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My CAIRN OM ice Angoisse de séparation et angoisse de morcellement Gilbert Diatkine DaNs REVUE FRANCAISE DE PSYCHANALYSE 2001/2 (Vol.65), PAGES 395 A408 ARTICLE hhez certains patients, langoisse de séparation semble régulidrement se transformer en une angoisse de morcellement. Les interruptions de la cure 3 foccasion des vacances, et surtout la possibilité de terminaison a Foccasion d'un progrés tangible sur le plan social, sont immédiatement accompagnés de représentations, parfois trés angoissantes, de mozcellement du corps, de Fobjet et de la pensée. Cette désorganisation entraine des réactions thérapeutiques négatives qui font que leurs cures sont interminables, Le travail analytique dure de nombreuses années, parfois avec le méme analyste, parfois avec des analystes différents. il rend possible une vie sociale autonome avec tout de méme des hospitalisations bréves 3 de certains moments, mais le patient semble devenu dépendant de la présence physique de Fanalyste, pour ce qui concerne l'unification de ses pulsions, de ses objets et de son moi. ANGOISSE DE MORCELLEMENT ET ANGOISSE DE SEPARATION DANS LES MEMOIRES D’UN NEVROPATHE Pour des raisons pratiques, étudierai les rapports entre angoisse de séparation et angoisse de morcellement & partir d'un cas dont Fobservation détaillée a été publiée par le patient lui-méme, et qui est bien connue de tous, celle du président Schreber. Bien que le président Schreber n'ai pas été en analyse, ilest assez facile de montrer comment Yangoisse de morcellement apparait chez lui quand il est séparé d'un objet fortement investi, et comment elle disparaft quand il peut & nouveau reconstituer un lien & un objet significatif. Dans la mesure od fon peut se fier &la description trés précise qu'il fait, dix ans plus tard, de son état mental, on peut remarquer que, malgré la gravité de son état, pendant les trois premiers mois de son hospitalisation ala Clinique universitaire de Leipzig entre le 21 novembre 1893 et le 15 Février 1894, il ne présente aucune des manifestations dissociatives qu'il va décrire ensuite et qui relevent de Fangoisse de morcellement. Il est dans un état de dépression qui avoisine la mélancolie et fait deux tentatives de suicide", puis il devient agoraphobe, ‘mais il ne sent ni son esprit ni son corps se désagréger. Pendant toute cette période, sa femme vient le voir deux fois par jour pendant plusieurs heures, et déjeune avec lui". Le 1s février, sa fernme s'absente quatre jours pour rendre visite & son pére & Berlin. Son état s'aggrave & un tel point pendant cette séparation que, quand illa revoir, illu demande de cesser ses visites. Ine veut pas qu'elle le voie dans cet état”, Ge n'est qualors quapparaissent le sentiment trés angoissant de morcellement du corps, et le délire" séparation significative survient quatre mois plus tard, quand, & la suite de son transfert dans une clinique privée, Schreber est séparé du psychiatre en quiil avait confiance, et qui avait guéri une premiére fois en 1884", le P Flechsig. Ily a peut-étre dans Fesprit de Schreber un lien étroit entre sa femme et Flechsig, car ‘Mme Schreber a conservé un grand attachement pour Flechsig. Lors de son transfert en clinique privée, Schreber cherche un objet de transfert substitatif a Flechsig, evil le trouve en la personne de tinfirmier-chef de la clinique. Cet infirmier ressemble & une de ses connaissances, von W.."°, Mais Schreber n'a droit qu’ quinze jours de clinique avant d'étre transféré pour une trés longue période & fasile Provincial, etil est donc séparé de ce nouvel objet. Ilva rester six ans & Vasile, dont deux ans d'isolement complet chez les déments, sans doute & la Une deuxiéme suite d'incidents violents avec d'autres malades ou avec les infirmiers. Pendant toute cette période, Langoisse de morcellement va se développer dans toutes ses dimensions, touchant 3 la fois le corps propre et les objets. Puis elle va progressivement se réduire, sans que pour autant le délire disparaisse. Le morcellement de Fobjet part d'une opposition banale entre objet persécuteur et objet idéalisé, mais cette distinction n'est jamais stable. Au départ, objet persécuteur est Flechsig, qui abuse sexuellement de Schreber, tandis que Fobjet idéalisé est Dieu, qui le protége. Plus tard, c'est Dieu qui abusera de lui. « Flechsig » est done dabord un objet persécuteur: Schreber pense lui sans arrét. I! se demande sil ne thypnotise pas distance, et silne pourrait pas aussi communiquer avec tAu-dela. Certains nerfs de Flechsig, devenus des « Ames examinées », persécutent Schreber en exécutant sur lui des « miracles destructeurs »"?, Méme quand Yangoisse de morcellement aura presque disparu, « une partie des nerfs de Flechsig » restera en relation avec Schreber'™ Accoté des objets issus de la division de Flechsig, ily a ceux résultant de celle de von W...""Il faut noter que von W...et Flechsig représentent des idéaux de nature différente, mais tous deux importants pour Schreber Flechsig est professeur d'université, von W... est un noble, et apprécie «la fagon aristocratique dont Schreber tient sa fourchette »"*, De méme, tobjet idéalisé, Dieu," qui constitue les « Royaumes divins postérieurs », se divise en un Dieu inférieur (Ariman) et un Dieu supérieur (Ormuzd). Le Dieu supérieur répare d'abord « éviration » causée par le Dieu inférieur (Ariman)™, puis se produit un renversement des attitudes d'Ariman et d’Ozmud envers lui : Ormuzd, qui le protégeait, devient hostile, Ariman amical"™, Persécuteurs ou idéalisés, les objets du délire de Schreber semblent se multiplier &Finfini™’, Les « hommes baclés& la six-quatte-deux » (Elichtig hingemacht manner) sont innombrables"?. Schreber pourrait « citer ici les noms de centaines, sinon de rilliers de gens » qui sont en contact avec lui", 1l est envabi par un nombre de plus en plus grand d’ames défuntes sous formes de petits hommes de quelques millimétres"™. « Les ames sous forme de petits hommes dégringolent pour ainsi dire sur sa téte par centaines, sinon par milliers. »!