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lill ère

de l'Eqlipe_ut,
des Trallports
.td. L.....at

RAPPORT D1ÉTUDES ET
DE RECHERCHES

RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES
SUR LA CONCEPTION
DES OUVRAGES MARITIMES

ER PM • N° 93.02 Juillet 1993

Centre d'Etudes Techniques Maritimes Et Fluviales


S.T.C.-P.M.V.N.

JUILLET 1993

RAPPORT D'ETUDES ET DE RECHERCHES

RECOMMANDATIONS GENERALES
SUR LA CONCEPTION
DES OUVRAGES MARITIMES

Auteur : C. ORGERON

Vu, le Chef du Service,

-
.•. ... _-
P. MONADIER
J ~.~
~.

Diffusion N
La qualité de la conception d1un ouvrage requiert ~ la fois

- la connaissance formalisée de méthodes de conception et de


dimensionnement,
- l'Il art de 11 ingénieur qui orientera le concepteur entre les
ll

théories différentes voire divergentes et les différents partis


d'aménagement a priori envisageables.

Slil est plus facile de transmettre la connaissance formalisée,


la transmi ss ion de 11 Il art de 11 i ngén i eur largement issu de l' expér i ence
Il

est beaucoup plus délicate.

En comp l ément d'études plus forma li sées et parce 11 i sées ou de


documents plus opérat i onne l s comme la synthèse i nt i tu lée III e
dimensionnement des digues ~ talus publiée dans la Collection de la
ll

Direction des Etudes et Recherches d'EDF, le STCPMVN s'est efforcé de


cristalliser avant qu'elle ne disparaisse une partie du capital précieux et
immatériel de llexpérience de plusieurs décennies du Département
d'Hydraulique et d'Océanographie du LCHF.

Pu i sse ce Il testament Il des conna i ssances de


Christian ORGERON enrichir les ingenleurs qui auraient ~ participer ~ la
conception dlouvrages maritimes -et en particulier de digues- d'un peu de
cette expérience si utile mais dlautant plus difficile à acquérir que la
limitation de leur construction rend très improbables la conception et la
réalisation par un ingénieur en Service Extérieur d'un grand nombre de
digues.
SOM MAI R E

Page
Avant-Propos .•.•••.•.•••••••.•••••••••.••.•••.•••••..••.•. 1

lere Partie : GENERALITES


1 - La diversité des contraintes de projet •••••••••••••••• 2
1.1 - Importance des facteurs non techniques ••••••.••. 2
1.2 - Projets dans les pays en développement .••••.•••• 3
1.3 - Pays industrialisés et environnement •••••••••••• 4
1.31 - Les incertitudes actuelles ••••••••••••••• 4
1.32 - Le recours aux défenses douces ••••••••••. 5
2 - Les ouvrages usuels .........•.•....................•.. 6
2.1 - Ouvrages d'abri ••••••••.•..•......•••.••...••... 6
2.11 - Jetées à talus ••••••••••••••••••••••••••• 6
2.12 - Jetées à parois verticales ••••••••••••••• 6
2.13 - Autres structures •••••••••••••••••••••••• 7
2.2 - Défenses cotières .........••.•.....•.••.....•... 7
2.21 - Caractéristiques propres ••••••••••••••••• 7
2.22 - Difficultés de projet •••••••••••••••••••• 8
2.3 - Conclusions .•.•••••.•..•••..•..........•.•..•... 9

2ème Partie : LA CONNAISSANCE DU MILIEU PHYSIQUE


3 - Remarques pre'1"1m1na1res
. ...•.....•...•......••.•••.•••. 10
3.1 - Une approche malaisée .•.•...•.•.......•••....... 10
3.2 - Des précautions utiles •••••••••••••••••••••••••• 11
4 - L'hydrographie •••.•.••....•...••..••........•••....... 13
4 1 - Levés récents et anciens ••••••••.••••••••••••••• 13
4.2 - Obtention et utilisation •••••••••••••••••••••••• 14
5 - Marées et fluctuations du niveau de la mer •••••••••••• 15
5.1 - Niveaux marins et sollicitation des ouvrages •••• 15
5.2 - Les composantes des fluctuations du niveau •••••• 16
5.21 - Marées astronomiques ••••••••••••••••••••• 16
5 22 - "Marées" météo et autres fluctuations •••• 17
5.3 - Estimation des extremums •••••••••••••••••••••••• 18
6 - Le vent . 21
6.1 - Le vent et l'agitation •••••••••••••••••••••••••• 21
6.2 - Les principaux champs de vent ••••••••••••••••••• 22
6.3 - Méthodologie d'analyse •••••••••••••••••••••••••• 23
6.4 - Un exemple: ANNABA •••••••••••••••••••••••••••• 25
7 - L'agitation: une perception difficile •••••••••••••••• 27
7.1 - Le contenu d'un mot ••••••••••••••••••••••••••••• 27
7.2 - L'enjeu d'une analyse correcte •••••••••••••••••• 27
7.3 - Des remises en cause nécessaires ••••••••••••••.• 29
7.31 - L'impact des ouvrages en eau profonde •••• 29
7.32 - Conséquences ....•.....•.•................ 31
8 - L'agitation: commentaires sur l'approche actuelle •••• 32
S.1 - La terminologie ••••.•.•••...•.••.••••••..•.•••.. 32
8.2 - Les mesures in-situ •••••••••••••••••••••••••••• 33
8.21 - L'emploi d'une bouée de houle •••••••••• 33
8.22 - Réception et enregistrement des signaux • 34
8.3 - Utilisation des données ••.•••••••••••••••••••••• 35
8.31 - Une lacune : les directions de propagation 36
8.32 - Incertitudes sur les hauteurs des vagues • 38
8.33 - Intérêt et prise en compte des paramètres
Il .. • d es "
per10 . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . 39
8.34 - Distribution, statistiques et spectres ••• 42
8.35 - Les groupements de vagues •••••••••••••••• 43
9 - L'agitation: estimation des situations de faible
probabilité . 46
9.1 - L'objet de la prévision •••••••••••••••••••••••• 46
9.11 - La houle "ennale" •••••••••••••••••••••••• 46
9.12 - La tempête "ennale" •••••••••••••••••••••• 47
9.2 - Expression des probabilités ••••••••••••••••••••• 48
9.21 - La loi semi-logarithmique •••••••••••••••• 48
9.22 - Extension à la tempête "ennale" •••••••••• 50
9.221 - Les acquis du LCHF ••••••••••••••• 50
9.222 - caractéristiques des tempêtes •••• 51
10- L'agitation: un exemple d'exploitation des données sur
la houle pour BINES •••.•••.••.•.••...•...•.•...•...... 54
10.1- Le cadre des études ••.•..•...........•...•.•.... 54
10.2- Estimation des conditions extrémales •••••••••••• 55
10.21- Probabilités des hauteurs - Probabilités
des tempêtes ••••••••••••••••.••.•.••••• 55
10.22- Agitation in-situ et au grand large •••••• 56
10.23- Reconstitution de tempêtes exceptionnelles 56
10.24- Etude des périodes ••••••••••••••••••••••• 57
10.3- Conclusions •••••••••....•...............••....•• 58

3ème Partie : DIMERSI:ONNEMEN'l'


11- Les calculs de dimensionnement : généralités ••••••••• 59
11.1- Les deux objets du dimensionnement •••••••••••••• 59
11.11- Tracé en plan et sections •••••••••••••••• 59
11.12- Influence du tracé en plan sur les sections 59
11.13- Influence des sections sur le tracé en plan 60
11.2- Difficultés et spécificité du dimensionnement des
ouvrages maritimes •••••••••••••••••••••• ••••••• 61
11.3- La démarche suivie •••••••••••••••••••••••••••••• 62
11.4- Les recommandations de l'AIPCN •••••••••••••••••• 64
11.41- Principes généraux ••••••••••••••••••••••• 65
11.42- Classification des ouvrages • ••••••••••• 65
11.421- Jetées verticales ••••••••••••••• 65
11.422- Jetées mixtes •••••••••••••••••••• 66
11.423- Jetées à talus ••••••••••••••••••• 68
11.424- Défenses côtières •••••••••••••••• 69
11.43- Le choix du "meilleur" ouvrage ••••••••••• 71
11.431- La position de l'AIPCN ••••••••••• 71
11.432- Des motifs de prudence ••••••••••• 71
11.433- Domaines préférentiels des diffé­
rents ouvrages ••••••••••••••••••• 73
12- Dimensionnement des jetées à talus •••••••••••••••••••• 76
12.1- La formule de HUDSON •••••••••••••••••••••.•••••. 76
12.11- Les origines de la formule ••••••••••••••• 76
12.12- L'impact d'une nouvelle génération d'ou-
vrages 78
12.2- Commentaires et mises en garde •••••••••• ••••••• 79
12 21- Le matériau du revêtement •••••••••••••••• 79
12.211- Influence du poids spécifique •••• 79
12.212- Les risques de rupture ••••••••••• 81
12.22- La forme du bloc ••••••••••••••••••.•••••• 82
12.221- Evolution vers des formes élaborées 82
12.222- Le coefficient de forme KD ••••••• 84
12.223- Les fortes valeurs de KD ••••••••• 87
12.23- La pente du talus ••••••••••••••••••.••••. 89
12.24- La houle de projet ••••••••••••••••••••••• 92
12.241- L'importance d'un bon choix •••••• 92
12.242- Hauteurs de vagues à considérer.. 93
12.243- La prise en compte des tempêtes
r~elles ..•••••••• .•.•••.••••.••. 95
12.3- L'influence de la période •••••••••••••••••••.••• 97
12.31- La contribution de LOSADA et GIMENEZ-CURTO 98
12.32- Les essais du LCHF ••••••••••••••••••••••• 99
12.33- Cunclusions provisoires •••••••••••••••••• 101
12.4- Assise et couronnement des talus •••••••••••••••• 102
12.41- Remarques préliminaires •••••••••••••••••• 102
12.42- Butées de pied ••••••••••••••••••••••••••• 104
12.43- Sous-couche de la carapace ••••••••••••••• 108
12.44- Têtes de digues et franchissements ••••••• 113
12.441- Causes et effets des franchisse-
ments •••••••••.••.••.•••••••••••• 11 3
12.442- Insuffisance des recherches expé-
rimentales ..•••••..•.••••••.•..•. 114
12.443- Quelques règles de pré-design •••• 115
12.444- Problèmes particuliers ••••••••••• 117
13- L'optimisation des ouvrages maritimes ••••••••••••••••• 121
13.1- Le contexte •.•••..••••.•.•••••••..••.•.•.••••••. 121
13.11- Estimation difficile de l'intérêt d'un
proj et . 121
13.12- Influencés réciproques du technique et de
l , econom1que
' . ••••••••••••••••••••••••••••• 122
13.2- Le rôle de la modélisation •••••••••••••••••••••• 123
13.21- Fréquence et diversité des recours aux
modèles ..................•............... 123
13.22- Modèles physiques et mathématiques ••••••• 124
13.221- Domaines respectifs •••••••••••••• 124
13.222- Spécificité des modèles physiques 125
13.3- Modèles physiques de stabilité •••••••••••••••••• 126
13.31- Commentaires sur la similitude hydrodyna-
mique ...••••.•.•••.••••••.••••••••.•.•••• 127
13.311- Les hypothèses des modèles frou-
diens •.•••....••..•••.••••.•..•.. 127
• 13.312- Problèmes liés à la viscosité •••• 127
13.32- Non-similitude des effets mécaniques ••••• 130
13.4- Simulation de l'environnement physique •••••••••• 131
13.41- Les approches de l'ouvrage ••••••••••••••• 131
13.411- Essais bidimensionnels en canaux. 131
13.412- Essais tridimensionnels en cuves. 133
13.42- L'agitation •.••...••••••.••..••••••...•.• 135
13.421- Les contraintes de cette simulation 135
13.422- Génération des vagues •••••••••••• 136
13.423- Contrôle des lames et observation
de leurs effets •••••••••••••••••• 138
13.424- Quantification des dommages dans
les essais de jetées a talus ••••• 141
13.43- Marées, courants et fonds mobiles •••••••• 143
13.431- Marées et/ou fluctuation du niveau
de la mer ••••••••••••.•.•..•..••• 143
13.432- Courants et fonds mobiles •••••••• 145
13.44- Le vent •••••••••.••••.••.••.•••••.•.••••• 146
13.5- Réflexions sur la conduite des études ••••••••••• 147
13.51- L'économie des essais est-elle possible 1. 147
13.52- Programmation des essais ••••••••••••••••• 149
13.53- Teneur des expériences ••••••••••.••••••••• 151
13.6- A l'écoute de tous les avis ••••••••••••••••••••• 152
]?()II1:t:ëlC:E! • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 154

Références bibliographiques ••••••••••••••••••••••••••••••• 156


A V A N T - PRO P 0 S

Le Service Technique Central des Ports Maritimes et


des Voies Navigables avait chargé le LCHF d'une synthèse de
ses études de stabili té d'ouvrages mari times soumis à l'action
de la houle. Les structures offshore ayant été exclues, cette
synthèse a concerné des jetées -accostables ou non- abritant
des plans d'eau, des appontements et terre-pleins en mer ouverte
et des défenses littorales.

Le travail a été réalisé par Madame S. MANOUJIAN,


rattachée au Département Portuaire et Côtier de SOGREAH- Ingé-
nieurs Conseils après la fermeture du LCHF.
La présente note vient en complément de cette synthèse.
Elle s'appuie sur les enseignements que le signataire a tiré
de son expérience propre, de-celle de ses collègues du Départe-
ment dl Hydraulique Mari time et d'Océanographie du LCHF, de ses
échanges avec d'autres spécialistes.
Aux termes du contra t qui en déf ini t la portée, cet te
Note présente un ensemble de recommandations conçues à des fins
d'utilisation pratique par les responsables de projets et de
réalisations d'ouvrages maritimes. Dans cette optique, elle
aborde des points de vue autres que ceux strictement techniques
mais qui interviennent aussi dans le choix et le dimensionnement
des structures exposées aux actions de la mer.
Une bibliographie donnée en annexe permettra la consul-
tation de textes dans lesquels des informations et des données
intéressantes peuvent être trouvées.

- 1 -
1ère Partie

GENERALITES
1 - LA DIVERSITE DES CONTRAINTES DE PROJET

1.1. - IMPORTANCE DES FACTEURS NON TECHNIQUES

Al' évidence, le cri tère ul time dans l'établissement


du proj et d'un ouvrage soumis à l'action de la houle est sa
capacité à résister aux effets mécaniques des vagues. Enoncé
sous cette forme, le problème se limi terai t à la connaissance
du milieu physique d'où découlent les forces appliquées aux
structures et les conditions de stabilité à satisfaire.
En fait, on constate qu'il faut souvent prendre en
compte des facteurs autres que l'environnement naturel et les
moyens de réalisation disponibles. Dans des si tuations compara­
bles, quant à la fonction de l'ouvrage et aux actions qui s'exer­
cent sur lui, les contextes politiques, économiques, sociaux
peuvent motiver des choix et des dimensionnements différents.
Ces contraintes de types particuliers ont toujours
existé mais elles ont été mieux et plus ressenties lorsque
l'Ingéniérie des pays industrialisés est intervenue dans 11 éla­
boration des projets portuaires des nations issues des anciens
empires coloniaux. Les spécialistes de la coopération, les ingé­
nieurs des bureaux d'études et des entreprises de Travaux Mariti­
mes ont dû adapter leurs choix techniques aux conditions de
financement, aux critères de rentabilité, aux modes de gestion,
aux possibilités d'entretien propres à ces pays en développement.
Dans le même temps, les pays avancés mettaient l'accent
sur la protection de l'environnement, en particulier dans leurs
franges littorales. Il en est résulté que les ouvrage~ maritimes
-surtout Si il s'agit de défenses côtières- doivent y satisfaire
aussi à des contraintes de sauvegarde des sites ou du patrimoine
his~orique et architectural.

En FRANCE enfin, la part plus grande prise ces derniè­


res années dans la gestion du domaine maritime par les Départe­
ments, les SIVOM, les Communes semble accroî tre l'intérêt pour
les procédés et les types de structure nouveaux, les ouvrages
classiques et éprouvés étant parfois perçus comme des solutions
de routine, lourdes et onéreuses.
On ne peut répondre par quelques règles simples et
de portée générale à des contextes et des motivations aussi
différents. En fait, les situations évoquées conduisent à relati­
viser l'importance de l'analyse technique et à modifier, voire
changer, les choix en découlant. Il .peut donc être utile de
mettre en lumière quelques-unes des circonstances qui marquent
cette relativisation et qui infléchissent les décisions "des
projeteurs et des maîtres d'ouvrage.

- 2 ­
1.2. PROJETS DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT

Il est fr~quent que la d~c~sion de rialiser un ouvrage


maritime soit injustifiable selon les cri tires habituels de
rentabili t~. Cela tient au fai t que de tels ouvrages sont les
~léments avancés d'une stratégie de développement à long terme
dans laquelle les effets économiques indirects et les effets
sociaux sont considérés au même ti tre que les donn~es purement
financières.

Cela étant, les choix des types d'ouvrage et leur


dimensionnement sont influencés par d'autres contraintes que
celles des manuels classiques et notamment :
a) Une marge de manoeuvre étroite dans l'élaboration des projets.
Les caractéristiques principales, les budgets et les délais
sont en général fixés par les organismes de financement avant
l'exécution d'études détaillées. Il est ainsi difficile de con­
duire au mieux l'optimisation technique, l'examen des variantes,
etc... Il est difficile d'éviter les choix sécurisants -surtout
en matiire de stabilité- et les surcoGts qu'ils impliquent.
b) L' incerti tude inhérente. aux· prévisions concernant l'économie
et la stabili té politique de nations en évolution rapide. Cela
conduit à préférer des plans-masses et des structures se prêtant
à des développements échelonnés, selon des phasages élastiques.
c) L' unici té du navire et de sa technologie, imposée par les
pays avancés. Elle suppose des infrastructures chères, assurant
accès,· manoeuvres et manutentions dans des condi tions compara­
bles aux deux terminaux. Dans la pratique, des compromis sur
les règles admises en pays riches seront consentis : les ouvrages
d'abri par exemple, n'auront pas l'extension ou les caractéristi­
ques permettant l'exploitation optimale des navires et des équi­
pements.
d) Le recours aux ressources locales, imposé pour des raisons
financières, économiques, poli tiques. Il favorise les structures
simples et robustes, utilisant les matérieux disponibles dans
le pays, mis en oeuvre sans moyens sophistiqués, par des mains
d10euvre abondantes mais peu qualifiées. Il conduit à des exigen­
ces moindres en qualité d'exécution et respect des délais.
e) La connaissance insuffisante du milieu naturel, en particulier
pour les ouvrages maritimes implantés en sites vierges, éloignés
de ports existants. La qualification et l'expérience des proje­
teurs n'éliminent pas la marge d'incertitude de leur analyse
des phénomènes de type aléatoire, observés.sur une durée insuffi­
sante (agitations, niveaux extrêmes •.. ). Dans cette situation,
assez fréquente, il est dangereux de conse~ller des ouvrages
dont le taux d'endommagement, voire le risque de destruction,
croissent trop vite lorsqu'on s'écarte des hypothèses de projet.
f) Le transfert des responsabili t~s sur l'entrepreneur. Assez
r~pandue dans le Tiers-Monde, cette pratique entraine au mieux
des surcoûts inutiles, au pire des choix et dimensionnements
d'ouvrages trop "pointus" eu égard au degré de connaissance
du milieu physique et à la qualit~ d' ex~cution accessible sur
ces chantiers.

- 3 ­
g) L'insuffisance des mOYens de maintenance et de réparation.
Elle se manifeste sur les crédits, les équipements et les person­
nels. Elle est d'autant plus ressentie que des modes de gestion
criticables, avec des personnels peu qualifiés, augmentent la
fréquence des accidents et dommages, y compris sur les structures
lourdes. Hors de toutes considérations techniques, cette si tua­
tion quasi-générale dans les pays les moins avancés, plaide
pour les structures simples parce que faciles à construire,
robustes parce que largement calculées, réparables à moindre
frais parce qu'utilisant des équipements et des matériaux trouvés
sur place.

1.3. - PAYS INDUSTRIALISES ET ENVIRONNEMENT

Les pays industrialisés ressentent peu les contraintes


évoquées ci-dessus. Par contre, d'autres facteurs extra-techni­
ques liés à l'environnement interviennent dans les choix et
les dimensionnements des ouvrages maritimes, surtout en matière
de défenses de côte.

1.31. - LES INCERTITUDES ACTUELLES

Dans le principe, il s'agit d'adapter ces ouvrages


aux nécessités de la sauvegarde de l'environnement naturel.
Dans la pratique, la marche à suivre n'est pas évidente et ce,
pour plusieurs raisons :
a) Les préoccupations relatives à l'environnement se sont impo­
sées dans les vingt dernières années. On ne dispose donc pas
d'un recul suffisant pour apprécier la validité des solutions
originales proposées pour y répondre.
b) Le souci d'harmoniser ouvrages maritimes et environnement
(naturel, architectural, •.. ) s'exprime en termes qualitatifs
et esthétiques, donc subjectifs et par conséquent variables
av~c le temps, les lieux et les hommes*.

c) Pour la plupart, les 'ouvrages ou travaux concernés par ces


contraintes sont d'importance limitée et d'intérêt local.: défen­
ses de côte, petites jetées portuaires, fronts de mer, curage
de piiges à sédiments, apports artificiels, etc ... Dans le con­
texte administratif actuel, les grands services techniques de
l'Etat interviennent moins et la décision des instances locales
prévaut. Or, cette décision est prise à un niveau de compétence
technique moindre mais avec une attention plus grande aux impacts
de toute nature qui menacent l'environnement. Un seul exempl e :
le souhai t général d' évi ter les ouvrages en enrochements trop
différents par leur couleur de celle des roches en pl~ce.

* Bien instructive à cet égard est l'évolution des mentalités


vis-à-vis des ponts transbordeurs en charpente métallique. On
entretient maintenant à grands frais le dernier existant en
FRANCE, à ROCHEFORT.

- 4 ­
1.32. - LE RECOURS AUX DEFENSES DOUCES

Pour l'ensemble de ces raisons, les responsables des


projets d'ouvrages de cette catégorie sont souvent placés devant
l'alternative suivante:
a) Ou bien proposer les remèdes habituels des défenses lourdes :
(épis, cordons de haute plage, brise-lames parallèles au rivage,
jetées en blocs de béton. Les critiques sont alors nombreuses :
coat élevé, impact visuel discutable, adaptabilité incertaine
aux évolutions du moyen et long terme.
h) Ou bien mettre en oeuvre des moyens nouveaux -dont les défen-
ses douces- dont on ne peut assurer ni l'efficacité à long terme
ni le respect par les maîtres d'ouvrages des contraintes qu'ils
impliquent.
Or, ces contraintes ne sont ni négligeables, ni aisées à satis-
faire, ni convenablement perçues par les partisans de ces métho-
des :
. L'investissement ini tial est plus faible qu'avec des défenses
lourdes mais la "mise" est souvent à renouveler (destruction
totale ou partielle après les saisons du tourisme et des tempi-
tes .
. Le linéaire s'exprime en général en kilomètres et l'implanta-
tion est en retrait du D P M, sur des terrains de statuts divers
et imbriqués*.
D'expérience, il est difficile d'obtenir le consensus de tous
les intéressés pour élaborer un projet d'ensemble, le mettre
en oeuvre puis assurer l'entretien ultérieur : ganivelles à
remplacer, clôtures et accès à réparer, plantations à renouveler,
clôtures à réimplanter, etc ••.
Le désir général d'un moindre recours aux ouvrages
pérennes pose don un problème dont plusieurs données ne sont
pas cernées. A l'~mpossibilité d'apprécier l'applicabilité et
l'efficacité sur le long terme des techniques douces, toutes
choses égales par ailleurs, s'ajoutent de graves interrogations
liées aux évolutions observées : si les idées avancées sur la
montée du niveau marin et l'épuisement des stocks sédimentaires
de la dernière glaciation se confirment, le recul des littoraux
s 'aggra vera dans les prochaines décennies. Dans ces conditions i
ne faut-il pas envisager dès maintenant de faire la part du
feu, c'est-à-dire abandonner certains réseaux de défenses trop
lourds à financier et choisir des stra tégies élastiques, basées
sur des structures plus légères ?

***************

Ainsi, et quelles c~ue soient leur nature, leur impor-


tance et leur localisation, les ouvrages maritimes sont tribu-
taires de considération bien autres que techniques. Le projeteur
ne peut ignorer que la finalité de ces ouvrages n'est pas d'être
étudiés et construits mais de servir, dans un contexte donné.

* Propriétés privées, établissements publics (ONF, Conservatoire


du Littoral, •.• ), ministères (Armée, Justice, ... ), collectivités
locales ou départementales, réserves naturelles, etc •..

- 5 -
2 - LES OUVRAGES USUELS

2.1. - OUVRAGES D'ABRI

2.11. - JETEES A TALUS

La majorité des ouvrages maritimes qui font l'objet


d'études détaillées, et en particulier d'essais de stabilité
sur modèles, sont des jetées à talus. A cela, trois motifs:
a) C'est le type de structure le plus souvent retenu, comme
répondant le mieux aux contraintes des projets, aux possibilités
de réalisation et aux conditions de service.
h) Les sollicitations que ces ouvrages subissent et les réactions
qu'elles engendrent (déformations, pertes d'éléments, ruptu~
res ... t ne sont pas calculables en l'état actuel des connaissan-
ces : le recours à des modélisations élaborées est inévitable.
c) Enfin, l'architecture des digues à talus évolue dans le temps
avec les changements qui interviennent dans leurs consti tuants
(revêtements extérieurs en particulier), leur mode de construc-
tion, leur champ d'application ... Cela pose des problèmes nou-
veaux et exige des études spécifiques pour tenter de les résou-
dre.

