne, les Etats-Unis
ou encore certains pays de l’extrême orient.
L’administration de l’enquête s’est faite à l’aide des formulaires d’enquêtes sécurisés Google
Forms, exclusivement par mail, de manière privée. La base de données que nous avons constituée
atteint plus de 3.500 contacts. Toutefois, le taux de réponse se situe autour de 3% après avoir relancé
les contacts de notre base de données pour une troisième sollicitation. En ce qui concerne le
questionnaire, les premières versions élaborées avant le déplacement en Malaisie ont subi un très
grand nombre de modifications, avant d’aboutir à la version finale. Nous avons utilisé sept entretiens
de visu pour tester la cohérence et la pertinence du questionnaire.
243 Ces questions, liées au profil du répondant, permettent de procéder à des traitements plus filtrés, par classe de répondant, au besoin.
La rentabilité des activités financières spéculatives dépasse de loin celle de l'économie réelle 3,89
Poids et pouvoir des lobbys financiers, ainsi que leur protection en cas de crise 3,81
L'effet de levier, possible et de plus en plus important 3,80
Asymétrie d'information, opacité et fausses rumeurs 3,80
Le Spoofing 3,78
La volatilité importante des marchés 3,72
Complexité croissante des produits structurés (mal cernés) et excès d'innovation financière 3,71
Manque d'intérêt pour l'éthique, le profit rapide seule variable de mesure de performance 3,65
Poids de plus en plus important des dérivés dans les volumes de transactions 3,62
Excès de prise de risque, les dérivés finissent chez les plus aventuriers et non les plus solides 3,59
Déréglementation excessive qui aboutit à ce que les autorités de régulation ont des budgets et compétences 3,51
inférieurs à ceux des spéculateurs qu'ils sont censés contrôler
Cupidité, course au prestige entre traders 3,45
La vente à découvert 3,42
Des assureurs qui spéculent de plus en plus et qui couvrent la spéculation également (CDS...) 3,38
Une autre question fut greffée en cours de route, mais bien tardivement à la conception du
questionnaire et son administration, suite à la recommandation d’un professeur, tout en étant
indépendante des facteurs : Dans quelle mesure ce questionnaire vous semble-t-il couvrir les facteurs
de la spéculation ? A cette question, 85% des répondants ont des réponses variant de 3 à 5, c'est-à-
dire oscillant entre ‘’couvre assez les facteurs de la spéculation’’ et ‘’l’essentiel des facteurs y figure’’.
Le décalage calendaire de cette question n’est pas problématique dans la mesure où elle n’est
qu’indicative et n’impacte pas le classement des facteurs. Cela confirme à nouveau la pertinence de
nos choix de facteurs lors des deux étapes préalables. Le tableau suivant permet de récapituler les
réponses collectées à propos de cette question indépendante :
Dans le sillon de notre analyse, nous construisons le tableau suivant en calculant les moyennes par
catégorie de répondants et ce dans la perspective d’avoir une idée encore plus claire des moyennes
selon la fonction du répondant.
1 2 3 4 5 6 7
Le facteur étudié
E/D P.F Pfm P.E O Efm A
Manque d'intérêt pour l'éthique, le profit rapide étant la seule variable de
3,22 3,21 3,63 3,21 3,93 4,57 4,31
mesure de performance
Cupidité, course au prestige entre traders 2,78 3,44 3,13 3,44 3,80 3,71 3,81
Excès de prise de risque, les dérivés finissent chez les plus aventuriers et non
3,00 3,77 3,00 3,77 4,25 3,86 3,50
les plus solides
L'intention de spéculer à court terme dès le début de la transaction 3,00 3,91 4,27 3,91 3,87 4,14 4,19
Des assureurs qui spéculent de plus en plus et qui couvrent la spéculation
3,22 2,97 2,93 2,97 4,07 3,86 3,73
également (CDS...)
La vente à découvert 3,89 3,31 3,00 3,31 3,53 3,57 3,53
Les ventes futures 2,67 2,97 2,29 2,97 3,00 3,86 3,33
Le Spoofing 2,89 3,77 3,75 3,77 3,73 4,00 4,13
Complexité croissante des produits structurés (mal cernés) et excès
2,78 3,74 3,69 3,74 3,80 4,00 4,12
d'innovation financière
Poids de plus en plus important des dérivés dans les volumes de transactions 3,33 3,26 3,44 3,26 3,73 4,00 4,25
Possibilité d'arbitrage réglementaire et fiscal 3,11 2,71 3,31 2,71 3,27 3,43 3,33
Domination croissante des opérations et comptabilités parallèles et hors bilan
2,78 2,97 3,33 2,97 4,07 3,43 3,20
(OTC)
Déréglementation excessive qui aboutit à ce que les autorités de régulation ont
des budgets et compétences inférieurs à ceux des spéculateurs qu'ils sont 2,56 3,37 3,40 3,37 4,40 3,86 3,81
censés contrôler
Poids et pouvoir des lobbys financiers, ainsi que leur protection en cas de crise 3,78 3,69 3,33 3,69 4,27 4,43 4,29
Cotation continue et fréquence des transactions 3,44 3,09 3,67 3,09 3,27 2,71 4,00
Domination des analyses comportementales et de la psychologie de marché sur
2,89 2,89 3,53 2,89 3,27 2,86 3,25
l'analyse fondamentale et économique réelle
Domination de l'intermédiation et d'acteurs institutionnels de grande taille
3,22 2,77 2,53 2,77 3,40 3,14 3,50
(structure oligopolistique)
La rentabilité des activités financières spéculatives dépasse de loin celle de
3,13 3,60 3,53 3,60 4,47 5,00 4,25
l'économie
La volatilité importante des marchés 3,22 3,74 3,07 3,74 3,93 4,29 3,88
Asymétrie d'information, opacité et fausses rumeurs 3,22 3,56 3,93 3,56 4,13 4,14 4,20
Détérioration de la solvabilité des agents économiques et financiers 2,67 2,83 2,60 2,83 2,93 3,14 3,08
Création monétaire et abondance de crédit et de liquidités 3,56 3,31 2,93 3,31 3,27 3,86 3,38
L'effet de levier, possible et de plus en plus important 4,00 3,34 3,93 3,34 4,00 4,14 4,06
La possibilité de titriser la dette puis la négocier sur le marché 2,56 3,17 3,40 3,17 3,67 4,29 3,35
LEGENDE : E/D : Etudiants et doctorants P.F : Professeurs de finance Pfm : Professeurs de finance de marché
P.E : Professeurs d‘économie O : Opérateurs Efm : Experts en finance de marché A : Autres
La catégorie dont les notes sont les moins élevées est celle des étudiants ou doctorants en
finance de marché. Ce public est généralement un public qui n’a pas encore côtoyé effectivement le
métier. Il s’y destine, et donc l’idéalise en un sens. Cette idéalisation est l’une des explications
éventuelles de ces résultats bien inférieurs aux autres catégories. Selon eux, ces facteurs ne sont pas à
ce point des facteurs significatifs de la spéculation, c’est peut-être moins grave dans leur imaginaire
que ce qui s’en dit. Ils admettent qu’ils contribuent à la spéculation, mais pas de manière aussi
flagrante que supposée. Ces résultats peuvent aussi s’expliquer par une faible connaissance des effets
de chacun des facteurs.
Conclusion du chapitre
Ces conclusions ayant été évoquées, nous passerons ci-après en revue les principaux
éléments de l’analyse multivariée à travers la confrontation des résultats et des conclusions que nous
pouvons en tirer afin d’atteindre le second objectif de l’analyse statistique, à savoir la validation ou
l’infirmation de la catégorisation déduite de l’analyse théorique.
244
Cette analyse se présente comme un ensemble de techniques multivariées, applicables à des tableaux de grande taille et contenant
plusieurs variables relatant les caractéristiques des individus. L’ACP a pour but principal de réduire et de résumer les données, et ce en
réduisant l'information permettant notamment de décrire la position d'un individu dans l'ensemble de la population.
245 « Le coefficient de corrélation linéaire simple, dit de Bravais-Pearson (ou de Pearson), est une normalisation (division) de la covariance
par le produit des écarts-type des variables. Il est de même signe que la covariance, avec les mêmes interprétations. Le coefficient de
corrélation constitue une mesure de l'intensité de liaison linéaire entre 2 variables. Le coefficient de corrélation sert avant tout à
caractériser une relation linéaire positive ou négative. Il s'agit d'une mesure symétrique. Plus il est proche de 1 (en valeur absolue), plus la
relation est forte. » URL : http://eric.univ-lyon2.fr/~ricco/cours/cours/Analyse_de_Correlation.pdf (09/03/2017)
246 http://grasland.script.univ-paris-diderot.fr/STAT98/stat98_6/stat98_6.htm (09/03/2017)
247 Même référence
Ci-après, nous construisons une matrice de corrélations avec dédoublement d’effectif de trois catégories comme pour la seconde table des moyennes.
Marchés Financiers Islamiques et Risque de Spéculation - © Mohamed Talal LAHLOU
- 293 -
Tableau 10 : Matrice des corrélations entre facteurs après dédoublement des effectifs
i. Le premier groupe de corrélations concerne celles qui apparaissent entre les facteurs
exclusivement relatifs à notre première catégorie de facteurs de la spéculation, les facteurs
endogènes au marché, relatifs aux comportements dominants et aux principales transactions ;
ii. Le second groupe de corrélations contient des facteurs des deux catégories.
iii. Le troisième groupe de corrélations se rapporte à celles qui apparaissent entre les facteurs
relatifs à notre seconde grande catégorie de facteurs de la spéculation, les facteurs exogènes
au marché, et qui concernent son cadre réglementaire, financier et macroéconomique ;
Prenons le temps d’analyser quelques corrélations significatives dans chacun des groupes identifiés,
afin d’en valider la logique et la pertinence.
a. Groupe 1
Le facteur « Ethique marginalisée » est significativement corrélé (>0,6) avec plusieurs autres
facteurs. Tout d’abord, avec le facteur « Cupidité, course au prestige » (>0,7), cette relation est très
intuitive. La cupidité est généralement inversement proportionnelle à l’éthique. Le profit rapide est
également une autre manifestation de la cupidité. De manière générale, il est admis que plus nous
sommes cupides, moins nous donnons de sens moral à notre action, et plus nous sommes enclins à
procéder à des opérations controversées, voire peu raisonnables. Le manque d’intérêt pour l’éthique
est aussi significativement corrélé au facteur « Complexité croissante des produits structurés et excès
d'innovation financière ». Ces éléments concordent avec le fait que les financiers, moins préoccupés
par l’éthique, ont moins de gêne à diffuser des produits plus complexes, dont la complexité sert à
cacher la réalité, comme l’aurait dit Galbraith à propos du fonctionnement du système monétaire.
Dans un registre similaire, le facteur « Cupidité, course au prestige » est fortement corrélé au
facteur « Des assureurs qui spéculent de plus en plus et qui couvrent la spéculation également (CDS...) ».
La course au gain a sans doute été un élément déterminant qui amena les assureurs à intégrer le
monde de la spéculation financière. L’arrivée de ces acteurs n’est d’ailleurs pas un élément qui est de
nature à apaiser les tensions entre traders, dont la concurrence vire parfois à l’affrontement personnel.
b. Groupe 2
La corrélation entre le facteur « Complexité croissante des produits structurés (mal cernés) et
excès d'innovation financière » et le facteur « Domination croissante des opérations et comptabilités
parallèles et hors bilan (OTC) » est intéressante à plusieurs égards. Retenons que la complexité sert
souvent à contourner certaines restrictions réglementaires, mais aussi que ce besoin de
contournement requiert de plus en plus des produits complexes. La corrélation de la complexité avec
la rentabilité des activités financières s’inscrit dans le même contexte. Les opérateurs doivent faire
preuve d’inventivité au niveau de la complexité des produits structurés pour pouvoir se procurer une
rentabilité durablement supérieure à celle de l’économie réelle. Cette complexité trouve sa meilleure
expression dans les produits dérivés. Le poids de plus en plus important des produits dérivés a de
nombreuses corrélations, toutes relatives à notre seconde grande catégorie de facteurs, à savoir les
facteurs exogènes, relatifs au contexte et au cadre du marché. Cela témoigne de l’ancrage de la
corrélation entre première et seconde catégorie de facteurs, et qui fut l’une des raisons essentielles
derrière l’échec de nombreuses analyses de la spéculation, ayant eu beaucoup de mal à discerner les
différentes composantes et causes de la spéculation de manière structurée et fluide. Le poids des
dérivés est tout d’abord corrélé à la possibilité d’arbitrage réglementaire et fiscal. Ceci constitue une
Groupe 3
Une corrélation importante est à noter entre le facteur « Déréglementation excessive qui
aboutit à ce que les autorités de régulation ont des budgets et compétences inférieurs à ceux des
spéculateurs » et le facteur « Domination croissante des opérations et comptabilités parallèles et hors
bilan ». Elle est de l’ordre de 0,684. Cette corrélation est assez intuitive vu que la déréglementation
se traduit par plus de souplesse au niveau du contrôle des opérations, ce qui facilite le hors bilan et
les opérations de gré à gré, moins transparentes. La prolifération de ces opérations met aussi le
régulateur bien souvent devant le fait accompli le poussant à alléger son périmètre de régulation. La
déréglementation est aussi significativement corrélée au facteur « Poids et pouvoir des lobbys
financiers ». Les éléments d’explication sont assez proches. Il est naturel que lobbying se traduise par
davantage de déréglementation au niveau des lois, pour donner plus de souplesse aux acteurs. Dans
le sens inverse, il semblerait qu’ayant plus de latitude dans leurs opérations, les financiers
parviennent à dégager davantage de profits et donc effectuer de plus en plus d’activités de lobbying.
Notons qu’en général, la corrélation n’est pas un indicateur suffisant pour dégager un lien de
causalité clair, et encore moins dans un sens plutôt que dans l’autre.
Dans le registre de l’effet de levier, une corrélation logique est à relever, avec la création
monétaire. A ce titre, l’effet de levier ne peut exister sans la possibilité réglementaire de procéder
aux achats à la marge, avec une avance d’une partie infime du montant, opérée par les brokers
(shaddow banking), elle-même étant une déclinaison dans les marchés financiers de la possibilité de
Une dernière corrélation importante lie le facteur « La rentabilité des activités financières
spéculatives dépasse de loin celle de l'économie » et le facteur « Asymétrie d'information, opacité et
fausses rumeurs ». L’observateur comprendra facilement que la rentabilité est plus importante pour
les initiés dans un environnement où la distribution de l’information n’est pas parfaite et dans un
cadre où la manipulation est facilitée, ou tolérée, à travers les fausses rumeurs et l’opacité. Notons
que des arguments similaires peuvent être avancés pour un certain nombre de secteurs de
l’économie, ce qui ne nous renseigne donc pas plus sur la pertinence de cette relation.
Par ailleurs, et en dehors des fortes corrélations de ces trois groupes, nous pouvons donner à
titre d’exemple des coefficients de corrélation moins prononcés entre les facteurs suivants :
• « Le Spoofing » et le facteur « Des assureurs qui spéculent de plus en plus et qui couvrent la
spéculation également (CDS...) » corrélés à 0,545 ;
• Le facteur « Manque d'intérêt pour l'éthique, le profit rapide étant la seule variable de mesure
de performance » et « La possibilité de titriser la dette puis la négocier sur le marché » à 0,516.
Relevons aussi de faibles corrélations entre les variables :
Manque d'intérêt pour l'éthique, le profit rapide étant la Complexité croissante des produits structurés (mal cernés) et
0,612 / 0,667
seule variable de mesure de performance excès d'innovation financière
Complexité croissante des produits structurés (mal Poids de plus en plus important des dérivés dans les volumes
0,718 / 0,720
cernés) et excès d'innovation financière de transactions
Corrélations
mixtes
Manque d'intérêt pour l'éthique, le profit rapide étant la La rentabilité des activités financières spéculatives dépasse de
0,591 / 0,626
seule variable de mesure de performance loin celle de l'économie
Complexité croissante des produits structurés (mal Domination croissante des opérations et comptabilités
0,607 / 0,630
cernés) et excès d'innovation financière parallèles et hors bilan (OTC)
Complexité croissante des produits structurés (mal La rentabilité des activités financières spéculatives dépasse de
0,532 / 0,604
cernés) et excès d'innovation financière loin celle de l'économie
Poids de plus en plus important des dérivés dans les Poids et pouvoir des lobbys financiers, ainsi que leur protection
0,569 / 0,606
volumes de transactions en cas de crise
Notre prochaine démarche consistera à vérifier que nos facteurs peuvent être regroupés en deux
catégories, tel que nous l’avons conclu à l’issue de l’étude théorique et documentaire. Pour ce faire,
nous avons recours à la boite à outils statistique adéquate de l’ACP, comme le veulent les règles d’art
en la matière.
Plus la valeur prise par cette mesure est élevée, plus la solution factorielle obtenue est satisfaisante. En
fait, la lecture de la valeur de cet indice KMO permet de donner une évaluation de la cohérence d’un
ensemble de variables choisies. Autrement dit, on apprécie la cohérence d’un bloc de variables, dans la
perspective de définir une solution pertinente en termes conceptuels dans l’analyse factorielle associé
à l’ACP.
Une autre mesure associée à celle donnée par l’indice KMO est le test de la sphéricité de
Bartlett. Cette nouvelle mesure sert à évaluer le fait que les variables étudiées ou le bloc de variables
choisies sont parfaitement indépendantes les unes des autres. En termes mathématiques, ce test
vérifie si la matrice de corrélation est une matrice identité à l'intérieur de laquelle toutes les
corrélations sont égales à zéro. En principe, la lecture du résultat de ce test est possible par référence à
la p-valeur, c’est-à-dire la valeur critique du test en question. Si la p-valeur est bien inférieure au risque
conventionnel de 5%, nous sommes amenés à dire que le test est significatif et, partant de là, nous
pouvons rejeter significativement l'hypothèse nulle stipulant que les variables étudiées sont
parfaitement indépendantes les unes des autres.