™! Les « oiseaux miraculés » se comptent par centaines™. Schreber est tourmenté par la génération spontanée d'une multitude de petits animaux", Le morcellement des objets internes est projeté sur la perception qu’a Schreber du monde extérieur,sibien quia le sentiment que la quarantaine de pensionnaires qui fréquentent Fenclos de la Clinique cons: CF tune multitude tout & fait anormale' Ace morcellement des objets correspond un morcellement de limage du corps. Schreber se débat avec le sentiment Zavoir une « pluralité de tétes »™!, Satéte est baignée ¢’ cxsophage et ses intestins, son larynx, son bas-ventre, sa moelle épiniére « se volatilisent » ine « couronne de rayons »"", Son 1s ‘Au bout de plusieurs années, le processus de morcellement siinverse. Les ames perdent peu a peu leur identité et fusionnent avec Dieu dans les «vestibules du ciel» (« Royauumes divins antérieurs »). L’ame de von W.. aprés s'étre « fractionnée sur une grande échelle » retrouve son unité®, Finalement, le grand nombre des Ames examinées se réduit 3 « une ou deux »™. Schreber écrit quil commence & aller mieux & partir du moment oiton Fautorise & jouer du piano et aux échees, et surtout quand il retrouve une relation réguliére avec le D' Weber, directeur de Vasile provincial. Ge passage du morcellement a funité du moi et de Yobjet est aussi intriguant que la transformation inverse. Schreber n'est pas guéri, et il le reconn: lieu d’étre morcelé, La transformation de F'angoisse de séparation en angoisse de morcellement et son inverse constitue done un probléme distinct de celui de la formation du délite, quia retenu essentiellement Fattention de Freud. tI délire toujours autant, mais ila construit une parano ia au FREUD ET BLEULER : UN RENDEZ-VOUS MANQUE Pourquoi Freud a-til fait le choix de privilégier Pétude de la parano ia plutét que celle de la schizophrénie dans son analyse des Mémoires d'un névropatie? Peut-étre d’abord par prudence de méthode. Il étudie un auteur, et cet auteur nest plus un schizophréne mais un parano iaque qui écrit Phistoire d'un schizophréne. Mais sans doute aussi Freud évite-ti, en 1911, 'entrer dans un contact trop proche avec Bleuler, alors qu'il sent que la scission entre Vienne et Zutrich est proche. En méme temps que Freud écrit Le Président Schreber, Bleuler termine la rédaction de Dementia Praecax, ou le groupe des Schizophrénies. Freud pense & juste titre que Bleuler ne comprend rien la psychanalyse, Pourtant Bleuler, sur a foi de Jung, fonde les plus grands espoirs sur celle ci?” pour parvenir a Fintelligence de ce qui semble depuis Kraepelin le phénoméne central de la démence précoce, la scission de la personnalité™. Bleuler présente son livre comme une synthése entre Kraepelin et Freud met dans la psychanalyse les plus grands espoirs thérapeutiques™ Les Mémoires de Schreber sont abondamment citées par Bleuler dans son livre. Bleuler décrit de fagon détaillée les images du corps morce! tantdt sous la rubrique « hallucinations des sensations corporelles », tantét sous celle des «i corporelles », ainsi que le morcellement de la « personnalité » eta dépersonnalisation®™. Freud, quia probablement déja en téte la notion de clivage du moi, refuse absolument de suivre Bleuler sur le terrain oti ‘veut famener, et de voir dans la scission de la personnalité quelque chose de spécifique & la démence précoce'™ fluences LES EXPLICATIONS PAR FREUD DE L’ ANGOISSE DE MORCELLEMENT Pourtant, dans son étude des Mémoires de Schreber, Freud s'est aussi penché sur langoisse de morcellement et 8 sur son lien avec la séparation. Ia soigneusement noté les différentes opérations de « fractionnement de Fame » dont Schreber est victime™ Il éerit & propos de la division du persécuteur en deux personnes que «la parano ia divise tandis que hystérie condense », mais cette belle formule est plus un constat qu'une explication. Il rappelle Pétonnante supposition de Jung, pour qui timportance du morcellement est proportionnelle & limportance de Fobjet'! 1! ouvre une piste intéressante en proposant linterprétation selon laquelle Flechsig seraitle frére du patient, et Dieu, son pére"™!, En revanche, il ne sintéresse pas au clivage de Yobjet en « bon » et « mauvais », pourtant explicite dans le texte. Comme dans les Trois essais sur la théore de la sexualit, il interpréte le grouillement des petits objets persécuteurs comme représentantlles fréres et sceurs Quant au réle de la séparation, il faut rappeler que Freud considére la frustration comme la cause premire dx désir,et parla méme comme une cause générale des « névroses »!. Dans le cas de Schreber, ila bien vule rle du départ de Mme Schreber de Fhépital dans Faggravation du patient, mais il Yinterpréve comme la suppression d'une digue contre rhomosexualité™, Schreber aurait pu élaborer cette perte de sa femme en sidentifiant& cette