2.12. - JETEES A PAROIS VERTICALES

D'une conception très ancienne* et d'un usage plus


répandu jadis que de nos jours, les jetées à parois verticales
ont des avantages propres qui les font encore pr&firer dans
certains cas.
Depuis 1 950, deux circonstances ont permis un regain d'intérêt
pour ce type d'ouvrage, quelque peu délaissé' après les très
grqves dommages causés par la mer aux jetées du pourtour occiden-
tal de la MEDITERRANEE :
a) Les technologies modernes -dont la préfabrication.à terre
et l'amenée en flottaison- ont permis de réaliser, dans des
conditions relativement économiques, des éléments en béton ou
métalliques consti tuant les murailles verticales de ces digues.
h) Par des essais en canal de houle, des profils plus perfor-
mants que le monolithe plein ont été imaginés : le plus représen-
tatif est la chambre perforée mise au point par l'Ingénieur
G.E. JARLAN.

* Port phenicien de TYR, vieux de plus de 4000 ans.

- 6 -
2.13. - AUTRES STRUCTURES

Dans la catégorie des ouvrages d'abri des plans d'eau,


il n'y a pas d'autres structures de large emploi. De nombreuses
tentatives ont été faites vers des solutions nouvelles. A ce
jour, leur portée est restée limitée.
Ces solutions cherchent à s'affranchir du poids mort
des parties profondes -prépondérant et de loin dans les digues
à talus- alors que l'énergie des vagues est surtout transmise
dans les couches superficielles. D'où des disposi tifs, certains
brevetés, tels que :
. les digues flottantes, de conceptioœtris diverses, utilisables
à la condition que les périodes des vagues restent en dessous
de 5 s ;
les structures sur pieux, formant masque étanche ou à claire-
voie autour de la surface et qui exigent une grande quali té
d'exécution;
. les assémblages· d'éléments préfabriqués, tels les jambages
accolés du système BERGER-STAEMPFLI, desservi par l'accident
de MORGATE, imputable à la mise en oeuvre plus qu'au principe.
Sans prétendre à l'exhaustivité, on peut encore évoquer
les jetées dont le profil se rattache aux digues à talus, mais
qui sont consti tués par empilement de sacs, remplis de sable
ou cl 1 un mortier pauvre ( système BOLSACRETE par exemple), avec
ou sans solidarisation des sacs ou poches les plus exposés.

2.2. - DEFENSES .COTIERES

2.21. - CARACTERISTIQUES PROPRES

a) Les défenses cotiires ont pour finalité la stabilisation,


voire la reconstitution des rivages attaqués par les éléments
naturels (agitation, courants, vents, gel ... ) ou menacés par
l'homme (piétinement, engins motorisés, ... ). Ces ouvrages sont
le plus· souvent implantés en littoraux sableux, mais aussi en
côtes rocheuses fragiles : calcaires tendres, schistes, grès
et conglomérats mal cimentés.
A l'inverses des ouvrages d'abri, leur action s'exerce
donc dans une frange littorale étroite, de quelques dizaines
à quelques centaines de mètres, mais sur des distances du même
ordrè que les longueurs des tronçons de côte vulnérable, soi t
des dizaines de kilomitres parfois. Ainsi, les défenses côtiires
constituent en général des ensembles linéaires, continus ou
discontinus (répétition selon un certain pas, d'une défense
d'un certain type ou d'une combinaison de plusieurs défenses).
b) Quel que soit le cas de figure, on ne peut dissocier le choix
des protections; leur dimensionnement et leur implantation de
la dynamique du li ttoral à défendre (actions naturelles et ac-
tions humaines). Le nombre des facteurs à considérer est plus

- 7 -
grand que pour les grands ouvrages d'abri. En particulier, il
faut que la stabilité des défenses côtières s'accommode des
évolutions lentes ou rapides de la ligne du rivage, de son pro-
fil, de la bathymétrie des fonds voisins, que leur géométrie
puisse si nécessaire être modifiée en fonction de ces &volutions,
que leur prisence n'entrave pas les activités touristiques.

Dans ces conditions, si l'on peut grouper les défenses


côtières en trois grandes familles*, à savoir les épis, les
défenses longi tudinales en tête de prof il et les ouvrages en
avancées du rivage, on observe dans chacune d'elles une très
grande diversité dans les matériaux utilisés, les modes d'exécu-
tion, les formes et les conditions d'emploi.

2.22. - DIFFICULTES DE PROJET

a) En raison de cette diversité, l'expérience acquise sur les


dispositions de moins fréquente utilisation est donc réduite.
En outre, et cela vaut pour toutes les défenses côtières :
L'analyse des efforts subis est encore moins accessible à
la théorie que dans le cas des digues de mer. Les ouvrages cô-
tiers sont battus sous incidence rasante par des lames déferlan-
tes, très franchis, exposés aux courants de houle, construi ts
sur fonds variables, toutes condi tions qu'on quantifie mal et
qui ne se prêtent guère aux hypothèses simplificatrices.
• Les études de stabilité en laboratoire ne sont pas habituelles
en ce domaine car la modélisation est difficile et chère (essais
tridimensionnels, simulation des fonds sédimentaires) et les
programmes de défense sont souvent engagés par tranches annuelles
dont le montant permet de construire quelques unités et d'entre-
tenir l'existant**, mais pas de faire des essais sur modèle.

b) Dans la mesure o~ ces ouvrages sont construits en faible


profondeur, voire en zone découvrante dans les mers à marée,
la hauteur maximale des vagues qui les atteignent peut s'estimer
as~ez bien. Cela évite de grosses erreurs de dimensionnement
sur les défenses en enrochements. Par contre, les structures
plus élaborées (charpente en bois, palplanches, gabions, plaque
de béton, boudins souples, .•. ) sont projetées par référence
aux exemples de même type qu'on peut trouver ou à partir de
calculs des plus sommaires.

* Exception faite des défenses par apports artificiels de sédi-


ment et/ou de l'emploi des techniques dites "douces", qui sortent
du cadre de cette note.

** Exemple de l'Ile de Noirmoutier, avec un programme décennal


engageant 4.500 000 tl/an pour l'extension et l'entretien des
défenses, selon 8 types différents.

- 8 -
Cette double circonstance d'~tre idifiies en milieu
hostile et projeties sans rigles iprouvies explique la friquence
et le taux ilevis d'endommagement des àifenses côtiires. Leur
durie de vie est souvent infirieure à 1 5 - 20 ans, malgri des
riparations coûteuses.

Des iconomies importantes sont possibles en ce domaine.


Elles peuvent justifier une extension à d'autres ouvrages que
les ipis, et aux problèmes de stabili ti, des itudes ginirales
entreprises sous l'igide du STe.

2.3. - CONCLUSIONS

Ainsi, il apparait que les ouvrages maritimes, dont


la risistance aux temp~tes est en giniral la condition sine
qua non de leur existence doivent, d'une part, satisfaire bien
d'autres contraintes, et d'autre part, ne binificient pas tous
d'acquis techniques de m~mes niveaux.

En schimatisant, on peut admettre que :


a) Les grands ouvrages d'abri construits dans les pays industria-
lisis sont projetis selon une mithodologie associant une itude
des conditions physigues du site, une analyse iconomigue classi-
que, un pri-dimensionnement, selon des r~gles et une optimisation
par des simulations physiques de plus en plus performantes.
b) Les ouvrages de m~me nature rialisis dans les nations en
développement sont parfois sans justification économique au
sens habi tuel et le type de structure peut ~tre imposi par des
considérations autres que techniques. En outre, un surdimension-
nement est prudent lorsque des incertitudes subsistent sur l'en-
vironnement naturel, que l'optimisation est insuffisante, que
le difaut d'entretien est à craindre.
c) Dans le domaine des défenses c8tiires, seuls les grands pro-
grammes binificient d'itudes complètes*. Les ouvrages de moyenne
et petite importance, qui sont pourtant les plus nombreux de
tous les ouvrages mari times proj etis et rialisis, ne s'appuient
pas sur des rigles de dimensionnement iprouvies.
d) Enfin, il est friquent que les projets de difense de sites
sensibles provoquent des polémiques entre tenants des "ouvrages
lourds" et adeptes des "solutions douces".

* Tels ceux' liis aux risques d'envahissement ou d' irosion par


la mer de terres riches et/ou peuplies HOLLANDE, FLORIDE,
golfes du BENGALE et du BENIN, estuaires de l'ELBE, de la TAMISE,
ville de VENISE.

- 9 -
2ème Partie

LA CONNAISSANCE

DU MIL l E U P H Y S l QUE
3 - REMARQUES PRELIMINAIRES

3.1. - UNE APPROCHE MALAISEE

La connaïssance du milieu physique, même si elle doi t


être complétée par celle d'autres données, est indispensable
dans le choix et le dimensionnement d'un ouvrage maritime.

Cette connaissance touche de nombreux domaines. Elle


se rattache à des disciplines diverses et met maintenant en
j eu des moyC?ns de plus en plus complexes et performants. Dans
l'appréciation des informations ainsi recueillies, il pourra
être utile d'avoir en l' espri t les quelques remarques qui sui­
vent :
a) Les développements des théories et des appareils de mesur.e,
et par conséquent le volume et la validité des résultats obtenus,
n'ont pas progressé au même rythme dans tous les domaines :
les levés hydrographiques et l'observation des marées étaient
dijà de pratique courante et prec1se alors que les concepts
sur la formation et les caractéristiques de l'agi tation étaient
bien incertains.
b) Les acquis dans la connaissance des phénomènes naturels et
leurs incidences méthodologiques ne sont pas exploi tés et mis
en pratique par les intéressés sans délais parfois notables.
C'est ainsi qu'en 1975-1977, des essais de stabilité sur modile
d'un brise-lames aussi important et exposé que celui d'ARZEW
EL JEDID étaient conduits outre-ATLANTIQUE en houles régulières.
c) Des lacunes ou des incertitudes subsistent sur des questions
d'importance. On y pallie par des approximations ou des approches
indirectes qui peuvent, par la suite, apparaitre comme des causes
d'erreurs. Il en a été ainsi de certaines hypothises fai tes sur
les secteurs de provenance des mauvais temps, les condi tions
géotechniques, les rendements des carrières.
dl' Dans la plupart des études d'ouvrages maritimes, il est néces­
saire d'apprécier certains facteurs, et surtout leur variabilité,
sur des périodes de temps qui sont très supérieures à .la durée
de vie de l'ouvrage. C'est le cas du régime de l'agitation,
mais aussi des extremums de ni veau de la mer et des vi tes.ses
de courant, des tendances évolutives naturelles du rivage. et
des fonds, etc •.• Or, les études sur site· engagées pour l'ouvrage
considéré, même si elles ont été condui tes en l'état présent
des connaissances, couvrent rarement pius d'un cycle annuel.
Cela revient à dire que, sur la base de ces seules études, des
estimations au-delà de la probabilité décennale, comporteraient
de gros risques.
Le proj eteur doi t donc souvent définir des paramitres du milieu
physique par l'amalgame de mesures directes récentes, a priori
plus fiables et cohérentes, avec des données plus anciennes
et hétérogines car :
elles ont été recueillies par des équipes dont la compétence
est inconnue, selon des méthodes plus sensibles à l'équation

- 10 ­
personnelle des observateurs* et avec des moyens moins perfor­
mants ;
l'interprétation des mesures a reflété les critères de l' épo­
que, différents des nôtres ;
elles ne concernent pas touj ours la grandeur analysée (par
exemple les maximums de niveau) mais renseignent par un phéno­
mine qui lui est lié (comme la submersion de digues).

3.2. - DES PRECAUTIONS UTILES

En résumé, et indépendamment du phénomène considéré,


il apparait que.deux précautions sont à prendre dans la collecte
et la synthèse des informations relatives au milieu physique
a) Il faut, en premier lieu, que toute composante de cet environ­
nement dont· une appréciation· erronée pourrait remettre en ques­
tion le projet ou la construction fasse 1 ' objet d'études suffi­
santes dès l'origine. C'est dans le domaine de la géotechnique
que les risques sont les plus fréquents, en raison du coût des
investigations en ce domaine qui les fait éluder ou repousser
au stage des projets définitifs. Mais on trouve aussi des exem­
ples d'autres natures qui montrent les dangers d'une analyse
insuffisante du milieu physique :
Sols inconsistants ou boulants non détectés dans des premiers
projets à PORNIC, au they de la GRACIEUSE, à SKIKDA ;
• Formations rocheuses ou "points durs" ignorés lors de l'éta­
blissement des programmes de dragage ou de battage à PAPEETE
(rognons coralliens), à ANTIFER (blocs erratiques), aux MINIMES
(gabares de RICHELIEU) ;
• Transits littoraux non observés ou mal estimés, comme ce fut
jadis le cas aux ports de la côte nord-est d'OLERON, aux défen­
ses des plages de CARTAGENA (COLOMBIE), au port péruvien d' ex­
portation du brut ;
• Focalisation des lames de longue période non prévue par sui te
de l'insuffisance de l'hydrographie mise à disposition du
projeteur, comme à SINES ;
• Etc •••
b) En second lieu, nombre des phénomènes qu'on n'estime correcte­
ment que sur une longue durée obligent à utiliser des informa­
tionsd'origines, d'époques et de natures différentes. Une analy­
se critique, malaisée à conduire, sera nécessaire pour "homogé­
néiser" les diverses séries d'informations collectées.

* De trois sémaphores installés sur des caps de l'Est algérien,


de même exposition, pour la même décennie, deux fournissent
la même statistique des états de la mer et le troisième, au
centre, a "observé" des forces de vagues moitié moindre.

-" ­
Nous en donnerons quelques exemples, sans cacher qu'il
s'agit de solutions approchées, non exemptes de risque, à un
problème que résoudrait seulement l'intensifica t ion, sur le
long terme, de mesures directes et pré cises.

Pour ces raisons, et sans prétendre â l'examen de


tous les facteurs de l'environnement physique, nous présenterons
sur les principaux d'entre eux des remarques et des commentaires
tirés de l'expérience du LCHF.

- 12 ­
4 - L'HYDROGRAPHIE

4.1. - LEVES RECENTS ET ANCIENS

Des cartes récentes, le plus souvent complétées par


les levées spécif iques au projet considéré, sont indispensables
pour l'étude de la propagation des vagues, l'implantation et
le dimensionnement des ouvrages.

La consul tation des cartes anciennes, classique dans


les recherches sur le régime d'une côte, apporte aussi des ren­
seignements importants pour le projet d'une structure en mer

a) Ces documents, souvent établis à partir de sondages au plomb


à suif, indiquent alors la nature des fonds en surface. Si des
vases ont été observées, leur cote supér ieure est un sûr indice
de la force des agi tations auxquelles le si te est soumis. En
première analyse, on peut admettre les correspondances sui van­
tes :

Prof. mini. des


...
vases (m) : ••••••• 25 à 30 15 a 20 10 à 15 2 à 5
Hs annuel (m) : ••• 6 à 7 3 à 5 3 à 5 , à 2
THs annuel (s) 10 - 18 8 12 6 C"
3 - 5
Situation type océans en océans en mers d' éten- sites
latitudes latitudes dues limitées abrités
rroyennes basses et
zones de mers
de vent
Exemples en côtes atlan­ côte du littoral de pertuis
FRANCE tiques, au IANGlJE[X)C la MANOiE charentais,
sud de la baie de
IDIRE OOURGNEUF

b) Sur des li ttor~ux sédimentaires, si des évolutions notables


sont constatées, a intervalles de quelques décennies sur le
trait de côte, la bathymétrie de la frange côtière, les accumula­
tions sableuses proches, l'étude de l'ouvrage ne peut itre limi­
tée à la vérification de sa stabilité en l'état présent du site.

On peut ci ter de nombreux cas où le manque d' informa­


tion en ce domaine, ou l'impasse qui en fut faite, pose mainte­
nant des problèmes graves. Par exemple :
• l'érosion de la ville de COTONOU,
• la destruction des jetées du port et les menaces sur la ville,
à MORONDAVA (MADAGASCAR),
." le confortement des défenses côtières devant les complexes
touristiques en de nombreux pays, dont la FRANCE,
l'endommagement périodique des jetées de BARRANQUILLA
( COLOMBIE), •••

- 13 ­
Par chance, la documentation cartographique et aéro­
photographique* s'accroit constamment et l'on peut caractériser
le degri d'instabiliti d'un rivage dis les premiires itudes.

4.2. - OBTENTION ET UTILISATION

L'obtention des anciennes cartes n'est pas toujours


aisie. Pour la FRANCE et les terri toires qui lui sont rattachis
(ou qui le furent), les documents les plus intiressants sont
ceux levis au 19ème siicle et dans la première moi tié du 20ime
par les hydrographes de la Marine Nationale. Ils ne sont plus
aux Archives Nationales à PARIS, mais à l'EPSHOM de BREST. Il
est possible de les consulter et d'en avoir copie.

Une source du plus haut intérêt pour les proj ets de


défenses côtiires serai t, si elle itai t accessible au public,
la série des cartes des plages levies dans les annies 50 par
la Mission des Côtes de France du S.H ••

Les Services Maritimes, les Directions des Ports Auto­


nomes disposent aussi de cartes levies régulièrement de~uis
plus d'un siicle.

On retiendra que, malgré la bonne pricision du travail


effectué dès le début du 19ime siicle par les serviceshydrogra­
phiques des grandes nations maritimes, l'utilisation des cartes
anciennes exige quelques précautions :
a) Si l'on ne dispose pas de la minute d'un levé (ou de sa copie)
on peut touj ours craindre qu'une carte édi tée pour le public
soi tune mosaique disparate, aussi bien pour les fonds que pour
les trai ts de côte. Beaucoup de cartes, anciennes ou en usage,
pour la FRANCE, juxtaposent sur une même feuille des sondages
exicutés aux environs de 1820 - 1876 - 1890 - 1925 et des levis
récents.
b) Pour des raisons diverses (passage aux unitis métriques,
déplacement de repères de marée, modification des bornes terres­
tres), la calage en altitude a pu varier d'une ipoque à l'autre.
L'icart est faible en général sauf si, pour un pays étranger,
on compare des levis dont les "rattachements de sonde" sont
diffirents (plus basses basses-mers pour l'école française,
basses-mers moyennes, voire niveaux moyens pour d'autres).
c) La redéfinition du nivellement général de la FRANCE, apris
1969, implique des corrections de 20 à 70 cm au long des rivages
situés entre les frontières espagnole et belge de notre pays.
La prise en compte de ces différences non-nigligeables ne parait
avoir été ni claire, ni systématique dans les documents nauti­
ques, les observa toires de marées, les topographies locales, •.•

* Pour la FRANCE, il est fréquent de trouver, auprès de l' IGN,


pour un même si te, des clichés couvrant un laps de temps d'une
quarantaine d'annies.

- 14 ­
5 - MAREES ET FLUCTUATIONS DU NIVEAU DE LA MER

5.1. - NIVEAUX MARINS ET SOLLICITATION DES OUVRAGES

La marée, dans l'acception habituelle du mot, est


la marée astronomique, résultant des influences lunisolaires.
Il est bien d'autres causes de variations du niveau marin et,
selon les régions et les époques, elles altèrent ou masquent
la marée astronomique.
Quelles qu'en soient les causes principales, les chan­
gements du ni veau de la mer sont un élément important du proj et
d' un ouvrage maritime dès que leur amplitude atteint ou dépasse
le mètre.
En effet :
a) La propagation de l'agitation entre le large et le site de
l'ouvrage est affectée par la hauteur d'eau
· en direction car la réfraction des vagues et l'écran des obsta­
cles naturels (pointes rocheuses, bancs, ... ) diminuent quand
le niveau monte,
en force, car le pourcentage des fortes vagues atteignant
l'ouvrage sans avoir déferlé est plus fort autour de la pleine­
mer.
b)Le mode de sollicitation de la structure par les vagues change
avec le niveau de la mer
• aux niveaux bas, sont surtout sollicités les bases des talus,
les buties, les tapis de pied, sur lesquels les vagues défer­
lent ;
aux niveaux intermédiaires, la force des lames agi t sur la
carapace desjeties â talus et le parement des digues vertica­
les ; .
· aux niveaux hauts, les effets sont plus complexes, en particu­
lier dans le cas des digues à talus : attaque de la carapace
et de la berme de tête, poussée sur le couronnement, atteinte
du talus intérieur par franchissements, écoulements et sous-
pressions sous les voies de circulation.
Il est intéressant de remarquer que les si tuations les plus
dangereuses se présentent souvent aux niveaux extr~mes. Or,
l'analyse semi-théorique et semi-empirique qui a conduit aux
formules de stabilité des digues à talus et des ouvrages verti­
caux correspond aux ni veaux intermédiaires. D'où 11 importance
de la modélisation des autres cas de figure.
c) Les marées induisent des gradients de pression, d'écoulement
et de niveau des nappes dans les noyaux des digues et dans les
remblais accotés à des défenses perméables. En général, ces
gradients sont trop faibles pour provoquer des déséquilibres.
Ils peuvent être dangereux :
• dans les digues protégeant des plans d'eau fixes ou des terres
basses au cours du temps, ces ouvrages sont fragilisés par
tassements, lavages des éléments fins, terriers d'animaux
fouisseurs i

- '5 ­
v

de part et d'autre de parements imperméables (palplanches,


maçonnerie ou béton, revêtement bitumineux) dont la face inter­
ne n'est pas correctement drainée;
lorsque les niveaux extrêmes bas sont abaissés à la suite
de travaux*.

5.2. - LES COMPOSANTES DES FLUCTUATIONS DU NIVEAU

Il est donc important de prévoir du mieux possible


les cotes extrêmes pouvant être atteintes et leur probabili té.
Pour cela, il faut connaître les diverses composantes des fluc­
tuations du niveau. Or, ces composantes sont no~breuses et leur
quantification n'est pas toujours aisée:

5.21. - MAREES ASTRONOMIQUES

Les marées astronomigues sont les mieux connues. Les


prédictions en sont publi~es pour un réseau de sites de référen­
ce (des ports en général) et des points secondaires qui leur
sont rattachés.

Des incertitudes d'ordre décimétrique à métrique -non


négligeable pour l'arase d'un profil~ subsistent sur des secteurs
li ttoraux à fort gradient du marnage. Les cas de cette espèce
ne sont pas très rares. Ils correspondent en général à des confi­
guration géographiques favorisant une résonance de l'onde-marée.
Au hasard des. études du LCHF, ils ont été rencontrés dans le
golfe de GABES (gradient de 2 à 3 m sur 100 km), dans les chenaux
de PATAGONIE ( gradient de 5 à 6 m sur 40 km), en côte ouest
de COREE (gradient de 7 à 8 m sur 100 à 150 km) et, en FRANCE,
autour du Mt St MICHEL, de la baie de SOMME, des pertuis charen­
tais**, de l'embouchure de la LOIRE, etc ••.

* Après creusement et rectification des chenaux de navigation,


des pieds de quais et de talus ont "chassé" en divers points
des estuaires de la SEINE (PETIT COURONNE) et de la LOIRE
(NANTES).

** Sur les 40 km environ qui séparent LA ROCHELLE du pertuis


de MAUMUSSON, le marnage décroit de près de 2 m en grandes vives­
eaux.

- 16 ­
Aj outons qu'il est d'usage en FRANCE de caractériser
les marées en ATLANTIQUE et en t-1ANCHE par un coeff ic ient C,
le même sur tout ce li ttoral pour une marée donnée, et par une
unité de hauteur, déduite des observations en chaque port de
référence. Cette pratique repose sur l'hypothèse d'une marée
sinusoïdale semi-diurne lunaire*. Elle est d'autant moins véri­
fiée qu'au site considéré la proportion des harmoniques supérieu­
res de la marée est plus grande. Des ondes quart-diurnes notables
apparaissent dans l'analyse harmonique des marégrammes des eaux
peu profondes. Elles se traduisent par un relèvement du ni veau
de mi .... marée et par un allongement de plusieurs heures de la
"tenue" du niveau de pleine-mer (LE HAVRE et LA ROCHELLE par
exemple) .
Ce phénomène contribue à accentuer les écarts entre les marées
prédites par les annuaires aux points de référence et les marées
réelles en des sites parfois peu éloignés.

5.22. - "MAREES" METEO ET AUTRES FLUCTUATIONS

a) Les causes non~astronomiques des variations du niveau de


la mer sont souvent d'origine météorologique:
variations de la pression barométrique, liée à la succession
des dépressions et des anticyclones,
déplacement saisonnier des grandes aires stables de hautes
et basses-pressions, comme sur les pourtours de la MEDITERRANEE
orientales,
variation barométrique semi-diurne solaire, caractéristique
de la zone intertropicale, régulière et de faible ampli tude
mais dont l'altération annonce la proximité d'un cyclone tropi­
cal,
• vents forts et persistants, poussant en terre les eaux littora­
les peu profondes, avec les catastrophes que l'on sait dans
les grands golfes qui y sont exposés (BENGALE, golfe du MEXIQUE
mais aussi côtes de la FRISE et estuaire de l'ELBE),
ondes de tempate associées aux grandes perturbations océaniques
et dont les effets sont particulièrement sensibles dans l'Océan
Indien (les raz-de-marée de MADAGASCAR et des MASCAREIGNES),
• passage direct de l'oeil des tempates et cyclon$tropicâux.
b) Des fluctuations importantes du niveau ne sont pas, ou pas
directement, liées aux phénomènes météorologiques. Ce sont, en
général
soit des oscillations de périodes intermédiaires entre la
houle et la marée astronomique

....
* Acceptable pour BREST ou, par définition, C = 100 caractérise
une marée de 6 m.