L’indice KMO de 0,794 peut être qualifié de ‘’bien’’, quasi-excellent. Il nous indique que les corrélations
entre les items sont de bonne qualité. En outre, le résultat du test de sphéricité de Bartlett est
significatif puisque la p-valeur est inférieure à 5%. Nous pouvons donc rejeter l'hypothèse nulle voulant
que nos données proviennent d’une population pour laquelle la matrice serait une matrice identité et
que les variables étudiées sont parfaitement indépendantes les unes des autres. Les corrélations ne
sont donc pas toutes égales à zéro. Nous pouvons donc poursuivre l'analyse de manière assez sereine.
Dans le déploiement de l’ACP, le nombre de facteurs à extraire devait être défini. En principe,
l’information devrait tendre à être représentée souvent sur un plan (deux dimensions) ou rarement
dans l’espace (trois dimensions). Mais ce choix, devrait se faire en ayant recours à l’analyse du
tableau donnant la variance totale expliquée. Dans le tableau donnant la ventilation de cette variance,
l’importance de chaque axe est donnée par le pourcentage de la variance expliquée.
Pour ce faire, nous analysons le tableau de la variance totale expliquée, ci-dessous. A la lecture
de la deuxième colonne du tableau, nous constatons que six composantes possèdent des valeurs
propres supérieures à la valeur unité (1). Ces six premiers facteurs permettent une restitution
d’information de près de 70% de l’information brute. Le premier facteur explique à lui seul 39,702%
de la variance totale donnée par les 24 variables de l'analyse alors que le second facteur ne rapporte
que 7,972% de l’information globale. Le premier plan aura alors à expliquer 47,674% de l’information
rapporté par le tableau brut contenant les 24 variables. Nous nous intéresserons alors au facteur 1 et
au facteur 2 qui présentent la restitution marginale de l’information la plus élevée. Toutefois, nous
pouvons souligner que ce score est moyen et que, de ce fait, l’analyse de la dispersion des données
dans l’espace qui suit est basée sur une perte d’informations relative.
% de la % de la % de la
Composante Total variance % cumulés Total variance % cumulés Total variance % cumulés
1 9,528 39,702 39,702 9,528 39,702 39,702 6,883 28,681 28,681
2 1,913 7,972 47,674 1,913 7,972 47,674 4,558 18,993 47,674
3 1,531 6,381 54,054
4 1,436 5,981 60,035
5 1,279 5,330 65,366
6 1,106 4,608 69,973
7 ,948 3,952 73,925
8 ,875 3,647 77,573
9 ,795 3,312 80,885
10 ,744 3,098 83,983
11 ,565 2,353 86,336
12 ,536 2,234 88,570
13 ,483 2,012 90,582
14 ,374 1,557 92,139
15 ,340 1,415 93,554
16 ,300 1,251 94,805
17 ,252 1,049 95,854
18 ,209 ,873 96,727
19 ,204 ,852 97,579
20 ,168 ,702 98,281
21 ,137 ,570 98,851
22 ,115 ,480 99,331
23 ,096 ,401 99,732
24 ,064 ,268 100,000
248 « L’application de la rotation Varimax aide à identifier la contribution des variables à la formation des axes factoriels. Ceci permet de
tirer, d’une manière rapide et synthétique, des conclusions sur les dimensionnalités des variables, évitant tout biais lié à la qualité de la
projection et à la synthèse des données. »
URL : http://www.lesphinx-developpement.fr (09/03/2017)
La rentabilité des activités financières spéculatives dépasse de loin celle de l'économie réelle ,543 ,582
La volatilité importante des marchés ,239 ,770
Asymétrie d'information, opacité et fausses rumeurs ,151 ,706
Détérioration de la solvabilité des agents économiques et financiers ,410 ,345
Création monétaire et abondance de crédit et de liquidités ,414 ,379
L'effet de levier, possible et de plus en plus important ,429 ,555
La possibilité de titriser la dette puis la négocier sur le marché ,546 ,473
Méthode d'extraction : Analyse en composantes principales.
Méthode de rotation : Varimax avec normalisation de Kaiser.
La rotation a convergé en 3 itérations.
Nous constatons que la première composante représente d’une façon forte les variables :
• Manque d'intérêt pour l'éthique, le profit rapide seule variable de mesure de performance ;
• Cupidité, course au prestige entre les traders ;
• Des assureurs qui spéculent de plus en plus et qui couvrent la spéculation également (CDS...) ;
• Le Spoofing ;
• Complexité croissante des produits structurés et excès d'innovation financière ;
• Poids de plus en plus important des dérivés dans les volumes de transactions ;
• Possibilité d'arbitrage réglementaire et fiscal ;
• Domination croissante des opérations et comptabilités parallèles et hors bilan (OTC) ;
• Déréglementation excessive qui aboutit à ce que les autorités de régulation ont des budgets et
compétences inférieurs à ceux des spéculateurs qu'ils sont censés contrôler ;
• Poids et pouvoir des lobbys financiers, ainsi que leur protection en cas de crise ;
• Cotation continue et fréquence des transactions.
• Excès de prise de risque, les dérivés finissent chez les plus aventuriers et non les plus solides ;
• L'intention de spéculer à court terme dès le début de la transaction ;
• La vente à découvert ;
• Les ventes futures ;
• Domination des analyses comportementales et de la psychologie de marché sur l'analyse
fondamentale et économique réelle ;
• Domination de l'intermédiation et d'acteurs institutionnels de grande taille ;
• La rentabilité des activités financières spéculatives dépasse de loin celle de l'économie réelle
• La volatilité importante des marchés ;
• Asymétrie d'information, opacité et fausses rumeurs ;
• Détérioration de la solvabilité des agents économiques et financiers ;
• Création monétaire et abondance de crédit et de liquidités ;
• L'effet de levier, possible et de plus en plus important ;
• La possibilité de titriser la dette puis la négocier sur le marché.
Ce diagramme représente la distribution des modalités des variables ‘’facteurs de la spéculation’’ dans
l’espace factoriel (1,2), c’est-à-dire sur le plan composé des deux premières composantes. Il s’agit alors
d’une carte qui résume ce qui a été déjà évoqué par la matrice des composantes. Il existe des
groupements marquants sur la carte :
• Le premier regroupement est positivement corrélé avec le premier axe qui regroupe l’ensemble
des variables relatives aux facteurs de la spéculation endogènes au marché (cercle de droite).
250
« Une variable n’est associée à un facteur que si sa saturation dépasse 0,30 en valeur absolue »
URL : http://www.ulb.ac.be/psycho/psysoc/ressources/Fiche_ACP.htm (09/03/2017)
Les analyses précédentes étant déjà relativement concluantes, les conclusions statistiques
suggèrent néanmoins l’élimination de deux variables (intention de spéculer à court terme et
domination de l’analyse comportementale) pour davantage de cohérence. A la suite de cette
élimination, l’indice KMO passe à 0,815 et peut être qualifié d’excellent alors qu’il était auparavant de
0,794. L’amélioration est notable dans cette mesure : l’indice passe de bon à excellent. Ceci nous
indique que les corrélations entre les items sont de bonne qualité.
251 Le détail de cette nouvelle analyse à la suite de l’élimination de deux variables est mis en annexe.
L’analyse de la nouvelle matrice varimax des composantes permet de renforcer les tendances
perçues au niveau de l’analyse théorique et l’étude documentaire, malgré une minorité (8/22)
facteurs se retrouvant dans la catégorie opposée. C’est pour cette raison que nous préférons parler de
tendances. Nous pouvons en déduire que la classification suivante empiriquement validée :
• Manque d'intérêt pour l'éthique, le profit rapide étant la seule variable de mesure de
performance ;
• Cupidité, course au prestige entre les traders ;
• Des assureurs qui spéculent de plus en plus et qui couvrent la spéculation également (CDS...) ;
• Le Spoofing ;
• Complexité croissante des produits structurés (mal cernés) et excès d'innovation financière ;
• Poids de plus en plus important des dérivés dans les volumes de transactions ;
• Possibilité d'arbitrage réglementaire et fiscal ;
• Domination croissante des opérations et comptabilités parallèles et hors bilan (OTC) ;
• Déréglementation excessive qui aboutit à ce que les autorités de régulation ont des budgets et
compétences inférieurs à ceux des spéculateurs qu'ils sont censés contrôler ;
• Poids et pouvoir des lobbys financiers, ainsi que leur protection en cas de crise ;
• Cotation continue et fréquence des transactions ;
• Excès de prise de risque, les dérivés finissent chez les plus aventuriers et non les plus solides ;
• La vente à découvert ;
• Les ventes futures ;
• Domination de l'intermédiation et d'acteurs institutionnels de grande taille (structure
oligopolistique) ;
Nous pouvons appeler la première composante « axe des facteurs de la spéculation endogènes au
marché », et la deuxième « axe des facteurs de la spéculation exogènes au marché ».
Précisons que les éléments en italique sont tous des facteurs ne faisant pas partie de la
catégorie de facteurs reflétée par la composante. Leur présence confirme un peu plus la forte
corrélation d’un point de vue global entre nos deux grandes catégories de facteurs. Leur présence
s’explique également par les 49% d’information perdue après le choix de deux composantes
seulement. La difficulté à dissocier les facteurs de la spéculation en catégories claires et
mutuellement exclusives et indépendantes reste d’actualité et difficilement surmontable tant les
liens sont inextricables entre facteurs, pour des raisons naturelles explicitées au niveau de nos
analyses des corrélations inter-catégories. Nous avons néanmoins pour chaque composante une
majorité de facteurs de la catégorie représentée, en son sein. Cela confirme notre choix d’exprimer
cela par le terme tendance et non de représentativité exhaustive. D’ailleurs, le second diagramme des
composantes dissocie un peu plus les deux groupes par rapport au premier. La représentativité s’est en
effet légèrement améliorée après l’exclusion de deux variables puis la rotation.
Conclusion du chapitre
Dans ce chapitre, nous avons mené une analyse de type descriptive axée sur les outils de la
statistique multivariée. L’analyse statistique multivariée s’est avérée concluante notamment pour
comprendre la portée de certaines de nos conclusions des parties I et II, malgré les nuances évoquées.
En effet, les facteurs ne pourront jamais être totalement séparés en 2 catégories indépendantes tant
les interactions mutuelles sont importantes. La classification des réponses par catégorie enrichit
l’analyse dans le sens où l’interprétation gagne en crédibilité et en clarté. Cette analyse a globalement
permis de valider la distinction entre les facteurs endogènes et exogènes de la spéculation.
Selon Pardo & Lucia (2007, p3), il serait empiriquement prouvé que « par essence, la distinction
entre une position de couverture et une position spéculative est la durée de rétention du titre ». De
nombreux travaux ont par le passé essayé de mesurer la spéculation en l’appréhendant surtout par un
angle restreint, afin de simplifier la démarche. Beaucoup se sont basés sur la confrontation de deux
variables, à savoir le volume de trading (ou de transactions) quotidien confronté aux transactions
toujours ouvertes à la fin de la journée (open interest, c'est-à-dire qui n’ont pas été soldées et
liquidées). García et al. (1986) suggère que la confrontation de ces deux variables donne une idée sur
l’importance de la spéculation. Le ratio indiquant le niveau de spéculation serait, à en croire ces
démarches, Vt/Oit, c’est à dire le rapport du volume sur les contrats non soldés. Une version améliorée
du ratio proposée par Pardo & Lucia (2007, p6) s’écrit sous la forme : ΔOIt / Vt, en mettant en valeur
plutôt la variation journalière des contrats ouverts sur le volume total.
Le but avec ces variables est de cerner la part des volumes dont l’objectif est d’aboutir à une
transaction et non à une liquidation des positions, rappelant l’objectif principal du daytrading
précédemment mis en relief. Nous voyons d’emblée que par rapport à l’extrême complexité du
concept de spéculation, la confrontation de ces deux variables ne reflète pas l’ensemble des
paramètres entrant réellement en ligne de compte dans la spéculation d’une manière globale. L’une
des principales hypothèses sous-jacentes à l’utilisation de ce ratio est que les spéculateurs soldent leur
position avant la fin de la journée, ce qui revient à réduire le spéculateur au daytrader. Or nos
analyses ont montré dans quelle mesure le concept est bien plus complexe que cela.
Working (1960, p23) mesure pour sa part ce qu’il appelle « l’indice de spéculation » par le
rapport entre les contrats futurs d’achat de type spéculatifs divisé par les contrats futurs de vente de
type couverture. Ce rapport présente une simplicité telle qu’il est réplicable sur pratiquement
l’ensemble des places financières. Cependant, il suppose que les contrats de type spéculatifs sont
quantifiables et tous futurs. La réalité est plus complexe que les statistiques ne peuvent le présenter
dans la mesure où un achat spéculatif peut se transformer en investissement et inversement, de même
que la distinction entre objectif de couverture et objectif de spéculation n’est pas toujours évidente.
Marchés Financiers Islamiques et Risque de Spéculation - © Mohamed Talal LAHLOU
- 311 -
Par ailleurs, il ne prend pas en compte un certain nombre d’éléments entrant en ligne de compte
lorsqu’on évoque la spéculation, notamment la fréquence des transactions, les transactions intraday,
la volatilité des marchés ainsi que l’ensemble des éléments que nous avons longuement discuté en
seconde partie. Les limites relevées au niveau de ces propositions nous ont amené à conserver notre
choix d’un instrument incorporant de nombreuses variables, toutes causes de la spéculation, afin de
cerner le risque spéculatif, plutôt que de se cantonner à une mesure directe de la spéculation, souvent
biaisée et restrictive.
Nous avons pu voir, tout au long de ce qui précède le rôle de chacun des facteurs précités dans
l’émergence et l’amplification de la spéculation. Les facteurs retenus sont, dans une certaine mesure,
mutuellement exclusifs252. En effet et sans pour autant prétendre à l’exclusivité parfaite, tant le
concept de spéculation abordé relève d’un enchevêtrement de phénomènes et de causes, il est
évident que certains facteurs ont des éléments en commun, mais cette liste a été compressée afin de
rendre les facteurs exposés les plus indépendants possible et relatant des informations différentes et
complémentaires.
Le passage en revue des facteurs de la spéculation et leur classement se rapporte aux analyses
de nombreux experts et économistes spécialistes du domaine (voire enquête quantitative).
Maintenant que les pondérations, à travers les moyennes, sont obtenues, l’objectif est de pouvoir
mesurer le degré de manifestation de ces facteurs. Cette mesure passe par des indicateurs à mettre en
place. Chaque facteur se verra attribuer, dans cette partie, un ou plusieurs ratios permettant de le
mesurer quantitativement. Dans le cas d’un facteur mesuré par plusieurs ratios, et en l’absence de
données sur l’un des ratios, le facteur sera mesuré par le ou les ratios dont les données sont
disponibles. Pour cette partie, nous suivrons le nouveau classement issu de l’enquête quantitative, et
qui a légèrement fait varier la hiérarchie de certaines catégories, par rapport à l’étude documentaire.
Vu la nature du domaine analysé, des études ultérieures pourraient bien entendu revenir sur
la pertinence des ratios de mesure, de même que sur la pondération retenue pour les ratios de
mesure des facteurs, qui n’ont pas subi un processus d’analyse théorique et empirique aussi poussés
que le classement des facteurs. Notons que la meilleure manière de rendre ces ratios de mesure plus
précis et adaptés, est de rapporter l’élément mesuré au PIB, afin d’avoir une vision relative à la taille de
l’économie étudiée. Pour davantage de pertinence, les ratios seront appelés à être comparés
géographiquement ou chronologiquement. Tout leur intérêt réside dans la comparaison, tant il est
252Mutuellement exclusifs : L’information traduite par l’un n’a pas de lien avec l’information traduite par l’autre. Cette exclusivité est
relativement complexe à atteindre lorsqu’il s’agit d’analyser des phénomènes impliquant un nombre illimité de paramètres, notamment
certains phénomènes socio-économiques.
L’outil (baromètre) que nous allons commencer à concevoir donne une structure type qui est
facilement applicable à différents marchés. Néanmoins, ce sera à l’expert (l’utilisateur) de déterminer
quel est le niveau d’intensité de chacun des facteurs qui sera considéré comme sensible ou critique.
Autrement dit, il serait très arbitraire de fixer a priori des seuils critiques pour chacun des
déterminants de la spéculation tant les structures de marché peuvent varier, et surtout les perceptions
des limites acceptables pour tel ou tel comportement, pour tel ou tel outil. L’utilisateur aura donc
évidemment une certaine marge lors de l’utilisation du baromètre mesurant le risque de spéculation.
En l’absence de tels seuils qui ne peuvent être établis que suite à des études poussées, l’analyse
comparative reste la meilleure utilisation du baromètre.
La cupidité et la course au prestige sont autant d’éléments dont la mesure objective devrait
faire l’objet d’études approfondies tant les notions font référence à des éléments subjectifs. Elles ont
clairement trait à la finance comportementale. En effet, comment savoir si tel trader est plus cupide
que son voisin ? Comment évaluer objectivement la course au prestige dans tel ou tel marché ? Par le
nombre de ‘’unes de magazines’’ mettant en avant les traders à succès ? Par le nombre de Lamborghini
achetées au kilomètre carré ou par année ? Concrètement, la cupidité et la course au prestige restent,
sans conteste, l’un des facteurs qui nous a semblé des plus délicats à cerner.
Lorsqu’il s’agit de mesurer le risque lié à un actif ou un marché donné, de nombreux indicateurs
sont disponibles dans la théorie financière. Parmi ces indicateurs, la ‘’VaR’’ (value-at-Risk), détaillée en
annexe D.2. Cette valeur « mesure la perte potentielle d’un portefeuille, pour une période et un niveau
de confiance donné. Les accords de Bâle de 1996 imposent aux institutions financières des contraintes
de capital fondées sur cette mesure de risque. La VAR est ainsi devenue une mesure de risque de
référence, même si elle fait aussi l’objet d’un certain nombre de critiques. En particulier, si cette mesure
fournit une estimation de la perte potentielle pour un seuil de probabilité donné, elle ne donne aucune
information sur le profil de risque une fois ce seuil de perte franchi »254. En ce sens, nous choisissons de
nous orienter vers d’autres indicateurs.