derniére, mais ilen est empéché par lincompatibilité entre son idéal du moi et Thomosexualité. Freud montre comment le délire de Schreber est une défense contre un fantasme homosextel conscient. Mais Freud explique surtout !angoisse de morcellement par une régression qui dépasse le narcissisme et va jusqu fauto-érotisme", Dans le narcissisme, point de fixation de a parano ia, un objet unique, le Moi, est investi, alors que dans !auto-érotisme, point de fixation de la schizophrénie, Fobjet est encore morcelé"™, Dans Le Président Schreber, Freud décric la reconstruction d'un monde vivable quopére le délire, mais il ne sintéresse pas au passage du morcellement 3 une relation & un objet unifié. Pourtant, dans le développement normal, le sujet doit bien passer d'un stade 3 fautre. Quand Freud décrit le narcissisme en 1914, illaisse entendre qu'une « action psychique » parti survienne". En quoi consiste-telle? Freud ne le dit pas, mais Melanie Klein ala réponse. ere est nécessaire pour que cette transformation KLEIN: L’'ELABORATION DE LA POSITION DEPRESSIVE ‘Melanie Klein a posé clairement le probleme da passage de Pauto-érotisme au narcissisme, Cest-d-dire, dans sa 9 terminologie, du passage dela relation & des objets multiples & la relation & objet total, ds la Paychanalyse des enfants, « 'action psychique particuliére » dont parlait Freud, c'est Fidentification du moi avec le bon objet, son incorporation, qui est décrite dans deux articles de 1934 (« Psychogenése des états maniaco-dépressifs »), et de 1940 (« Le deuil est ses rapports avec les états maniaco-dépressifs »). article de 1940 donne la forme complete de ce processus, télaboration de la position dépressive. Klein s'intéresse d'abord 3 ce qui peut empécher le nourrisson « d'instaler en lui un bon objet d'amour »™!: « excés de tendances canniballiques »"™, persistance du morcellement congénital du moi, assimilation des objets partiels & des eces™, Inversement, deux facteurs principaux aident 'élaboration de la position dépressive 1/ Tout d'abord la reconnaissance que la réalité externe est bien moins angoissante que le monde intérieur de 10 Fenfant™ 2] Ensuite la capacité qu'a Fenfant de réparer ses bons objets internes endommagés™!, La réparation, 0 comporte deux versants, fun maniaque, et lautre obsessionnel, qui tous deux vont rendre le clivage inutile, mais la réparation maniaque crée un cercle viciewx, car elle aggrave la culpabilité en triomphant de Yobjet™. Les mécanismes de réparation sont mis en ceuvre par le surmoi, lni-méme morcelé™, qui améne le moi a se 2 sentir coupable des agressions quil dirige contre fobjet, « dés que... enfant en vient & connaitre sa mére comme une personne complete et s'identifie & elle comme & une personne complete...» La « nostalgie » (au sens de peine et d'inguiétude pour lobjet aimé)" de Fobjet total pousse le sujet a le réparer. La « défense maniaque » est une partie des moyens de défense contre la nostalgie™". Klein décrit deux formes distineces "échec de Vincorporation : soit la dépendance a objet externe, soit a faite vers un bon objet interne et le détachement autistique 3 'égard du monde extérieur™™ Une premidre lecture de Melanie Klein semble donc nous éclairer sur la nature de ! «action psychique 8 particuliére » qui permet de passer de Fauto-éro Ia désagréable découverte que chaque fois quell comme complete »' 1, ou comment se produit « introjection de Fobjet: | owencore comment Fenfant « établit sfirement &Fintérieur de lui-méme » le bon objet, elle présuppose toujours ce qu'il s'agit dexpliquer. Pour que le surmoi mette en ceuvre des mécanismes de réparation, il faut déja que Lobjet soit pergu comme « total», ex que le sujet souffre de lambivalence des pulsions quil dirige contre lui. De méme, Fépreuve de réalité est un. résultat de Hélaboration de la position dépressive, et ne peut donc pas étre Fun de ses moyens. En outre, les deux formes de réparation, obsessionnelle et maniaque, ont toutes deux pour effet de maintenir séparés les objets morcelés, En effet, la réparation obsessionnelle repose sur isolation, et la défense maniaque sépare les objets et les maintient « en état d'animation suspendue » sme au narcissisme, Malheureusement, ila relecture, on fait montre comment on «en vient & connaitre une personne 1 ow comment an objet tora sétablit a Fintérieur du moi, ou comment les parents sont intériorisés' Impasse, done. Une troisiéme lecture peut indiquer pourtant une porte de sortie possible. Dans larticle 4 de 1934, Melanie Klein a de temps en temps recours & Fopposition entre « objets » et « images », ou entre « objets » et « mags ». Dans La psychanalyse des enfants, Melanie Klein avait une définition relativement précise, et originale, det « image», image, ¢érait Fobjetréel, pus les projections bonnes ou mauvaises faites sur lui, ce qui expliquait entre autres choses le surmoi parfois sadique d'enfants élevés par des parents bienveillants Dans article de 1934, la définition de I’ « imago » ou dell « image » par rapport al'« objet» est beaucoup plus imprécise. Klein oppose les « objets morcelés » a « image totale », ou at contraire I « objet total » aux « imagos morcelées ». Par exemple, elle écrit que lenfant confronte des objets «en état de désagrégation totale » A une «belle image >", Puis, quelques pages plus loin, elle oppose au contraire « Fintrojection de Fobjet réel et total » au « clivage de ses imagos en imagos ha es et aimées »!". article de 1940 cite