- 17 ­
quelques dizaines i quelques centaines de secondes pour
divers types de seiches, le plus fréquent étant celui lié
à la succession plus ou moins régulière de vagues fortes
et faibles dans la houle* (Trains d'onde),
quelques dizaines de minutes pour l'oscillation de grandes
masses d'eau dans des baies (en FRANCE les conches de la
GIRONDE à ROY AN et st GEORGES DE DIDONNE), entre la côte
et le rebord du plateau continental (fréquent en ALGERIE :
ANNABA, JIJEL, BEJAIA en particulier), dans les détroits
allongés (détroi ts de MALACCA , de COREE, ... )
soit de grandes intumescences dites raz-de-marée et plutôt
"tsunamis" de nos jours, engendrés par les séismes et dont
la propagation, sans atténuation sensible d'énergie, couvre
des distances de dizaines de milliers de kilomètres en mai
1 960, le séisme du sud du CHILI dévasta HA\'1AI et des îles
japonaises et soviétiques jusqu'i plus de 12000 km**.

5.3. - ESTIMATION DES EXTREMUMS

Selon les régions du globe, les marées astronomiques


mesurées près des côtes vont de guelaues décimètres i '0 m et
plus en sizygie. Les autres fluctuations de niveau sont, le
plus souvent de l'ordre de 0,3 i l , 0 m. Elles sont comparables
aux marées astronomiques moyennes observées en de nombreux
points. Au paroxysme des effets météorologiques comme au passage
des tsunamis, des surélévations de' plusieurs mètres sont possi­
bles.

Ces quelques valeurs montrent qu'en beaucoup de sites,


la seule fluctuation du niveau qui soit calculable et prévisible
n'est pas toujours la composante la plus importante de la varia­
tion totale possible. En d'autres termes, la connaissance de
la marée astronomique ne suffi t pas pour estimer d'une manière
sat.isfaisante les niveaux extrêmes au droit d'un ouvrage mari ....
time***.

* Dans un précédent texte, nous avons signalé l'emploi par .F.


RABELAIS de l'expression "la vague décumane en la mer océane"
pour transcrire une notion encore admise de trains d'une dizaine
de lames, dont une plus forte que les autres.

** On observe toujours en premier un abaissement qui a atteint


6 à 8 m près d'épicentres sur les côtes est du PACIFIQUE sud
(ARICA-l 868, CORRAL 1960) puis une surélévation du même ordre
et ainsi de suite pendant des heures avec amortissement progres­
sif.

*** Un seul exemple, parce qu'il est a ttesté par des décennies
d'observations sur la côte NE des USA, où l'amplitude moyenne
des marées est de l'ordre de 1,00 m, des surcotes de 1 à 3 m
ont été mesurées à la pleine-mer.

- 18 ­
Il n'est d'ailleurs pas de solution exacte i ce probl~­
me. L'expérience -et le bon sens- conseillant de recenser les
causes des fluctuations, de auantifier leurs effets sur le niveau
soit par des formules empiriques ou des mithodes de calcul sim­
plifiies*, enfin d'estimer les risques d'occurence simultanie

a) Les causes des "marées métiorologiques" sont connues lorsque


des ouvrages à la mer existants ont permis d'en constater les mani­
festations. Cela n'est plus le cas lorsque le site et les sec­
teurs de côte voisins sont vierges d' aminagement et/ou lorsque
des observateurs qualifiés n'ont pas itudii ces rivages.
En FRANCE même, les seiches n' itaient pas prises en
compte jusque dans les annies 60, quand la premi~re extension
du port de ROYAN fit apparaitre une oscillation du bassin de
1,50 m lorsque coIncidaient des pleines-mers de vives-eau et
des houles longues à l'entrie de la GIRONDE**.
Dans tous les cas, l'analyse de la climatologie des
mers environnantes renseigne surIes sources possibles d'altira­
tion du niveau. On notera que, comme dijâ signalé pour les tsuna­
mis, les distances de propagation des intumescences nées dans
les dipressions sont â l'échelle des ocians. Ainsi, les côtes
de MADAGASCAR; des MASCAREIGNES, de JAVA et SUMATRA d'une part,
celles de l'ANGOLA et du golfe du BENIN d'autre part sont soumi­
ses â des ondes de tempêtes provenant respectivement du sud
de l'AFRIQUE et des approches de MAGELLAN et des FALKLANDS.
b) Il est plus difficile de quantifier les effets résultants.
Même dans les si tes exposés, les mesures font souvent difaut
(ne serait-ce qu'en raison de la rareté des paroxysmes).
Lorsqu'elles existent, elles sont peu fiables car
les appareils utilisés étaient mal adaptés***. Quant aux observa­
tions visuelles, elles sont rarement exploitables en raison
de leur dispersion****.

* c.f. le Shore Protection Manual par exemple.


** Le "ressac", ainsi dinommi et observé dans des conditions
semblables en de nombreux petits ports du pourtour du Golfe
de GASCOGNE est aussi une forme de seiches ("resaca" en espa­
gnol).

*** Les marégraphes, en particulier, renseignent mal sur les


seiches â la piriode desquelles ils ont un fort coefficient
d'amortissement.

**** Estimation de 0 à 5 m (!) i St DENIS de la REUNION, pour


une même surcote cyclonique, faites par 4 observateurs différents
et formels.

- 19 ­
Seule, la confrontation du plus grand nombre d'informa­
tions, recueillies aux sources les plus di verses, peut évi ter
de trop grosses erreurs.

c) Il n'y. a aucune corrélation entre le retour régulier des


grandes marées et l'arrivée aléatoire des mauvais temps, malgré
l'opinion répandue sur ce sujet. Par contre, il est évident
qu'une surcote dangereuse pour un ouvrage ne peut se produire
qu'à l'occasion d'une grande pleine-mer coIncidant avec des
dépressions importantes, engendrant des houles longues et des
ondes de tempête. Or, dans notre hémisphère, sur l'ATLANTIQUE
et le PACIFIQUE, il se trouve que, pendant les mois de septembre,
octobre, janvier, février et mars on trouve les plus grandes
marées et un maximum de fréquence des tempêtes océaniques.

Sur nos rivages atlantiques, il arrive plusieurs fois


par siècle qu'on observe simul tanément, pendant 2 ou 3 jours,
des marées de coefficients supérieurs à 100 et des épisodes
de tempêtes (houles longues engendrées au large ou très grosse
mer de vent)*.

Dans ce cas encore, le recours aux données statistiques


de la météorologie proche et lointaine permettra d'avoir au
moins l'ordre de grandeur des probabilités d'occurences simulta­
nées.

Pour illustrer ce qui précède, nous transcri vans ci­


après le tableau dressé en 1 976 au LCHF, selon les principes
ci-dessus, pour analyser les niveaux extrêmes susceptibles de
se ·produire dans le golfe d'ANNABA (ALGERIE) et rapportés au
zéro des cartes marines, soit -0,34.NGA.

Port et golfe d'ANNABA


Cote C.M.
1) Port:
a) extremums bas autour de basses mers de sizygie
- durant quelques heures :
• pression normale, beau temps ••••..••••••••••• o
• anticyclone et/ou forts vents de terre .•.•••. - 0.10
- quelques minutes à plusieurs reprises :
• présence de seiches ..•.•...•••...•.....••.••• 0.40
h) extremums hauts autour de pleines-mer de Siz,gie :
- durant quelques heures :
• pression normale, beau temps ••.•.•.•••.•••••• + 0.68
• dépression et/ou vents marins forts ••..•••.•• + 1. 1 8
- quelques minutes à plusieurs reprises :
• présence de seiches .••••.•.••...•.••••••••.•• + 1.48
2) Rivages du golfe :
- extremums hauts durant quelques heures, autour de
pleines-mers de sizygie, avec dépression et grosse
houle . + 1.80

* Le dernier exemple dont nous ayions eu connaissance est survenu


en . février 1978 lors de l'épisode qui ruina SINES 4 marées
de coefficients supirieurs à 100 ont coIncidé avec l'arrivée
sur les côtes landaises, girondines et charentaises de houles
de 15 à 18 s de périodes et de plus de 4 m de hauteur.

- 20 ­
6 - LE VENT

6.1. - LE VENT ET L'AGITATION

Il est normal de rapprocher ces deux phénomènes.


D'abord parce que le vent est à l'origine de toute agitation,
ensuite parce que, lors des tempêtes, ils agissent souvent ensem­
ble et avec force sur les ouvrages maritimes.
Leur combinaison en un si te accroît les risques d' en­
dommagement :
superposition de plusieurs systèmes de vagues
énergie des vagues accrue sur la frange littorale lorsque
le vent provoque en même temps une surcote
· forte réduction de l' efficaci té des murs déf lecteurs (couron­
nement de jetée, fronts de mer, défenses de postes de charge­
ment, ••. ) quand le vent rabat le jaillissement vers l' inté­
rieur ;
dégarnissement à basse-mer du pied d'une défense par reprise
éolienne et vulnérabilité plus grande de l'ouvrage aux vagues,
lors du flot suivant.
La simultanéité des effets "vents + agitation" est
plus fréquente dans les mers dont les fetchs n'atteignent pas
, 000 km. Elle est la règle dans les bassins fermés de quelques
centaines de km. Pour s'en tenir à l'expérience du LCHF, cette
si tuation a été constatée lors d'études sur des côtes médi tér­
rannéennes, en mer de JAVA et de COREE, dans le golfe de SIAM,
de GENES, dans le couloir des BALEARES, etc •..
Sur les fetchs de 1000 km et plus, comme les grandes
diagonales de la MEDITERRANEE et a fortiori sur les océans,
la situation est plus complexe. Selon la position du ou des
champs de vents générateurs par rapport au site considéré, on
peut observer tous les cas de figure :
a) Forte agitation levée loin en mer et calme total : un exemple
très connu est celui de la tempête de 1935 qui détruisit la
jetée d'ALGER, mais la tempête de février 1978 qui détruisit
SINES atteignit nos côtes du SW p~r beau temps :
b) Actions multiples et simultanées provenant de différentes
"régions" d'une même et grande dépression: c'est le cas fréquent
surIes côtes ouest du MAROC oa
l'on a, en même temps:
· des lames longues de l'WNW, levées au flanc sud de la dépres­
sion,
· un vent violent de SW soufflant à l'avant de cette dépression,
· les vagues plus courtes engendrées par ce vent.

- 21 ­
c) Actions simultanies du vent et des· vagues d'un m~me flux : par
exemple coup de vent de SW sur le golfe de GASCOGNE à proxirni ti
de nos côtes, ou de SE sur le golfe àu LION, l'ADRIATIQUE, la
MER ROUGE, etc ...

6.2. - LES PRINCIPAUX CHAMPS DE VENT

Pour comprendre le régime de l'agitation touchant


un littoral et mieux estimer ses paroxysmes, il est donc utile
d'analyser les divers champs de vent susceptibles d'y faire
sentir leurs effets·. Dans un grand nombre de cas, et en particu­
lier sur les ri vages de l' himisphère N, trois systèmes de vent
sont le plus fréquemment i considérer

a) Des vents du large pouvant souff 1er sur de grands fetchs


et à des distances du site atteignant plusieurs milliers de
kilomètres. C'est le cas des vents circulant autour des dipres­
sions océaniques. En raison de leurs aires et leurs durées d'ac­
tion importantes, ils engendrent, lorsqu'ils forcent, les vagues
les plus hautes et de piriodes les plus longues dans les latitu­
des supérieures i 30° N ou S*.

b) Les vents régionaux, de rignance plus ou moins longues. Ils


sont liés à l'existence d'aires de haute et basses pressions,
stables en posi tion pendant des durées suff isantes pour crier
des flux forts et bien établis.
Les exemples d'aires de ce type sont nombreux
ceinture ëépressionnaire de la ZIC** vers laquelle souff lent
les alizés.
anticyclones stables en hiver sur les continents et en été
sur les mers, phénomène dont les effets les plus connus sont
les moussons asiatiques.
Les vents régionaux n'atteignent pas des forces extrêmes mais
leur permanence sur de grandes étendues de mer conàui t à une
agitation forte et cambr~e.

c) Les vents locaux, qui sont la manifestation, à petite échelle,


des influences diverses (effet d'obstacles diflecteurs, gradient
thermique, surpression sur les côtes "au vent", ... ) du relief
li ttoral sur la force et la directi on du venta u ni vea u de la
mer. Ces inf l uences sont sensibles dans une bande de quelques
kilomètres de largeur.

La connRissance des champs locaux n'intiresse pas


directement la stabili ti des ouvrages car leur aire d'action
est trop réduite. Toutefois, presque tous les observatoires
c8tiers y sont exposés (phare, sémaphore, capitainerie, stations
météo, ... ). Cela a faussé certaines statistiques par assimilation
de la direction de l'agitation i celle du vent local.

* Les "roaring forties" de la route de clippers entre le CAP


et l'AUSTRALIE.
** Zone Intertropicale de Convergence.

- 22 ­
NOTA : Nous n'avons pas mentionné, dans ce qui précède, les
cyclones troeicaux*. Leur processus de formation, leur constitu­
tion, leur evolution sont encore mal connus. Disons seulement
que :
Ils naissent à l'été et à l'automne (juin-octobre au N de
l'équateur et novembre-mai au S), sur des eaux de température
de 26°C et plus •
. Ils ne se forment pas à des latitudes plus proches de l'équa­
teur que 6 à 8°, car un minimum de force de CORIOLIS est néces­
saire pour amorcer le tourbillon.
Par définition, un cyclone tropical ,implique des vitesses
maximales moyennes au moins égale a 64 noeuds (environ
120 km/hl. Sous cette valeur, on parle de tempitetropicale.
. Bien que mal et peu mesurés, et pour cause, leurs effets des
points de vue qui nous intéressent sont monstrueux :
surélévations du niveau marin au passage de. l'oeil pouvant
atteindre 7 à 8 m, vagues de 20 à 30 m et plus, avec des pério­
des de 15 à 25 s, dans le quadrant du tourbillon oa la vitesse
du vent et celle du déplacement du météore s'additionne.
Il Y a, à l'évidence, incompatibilité entre ces valeurs
et les caractéristiques habituelles beaucoup plus faibles du
vent et de l'agitation dans les régions subtropicales.
Notre sentiment est qu'en ce domaine l'impasse a été
faite sur ce problème et qu'il est i~plicitement admis que,
si une structure se trouvait exposée a la pleine force d'un
cyclone, elle serait détruite. C'est le risque encouru par des
ports comme TAMATAVE (côte E de MADAGASCAR) ou la POSSESSION
(côte N de la REUNION).

6.3. - METHODOLOGIE D'ANALYSE·

La nécessité de connaître les régimes de vents sur


toute l'étendue de mer ou d'océan d'oa ils peuvent affecter
un site donné a pour conséquence pratique de devoir recourir
à de multiples sources d'informations . . Le projeteur va donc
retrouver la double difficulté déjà signalée :
le caractère aléatoire du phénomène implique l'utilisation
de données couvrant plusieurs décennies,
un "calage" de ces données et leur transposi tion au point
de construction de l'ouvrage est nécessaire.

* Cyclone tropicaux typhons, typhoons, hurricane, huracan,


ouragan, willy-willies, baguios, ... selon les contrées.

- 23 ­
La première condi tion fai t donc appel à des documents
anciens, non-homogènes entre eux et de f iabili té incertaine*.
La seconde permet, au moins en théorie, de faire des observations
de bonne qualité avec un équipement conforme aux normes actuelles
mais elle ne renseigne que ponctuellement et sur une durée trop
courte pour dresser une statistique.

La mei lleure approche nous parai t être la conj ugaison


des moyens suivants :

a) Identif ier toutes les sources de données concernant le si te


et couvrant de longues périodes (5 à 1 0 ans au minimum). Une
attention particulière devra être portée à celles encore en
service. De fai t, ces "banques Il sont nombreuses et, selon les
régions, de très diverses natures :
observations des navires, notamment les "synopships" et les
"stationnaires**".
sémaphores de marine, observa taire des phares, sta tions météo
locales (port, aérodromes, grands chantiers d'entreprises,
capi tainer i es de port, ... )
exploitations offshore (encore que la manie du secret des
pétroliers ••• )
. cartes journalières météorologiques
publication des grands services météorologiques nationaux
(ex. les monographies de la Métérologie Nationale française)
et des organismes collecteurs d'information à l'échelle d'une
région du globe (ex. : l'Observatoire Royal de HONG KONG pour
l'ASIE du SE et l'Extrême-Orient, la Météorologie Royale Neer­
landaise pour la MEDITERRANEE, .•• )
les grands Atlas de compilation, comme la publication n0700
de l'U.S. Naval Océanographie Office.
(De nos jours, il est possible de se procurer auprès de nombreux
services en FRANCE et à l'étranger, des listings d'observations
cl~matologiques, de plus ou moins facile utilisation).

* Un seul exemple sur les littoraux où l'alternance diurne


des brises de mer et de terre est marquée, la rose des vents
ne comportant p~s de mesures nocturnes est faussée. Ce fut le
cas rencontré a SKIKDA (ALGERIE) l'aéroport n'opérant pas
la nuit, la rignance des vents de NE (brise de mer) apparaissait,
mais celle des vents de SE (brise de terre) ne figurai t pas
sur les statistiques qui nous avaient été communiquées en début
d'étude.

** Les frégates météorologiqües françaises ne sont plus en ser­


vice et les données des satelli tes ne les remplacent pas sur
le point ici considéré. Il existe encore des stationnaires sur
l'Atlantique N.

- 24 ­
b) Installer une station locale, dans les meilleures condi tions
de dégagement permises par le site et comparer les observations
qu'elle fourni t avec celles des autres sources et avec les car­
tes météo, particuliirement lors des mauvais temps.

A partir de l'ensemble de ces éléments, il est possi­


ble,avec une marge d'erreur acceptable:
de caractériser (direction, force, aire d'action, durée) les
champs de vent correspondant aux situations isobariques géné­
ratrices des mauvais temps,
de mettre en évidence les différences éventuelles entre les
champs générateurs de l'agitation observée sur le site et
ceux soufflant dans la frange littorale,
• de valoriser les séries anciennes en les utilisant pour esti­
mer la probabilité d'occurence des situations reconnues comme
les plus dangereuses pour le site.

6 • 4 •. - UN EXEMPLE : ANNABA

Les études d'extension du port d'ANNABA, déj à ci téès


à titre d'exemple de prévision d'extremums de niveau, ont aussi
comporté une analyse détaillée des vents générateurs des tempê­
tes. La conjugaison de l' ensemble des moyens évoqués ci-dessus
a permis, entre autres résultats, de bien distinguer les champs
de vent du large et rég~onaux.

ANNABA : ~~~~~_~~_~~~~~~~_~~~!~_~~E§~~~~~~_~~_§2~~~_~_~~_~L~
Directions W NW N NE

% du temps total
a) Au large*
Année ..................... 2.40 0.78 o. , 8
dont semestre Nov. -Avr •.••••. , .80 0.72 O. , 8
b) Frange côtiire ( 200 km)
Année . . .. ... . ... ...... . . .
, .89 , .98 0.32 0.08
dont semestre Nov.-Avr •.••••• 1 .75 1 .50 0.32 0.08
(* Jusqu'à l'approche des côtes européennes)

On contate, à plus de 200 km du li ttoral algérien,


une rotation des vents forts vers le N et le NE. Au si te des
ouvrages du port, le cumul des effets des champs côtiers et
régionaux impliquait, par rapport aux prévisions basées sur
des observations locales :
. une plus large ouverture du secteur de provenance àes tempêtes,
. une plus forte probabilité de mauvais temps de NE.

- 25 ­
Le projet du brise-lames devait donc tenir compte
. de la dominance des houles d'entre NW et N (fetch d'au moins
500 km) pour le calcul de la section de l'ouvrage,
de l' occurence pluri-annuelle de me.:s fortes de NE et W pour
son implanta tion et sa longueur (abr i à procurer à la rade
et aux bassins).

Au rivage, l'écart en direction des deux principaux


champs de vents intéressant le si te et sa région se retrouve
dans la discordance de 45° entre l'orientation face au NNW des
grands estrans sableux (dominance des houles -donc des vents
lointains- sur la dynamique sédimentaire) et l'alignement \aJNW­
SSE des coulées de sables en arrière des plages (dominance des
vents régionaux sur les reprises éoliennes).

- 26 ­
7 - L'AGITATION UNE PERCEPTION DIFFICILE

7.1. - LE CONTENU D'UN MOT

Avant de commenter le recueil, le traitement et lluti­


lisation des données sur l' agi tation, il faut préciser ce que
recouvre l'emploi de ce mot.

Dans le langage courant, il est utilisé pour désigner


l'ensemble des états de la mer résul tant de l'action du vent
.sur la surface des eaux. Cette agitation présente des caractires
différents selon qu'on l'observe dans ou hors de son "aire de
génération l l, c'est-à-dire des régions où se produit le transfe~t
d'énergie vent vers mer:
. Dans l'aire de génération, l'agitation est désordonnée, formée
de vagues aux prof11s dissymétriques, de fortes cambrures
(jusqu'à atteindre le point de déferlement). Les périodes
n' excéde~t guère 8 9 s et les directions de propagation
s'écartent de ± 20° du lit moyen du vent. Il est d'usage cou­
rant d'appeler clapot les agitations de ce type les plus cour­
tes (T ~ à 4 s environ) et mers* les plus longues (4 < T ~ 8 à
9 s). Par leurs cambrures, leurs irrégularités, leur large
spectre directionnel, mer et clapots sont mal décrits par
les modèles théoriques.
Hors de l'aire de génération, l'agitation qui en est issue
se rapproche d'autant plus des schémas proposés par la théorie
qu'on s'éloigne des champs de vent. On observe alors ce qu'il
est convenu d'appeler la houle**, succession de vagues longues
(T = 8 à 25 s environ), peu' cambrées (en général moins de
4 à 5%), avec un spectre directionnel de largeur rédui te à
± 5° environ, et souvent groupées en "trains", autour de lames
hautes et bien formées.

7.2. - L'ENJEU D'UNE ANALYSE CORRECTE

L'analyse de l'agitation atteignant un site se heurte


à la même difficulté de principe que celle du régime des vents,
ou de tout phénomine naturel au caractère aléatoire marqué :
c'est la di fficul té de prévoir des extremums correspondant à
des durées moyennes de retour qui sont sans commune mesure avec
le temps pendant lequel on a pu collecter des informations fia­
bles.

* Seas dans les textes anglais.


** Swell dans les textes anglais.

- 27 ­
Dans le cas de l'agi tation, il s'agi t d'estimer du
mieux possible les caractéristiques des tempêtes auxquelles
l'ouvrage proj eté risquera d'être exposé pendant la durée de
son exploitation. Soit, en pratique, une prévision correcte
sur des durées de retour de l'ordre du siècle.

Le coût des ouvrages maritimes rend l'enjeu considéra­


ble et la solution n'est pas évidente. Le rappel de quelques
graves endommagements, dont certains sont très récents, attes­
tent des risques encourus en sites de pleine exposi tion et de
l'actualité d'une remise en question des probabilités de houles
admises antérieurement pai les spécialistes :
a). Les jetées verticales du pourtour méditerranéen, partielle­
ment détruites à divers reprises en plusieurs ports, avaient
été édifiées alors que, comme nous l'avons rapporté, on aurait
fait 1 'hypothèse de vagues d'une hauteur maximale de 5 m. Or,
on recueille chaque année des enregistrements de bouées de houles
domportant des vagues de plus de 10 m eh MEDITERRANEE.
b) Les grandes diques i talus construites en ALGERIE depuis
1968 ont toutes iti tris endommagées avant leur achèvement,
par des tempêtes dont la durée moyenne de retour étai t aupara­
vant admise comme supérieure i la durée de la construction. En
dernier lieu, la jetée de JEN-JEN (1 0 km i l ' E de JIJEL), en
phase . terminale de travaux, a subi de grosses destructions en
Décembre 88, Janvier et Octobre 89 lors de tempêtes dont les
hauteurs significatives aux paroxysmes ont atteint 9 m, avec
des vagues de 12 i 16 m.
c) Ent~e les années 1965 et 1970, soit en 5 ans seulement, les
hauteurs des vagues de projet des plates-formes pétrolières
de Mer du Nord ont doublé : 30 m au lieu de 15. Entre~temps,
plusieurs installations dans l'ATLANTIQUE nord avaient été rui­
nées par la mer.
d) En 1 973, le projet du brise-lames de SINES prévoyai t unt!
hautèur significative centennale de 11 m, associée i des pério­
des de 16 s environ. Dans les années 80, le projet de reconstruc­
tio~ après la tempê~e de février?8 avançait H s = 14,6 m ~t Tp =
18 a 24 s pour la meme probabilite.
e) On pourrai t encore évoquer, pour la dernière décennie, d~s
reconstructions après endommagement plus ou moins importants
(BILBAO, SETE) ou des révisions de projet (MOHAMMEDIA, ... )
qui ontcondui t i une hausse sensible des forces de tempêtes
de faible probabilité.