En ce qui concerne la prise de risque, un autre élément permet d’en mesurer le niveau pour un
opérateur donné mais cette fois-ci d’une manière relative. Vu qu’il est rapporté à la taille et la santé
financière de l’opérateur, nous pourrons avancer que cet outil offre davantage de pertinence. Le risque
peut effectivement être appréhendé au niveau de la structure et la qualité du capital de l’opérateur
ou le pool d’opérateurs dont nous souhaitons mesurer le risque. Cela s’inscrit dans la droite ligne de la
tradition bâloise donnant de plus en plus d’importance à la nature et la liquidité du capital. D’ailleurs,
253http://www.healthline.com/health/low-testosterone/testosterone-levels-by-age?m=2#Adolescence3 (09/03/2017)
254Hamidi Benjamin, Kouontchou Patrick, Maillet Bertrand, « L'approche DARE pour une mesure de risque diversifiée », Revue
économique 3/2010 (Vol. 61), p. 635-643
Dans cette même logique d’analyse de qualité du capital, nous avons « l’asset quality review »
qui est également un outil très utilisé par les autorités de régulation. Il a pour but d’évaluer la qualité
des valorisations internes des actifs risqués. Le rapport ‘‘capitaux propres/total bilan’’ en est la
traduction la plus classique. Une analyse alternative passerait aussi par le ratio mesurant ‘‘les revenus
provenant de l’intermédiation’’ rapportée aux ‘‘revenus résultant des opérations de marché’’, mais
aussi par la part des créances douteuses, créances accusant un retard de plus de 60j dans le paiement,
3 à 4% étant considéré comme normal, alors que le 11% observé en Argentine la veille de l’éclatement
de la bulle en 1994 est considéré comme spéculatif (Miotti & Plihon, 2001).
Afin de mesurer ce facteur de manière à la fois globale et fiable, nous retiendrons trois ratios
pour éviter la dispersion. Chacun de ces trois ratios aura une pondération égale, et reflétera la
situation moyenne du marché étudié. Les ratios seront comme suit :
Mesurer le niveau d’éthique au sein d’une institution n’était pas chose aisée il y a simplement
une vingtaine d’années. La résurgence de cette problématique durant cette période a donné lieu à de
nombreuses recherches qui ont abouti à certaines propositions en lien avec la mesure de l’éthique
dans l’entreprise. C’est l’élément, communément appelé responsabilité sociale en entreprise (RSE),
que nous trouvons le plus proche de la question de l’éthique. On s’accorde à y placer des pratiques
volontaires d’entreprises qui, soucieuses de répondre aux demandes de parties prenantes,
s’impliquent dans des actions sociales, sociétales et environnementales. Pour J. Makower, «
la responsabilité sociale traduit la conviction profonde de certains dirigeants d’entreprises selon
laquelle celles-ci peuvent et doivent jouer un rôle qui ne se limite pas à maximiser leurs profits »256.
255 Un test de résistance bancaire, ou « stress test », est un exercice consistant à simuler des conditions économiques et financières
extrêmes mais plausibles afin d’en étudier les conséquences sur les banques et de mesurer leur capacité de résistance à de telles
situations. Ces tests sont menés par les banques centrales.
http://www.lafinancepourtous.com/Decryptages/Mots-de-la-finance/Stress-test-test-de-resistance-bancaire (24/04/2017)
256 Peeters Anne, « La responsabilité sociale des entreprises », Courrier hebdomadaire du CRISP 3/2004 (n° 1828), p. 1-47
L’absence d’éthique, se manifeste aussi à travers une autre variable intéressante à mesurer, en
l’occurrence celle liée à la fraude, qui évolue de manière inversement proportionnelle à l’éthique. La
valeur des fraudes par année et par marché serait un indicateur intéressant à retenir dans ce sens. Il
faudrait néanmoins, avec un tel ratio, garder à l’esprit qu’il est à relativiser dans le sens où ce ratio
peut admettre plusieurs variables. Ainsi, il est très concevable qu’un marché doté de fortes autorités
de régulation mette en lumière plus de fraudes qu’un marché ne disposant pas de telles autorités,
alors même que c’est dans le second marché que le nombre de fraudes réelles est plus élevé. Nous
pourrions relativiser ce paramètre en prenant en compte la force du régulateur, à travers un
coefficient exprimé par le budget du régulateur divisé par le total des capitalisations boursières. Cela
donnerait une idée globale sur la force du régulateur, bien que l’efficacité ne dépende pas toujours des
moyens alloués ou déployés, mais cela réduit la marge d’erreur. Cela fait partie des limites de ce
second ratio. Vu que d’autres paramètres pourraient influer sur la comparaison, comme le degré
d’éthique d’un pays à l’autre, nous ne pousserons pas plus loin la démonstration afin de ne pas se
perdre dans les détails. Retenons seulement que le ratio des fraudes rapporté au PIB est à prendre
avec une certaine précaution.
Sur le marché financier, parmi les éléments les plus délicats à mesurer, nous retrouvons tout ce
qui a trait à l’individu et qui se développe dans ses propres pensées (Obiyathulla, 2001, p8). Il s’agit
principalement des éléments intrinsèques et subjectifs ayant trait à la psychologie et à la perception
des choses. L’intention relève, sans aucun doute, de ces éléments. Comment peut-on prétendre
pouvoir mesurer l’intention d’un opérateur financier avant le déclenchement de son action ?
Rappelons qu’il est presque « impossible de distinguer une position spéculative, qui est un pari, d’une
autre qui aurait une visée économique » à l’étape de l’initiation de l’opération (Tumpel-Gugerell, 2003).
Plus que cela, il est même possible que l’intention communiquée diffère de l’intention réelle. Or, ce
qui nous intéresse tout particulièrement au niveau de cette cause de la spéculation, qui est l’intention
initiale de spéculer, c’est l’intention avant le déclenchement de l’action.
En pratique, il est ardu de « savoir si un trader se couvre ou spécule » (De Schutter, 2010, p10).
Le régulateur peut déjà procéder à la séparation des traders agissant pour le compte de négociants
des autres traders agissant pour le compte de fonds d’investissement financiers, ce qui est déjà une
pratique opérée par certains régulateurs. Nous pouvons aussi essayer d’évaluer la valeur des positions
sur les dérivés par rapport à l’activité du trader ou de son ordonnateur, ou encore par rapport à ses
actifs du sous-jacent de référence. Ainsi, si un négociant dispose de 5 tonnes de blé mais qu’il se
couvre sur l’équivalent de 500 tonnes de blé, le régulateur peut considérer que l’activité est une
activité de pari et spéculative, et non de couverture (De Schutter, 2010, p10). Néanmoins, ces
données ne sont pas accessibles à notre niveau. Il s’avère que ce genre d’éléments est très délicat à
cerner, sauf à travers une étude ad hoc qui serait établie et renouvelée sur de courtes périodes.
Pour autant, il existe un moyen qui permet de comprendre la manifestation de cette intention
sur le terrain, à travers son expression au niveau global sur le marché et quelques indicateurs
(Obiyathulla, 2001, p8). En effet, l’intention n’a pas de valeur tant qu’elle n’est pas combinée à une
action. Or, c’est précisément vers l’action de l’opérateur que nous pouvons nous orienter. Ceci découle
principalement du fait que nous avons relevé dans notre analyse, surtout en seconde partie, que
l’intention initiale de spéculer est l’une des causes majeures et décisives de la spéculation sur les
marchés financiers. L’action qui exprimera cette intention, au niveau des produits futurs, par exemple,
est le nombre de transactions qui seront soldées, annulées, compensées juste avant l’échéance
(Obiyathulla, 2001, p8). En face, nous avons les transactions qui seront effectivement exercées à terme.
Au niveau du marché des matières premières, par exemple, nous avons le nombre de contrats livrés
par rapport au nombre de contrats soldés ou liquidés.
Faisant partie des éléments les plus clairs parmi les facteurs endogènes de la spéculation, la
vente future est une pratique relativement courante et assez bien réglementée. Certaines places
boursières disposent de marchés dédiés à ce genre de transactions. A titre illustratif, le London Metal
Exchange ne procède qu’à des transactions futures. La mesure de ce facteur ne pose pas de difficulté
particulière tant il est suivi et documenté. Il est donc assez aisé d’obtenir un ratio tel que le nombre
de transactions futures rapporté au nombre de transactions spot, ou encore valeur des contrats futurs
rapportée au PIB. Ce sera ce dernier ratio qui sera retenu :
b. L’assurance et la spéculation
Nous avons pu étudier, dans notre seconde partie, dans quelle mesure les assurances sur les
transactions financières risquées ont contribué à l’ancrage de la spéculation. Il convient néanmoins de
cerner ce phénomène à travers un ratio de mesure accessible. En réalité, le secteur des assurances est
un secteur qui produit également des produits dérivés tels que les Swaps à travers les CDS. Plus
spécifiquement, nous pouvons même constater que la logique initiale derrière la majorité des
produits dérivés classiques (futures, options, Swaps) est essentiellement une logique de couverture
et donc, d’assurance. Le secteur étant généralement réglementé et doté d’autorités de supervision, les
c. La vente à découvert
Rappelons d’emblée que la pratique de la vente à découvert est proscrite au niveau de certains
marchés financiers. Nous avons vu précédemment dans quelle mesure cette pratique contribuait à la
spéculation au sein des places boursières dans lesquelles elle était admise. Aujourd’hui, étant
relativement cadrée, sa mesure ne pose pas de problématique majeure et les chiffres y afférant sont
accessibles. A partir du moment où un marché interdit cette pratique, le ratio sera bien évidemment
nul. Mais si elle est pratiquée, nous pouvons construire un ratio de mesure sous la forme suivante :
Volume total des ventes à découvert / Volume total des transactions boursières
Il n’est plus à spécifier qu’au niveau global, les dérivés représentent plus de dix fois le PIB
mondial. Ayant démontré précédemment dans quelle mesure la prédominance des produits dérivés
sur un marché donné contribue à la spéculation, il s’agit maintenant de pouvoir mesurer ce
phénomène par un ratio de mesure approprié. Les statistiques étant abondantes à ce propos, il est
évident que l’un des ratios les plus adéquats pour mesurer ce facteur sera la valeur totale des dérivés
rapportée au PIB. Un seul et unique ratio sera donc retenu :
En abordant cette dimension, nous revenons à la complexité à tous les niveaux. En effet, deux
questions logiques sous-jacentes à cette dimension sont à soulever : Comment mesurer l’innovation
financière ? Et comment savoir la part des produits complexes issus de cette même innovation ?
Concrètement, il s’avère que la recherche d’un ratio de mesure à cette cause bien spécifique à
la spéculation requiert un effort d’analyse plus approfondi, voir une étude ad hoc qui dépasse de loin
l’objet de notre recherche. L’analyse du budget de recherche et de développement des institutions
financières peut donner une idée sur les tendances de la complexification. Nous pouvons, à titre
d’exemple, mesurer le volume des produits complexes par rapport au volume total sur tel ou tel
marché. Mais comment distinguer ceux qui sont complexes de ceux qui le sont moins ? Soulignons que
parmi les produits qualifiés de ‘‘complexes’’ nous pouvons aisément ranger les CDS, les produits dits
exotiques, les produits structurés et tant d’autres. A partir de là, le regroupement des produits n’étant
pas intuitif, la recherche de données sera d’autant plus complexe. C’est d’ailleurs, ce que nous avons
constaté en pratique vu que nous n’avons pas pu collecter de données adéquates pour mesurer ce
facteur. Malgré tout, nous avons décidé de retenir le ratio suivant :
f. Le spoofing
Dans la lignée des opérations relativement surveillées, le spoofing fait aussi partie des éléments
chiffrés par les autorités de régulation. A cet égard, les autorités évaluent le nombre total des
transactions qui ont été annulées avant leur exécution. Il est à noter que l’annulation diffère de la
liquidation/compensation, qui est utilisée pour solder de nombreuses transactions futures. Dans le cas
du spoofing, l’opérateur financier annule un ordre qu’il a envoyé avant même son exécution sur le
marché. Ainsi, il est tout à fait possible d’obtenir le ratio représentant le pourcentage des transactions
annulées dans tel ou tel marché, rapporté au nombre total de transactions. Le ratio retenu s’exprime
sous la forme suivante :
Nous avons ainsi pu attribuer à chacun des facteurs endogènes de la spéculation un ratio de
mesure plus ou moins précis, au terme de cette première série. Nous notons qu’un certain nombre de
facteurs de la spéculation, notamment ceux relatifs au comportement des opérateurs ainsi que celui
relatif à la complexité des dérivés sont difficilement mesurables de manière précise. L’une des
257OXFAM : « Oxfam est une confédération internationale de 18 organisations qui travaillent ensemble, avec des partenaires et
communautés locales, dans plus de 90 pays », son principal but est la lutte contre la pauvreté et les inégalités.
Oxfam.org, Qui sommes-nous ?. URL: https://www.oxfam.org/fr/qui-sommes-nous
De par leur rôle de supervision et de réglementation, les autorités de contrôle étudient les
phénomènes qui se développent en dehors de leur périmètre d’intervention, comme c’est le cas pour
les transactions sur les marchés boursiers dits organisés, cités ici à titre indicatif. En fait, plusieurs types
d’opérations relèvent plus des opérations parallèles non réglementées que de celles des marchés
organisés. A titre d’exemple et comme nous l’avons discuté précédemment, le phénomène du gré à
gré prend de plus en plus d’ampleur. Nous avions également relevé la tenue de comptabilités dites
parallèles comme le hors bilan pour de nombreux produits dérivés. Plusieurs ratios pourraient alors
être utiles dans le cadre de l’étude de ce facteur de spéculation. Nous retiendrons deux indicateurs à
pondération égale pour ce facteur :
La cotation continue est un élément dont la présence ou l’absence détermine clairement les
flux dans un marché donné. Dans la majorité des places boursières contemporaines, la cotation est de
type continu. Nous avons pu observer que le marché malaisien portant sur l’huile de palme était basé
sur une seule cotation par jour (fixing), un modèle auquel appelait Allais. A partir de là, dans un marché
où la cotation est continue, la fréquence des transactions peut se mesurer de manière assez intuitive.
Eventuellement, cela peut être élargi au temps de détention de tout actif. Nous pouvons aussi utiliser
l’indicateur du nombre d’ordres par jour rapporté à la capitalisation boursière totale. C’est ce dernier
ratio qui s’avère plus révélateur, et qui sera retenu par rapport à ce facteur :
Dans la droite ligne de la tradition libérale adoptée depuis les années Reagan, le rôle des
autorités de régulation et de contrôle s’est progressivement amoindri. Ce phénomène est dû à de
nombreux éléments, dont le politique, qui semble bien décisif. L’évaluation de l’efficacité des autorités
de réglementation s’effectue à partir de leur budget, car ce dernier détermine souvent la présence ou
non de ressources humaines suffisantes pour effectuer les contrôles adéquats et suffisants. Plus
subtilement, nous pouvons constater que le budget est important mais qu’avec des ressources
La mesure de la force de frappe du lobbying est une activité à laquelle se sont consacrées
certaines ONG telles Transparency International dans sa récente étude sur le lobbying258 ou encore
l’organisation dédiée Finance Watch. Cette activité de lobbying est la plus intense à Washington suivie
de Bruxelles en termes de dépenses, et est notamment exercée par des entreprises de pétrole, de
télécoms, des représentants de pays étrangers mais aussi par le secteur de la finance. L’un des moyens
les plus simples d’évaluer le niveau de cette activité est d’évaluer les dépenses de lobbying. Cette
méthode est relative aux ‘‘ressources financières’’ qui déterminent le niveau de lobbying soit
directement, notamment avec les contributions politiques, ou indirectement, particulièrement avec le
financement de dépenses de décideurs. Le ratio retenu serait donc :
258Transparency International France, Regards Citoyens, Améliorer la transparence du lobbying : Répartition par catégorie des
organismes auditionnés à l'Assemblée nationale 2007-2010, regardscitoyens.org.
URL : http://www.regardscitoyens.org/transparence-france/etude-lobbying/ (07/06/2015)
Dans le modèle théorique de la CPP, le marché est atomistique tant au niveau de l’offre que de
la demande. A mesure que le marché est concentré, il subit la loi des institutions dominantes. Ces
dernières accentuent la spéculation, dans un sens comme dans l’autre, quand cela leur permet
d’optimiser leurs revenus. La mesure de cette concentration du marché pose peu de difficultés dans la
mesure où l’agrégation des parts de marché des plus grandes institutions donne une idée relativement
claire de la structure oligopolistique. Nous mesurerons donc ce facteur par l’addition du pourcentage
de parts de marché des cinq premières institutions financières de la place boursière.
Dans la mesure où l’effet moutonnier domine largement les marchés, comme nous avons pu le
constater lors de nos précédentes analyses, accentuant ainsi la formation et le volume des bulles
spéculatives, il convient de pouvoir évaluer les outils qui conduisent à cet état de fait. L’analyse
comportementale s’appuie essentiellement sur des instruments mathématiques, statistiques et
probabilistes. En principe, ces instruments se concentrent sur certains seuils psychologiques que les
marchés surveillent de très près mais n’ont que peu de lien avec l’activité réelle de l’entreprise liée aux
actifs étudiés. L’évaluation de cette domination du comportemental sur le fondamental peut se faire
en constatant quels sont les budgets consacrés aux outils d’analyse chartiste, ou encore la taille du
marché des outils d’analyse chartiste dans le pays étudié. Il est clair que cette évaluation est loin
d’être abordable, et gagnerait davantage à être étoffée par d’autres ratios comme le temps consacré
à l’analyse chartiste par rapport aux fondamentaux ou encore les modules qui ont dominé la formation
Nous avons retenu deux ratios qui reflètent relativement ce facteur, avec une pondération égale :
c. Volatilité
La volatilité des marchés fait l’objet de plusieurs méthodes d’évaluation. Elle est une donnée
fournie par de nombreuses études et reste facilement accessible. Il convient néanmoins de conserver
la même mesure de la volatilité quand on évaluera différents marchés afin de garder une certaine
cohérence de l’instrument de mesure.
La principale mesure de la volatilité en finance repose sur la variance. Ainsi, « si deux prix ont la
même moyenne, je dirais que celui qui a la plus faible variance est plus stable. Si les prix diffèrent, je
dirais que le plus stable est celui qui a le plus faible coefficient de variation. Par cette définition, la série
de prix ayant la plus faible amplitude est la plus stable » (Tesler, 1959, p2). Le ratio retenu sera donc la
variance du marché observé :
D’autres éléments permettent d’avoir une idée plus claire sur ces ratios et peuvent être
explorés en complément, mais nous ne les retiendrons pas par souci de synthèse. Un élément
permettant de mesurer la solvabilité et la pérennité de la situation financière de l’agent économique
est la différence donnée par ‘‘EBE-Annuité’’, où EBE désigne l’Excèdent Brut d’Exploitation. Si l’annuité
des paiements dépasse l’EBE, la situation est une situation d’insolvabilité potentielle.