littéralement le passage de Farticle de 1934, oit le clivage des imagos permet Fintrojection de Fobjet total, sans apporter aucune clarification nouvelle, En revanche, Klein introduit la notion de « double » pour rendre compte de l'intériorisation de la mare extérieure™. La mére intériorisée est un « double » de la mére extérieure, mais « son image subit des fantasmes » du sujet. faction Lacan Quand il lit Melanie Klein, Lacan n'est sensible qu’a cet aspect « imaginaire » des fantasmes agressifs décrits ra par Melanie Klein chez le jeune enfant™, Il développe, sous le nom de « stade du miroir »,Heffet unificateur de Vimage totale! La « réaction dépressive reconstruite par Mme Melanie Klein » (Cest-&-dire la position dépressive) est pour lui « exemplaire... dela nature proprement imaginaire de la fonction du Moi dans le sujet »™ La distinction entre « imagi re »et le « symbolique » va conduire Lacan & une métapsychologie nouvelle, bient6t complétée par tapparition du « rél », dans laquelle la conflictualité interne du sujet tend 3 seffacer. Mais il me semble intéressant de suivre Fidée narcissique qui assure le sentiment d'unité et d'ident et «Autre »", choisie pour exaspérer le lecteur, contient pourtant un éément qui m’a paru utile pour répondre A la question que je me pose. L’« autre » cest le double narcissique, limage dans le miroir. L'« Autre », Cest tout ce quoi renvoie de inconscient de Fobjet la relation & ce double narcissique. Un enfant qui se voit dans le miroir constitué parle visage de sa mére™ ne fait pas que voir sa propre image. Il voit aussi fensemble des idéaux que sa mére lui propose et a 'unité desquels il doit sidentifier. Quand une mére regarde un jeune enfant et lui renvoie son image en miroir, elle ui propose quantités ses deux lignées et de celles du pére. Elle voit en outre en lu le reflet de tous les objets fantasmatiques qui ont concouru dans son inconscient a [a naissance de Fenfant. ensemble de ces objets, inévitablement contflictuels, 1 position particuliére dans la relation & Fobjet é du sujet. La distinction faite par Lacan entre « autre » ‘déaux culturels contradictoires, issus de dans Finconscient de la mére, est néanmoins unifié dans image du « pére de a préhistoire personnelle » de enfant, fondateur mythique de la famille et que la mére désigne & fenfant comme assurant son identité et son unité, C'est cette image qui va constituer Fidéal dum Lz PERE DE LA PREHISTOIRE PERSONNELLE ET LE SENTIMENT D'IDENTITE Freud, comme Melanie Klein, pense que le surmoi est composé de la sédimentation d'une multitude dobjets 6 amour. Les uns sont actuels, mais les autres, les plus nombreux, rés objets perdus. Les plus importants sont les objets parentaux issus du déclin du complexe d’CEdipe. Ces objets, introjectés, deviennent des composantes du surmoi, Ils proposent au sujet une multitude didéaux. La non: satisfaction de ces idéaux déprime le sujet, la transgression des interdits quils édictent Fangoisse, et Timpossibilicé de satisfaire simaltanément tous met en danger son sentiment d'unité, La désagrégation de Tunité de 'idéal du moi provoque un sentiment diinguiétante étrangeté, qui peut aller jusqu’’ la dépersonnalisation, et 3 Fangoisse de morcellement, si les conflits internes entre les différents objets qui composent e surmoi sont d'une gravité particulidre, Si nous n’éprouvons pas en permanence des sentiments aussi désagréables, c'est que nous sommes sans cesse en relation avec des objets réels qui fonctionnent pour nous comme des miroirs qui nous assurent (fallacieusement) que nous sommes bien identifiés 3 notre idéal du. moi, et que cet idéal est unifié. Le prototype de ces objets éels vitaux pour notre narcissisme est la mére. Par la suite, nous trouvons dans les différents groupes que nous fréquentons d'autres objets narcissiques qui nous fication illusoire & notre idéal du moi. Les patients qui répondent aux séparations par lent de lidentification 4 dinnombrables assurent de notre ident tune angoisse de morcellement intense ont le plus souvent soutfert de traumatismes transgénérationnels et précoces qui peuvent étre décrits en termes de fixation a Fauto-érotisme. Leurs objets internes sont en général dans un état d'antinomie qui va au-dela de la conflictualité et peut mieux étre décrit comme un livage du moi. élaboration de leur position dépressive en est rendue difficile, Mais, de surcroit, ils projettent dans les objets réels avec lesquels ils sont restés en relation des objets si contradictoires et si passionnels que peu de personnes ou de groupes sont capables de leur servir de double narcissique et de leur renvoyer en méme temps image de Jeur identification & un idéal du moi unifié, Seul un analyste ~ ou une institution psychiatrique ~est & méme de remplir ce réle. Pourtant, il suffit parfois de trés peu de chose pour que le patient trouve le double narcissique qui lui renvoie image de son identification 3 son idéal du moi. Un rythme, une relation en double, comme, dans le cas de Schreber, Pautorisation de jouer & nouveau: aux échecs ou de jouer at piano, peuvent sulfite & relancer ldentification du patient 3 son idéal du moi. Dans un passage de ses carnets que James Gam signalé, Nijinski montte remarquablement comment le son de sa propre voix, puis le crissement de ses pas dans la neige suffisent & lui rendre le sentiment que « les étoiles lui sourient ». Nijinski décrit d'abord un état de déréliction absolue au cours d’une