- 28 ­
7.3 - DES REMISES EN CAUSE NECESSAIRES

Il s'est avéré a posteriori que certaines hypothèses


admises pour les calculs de dimensionnement des ouvrages comme
certaines méthodologies d'expérimentation sur modèles étaient
cri ticables. Dans tous les cas évoqués il aurai t cependant été
hors de question de mettre a priori en doute la compétence
-et bien sûr l'honnêteté- des professionnels impliqués.

La multiplicité des accidents survenus, la diversité


des époques, des si tes et des circonstances dans lesquels ils
se sont produits fait plutôt penser à la conjugaison de causes
de différentes natures, inconnues ou mal estimées à l'époque
des projets. Nous en proposons dans la suite du texte une analyse
basée sur l'expérience du LCHF et sur les échanges entre spécia
listes qui se sont multipliés -en raison m~me des dommages subis­
dans les quinze dernières années.
Apris les ultimes accidents dont nous avons eu connais­
sance (JEN-JEN, 1988 - 1989) l'actualité du problème subsiste
et l'on n'a pas l'assurance que, dans un futur proche, les ouvra­
ges maritimes résisteront aux tempêtes pour lesquels, en théorie,
ils auront été conçus.

7.31 - L'IMPACT DES OUVRAGES EN EAU PROFONDE


Un "fai t nouveau" s'est produi t dans les années 65­
70, avec la nécessité de construire des jetées par grandes pro­
fondeurs, alors que la situation internationale et la prospecti­
ve économique laissaient prévoir rine course au tonnage des navi­
res*, qui ne s'est d'ailleurs pas vérifiée.
Jusqu'à cette époque, les ouvrages en eau profonde
étaient en petit nombre et anciens. Ils n'avaient pas subi de
destructions graves, peut-être en raison d'une exposition limi­
tée, comme à LA CONDAMINE ou à VALPARAISO. Par contre, la plupart
des nouveaux sites choisis étaient de pleine exposition, notam­
ment du fait des contraintes d'approche et d'évolution des grands
navires.

* En 1974, le rapport final de la 2de Commission Internationale


des pétroliers de l'AIPCN admet comme plausible les valeurs
suivants :
a) Pour la plus grande partie de la décennie 70-80 250.000
à 300. 000 tpl au maximum, avec quelques 500.000 tpl pour des
cas particuliers.
b) au-delà, im~ortant accroissement possible jusqu'au niveau
de 750.000 à 1~OOO.000 tpl (tirants d'eau de 30 à 34 ml.

- 29 ­
Cela peut expliquer que des implications majeures
de la nouvelle situation (grande profondeur + forte exposition)
n'aient pas été correctement appréciées dès l'origine par les
spécialistes. .. dont nous étions censés faire partie C'est
ainsi que :

a) En premier lieu, l'augmentation des profondeurs d'implantation


des ouvrages réduisait, ou mime annulait (SINES), la limitation
des hauteurs maximales des vagues par déferlement au large.
Aux durées habituelles des paroxysmes destempites, cela signi­
fait que des vagues de hauteur de l'ordre du double de la hauteur
significative pouvaient atteindre l'ouvrage.

En ces années-là, on commençai t pourtant à disposer


d'enregistrements de l'agitation par des hauteurs d'eau de plu­
sieurs dizaines de mètres. Parmi les études confiées au LCHF,
deux "avertissements" avaient été donnés sans être exploi tés
à fond :
vers 1969, devant les passes d'ARCACHON, une plate-forme
NEPTUNE travaillant par 40 m de fond, enregistrait des creux
maximaux excédant de 60% ceux mesurés en même temps par un
houlographe mouillé par -12 ;
- vers 1973, la Direction des Travaux du Port Autonome du HAVRE
constatait des écarts comparables entre les données du bateau­
phare et une bouée de houle installée au PARFOND (-30 environ).
b) D'autres conséquences découlaient de l'atteinte des ouvrages
par les vagues les plus hautes et ont expliqué après coup leur
endommagement :
Depuis les années 1950, la solution des jetées à talus
se généralisait, avec des carapaces en blocs artificiels de
formes élaborées qui s'enchevêtraient à la pose. A l'expérimenta­
tion en modèles, ces blocs étaient stables pour des hauteurs
de vagues d'autant plus grandes que les formes étaient plus
complexes. Ainsi, à égali té de hauteurs de vagues de proj et
et. de pourcentc?ges de dommages admis, le dolos avai t pu être
présenté comme le bloc dont le poids unitaire était 6 i 8 fois
moindre que celui d'un enrochement et 2 à 3 fois moindre que
celui d'un tétrapode. .

Or, la sollicitation des structures par toute, . ou


presque toute, la 'population des vagues d'une agi tation réelle
s'éloignait beaucoup des conditions dans lesquelles avaient
été expérimentées sur modèles les propriétés des divers modèles
de blocs artificiels et les dimensions des ouvrages. Des carapa­
ces ont ainsi été désorganisées, alors que les critères de cal­
cul et les modes d'expérimentation qui avaient été appliqués
respectaient les règles en usage*.

* Cela explique pourquoi, après quelques grands accidents (SINES,


ARZEW EL JEDID, •.. ) certains ont exploré les causes les plus
improbables des destructions.

- 30 ­
7.32- CONSEQUENCES

En déf ini ti ve, la construct ion d louvrages en eau pro­


fonde, en sites exposés aux effets d'une agitation peu atténuée
par rapport au large, a entraîné une triple évolution dans la
décennie 70-80 :
La nécessité d'une analyse plus poussée et d'une prise en
compte mieux adaptée aux problèmes de stabilité des caractéris­
tiques de l'agitation réelle a été ressentie.
L'insuffisance des méthodes de dimensionnement, basées pour
l'essentiel sur la notion de hauteurs significatives de houles
de probabilités données (annuelles, décennales, centennales)
et sur un paramètre de forme des blocs a été mise en évidence.
Une adaptation des techniques d'expérimentation en canaux
et bassins de houles s'est imposée. Ces techniques chi vent
notamment être mises au niveau des connaissances acquises
sur la structure de l'agitation.
Ces trois importantes remises en cause des procédures
antérieures impliquent toutes une meilleure précision dans l'es­
timation du régime de l'agitation. Il est naturel que cette
nécessité soit apparue avec les structures en eau profonde,
les plus sensibles à ce facteur de l'environnement physique.
Mais, à l'évidence, la sécuri té de la plupart des proj ets d' ou­
vrages maritimes en bénéficie.

- 31 ­
8 - L'AGITATION COMMENTAIRES SUR L'APPROCHE ACTUELLE

8.1. - LA TERMINOLOGIE

Si lice que l'on conçoi t bien s'énonce clairement et


les mots pour le dire arrivent aisément", il est sûr que l'agita­
t~on àe la mer n'est pas un phénomène perçu et décrit avec clar­
te. Quelles qu'en soient les raisons, il était fréquent de trou­
ver, selon les auteurs, des sens différents ou incertains à
des mots d'emploi aussi courant et inévitable que hauteurs,
amplitudes, périodes, probabilité, houle, etc.

Sans être entièrement satisfaisante, la situation


s'est améliorée. Environ quinze années de travaux d'organismes
internationaux faisant autorité en la matière ont permis d'abou­
tir :
- en 1973, i la publication par l'AIPCN d'une liste et de défini­
tions précises des paramètres des vagues (Rapport Final de
la Commission Internationale pour l'Etude des Lames),
en 1986, conjointement par l'AIPCN et l'AIRH, au document
intitulé "Paramètre des Etats de la Mer".

Selon les termes de celui-ci, les participants i ce


travail collectif "ont réussi à réunir plus d'une centaine de
"paramètres utilisés couramment pour la déf ini tion d'un état
"de la mer, tout en assurant l'uniformisation ( ... ) des conven­
"tions classiques en génie maI;'itime. ( ... ). L'usage de ces para­
"mètres et notations peut éviter dans une grande mesure la confu­
"sion qui règne actuellement, ainsi que d'éventuelles ambigui­
"tés".

Les deux rapports de l'AIPCN et de l'AIRH n'éliminent


pas toutes les incerti tudes. Des mises i j our sont prévues et
des révisions s'imposeront avant un accord général sur le vocabu­
laire et sa signification. A ce sujet, le document commun AIPCN­
AIRH de 1986, en ses figures 1 a et 1b montre comment le même
phénomène, à savoir la variation dans le temps de l'altitude
d'un point de la surface de la mer entre une valeur minimale
inférieure au niveau du repos et la première valeur maxima·le
supérieure à ce niveau qui suit, définit une vague par passage
au niveau moyen :
• par valeurs croissantes pour l'AIPCN,
• par valeurs décroissantes pour l'AIRH

En l'état, le recours à ces deux documents est une


quasi-obligation. S~il est permis dans cette note d'exprimer
une opinion personnelle, il semble à son auteur que le rapport
de la Commission des Lames, qui émanait de praticiens expérimen­

- 32 ­
tis des travaux maritimes, tel l'Inginieur Giniral Jean LARRAS,
était plus rédigi à des fins d'usage par les Ingénieurs (calcul
de dimensionnement ou condui te d'essai sur modèles). Celui àe
, 986 est plus (trop ?) marqui de l'empreinte des chercheu~s
univèrsitaires de haut niveau qui animent l'AIRH.

8.2. ~ LES MESURES IN-SITU


Il a iti souligni oue l'observation in-situ, avec
des équipements modernes et fi~bles, peut rarement être fai te
pendant une durie suffisant à en diduire le rigime (forces,
caractiristiques, probabili ti) des tempêtes auxquelles serai t
soumis un ouvrage. Il reste que, lorsqu'ils peuvent être obtenus,
les risul ta ts de ces mesures sont de première importance, par
l'exploitation directe qu'on peut en faire comme par la valori­
sation d'autres sources de données quJelles permettent.
La pratique des campagnes en nature, celle des essais
sur modèles de structures ainsi que l'expirience d'un certain
nombre de projets récents, justifient quelques commentaires
concernant l'acquisition des àonnies et leurs modes de trai te­
ment.

8.21.- L'EMPLOI D'UNE BOUEE DE HOULE


L'emploi de la bouie de houle WAVERIDER de DATAWELL
s'estgénéralisie. Cet appareil prisente au moins trois avantages
qui expliquent sa diffusion :
il est utilisable sans limitation de profondeur, au moi~s
en regard de celles des ouvrages considirés dans cette note ~
il traite plus directement la grandeur itudiée qu'un appareil
à pression* ~
il ne nécessite pas de structures fixes imergentes, comme
une sonde résistive ou un détecteur radar.
Pour autant, certaines précautions sont à prendre
et la précision du système a des limites dont il faut être cons­
cient
a) Les ruptures des lignes de mouillage de la bouée ne sont
pas rares. Leur nombre serai t beaucoup rédui t si les consignes
de rivision et de remplacement périodiques étaient respectées**~
C'est une contrainte à ne pas omettre lorsque le manque de cré­
di ts d'entretien ou la règlementa tion à l'importation entravent
les approvisionnements (pays en développement, financements
externes, .•. ).

* Par une double intégration de l'accélération verticale du


mouvement réel en surface au lieu d'une transposition, selon
une loiapprochée l d'une variation de pression sur le fond.
** La parade aux abordages ou à la destruction du mouillage
par les pêcheurs ne paraît pas avoir été trouvée.

- 33 ­
b) De par sa conception, la réponse de la bouée n'est "plate"
que dans un intervalle de périodes qui, sauf ajustement particu­
lier, couvre une gamme de 3 à 12 s environ. Aux périodes plus
longues, les hauteurs de vagues sont atténuées : environ 3%
à 15 s, 10% à 20 s, plus de 15% à 25 s et plus de 30% à 30s.
Une correction de cette distorsion, même approximative, peut
devoir être faite, au moins pour en apprécier l'incidence possi­
ble. En effet, les enregistrements ont montré que les périodes
maximales des vagues étaient plus longues qu'il n'était générale­
ment adrnis* et que ces vagues longues sont souvent aussi les
plus hautes.
c) Outre cette imperfection inhérente au principe de l'appareil,
différentes causes peuvent perturber le fonctionnement de la
bouée (compte non-tenu des pannes) :
sa réponse est mal connue lorsqu'un courant de marée ou une
dérive superficielle due au vent l'écarte de la verticale;
il en est de même sur une mer courte et hachée, notamment
lorsqu'elle se superpose à une agitation de fond plus longue,
ce qui est un cas fréquent.

8.22. - RECEPTION ET ENREGISTREMENT DES SIGNAUX

Nombre de problimes, que l'on trouve rarement formulés,


se posent en ce domaine :

a) La durée des séquences enregistrées n'excide pas souvent


20 minutes. Elle est fréquemment plus courte et elle n'est pas
touj ours connue. On est ainsi condui t à dresser des séries
de valeurs de paramitres statistiques (Hmoy, H1/3, Hma~, Tm, •.. )
définis sur des populations de vagues dont le nombre peut varier
de quelques dizaines à quelques centaines. Les valeurs obtenues
ne sont pas homogènes et, à titre d 'exemple, on notera que si
une hauteur H a été déterminée sur 50 vagues, on aurait probable­
ment trouvé (période des vagues plus courte ou enregistrement
plus long) :
1,06 H pour 100 vagues,
1,14 H pour 200 vagues,
1,17 H pour 300 vagues.
Compte-tenu de l'incidence de la hauteur des vagues
sur le dimensionnement de blocs de carapace, l'échantillon de
20 minutes est insuffisant pour les vagues longues.

b) Les enregistrements numériques sont de plus en plus fréquents,


avec un trai tement simplifié en temps réel et une exploi tation
plus élaborée des semaines, voire des mois plus tard. Nous avons
constaté à maintes reprises, et en dernier à la tempête de JEN­
JEN de la fin décembre 88, que ce systime expose à di vers ris­
ques :

* Des valeurs de 20 à 30 s dans les océans, 15 à 20 s en


twlEDITERRANEEet 9 à 11 s en MANCHE sont observables lors des
mauvais temps.

- 34 ­
on ne sait pas a priori si le signal imis, ou reçu*, est cor­
rect.
le calcul automatique des piriodes donne souvent des valeurs
fortement minories, par la prise en compte de petites oscilla­
tions non significatives autour du niveau moyen,
. absence complite d'information en cas de panne,
resti tutions difficiles et contesties, en cas de trai tement
diffiri d'un enregistrement difectueux.
Un ou plusieurs de ces incidents ont affecti toutes
les collections d'enregistrements des très grandes tempêtes
des 10 dernières annies dont le LCHF a eu i conna!tre.

c) Les enregistrements analogiques gardent de ce fai t un très


grand intirêt, ne serait-ce que parce qu'ils permettent ~au
moins en thiorie et sans dilai- un repiragevisuel des anomalies
de fonctionnement et la prise des décisions optimalisant les
conditions d'enregistrement.
Ce dernier souci vaut notamment pour le passage à
l'enregistrement en continu et le changement d'ichelles. Ces
deux manoeuvres, qu'il est rare àe voir exicuties au bon moment,
sont cependant de première importance. Elles miritent une consi­
gne impirative de veille permanente en cas d'annonce de gros
temps.

8.3. - UTILISATION DES DONNEES

Les enregistrements recueillis dans le cadre d'un


projet d'ouvrage maritime sont exploitissous divers angles
difinirsur chaque enregistrement des paramètres statistiques
H, T les caractirisant ;
à partir de l'ensemble de ces donnies (souvent mixies avec
d'autres de même nature mais obtenues par des moyens diffi­
rents) estimer des valeurs H, Tqui seront retenues pour les
calculs de dimensionnement et les expirimentations sur modèle,
parce que considiries comme reprisentatives de tempites de
faibles probabilitis d'occurence ;
itudier le, ou plutôt les "profils" des tempêtes c'est-à-dire
l'ivolution dans le temps des hauteurs et piriodes des vagues l
la durie et la forme des paroxysmes, ••.•
repirer, dans les mauvais temps, les vagues ou les .groupes
de vagues dont la configuration, l'ordre de succession, le
calage en altitude, ••. sont susceptibles de provoquer des
dommages maximaux, à valeurs igales ou très comparables, des
hauteurs de lames.

* Par exemple, "pollution" du signal de la bouie par d'autres


imissions, comme celles de vihicules automobiles (cas de LA
ROCHELLE-PALLICE dans l'hiver 89-90).

- 35 ­
Ces objectifs sont communs à trois catégories de spé­
cialistes : les responsables des projets, les chargés d'essais
sur modèles, les chercheurs. Entre eux, la communica tion n'est
ni permanente, ni aisée, sauf dans les laboratoires où s'expri­
ment les points de vue des uns et des autres. LeE échanges de
ce type qui ont eu pour cadre le LCHF incitent à formuler quel­
ques commentaires et propositions d'ordre pratique pour que
la démarche -notamment en matière de traitement des enregistre­
ments- des uns soient mieux mise à profit par les autres.

8.31. - UNE LACUNE: LES DIRECTIONS DE PROPAGATION

Les textes concernant le traitement des enregistrements


d'agitation sont relatifs, pour l'essentiel aux analyses des
hauteurs, des périodes, de leurs distributions et combinaisons,
des spectres d'énergie. Très peu est écri t sur la question des
directions de propagation, ce qui reflète l'absence déjà signa­
lée· des moyens d'observations en ce domaine. Cette lacune ne
doi t pas masquer l'importance du. facteur "direction fi quant à
la stabilité des ouvrages.
On peut trouver de nombreux exemples d'incidences
critigues. Pour les seuls proj ets expérimentés au LCHF, il a
été vérifié, sur plusieurs d'entre eux, que des risques d' ac­
croissement importants des dommages étaient liés à des directions
d'approche ou des angles d'attaque particuliers des ouvrages
par les lames.:
• la sensibilité de certains blocs artificiels aux impacts obli­
ques a été tôt reconnue* ;
de même, le danger des concentrations d'énergie résultant.
de certaines configurations des fonds, danger dont on ne peut
délimiter le secteur d' occurence sans une bonne connaissance
des directions d'approche**.
Malgré cela, on doit le plus souvent se contenter
de données qualitatives et incertaines sur les directions de
propagation des vagues à leur arrivée sur le site d'un ouvrage.

* Dès les années 50 pour le proj et de la jetée N de l'ADOUR,


où les tétrapodes prévues à l'origine, furent remplacés, compte­
tenu des résultats d'essais tridimensionnels, par des cubes.
** Des exemples de ce type, ayant entrainé des alourdissements
onéreux de certaines parties de carapaces extérieures ou inté­
rieures de brise-lames sont donnés par :
MOHAMMEDIA pétrolier, SINES, ARZEW et peut-être BETHIOUA:
focalisations par des hauts-fonds isolés,
BARRANQUILLA (COLOMBIE), SAN~ANTONIO (CHILI) et DIKHEILA
(EGYPTE) : réfraction, voire "réflexion. totale", sur des
abrupts de canyons sous-marins et des talus de chenal d'accès.

- 36 ­
v \JI ,.~._-

Il en sera ainsi tant que les bouées directionnelles n'auront


pas franchi les limites du domaine expirimental et que les cli­
chés des satellites météo ne seront pas d'usage courant*.

En l'état, les sources disponibles sont les suivantes


a) l'analyse des champs de vent sur l' horizon marin du si te,
pour avoir une vue d'ensemble des directions possibles d'agita­
tion et de leur fréquence,
b) l'exploitation de situations météorologiques caractéristiques
à l'aide de modèles de calcul d'états de la mer** utilisés en
reconstitution d'épisodes connus,
c) les observations in-situ, avec repérages des orientations
des cr@tes â partir de points hauts du rivage,
d) les indications des navires : celles relatives à des tempêtes
particulières ayant atteint le si te et celles exploi tées dans
les grands atlas tels NAVAIR, OCEANWAVE STATISTICS, •.•
e) les statistiques établies au littoral (sémaphore, capitaine­
rie, stations météo, ... ) dans lesquels il faut parfois éliminer
les "biais" introduits par : ·
. l' hypothèse explicite ou non qu~ la distribution en direction
des agitations est identique à celle des vents marins au litto­
ral,
la confusion entre "houles" et "mers", surtout lorsque les
deux types d'agitation se produisent simultanément, à des
niveaux de force importants, avec des différences en direction.
Bien entendu, plus l'information sur les directions
repose sur des données recueillies loin du site et en eaux pro­
fondes, et plus son transfert à l'ouvrage -notamment par des
études de réfraction- est importante***.

* Une courte étude conf iée au LCHF devai t, très modestement


et très à l'amont d'un plus vaste programme, contribuer à répon­
dreà la question suivante : un seul cliché de satellite peut-­
il déterminer l'état de la mer à' la verticale d'un sous-marin
lanceur d'engins . I l vaudrait la peine de savoir si la réponse
fut apportée •••
** Les derniers modèles mis au point par la Météorologie Nationa­
le française (modèles VAG) définissent le spectre directionnel
dans une rose de 12 (0° - 30° - 60° ..•.. 330°).
***La nécessité de cet ajustement est illustré, sur nos côtes
atlantiques, par la propagation des houles longues engenôrées'
loin au large par des champs de vent qui soufflent de directions
plus Nord gue l'Ouest (4ème quadrant). Par l'orientation NW­
SE du rebord du plateau continental, ces houles responsables
de dommages importants, se présentent Elus Sud oue l'Ouest (3ème
quadrant) de la LOIRE à la GIRONDE.

- 37 ­
8.32. - INCERTITUDES SUR LES HAUTEURS DES VAGUES

Malgré les efforts conjoints AIPCN-AIRH évoqués en


8. 1 ., la confusion règne encore dans les colloques et dans les
textes sur la détermination des hauteurs des vagues ; pour être
précis, sur la manière de calculer la différence d'altitude
entre une crête et un creux voisin puisqu'on peut considérer
le creux précédent (recommandations AIPCN-AIRH) ou le creux
suivant.

Bien que l'alternative n'ait pas souvent été mise


en lumière, son intérêt n'est pas académique: les valeurs trou­
vées en suivant une convention ou l'autre présentent des diffé­
rences sensibles, qui influent à la puissance 3 dans les dimen­
sionnements.

a) La difficulté" vient de ce qu'on ne sai t pas expliquer ces


différences et qu'elles se manifestent dans un sens ou dans
un autre, au moins selon les sites considérés et peut-être selon
les types d'agitation.
H. F • BURCHARTH a rapporté, pour la côte NW de CORNOUAILLES,
très exposée aux tempêtes atlantiques, qu'on définit des hauteurs
plus grandes pour ces tempêtes avec une mesure de crête à creux
sui vant, qu'avec une mesure de crête à creux précédent. Cela
indique qu'à l'attaque des ouvrages, la "descente" des grandes
vagues surpassait leur montée.
Sur des études dont eut à "connaitre le LCHF, des rap­
ports moyens entre les hauteurs de grandes vagues trouvies selon
les deux définitions ont été c~lculés.Ils ne concordent pas:
crête à creux Crête à creux
suivaOnt "précédent

PORTUGAL 1973 - 1978 1 1,24


Nord de l'ECOSSE 1 1 ,1 8
LANGUEDOC 1982 1 0,9

b) Par ailleurs, lorsqu'on a observé beaucoup d'essais de stabi­


lité et constaté les effets des tempêtes sur de nombreux ouvrages
construits, il est évident que certains dommages se sont dévelop­
pés à partir de sollici tations apparues à la montée des lames
et certains autres à leur descente.

Du point de vue qui nous occupe, c'est-à-dire la stabi­


lité des ouvrages, il n'y "a donc pas de raison de privilégier
une définition des hauteurs :
. chacune exprime un aspect du phénomène physique que sont les
vagues, donc du réel,
il est important de ne pas sous-estimer les sollici tations "
maximales qui peuvent survenir à l'avance et au retrai t des
lames puisqu'~lles peuvent déclencher des processus différents
d'endommagements.

- 38 ­
Le trai tement des enregistrements peut donc respecter
les recommandations officielles, à la condition que la possibili­
té de tester l'autre méthode soi t préservée, au moins sur les
séquences de tempête.

8.33. - INTERET ET PRISE EN COMPTE DES PARAMETRES "PERIODES"

La clarification et l'unification qui sont en cours


concernent aussi les p~riodes des vagues. Le sens du mot "o~rio­
àe" dans cet emploi ne s'accorde pas à sa déf ini tion ma thèma ti­
que. Hais il correspond à son usage dans les théories de la
houle monochromatique et dans l'observation de la succession,
à intervalles plus ou moins régulier, des vagues bien formées
d'une agitation réelle.

Le document AIPCN - AIRH sur les "Paramètres des états


de la mer" distingue plus d'une douzaine de périodes, obtenues
à partir des deux traitements classiques des enregistrements:
l'analyse statistique* et l'analyse spectrale. La même appella­
tion -"période moyenne" par exemple- peut se référer à des r.tétho­
des d'analyse différentes.

Cette précision dans la définition des concepts contri­


bue au progrès de nos connai ssances. Mais la conception des
ouvrages maritimes s'accommode d'un nombre plus restreint de
paramètres "période". Il faut seulement éviter qu'une simplifica­
tion excessive empêche de bien cerner les sollicitations qu'un
ouvrage subira et pour lesquelles une expression de la période
sera à prendre en compte.