Ces ratios de mesure peuvent éventuellement être complétés par d’autres ratios selon la
situation, le marché et l’agent étudié. Concernant l’évaluation de l’importance de ce facteur, la mesure
de la couverture du fardeau de la dette est efficace pour évaluer la pérennité de l’agent économique.
Cet indicateur reflète la capacité à couvrir le paiement des intérêts et d’une portion du principal qui
fera que l’intérêt ne se constitue pas davantage, et donc c’est l’une des meilleures mesures de la
solvabilité.259 Au niveau du ratio dette/revenu disponible, à partir du moment où il dépasse les 100%,
cela fait craindre la non-viabilité de la situation de l’agent économique. Un niveau de 150% rend
l’agent bien plus vulnérable aux chocs générateurs d’insolvabilité (Allen et Damar, 2011, p58). Cet
acteur serait qualifié par Ashley d’acteur spéculatif comme cela a été montré dans notre seconde
partie. Généralement, la dette d’une personne qui déclare faillite est de 60% supérieure (en
moyenne) à la dette moyenne dans un pays comme le Canada, selon une étude statistique datant de
2011 (Allen et Damar 2011 p58). La probabilité de faillite est donc extrêmement élevée quand la dette
sur le revenu moyen dépasse les 200% et quasiment systématique à partir de 240%. La mesure de ce
facteur est à prendre au niveau macro-économique, pour la solvabilité de l’Etat, celle des banques et
celle des ménages et des entreprises. Nos deux ratios retenus seront donc à pondération égale :
Dette / PIB
Fonds propres / Encours de crédit des institutions financières
Le processus historique de légalisation de la création monétaire par des banques privées étant
abouti, les changements ne s’opèrent actuellement qu’à la marge, à savoir les réserves obligatoires
imposées par les banques centrales aux banques privées. Autant dire que la majorité des pays avancés
ont atteint les seuils maximaux de création monétaire, d’une manière générale. Néanmoins, il
convient de préciser que la situation varie d’un pays à l’autre par rapport à certains paramètres. Nous
M3/PIB
Variation annuelle de M3
La titrisation permet aux agents financiers privés d’accroître leurs capacités à concéder des
prêts tout en restant dans les normes au niveau des ratios prudentiels. Cela passe notamment par la
titrisation de certaines créances en les transformant en liquidités, après leur cession, amplifiant ainsi
les possibilités de prêt. Ce phénomène, largement critiqué à l’occasion de la dernière crise, peut être
mesuré assez intuitivement en rapportant le volume total des dettes titrisées au PIB. Le ratio retenu
sera :
d. Le levier
i. Retenir d’emblée les deux principales catégories de facteurs de la spéculation, à savoir les
facteurs endogènes et les facteurs exogènes au marché.
Précisons à ce titre que les premières versions du baromètre avaient initialement trois catégories de
facteurs et non deux, mais ce regroupement fut abandonné avec l’évolution des analyses puis de
l’enquête empirique. Le classement des facteurs au sein des sous-catégories est le dernier classement
obtenu à l’issue de l’enquête, de même que les pondérations à donner à chaque facteur qui sont
issues des moyennes de notations attribuées par les répondants.
La possibilité de faire une troisième enquête validant les pondérations des ratios au sein de la
même thèse n’est pas à l’ordre du jour, car demandant des moyens humains, financiers et en termes
de temps que le chercheur ne peut rassembler de nouveau. C’est sans aucun doute l’une des pistes
majeures de réflexion et d’amélioration liées à notre instrument de mesure. Cette piste se
résumerait éventuellement à explorer davantage les indicateurs (ratios) et vérifier par une enquête
empirique leur cohérence et leur pondération, comme nous l’avons fait pour les facteurs de la
spéculation. Une autre piste est liée à l’epsilon d’erreur.
Pour ce facteur, l’utilisateur devra identifier le passif exigible des institutions financières du pays
analysé et le diviser par les capitaux propres de ces mêmes institutions. Il pourra se limiter aux plus
grandes institutions. Le plus important est de retenir les mêmes normes pour les différents pays
mesurés. Une fois la valeur obtenue, 900% par exemple, il passera au second ratio. Pour ce dernier, il
identifiera les montants engagés sur le marché financier par les opérateurs pour les diviser par les
dépôts initiaux, dans le cadre d’opérations d’achat à la marge avec effet de levier. Si la valeur moyenne
obtenue sur le pays analysé est par exemple 2000%, il calculera la moyenne pondérée de ces deux
ratios. Cette dernière s’exprimera sous la forme suivante :
L’utilisateur inscrira donc dans la case dédiée à la valeur 1266,67%. Précisons qu’il est possible que
dans son marché étudié, il n’ait pas accès aux données relatives au second ratio. Dans ce cas, il se
contentera simplement du premier ratio pour exprimer le facteur. S’il compare avec d’autres marchés,
il devra également se limiter au même ratio, cette norme est importante à retenir. Dans un tel cas, il
peut s’avérer cependant que la valeur finale soit très différente.
Pour autant, nous soulignons ici que notre instrument de mesure n’est pas destiné à être
utilisé comme un indicateur dépourvu de base comparative. En effet, il est nécessaire d’avoir une
base comparative pour pouvoir en tirer des enseignements. Cette base peut être constituée par
exemple de l’historique des valeurs passées ou seulement celle de l’année précédente. Elle peut
aussi être formée des statistiques d’un seul ou d’un ensemble de pays pendant une période donnée
comme pour le cas des niveaux de ces facteurs aux USA observés juste avant la crise de 2007-2008,
260Avec le temps, il est utile de préciser que même les pondérations des facteurs pourront être révisées. L’introduction de nouveaux
facteurs est également possible, tout autant que la suppression de facteurs présents. Notre perspective et notre cadre sont contingents,
et sont plutôt applicables pour le court et le moyen terme. Pour le long terme, c’est l’architecture qui importe le plus.
Cette piste passe par l’intégration d’un facteur à un autre, qui lui est fortement corrélé. Nous
avons retenu plusieurs niveaux de corrélations, afin d’offrir une certaine flexibilité lors de l’utilisation.
Les niveaux de corrélations retenus furent 0,7 puis 0,6. Ces corrélations entre certains facteurs sont
tirées directement de l’étude statistique des données relevées auprès des experts.
Au niveau significatif de corrélation 0,7, seuls deux facteurs peuvent être éliminés, les deux
précédemment évoqués. Leur pondération sera redistribuée aux facteurs auxquels ils sont fortement
corrélés, et pour lesquels nous disposons d’indicateurs plus clairs. Nous saisirons ultérieurement que le
niveau de corrélation 0,6 permet de réduire le nombre de facteurs à mesurer de 24 à 15, en
redistribuant les pondérations des facteurs réintégrés à d’autres auxquels ils sont corrélés. Dans un
souci de synthèse, nous avons choisi de schématiser graphiquement les corrélations déjà étudiées lors
de l’analyse statistique, pour mettre en évidence les relations intra et inter-catégories.
Notre instrument de mesure se veut relativement exhaustif et dans la droite ligne de l’inventaire
approfondi des facteurs de la spéculation. Leur agrégation en un seul outil synthétique permet
d’appréhender les facteurs du risque spéculatif dans leur globalité. Cette visualisation graphique est
relativement importante face à une notion aussi complexe à appréhender à partir du seul style narratif.
Dans cette version l’ensemble des facteurs et leurs pondérations ainsi que les ratios et leurs pondérations
sont schématisés.
b. Version à 22 facteurs
Ayant rencontré quelques difficultés à traduire numériquement certains facteurs, il s’est avéré utile de chercher les corrélations significatives dans
l’analyse statistique. A cet effet, nous avons eu une concordance assez exceptionnelle des événements dans la mesure où deux corrélations seulement
étaient supérieures à 0,7. Ces deux corrélations impliquaient les deux facteurs que nous avons eu du mal à traduire par un ratio. Nous avons donc procédé à
leur fusion avec d’autres facteurs comme suit : Ces deux facteurs sont ‘‘la cupidité’’ d’une part et ‘‘la complexité croissante des produits financiers’’. ‘‘La
D’autres versions du baromètre sont fournies en annexe D.4, notamment des versions permettant de réduire le nombre total de facteurs au sein du
baromètre à 17 puis à 15 facteurs en s’appuyant sur les corrélations, ainsi qu’une version basée sur des abréviations, utile lorsque l’utilisateur deviendra
familier de l’outil.
Marchés Financiers Islamiques et Risque de Spéculation - © Mohamed Talal LAHLOU
- 336 -
4.4.2.6 Autres indications d’utilisation du baromètre du risque spéculatif
L’instrument de mesure proposé, que nous avons choisi de qualifier de baromètre du risque
spéculatif, présente un certain nombre de caractéristiques, déjà évoqués de manière éparse, à intégrer
pour une utilisation optimale. L’objectif ici est de rassembler ces éléments. Tout d’abord, il est à noter
que les enseignements qui peuvent en être tirés ne sont pas d’une grande utilité s’il est utilisé pour un
marché où une année donnée pour la première fois. Il ne devient intéressant à utiliser que dans une
perspective comparative (chronologique ou géographique). Une fois la première évaluation obtenue,
elle servira de référence pour la seconde, et les différences entre ratio, facteurs et moyennes peuvent
être analysées en profondeur pour en dégager les enseignements adéquats.
En ce qui concerne les facteurs pour lesquels nous n’avons pour l’instant pas de ratio (cupidité)
ou encore ceux pour lesquels nous avons des ratios mais dont les données ne sont pas accessibles,
plusieurs issues sont possibles. La première est de ne retenir que les ratios du facteur dont les données
sont disponibles et de réviser les pondérations des ratios en conséquence. La seconde est de voir si le
facteur que nous cherchons à mesurer n’est pas en corrélation importante avec un autre facteur qui
peut se substituer à lui, avec addition des pondérations.
Nous pouvons même décider de passer à une version plus synthétique du baromètre, celle qui
convient le mieux au marché, à la situation et aux données disponibles, en gardant à l’esprit que dans
le cadre de la comparaison, il ne saurait y avoir de différence d’outil entre la situation de référence et
la situation à comparer, au risque de fausser toute l’analyse. Il serait impertinent d’utiliser certains
ratios pour une année et d’autres ratios pour l’année à comparer, ou le pays à comparer. Nous ne
pouvons pas par exemple comparer la situation au Japon entre 2008 et 2009, en utilisant 3 ratios
pour le facteur déréglementation en 2008 et 5 facteurs pour 2009. Nous ne pouvons pas non plus
procéder à une comparaison de baromètre sur la base de versions différentes.
Précisons par ailleurs que nous ne préférons volontairement pas définir de niveau type ou de
base comparative statique pour cet instrument de mesure. La principale raison est que nous avons à
observer et à analyser des éléments se rapportant à un phénomène évolutif, contingent et
polymorphe.
Notons toutefois qu’il est plus que probable qu’avec l’évolution rapide des activités financières,
d’autres éléments puissent apparaitre plus significatifs et devant, éventuellement, contribuer
davantage à expliquer la spéculation dans le futur. Avec Kindleberger (1978), nous avons vu dans
quelle mesure les quatre derniers siècles furent ponctués de crises financières aux causes
Marchés Financiers Islamiques et Risque de Spéculation - © Mohamed Talal LAHLOU
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relativement similaires. Gageons donc que, bien que la porte de l’évolution reste ouverte, l’essentiel
du contenu du baromètre se maintiendra même dans le long terme. A ce propos, le vingtième siècle
s’est considérablement enrichi en facteurs du fait des développements technologiques et de la
diversification. Par ailleurs, il nous semble également incongru de fixer un benchmark numérique
d’intensité du risque spéculatif, de même que de fixer des pondérations ou des facteurs du baromètre
lui-même. Cet outil se veut plus être une manière d’aborder le sujet qu’une réponse figée. Il donne
une idée sur une certaine approche de recherche choisie afin d’aborder la problématique du risque
spéculatif. Enfin, il est utile de préciser qu’un facteur résiduel (epsilon d’erreur) peut être ajouté lors de
la mise en équation, tant le concept mesuré est contingent. A titre indicatif et comparatif, une
ancienne version de notre baromètre a été mise en annexe D5.
Conclusion du chapitre
Au terme de ce chapitre, nous avons pu convenir d’un certain nombre de ratios permettant de
mesurer les facteurs endogènes et exogènes de la spéculation sur le marché financier. Nous avons
veillé à ce que cette approche réponde à la fois à deux défis majeurs. Le premier a trait à la
disponibilité des informations relatées dans le marché financier. Le second tient à l’obligation d’assurer
une interprétation correcte. La confection des ratios répondant à de tels défis nous semble à souligner
dans la perspective d’éviter toute ambigüité ou lacune dans la lecture des résultats que nous serons
amenés à traiter. Un dernier point abordé dans le cadre de ce chapitre tend à présenter les éléments
saillants devant être pris en compte dans la construction de l’esquisse du baromètre de la spéculation.
Dans cette perspective et pour enrichir le débat lié à la construction de l’instrument de mesure d’un
phénomène à la fois évolutif, contingent et polymorphe, de plus amples détails et précisions ont été
présentés comme à la fois des critiques et des pistes d’amélioration intéressantes. Au final, la
justification cardinale à la mise en place de cet instrument novateur réside dans la lacune
fondamentale relevée dans la définition de Kaldor de la spéculation. En effet cette dernière (voir
Partie I, conclusion) implique de connaître l’intention de l’opérateur (« …en vue de… »). Or du point
de vue du régulateur et tout autre personne autre que l’opérateur, connaître l’intention réelle des
opérateurs est impossible. Notre baromètre permet donc, grâce au fasceau des 24 facteurs, de
déterminer le degré de spéculation et mieux identifier les situations spéculatives dans un marché
financier. Le baromètre comble ici une lacune fondamentale autour du concept de spéculation, celle
de l’impossibilité de développer une stratégie réglementaire cadrant la spéculation à partir des
seules déclarations des opérateurs, sans connaître la véritable intention derrière chaque opération.
CADRE REGLEMENTAIRE
Priorité donnée à l'impact local et positif ainsi qu'à l'esprit de soludarité et de
11. Possibilité d'arbitrage fiscal et réglementaire
1. Cupidité, course au prestige 3P ; Mise en garde contre la cupidité, l'amour propre, l'orgueil, les communauté.
COMPORTEMENTS
d'égo et de chiffres excès, l'arrogance, l'accumulation, la course au prestige… 12. Domination d'opérations et de comptabilités La transparence fait partie des 5 objectifs majeurs dans les transactions ; Gharar
parallèles proscrit.
L'interdiction du gharar et du maysir : un pilier majeur ; Exclusion des
2. Prises de risque excessives 13. Cotation continue et fréquence des transactions Transfert physique obligatoire des MP ; Principe de tangibilité ; Possession avant vente
dérivés.
Nécessité de passer par la double validation des sharia boards ; Importance de la
3. Ethique marginalisée et L'éthique est un pilier de la FI ; L'intérêt de la communauté est mis en 14. Déréglementation et ouverture excessives, avec
double compétence de ces derniers ; Nécessité de maîtrise des concepts liés aux
environnement favorisant la fraude valeur ; Importance de la solidarité ; Pilier des 3P ; Suivi des projets. des autorités ayant des contrôleurs moins qualifiés
transactions financières que ce soit d'un point de vue sharia ou d'un point de vue
4. Intention préalable de spéculer que les opérateurs financiers
Maysir et gharar proscrits. opérationnel ; Nécessité d'indépendance de ces comités sharia.
à court-terme
15. Poids et pouvoir des lobbys financiers Toute corruption est prohibée ; L'accaparation des droits d'autrui est prohibée.
CADRE FINANCIER
5. Ventes futures Consensus de savants global sur l'interdiction; Salam non négociable.
TRANSACTIONS
16. Structure oligopolistique et conflits d'intérêt Monopole proscrit et conflits d'intérêt écartés.
Perspective mutualiste ; Partage du risque ; Gharar proscrit ;
6. Assurances et spéculation
Investissements en actifs illicites et spéculatifs proscrits. 17. Domination de l'analyse comportementale sur
Principe de tangibilité et évolution de la finance de manière alignée à l'économie.
7. Vente à découvert Interdiction explicite de la vente à découvert. l'analyse fondamentale
8. Poids des dérivés Principe d'adossement de la transaction à l'actif ; Gharar, maysir et riba. 18. Voltilité Principe de partage des profits et des pertes ; Importance de l'aspect participatif.
9. Complexité croissante et excès Principes de transparence : Risque inséparable de l'actif lié ; Gharar 19. Asymétrie d'info, opacité, fausses rumeurs Le dol, le vol, la tricherie, le mensonge… sont proscrits ; Principe de transparence.
d'innovation proscrit ; Simplicité privilégiée ; Options licites inséparables du contrat. 20. Attractivité financière: Rentabilité d’activités
Principe de tangibilité et évolution de la finance de manière alignée à l'économie ; 3P.
10. Spoofing Interdiction explicite du najash et de l'induction en erreur. financières dépasse celle de l’économie réelle
CADRE MACRO
LEGENDE: 21. Système bancaire, dette et détérioration de la Principe des 3P ; Dette déconseillée ; Prohibition des intérêts ; Zakat ; Encouragement
MP: Matières premières solvabilité du moratoire pour l'endetté.
3P: Partage des profits et des pertes Système à 100% de réserves ; On ne peut prêter ce que l'on ne possède pas ;
22. Création monétaire et abondance de liquidités
Emission monétaire centralisée.
En gris foncé: Facteurs qui sont accentués par les éléments du cadre, du pays ou des normes en question 23. Titrisation et négociabilité de la dette Négociation de dette titrisée proscrite ; Intérêts proscrits ; Economie et finance liées.