promenade nocturne dans la montagne ill ma «Javais Froid Je souffrais du froid... Aprés ca, fai senti qu'il fallait mettre ma main sur la neige. Yai laissé ma main, et soudain jai senti une douleur. J'ai erié de douleur, et jai retiré ma main. Jai regardé une étoile qui ne ra pas dit bonjour” Elle ne m’a pas clignoté. ai eu peur et j'ai voulu m’enfuir, mais je ne pouvais pas, car mes genoux étaient soudés & la neige. Je me suis mis & pleurer. Mes pleurs n’ont pas été entendus, Personne n'est Soudain, Nijinski cri, et entend donc le son de sa propre voix: 38 «Fai eu peur et fai crié a tue-téte: “Mort !" Je ne sais pas pourquoi, mais 'ai compris quil fallait crier: “Mort”. » Aprés ca, jai senti une chaleur dans tout le corps. La chaleur dans tout le corps m’a donné la possibilité de me relever. » arrive & une maison habitée, mais n’ose pas entrer. Ila & nouveat froid, mais fait une nouvelle expérience 20 narcissique en miroir, cette fois non plus en entendant le son de sa voix, mais en entendant le crissement de ses pas dans la neige: «Je marchais sur la neige. La neige craquait. Yaimais la neige. /aimais écouter mon pas. Mon pas état plein de a vie. ai regardé au ciel et 'ai vules étoiles qui sétaient mises 3 me clignoter. Dans ces étoles, jai senti dela gaieté. Je suis devenu gai et je n'avais plus roid. »™ Certes, il s'agit ci du plus grand danseur et chorégraphe du XX° siécle. Nijinski avait su, par son génie, mettre 22 en relation avec les étoiles le public du monde entier, Mais trés modestement, les thérapeutes corporels qui soccupent de schizophrénes savent que la relation peut se réétablir avec de grands malades travers le dialogue tonique. Selon Mme Nijinska, il n'a fallu qu'un quart dhheure 3 Bleuler, qui avait alors rompu tout lien avec la psychanalyse, et perdu rout espoir de guétison pour la schizophrénie, pour porter un pronostic dincurabilité, et pour recommander quelle cesse toute relation avec son mari. On se prend & réver 4 ce qui aurait pa se passer pour Nijinski, si Bleuler avait encore cru que la psychothérapie était la seule approche thérapeutique « sérieuse » de la schizophrénie. Gilbert Diatkine 23 48, boulevard Beaumarchais 75011 Paris Notes [1] Schreber, Mémoires, p. 48 fa] hid, p.st. a] id, [4] Ibid, p.52:« Crest de ce moment que datent les premigres manifestations de collusion avec les forces surnaturelles, notamment d'un raccordement de nerfs que le P" Flechsig avait branché sur moi, de sorte qu'il parla par le truchement de mes nerfs, sans €tre personnellement présent. » 1 bid, pas {6} Schreber, p. 102. fl id, p.m [8] tid, pra {9} Apropos de ces «petits hommes». ily en avait toujours deux, un « petit Flechsig» et un « petitvon W...», dont je percevais également les voix dans mes pieds (id, p. 14-135). 0] bid, p. 102-103, ba} hid, p.s2. 12] Ibid, pss. 3] id, pass faa] «En retour, d'autres imes se formérent. Cela se fit par voie de fractionnement dimes, abus qui avait été introduit, selon Fhypothése que je forme, par lime Flechsig.» «A forigine régnait bien pucdtle souci de Funité naturelle de Vame humaine » ibid, p 100) Fame de Flechsig sai scindée en un grand nombre de fractions d'ames...» iid, p10. Yorigine fas] Thi, p.23,.3. 16] thid, pss. ls”) thd, p.70 {28} id, p.m bis] thi, p.a78 {20} Ibid, p. 200-205. [aa] id, p. 96. [22] «... une prétendue pluralité, chez moi, det méme crane)» (ibid, p. 73) tes (4 savoir que faurais possédé plusieurs individ [23] «Ma téte, par affluence en masse des rayons, éait trés fréquemment baignée... une “couronne de rayons" » Guste avant Schreber décrit le« miracle » d'une forét épaisse de sapins et de bouleaux, alors quil ny a que [24] fas} 26] fan 28] as] Gel bal G2] bal bal sl bs] bl bs} bs] [49] tal a2] las] tal as] quelques rangées d'arbres dans le pare de a clinique) (bid, p. 75) «.jeveux encore me souvenir de Vasophage et des intestins, ui se trouvaient ure fréquemment déchirés ou se voatlisaient le larynx ensuite... e dois signaler un miracle qui prenait rout le bas-ventre, désigné sous le nom de pouriture dt bas-vente, Ce miracle était le fait régulcr de lame de von W...On sefforga donc de me pomper la moelle épiniére, ce qui se fit par l'intermédiaire de petits hommes qu'on m’expédiait par les pieds (ibid, p. 136135) Tid, p32. éeait laissée convaincre de la nécessité du fractionnement d’imes sur ais en revint bient6t faire & nouveau cavalier seul » (ibid, p. 102). « Par exempl tune grande échelle, 1» P61 « Dés que je me trouve en présence de gens d'une certaine édueation, par exemple depuis Paques (1900), lorsque je me trouve ila table du directeur avec lequel e prends désormais mes repas, ben des situations ficheuses survenues du fait de miracles liminent ; e veux surtout parler des fameux accés de hurlements ; jai foccasion, en effet, dans ces moments-Ia, de participer & des conversations qui se tiennent & voix haute, et jai occasion de me présenter devant Diew en possession de la vigueur inaltérée de mon jugement » (hid, 219) «Je suis assurément malade des nerfs, mais en aucun cas je ne suis atteint d'une maladie mentale qui puis me faire interdire d'administrer mes propres affaires (Code civil de Empire allemand, art, C, 6) 04 qui puisse imposer mon maintien dans un asile pour motifd ordre public» (ibid, p. 219). « Bleuler est grandiose pour mal comprendre. Quelque chose comme une anguille avee des piquants, si cela existe » (Freud Jung, 12,10, 2) (p. 204). « Silfon ne prend en compte le fait qu'il