Cette préoccupation conduit à faire quelques remar­


ques :
a) La référence à la période morenne, sans. autres précisions,
peut ne recouvrir aucune réalite. C'est le cas lorsque deux
familles d'agi tation parviennent en un si te, avec des domaines
respectifs de périodes qui ne se recoupent pas. La ceinture
des mers comprise entre les parallèles 30 Net 30 S (ordre de
granàeur bien sûr ) est presque partout soumise à des séquelles
de houles nées dans de plus hautes latitudes (T H113 de 13 à 18 s,
voire plus) et à des mers de vents régionaux de périodes 8 à
10 s**.

* On notera que~ de même que pour les hauteurs, l'analyse statis­


tique des périodes vague par vague délimi te ces dernières àans
le temps par la durée séparant les deux instants où le ni v:au
de la mer a franchi successivement le niveau moyen dans le meme
sens. Cette durée est appelée la période associée, ou apparente,
de la vague considérée.
** Sur l'une de ces côtes, une grande entreprise française calcu­
la un caisson avec une période critique au pilonnement de 16-17~;
~El~ répondait à des spécifications signalant une période moyenne
de 11-12s. Insensible à cette sollicitation inexistante, le
caisson amplifia d'un facteur 3 la hauteur des ondes bien réelles
de fréquences basses du spectre, lors de son amenée en flottaison.

- 39 ­
Le cas particulier rappelé dans le renvoi précédent
illustre l'intérêt pour le projeteur de disposer des résultats
d'analyses spectrales caractéristiques des mauvais temps sur
le site, afin de bien "situer", les gammes de périodes où l'éner­
giese concentre. Il est certain que cela eut été profitable
lors des études du projet de SINES.
b) Dans le même ordre d'idée, le concept de T 1 /3 (moyenne du
tiers supérieur des plus longues périodes quelle que soi t leur
hauteur) ou de tout autre paramitre T qui résulte d'une analyse
de la distribution des périodes indépendante de celle des hau­
teurs, peut conduire à des interprétations erronées en matière
de stabili té d'ouvrages. Il est préférable de considérer des
valeurs comme TH1 / 3 , TH1 /t.O, ••• qui. caractérisent les pério~es
moyennes de tranélies ae la populat~on des vagues plus ou mo~ns
homogènes par leurs hauteurs* et non susceptibles de provenir
d'agitation de diverses origines.
c) Par sa définition, la valeur de TH comporte la même marge
dl incerti tude que celle de H , eL ~îx en raison de la durée
limitée des enregistrements. cWi~ étant, il reste que les risques
majeurs d'endommagements sont liés à l'action des plus hautes
vagues (soi t pour fixer les idées H supér ieur à H 1 /1 0) et que,
par ailleurs, il est fréquent d'observer une corrélation positive
entre la hauteur et la période associée dans ces lames.
Lors des tempêtes survenues en 1978 et 1979 sur les
côtes ouest de la péninsule ibérique (dommages à BILBAO, SAN
CIPRIANO,SINES et autres ports) l'analyse statistique de dizai­
nes de séquences conduisit à la relation :
TH max ( s) = 1, 4 à ',6 Hmax ( m) •
Les hauteurs significatives
des tempêtes annuelle
à décenna le étant couramment de 6· à
m en sites exposés, les
9
plus hautes vagues qu'elles comportent s'étagent entre 10 et
18 m. Un~ relation du type ci-dessus implique alors que la gamme
des périodes associées comporte beaucoup de valeurs entre 15
et 30 s.
Pour ces périodes, pas évidentes pour la plupart des
proj eteurs jusqu'aux années· 70, la réfraction est notable sur
des fonds de 1 00 à 150 m. Les trains formés de séquences de
ces longues et hautes vagues peuvent donc être affectés par
des accidents de la topographie sous-marine (risques de gonfle­
ments par focalisation des lames du train).
d) Malgré les recherches déj à réalisées, la question de l' in­
fluence de la période sur la stabilité reste ouverte et suscite·
au moins trois interrogations :
De quelle (s) maniire (s) la période, pour une hauteur donnée
des vagues, modifie-t-elle le mécanisme de l'attaque des lames
sur un ouvrage ?

* Exprimé sous une autre forme, on retrouve la remarque faite


par l'Ingénieur Général J. LARRAS, selon laquelle "les jetées
sont détruites par des vagues, pas par des spectres".

- 40 ­
Ce, ou ces modifications conduisent-elles, dans une agitation
réelle, à des sallici tations plus accentuées et danJereuses
dans certaines zones de valeurs de paramètres tels le nombre
d'IRloARREN (ou d'autres à expliciter*) ?
S'il en est ainsi, correspond-il à ces zones cri tiques des
plages de période entrainant des risques maximaux ?

Sur ces divers points, les discussions sont étayées


par des résultats trouvés en laboratoire, lors d'essais avec
àes ondes monochroma tiques (pour mieux analyser l'effet de la
période). Il n'est pas facile d'apprécier dans quelle mesure
ces condi tians sont représenta ti ves de l'attaque d'un ouvrage
par une agitation réelle, avec spectre "en fréquence et direction.

Sous cette réserve, il est observé que des solliei ta­


tion~. maximales se développent dans une carapace lorsqu'il Y
a coincidence dans le temos entre l'arrivée d'une lame et la
fîn de la descente de la précédente. Cette situation (que cer­
tains** ont qualifié d'un mot discutable : résonance) se produit
lorsque le nombre d'IRIBARREN*** est autour de 3. Tous autres
paramètres fixés, il Y aurai t donc des intervalles de périodes
dangereux, encore que les maximums d'endommagements observés
lors des essais ne sont pas pointus (cf. 12.3 ci-après).

A ce jour, un critère indiscutable de l'existence


d'un risque lié aux périodes n'est pas établi. Il reste que
de nombreuses expérien~es ont fait apparaitre des mécanismes
d'endommagements liés a ce paramètre. Lors d'essais au LCHF
(SINES entre autres) on a observé qu'à hauteurs de vagues égales,
une "fluidisation" de carapaces se produisait dans une certaine
gamme âe périodes et non en dehors.

* Un travail en ce sens reste à exécuter sur les travaux du


LCHF présentés au colloque SHF d'octobre 1985. Ils furent exploi­
tés saus forme dimensionnelle (échelle 1/50) ce qui en réduit
la portée.

** BATTJES, BRUUN, GUNBAK, ..•

*** IR = Tga( /VH /L


s 0
avec = angle du talus avec l'horizontale
L = ~T2/27r = longueur d'onde en profondeur infinie
0

H
s = hauteur significative,à distance suffisante devant
l'ouvrage pour ne pas atre influencée par lui.

- 41 ­
8.34. - DISTRIBUTION, STATISTIQUES ET SPECTRES
On a déj à évoqué les deux modes de trai tement des
enregistrements: l'analyse statistique (ou temporelle) et l'ana­
lyse spectrale.
a) Si l'on dispose d'enregistrements analogiques, l'analyse
statistique vague par vague peut ~tre faite manuellement. La
méthode est longue mais facile et peu coûteuse. Elle permet
à celui qui la pratique, et qui a ainsi sous les yeux une image
de la succession des vagues en un point, d'en mieux comprendre
l'architecture générale, les singularités ... Elle donne, pour
chaque séquence traitée, des valeurs précises des paramètres
statistiques H et T.
b) Dans la mesure o~ la distribution des élévations* de la surfa­
ce et celle des hauteurs des vagues sont assez bien représentées
par des lois de GAUSS et de POISSON respecti vement, ces paramè­
tres sont liés entre eux par des rela tions qui permettent de
les calculer par des méthodes simplifiées, à partir de la con­
naissance d'un seul, manuellement ou par traitement automatique
d'enregistrements numériques.
c) L'analyse spectrale n'est praticable qu'avec des moyens infor­
matiques et le profi t qu 1 on peut en tirer est à la mesure des
performances de ces moyens.
Ce mode d'analyse est une application du théorème
de FOURIER, donc· de l' hypothèse que les vagues visibles à la
surface de la mer résultent de la composition d'ondes sinusoIda­
bles de différentes périodes (ou fréquence). Chaque composante
véhicule un certain pourcentage de l'énergie totale des vagues,
a ses propres conditions de propagation (vitesse, direction,
dispersion, amortissement) et l'ensemble compose le spectre
de l'agitation. Sa traduction la plus élaborée est le spectre
directionnel qui caractérise énergie et directions en fonction
de la fréquence. Le spectre de l'agitation permet donc de repé­
rer dans quelles bandes de fréquence l'énergie est concentrée
et, s'il est tridimensionnel, de quelles directions elle pro­
vient.
d) La notion de spectre est une construction mathématique dont
les éléments -les composantes monochromatiques indépendantes­
n'ont pas d'existence réelle. Cette notion aide à ne pas oublier
qu'il n'y a pas permanence dans le temps des formes des vagues.
Les crêtes et les creux apparaissent et disparaissent pour qui
peut les observer en se déplaçant avec eux. Seuls demeurent
les paramètres statistiques des échantillons trai tés dans les
enregistrements, paramètres qui sont d'ailleurs affectés d'une
variabilité d'autant plus grande qu'ils caractérisent une tranche
de la distribution plus étroite**.

* Al titudes de la surface de la mer par rapport au ni veau de


repos.
** Même àans une agitation stationnaire, qui n'est guère observa­
ble qu'en laboratoire, les valeurs successives trouvées pour
H et. a fortiori pour H 1 'èl)'H j /100' . .. àiffèrent. Sur 90 enre­
gÏstrements exploités au L HF; dans l'étude d'un site, le rapport
Hmax IH s avait. une valeur moyenne de 1,65 et des valeurs particu­
l~eres compr~ses entre 1~20 et 3,10.

- 42 ­
On remarquera que l' hypothèse d'une distribution des
hauteurs du type POISSON-RAYLEIGH suppose un spectre de friquence
inf iniment itroi t et un spectre de GAUSS des iliva tions . Bien
que ces conditions ne soient pas respectées dans une agitation
réelle, les erreurs en dicoulant sur le calcul des paramètres
statistique des hauteurs semblent rester dans des limites accep­
tables. D'ailleurs, les tempêtes potentiellement géniratrices
des gros dommages ont en général l'essentiel de leur inergie
concentré autour d'un "pic de fréquence" accentué (f p ' T p ).
e) Certains, surtout anglo-saxons et nordiques, ont proposé
des expr~ssions analytiques pour rendre compte des courbes spec­
trales déduites de nombreux enregistrements in-situ. Les trois
plus connues sont celle de BREITSCHNEIDER, celle de PIERSON­
MOSKOWITZ qui en est unca~ particulier et le spectre JONSWAP*.
Tous trois s'icrivent en f- .

Au total, de nombreux "modèles" de spectres ont été


présentés, d'expression très différentes. Cela inci t e à penser
qu'il n'en est pas vraiment de très représentatifs. Il reste
que ces formules ont un triple intérêt pratique dans la concep­
tion des ouvrages maritimes :
· pour le calcul des paramètres statistiques, qu'on peut exprimer
à partir des moments d'ordre 0, 1 et 2 du spectre,
pour effectuer les calculs ci-dessus en tous les points du
ris eau d'un modèle mathimatique de prévision (ou de reconstitu­
t~on) des états de la mer,
pour le pilotage des générateurs de houle aléatoire, lors
de l'expirimentation sur modèles.

8.35. - LES GROUPEMENTS DE VAGUES

Il est beaucoup discuté, depuis 10 ans environ, des


risques exceptionnels d'endommagement liés à certains arrange­
ments ou singulari tés dans la succession des vagues. Cela con­
cerne
les séries de grandes vagues,
• les àiscontinuités dans la suite des hauteurs,
• les dissymétries de "calage" par rapport au niveau de repos ..

* Joint North Sea Wave Project.

- 43 ­
a) Les séries de grandes vagues sont perçues et attestées depuis
des 'siècles* sur l'ATLANTIQUE. Elles sont souvent, mais pas
toujours au centre de "trains" qui comptent une dizaine de lames
au maximum. Les hauteurs de grandes vagues d'un train dépassent
Hs lors de séquences de 2, 3, 4 voire 5 lames successives. Leur
arrivée sur un ouvrage, par exemple le talus d'une digue, se
marque par une suite d'impacts déferlants puissants se succédant
à intervalles à peu près réguliers. La combinaison de cette
pseudo-période et des grandes hauteurs des vagues peut expliquer
des sollicitations dangereuses, qu'on a tenté d'exprimer par
le nombre d'IRIBARREN.
b) Les discontinuités de hauteur ("jump" dans la terminologie
anglo-saxonne) signifient en pratique l' occurence d'une peti te
<
vague sui vie d'une grande. H. F. BURCHARTH a proposé H CH v
pour la peti te (avec C (. 1) et H) H pour la grande. Dans mEe
cas, le risque évoqué est celui d'un "~ic"d'impact déstabilisant
pour la structure et la rendant vulnérable aux vagues moins
puissantes qui suivent.
c} Les "dissymétries" sont celles des vagues de grande hauteur
dont les élévations, à la crête et au creux, sont inégalement
réparties de part et d'autres du ni veau de repos. Ainsi, pour
une vague d'au moins 17 ~à SINES, on avait:
D crête = +7
C creux, -1 0 m (échelle du graphe dépassée).
On conçoit que. de telles vagues conduisent à des intensités
anormales de sollicitations en parties hautes d'une digue (cou­
ronnement, berme de tête, talus intérieur, .•• ) dans les cas
de crêtes très hautes et en parties basses (bas de carapace,
butée de pied, terrain de fondation,... dans les cas de creux
très bas.
Cette terminologie répond au souci de systématiser
mais, dans la nature et dans des essais en houle aléatoire,
les distinctions sont malaisées. Les "images" de la succession
des vagues données par les enregistrements sont seulement vala­
bles dans l'instant et au point considérés. Dans l'évolution
spatio-temporelle des ondes d'un train, les posi tions des plus
hautes et des plus dissymétriques évoluent progressivement.
On peut seulement conclure qu'en un point donné, tous les types
de configuration ont une certaine probabilité d'occurence, si
les déferlements interviennent peu. Les sollicitations propres
à chacune se combinent et il semble difficile, dans une agitation
réelle que les risques spécifiques liés aux particulari tés des
groupements de vagues puissent être prévus par l'application
de critères simples comme le nombre d'IRIBARREN.

* Rabelais, dans la phrase citée en 5.22, reflète l'opinion


de marins français du Moyen-Age et l'auteur a observé les marins
marocains estimant, non sans risques, l' arri vée de la dernière
déferlante avant d'embouquer l'Oued· SEBOU à force d'avirons.

- 44 ­
Puisqu'on ne sait pas, ou mal, introduire ces singula­
ri tés dans les calculs de dimensionnement, il faut être à même,
à partir du traitement des enregistrements, de les simuler lors
d'essais sur modèles. Et cela dans les di vers types de mauvais
temps observables sur le si te car il est vraisemblable que les
houles sont plus riches en séquences de grandes lames et en
vagues dissymétriques et les mers plus fournies en "j umps".
Les enregistrements analogiques facilitent une étude exploratoire
de la nature, des fréquences d'apparition et des "dimensions"
des divers groupements de vagues. Les enregistrements numériques
permettent une approche plus élaborie, sur laquelle nous revien­
drons, à partir du calcul des variations du carré de l'élévation
instantanie.

- 45 ­
9 - L'AGITATION: ESTIMATION DES SITUATIONS
DE FAIBLE PROBABILITE

9.1. - L'OBJET DE LA PREVISION

Il s'agit, dans le principe, d'estimer les agitations


observables lors des plus fortes tempêtes dont la probabili té
d'occurence, durant la vie de l'ouvrage, n'est pas négligeable,
compte-tenu des dommages qu'elles pourraient provoquer. Donc,
dans la généralité des cas, on fera une estimation de probabili­
tés allant de l'annuelle i .la centennale ou, en d'autres termes,
des tempêtes ayant des durées de retour de 1 i 100 ans, voire
plus.

Pour le dimensionnementde l'ouvrage (calculs et essais


sur modiles) on associera ensuite i ces probabilités des pourcen­
tages àe risques jugés admissibles, éventuellement jusqu' i la
semi-ruine pour la tempête de plus faible probabilité.

Au stade actuel du développement des idées sur la


conception des ouvrages maritimes, on peut distinguer deux manii­
res tris différentes de caractériser, les agitations de faibles
probabilités et, en conséquence, d'exploiter l'ensemble des
données recueillies sur l'agitation.

9.11.- LA HOULE "ENNALE"

La premiire s'était généralisée depuis plusieursdécien­


nies. Elle étai t seule utilisée jusque dans un passé récent.
Elle tient en trois propositions :
on admet qu'un paramitre statistique de hauteur des vagues
est représentatif de l'agit~tion ;
on aj uste une loi de probabili té des valeurs possibles de
ce paramitre, extrapolée jusqu' au-deli des durées de retour
maximales à considérer ;
. i partir de cette loi, on détermine des valeurs particuliires
de la hauteur atteintes ou dépassées pendant un temps donné,
lors de périodes de 1, 2, 10, 50 ••• 100 ans en moyenne.

Tris souvent, et jusqu'aux années 70, on admettai t


que la hauteur de vagues caractéristiques d'une agitation était
la hauteur significati ve H et que la houle d'ordre "n" (houle
ennale) à prendre en compfe pour le proj et étai t la valeur de
cette hauteur significative, atteinte ou dépassée pendant 24 h en
temps cumulés, sur une durée totale de "n" années en moyenne.

- 46 ­
Cette manière de caractériser la probabilité des agita­
tions dangereuses pour les structures est liée aux condi tions
d'exécut Lon des études de stabilité dans l'après-guerre. En
effet, à cette époque :
· Les théories de la houle monochromatiques étaient bien diffu­
sées. Les textes* et les notions plus élaborées ne touchaient
qu'un petit nombre.
L'équipement usuel des laboratoires d' hydraulique engendrai t,
sauf au LCHF**, des houles régulières, pour la recherche appli­
quéecomme pour les recherches fondamentales (IRIBARREN,
LARRAS, BARRILLON, HUDSON ..• ).

9.12. - LA TEMPETE "ENNALE"

La méthode résumée ci-~essus suscite quelques réflexions ~


• La probabilité considérée est celle du temps total d'occurence
de vagues dont la hauteur dépasse une certaine valeur (en
fai t, il ne s'agi t pas de la hauteur de vagues réelles, mais
d'une valeur caractéristique d'une distribution statistique).
Elle s'établit en durées cumulées, par l'analyse d'un certain
nombre de mauvais temps, dont les autres caractéristiques
peuvent beaucoup différer d'un cas i un autre.
• Cela est évident pour les périodes et les directions de propa­
gation. Facteurs mal connus -ce qui reste vrai pour les direc­
tions- ils étaient pri~ en compte i ti tre de vérifications
des risques attachés· i une haùteur de vague donnée, dans un
intervalle plausible de variation de ces deux paramètres.

La notion de corrélations entre directions de provenan­


ce et intervalles de périodes, corrélations pouvant différer
d'un type de mauvais temps i un autre, est apparue plus tard.

L'utilisation qui était faite des informations recueil­


lies sur l'agi tation étai t bien éloignée de la réalité. Dans
la nature, l'action des vagues ne se manifeste pas par tranches
de hauteur croissantes et de 24 h de durée. Chaque mauvais temps
est un épisode indivisible, d'une durée de quelques heures i
quelques jours. Une panoplie d'instruments plus perfectionnée
que celle dont nous disposons montrerait, en fonction du temps,
de multiples variations :
· dans les spectres d'énergie successifs,
• dans la durée du, ou des paroxysmes,

* Travaux américains, ouvrage de Rio MICHE sur les "Propriétés


des Trains d'Ondes Océaniques".
** A la fin des années 40, le LCHF avait généralisé l'expérimen­
tation avec des houles en trains d'ondes.

- 47 ­
dans les directions de propagation, avec des spectres direc­
tionnels plus ou moins large ou dont la composante principale
(en terme d'inergie vihiculie) est plus ou moins affectie
par des variations dans les champs des vents ginirateurs*,
. dans la distribution des piriodes, ...

Les grands endommagements d'ouvrages en eau profonde


ont inciti à ce que l' itude de la probabiliti d 'occurence des
mauvais temps soi t aussi basie sur une anal vse du diroulement
effectif des ipisodes dangereux pour les structures. Le LCHF
a été le premier à recommander qu'outre la notion thiorique
de "houle ennale ", telle que dif inie au paragraphe précident,
on s'efforce aussi de caractiriser la "tempête ennale", c' est­
à-dire le mauvais temps de durie de retour équivalente ("n"
annies en moyenne), considiri comme un tout.

9.2. - EXPRESSION DES PROBABILITES

9.21. - LA LOI SEMI-LOGARITHMIQUE

Beaucoup reste à ilucider -notamment par une amiliora­


tion des iquipements· de saisie des donnies- sur la genèse des
tempêtes, leur propagation jusqu'aux si tes côtiers, l' ivolution
dans le temps de leurs spectres d'énergie et directionnel.

Par ailleurs, et comme cette note le souligne en plu­


sieurs passages, l'estimation des faibles probabilités d'agita­
tion se heurte au fai t que, dans la grande maj ori ti des cas,
les donnies sûres couvrent beaucoup moins du dixième de la plus
longue durée de retour qu'on doit considirer : gui, pour détermi­
ner une probabiliti centennale, dispose de 10 ans d'observations
fiables en un site donni ?

Dans une situation qui comporte autant d'éléments


mal connus, incertains ou impricis, on est surpris de l'importan­
ce qui a iti donnie au choix des expressions mathématiques assu­
rant la meilleure extrapolation des donnies disponibles aux
faibles probabilitis de houle*~. L'erreur possible sur la partie
de la courbe de probabili té tracie à partir des informations
recueillies condui t, pour la partie extrapolée de cette courbe,
à des diffirences au moins igales à celles risultant de l'appli­
cation des diffirentes lois recommandies par les uns et les
autres (et qu'aucune thiorie ne vient étayer).

* Les itudes d'ANTIFER ont mis en ividence un type de situation,


en l' occurence celui des côtes françaises de la MANCHE, dans
lequel un si te est soumis à des tempêtes dont la variabili ti
en direction peut se produire en un laps de temps comparable
à celui du paroxysme inergitique (ag i ta tion forte passant en
quelques heures du NW au NE).
** Au sens donni à l'expression en 9.11.

- 48 ­
Comme la plupart de ceux qui ont eu à discuter ce
problème, le LCHF n'a pas trouvé de raison valable* d'écarter
la loi semi-logarithmique, simple et d'emploi facile, proposée
il y a un quart de siècle par l'Ingénieur Général Jean LARRAS
>
soi t .: P (H Hp) = H - a Log P
(p étant la probabi~ité de dépassement de la hauteur Hp).

Cela étant, l'utilisation de cette loi r.' exclut pas


.quelques précautions :
a) L'extrapola tion jusqu'à p = 1 (1 00% du temps) donne rarement
H = o. LARRAS a avancé 1 'hypothèse d'un "brui t de fond", en
f~it une agitation résiduelle permanente. Pourtant, le calme
total existe. Un "décrochement" àes graphes semi-log, aux fortes
prcbabilités,est peut-itre explicable par la combinaison de
deux familles différentes d'agitations faibles : les clapots
des brises côtières et les séquelles de houle lointaine.
b) La remarque précédente concerne des agitations qui sont sans
incidence' sur la stabili té des ouvrages, mais elle pose le pro­
blème de la représentation par une courbe unique (en l'occurence
une droite en semi-log) d'agitations appartenant à des familles
entièrement distinctes .. Sur une c8te NE du BRESIL, le traitement
des statistiques nous a conduit à une ligne de probabilité brisée
en deux segments : les fortes et moyennes probabi li tés corres­
pondaient aux hauteurs caractéristiques des mers d'alizés régnant
en ces régions (segment de moindre pente), les f~ibles probabili­
tés (segment de pente plus raide) incorporaient l'arriv6e de
houles levées par des dépressions dont les trajectoires avaient
été anormalement basses én latitude.
c) Des météorologistes britanniques, dans une communication
fai t e à BRIGHTON** après la tempête de SINES, ont analysé les
trajectoires des centres des grandes aires dépressionnaires
sur l'ATLANTI'QUE nord depuis 1870 environ. Leur travail a mis
en éviden.ce des oscillations en lati tude de ces traj ectoires
qui, selon le souvenir que nous en avons, ont été de l'ordre
de la dizaine de degrés et se sont produi ts 3 ou 4 fois dans
le siècle , en des laps de temps du mime ordre (25 à 30 ans).
L'exactitude, l'ancienneté et la multiplicité des mesures baromé­
triques ne peuvent être mises en cause. Il en résulte que, pen~
dant3 à 5 ans tous les 10-1 5 ans, les risques d' occurence de
tempates exceptionnelles sur les c8tes ouest de l'EUROPE seraient
alternativement maximaux et minimaux. Une estimation des probabi­
lités à'agitations faite dans l'une de ces périodes ne serait
pas applicable à l'autre.

* Une étude du LCHF a permis de tester, sur 6 statistiques de


hauteurs de vagues rela ti ves à un même si te, la loi de LARRAS
et celles de WEIBULL à 2 et 3 paramètres. Elle a conclu que,
pour la houle centennale :
a) Les formules LARRAS et WEIBULL à trois paramètres ont donné
des différences inférieures à ± 2%,
b) La formule WEIBULL à deux paramètres a donné de moins bons
ajustements.
** L'auteur n'a pas retrouvé la référence exacte du congrès.