En gris: Facteurs qui peuvent se manifester dans ce cadre, et sans obstacles majeurs
24. Levier Levier proscrit ; Intérêts proscrits ; Effet de massue évité par le principe des 3P.
En gris clair: Facteurs de spéculation pour lesquels il y a une résilience et qui ont peu de chances de se manifester
Cette projection permet de revoir, un à un, en quoi les principes fondateurs de la FI permettent de cadrer et neutraliser chacun des facteurs de la
spéculation identifiés lors des analyses de la première et seconde partie. Elle permet de récapituler les constats de notre troisième partie. Toutefois, cette
section a aussi pour objet d’illustrer une projection sur les facteurs de la FI en prenant en considération les nuances et les relativisations évoquées à la fin
de l’analyse de chaque facteur au niveau de la troisième partie. Ci-après, nous procédons à une projection du baromètre sur les nuances relevées par
rapport aux principes fondateurs de la FI.
CADRE REGLEMENTAIRE
Existence de diverses juridictions ; Divergences des cadres ; Conseil juridique dominé
11. Possibilité d'arbitrage fiscal et réglementaire
1. Cupidité, course au prestige Absence de déclinaison pratique des principes, que ce soit en lois ou en par les cabinets conventionnels ; Latitude laissée aux arbitrageurs ; Montages écrans
COMPORTEMENTS
d'égo et de chiffres normes, sur ce facteur. La nature humaine reste donc libre sur ce point. 12. Domination d'opérations et de comptabilités
Le gré à gré est une pratique importante du marché.
Prolifération de produits répliquant le niveau de risque des produits parallèles
2. Prises de risque excessives conventionnels (waad, swaps…) ; peu de gardes fou par rapport aux 13. Cotation continue et fréquence des transactions Possibilité de revente avant transfert physique ; Daytrading possible ; RTGS en cours.
comportement extrêmement risqués.
3. Ethique marginalisée et RSE négligée, syndrôme de réplication des produit ; Profils des IFI souvent 14. Déréglementation et ouverture excessives, avec Malgré la présence des charia boards, certaines lacunes demeurent: Qualification
environnement favorisant la fraude issus des banques ; Profit moteur central ; Maqasid charia marginalisées. des autorités ayant des contrôleurs moins qualifiés nécessaire en finance, nécessité de maitriser plusieurs domaines, divergences de
4. Intention préalable de spéculer Absence de déclinaison pratique des principes, que ce soit en lois ou en que les opérateurs financiers cadres et d'avis ; Existence de paradis fiscaux ; Possibilité d'arbitrages sharia.
à court-terme normes, sur ce facteur. La nature humaine reste donc libre sur ce point.
15. Poids et pouvoir des lobbys financiers Frontière entre corruption et défense d'intérêts floue ; Vide juridique
CADRE FINANCIER
5. Ventes futures Remises en causes contemporaines ; Istijrar ; Exception malaisienne.
TRANSACTIONS
16. Structure oligopolistique et conflits d'intérêt Divergences sur la question du monopole, sur sa portée… Vide juridique.
Le takaaful pouvant couvrir certains risques de crédit, des canaux de
6. Assurances et spéculation
contamination peuvent se manifester indirectent ; Syndrôme de réplication 17. Domination de l'analyse comportementale sur
Vide juridique.
7. Vente à découvert L'exception est uniquement malaisienne ici, comme souvent. l'analyse fondamentale
8. Poids des dérivés La réplication s'accroît ; Exception malaisienne, bien que marginaux (5%). 18. Voltilité Financement participatif minoritaire ; Lacunes en termes de liquidité.
9. Complexité croissante et excès Prolifération de montages répliquant les produits conventionnels tels que 19. Asymétrie d'info, opacité, fausses rumeurs Rien de plus que les réglementations déjà en vigeur dans la juridiction concernée.
d'innovation certains SWAPS, bien que non négociables ; Répliques plus complexes. 20. Attractivité financière: Rentabilité d’activités
Vide juridique, bien que c'est moins important que dans le conventionnel.
10. Spoofing Aucune déclinaison pratique du principe en loi ou en norme ; Vide pratique financières dépasse celle de l’économie réelle
CADRE MACRO
LEGENDE: 21. Système bancaire, dette et détérioration de laIFI priorisent les produits et sukuk de dette (90% et 93%) ; Garantie du nominal dans
En gris foncé: Facteurs qui sont accentués par les éléments du cadre, du pays ou des normes en question solvabilité de nombreux sukuk ; Domination des produits de liquidité en bourse ; CT domine.
En gris: Facteurs qui peuvent se manifester dans ce cadre, et sans obstacles majeurs Certains pronent le seigneuriage de la part de l'Etat ; Les IFI évoluent dans un
22. Création monétaire et abondance de liquidités
En gris clair: Facteurs de la spéculation pour lesquels il y a une résilience et qui ont peu de chances de se manifester système monétaire conventionnel.
23. Titrisation et négociabilité de la dette Négociée indirectement, à travers les actions et sukuk hybrides, jusqu'à 30 à 49%.
CT: Court terme Normes IFSB permettent un faible levier ; Certains montages de dette permettent
24. Levier
RTGS: Real time gross settlment, signifiant la compensation en temps réel en bourse d'avoir un levier même en FI tels la CMT ou le tawarruq ; IFI à 10,5 (IFSB) ; Waad…
Le constat général est qu’aucun facteur de la spéculation n’est totalement écarté des pratiques actuelles de la FI de marché, si nous prenons l’ensemble
des pratiques existantes. Certains facteurs endogènes sont clairement régulés et amoindris, notamment au niveau des transactions. A l’inverse, la
majorité des facteurs comportementaux peuvent largement se manifester vu la portée relativement théorique de certaines orientations liées aux
fondements de la FI. Au niveau des facteurs exogènes, plus de 50% peuvent largement se manifester avec peu de freins. Pour plus d’enseignements à
tirer de la confrontation entre les facteurs de la spéculation et les principes de la FI, avec prise en compte des nuances, nous renvoyons à la partie III.
Les investissements de court terme prennent une place majeure dans les actifs. Cette place se reflète
également au niveau du compte des produits et charges (43,3% pour les investissements de court
terme). Rappelons que c’est souvent le cas du fait des difficultés qu’elles ont au niveau du
refinancement et la gestion des risques. Prenons un moment pour revenir sur ces investissements de
court terme
En principe, l’analyse des investissements de court terme permet d’avoir une meilleure visibilité sur les
différents postes. Elle permet de dissiper le flou, dans la mesure où la distinction est clairement faite
entre les financements des investissements réels et du commerce (Mudaraba, Musharaka…) d’une part,
et les opérations purement financières et de marché d’autre part (titres financiers et portefeuilles
d’investissement éventuellement). Il en découle que cette catégorie domine les opérations
d’investissement de l’établissement analysé. Cette IFI est donc exposée aux retournements de
marché sur près de 43% de ses investissements de court terme, ce qui représente environ 18% de son
bilan. Pour autant, il semblerait que cette institution inclut les Sukuk dans cette catégorie, vu qu’ils
ne ressortent pas ailleurs. Ce constat, qui est conforté par le fait que l’ensemble du système
économique de ce pays soit islamisé, nuance la conclusion précédente.
Le second établissement que nous analyserons est Bank Al Baraka d’Egypte en 2015 262. Cette
analyse est riche d’enseignements dans la mesure où cette institution est considérée comme étant la
plus importante dans le monde avec une présence dans près d’une dizaine de pays musulmans. Elle
l’est également dans la mesure où, contrairement au Soudan où l’ensemble du système économique
est islamique, la FI islamique ne représente que près de 5% des encours bancaires en Egypte.
Tableau 17 : Récapitulatif des principaux éléments de l’actif d'Al Baraka
Éléments du bilan Montant Part
Cash et dépôts chez la banque centrale 2 482 752 096 9%
Créances aux banques 2 812 246 329 10%
Notes gouvernementales 4 594 798 660 16%
Opérations d’investissement avec les banques 627 528 802 2,2%
Murabaha, Musharaka et Mudaraba pour les clients 9 277 145 185 32%
Actifs fixes 323 601 905 1%
Investissements financiers
Disponibles à la vente 45 934 100 0,16%
Détenus à maturité 7 913 950 245 27%
Investissements dans les filiales et associés 2 275 000 0,01%
Autres actifs 819 797 266 3%
Total d’actifs 28 900 029 588 100%
Le premier élément qui attire l’attention à l’issue de ce récapitulatif est le poste ‘’dérivés’’. Cela
confirme les constats sur les produits controversés évoqués au niveau de notre troisième partie. En
général, les éléments de marché dépassent légèrement les 30% du bilan, un chiffre proche des IFI
africaines analysées. Cependant, l’exposition est bien plus grande aux fluctuations vu que les titres
détenus à maturité ne représentent que 4% au lieu de 15 à 25% pour les précédents bilans. La part des
titres à la vente atteint également 8%, ce qui est assez important. Le poste titres financiers comprend
de nombreux éléments basés sur al iinah, prohibée en FI car reproduisant des schémas d’intérêts. Le
poste ‘’dérivés’’ inclut également plusieurs produits controversés et prohibés. Ces deux postes seront
reproduits en détail en annexe E.1 et E.2. Nous sommes donc avec CIMB dans une optique plus
orientée vers les produits de finance de marché et les dérivés, dans une optique de court terme
significative. L’exposition aux fluctuations conjoncturelles et à la procyclicité en est renforcée.
Le second bilan auquel nous nous intéresserons concerne les activités de Hong Leong Bank en
2015264. Cette banque opère également en Malaisie, second pôle de la FI en Asie avec le moyen orient.
263 http://www.cimbislamic.com/en/investor-relations.html
264 https://www.hlisb.com.my/about-us/investor-relations/quaterly-financial-announcement/year/2015 (20/04/2017)
Près de 30% des actifs sont tournés vers la finance de marché. La part des investissements financiers
détenus à maturité est également minoritaire. Les 30% sont ainsi un facteur d’exposition aux
fluctuations et à la procyclicité. Les dérivés sont, par contre, négligeables en comparaison à CIMB.
A partir de ce récapitulatif, nous voyons toujours un niveau similaire des financements par rapport aux
analyses précédentes, dans l’ordre des 60 à 70%. A rebours, les titres financiers, dans leur globalité,
sont ici plutôt minoritaires à près de 7%. Leur détail sera reporté en annexe E.3. Son analyse permet de
voir par ailleurs que ces 7% se répartissent en investissements à dominante commerciale plutôt que
financière. L’institution est donc plutôt préservée des mouvements contracycliques et des
retournements financiers qui prennent leur origine dans les marchés financiers, à l’instar de
l’explosion de bulles.
Pour ce qui est de notre second cas, ce sera l’Ahli United Bank du Koweït avec le bilan 2015266.
Tableau 21 : Récapitulatif des actifs des actifs de Ahli United
265 http://www.alinma.com/wps/portal/alinma/Alinma/MenuPages/FinancialReports/FinancialStatements/FinancialStatements2015
(20/4/17)
266 http://www.ahliunited.com.kw/en/about/investors/index.html (20/04/2017)
A l’instar de nombreuses IFI du moyen orient, cette IFI conserve plus de 20% de ses actifs en forme de
dépôts liquides, ce qui dénote une prudence à l’égard de la gestion de la liquidité immédiate. Quant
aux titres financiers, ils ne dépassent pas les 4%, dans la tradition des IFI de la région, bien plus
méfiantes à l’égard de certains contrats controversés et de dérivés. Ces 4% sont d’ailleurs à 88% des
Sukuk et à 12% des fonds et des actions. L’IFI reste donc peu exposée aux remous purement liés aux
marchés financiers.
Notre troisième étude de cas concerne Abu Dhabi Islamic Bank, et son bilan de 2015267.
Tableau 22 : Récapitulatif des actifs des actifs de Abu Dhabi Islamic Bank
Nous avons une tendance similaire à celle des deux autres IFI du moyen orient. Outre le fait que le cash
soit important (15%), l’IFI détient 7,4% de ses actifs en titres financiers, dont l’écrasante majorité en
Sukuk, des titres plus proches de l’économie réelle malgré quelques réserves. Les 1,2% de titres
financiers hors Sukuk comprennent des fonds et des actions, donc restent dans la philosophie des
investissements dans l’économie réelle. Cette IFI est donc également bien moins exposée aux remous
des marchés financiers.
La première institution que nous analyserons en Europe sera la BLME bank of London, 2015268.
Tableau 23 : Récapitulatif des actifs de la BLME
Élément du bilan Montant (en milliers de GBP) Part
Cash et dépôt bancaires 72 814 6%
Créances d'autres institutions 18 875 2%
Titres financiers 191 543 15%
Financements 627 223 51%
Autres actifs 330 687 27%
Total d’actifs 1 241 142 100%
Au niveau de cette institution, les financements sont relativement faibles (32%), probablement
du fait de la nature du pays dans lequel elle opère, la Suisse. Par ailleurs, les titres financiers sont
limités à 4% alors que les titres d’investissement sont à 22%. Ces derniers sont généralement
composés des Sukuk. A cet effet, ce sont les 4% d’actifs qui sont surtout exposés aux fluctuations
purement liées aux marchés financiers. La résilience à ces fluctuations est donc dans l’ensemble très
importante pour cette IFI.
La dernière IFI analysée est Allemande d’origine turque : Kuveyt Turk, avec son bilan de 2015270.
Tableau 25 : Récapitulatif des actifs de Kuveyt Turk
Elément du bilan Montant Part
Cash 1 970 359 5%
Instruments financiers dérivés 44 606 0,1%
Titres financiers 45 214 0,1%
Financements 24 669 042 59%
Investissements avec d'autres IFI 4 753 336 11%
Autres actifs 10 350 738 25%
Total assets 41 833 295 100%
A rebours des précédentes, cette IFI s’engage dans certains dérivés, à travers les Swaps et
forward qui composent les 0,1% cités. Bien évidemment, ce taux est négligeable et sans impact dans la
structure globale des actifs. De même pour les titres financiers qui sont essentiellement des Sukuk. La
269 http://www.dmitrust.com/reports-downloads/
270 http://www.kuveytturk.com.tr/financial_information.aspx
Afin d’avoir davantage de visibilité, nous avons procédé au rassemblement des données des cas
analysés sur un seul et même tableau, tel qu’exposé ci-après. Il est utile de rappeler que cette étude
terrain est connexe à l’enquête terrain qui sera effectuée auprès des experts, et a un rôle
essentiellement descriptif et indicatif mais pas prospectif. Ce dernier sera l’objet des analyses à venir.
Tableau 26 : Synthèse des données extraites des bilans des IFI analysées
Afrique Extrême orient Moyen Orient Europe
Soudan Egypte Malaisie Malaisie A.Saoudite Koweit EAU Angleterre Suisse Allemagne
Al Shamal Al Baraka CIMB Hong Leong Al Inmaa Ahli United ADIB BLME Dar al maal al
Kuveyt
islamiTurk
Titres financiers courts 20,00% 0,16% 23,00% 21,00% 5,00% 1,00% 1,20% 0,30% 2,00% 0,10%
Sukuk et titres à maturité 0,07% 27,00% 4,00% 7,00% 2,00% 3,00% 6,20% 14,70% 2,00% 0,00%
Dérivés et assimilés 0,00% 0,00% 2,00% 0,10% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,10%
Si nous mettons de côté les IFI malaisiennes, il semblerait que le reste des IFI ne soit pas
spécialement engagé dans les titres financiers courts. L’analyse détaillée de l’exception qui semble
revenir à la banque soudanaise démontre qu’en réalité, les Sukuk n’apparaissant pas ailleurs. Les 18%
relevés incluraient donc les Sukuk, généralement conservés jusqu’à leur maturité. D’une manière
générale, nous voyons que les IFI ne s’exposent quasiment pas aux titres financiers courts,
généralement très procycliques. Ces titres n’atteignent généralement pas les 5% du bilan en pratique.
Au niveau des Sukuk, l’exposition varie d’une IFI à l’autre et nous ne pouvons pas à cette étape
de l’analyse dégager de tendance claire, si ce n’est que cette exposition ne dépasse que rarement les
25% du bilan, et qu’elle est en moyenne en dessous des 5%. Les Sukuk et les titres financiers longs
étant généralement moins procycliques, nous en déduisons que l’exposition à ce genre d’actifs n’est
pas significative, et éloigne donc les IFI des situations spéculatives, sur ce point.
Enfin, les dérivés semblent être une exclusivité malaisienne, bien que très négligeables par
rapport au reste du bilan. Pour le reste, le poids des dérivés dans le bilan est généralement nul. Cet
état de fait s’explique par la tolérance réglementaire malaisienne à ces produits, comme déjà discuté.
Il ressort de la synthèse de l’analyse des bilans que les pratiques actuelles des IFI sont assez
loin des produits à caractère spéculatif. Cela relativise la portée des nuances apportées en troisième
partie lors de la discussion de la résilience de la FI au risque spéculatif. Cette relativisation concerne
essentiellement l’état actuel des IFI car les nuances, elles, portaient surtout sur des exceptions
relevées ici et là, et qui peuvent constituer une tendance future. Cette distinction est fondamentale.