existe des processus inconscients qui, abstraction faite de fabsence de Ja qualité de conscience, sont identiques aux processus psychiques conscients, on peut tout aussi pew comprendre les symptomes schizophréniques que d/autres phénoménes psychiques complexes » (Bleuler, 459). «La scission est a condition préalable de la plupart des manifestations complexes de la maladie; elle imprime son sceau particulier 3 ensemble dela symptomatologie, Mais derriére cette scission systématique qui apparait dans certains complexes d'idées, nous avons au préalable un relachement primaire du tissu associatif qui peut conduire & un clivage de structures aussi solide que celles des concepts concrets, Jai voul, au moyen du terme de schizophrénie, rendre compte de ces deux types de scission dont les effets fusionnent souvent» (ibid, p. 460. Bleuler, p.38. « La seule thérapie dela schizophrénie dans son ensemble qu'il fille prendre au sérieux est a thérapie -psychique... Mais sion fait cela, et au moment voulu, on peut obtenir vraiment beaucoup » (bid, p. 58). Ibid, p84. « Un caractére qui appartient pas & certe affection seule et qui, &la lumiére d'autres considérations ne saurait rregardé comme son caractiére essemtiel » (Freud, Le Président Schreber, p. 319) Freud, 191, Le Président Schreber, p. 288. Ibid, p.297. Id, Ibid, p. 297. On a su depuis Freud que le frére de Schreber s'état suicidé par balle quelques mois avant le mariage du patient, « Siles petits hommes que Schreber lui-méme trouve si énigmatiques sont des enfants, alors lest tout 3 fait compréhensible quils soient en si grand nombre rassemblés sur sa téte (S., p58), car ils sont vraiment les enfants de son esprit» (ibid, p. 304) « Nous e savons, quand un fantasme de désir se manifeste, notre tiche est de le rapporter A quelque frustration, & quelque privation dans la vie réelle» ibid, p. 303). Ibid, p. 293. (461 taal las] asl [so] [st] (s2} (s3] [sa] Us] (s6] tsa (s8) (s9] {60} (1) [62] {63} (641 (6s) [6] (67 [8] (691 « Vindividu en voie de développement rassemble en une unité ses pulsions sexuelles qui, jusque-i, agissaient sur fe mode auto-érotique, afin de conquérir un objet d'amour, et i se prend d'abord lui-méme, i prend son propre corps, pour objet d'amour avant de passer au choix objectal dune autre personne » (bid, p. 306) « La régression (dans la schizophrénie) ne se contente pas datteindre le stade du narcissisme (qui se manifeste parle délire des grandeurs), elle va jusqu’a fabandon complet de l'amour objectal et au retour 3 fauto-érotisme infantile. La fixation prédisposante doit, par suite, se trouver plus loin en arriére que dans la parano ia, étre située quelque part au début de Pévolution primitive qui va de Fauto-érotisme & famous objectal » (ibid, p. 320). « Quelque chose, une nouvelle aetion psychique, doit done venir s’ajouter Tauto-érotisme pour donner forme au narcissisme » (Freud, 1914, p. 84). Klein, 1934, p. 314 id, p38. Ibid, p. 312 Id, p33. Ibid, p. 327 :« La toute premiére négation est celle dela réalité psychique »;p. 336: « Un bon rapport ala mere eau monde extérieur aide le Bébé & surmonter ses angoisses parano ides précoces » Klein, 1940, p. 342 :« La mére extérieure peut réfuter les angoisses et les peines liges&la réalitéintérieure. » Ibid, p. 344: « Tous les plaisirs que le bébé ressent dans ses rapports avec sa mére sont pour lui autant de preuves que Fobjet aimé, tanta lintérieur qu’a Fextérieur, n'a pas subi de blessures. » Klein, 1934, p. 317 Klein, 1940, p.348 Klein, 1940, p. 361: « Le phénoméne reconnt par Freud et constitué en gros par la voix et 'action des parents r6els établis dans le moi, est en fat, selon ce que jai pu constater, un monde d'objetstrés complexe... que [nous] appelons done “objets intériorisés” ou “monde intérieur’.» «Ce monde intérieur comprend wn nombre infini objets absorbés parle moi.» Ibid, p. 369, 8 propos de léchec du maniaco-dépressif& établr en lui « des bons objets internes » et «se sentir cen sécurité dans son monde intérieur ». Cet ensemble d'objets intériorisés sorganise parallélement 3 forganisation du moi, et dans les couches supérieures de la pensée et se manifeste en tant que surmoi Xlein 1934, p.237, Klein, 1940, p.346 thi Klein, 1934, p. 340 Bid, p. 7. Klein, 1940, p-343, 34s Ibid, p. 363, Klein, 1936, p.328. Klein, 1930, p. 16. Klein, 1934, p. 219: « Le moi se trouve alors (quand il ne sidentifie plus “totalement” a objet aimé) devant la réalité psychique suivante ses objets aimés sont dans un état de désagrégation totale ils sonten ‘morceaux..»; p.320: « La belle image avait été dissociée de lobjetréel mais n'avait jamais é+é abandonnée. » Klein, 1934, p. 339: « Quand lors de Fintrojection de Pobjet réel et total is [les objets partiels bons et mauvais] se rapprochent, le moi... revient au clivage de ses imagos en imagos ha ies et aimées. » «Lambivalence, obtenue par un clivage des imagos, permet au jeune enfant d'acquérir une confiance et une foi plus grande en ses objets réels..» « set par ft dans ses objets intérioriss... et de mieux produire ses restaurations de Yobjet aimé. » « --Punification des objets extérieurs..entraine un nouveau clivage des imagos. Mais 8 mesure que Fadapration au monde extérieur s'améliore, ce clivage sexerce sur les plans de plus en plus proches dela reéalité.. fambivalence... dé oumoins...» Klein, 1940, p.347. [70] bid, p. 343, mi] «Entre ces deritres “imagos" len est qui représentent les vecteurs dectfs des