- 49 ­
Nous n'avons pas recueilli d'autres informations sur ce sujet,
qui mérite d'être approfondi.
d) Enfin, il faut rappeler que la "durée· de retour" caractérise
l'intervalle de temps moyen entre deux occurrences successi ves
du même phénomène. Les intervalles réels peuvent s' en écarter
àe beaucoup. En ordre de grandeur, et en valeurs arrondies,
on peut admettre que la probabilité d'observer la houle centen­
nale 1 fois est de :
10% dans les 10 ans à venir,
20% dans les 20 ans à venir,
40% dans les 50 ans à venir,
60% dans les 100 ans à venir.
(La probabilité de l'observer 2 fois par siècle est de près
de 25%).

9.22. - EXTENSION A LA TEMPETE IIENNALE II


9.221. - Les acguis du LCHF
La notion de "tempête ennale" s'était dégagée au LCHF,
lors des études de plusieurs grands brise-lames : ANTIFER, SINES,
ZEEBRUGE, MOHAMMEDIA, etc.. .. Deux aspects de cette question
avaient été mis en évidence dans ces études, en liaison avec
les maîtres d'oeuvre et les entreprises:
· A la construction, quel que soi t le parti adopté (avancement
continu ou arrât des chantiers en hi ver) l'entreprise doi t
prévoir le moyen, en particulier le stockage de matériaux,
lui permettant de limiter puis réparer les dommages lors de
tempêtes ayant une probabilité raisonnable de se produire
pendant les travaux. L'adéquation de ces moyeris, c'est-à-dire
ni trop ni trop peu, repose sur une anticipation correcte
de la force et du déroulement effectif des mauvais temps·· à
redouter. Pour un chantier important, ceux-ci sont, en général,
d'ordre décennal.
• En exploitation, une intervention immédiat~ est moirts assurée
alors que les tempêtes sont a priori plus redoutables puis­
qu'elles correspondent aux occurences possibles durant la
durée de vie de l'ouvrage. L'hypothèse de la tempête centennale
est réaliste. Lemaitre d'ouvrage doit donc pouvoir être aver­
ti, dès le stade du proj et, des risques encourus lors des
siquences d'énergie maximale des tempêtes.
Ainsi est apparu l'intérêt d'une meilleure connaissance
des paroxysmes. Durant ces pér iodes, les hauteurs des grandes
lames surpassent, pendant des l~ps de temps suffisants pour
que des dommages apparaissent, les hauteurs estimés, selon la
convention de la houle "ennale", pour les mêmes ordres de proba­
bilité. En d'autres termes:
• Une "houle ennale" est caractérisée par une hauteur statisti­
que de v~gue (par ex. Es ou H1 /1 0 ou •.. ) qu'on suppose agir
sans varier pendant 24 h.

- 50 ­
Dans le paroxysme d'une "tempête ennale", cette même hauteur
statistique est variable. Elle passe par un maximum qui peut
correspondre, en ordre de grandeur, à une houle de durée de
retour 10 n mais elle agit pendant moins de 24 h.

Sur les enregistrements de 63 tempites à SINES (1973­


1978), C. LANGLAIS* a relevé le nombre de fois oa les plus hautes
vagues dépassaient une hauteur donnée pendant 24, 12, 6, 3 e:.
1 h. Après aj ustement selon une loi de probabili té semi-log.,
cela a conduit au tableau suivant, dans lequel la valeur 1 carac­
térise la hauteur des plus hautes vagues, atteinte ou dépassée
pendant 24 h, dans la tempête de probabilité annuelle. En lloc­
curence, cette hauteur était de 7,8 m.'

Tempête
Annuelle Décennale Centennale
Hauteur des plus hautes 24h 1,00 .l..L.il 1 ,82
vagues (valeur relative 12h 1, 13 1 ,64 2 i 14
pendant : 6h 1 , 19 1 , 71 2,22
3h 1 ,29 1 ,90 2,49
1h .!..Li! hl.! 2,82

Sur cet exemple caractérist"ique, mais qu'on ne peut


généraliser, on constate que le paroxysme d'une tempête décennale
atteint des niveaux de force. qu'on retrouve dans une tempête
centennale, avec une durée d'action plus longue. En phase de
travaux sur un si te de ce genre, alors que l'ouvrage est très
vulnérable, la probabilité d'être exposé pendant plusieurs heures
i des creux maximaux étagés de 13"i 17 mne peut être ignorée.
Après SINES, divers points de la c8te algérienne -dont JEN
JEN en 88 et 89- confirment la réalité de ce risque.

9.222. - Caractérisation des tempêtes

Pour mieux cerner ce risque, il faut s'accorder sur


un mode de définition de la "tempête ennale".

La condi tion préalable est de disposer d' enregistre­


ments en nombre suffisant pour reconstituer l'historique de
plusieurs dizaines de mauvais temps (le' volume des données dispo­
nibles ne le permet pas toujours).

Cela étant supposé acquis, la méthode sui vie au LCHF


pour SINES a consisté à :
• considérer comme tempête tout épisode ayant comporté des Hmax
de 4 m au minimum pendant 24 h,

* Alors ingénieur au LCHF.

- 51 ­
· définir sur chaque tempête les valeurs du H atteintes ou
dépassées p~ndant 24, 12, 6, 3et lh,* max
ajuster des lois semi-Iogarithmiques permettant d'estimer
les hauteurs H 24' H 12' . •. H 1 en fonction de leur
probabilité (i ~ea:ccru rapmpacfrt nombre ~ex tempêtes où une valeur
est atteinte/nombre total de tempêtes).

C'est ainsi que, pour la hauteur maximale atteinte ou


dépassée pendant 3 heures dans un paroxysme de tempête, la loi
de probabilité trouvée a été :
H 3 = 14,9 - 4,73 logP**
ce qui conduit à 1 ~C;x m, 14, 8 m et 19,5 m respect i vement pour
les tempêtes de probabili tés annuelle, décennale et centennale.

Nos collègues du LNH ont publié en 1987 un ouvrage***


qui, au chapitre II (Détermination de la houle de projet et
connaissance de la houle sur le si te) et en Annexe 1 décri t
un mode d'estimation des probabilités de "houle" par ce qu'ils
dénomment la méthode du renouvellement. Elle nous semble procé-
der du souci exprimé ci-dessus : baser le dimensionnement d'un
ouvrage maritime sur les évinements réels que sont les tempêtes.

On retrouve en effet, comme dans la méthode appliquée


auparavant par le LCHF :
• la définition des tempêtes par un critire de dépassement d'un
seuil minimal de hauteur des vagues,
• la constitution d'un catalogue des valeurs d'une hauteur carac-
t~ristique (H . ' H1/10'.~.) observées dans chacune des tempê-
tes. max
Pour autant que l'auteur de cette note puisse en juger par
une connaissance livresque de la méthode, son objectif est
d'estimer la probabilité d'occurence d'une valeur maximale
annuelle du H ou du H1 /] 0 d'une ag i ta tion de tempête, lors
cr
d'une séquencJOa une yingtal.ne de minutes.

Elle ne renseigne, ou ne fait d'hypothèses


• ni sur la nature de cette agitation (houle, mers),
ni sur les durées d'actions qui s'attachent aux valeurs H
trouvées dans la séquence retenue ou dans celles qui l' enca-
draient.

* Dans le cas de SINES, la hauteur considérée n'était pas exacte-


ment un Hmax mais cela ne change rien au principe de la méthode.
** Les 63 tempêtes analysées couvrant en continu 71 mois, soi t
5,92 années, les valeurs de P à introduire dans cette formule
sont: 5,92/63 = 9,4% pour l'annuelle, 0,94% pour la décenna-
le, • •• etc.
*** "Le dimensionnement des digues à TaI us" par J. FEUILLET,
Y. COEFFE, J. BERNIER et B. CHALDIN.

- 52 -
Notre sentiment, quant aux approches de l'agitation
réelle faites par le LCHF et le LNH est le suivant :
Le LCHF a tenté cette approche sur un cas important, mais
particulier. Dans' l'esprit des recherches qu'avaient initiées
M. SCHMIDT et quelques autres spécialistes du Service des
Phare des Balises*, visant à caractériser la "signature" des
tempêtes, des développements sont possibles et seraient fruc-
tueux.
· La méthode LNH du renouvellement considire les valeurs effec-
tives d'une variable aléatoire H annuelle "qui s'attache aux
houles maximales annuelles ". Telle que décri te dans l'ouvrage
cité, elle ne fourni t pas d'éléments sur des durées d'action
effectivement observées.

L'emploi, par les Ingénieurs du LNH, des expressions


"houle annuelle", "houle décennale",... semble indiquer qu'il
s'agit d'améliorer le mode de calcul des grandeurs que, par
convention, ces termes recouvrent (Cf. 7.432 b). La question
de la "tempête ennale", telle que nous avons essayé d'en j usti-
fier l'intérêt (Cf. 7.432 c) reste donc ouverte et réelle. Les
cas de dommages graves survenus depuis 1970 auxquels nous avons
eu accès (ou quelque rôle à jouer) à savoir : SKIKDA, SINES,
SAN CIPRIANO , BILBAO, ORAN, ARZEW EL JEDID, SETE et maintenant
JEN~JEN se sont produits lors de mauvais temps dont la probabi-
lité étaï't supérieure à celle de la "tempête décennale" mais
dont les paroxysmes dépassaient de beaucoup la force de la "houle
décennale" .

* Cette indication est donnée à partir des souvenirs d'un collo-


que tenu à LA ROCHELLE, sous l'égide du CREO.

- 53 -
10 - L'AGITATION: UN EXEMPLE D'EXPLOITATION DES DONNEES
SUR LA HOULE POUR SINES

10.1. - LE CADRE DES ETUDES

Nous avons évoqué à plusieurs reprises le cas de la


jetée de SINES, en partie ruinée avant son achèvement par une
temp~te de houle le 26 février 1918*.

Les études engagées pour la recherche des causes!


des responsabilités et des modes de reconstruction furent a
la mesure du sinistre. Elles mobilisèrent cinq ou six laboratoi-'
res dans le monde. Pour la FRANCE, les travaux du LCHFfurent·
guidés par M. l'Ingénieur Général J. LARRAS et MM. les Ingénieurs
en Chef J. DUBOIS et P. COUPRIE.

Une part importante de ces travaux fut consacrée au


régime de l'agitation devant SINES, des divers points de vue
sous lesquels la question devait ~tre abordée :
• la genèse des temp~tes,
leur classement dans l'échelle des forces des mauvais temps
atteignant le site,
• les conditions extr~mesà prendre en compte pour la reconstruc-
tion.

Sur les deux premiers points, les réponses apportées


par le LCHF se résument en peu de mots :
Les houles furent levées entre le LABRADOR et les
Iles Bri tanniques" par des champs de vent cycloniques de 40 à·
60 nd, soufflant de directions proches de l' WNW. Aux paroxysmes,
leurs hauteurs significatives furent de l'ordre de 9 m, avèc
des T~ de. 1 6 à 1 9 s ( TH.1 11 0 = 17 à 22 s).
En d autres termes, tlés temp@tes classiques de l'ATLANTIQUE
Nord. La suite des études montra que leur durée de retour était
plutôt inférieure à 5 ans : des temp~tes comparables s'étaient
produites en 1 951, 1 957 ,1959, 1966**, 1 978, , 979 et 1981.

* Dégâts amplifiés par deux autres temp@tes en décembre '978


et février 1979.

** Graves dommages à SAFI aux jetées (action des lames) et aux


bateaux (seiches de plusieurs mètres exci tées par les groupes
de lames).

- 54 -
10.2. - ESTIMATION DES CONDITIONS EXTREMALES

Dans le contexte de SINES, l'enjeu financier attaché


à la reconnaissance éventuelle de responsabili té et aux choix
des cri tères de reconstruction exigeai t une exploitation cri ti-
que de toutes les données utilisables.

La démarche suivie au LCHF s'est efforcée d'atteindre


cet obj ectif par étapes trai tant chacune d'un élément important
du problime, éclairé par une ou plusieurs sources de données.

10.21. - PROBABILITES DES HAUTEURS - PROBABILITES DES TEMPETES

Les données utilisées pour les estimations de probabi-


lités de hauteurs de vagues -dans les deux optiques "houle enna-
le" et "tempêteennale"- proviennent d'une bouée DATAWELL mouil-
lée à SINES par fonds de 60 m. Elles couvrent la période décembre
1973 - octobre 1979 et ont été exploitées:
Sur place, par repérage sur les enregistrements graphiques
du HGAS *' c'est-à-dire de la plus haute vague de séquences
de 20 mn espacées de 6 h ;
. Au LNEC**, par dépouillement automatique complet des enregis-
trements faits pendant 6 tempêtes entre 1973 et 1979.

Les résul tats obtenus ont été comparés aux statisti-


ques déduites des atlas NAVAIR (Zone 18, environ 11000 observa-
tions) et OCEAN WAVE STATISTICS (Zone II : env~ron 70 000 obser-
vations).

Les principaux acquis de cette phase d'étude sont


les suivants :
a) Plus de 150 000 valeurs de H étaient disponibles. Ajustées
GAS elles ont conduit à l'expres-
selon une loi semi-logarithmique,
sion: H = 7,7 - 3,4 log P, le coefficient de rêgression étant
de 0,9964. ~'où une estimation de H correspondant aux houles
annuelles, decennales,... GAS .
b) A partir de ces mêmes 150 000 valeurs, et en fixant un seuil
minimal de H~AS' 63 tempêtes ont été individualisées. Pour chacu-.
ne, on a del::erminé les H atteints ou. dépassés pendant 24,
12, 6, 3 et 1 h. Cela a GASpermis de caractér iser les forces. et
profils de tempêtes annuelles, décennales,... En particulier,
avec de très bons ajustements (r 2 '> 0,96), il a été constaté
que les rapports de hauteurs entre les plus hautes vagues du
paroxysme d'une tempête et celles atteintes ou dépassées pendant
24 h dans la même tempête, variaient peu avec la probabilité
et valaient environ 1,7.

* GAS = gABINETE DO ~REA DE 2INES.


** LNEC = Laboratorio Nacional de ~ngenharia Civil, à LISBONNE.

- 55 -
c) Les 6 tempêtes analysées par le LNEC ont précisé le "calage"
du HGAS par rapport aux paramètres statistiques classiques de
distr~fjution des vagues. En fait, HG S étai tproche du H ax
le plus probable dans un échantillon ~e 100 vagues distribu~es
selon une loi de POISSON-RAYLEIGH. Ce résultat est en accord
avec les périodes usuelles i SINES et la durée des séquences.
c) Le "croisement" des probabilités estimées i partir des enre-
gistrements in-situ et des statistiques dédui tes des atlas a
montré :
• un très bon accord entre les atlas,
• la cohérence de ces documents avec les probabilités de hauteur
ca~culées avec la distribution des H .
GAS

10.22. - AGITATIONS IN-SITU ET AU GRAND LARGE

a) Les hauteurs H et les directions de propagation des lames


observées par les ~régates ont été reportées sur les graph~ques
. HGAS de 57 temp~tes ressenties i SINES de 1973 i 1978. La compa-
ra1Son a porté sur les vitesses de croissance et dedécroissan-
ce des hauteurs des lames, les durées et les formes des épisodes
des maximums d'agitation, les houles de fond avant et après
la tempête. Il a été tenu compte du temps de propagation des
vagues entre la station de la frégate et les cStes portugaises,
distantes d'environ 1400 km. Il est ainsi apparu:
• 28% de cas de concordances excellentes entre point K et SINES,
• 53% de bonnes concordances,
• 19% de non-concordances.
b) Grâce aux indications de directions de propagation données
par la frégate, le rapport HK/HGAs.. en tempête a pu ~treanalysé.
Sa valeur moyenne 1,29 décroît: -de manière continue depuis le
SSW ( 1 ,6) jusqu'au N (1,15). Ces informations ont permis de
transposer à SINES les statistiques dédui tes des 55000 observa-
tions de houles et 66000 observations de mers faites aux points
K et R. Ainsi ont été collectées de précieuses données sur la
répartition des mauvais temps en forces et directions (par sec-
teurs de 22,5°).

10.23. - RECONSTITUTION DE TEMPETES EXCEPTIONNELLES

Le modèle DSA 5** de la section "Climatologie Marine"


du Service Météorologique Métropoli tain a été utilisé en deux
temps :
a) Il a tout d'abord permis de dégager les caractères types
des si tuations météorologiques qui avaient donné naissance aux
temp~tes enregistrées i SINES entre décembre 1973 et décembre

* En faisant, le cas échéant, la moyenne quadratique de H "hou-


K
le" et HK "mer" •
** DSA 5 modèle mathématique de Densité Spectro-Angulaire
nOS, pour le calcul des états de la mer, en prevision (Forecas-
ting) ou en reconstitution (Hindcasting). Il est maintenant
remplacé par les modèles VAG (VAGATLA pour l'Atlantique nord).

- 56 -
1979. L'intirit des risultats obtenusdipasse le cadre de SINES
car ces caractères sont valables pour une grande partie des
côtes atlantiques de l'EUROPE et de l'AFRIQUE DU NORD. On peut
les risumer ainsi :
Une "tempite maritime" naît d'une perturbation mitiorologique
où les vents soufflent à 50 nd au moins.
Leurs déroulements (croissance ~ paroxysme )dicroissance)
sont parall~les et les deux phénomènes ont une durée de l'ordre
de 5 jours. °

Le scénario classique met en jeu une dépression née vers


TERRE-NEUVE et se déplaçant à hauteur du parallèle 50 N envi-
ron, à 950 mb ou moins.
Les vi tesses maximales des vents soufflant vers nos côtes
sont liées au creux de la dépression et à la pression plus
ou moins accentuée de l'anticyclone la flanquant au S.
Les paroxysmes de la "tempête maritime" sont plus accentués
lorsque vitesse et diplacement de la dépression permettent
l'arrivée en phase à la côte des vagues longues (donc plus
rapides) levées à t et de celles, plus courtes, (donc plus
lentes) levées à t - 6.
b) La mise en évidence de ces caractères gérliraux a permis de
sélectionner 116 siquences de situations mitiorologiques, a
priori défavorables, sur la période 1 950-1 972. On en a retenu
6, qui ont été aj outées aux trois responsables des tempêtes
enregistrées i SINES en 1978 et 1979.

La reconstitution des états de la mer découlant de


ces 9 "tempites météorologiques" a montré que :
• Il existe une bonne à très bonne concordance entre la reconsti-
tutionDSA 5 e t les enregistrements in-situ de 78 et 79. Cela
confirme la validité du calcul et "cale" son résultat.
En particulier, les hauteurs calculées par DSA 5, selon un
pas de temps de 3h, s'accordent bien avec l'analyse des valeurs
du H atteintes ou dépassées pendant 6 et 3 h •
GAS
• Les reconstitutions ont permis une extension jusqu'aux "tempê-
tes trentennales" (4-5 fivrier 1 951) des points réels du gra-
phique de probabilité.

10.24. - ETUDE DES PERIODES

Les fondements de l'étude des pér iodes ont été d'une


partIes analyses statistiques et spectral~s ~aites par leL~EC
et le LCHF sur les enregistrements des tempetes des 6 annees
1973 à 1979 et, d'autre part, les résultats des calculs de re-
constitution relaOtifs aux plus gros mauvais temps des 30 années
1950 à 1979. Précisons que, pour les enregistrements, les pério-
des ont été déterminées par la méthode du zéro-crossing.

Les recherches ont été menées dans plusieurs direc-


tions. Deux nous semblent de portées plus générales :

- 57 -
a) Cor=élations hauteurs-périodes :
Les spectres ci' énergie déterminés sur les enregistre-
ments, comme les résultats OSA relatifs aux points de la grille
de =alcul proches de SINE5, ont montré les croissances simul ta-
nies de T et H .
P . mo
Le dépouillement manuel des bandes des tempêtes de
l'hiver 78-79 -qui firent aussi des dommages importants en
FRANCE- fournit un résultat analogue entre périodes et hauteurs
àes plus fortes lames, avec l'expression TH (en s) = 1,5
à ',6 "max (en ml. Il en était de même pour Tmaxma€t Hmax
b) Valeurs extrêmes des périodes
Les distributions des périodes. ~uivantes :. T , T 1/3
et Tma~ ont été étudiées sur les séquencE::s d'un certairP nombre
de tempe tes : .
Les intervalles de variations trouvés pour ces tempê-
tes, qui comportaient toutes de grandes houles, sont représenta-
tifs de situations fréquentes sur les côtes atlantiques àe
l'EUROPE, à savoir :
T.
P
= 16 à 20 s T1 / 3 = 14 à 18 s T max =19
. à 25 s
L'ajustement, suivant une loi semi-lo~arithmique a
èonné, . pour les paroxysmes de 3 h, en valeurs arrondies et pour
des ternp~tes d'ordre décennal à centennal
T max = 26 à 31 s T 1 /3 = 20 à 25 s = 23 à 28 s.
Les temp~tes les plus dangereuses pour nos côtes impli-
quent donc l'existence de périodes statistiques, spectrales
ou a~parentes beaucoup plus longues que celles considérées d'or-
àinaire.

10.3. - CONCLUSIONS
Le résumé de l'étude -des conditions extrêmes d'agi ta-
tions devant SINES mO:1tre les possibilités offertes aux proje-
teurs par l'utilisation conjointe et l'exploitation croisée
àes trois grandes sources qui leur sont souvent accessibles : les
.enregistrements in-situ, les atlas de compilation, les modèles
de calcul des états de la mer.

La bonne concordance globale des résultats, d'une


source à l'autre, incline à penser que les modes de recueil
des informations -c'est-à-dire la qualité àes appareils, des.
codes de calcul et des observa·teurs- est, de nos jours, d'un
bon ni veau. Elle permi t au LCHF de proposer des critères de
reconstruction de SINES deux ans avant qu'ils ne soient entéri-
nés.

- 58 -
3ème Partie

DZMERSZOIfREMERT
11 - GENERALITES

11~1. - LES DEUX OBJETS DU DIMENSIONNEMENT

11.11. - TRACE EN PLAN ET SECTIONS

Dans la pleine acception du terme, le dimensionnement


des ouvrages maritimes consiste à :
. arriter leur traci en plan, en fonction des objectifs à attein­
dre protection des accès, abri de plans d'eau, difenses
littorales, •••
• dif inir leur structure, de manière à satisfaire à l'ensemble
des contraintes (physiques, iconomiques, poli tiques, écologi­
ques, .•. ) ivoquies dans la première partie de cette note.

En pratique et dans le langage courant, le dimensionne­


ment d'un ouvrage s'entend dans un sens restreint. Il concerne
le second aspect de la question ei, plus pricisiment, le calcul
des sections de cette structure,· de telle sorte qu'elles risis­
tenten tous points aux efforts exercis par le milieu marin.

C'est la signification retenue pour les commentaires


de cette note, sous riserve de quelques remarques prialables
tenant au fait que "tracis en plan" et "sections" sont, selon
les projets, plus ou moins interdipendants.

11.12. - INFLUENCE DU TRACE EN PLAN SUR LES SECTIONS

Il est bien connu que certaines parties d'ouvrages


sont plus exposies et doivent itre renforcies par rapport aux
sections di tes courantes. Ces points singuliers classiques sont
les musoirs, les coudes, les tronçons attaqués sous incidence
très oblique.

Moins aisis à identifier, d'autres secteurs d·'un ouvra­


ge maritime subissent des sollicitations particulières liies
au traci e~ plan adopti. A l'origine de ces phinomènes, on trouve
en géniral une combinais9n de l'agitation en provenance du large
avec celle qu'elle engendre, de àiverses façons, sur la structure
ou à proximiti. Plusieurs exemples peuvent itre donnis :

a) Près de l' extrimi ti d'une j etie, la composi tiondes lames


incidentes et de celles diffracties autour du musoir, fait appa­
raître, dans l' hypothèse de la houle rigulière, une sirie de
maximums d'agitation. Leurs positions sont bien difinies et
fonction de la longueur d'onde.

En nature, on s'approche d'autant plus de cette situa­


tion que le spectre de l'agitation rielle est plus itroit. C'est
le cas lors des tempites de houles formies loin -au large. On

- 59 ­
observe alors des zones d'impacts préférentiels, avec des fran­
chissements dangereux pour les superstructures et les talus
intérieurs*. Lors des essais sur modèle tridimensionnel du brise­
lames de MOHAMMEDIA (MAROC), souvent exposé à ce type de mauvais
temps, des effets de ce genre ont été détectés et des disposi­
tions décidées pour y remédier.
b) Des tracés en plan concaves vers le large peuvent résulter
de diverses circonstances, comme la configuration des fonds
(ARZEW, ARICA, VALPARAISO, ... ) ou la nécessité d'enclore de
nouveaux bassins (ALGER, BEYROUTH, GENES, MARSEILLE, SAFI, ... ).
Dans ces parties en retrait, les. ouvrages peuvent ~tre atteints
par des ondes réfléchies sur les secteurs voisins. Le coefficient
de réflexion des structures usuelles étant élevé (au moins 30
à 40% pour les talus), la combinaison des vagues incidentes
et réfléchies entraîne un surcroît d'agitation souvent dange­
reux.
c) Les approfondissements rapides, naturels ou artificiels,
provoquent la réfraction, voire la réf lexion totale, des ondes
qui les abordent. Il en résul te une plus grande sollici tatiort
des ouvrages vers lesquels elles sont déviées :
des canyons sous-marins proches des extrémités des jetées
sont causes de désordres, comme à' SAN-ANTONIO (CHILI) ou
BARRANQUILLA (COLOMBIE),
. des berges de chenaux, dragués dans des zones de faibles pro­
fondeurs, ont des effets analogues, ressentis sur l'agitation
dans le port, comme à GHENNOUCH (TUNISIE), et la stabilité,
comme à DIKHEILA (EGYPTE) où le poids uni taire des cubes de
carapace dut être très augmenté.