Dans un souci de concision, nous analyserons ces normes seulement du point de vue de notre
problématique, à savoir les aspects pouvant favoriser ou freiner la spéculation au niveau des marchés
financiers incorporant des produits de FI. Lors de l’énumération des normes, nous relèverons ces
aspects, lorsqu’il y en aura dans la norme, avant de procéder à une analyse globale au terme de
l’énumération. Les normes sont au nombre de 54 :
Norme 1 : Transactions sur les devises ;
• Les monopoles sont à écarter ;
• Les transactions doivent être immédiates ;
• Le levier, offert dans le forex par exemple, est proscrit ;
Norme 2 : Les cartes de paiement ;
• Les cartes de crédit ne sont pas permises dans l’état actuel avec les intérêts ;
Norme 3 : Les mauvais payeurs ;
Norme 4 : La compensation ;
Norme 5 : Les garanties ;
• Les avances (arrhes) sont permises ;
Norme 6 : Transformation d’une banque en IFI ;
• La mise à niveau du personnel aux principes de la FI est indispensable ;
Norme 7 : Transfert de dette ;
Norme 8 : La murabaha ;
• Une distinction entre la phase de possession de la marchandise par l’IFI puis du client doit avoir
lieu, notamment à travers un délai qui doit séparer les deux transactions ;
• L’enregistrement électronique de la transaction suffit à cette distinction ;
• Le prix peut être laissé fluctuant et variable selon un indice de référence ;
Norme 9 : Location et location avec option d‘achat ;
Norme 10 : Salam et Salam Parallèle ;
• Le paiement peut être décalé à 3 jours au plus ;
• Une créance ne peut servir de moyen de paiement dans cette transaction ;
• L’objet du Salam ne peut être cédé avant sa récupération ;
• Les pénalités de retard ne peuvent s’appliquer ;
• Les Sukuk Salam ne peuvent être échangés sur le marché secondaire ;
Norme 11 : Istisnaa et Istisnaa parallèle ;
Norme 12 : La Musharaka ;
• L’achat d’actions à la marge (avec levier lié à un prêt à intérêt du courtier) est proscrit ;
• La vente à découvert est proscrite, même en cas de promesse d’emprunt du titre du courtier ;
• Il est possible de louer la partie de l’entreprise qui ne nous appartient pas, auprès de l’associé ;
Norme 13 : La Mudaraba ;
Norme 14 : Les crédits documentaires ;
Norme 15 : La Joala ;
Afin d’apporter davantage de cohérence dans notre analyse par rapport à la classification des
normes AAOIFI, nous analyserons ces normes en fonction de nos catégories de facteurs de la
spéculation, en commençant par les facteurs endogènes. Nous proposons ci-après une analyse
structurée des normes en fonction de leurs champs d’application.
• Facteurs endogènes : Les comportements
Les normes impliquées dans ces facteurs sont au nombre de cinq. Trois d’entre elles semblent
relatives au facteur de l’éthique et la fraude, alors que les deux autres ont des conséquences sur la
prise de risque excessive des opérateurs. Pour cette dernière, les normes ont un impact positif,
inhibant le facteur dans une certaine mesure. La mise à niveau et la formation exigées par la norme 6,
est de nature à transmettre aux opérateurs un certain nombre de principes éthiques de la FI. La
possibilité de prendre une hypothèque pour se couvrir contre l’abus et la négligence de l’opérateur
financier, avec la norme 39, favorise également une gestion plus honnête des activités financières. La
norme 48 consolide cela en permettant à l’opérateur de rompre un contrat en cas de dol, ce qui
s’applique également à la bourse.
A rebours, les normes 17 et 45 semblent plutôt favoriser l’un des facteurs comportementaux de
la spéculation, à savoir la prise de risque excessive. La première agit en permettant, lors des opérations
de titrisation de projets, d’obtenir la garantie du capital à travers un tiers indépendant, généralement
des institutions multilatérales. La seconde, quant à elle, permet de couvrir le capital et les risques de
faillite à travers le Takaaful, ce qui abonde dans le même sens. Pour le reste des facteurs liés aux
comportements (cupidité et intention préalable de spéculer), rien dans les normes ne semble
formellement les contenir.
• Facteurs endogènes : Les transactions
Au niveau des transaction, quatre des six facteurs sont impactés directement ou indirectement
par sept normes de l’AAOIFI. Le premier de ces facteurs, les ventes futures, semble impacté dans des
directions opposées par les normes 20 et 49. Tandis qu’il est clairement énoncé dans la norme 20
l’interdiction des futurs, ce qui est de nature à écarter le facteur, une nuance doit être apportée du fait
En principe, les normes de screening font partie des cadres réglementaires les plus populaires
de l’AAOIFI concernant la FI qui s’appliquent aux marchés financiers. Il est incontournable de pouvoir
évaluer leurs implications par rapport à la question du risque spéculatif. Ayant été évoquées à la fin de
notre troisième partie à travers un encadré puis un schéma illustratif, nous nous attacherons plus à
leur analyse ici. Leur aspect controversé ayant déjà été évoqué au préalable, nous reviendrons sur les
implications des étapes de ces critères de filtrage. Nous dressons ci-après un schéma récapitulatif des
étapes du screening :
Source : L’auteur
La première étape se rapporte au cœur de métier de l’entreprise dans laquelle il est possible
d’investir. Nous remarquons d’emblée l’exclusion des secteurs financiers (banques conventionnelles et
assurances). Cela implique que les investisseurs de la FI éviteront les actions bancaires et assurantielles.
Vu la contribution de ces secteurs, à travers certaines de leurs pratiques, aux phénomènes
spéculatifs, ce premier critère semble contribuer à la stabilité systémique. C’est légèrement moins
évident pour le second critère, qui relativise la portée du premier, comme cela fut abordé en 3.2.3.
Le passage en revue de ces critères quantitatifs nous révèle que l’effet de levier est
systématiquement plus bas dans les entreprises éligibles aux critères de screening de certains
praticiens de la FI. Pour d’autres, tels que ceux retenant l’avis de l’académie du fiqh, toute dette à
intérêts dans le bilan rend l’entreprise inéligible à la FI. Ce second avis étant très minoritaire dans la
pratique actuelle, nous nous focaliseront sur le premier avis, pour conclure que l’effet de levier sera
plus limité, à défaut d’être écarté. Rappelons que la dette en soi génère un ensemble de transactions
satellites qui participent à la spéculation, comme cela fut analysé, à l’instar des assurances sur la dette,
la titrisation de la dette, les produits dérivés liés à la dette et ainsi de suite. C’est donc cet impact
étendu que l’analyse doit prendre en compte lorsque la limitation de la dette est évoquée. Au final, le
critère étant statique, c’est-à-dire qu’il n’inclut pas des objectifs intermédiaires et des étapes visant à
écarter totalement la dette à intérêt du bilan, son impact sur la spéculation est relatif. Il en limite les
facteurs, mais ne les exclut pas totalement. Nul besoin de rappeler, par ailleurs, que les pratiques ont
tendance, dans bien des cas, à s’éloigner des prescriptions initiales des auditeurs sharia. Certains
auditeurs sharia au sein du LME ont même constaté que de nombreuses opérations demeurent fictives
et n’impliquent pas la succession et la distinction des engagements, requise par la sharia. Ce genre de
constat est de nature à diminuer la portée de tels critères de screening. Pour une meilleure lisibilité,
nous récapitulons les analyses dans le tableau suivant.
CADRE REGLEMENTAIRE
11. Possibilité d'arbitrage fiscal et réglementaire
1. Cupidité, course au prestige
COMPORTEMENTS
3. Ethique marginalisée et Formation du personnel aux principes ; Une hypothèque 14. Déréglementation et ouverture excessives, avec Nécessité d'avoir un comité sharia pour les indices boursiers ; Un 27
6; 39; 48
environnement favorisant la fraude peut être prise pour garantir la bonne foi ; Dol proscrit. des autorités ayant des contrôleurs moins qualifiés avis de licéité n'implique aucunement l'encouragement de la
4. Intention préalable de spéculer que les opérateurs financiers transaction.
à court-terme
15. Poids et pouvoir des lobbys financiers
CADRE FINANCIER
5. Ventes futures Futurs proscrits VS Istijrar, waad bilatéral contraignant… 20 VS 49
TRANSACTIONS
16. Structure oligopolistique et conflits d'intérêt Moopoles à écarter ; Membres ayant conflit d'intérêt exclus. 1; 29
6. Assurances et spéculation Investissements illicites proscrits. 26
17. Domination de l'analyse comportementale sur
7. Vente à découvert Proscrite, même en cas de promesse d'emprunt de titre. 10; 12; 21 l'analyse fondamentale
8. Poids des dérivés Options et Swaps proscrits ; Trackers proscrits 20; 27 18. Voltilité Loyer d'ijara peut être variable. 8;10;27;31;34
9. Complexité croissante et excès 19. Asymétrie d'info, opacité, fausses rumeurs
d'innovation 20. Attractivité financière: Rentabilité d’activités
10. Spoofing financières dépasse celle de l’économie réelle
CADRE MACRO
LEGENDE: 21. Système bancaire, dette et détérioration de la
Pas de pénalités ; Nominal de sukuk non garanti par l'émetteur. 2; 10; 17; 52
En gris foncé: Facteurs qui sont accentués par les éléments du cadre, du pays ou des normes en question solvabilité
En gris: Facteurs qui peuvent se manifester dans ce cadre, et sans obstacles majeurs
22. Création monétaire et abondance de liquidités Tawarruq classique permis ; Salam et istisnaa pour liquidité permis. 30 ; 44
En gris clair: Facteurs de la spéculation pour lesquels il y a une résilience et qui ont peu de chances de se
manifester 23. Titrisation et négociabilité de la dette Salam non cessible ; Dette cessible contre MP spot VS Screening… 10;16;53VS 21
Ci-après, nous présentons une liste des principaux points des normes publiées par l’IFSB.
Chaque norme est encadrée par un guide dédié, d’environ 20 à 170 pages. Chaque norme couvre un
certain nombre de périmètres et de points fondamentaux que nous relèverons de manière synthétique.
Tout en visant à relever les points essentiels pour chaque norme, nous mettons en gras les éléments
se rapportant directement aux facteurs de la spéculation issus de notre analyse. Cela permettra de
clarifier dans quelle mesure les normes IFSB permettent de diminuer la portée de certains facteurs de
la spéculation.
1. Gestion des risques (IFSB-1) ;
◼ Importance d’un système de reporting et gouvernance performant et conforme à la
charia ainsi que des niveaux de capital suffisants, le tout afin de faire face aux risques
encourus et préserver les intérêts de l’ensemble des parties prenantes ;
◼ Encadrement du risque de crédit avec la diversification des instruments, l’analyse
minutieuse du risque client et une gestion des risques adaptée à chaque instrument ;
272A l’instar des normes AAOIFI, les normes IFSB se succèdent sur un ordre chronologique fastidieux plutôt que thématique, ce qui oblige
à des allers-retours permanents pour une lecture plus intelligible.
273Hamish jiddiya : Caution en numéraire prélevée chez le client afin de s’assurer de sa bonne foi dans sa promesse d’engager une
transaction. S’il se désiste et si l’IFI s’est déjà engagée dans l’opération, elle prélève de cette caution le montant du préjudice subi.
L’analyse des normes IFSB fut très intéressante à plusieurs égards. Elle a tout d’abord permis
d’avoir une vision détaillée de la perception des principales orientations prudentielles préconisées par
l’institution de référence dans ce domaine. A cet effet, un certain nombre de points d’une extrême
importance ont été relevés dans les directives et prescriptions des normes IFSB. Au lieu de discuter ces
points de manière isolée, nous avons préféré, dans un souci de synthèse, les reporter dans leur
ensemble au sein de notre instrument de mesure. Nous reprenons ci-après, au sein de notre
baromètre, les facteurs impactés positivement par telle ou telle norme de l’IFSB, dans la mesure où
ces normes seraient amenées à être appliquées de manière efficace. Cette nuance est d’une
importance capitale. En effet, autant certaines prescriptions entrent explicitement dans les détails et
démarches minutieuses à suivre, autant d’autres se contentent d’un certain généralisme, comme pour
l’éthique, non sans latitude d’interprétation laissée au lecteur. En ce qui nous concernera dans ce
récapitulatif, nous spécifions plus particulièrement les aspects les plus impactés du facteur par la
274ALHQ : Actifs liquides de haute qualité, ou HQLA en anglais, ces actifs sont immédiatement cessibles sur le marché avec quasiment
aucune perte de valeur. Parmi ces actifs, l’IFSB prend en compte la trésorerie, les réserves placées à la banque centrale, les Sukuk
souverains ou d’entreprises publique ou d’institutions multilatérales ou d’autres actifs conformes à la sharia ayant une note acceptable.
Pour ces derniers, une décote sera prévue.
CADRE REGLEMENTAIRE
11. Possibilité d'arbitrage fiscal et réglementaire
1. Cupidité, course au prestige
COMPORTEMENTS
d'égo et de chiffres 12. Domination d'opérations et de comptabilités Prise en compte des opérations hors bilan ; Identifier et suivre les
2; 16
Niveau de capital et de réserve suffisant ; Diversification ; parallèles opérations de gré à gré ; Suivre les opérateurs non bancaires.
2. Prises de risque excessives Maîtrise du risque client (Hypothèque, urbun, haamish 1; 2; 15 13. Cotation continue et fréquence des transactions
jiddiyah, tiers garant, option de restitution…). Gouvernance ; Capital et réserve pour chaque transaction ; Contrôle 1; 2; 6; 10;
3. Ethique marginalisée et Conformité aux principes éthiques ; Transparence exigée ; 3; 6; 8; 14. Déréglementation et ouverture excessives, avec interne et externe systématique ; Procédures détaillées pour le 12; 13; 16;
environnement favorisant la fraude Formation à l'intégrité, l'honnêteté et la justice ; Avoir RSE. 9; 14; 17 des autorités ayant des contrôleurs moins qualifiés comité ; Formation continue ; Orientations aux autorités ; Plan de 17; 19
4. Intention préalable de spéculer que les opérateurs financiers suivi de crise détaillé ; Bonne infrastructure (juridique, prudentielle,
à court-terme monétaire...) ; Prise en compte d'effets transfrontaliers ; Bien payés
15. Poids et pouvoir des lobbys financiers
CADRE FINANCIER
5. Ventes futures Protéger les parties prenantes ; Montrer conflits d'intérêt, appliquer 3; 4; 7; 8; 15
TRANSACTIONS
CADRE MACRO
LEGENDE: 21. Système bancaire, dette et détérioration de la Analyse minutieuse du risque client ; Gestion efficace du risque de
1; 17 ; 18
En gris foncé: Facteurs qui sont accentués par les éléments du cadre, du pays ou des normes en question solvabilité liquidité ; Bonne mesure de la solvabilité client ; Tests de solvabilité
En gris: Facteurs qui peuvent se manifester dans ce cadre, et sans obstacles majeurs
22. Création monétaire et abondance de liquidités
En gris clair: Facteurs de la spéculation pour lesquels il y a une résilience et qui ont peu de chances de se
manifester 23. Titrisation et négociabilité de la dette
Niveau de capital de 8% pour chaque transaction ; Seul le fort levier 1; 2; 12; 15 -
24. Levier
est écarté. GN 2
275
Ce contrat cadre a été l’objet d’analyses en annexe
5. Ventes futures Conflits d'intérêt encadrés, notamment pour l'IPO et le courtier; 2010.28; 2014-
TRANSACTIONS
CADRE MACRO
2009: www.kse.com.sd/UserFiles/File/Procurement%20&%20Purcasing%20Rules.pdf 21. Système bancaire, dette et détérioration de la Penalités de retard proscrites sauf si retard volontaire (guide CSO);
2015-2
2010: www.kse.com.sd/UserFiles/File/tradingrl.pdf 2010-2: www.kse.com.sd/UserFiles/File/up/csd.pdf solvabilité Présentes dans un doc relatant le fond de garantie des opérateurs
2014: www.kse.com.sd/UserFiles/File/Brokerage%20Efficency%20Rules.pdf (p5)
Sauf /en cas de besoin majeur (Fatwa 1/92); Restrictions de liquidité Guide CSO;
22. Création monétaire et abondance de liquidités
2014-2: www.kse.com.sd/UserFiles/File/governance.pdf Revue 2014: www.kse.sd/UserFiles/File/magazine.pdf p114 et proportionnalité croissance PIB et MM pendant 3 ans (p118) Historique
2015: kse.com.sd/UserFiles/File/arabi%20report2015.pdf 2015-2: www.kse.com.sd/UserFiles/File/SetelmentR.pdf 23. Titrisation et négociabilité de la dette
2015: www.kse.com.sd/UserFiles/File/Mlaund.pdf 2016: www.kse.com.sd/UserFiles/File/authority(2).pdf Proscrit car le paiment doit se faire complètement au courtier ; Les 2010-2.22;
24. Levier
2016: www.kse.com.sd/UserFiles/File/KSE.pdf possibilité de retrait à découvert sont amoindries (p114) Historique
Guide CSO: cbos.gov.sd/sites/default/files/fatawa_book_01.pdf Historique: cbos.gov.sd/sites/default/files/banking_system.pdf
5.2.1.2 Malaisie
La Malaisie est une référence dans le monde de la FI, en termes de dynamisme (recherches,
nombre d’institutions, volumes, éventail d’outils…). Cette affirmation est admise dès lors que l’on met
de côté les divergences jurisprudentielles, et que nous prenons en compte uniquement le côté
quantitatif. Vu que la Malaisie présente le profil le plus éloigné du profil soudanais, il nous est paru
intéressant de la choisir comme second exemple illustratif, sachant que les autres juridictions se
situeront très probablement entre les deux analysées. Nous reportons les principales observations sur
une projection du baromètre sur les normes de fonctionnement du marché malaisien.
6,86
d'égo et de chiffres 12. Domination d'opérations et de comptabilités
6,36 Le gré à gré est une pratique importante du marché malaisien.
parallèles
2. Prises de risque excessives (VaR +
7,10 Tiers garant possible sur Mudarabah. 6,80 13. Cotation continue et fréquence des transactions Récupération n'est pas une condition à la revente, 1 transaction/j now
stress test CISS?)
6,00 5. Ventes futures Permises CPO; Vente et loyer à un prix fixé à échéance
TRANSACTIONS
6,02 16. Structure oligopolistique et conflits d'intérêt Cumul de mandat dans une IFI et politique proscrit (p79).
6,76 6. Assurances et spéculation
17. Domination de l'analyse comportementale sur
6,48
6,78 7. Vente à découvert Possible à travers l'emprunt et location de titres l'analyse fondamentale
7,30 8. Poids des dérivés Options, bons de souscriptions, waad, swaps 7,42 18. Voltilité Vente et loyer à un prix fixé à échéance possible.