intentions agressives,queles pourvoient d'une efficacité qu’on peut dire magique. Ce sont les images de castration, déviration, de mutilation, de démembrement, de dislocation, d éventrement, de dévoration, d’éclatement du corps, bref; les imagos que petsonnellement jai groupées sous la rubrique qui parait bien étre structurale, dimagos du corps morcelé » (Lacan, 1948, Lagressivitéen psychanalyse, p. 104) [72] «Le petit domme a un age oi il est pour un temps court, mais encore pour un temps, dépassé en intelligence instrumentale par le chimpanzé, reconnait pourtant déja son image dans le miroir comme tele. Reconnaissance signalée parla mimique illuminative du Aha-Erlebnis, ok pour Kélherstexprime Yaperception situationnelle, temps essentiel de lacte dintelligence » (Lacan, 1949, Le Stade du miroir, p. 9). « Lassomption jubilacoire de son image spéculaire par fétre encore plongé dans Fimpuissance motrice et la dépendance du nourrissage quest le petit homme & ce stade infans, nous paraitra dés lors manifester en une situation exemplaire la matrice spmbolique ot le je se précipite en une forme primordiale, avant quil ne objective dans la dialectique de identification & Fautre er que le langage ne lui restitue dans universe sa fonction de sujet. « Cette forme serait plutdt au reste & désigner comme je-idéal si nous voulions la faire rentrer dans un registre conn, en ce sens quelle sera aussi a souche des identifications secondaires, dont nous reconnaissons sous ce terme les fonctions de normalisation lbidinale. Mais le point important est que cette forme situe instance du ‘moi, dés avant sa détermination sociale, dans une ligne de fiction, a jamais iréductible pour le seul individu — ou plutét qui ne rejoindra qu'asymptotiquement le devenir du sujet, quel que soit le suecés des synthéses dialectiques par quot il doit résoudre en tant que je sa discordance d'avec sa propre réalité» (Ibid. p. 94) «Seule,certe étude “celle d’Au-deld et de La dénégation” donnera son sens & la montée progressive de Vineérét porté a Tagressivité dans le transfert et dans la résistance, non moins que dans le Malaise dans la civilisation (2929), en montrant quil ne agi pas la de 'agression qu‘on imagine ala racine dela lute vitale. La notion de agressivitérépond au contraire au déchirement du sujet contre lui-méme, déchirement dont il connu le ‘moment primordial & voir Fimage de autre, appréhendée en la totalité de sa Gestalt, anticiper sur le sentiment de sa discordance motrice, quelle structure rétroactivement en images de morcellement. Cette expérience ‘motrice motive aussi bien la réaction dépressive, econstruite par Mme Melanie Klein aux origines du Moi, que Zassomptionjubilaoire de Vimage apparue at miroir, dont le phénoméne, caratéristique de la période de six ow huit mois, est tenu par fauteur de ces lignes comme manifestant de fagon exemplaire, avec la constitution de 'Urbildidéale du Moi, la nature proprement imaginaire dela fonction du Moi dans le sujet » (Lacan, 195 Variantes de la cure type, p. 344-345) [73] Lacan, 1955, Variantes dela cure type, p. 344-345. [74] 1960, Leséminaive, le transfert, p. 255:«...le sujet, dans le champ de fAutre, ne rencontre pas seulement les mages de son propre morcellement, mais d'ores et déja dés Forigine les objets du désir de futre ~3 savoir ceux de la Mére, non pas seulement dans eur éat de morcellement, mais avec les priviléges que ui acorde le désir de celle-ci.» [75] D.W. Winnicott, 971 [76] Nijinski, Caets, p. 131-132, Résumé FrangaisRésumé — Chez certains patients, la transformation réguliére de Fangoisse de séparation en angoisse de morcellement entraine des réactions thérapeutiques négatives qui rendent leurs cures interminables. Le travail analytique, quoique fécond, dure de nombreuses années, parfois avec le méme analyste, parfois avec des analystes différents. Il rend possible une vie sociale autonome avec tout de méme des hospitalisations bréves 3 certains moments, mais le patient semble devenu dépendant de la présence physique de Fanalyste, pour ce qui concerne l'unification de ses pulsions, de ses objets et de son moi. Aux explications classiques de cette situation par une fixation au stade auto-érotique et par un défaut dintériorisation de Pobjet total, et & celles, plas récentes, d'anomalies de la pulsion d’emprise, de la fonction a, et de la fonction objectalisante, je propose dajouter une hypothése complémentaire : ces patients transformeraient en objet de désir et de terreur tout objet rée!—& Fexception de Fanalyste— qui occuperait dans leur organisation narcissique la position particuliére de leur confirmer quils sont bien identifiés au pére de leur préhistoire personnelle Mots clés ANCOISSEDESEPARATION | ANCOISSEDEMORCELLEMENT | IDENTIFICATION PRIMAIRE | PREHISTOIRE PERSONNELLE Scunenen EnglishSummary — In certain patients, the regular transformation of separation anxiety into fragmentation anxiety, leads to negative therapeutic reactions that make treatment interminable. Analytic work, although it bears fruit, lasts many years, sometimes with the same analyst, sometimes with different analysts. Itenables an autonomous social life with nonetheless brief hospitalisations at certain moments, but the patients seem to have become dependent on the physical presence of the analysts, with regard to the unification of drives, objects and their ego. To classical explanations of this situation asa fixation to the auto-erotic stage and as