11.13. - INFLUENCE DES SECTIONS SUR LE TRACE EN PLAN

Réciproquement, les sections choisies pour un ouvrage


ne sont pas touj ours sans incidences sur son tracé en plan.
Cela est sensible, par exemple, lorsqu'on étudie l' entrée d'un
port délimitée par deux jetées à talus, en zones de profondeurs
moyennes à grandes. Selon la pente du talus, le tirant d'eau
et la largeur requis au plafond de navigation, il est parfois
délicat d'arbitrer entre les contraintes de sécurité des manoeu­
vres dans les accès et celles de la protection du plan d'eau
intérieur contre l'agitation. .

* La tempête qui a touché JIJEL et sa région (port de JEN-JEN)


les 20-21 décembre 88 comportai t des séquences de dizaines de
vagues fortes, de périodes voisines de 13 s. Cette circonstance
peut expliquer les maximums localisés d'endommagement du talus
intérieur.

- 60 ­
Cela se vérifie d'autant .mieux que la transmission
d'énergie des vagues est plus forte dans les tranches d'eau
proches de la surface et qu'ell~ est facilitée par la réfraction
sur les cônes des talus. Dans plusieurs cas étudiés au LCHF,
des compromis ont été recherchés soit dans un allongement de
la jetée principale (port-ilôt de PORNICHET), soit dans l'adop­
tion de types de musoir associant la section courante en talus
et un caisson d' extrémi té dégageant le plafond de naviga tion
sans élargissement nuisible en surface (port industriel de
CAGLIARI en ITALIE et proj et de nouvelle jetée accostable -non
réalisée- au port de LA CONDAMINE).

11.2. - DIFFICULTES ET SPECIFICITE DU DlMENSIONNEMENT DES OUVRA­


GES MARITIMES

Le dimensionnement d'un ouvrage maritime, entendu


comme. la conception d'une structure capable de résister aux
sollicitations de son environnement, ne relève pas de méthodolo­
gies de calcul aussi éprouvées que celles mises en oeuvre pour
les ouvrages ter~estres. A cela plusieurs cause~ qui font toutes
apparaître les limites de nos connaissances et de nos moyens
d'actions en ce domaine:
a) Déj à évoqué, mais utiles à rappeler, l'obstacle principal
est la difficulté d'appréhender l'environnement marin d'un site
alors que :
L'agi tation de la mer, source des sollici tations les plus
dangereuses, conserve le caractère aléatoire des perturbations
météorologiques qui l'engendrent.
- Ces perturbations naissent et agissent dans des étendues de
mer considérables* sur lesquelles les informations ne sont
pas aisées à réunir.
- Aux incertitudes propres aux phénomènes aléatoires s'ajoutent,
pour tous les phénomènes physiques mesurés in-situ, les impré­
cisions et les· risques dferreur inhérents à la limitation
des moyens d'étude (courte durée des observations, imperf ec­
tion des appareils, difficulté d'interprétation •.. l.
b) En raison de son coût d'exécution, qui peut dépasst::=r, dans
certains cas ,celui de l'ensemble des autres études du projet,
la reconnaissance détaillée des sols de fondation n'est souvent
réalisée qu'en début de chantier, quand les moyens nautiques
lourds sont réunis pour les travaux.

* Quelques distances entre aire de génération de houles fortes


et des côtes exposées à ces houles :
• Seuil du PACIFIQUE Sud à CHILI central •.•••••••.•••• 9000 km
· Seuil du CAP aux côtes sud d'INDONESIE .••..•......•• 6000 km
· Iles MALOUINES au golfe de GUINEE ..••..•............ 8500 km
· Iles KOURILES à la CALIFORNIE ••••••....•......•..•.. 7000 km

- 61 ­
c) Les efforts exercés par lamer sur les structures ont des
causes très différentes (impact de vagues, retombées de franchis­
semen·l:.s, écoul.èments dans les massifs, effets de "masse ajoutée"
ou cie "trainée") et mettent en jeu àes phénomènes très complexes
dont la théorie ne permet en général qu'une approche élémentaire,
insuffisante pour des calculs de dimensionnement. L'ouvrage
àéj àci té du LNH ("Le dimensionnement des digues à talus") rap­
pelle qu'à la fin des années 30, un spécialiste comme M. BLOSSET
considérait qu' une digue à talus ne se calculait pas et qu'on
la concevait par rifirence â des ouvrages analogues, situis
dans des conditions comparables et ayant subi avec succès
l'épreuve du temps.
Dans le demi-siècle qui a suivi cette prise de posi­
tion., de grands progrès ont été réalisés. Il reste que le dimen­
sionnement des ouvrages mari times -même en supposant une très
bonne connaissance de leur environnement- ne relève que peu,
ou pas, d'une analyse rationnelle, contrairement aux construc­
tions en si tes terrestres ou, sur un plan plus général, aux
"systèmes mécaniques"*.

c) Un projet d'ouvrage en mer doit tenir compte de ce que les


sollicitations subies pendant sa construction sont de même nature
que celles prises en compte pour sa durée de vie et que leur
intensité peut être d'un ordre comparable si la. réalisation
s'étend sur plusieurs années. Cela le distingue encore de l'ou­
vrage terrestre, dont la mise en service implique des contraintes
nouvelles et fortes par rapport à celles de la phase de chantier.

11.3. - LA DEMARCHE SUIVIE

Le dimensionnement des ouvrages mari times repose donc


moins sur des développements théoriques que sur l'expérience
des proj eteurs et sur des données empiriques. Or, la plupart
de ces données ont été obtenues par des recherches en laboratoire
et, pour ce qui concerne l'action des vagues, lors d'essais
conduits en houle régulière et en ne considérant en général
qu'un seul aspect du comportement d'une structure stabilité
des blocs, pouvoir réfléchissant, efforts sur les structures
monolithiques, excursion des lames sur les talus.

* On attribue à GALILEE l'opinion, qu'on peut encore soutenir,


selon laquelle il est plus facile de calculer le mouvement de
corps célestes, nonobstant les distances, que d'expliquer les
mouvements induits sous nos yeux par le vent dans une flaque
d'eau.

- 62 ­
Cela signifie que :
• maIgri les ricents perfectionnements des iquipements des labo­
ratoires et l'instrumentation d'ouvrages existants*, on ne
dispose encore que de peu de risultats obtenus dans les condi­
tions vraies ou simulies de l'agitation rielle.
• pour soustraire le phinomène itudii aux effets parasi tes ou
difficiles â interpriter, on choisit des conditions expirimen­
tales parfois iloignies des conditions naturelles : rigulariti
des ondes dijâ signalie, mais aussi talus indifinis en partie
haute, pente de fonds nulle ou constante, niveau marin fixe
ou variant en dents de scie, remise en itat des ouvrages entre
les siquences d'essai, ensemble ou partie de structure isolis
du reste de l'ouvrage pour permettre les mesures d'effort,
etc •••

Tout cela explique la dimarche souvent' suivie pour


le calcul d'un ouvrage maritime, en particulier pour celui des
j eties â talus. Elle consiste â difinir chacune de ses parties
ou caractiristiques principales â partir des résul tatsd' itudes
distinctes, relatives i tel ou tel iliments dudimensionnement.
Pour chacun (poids unitaires des blocs, pentes des talus, cotes
d'arase des couronnements, poids des caissons, protection des
assises, ••• ) on applique les règles diduites des itudes corres­
pondantes, avec les valeurs numiriques propres au site et â
l'ouvrage et en tenant compte de l'incidence des autres contrain­
tes â satisfaire. Ainsi :
a) Le choix de la cote d'arase supirieure et de la largeur en
tête est basi sur les études de l'ascension des lames sur les
faces externes des différents types d'ouvrages (talus, caissons
pleins ou perforés, murs diflecteurs ou â crineaux, etc ••• )
et sur les conditions liées aux circulations d'engins, aux ris­
ques d'endommagement parles franchissements (superstructures,
talus internes, conduites, postes d'accostage, •.• ), au calme
requis dans le plan d'eau abriti.
b) Le dimensionnement des carapaces est fondi sur des analyses
sommaires de r'équilibre "graviti - trainie - encastrement" d'un
bloc, codifiies après de très nombreux essais sur modèle et
assorti d'une_ multitude d'autres considirations : disponibilite
en blocs naturels et artificiels, qualification de la main d'oeu­
vre, engins de chantier**, moyens de riparation, •••

* Cf. les Actes du Il 3ème Colloque Ginie Ci vi 1 et Recherche l i ­


Paris 1987 - Thème 4, exposé A1 de MM. P. ARISTAGHES, M. CARTIER,
P. GALICHON, A. PARISOT.
** Le projet des jetées de GHENNOUCH (port commercial de GABES)
·tenait autant compte du régime de l'agitation que du recours
massif. •• aux charrettes à ânes pour le transport des enroche­
ments.

- 63 ­
c) A l ' encontre des exemples précédents, l'impact des vagues
n'est plus le facteur principal de la stabili té des parties
d' ouvras ~s proches des fonds naturels, telles que les assises
des caissons, les bases des talus, les tapis de pied, les soubas­
sements des noyaux. A ce ni veau, des actions hydrauliques de
diverses natures combinent leurs effets : turbulence et écoule­
ments alternatifs liés aux vagues, sous-pressions et filtrations
internes, transports de masse par l'agitation, la marée, les
courants généraux. L'analyse et la modélisation de ces phénomènes
sont malaisées.
En outre, la nature et. les propriétés mécaniques des
sols de fondation impliquent, le cas échéant·, d'avoir à parer
aux risques de. poinçonnement (présence de vases), de boulance
(fonds de sable fin monogranulométrique) ou d'érosion des couches
superficielles (courants supérieurs aux vitesses d'entrainement).

d) Enfin, les tolérances dimensionnelles imposées par les engins


de chantier comme l'incertitude sur le bilan réel d'exploitation
des carrières rendent illusoires les spécifications techniques
trop ambitieuses concernant l'arrangement et la composition
des soubassements des ouvrages nombre d'exemples pourraient
@tre donnés de précisions impossibles à obteni~ en matière
d'épaisseurs minimales de couches filtres, d'angles de la base
des talus, de largeurs de butées de pied, de pourcentages tolérés
de fines dans les tout-venant, etc ...
Ces quelques ex~mples montrent que l'élaboration d'un
projet d'ouvrage maritime passe par un certain nombre de calculs
et de déterminations, plus ou moins' indépendants les uns des
autres. Pour chacun d'eux, le proj eteur dispose de références
théoriques ou empiriques et de règles de base dont la fi~bilité
n'est pas absolue et qui ne dispensent jamais de prendre en
considération nombre d'autres contraintes. Au total, et dans
un certain nombre de domaines, la situation décrite naguère
par M. BLOSSET reste d'actualité.

".4. - LES RECOMMANDATIONS DE L'AIPCN


La Commission des Lames de l'AIPCN (1970-1976) a traité
du calcul de la stabi li té des structures usuelles dans la deu­
xième partie de son rapport. Ce document met en évidence les
critères principaux de dimensionnement des différents types
d'ouvrages et formule un certain nombre de recommandations quant
à leur application pratique.
Malgré son intér@t, ce texte a eu une diffusion limi­
tée.II est utile de rappeler, en les résumant, les lignes direc­
trices sur lesquelles se sont accordés les auteurs, sous la
présidence de l'Ingénieur Général Jean LARRAS. Tous étaient
des praticiens d'une vaste expérience personnelle et, du fait
de leurs responsabilités, disposaient de l'ensemble des informa­
tions disponibles dans les pays de grande vocation maritime.

- 64 ­
11.41. - PRINCIPES GENERAUX

a) L'association de la hauteur maximale H et de la période


associée TH m consti tue l'un des meilleuF~xmoyens d'apprécier
la violence 8gs lames de tempête en un site (sous réserve d'une
détermination correcte de ces grandeurs).
b) Le choix d'un type d'ouvrage dépend directement de Ifévalua­
tion correcte des risques futurs à partir des données du passé.
c) Il est souhaitable que ce choix n'intervienne qu'après avoir
établi, conformément aux directives techniques qui leur sont
propres, l'ensemble des proj ets possible et les avoir comparés
de tous les points de vue susceptibles de devoir être pris en
considération.
c) On n'a pas bien éclairci les phénomènes qui résultent de
l'action des lames pouvant mettre hors de service les O\lvrages
côtiers. Les méthodes de calcul correspondent à de la houle
régulière et l'on ne sait pas si elles sont représentatives
de l'agitation réelle. Le choix final du type et de la conception
doit s'appuyer sur des essais sur modèles, de préférence à trois
dimensions.
e) Il est indispensable de bien distinguer, pour un ouvrage,
l'état-limite de rupture (limite d'équilibre, de résistance,
de stabili té de forme) de l'ensemble de la structure ou d'un
de ses éléments essentiels et l' état-limi te d'utilisation (en
termes d' exploi ta tion ou de durabili té) de l'ensemble ou d'un
élément essentiel. Le premier correspond à la ruine complète
et le second à des dommages réparables.
f) Il est nécessaire de prendre en compte la nature du sol pour
tous les types de brise-lames.

11.42. - CLASSIFICATION DES OUVRAGES

11 .421. - Jetées verticales : Elles sont caractérisées par un


parement externe vertical, ou presque, qui réf léchi t vers le
large la majeure partie de l'énergie de la houle et par une
profondeur d'eau telle qu'aucune lame ne déferle avant d'attein­
dre la jetée. Les dommages causés à ce type d'ouvrage (brêche,
glissements ou basculement de caissons) -qu'ils résultent de
l'action des lames sur le parement vertical ou de l'érosion
des fonds côté large- ont des conséquences si graves (coût et
durée) que:
a) Leur emploi est plutôt conseillé dans les mers à faible marée,
aux sites qui ne sont pas exposés à de trop fortes tempêtes.

- 65 ­
b) Leur dirnensionnement* est basé sur des cri tères de houles
sévères, i savoir:
. pour l'état-limite d'utilisation, la hauteur moyenne du dixième
supérieur des hauteurs de vagues, dépassé une seule fois dans
la durée de retour considérée,
. pour l'état-limite de rupture, la hauteur de lame maximale, ob­
servée une seule fois en 1,5 i 2 fois la durée de retour.

Nota : L'énoncé de ces recommandations souligne l'importance


d'une analyse correcte du régime de l'agi tation, d'autant que
la CoItimission insiste sur le "danger mortel" que représente
l'érosion des fonds, liée aux caractéristiques H, T des lames.

11.422. - Jetées mixtes

. a) Cette structure, comme la précédente, combine une muraille


verticale, ou presque, et une assise en enrochements ou en sol
naturel peu profond. La différence -mal exprimée par son appella-~
tion- réside en ce que, selon le ni veau de l'eau, les lames f-'.
se réfléchissent sur la muraille ou déferlent sur le soubasse­
ment.

Les, jetées mixtes conviennent aux mers pas très dange­


reuses, même à très fortes marées, et aux sites où la morphologie
des fonds ou de la côte limite leur exposition.

L'action des lames réfléchies étant moindre que celle


des lames déferlantes, il est conseillé de proj eter les digues
mixtes en fonction de ces dernières. Le déferlement des vagues
sur des ouvrages de ce type développe d'une' part des efforts
de type pression hydrostatigue dont le maximum dure plusieurs
secondes et, d'autr~ part, des efforts de type pression dynami­
gue courts ("gifles" de quelques fractions de seconde correspon­
dant à la compression brutale d'une poche d'air par la lame
contre la muraille) et très intenses (plusieurs dizaines de
tonnes par m:2).

L'importance relative de ces deux effets dépend de


la position des rouleaux par rapport i la muraille. Cette posi­
tion est impossible à prévoir pour toutes les combinaisons de
hauteur d'eau, pente des fonds, hauteurs et périodes des vagues.
En outre, on connai t mal les réactions de la muraille aux deux
sollici tations qu'elle subit oscillations sous les poussées
hydrostatiques et vibrations dues aux pics de pression dynami­
ques, avec risgues de résonance.

* Le lecteur pourra se reporter, pour les règles empiriques,


les méthodes de calcul et le détail des recommandations de
l'AIPCN relatives aux jetées verticales, aux pages correspondan­
tes .et i l'annexe l de la deuxième partie du rapport de la Com­
mission des Lames.

- 66 ­
Constatant la complexiti des micanismes en jeu, l'~n­
suffisance de leur connaissance, l'impossibiliti de privoir
la hauteur de lame maximale avec la pricision et sur la durée
de retour requises, le caractère schématique des méthodes de
calcul proposies (en Annexe 2), le rapport conclut textuelle­
ment :
"Le stade final des itudes en vue de l' itablissement d'un proj et
"de j etie mixte doit donc être, plus encore que pour tous les
"autres types de jeties, l'emploi systimatique du modèleriduit.
b) Avec le respect dû aux membres iminents de la Commission
des Lames~ on peut remarquer que la modélisation des phinomènes
les plus dangereux pour la stabiliti des jetées mixtes n'est
pas iVidente. Il en est ainsi pour la compression des poches
d'air, les vibrations et la risistance micanique de la muraille,
son coeff~cient de frottement sur l'assise, les réactions de
cette dernière aux sollicitations alternées et les couplages
iventuels en friquence de l'ensemble.
Il est i noter que parmi les centaines de jeties dont
la stabiliti a iti expirimentée au LCHF depuis 1948, une in~ime
minoriti concernait des ouvrages i murailles verticales pleines*.
Un nombre encore plus riduit a donni lieu à des mesures d'efforts
(ponctuels ou globaux) sur murs ou caissons et aucun à une analy­
se de la similitude des actions dynamiques des lames diferlantes.
En un peu plus de 40 annies, l'auteur n'a eu que deux
expiriences personnelles concernant le phinomène des gifles,
expiriences relatives aux consiquences effectives de ces impacts
et non i leur privision :
. i l'entrie du golfe du MORBIHAN, un ouvrage vertical sur fonds
dicouvrants (ipaisseur d'environ 4 à 5 m) perci de part en
part selon une dicoupe à peu près circulaire,
i SINES, jaillissements de dicompression i 120 m d'altitude
aux plus forts impacts des lames déferlant sur le couronnement,
digarni sur une hauteur de 20 m et finalement basculi. .
De tels effets justifient l'avertissement de l'AIPCN
"de ne concevoir et de ne calculer les jetées mixtes qu'en vue
de leur risistance aux lames diferlant~s, avec de grandes marges
de sicuriti C••• )".
Cela implique de diceler les combinaisons les plus
dangereuses et les plus intenses de tous les modes d' act~on
des lames sur l'ouvrage poussées hydrostatiques et gifles
sur le parement vertical, pressions sous la base, diferlements
sur la berme et le talus d'assise.

* Aucun ne figure dans la synthèse de la SOGREAH.

- 67 ­
D'où l'intérêt d'études approfondies et par étapes,
dès le stade d'avant-projet:
un prédimensionnement, selon différentes hypothèses (hauteurs
d'eau, hauteurs et longueurs de lames, ... ) correspondant aux
états de la mer en limite de rupture de la jetée ;
une expérimentation de la, ou des géométries retenues, avec
reproduction des conditions propres au site*, pour (1) vérifier
le prédimensionnement (stabilité, franchissement, ... ) et (2)
identifier les situations réelles les plus dangereuses ;
. un dimensionnement final corrigeant et/ou optimisant les cal­
culs -avec la marge de sécurité conseillée par l'AIPCN- à
partir des situations dangereuses ci-dessus.

Remarque : En annexes 1 et 2 du rapport AIPCN, sont exposées


plusieurs méthodes de calcul des variations des pressions stati­
ques et dynamiques et des forces en résul tant sur les jetées
verticales et mixtes méthodes classiques et anciennes
(SAINFLOU, MICHE) ou plus réc~ntes, inspirées des travaux de
NAGAI (1960-1974). Le Shore Protection Manual, à la même ~poque,
présentait la méthode MINIKIN (1955-1963), en la considérant
comme utilisable faute de mieux. Port Engineering (Per BRUUN­
1982) considère SAINFLOU comme obsolète et développe les travaux
de NAGAI et ceux réalisés autour de 1970 par LUNDGREN.

Comme déjà mentionné, l'auteur n'est pas qualifié


pour juger de ces différentes méthodes. Une réaction cependant:
toutes étant présentées comme· très approximatives et assorties
de beaucoup de réserves et d' hypothèses simplificatrices, pourquoi
ne pas appliquer la plus facile à mettre en oeuvre ?

11 .423. - Jetées à talus : La caractéristique essentielle de


ces jetées, selon la Commission, est le fait que les lames bri­
sent sur le talus et que leur énergie est pour partie dissipée
dans la structure et pour partie réfléchie vers le large.

Les jetées à tal us sont les plus répandues parce que


ce sont des ouvrages relativement faciles à construire et ripa­
rer, dont l'endommagement croit progressivement lorsque la hau­
teur des lames dépasse les valeurs admises pour les calculs
de âimensionnement. Les conséquences des inévitables incertitu­
des, voire des erreurs, dans la prévision des caractéristique·s
des houles de faibles probabilités sont donc moins catastrophi­
ques qu'avec des jetées à murailles verticales.

* Importance d'une simulation tridimensionnelle, respectant


les spectres, les périodes de pic, ••. l'incidence sur l'ouvrage,
le relief des fonds et les situations paroxysmiques.

- 68 ­
Les effets des lames sur les jetées à talus dépendent
des caractéristiques propres à l'ouvrage (poids des blocs, densi­
tés, perméabilité, cote d'arase, pentes des talus) et des para­
mètres àu milieu marin (hauteurs d'eau, hauteur période
direction - durée d'action des lames, .•. ). De très nombreuses
formules* "largement empiriques ou semi-empiriques" ont été
proposées pour dimensionner llélément principal de la jetée
à talus, à savoir le poids uni taire des blocs de la carapace
extér~eure. Les forces agissant sur ces talus étant d'ordre
essentiellement dynamique, il est surprenant que les formules
usuelles,en général établies en H3 , ne prennent pas en compte
le facteur temps (temps instantané ou accélération). De même
-et malgré les résultats de nombreux essais de laboratoire qui
en ont montré l'influence sur l'apparition et l'ampleur des
dommages- les formules les plus utilisées ne font pas interve­
nir :
• la période des vagues,
• le type de déferlement (bouillonnant, basculant, moutonnant),
les vi tesses à la montée et la descente des lames dans le
talus,
• la coïncidence dans le temps (pour lequel le terme de "résonan­
ce" a été retenu) entre l'arrivée d'une lame sur le talus
et la fin de II écoulement de la précédente vers le bas, la
pression hydrostatique provenant de l'intérieur du massif
étant alors maximale.
La comparaison des résultats obtenus avec les différen­
tes formules révèle de grands écarts, ce qui a conduit la Commis­
siori à les qualifier dlinadiquates et à souligner que :
• Cl un point de vue théorique on devrai t préférer les formules
ou figurent H et T (ou L),
• En pratique, c'est la formule de HUDSON (qui ne considère
que la hauteur des lames) pour laquelle on a le mieux détermi­
né, par des essais de laboratoire, le domaine d' applica tion.
Toutes les formules ont été établies , et la plupart ont été
vérifiées, surIes concepts et la simulation des houles mono­
chroma tiques, sans qu 1 on puisse garantir leur validi té pour
les agitations réelles. D'où l'importance, une fois encore
soulignée par la Commission, d'essais tridimentionnels en
houles irréguli~res.

11 .424. - Défenses côtières : Le rapport rappelle tout d'abord


que la validité du choix de l'emplacement et de l'implantation
des défenses côtières ne peut être garantie sans une étude préa­
lable du régime de la côte.

* La Commission des Lames en présente , 8 dans l'Annexe 3 du


rapport.

- 69 ­
Quelques recommandations tr.ès générales sont ensuite
faites. Elles sont basées sur l'existence de similitudes entre
ces structures* et les types usuels de jetée :
· utiliser les mêmes méthodes de conception,
· s'inspirer de l'expérience acquise par l'observation d'ouvrages
du· même genre,
· vérifi~r les projets par des essais de stabilité sur modèles,
compte-tenu des risques particuliers de destruction des têtes
à' épis (action des lames déferlantes, érosion des fonds par
les courants, sensibilité aux surélévations du niveau).

Des coefficients empiriques d'accroissement des poids


uni taires des blocs en musoir d'épis sont donnés, de l'ordre
de 1,25 à 1,5 en général. Enf in, en Annexe 5, les moyens de
déterminer les hauteurs des lames déferlantes sont précisés.
Ils proviennent d'essais de laboratoire, sur fonds fixes et
en houle régulière, ce qui n'assure pas une absol ue f iabili té.

Nota: La méthodologie préconisée par l'AIPCN revient i dire:


les ôéfenses ressemblent aux jetées, on peut donc les dimension­
ner de manières analogues en adoptant pour la houle de projet
la hauteur de lame déferlante.
Cela n'est pas entièrement convaihcant car les "simili­
tudes" des jetées en. mer avec les défenses côtières ne sont
pas évidentes. Par exemple dans les mers à marée où les défenses
sont construites en général sur l'estran, voire en haut de plage
et atteintes seulement à pleine-mer. De même les nombreuses
défenses constituées de rideaux verticaux sont diff~cilement
assimilables aux jetées verticales ou mixtes.
Sous une autre forme, plutôt implicite, on trouve
la situation que nous avons décrite en 2.2. de cette note. Elle
nous a conduit à conclure que les défenses côtières sont dimen­
sionnées sans règles éprouvées, avec encore moins de bases théo­
riques que les autres ouvrages en mer et plus exposées aux ris­
ques de àestruction.