9. Complexité croissante et excès 7,64 19. Asymétrie d'information, opacité, fausses rumeurs
7,40 De plus en plus de répliques, certains dérivés permis
d'innovation 20. Attractivité financière: Rentabilité d’activités
7,80
7,60 10. Spoofing financières dépasse celle de l’économie réelle
Précisons d’emblée que ces experts des MFI sont très peu nombreux. La première raison d’une
telle rareté est l’inexistence en pratique de MFI complets et aboutis. Cela implique que la majorité des
praticiens de ce domaine sont plutôt spécialisés dans les marchés financiers conventionnels, ou en sont
encore au stade de la recherche au niveau des marchés islamiques. Certains d’entre eux ont
éventuellement participé à la structuration de produits financiers islamiques mais cela ne les rend pas
pour autant praticiens experts des MFI, avec tout ce que cela requiert comme expertise réglementaire,
financière et économique. Par ailleurs, il est utile de préciser qu’au vu de la rareté des répondants,
nous allons inclure les questionnaires soumis lors de la phase test du guide d’entretien à notre analyse,
et qui étaient de nature qualitative 277 . Ces questionnaires ont subi un nombre important de
modifications au fil des premiers entretiens, pour gagner en pertinence. Ils ont l’avantage d’enrichir
sérieusement l’analyse par rapport au questionnaire quantitatif. En somme, nous avons une vingtaine
de répondants. Précisons que Reuters, avec leur large réseau de contacts, ont eu 40 répondants pour
277Ces questionnaires de la phase test et d’élaboration du guide d’entretien ont été soumis avant notre décision de passer au
questionnaire quantitatif, pour lequel nous avons seulement une douzaine de répondants. Ces deux catégories seront à chaque fois
confrontées pour essayer de dégager des conclusions adéquates, avec parfois des commentaires d’experts sur la question posée, qui
proviennent directement des questionnaires qualitatifs soumis lors des rencontres physiques.
Dans les paragraphes qui suivent, nous présentons les résultats de notre enquête auprès des
experts des MFI. Nous aborderons l’analyse de nos répondants en suivant notre plan du baromètre.
La vente à découvert
Le spoofing
Ce facteur étant assez clair, il en allait de même pour la question. Nous avons demandé s’il est permis
d’annuler un ordre juste avant son exécution. 77,7% des répondants ont répondu par l’affirmative. Ce
procédé est donc possible dans beaucoup de MFI, mais qu’en est-il de son importance ?
o Cadre réglementaire
A la question : Les organes de régulation ont-ils déjà imposé des amendes, 50% ont répondu par
l’affirmative, ce qui témoigne d’un certain suivi mais aussi d’une négligence pour d’autres marchés.
Volatilité
Le levier
6,86
d'égo et de chiffres 12. Domination d'opérations et de comptabilités
6,36
parallèles
2. Prises de risque excessives (VaR +
7,10 6,80 13. Cotation continue et fréquence des transactions
stress test CISS?)
CADRE MACRO
LEGENDE: 21. Système bancaire, dette et détérioration de la
5,54
En gris foncé: Facteurs qui sont accentués par les éléments du cadre, du pays ou des normes en question solvabilité
En gris: Facteurs qui peuvent se manifester dans ce cadre, et sans obstacles majeurs
6,66 22. Création monétaire et abondance de liquidités
En gris clair: Facteurs de la spéculation pour lesquels il y a une résilience et qui n'ont que peu de chances de se manifester
6,76 23. Titrisation et négociabilité de la dette
Figure 50 : Récapitulatif de l’ampleur des facteurs de la spéculation selon les experts interrogés
CADRE REGLEMENTAIRE
66%: La domiciliation à l'étranger dans un but fiscal est possible ; Pour 66%
11. Possibilité d'arbitrage fiscal et réglementaire
1. Cupidité, course au prestige Pour 80% des répondants, ces traits de caractères sont significatifs même l'ampleur de ce phénomène est modérée et pour 33% elle est importante.
COMPORTEMENTS
d'égo et de chiffres au niveau des MFI. 12. Domination d'opérations et de comptabilités 83%: Ces opérations et pratiques existent ; 75% L'ampleur du hors bilan est nulle
Les opérateurs de MFI sont légèrement plus agés ; Pour 70% des parallèles ou très faible, et pour 12,5% elle est faible ; 50%: Shaddow banking existe.
2. Prises de risque excessives (VaR +
répondants, ce sont les plus aventuriers, et non les plus solvables qui 13. Cotation continue et fréquence des transactions 100%: Daytrading existe ; 64%: THF possible ; 85%: Aucune durée min de détention
stress test CISS?)
récupèrent les produits les plus risqués. 77,8% des répondants trouvent que leurs régulateurs sont dans une posture plutôt
3. Ethique marginalisée et Préoccupation ''moyenne'' pour l'éthique selon 60%; Seuls 33% voient que le 14. Déréglementation et ouverture excessives, avec réactive ; 33% pensent que les RH et les ressources financières de régulation sont
environnement favorisant la fraude profit est le principal moteur des opérateur ; Moins de 5 fraudes pour 75%. des autorités ayant des contrôleurs moins qualifiés très faibles et 44% pensent qu'elles ne sont que partiellement suffisantes et
4. Intention préalable de spéculer Seuls 11% des répondants considèrent que plus de 50% des contrats à que les opérateurs financiers doivent être renforcées ; 50% des répondants affirment que leurs autorités de
à court-terme terme sont exécutés à échéance. régulation ont déjà imposé des amendes, et pour 50% ce n'est pas le cas.
15. Poids et pouvoir des lobbys financiers 66%: L'autorité a récemment procédé à des sauvetages ; 77,7%: Lobbys influents
CADRE FINANCIER
5. Ventes futures Aucun des répondant ne considère que plus de 50% des futurs sont exécutés 83%: Les agences de notation sont payées par leurs propres clients ; 66%: La part
TRANSACTIONS
LEGENDE: 21. Système bancaire, dette et détérioration de la37,5%: Dette <30% ; 37,5%: Dette 30 à 60%; 25%: Dette>60% ; 47,5%: Règle de
En gris foncé: Facteurs qui sont accentués par les éléments du cadre, du pays ou des normes en question solvabilité Volker marginalisée.
En gris: Facteurs qui peuvent se manifester dans ce cadre, et sans obstacles majeurs 70% des répondants estiment que leur contexte monétaire est expantionniste
22. Création monétaire et abondance de liquidités
En gris clair: Facteurs de la spéculation pour lesquels il y a une résilience et qui ont peu de chances de se manifester accompagné de faibles taux d'intérêt. 10% Pensent que ce n'est pas le cas.
THF: Trading à haute fréquence 23. Titrisation et négociabilité de la dette 41,7%: La part des produits de dette et liquidité dans les échanges est 10 à 20%.
62,5% affirment que dans leur juridiction, avec 1$, il est possible d'investir
24. Levier
jusqu'à 10$. Pour 12,5%, il est possible d'investir encore plus que 10$.
Conclusion du chapitre
L’analyse de nos deux pays de référence a permis de voir que les modèles soudanais et
malaisien sont loin d’être similaires du point de vu de la résilience. Alors que le Soudan n’a
d’exposition significative qu’à un seul facteur (prise de risque excessive) et qu’il a une exposition
potentielle à 8 facteurs, la Malaisie est significativement exposée à 10 facteurs et potentiellement à
13 facteurs. Afin de clarifier l’hétérogénéité qui règne au niveau des juridictions, les résultats de notre
enquête ont également été projetés sur deux baromètres : l’un permettant d’appréhender si le facteur
existe dans l’une des juridictions et l’autre décrivant l’ampleur moyenne du facteur dans la globalité
des juridictions. Pour le premier, le résultat est sans appel : Pour chacun des facteurs, il existe au
moins une juridiction qui, en pratique, permettait sa manifestation où l’incorporait clairement. C’est
valable pour tous les facteurs. Au niveau de l’ampleur, les résultats sont plus mesurés mais
demeurent surprenants. Cela se constate avec 13 facteurs qui sont déjà au niveau significatif et
seulement 5 facteurs qui sont pour l’instant relativement cernés et faibles.
Pour les facteurs comportementaux, les MFI sont en présence de nombreuses lacunes, tant
au niveau des normes que des pratiques. Nous avons amplement détaillé les raisons liées à cet état de
fait, la plus importante étant que le comportement et l’intention de l’opérateur sont ce qu’il y a de plus
délicat à cadrer avec des normes. Il est évident que ces facteurs ont une large latitude pour se
Marchés Financiers Islamiques et Risque de Spéculation - © Mohamed Talal LAHLOU
- 400 -
manifester dans les MFI, tout en sachant que c’est déjà fortement le cas pour la cupidité et la prise de
risque. Les transactions, elles, semblent les plus épargnées pour l’instant, en phase avec l’analyse des
bilans des IFI, bien que pouvant se manifester également, l’exemple malaisien étant le plus édifiant à
ce titre. Nous observons des lacunes au niveau des normes comme pour la complexité, le spoofing et
les ventes futures. Ces lacunes sont par contre absentes du marché soudanais. En l’état, bien que
marginales, les carences des normes laissent à penser que les transactions controversées, comme
certaines avancées par le Tahawwut ou encore par certains comités sharia isolés, ont une certaine
latitude qui leur permet de se manifester à l’avenir.
Dans l’ensemble, les facteurs exogènes sont tous déjà en situation critique. C’est le cas tout
d’abord des facteurs liés au cadre réglementaire. L’arbitrage est une pratique courante pour les MFI.
Les opérations parallèles, bien que surveillées par certaines normes, sont présentes dans les MFI, dans
une moindre mesure. Le daytrading est déjà de mise, et il n’y a pas d’obstacle au THF. La dérégulation,
bien qu’aux antipodes des normes et très cadrée, se retrouve significative en pratique. L’écart entre
règles et pratiques est colossal pour ce facteur. Le lobbying, lui, est tout aussi manifeste, et encore
moins cadré par les normes que le précédent. Il en va de même pour les facteurs liés au contexte
financier, tous déjà très significatifs dans les MFI. Bien que très normés, les oligopoles et conflits
d’intérêt sont courants. C’est aussi le cas pour la domination de l’analyse comportementale, qui plus
est, moins cadrée. La volatilité est de mise, bien qu’assez cadrée. L’asymétrie d’information, l’opacité
et les fausses rumeurs sont dans le même cas. Quant à l’attractivité d’activités purement financières
par rapport à l’économie réelle, elle est majeure, et inexistante dans les normes. La voie lui est donc
largement ouverte, et cela n’a pas manqué de se constater en pratique. La situation des facteurs liés
au contexte macroéconomique d’endettement est relativement similaire, dans la mesure où les MFI
embryonnaires évoluent dans des contextes conventionnels. Bien que la solvabilité, les prêts et les
intérêts soient extrêmement cadrés, la dette est présente en pratique, accompagnée parfois de
pénalités. L’abondance de liquidité est la même que dans l’économie conventionnelle, ce qui rend le
facteur très présent. La titrisation et la négociabilité de la dette est présente en pratique, bien que
dans une moindre mesure. Enfin, le levier est très important, même dans les MFI, vu qu’il obéit aux
normes du marché conventionnel dans lequel l’IFI évolue. Les normes IFSB et AAOIFI divergent
d’ailleurs à son sujet, ce qui ne manque pas de favoriser un certain arbitrage. Ces divergences restent
un sujet de débat ouvert quant à leurs implications actuelles et futures.
Au terme de cette thèse, il convient de conclure nos analyses. Le sujet est riche et fécond en
matière de réflexion. La conclusion permettra de récapituler les travaux dans leur ensemble, depuis
l’initiation de ce travail de recherche jusqu’à son aboutissement.
CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE
Les économies internationales ont subi ces dernières décennies une accélération du rythme des
bulles spéculatives. Les économistes et les régulateurs donnaient le sentiment d’être dépassés par les
événements financiers et dépourvus d’outils adéquats à chaque crise. Dans ce contexte, la croissance
des pratiques financières alternatives s’est accompagnée de l’émergence de la FI. Un certain nombre
d’analyses, plusieurs dizaines (El Khamlichi, 2013), insistaient, démonstrations empiriques à l’appui, sur
la résilience des indices boursiers ‘’islamiques’’ et des IFI lors des dernières vagues spéculatives. Il n’y
avait plus de doutes sur l’impact plus limité, par rapport à l’impact de la crise sur les banques. Mais
cela ne renseignait pas assez sur la nature du rapport entre spéculation et MFI en détail et pour
l’avenir.
Or, lors de l’analyse de ces vagues, nous nous sommes retrouvés face à un ‘’chaos conceptuel’’
lorsqu’il s’agit d’étudier rigoureusement la spéculation. Avec davantage d’approfondissement, nous
avons constaté de nombreuses contradictions entre les principales définitions, puis théories, de la
spéculation. Il en va de même pour la FI. L’aspect novateur et intrigant du SEI, se retrouve souvent
prisonnier de postures idéologiquement ancrées et peu étayées d’un point de vue scientifique. La
résilience de la FI à la spéculation était souvent instituée comme pilier (Causse-Brocquet, 2012) et mise
en avant dans la défense des MFI, contrairement aux ‘’dérives boursières capitalistes’’, dans certains
cas à défaut d’arguments objectifs et scientifiques. La question était souvent résolue en quelques
lignes, passant du pilier à la résilience du sous-système représenté par les MFI, pourtant morcelés et
embryonnaires.
A la lumière des implications pratiques liées à ces développements, il devenait urgent et
nécessaire d’évaluer la validité des arguments, de manière scientifique et articulée. Dans la droite ligne
de cette évaluation, se posait avec insistance la question : Dans quelle mesure existe-t-il un risque de
spéculation au sein des MFI ?
CONCLUSIONS INTERMEDIAIRES
A l’instar tout système économique complet et intégré, nous avons constaté que l’EI s’appuie
également sur des théories, axiomes, frontières, règles, institutions et principes directeurs
interagissant qui en font un SEI, remettant en cause l’assertion schumpétérienne d’absence d’avancée
majeure en économie durant cinq siècles. Ces éléments sont tirés des principes jurisprudentiels et des
objectifs (Maqasid) de la sharia, issus de processus d’Ijtihad approfondis. D’un point de vue holistique,
Marchés Financiers Islamiques et Risque de Spéculation - © Mohamed Talal LAHLOU
- 408 -
le SEI s’appuie sur 7 piliers, 4 positifs et 3 négatifs, et se compose de 6 institutions essentielles qui
opèrent dans un cadre défini, que nous avons schématisé (Cf 1.1.4).
Lors de l’analyse du concept de spéculation, au-delà des divergences de définitions et de
théories, nous avons constaté que les modèles apportés étaient basés sur des hypothèses
déconnectées de la réalité, ce qui en rendait la portée bien limitée. Les modèles classiques et
néoclassiques sur la spéculation ne permettent pas de décrire la réalité complexe du phénomène.
Pour beaucoup d’entre eux, elle se rapprochait de l’arbitrage inter-temporel. Ils ont par conséquent
donné naissance à une vision séduisante et dominante, mais qui peine à apporter les réponses
adéquates aux excès spéculatifs. Ces modèles furent qualifiés par le prix Nobel Schiller (1990) de
‘’popular models’’ lorsqu’il démontrait leur impertinence. D’une manière générale, la tendance des
théories classiques et néoclassiques est d’essayer de démontrer que la spéculation a des effets
bénéfiques à travers l’apport de liquidité, la stabilisation avec la réduction de la volatilité, la
fluidification de l’information, etc. A rebours, la tendance des théories keynésiennes et
néokeynésiennes est de remettre en cause ces postulats, notamment en s’attaquant aux motivations
de base des spéculateurs, aux modes opératoires mis en avant par les néoclassiques et en mettant en
avant les conséquences pratiques bien loin des idéaux théoriques.
L’analyse des différentes doctrines a permis de comprendre que la spéculation ne pouvait se
réduire à des explications sommaires. Suite aux confrontations que nous avons menées entre les
définitions puis entre les théories, le concept devenait plus clair avec la définition que nous avions
désormais établie. La spéculation intervient en environnement incertain contrairement à l’arbitrage,
et en déconnexion de l’activité réelle, contrairement à la couverture. Vingt-quatre facteurs lui sont
liés, tel que nous le voyons à travers notre nomenclature finale, sur laquelle nous revenons pour
comprendre chaque facteur.
D’une manière générale, la spéculation est favorisée par deux grandes catégories de facteurs.
Les premiers, endogènes, regroupent deux sous-catégories. Ce sont tout d’abord des comportements
spécifiques qui favorisent la spéculation sur le marché. La cupidité des opérateurs financiers qui se
trouvent inscrits dans une course au prestige dans des milieux très spécifiques est le premier facteur.
Ces opérateurs ont tendance à dépasser certaines limites dans leur prise de risque. Ils sont
essentiellement motivés par le profit et ont également tendance à ne pas se préoccuper d’éthique,
voire à tomber dans la fraude. Cette intention d’aborder le marché de la même manière qu’un casino,
avec laquelle se présentent d’emblée certains opérateurs souhaitant spéculer à court terme, est tout à
fait propice à l’accroissement du risque spéculatif.
279
http://www.easybourse.com/bourse/financieres/dossier/21119/trading-a-haute-frequence-quels-enjeux-pour-la-repression-des-
fraudes-.html (09/07/2014)
CONCLUSION FONDAMENTALE
Dans un premier temps, il est utile de noter que le SEI remplit les conditions requises pour être
qualifié de système économique. Pour ce qui est de la spéculation, il n’est pas possible de trancher
définitivement sur l’aspect spéculatif ou non d’une transaction. Certains paramètres permettent de
qualifier le profil d’une transaction de ‘’plutôt spéculatif’’ ou ‘’plutôt non spéculatif’’. La relativité est
inhérente à ce concept, tant il est et restera contingent. Ce qui est plus clair, c’est qu’en l’état actuel
des choses, vingt-quatre facteurs contribuent à l’amplification de la spéculation.
En somme, il est paru de plus en plus clair, au fil des travaux réalisés, que notre hypothèse
d’immunité des MFI n’est valable qu’en théorie, dans un cadre idéaltypique, en supposant
l’ensemble des principes fondateurs de la FI appliqués et déclinés en normes claires. En réalité, cette
hypothèse est clairement remise en cause en pratique du fait de la possibilité de voir l’ensemble des
facteurs se manifester, à une échelle plus ou moins importante. Au vu de notre posture hypothético-
déductive falsificatrice, nous pouvons acter de la falsification de l’hypothèse d’immunité des MFI aux
facteurs de la spéculation. Cette falsification ne porte pas sur quelques facteurs comme le laissent
penser les premières analyses, mais sur l’ensemble des facteurs, à une échelle plus ou moins
importante.
Les facteurs liés aux transactions se manifestent de manière bien moins ample que les quatre
autres catégories, déjà présentes voire significatives dans les MFI actuels. Les cadres réglementaires
LIMITES
Comme pour tout travail de réflexion résultant de l’effort humain, les apports de cette
recherche doivent être nuancés par certaines limites. La première est d’ordre épistémologique tant
l’insertion d’une partie constructiviste au sein d’une thèse ayant adopté une approche post-positiviste
est un élément nécessitant davantage d’exploration.