a lack of interiorisation of the total object, and to the more recent ones of anomalies of the drive of ascendancy, of the function, and of the objectalising function, I propose to add a complementary hypothesis: these patients transform every real object, with the exception of the analyst, into an object of desire and terror, that, in their narcissistic organisation, occupies the particular position of confirming that they are indeed identified with the father of their personal prehistory. Key-words SEPARATION ANXIETY | FRAGMENTATION ANXIETY PRIMARY IDENTIFICATION PERSONALPREHISYoRY | ScHRERER DeutschZusammenfassung — Bei gewissen Patienten, fit die regelmassige Verwandlung der ‘Trennungsangst in Zersplitterungsangst zu negativen therapeatischen Reaktionen, welche ihre Kuren endlos werden lassen. Die analytische Arbeit, obwohl produktiv, dauert viele Jahre, manchmal mit dem gleichen ‘Analytiker, manchmal mit verschiedenenen Analytikern. Sie macht ein soziales autonomes Leben méglich, ‘wenn auch in gewissen Momenten mit kurzen Spitalaufenthalten, aber der Patient scheint von der physischen Prasenz des Analytikers abhingig, was die Vereinheitlichung der Triebe, der Objekte und seines Ich anbelangt: Ich méchte den klassischen Erklarungen dieser Situaton durch eine Fixierung am auto-erotischen Stadium und einen Mangel an Verinnerlichung des Ganzobjekts sowie auch den kiirzlicheren Erklarungen, die ‘Anomalien des Bemichtigungstriebs und der ? Funktion, sowie auch der Objektivierungsfunktion, eine komplementire Hypothese zufligen: diese Patienten konnten alle realen Objekte (ausser dem Analytiker) in ‘Wunschobjekte und Terrorobjekte, verwandeln, dic in ihrer narzisstischen Organisation die spezielle Funktion besetzten, ihnen 2u bestatigen, dass sie mit dem Vater der personlichen Vorgeschichte identifiziert sind. Schlisselworte ‘TRENNUNGSANGST | ZERSPLITTERUNGSANGST | PRIMAREIDENTIFIZIERUNG | PERSONLICHEVORGESCHICHTE ScHREBER EspafiolResumen — Fn algunos pacientes, la transformaci6n regular de la angustia de separacién en angustia de despedazamiento conlleva reacciones terapéuticas negativas que vuelven la cura interminable. El trabajo analitico, aunque fecundo, dura muchos afos, a veces con el mismo analista y otras con analistas diferentes. El mismo hace posible una vida social auténoma inclayendo no obstante hospitalizaciones breves en ciertos ‘momentos, pero el paciente parece haberse vuelto dependiente de la presencia psiquica del analista, en lo que atafie ala unificacién de sus pulsiones, de sus objetos, y de su yo. Alas explicaciones clé sicas de la situacién por una fijacién al estadio autoerético y por un disfuncionamiento de interiorizacién del objeto total, y también alas ma s recientes, de anomalias de la pulsién de dominacién, de Ja funcién alfa, y de la funcién objetalizante, yo propongo agregar una hipétesis complementaria : estos pacientes transformarian en objeto de deseo y de terror cualquier objeto real (exceptuando al analista) que ‘ocuparia en su organizacién narcicsta la posicién especifica de confirmarles que esté n plenamente {dentificados con el padre de su prehistora personal. Palabras claves ANGUSTIADESEPARACION | ANCUSTIADEDESPEDAZAMIENTO IDENTIFICACION PRIMARIA PREHISTORIA PERSONAL Scnnesen ItalianoRiassunto— La trasformazione regolare dellangoscia di separazione in quella di spezzettamento, comporta in alcuni pazienti delle reazioni terapeutiche negative, rendendo le loro cure interminabili. Anche se fecondo, illavoro analitico dura vari anni, spesso con lo stesso analista, a volte con diversi analisti, Rende possibile una vita sociale autonoma anche se con dei ricoveri brevi a certi momenti, ma il paziente sembra diventato dipendente della presenza fisica delfanalista per unificare le proprie pulsioni e gli oggetti del suo io. Alle classiche spiegazioni di questa situazione come fissazione allo stadio autoerotico e come difetto deltinteriorizzazione dell oggetto totale, ed a quelle pid recenti d'anomalie della pulsione di possesso, della funzione alfa edella funzione @oggettalizzazione, propongo daggiungere un’ipotesi complementare : questi pazienti tranformerebbero in oggetto di desiderio e di terrore ogni oggetto reale, eccetto lanalista, che nella, Joro organizzazione nareisistica occuperebbe la particolare funzione di confermargli che sono idemtificati al padre dello pteistoria personale Parole chiave ANCOSCIADISEPARAZIONE ANCOSCIADISPEZZETTAMENTO. IDENTIFICAZIONEPRIMARIA_PREISTORIA PERSONALE ScnReaeR PLAN Angoisse de morcellement et angoisse de séparation dans les Mémoires d'un névropathe Freud et Bleuler : un rendez-vous manqué Les explications par Freud de langoisse de morcellement Klein Iélaboration de la position dépressive Lacan, Le pere dela préhistoire personnelle et le sentiment didentité BIBLIOGRAPHIE REFERENCES Bleuler E, (1911), Démentia Praecox ou groupe des schizophrénies, trad. ft. A. Viallard, Paris, EPEL/GREC, 1993. Freud S. (1911), Remarques psychanalytiques sur lautobiographie d'un cas de parano ia (Dementia paranoides), Le président Schreber, in Cing psychanalyses, trad. fr. Marie Bonaparte et R, Loewenstein, Paris, PUF, 1954 Freud . et Jung C. J., Correspondance Il, 910-1914, 6d. W. McGuire, trad. fr. R.Fivaz-Silbermann, Paris, Gallimard, 1975. Freud S. (1914), Pour introduire le narcissisme, trad. fr. Denise Berger, in La vie sexuelle, Paris, PUF, 1968. Klein M. 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