Au niveau de notre étude documentaire, l’une des principales limites à cette recherche est la
difficulté à extraire, de modélisations mathématiques de la spéculation, des conclusions intelligibles,
utiles à notre travail d’exploration. Une autre difficulté liée à l’étude documentaire est la difficulté de
mettre en place des indicateurs de mesure fiables pour les facteurs de la spéculation. Ces indicateurs
ont une portée réduite vu qu’ils n’ont pas été confirmés empiriquement. Cela s’est traduit par des
difficultés considérables à collecter les données correspondant aux ratios choisis, tant les référentiels
varient d’un pays à l’autre. L’indisponibilité des données chiffrées complètes a donc constitué un
obstacle fondamental pour l’étude des places abritant des produits de FI de marché, à travers une
version numérique de notre baromètre. Au niveau de la FI, l’une des difficultés de l’étude
documentaire a trait aux nomenclatures hétérogènes des bilans et des terminologies utilisées pour
qualifier les produits au sein des bilans. Cela peut éventuellement rendre certaines comparaisons
moins pertinentes.
Pour notre première enquête, la principale limite tient au fait que les profils d’académiciens
dépassent ceux des praticiens, bien que les deux soient spécialistes des questions de finance de
marché. Notre seconde enquête, elle, présente également certaines limites. La principale est la taille
du panel de répondants. Un tel panel permet toutefois de dresser certaines conclusions lorsqu’il est
recoupé aux profils, au contexte et aux études préalables. Cette limite est structurelle et inhérente à la
discipline et au secteur des MFI. Cette seconde enquête s’est également heurtée à l’hétérogénéité des
cadres légaux et jurisprudentiels des MFI, que nous avons tenté de dépasser avec notre baromètre
récapitulatif et comparatif.
Source : L’auteur
Légende :
OK : Signifie qu’il est possible de procéder à un échange immédiat ou de différer l’une des deux
contreparties, ainsi qu’il est possible que les contreparties ne soient pas égales.
Exemple : Sel contre argent (ou monnaie), il est possible de vendre immédiatement ou de différer la
livraison soit du sel soit du paiement, mais pas des deux, sinon on serait dans le cadre d’une vente
future proscrite. L’égalité de quantité n’est pas non plus requise.
= T : Signifie qu’il est possible que les deux biens soient échangés en quantité inégale, mais la
transaction doit être immédiate (spot) sous peine de nullité
= Q et T : Signifie que cette transaction n’a à la base pas vocation à exister ; si elle est appelée à
prendre place, il doit y avoir stricte égalité des quantités échangées et que ce soit fait en spot.
Exemple : Echange d’un bracelet en or pur 24 carats ne contenant rien d’autre que de l’or, contre un
collier en or pur 24 carats ne contenant rien d’autre que de l’or. Pour que cet échange soit valide, le
poids des deux objets doit être strictement identique. Dans le cas contraire, il y a un certain nombre de
conditions qu’il n’est pas spécifiquement utile de développer ici.
Source : Bourse-investissement.fr280
280 Bourse-investissements.fr (2013), La Vente à Découvert (VAD) pour gagner sur la baisse des actions, 30 Juin.
URL : http://www.bourse-investissements.fr/la-vente-a-decouvert-vad-pour-gagner-sur-la-baisse-des-actions/ (20/1/15)
281 http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL5N0OX42A20140616 (24/1/15)
282Fruchard E., Lévêque P. (2013), Emprunts Toxiques : 2. Analyse critique de la « Gestion Active » de dette, 22 Juin. URL :
http://www.emprunttoxique.info/docs/2_Emprunts_Toxiques_Analyse_Critique_Gestion_Active.pdf (19/01/2015)
URL : http://www.challenges.fr/tribunes/20151203.CHA2272/climat-pourquoi-il-est-urgent-de-mettre-en-oeuvre-une-vraie-taxe-sur-les-
transactions-financieres.html (14/12/2015)
cent vingt postes. Cette hégémonie des orthodoxes convaincus de la toute-puissance bienfaitrice de la « main invisible du marché » (Adam
Smith) serait sans conséquence si cette pensée unique ne nous avait pas menés, depuis plus de trente ans, de crises en crises. »
« En économie, il y a deux génies. Marx et Keynes. (…) Mais la science économique, 99 % de ce qui est enseigné, 99 % de ce qui fonde la
recherche, ce n’est ni Marx ni Keynes, c’est Walras. » selon Bernard Maris
https://comptoir.org/2016/01/11/bernard-maris-ou-lanti-economiste-citoyen/ (22/04/2017)
290 http://www.bbc.com/news/business-35462879 (22/04/2017)
291 Le collectif des économistes attérés est un collectif regroupant plusieurs dizaines d’économistes, qui remettent en cause les principaux
postulats dominant encore la reflexion orthodoxe et l’enseignement de l’économie. Ils avertissent que les marchés financiers ne sont pas
efficients, contrairement à certains Nobels ou qu’ils ne sont pas nécessairement favorables à la croissance, entre autres postulats. Ce
collectif inclut notamment Orléan, Plihon et Lordon.
http://www.atterres.org/page/manifeste-d%C3%A9conomistes-atterr%C3%A9s (25/04/2017)
292 http://www.huffingtonpost.com/adam-grant/does-studying-economics-b_b_4141384.html (22/04/2017)
P = Prix Pspot= Prix courant immédiat Pmoy = Prix moyen Pmin = Prix minimum
Pf = Prix final MP = Matières premières Pmax = Prix maximum
- Noir : L’ensemble des savants de cette école n’autorisent pas la revente à cette étape ;
- Gris foncé : L’avis retenu et majoritaire dans l’école n’autorise pas la revente du bien à cette étape ;
- Gris : L’avis retenu et majoritaire de l’école autorise la revente à cette étape de la transaction ;
- Gris clair : L’ensemble des savants de l’école autorisent la revente du bien à cette étape.
Ainsi, nous avons déterminé cinq étapes majeures dans le processus global de la transaction qui
sont l’objet de divergences, sur l’étape à partir de laquelle la revente est autorisée. Ce tableau résulte
de la fusion de deux tableaux descriptifs sur les avis concernant la règle de la récupération d’une part,
et le deuxième tableau portant sur ce qui donne droit à la revente d’autre part.
Marchés Financiers Islamiques et Risque de Spéculation - © Mohamed Talal LAHLOU
- 433 -
Nous avons donc 5 étapes dans le processus de transaction (l’acte d’achat, la mise à disposition,
l’acte de mesure, la récupération physique, le changement de lieu), 6 types de biens qui ont des
jugements différents (la nourriture quantifiable, la nourriture vendue en gros, les autres biens
quantifiables, les autres biens vendus en gros, les biens légers récupérables à la main et les biens
immobiliers), 4 écoles de jurisprudence majeures (hanafi, maléki, chaféi, hanbali), et 4 avis possibles
au sein de l’école (unanimité contre, l’avis global est contre, l’avis global est pour, l’unanimité est
pour). Nous avons donc pour chaque type de bien des dizaines de possibilités. Le nombre de
configurations globales possibles se compte par centaines, éparpillées dans des milliers de pages
d’analyse. C’est dire combien le traitement de la question de manière narrative et littéraire seulement
est peu révélateur, chose que le lecteur découvre facilement à travers les anciennes analyses.
Ce tableau a permis de schématiser et simplifier la configuration de ces avis, car la principale
difficulté résidait, dans la schématisation de l’univers des avis dans l’esprit du lecteur. Nous avons
entouré en noir les produits qui concerneront la suite de notre recherche, et qui sont traités dans les
marchés financiers, à savoir la nourriture quantifiée et les autres biens pesés et quantifiés.
Nous avons entouré en gris foncé l’avis du conseil du fiqh en 1990. Cet avis énonce que la
simple mise à disposition permet la revente du bien. Nous avons entouré en gris l’avis de l’école
shaféite, et qui se rapproche des Hadiths et des opinions de Ibn Abbas, Jabir Ibn Abdillah, Said Ibn
AlMussayib, Ataa, l’imam Chaféi et son école, Muhamad ibn Al Hasan (Hanafi), Bukhari, Muslim…
C.8 Le Screening
Screening : Processus de filtrage basé sur des critères qualitatifs puis quantitatifs permettant de
déterminer un pool d’actions dans lequel les IFI sont autorisées à investir. Le critère de screening
qualitatif du Dow Jones Islamic Index, par exemple, exclut d’emblée toute entreprise dont l’activité
principale est illicite (alcool, pornographie, tabac, jeux de hasard, finance usuraire, certains loisirs et
media…).
Dans les critères quantitatifs on note, malgré certaines divergences entre comités charia :
- L’obligation de ne pas dépasser 0 ou 5% (selon l’avis retenu) de revenus illicites ;
- Le ratio dette / capitalisation boursière moyenne sur 24 (ou 12) mois inférieur à 30 (ou 33%) ;
- Le ratio créances / capitalisation boursière moyenne sur 24 (ou 12) mois inférieur à 33% ;
- Le ratio (Cash + actifs liquides) / capitalisation boursière moyenne sur 24 (ou 12) mois inférieur à 33%.
L’indice KMO de 0,815 peut être qualifié d’excellent alors qu’il était auparavant de 0,794, il y a alors
une amélioration notable dans cette mesure : l’indice passe de bon à excellent. Ceci nous indique que
les corrélations entre les items sont de bonne qualité. Ensuite, le résultat du test de sphéricité de
Bartlett est significatif puisque la p-valeur est inférieure au risque conventionnel de 5%. Nous pouvons
donc rejeter l'hypothèse nulle voulant que nos données proviennent d’une population pour laquelle la
Marchés Financiers Islamiques et Risque de Spéculation - © Mohamed Talal LAHLOU
- 438 -
matrice serait une matrice d’identité. Les corrélations ne sont donc pas toutes égales à zéro. Nous
pouvons donc poursuivre l'analyse. Nous enchainons notre raisonnement par l’examen de la qualité de
la représentation ainsi déduite.
• Qualité de représentation
Tableau 30 : Qualité de représentation
Qualité de représentation
Initial Extraction
Manque d'intérêt pour l'éthique, le profit rapide étant la seule variable de mesure de performance 1,000 ,550
Cupidité, course au prestige entre les traders 1,000 ,461
Excès de prise de risque, les dérivés finissent chez les plus aventuriers et non les plus solides 1,000 ,362
Des assureurs qui spéculent de plus en plus et qui couvrent la spéculation (CDS...) 1,000 ,576
La vente à découvert 1,000 ,392
Les ventes futures 1,000 ,513
Le Spoofing 1,000 ,619
Complexité croissante des produits structurés (mal cernés) et excès d'innovation financière 1,000 ,624
Poids de plus en plus important des dérivés dans les volumes de transactions 1,000 ,693
Possibilité d'arbitrage réglementaire et fiscal 1,000 ,483
Domination croissante des opérations et comptabilités parallèles et hors bilan (OTC) 1,000 ,562
Déréglementation excessive qui aboutit à ce que les autorités de régulation ont des budgets et 1,000 ,676
compétences inférieurs à ceux des spéculateurs qu'ils sont censés contrôler
Poids et pouvoir des lobbys financiers, ainsi que leur protection en cas de crise 1,000 ,501
Cotation continue et fréquence des transactions 1,000 ,394
Domination de l'intermédiation et d'acteurs institutionnels de grande taille (structure 1,000 ,398
oligopolistique)
La rentabilité des activités financières spéculatives dépasse de loin l'économie réelle 1,000 ,616
La volatilité importante des marchés 1,000 ,634
Asymétrie d'information, opacité et fausses rumeurs 1,000 ,461
Détérioration de la solvabilité des agents économiques et financiers 1,000 ,291
Création monétaire et abondance de crédit et de liquidités 1,000 ,356
L'effet de levier, possible et de plus en plus important 1,000 ,527
La possibilité de titriser la dette puis la négocier sur le marché 1,000 ,529
Méthode d'extraction : Analyse en composantes principales.
Le premier facteur explique 42,69 % de la variance totale des variables de l'analyse. Mis en communs,
les deux premiers facteurs permettent d'expliquer près de 51 % de la variance globale. Ainsi deux
dimensions expliquent alors plus de la moitié de l’information contenue dans les réponses de notre
questionnaire. Notons aussi que par rapport à l’analyse faite préalablement, le gain serait en termes de
qualité de représentation serait alors de 3,313 points (50,987- 47,674).
La VAR permet donc de mesurer d’une certaine manière le risque maximal pour une période donnée
d’une manière assez simple. En effet, « même si la Value At Risk n'est pas un vrai instrument de
prévision, elle permet néanmoins d'obtenir une mesure quantitative du risque »309. La VAR est encore
utilisée par les plus grandes institutions financières mondiales. Cependant, sa simplicité constitue l’un
de ses principaux défauts tant il y a d’hypothèses à respecter pour ne pas tomber dans le biais et tant
l’observation des valeurs passées pour anticiper les fluctuations à venir peut s’avérer hasardeuse. La
crise financière de 2008 est venue confirmer ce constat, poussant la communauté financière à
s’orienter vers la recherche d’une alternative plus crédible. Une alternative qui, à ce jour, n’est pas
clairement définie.
Ce schéma met en évidence un circuit fermé entre quatre facteurs dont les corrélations sont
importantes. La réduction de ces quatre facteurs à trois peut se faire aisément, tant les corrélations
bilatérales sont confirmées de manière circulaire. En poussant la logique de réduction de variables au
maximum, nous pourrions ne retenir qu’un seul de ces quatre facteurs en y greffant les pondérations
respectives de chacun, dans la version la plus synthétique de notre instrument de mesure.
Ce second schéma met en avant un circuit fermé de cinq facteurs, dont quatre relevant des facteurs
exogènes de la spéculation, ce qui en consolide la représentativité en cas de réduction des facteurs.
Ce dernier schéma représente trois facteurs, tous représentatifs de facteurs exogènes de la spéculation.
Ils peuvent être réduits à deux facteurs du fait du niveau de corrélation et des corrélations triangulaires.
Dans un souci de synthèse, une autre version du baromètre sera proposée, dans l’optique de faciliter l’utilisation du baromètre tout en ne perdant
pas une quantité d’information décisive. Dans cette version, nous avons procédé à la fusion des facteurs qui présentaient une corrélation supérieure à 0,6,
tant que ces corrélations se manifestaient entres facteurs de la même sous-catégorie. L’objectif est de diminuer le nombre de facteurs à mesurer
nécessaires pour obtenir une mesure chiffrée de la sous-catégorie. Dans cette version, nous avons cinq facteurs en moins.
310 IIFM : International Islamic Financial Markets, une institution créée pour faciliter la négociation d’actifs liquides comme les Sukuk à
court terme, entre plusieurs places boursières de pays musulmans.
311 ISDA : International SWAPS and derivatives association. Créée en 1985, cette institution regroupe près de 830 membres d’environ 58
pays dans le monde. Elle ambitionne de renforcer le recours aux dérivés comme outils de gestion des risques. Elle représente
principalement les acteurs du gré à gré. L’une de ses principales contributions est la rédaction des IDA master agreements de 1992, 2002
et 2010. Ces documents couvrent un grand nombre de dérivés et favorisent la compréhension de ces produits ainsi que la gestion des
risques.
En outre, l’accord classe les transactions Tawarruq, al-ina (buy-back) et al-dayn (dérivé de crédit),
comme étant des transactions illicites.
Cet accord a constitué un socle de travail pour l’IIFM issu de la coopération de plusieurs
institutions et gouvernements. Parmi les directives promulguées par l’IIFM concernant l’accord, la mise
à l’écart des transactions proposées par l’accord comme pistes, et la limitation à l’accord général de
base. De la même manière, le comité sharia de l’IIFM a mis à l’écart les DFT (designated future
transactions) qui mettent également en avant des transactions refusées par la majorité des opérateurs
et experts. Les directives de l’IIFM insistent sur la nécessité que les transactions de couverture soient
liées à des risques réels découlant de l’activité économique de l’opérateur. Les transactions ne doivent
CADRE REGLEMENTAIRE
11. Possibilité d'arbitrage fiscal et réglementaire Offre des issues non disponibles dans d'autres juridictions.
1. Cupidité, course au prestige
COMPORTEMENTS
CADRE FINANCIER
5. Ventes futures
TRANSACTIONS
CADRE MACRO
LEGENDE: 21. Système bancaire, dette et détérioration de la
En gris foncé: Facteurs qui sont accentués par les éléments du cadre, du pays ou des normes en question solvabilité
En gris: Facteurs qui peuvent se manifester dans ce cadre, et sans obstacles majeurs
22. Création monétaire et abondance de liquidités
En gris clair: Facteurs de la spéculation pour lesquels il y a une résilience et qui n'ont que peu de chances de se manifester
23. Titrisation et négociabilité de la dette Options et avances non négociables.
24. Levier
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ABSTRACT
Resilience of islamic finance to speculation is often presented as a fundamental principle and
research result. Our research aim was to question this principle, in theory and in practice. For this
purpose, we tried to clarify both concepts to set up a formal model of the islamic economic system and
its theory of risk, as well as a new definition and a comparative table of theories on speculation. The
next step was to identify the main factors of speculation observed by economists. The factors are
separated in two groups : endogeneous (behavioral / transactions) and exogeneous (regulatory /
financial / macroeconomical). Having clearly identified these categories, we exposed the principles of
islamic finance to the factors. Theoretically, the principles are resilient. Practically, some doubts
emerged.
Being now in the practical side of the research, we built our main instrument : The barometer
evaluating the speculation risk. This tool contains the main factors of speculation, weighted by the
results of the statistical analysis conducted on the field-based study. The barometer was projected on
the practical aspects of islamic capital markets. The outcome noticed is that many factors are,
nowadays, not really regulated in the markets incorporating islamic financial products. The barometer
was also projected on the main stadards of the field (AAOIFI and IFSB), on two countries (Sudan and
Malaisia), and on the results of another study conducted with experts of islamic capital markets. We
built afterwords a synthetical barometer that compares all the projections. The unexpected result is
that, contrary to theory, current practices of islamic financial markets expose the markets to
speculation, only the intensity varies from a market to another.