* On remarquera que, par l'expression "ouvrage de défense de


côtes", la Commisson désigne les épis et les fronts de mer.
Les "défenses douces", les rechargements artificiels (comme
celui de CHATELAILLON-PLAGE) ne sont pas mentionnés dans ce
texte qui n'a guère plus de 10 ans.

- 70 ­
11.43. - LE CHOIX DU "MEILLEUR" OUVRAGE

11.431. - La position de l'AIPCN

Le texte du Rapport de la Commission des Lames ne


prisente aucun critire quantitatif -Iii i l'environnement physi­
que d'un ouvrage mari time- pour orienter le choix du proj eteur
vers tel ou tel type de structure. On remarque au contraire
le soin mis i souligner que ce choix dipend de beaucoup d'autres
facteurs, comme en timoignent les deux passages reprodui ts ci­
apris :
"La Commission estime en effet que le choix définitif du type
et des dimensions d'un ouvrage maritime ne dipend pas seulement
des caractiristiques locales des lames mais, tout autant, du
choix de l'implantation, du traci, du mode d' exicutionet du
prix de revient de cet ouvrage".
"La Commission recommande en consiquence de ne pas se prononcer
difinitivement pour l'adoption d'un type d'ouvrage qui doive
ripondre i des besoins donnis, en un lieu donni, sans avoir
itabli, puis compari, l'ensemble des proj ets qu'il doi t être
possible d'itablir conformiment aux directives exclusivement
techniques diveloppées dans le présent rapport*."

On ne trouve pas plus de pricisions dans les autres


textes ordinairement utilisis pour l'ilaboration des projets,
même ceux publiis ou remis à jour dans la dernière décennie**.

11.432. - Des motifs de prudence

a) En l'état des connaissances, les spécialistes résolvent impar­


faitement les prob~imes spicifiques du dimensionnement des ouvra­
ges maritimes et ne peuvent cerner tous les risques encourus
(Cf 11.2 et 11.3). D'oa la prudence des documents de plus large
diffusion, justifiable pour l'essentiel par
• la marge d'incertitude dans la prévision des situations extri­
males,
· le nombre et la complexi ti des formes d'action des éléments
naturels, les vagues surtout, sur les ouvrages,
l'impossibilité, même lorsque ces actions sont identifiies,
d'estimer avec une bonne pricision, par le calcul ou par des
modélisations fiables, l'intensité des efforts qu'elles dive­
loppent,
· l'inévitable limitation des it udes préli min aires, a vec les
lacunes et les impasses qui en dico ulent (en ma tièr e de géo­
technique notamment).

* Celui de ~a Commission bien entendu.


** Comme "p.ort Engineering" de Per BRUUN, le Shore Protection
Manual ou nos Cours de Travaux Maritimes.

- 71 ­
b) Quand on riflichit i l'ivolution de l'architecture des ouvra­
ges mari times dans les deux derniers siècles, on constate que
les pratiques ont éti modifiiesplus par les accidents ides
ouvrages construits et par les progrès des engins micaniques
que par l'avancement des connaissances.

Historiquement, pendant tout le 19ème siècle et le


début du 20ème, la préférence a souvent éti donnée aux murailles
verticales (jeties verticales proprement dites ou jetées mixtes).
Entre 1933 et 1955, en trois ports seulement ~ALGER, CATANE
et GENES- plus de 1500 m de c.esouvrages sont détruits. Des
hauteurs de vagues très supirieures à celle considiries dans
les projets correspondants ne peuvent plus être mises en doute.
C'est ainsi que la solution des jetées i talus, dont
la technique s'est diveloppie depuis la fin du 19ème siècle,
est de plus en plus souvent choisie. Elle répond en effet aux
besoins et aux conditions de nombreux projets, notamment en
raison de :
· la nécessi té de construire plus souvent que jadis dans des
profondeurs d'au moins 15-20 m,
les performances accrues des engins de chantier; flottants
et surtout terrestres (réalisation i l ' avancement depuis le
rivage) ,
· la mise au point d'outils et de techniques assurant une meil­
leure connaissance de l'environnement physique, au premier
chef du climat de l'agitation,
· les résultats des nombreuses recherches (un peu) théoriques
et (beaucoup) expérimentales sur le comportement des jetées
à talus sous l'action des lames, recherches codifiées dans
la formule et les règles (trop) simples examinées au chapitre
suivant,
· l'invention de formes de blocs artificiels assurant, par leur
imbrication, une stabilité de la carapace des talus égale
à celle obtenue avec des enrochements et des blocs parallélé­
pipédiques de poids très supérieurs.
Il est hors de doute qu'après 1950-1960 nous en savions
beaucoup plus que 100 ans auparavant, lorsque s'étaient édifiés
les ouvrages décrits dans les divers volumes des "Ports Maritimes
de la FRANCE". Cependant et malgré ces acquis, les disastres
de SINES, ARZEW, EL JEDID et autres TRIPOLI ou JEN-JEN obligent,
sur bien des points dont dépend le choix d'un type de structure,
i remettre en chantier les méthodes de projet.

- 72 ­
11.433. ~ Domaines préférentiels des différents ouvrages

Au total, on constaté qu'il n'a pas semblé utile,


ni même souhai table, de fixer pour les principaux paramètres
de l'environnement physique, des valeurs au-deli ou en-deçi
desquelles s'imposerait le choix d'une structure.

On peut tenter de donner un contenu plus concret aux


orientations tris générales de la Commission des Lames en propo­
sant des domaines dans lesquels un type d'ouvrage serait a priori
susceptible de mieux convenir au plan technique. En d'autres
termes, de garantir un optimum u·stabili té-coût Il à la mesure
de la fonction et de la durée de vie de l'ouvrage.
Nous suggérons de circonscrire ces domaines en carac­
térisant, comme indiqué ci-après, quatre paramètres essentiels
pour la stabilité des ouvrages :
les sols de fondations : bons ou mauvais,
· la profondeur d'eau : faible (~ 5 m), moyenne (de 5 à 20 m),
grande (>
20 m),
· le marnage: réduit (~ 2 m) ou notable (>
2. m) ,
· l'exposition aux lames : modérée ou forte selon que les pl us
fortes tempêtes susceptibles d'atteindre l'ouvrage dans sa
durée de vie ont une hauteur significative (H S v~e. ) inférieure
ou supérieure à 5-6 m.
Il. est évident que ces valeurs sont arbitraires donc
discutables, que d'autres paramètres seraient à considérer et
que, en y "mettant le prix", on peut réaliser un ouvrage d'un
type donné dans des situations a priori mal adaptées. De ce
dernier point de vue les substi tutions de sol, la fabrication
d'enrochements artificiels, l'emploi de caissons perforés type
JARLAN, le recours aux bétons alourdis, l'adoption de pentes
de talus très douces,... etc sont autant d'accommodements à
des conditions qui auraient pu orienter vers une solution autre
que celle retenue.
Malgré ces réserves, et en s'aidant des critères propo­
sés ci-dessus, on peut visualiser les conditions naturel~es
plut8t favorables à chacun des trois principaux types de jetees
et brise-lames.
Pour les défenses côtières, la di versi té des structu­
res et des cas d'emploi est telle qu' une tentative de ce genre
n'est guère concevable.

- 73 ­
a) Ouvrages sur bons sols de fondation
(JV = jetée verticale, JM = jetée mixte, JT = jetée à talus)

Exposition .................. HS vie <5 - 6 m H Vl.e


S . >5 - 6 m

Profondeur (m) •••••••••••••


<; 5 5à 20 ~ 20 ~ 5 5à 20 ~ 5
Marnage (m) ........ " . (2 >2 "2 >2 <;2 >2 -'2 >2 <2 >2 -'2 )2
- -- -- -- -- -- -- -- -- --
• • • •~
..

Plutôt (JV ? ? ?

• --- ~
favorable (-~-----

à • ---
(-------- --- • ---
• --- ~ • --- --- --- --­
(JT • ---
--- • ---
• ---
• --- • ---
• • ~ • --- • ---
• ---
~/"

h) Ouvrages sur mauvais sols de fondation


Bien des situations sont rencontries : vases non-conso­
lidées affleurantes ou sous-j acentes (comme à PORNIC), assises
hitérogènes ou lentilles occluses (comme au port des MINIMES
de LA ROCHELLE ou à LA PALLICE), sables boulants (comme aux
ports algér iens de SKIKDA et JEN-JEN), alluvions ricentes non
stabilisées (comme à BARRANQUILLA en COLOMBIE), etc •••

La sicurité des ouvrages ne peut alors s'obtenir sans


avoir recours à des solutions qui ne sont plus du domaine de
cette note* ou· sans un traitement prialable des assises • Assez
friquents sont les cas de substi tution des sols en place par
des matériaux sains : à LORIENT, à LA PALLICE, au futur port
de pêche de CHEF DE BAIE, les vases ont ité ou seront poinçon­
nies, par surcharges, jusqu'au rocher. Aux ports de SKIKDA et
de JEN-JEN, des sables boulants ont iti draguis et substi tués
par des sables polydispersés.

Une fois ces opérations effectuées on est à peu près


ramené à une si tua tion de "bon sol", avec les mêmes options
priférentielles qu'au tableau précédent.

Pour clore ce sujet, nous ferons trois remarques :


Remarque 1 : Les j eties verticales transmettent à leurs assises
des sollicitations alternies selon diverses friquences, excité~s
par les lames (choc, bourrage et piriode) et qu'une risonance
de la structure peut amplifier. Des réactions désastreuses sur
des fondations douteuses sont possible$.

* Par exemple des ouvrages sur pieux foncis jusqu'au bon sol
ou àes structures s'accommodant de portances médiocres comme
les caissons perforés.

- 74 ­
Remarque 2 : Les qualités de sols satisfaisants pour la fondation
peuvent être altérées par des courants dont la vitesse est ren­
forcée par la présence de l'ouvrage. La néces s i té d' év i ter ce
risque par des tapis d'enrochements extérieurs à l'ouvrage a
souvent été rencontrée dans des situations et des types de cons­
truction très différents :
jetées à talus concentrant des courants de' marée, comme à
ZEEBRUGE et au port iranien de BANDAR ABBAS,
mouvements orbitaires tangentiels aux musoirs en talus ou
en caissons, en sites exposés et par profondeurs moyennes,
. jets d' hélices sur les fondations de structu:res verticales,
comme les sables cohésifs des portiques des ferries de TANGER.

Remarque 3 : On rencontre, près du littoral, en eaux peu profon­


des et sous exposition modérée, des fonds de sables récents
en couverture de vases accumulées pendant la transgression flan­
drienne. En ces sites, les, jetées à talus et verticales entrai­
nent des risques de poinconnement au' niveau du toit des vases.
La jetée mixte peut constituer une solution par son poids et
~om emprise au sol moindres. Ce fut le cas à PORNIC.

- 75 ­
12 - DlMENSIONNEMENT DES JETEES A TALUS

12.1. - LA FORMULE DE HUDSON*

12.11. - LES ORIGINES DE LA FORMULE

La formule de HUDSON est cri ticable de beaucoup de


points de vue mais un usage généralisé en atteste l'intérêt
par rapport aux autres formules et fournit de' nombreux exemples
de projets réussis basés sur son application. Pour être précis,
elle 'permet de dimensionner l'élément "clé" des digues à talus :
le bloc, naturel ou artificiel, de la carapace externe.

L'origine de cette formule remonte à la publication


par IRIBARREN**, en 1948 det résultats de ses essais de stabilité
sur les modèles de plusieurs types de brise-lames en enroche­
ments. Faisant l'hypothèse de lames déferlant sur les blocs
et agissant 'perpendiculairement au plan du talus, IRIBARREN
proposa une formule reliant le poids uni taire des enrochements
à leur densi té, à la hauteur des vagues (prise en .H 3 ) , ,à la
pente du talus et à la friction des blocs entre eux.

Il est curieux de remarquer que, à la même époque,


HEDAR arrivai t à une formule du même type, mais en admettant
que l'action des lames était tangentielle au talus***.

HUDSON sui vai t le même raisonnement qu' ::rRIBARREN et


donnait en 1953 une expression équivalente, sous une forme plus
générale.

Dans les mêmes années, de nombreux chercheurs expéri­


mentaient sur modèles des jetées à talus, soit pour préciser
l'influence de tel ou tel paramètre, soit pour proposer des
formules autres ou modifiées, soit pour étendre leur application
aux blocs artificiels existants (cubes, parallélépipèdes) ou
nouvellement imaginés****.

* Les recherches furent menées conj ointement par R.Y. HUDSON


et R.A. JACKSON du WATERWAYS EXPERIMENT STATION.
** R. IRIBARREN C. étai t à l'époque Directeur des Ports de
GUIPUZCOA, province basque espagnole dont les côtes sont très
exposées aux effets des grandes houles de l'Atlantique nord.
D'oa ses recherches sur le déferlement, la stabilité des digues,
les seiches portuaires.
*** Point de vue par~agé par A. SVEE dont certains essais furent
réalisés au LCHF.
**** Comme les tétrapodes (1 954), les tetrahedrons (1956), les
tribars (1958), les blocs SVEE (1962), les dolasses (1963),
etc ...

- 76 ­
Compte~tenu de l'ensemble des acquis, HUDSON proposait
en 1 959 une formule modifiée, celle bien connue et touj ours
en usage

cot 0(

dans laquelle :
West le poids unitaire du bloc,
· üi r et we les poids spécifiques du matériau des blocs et de
l'eau respectivement,
• H la hauteur des vagues au droit·de la digue, celle-ci n'étant
pas .en place,
• ~ l'angle du talus avec l'horizontale,
• Kn le coefficient de stabilité, nombre sans dimension d'autant
pIus grand que le bloc considéré -naturel ou artificiel et
d'un poids unitaire donné- peut constituer une carapace suscep­
tible de résister à une plus grande hauteur de vague, sans
que les dommages* dépassent une valeur prédéterminée.
Remarques : Le rappel du contexte dans lequel fut élaboré cette
formule appelle quelques remarques :
a) La grande maj orité des nombreuses recherches consacrées à
la stabilité des jetées à talus, et tout particulièrement de
celles qui ont abouti à la formule de HUDSON, furent constituées
par des essais sur modèles, en canaux de houle à fonds horizon­
taux et fixes, dans lesquels étaient produites des ondes réguliè­
res. Il est juste de remarquer qu'un certain nombre d' observa­
tions sur des ouvrages réels exposés aux effets des tempêtes
furent aussi ·utilisées.
b) Pour chaque formule proposée, la part relativement minime
des analyses théoriques s'appuyait sur des hypothèses de départ
et des cheminements de pensée parfois bien différents. Malgré
cela, leurs auteurs ont été condui ts à des relations de forme
en général très voisines.
c) Comme l'a constaté la Commission des Lames de l' AIPCN, le
choix fait en faveur de la formule de HUDSON ne s'explique ni
par l'antériorité, ni par l'originalité de l'expression propo­
sée, ni par un meilleur fondement théorique, mais par le fai t
qu'elle a été l'objet d'une expérimentation systématique en
de nombreux centres de recherches. L'" invention Il des nouvelles
formes de blocs artificiels explique pour une bonne part cette
circonstance, car leurs performances ont été jugées par comparai-.
son avec les résultats obtenus pour les enrochements et interpré­
tés selon HUDSON.

* Exprimés en pourcentage de blocs déplacés par rapport à l'en­


semble de c~ux couvrant le talus.

- 77 ­
12.12. - L'IMPACT D'UNE NOUVELLE GENERATION D'OUVRAGES

La quantité oe résultats d'essais publiés dès le 6ébut


des années 1960, par les laboratoires d'hydraulique faisant
a~toritésemblait la meilleure garantie de validité de la formule
ae HUDSON pour tous les types de revêtements de talus, naturels
ou artificiels.

Il en a bien été ainsi jusqu'à la mi-décenni~ 1970,


};Jalo-ce que les proj ets et les réali sa tions restaient dans les
li&1i tes -explici tes ou implici tes- imposées par les hypothèses
sur lesquelles la formule se fondait et les conditions dans
les~uell~s elle avait été établie.'

Vers ces années, beaucoup de grands aménagements por­


tuaires furent engagés. Ils visaient au développement des pays
au Tiers-Monde comme au surcroît d'expansion des pays industria­
lisés. L'acheminement des centaines de millions de tonnes exigées
par la conjoncture, avec la contrainte de la fermeture du canal
cie SUEZ, entrainèrent l' "envol"·, déj à évoqué, des tonnages des
navires et la réalisation d'ouvrages permettant la réception
des supertankers et VLOC*.

Ces structures étaient souvent en sites ouverts et


profonès (facilités d'approche et de manoeuvres d'unités dépas­
sant les 300 m, tirants d'eau supérieurs à 30 m), donc soumis
à la pleine force des tempêtes. On ne pri t cependant pas cons­
cience gue, de divers points de vue -caractéristiques des a~ita­
tionsde faible piobabilité, force des lames parvenant aux ouvra­
ges, nature et intensi té des sollici tations sur les diverses
parties de la digue- les conditions n'itaient plus celles consi­
dérées à l'origine. On continua donc de dimensionner les digues
à talus, par le calcul et les essais sur modèles, selon les
procédures habituelles, sans prévoir les graves destructions
C:1ue l'on sait.

L'accident de SINES, par la recherche des responsabili­


tés auguel il a donné lieu**, a susci té des recherches, pas
touj ours animées d'un pur espri t scientif ique, dans au moins
cinq grands laboratoires DELFT, LISBONNE, MAISONS-ALFORT,
TORONTO et WALLINGFORD. La nécessi té d'une remise en question
àe bien des aspects des méthodes sui vies jusqu'alors a semblé
éviàente à beaucoup. La forme et l'emploi de la formule de HUDSON
posaient question, mais aussi Itanalyse du régime de l'agitation,
la condui te des essais sur modèle, le comportement des blocs
de carapace, les divers écoulements induits dans la digue, ...

* Very ~arge Ore Carrier (=Très grands minéraliers)


** A priori, pouvaient être impliqués : l'entreprise (italienne)
les Ingénieurs-Conseils et leurs laboratoires (anglais, portu­
gais, sud-africain),' le contrôle du maître d'ouvrage (Gabinete
do Area de SINES).

- 78 ­
Pourtant, plus de 10 ans après cette prise de conscien­
ce, on peut estimer que les objectifs n'ont iti que très partiel­
lement atteints. Les incertitudes iconomiques, l'arr~t de la
course aux gros tonnages, la rarifaction des grands projets
portuaires n'ont ni entretenu l' intir~t ni permis de digager
àe gros moyens financiers pour les recherches. A cet igard et
pour notre pays~ l'histoire du projet de la grande cuve de ginie
ocianique est instructive*.

12.2. - COMMENTAIRES ET MISES EN GARDE


A ce jour, rien n'a donc remplaci les formules jugies
"inaàiquates" dès avant SINES par la Commission des Lames et
celle de HUDSON reste toujours de l'usage le plus giniral.
A défaut de méthodes plus sûres, qui restent à trouver,
nous ferons quelques commentaires qui concernent aussi bien
les implications de cette formule que des aspects dont elle
ne traite pas. Nous avons classé ces remarques en les rattachant
aux paramètres que la formule fait intervenir

1 2 • 21. - LE MATERIAU DU REVETEMENT

12.211. - Influence du poids spécifique


Le poids spécifique üi (ou la masse volumique y = ü3r /g)
du matériau des blocs de carapaJt:e a thioriquement une influence
considérable sur la taille de ceux-ci puisque, toutes choses
égales par ailleurs, elle serait proportionnelle i :
Wr \ii3 e 1 (Wr - iiie ) 3 pour le poids,
We / (Wr - UJe ) pour le diamètre d'une sphère ( ou l' ar~­
te à'un cube) de m~me volume.
Avec les poids spécifiques des roches et àes bétons
~u'on rencontre sur les chantiers, une ample marge de variation
àicoule des deux expressions priciàentes :

* Des divers avatars du projet, il suffit de retenir et comparer


les caractiristiques du bassin d'essai proposi dès 1976 par
le LCHF et çelles annoncées dans le contexte de PRINCIPIA.

- 79 ­
-
U,)r
Exemple
rtBgnitude relative
des blocs :
Poids Dimension
(t/m 3 )

1 .90 Calcaire tendre* .................... 3.09 1 .18

2.25 Béton d'agrégats légers,


Calcaires moyens ..................... 1 .33 0.84

2.40 Calcaire dur,


Béton normal . . . . . .. . .. . .. . ... . . . . ... 1 .00 0.75

2.80 Granit,
Béton d'agrégats lourds ............... 0.54 0.58

3.00 Diorite,
Béton alourdi .............. .........
"
0.42 0.52

(Ainsi entre les densi tés 1.9 et 3 on pourrai t en


théorie réduire le poids et la dimension dans des rapports supé­
rieurs à 7 et 2 respectivement).
Toutes les valeurs mentionnées dans ce tableau ont
été rencontrées dans les études et les essais condtiits au LCHF,
depuis, par exemple, les calcaires coquilliers de CASABLANCA
(d = 1. 7 à 1.8 sec ) jusqu'au gabro-diori tes de SINES (d= 3
à 3.10 sur certains filons). Nous n'avons pas trouvé de désaccord
entre les. résul t~ts expérimentaux et la formule. Par contre,
dans un cas au moins (tétrapodes 12 m3 de SAFI) des endommage­
ments de la jetée principale -notamment à la tempite de février
1966- semblent pouvoir ~tre imputés au non-respect sur le chan­
tier de la densité prévue au proj et et prise en compte dans
les essais: 2,25 au lieu de 2,45.
Dans la mesure où elle est possible, une modification
du po~as spécifique -par rapport au projet initial ou aux produc­
tions des carriires locales- offre une marge de manoeuvre inté­
ressante. D'expérience, deux situations sont assez fréquentes :
a) Pour des enrochements de carapace de digues en mer et plus
encore pour des épis et des défenses frontales du littoral,
on peut souvent approvisionner en FRANCE :
. soit des calcaires de densités' voisines de 2,4,
• soit des roches dures (schistes~ granit, diorite, ••• ) de densi­
té 2,6 à 2,9 et de couleurs foncées.

* Sur certains gisements ( MAROC, EGYPTE) la roche sèche pèse


1 • 7 tlm 3 et n'atteint le poids indiqué qu'après saturation en
eau.

- 80 ­
Des conâi tions avantageuses en prix ont fai t choisir
ces dernières en bien des sites de la façade atlantique, sur
des rivages où les roches en place sont des calcaires presque
blancs et où les sables, coquilliers et calcaires, sont très
clairs. D'où un aspect peu esthitique et de nombreuses critiques,
encore qu'en ces rigions i fortes maries, les enrochements cal­
caires sont souvent noircis en moins de 6 mois, sous le niveau
àes pleines-mer, par les algues et les hydrocarbures.
b) Le cas le plus friquent d'ajustement du poids spicifique
est celui du biton alourdi pour la fabrication des blocs de
carapace :
• soit sur la totaliti de l'ouvrage quand les agrigats disponi­
bles sur place sont trop ligers,
. soit en des points singuliers ou sur des parties de digue
très exposies, où la conservation d'une densiti normale condui­
rait à des poids unitaires excidant les capacitis des engins
dfamenie et de pose.

Certains des grands ouvrages maritimes construits


depuis 1970 comportent des bitons lourds sur les tronçonstermi­
naux, les musoirs et même les talus internes, en retour des
musoirs. Le tableau ci-après en donne quelques exemples pris
dans des digues expirimenties au LCHF
Musoir SKIKDA: ••••••• Tétrapodes 45.6t ( 1 6 m 3 ) d = 2.85
Musoir SAFI: •••••••• Tétrapodes 42.4t ( 1 6 m3 ) d = 2.65
Musoir JORF LASFAR : •• Tétrapodes 58.0t (20 m3 ) d = 2.90
Carapace MOHAMMEDIA* : Cubes rainuris 58.3t (22 m3 ) d = 2.65
Musoir MOHAMMEDIA** :. Cubes rainuris 69.3t (22 m3 ) d = 3.15
* Partie fondée i - 23
** Secteur interne 90° à 180°.
Nota : Divers procédés d'alourdissement ont iti utilisis : mine­
. rais naturels (comme la barytine), cendres lourdes de traitement
des phosphates, scories métalliques, riblons, etc ••• Les teneurs
enagrigats lourds ontdipassi 50%. Dans tous les cas, àes spé­
cialistes ont itudié les risques éventuels de riactions chimiques
riduisantla iésistance, immédiate ou à terme, du béton.

-
12.212 • .;;. Les risques de rupture
La formule de HUDSON ne prend pas en compte le bris
des iliments de la carapace et ses conséquences sur la stabiliti.
On verra au chapitre suivant que les essais sur modèle n'iclai­
rent guère plus sur ce point.

Le problème est spicifique des blocs artificiels et


il se prisente sous trois formes diffirentes qu'il est plus
facile d'identifier que de calculer et de prévenir:

at Dans les carapaces constituées de blocs de forme assez élan­


cie -comme les dolasse et dans une moindre mesure les titrapo­
des~ et d'un poids de plusieurs dizaines de tonnes, il apparait

- 81 ­
à la pose des contraintes statiques fortes. Ces contraintes
augmentent lors du tassement, par la seule action des vagues
àehauteurs faibles à modérées, bien inférieures à celles prises
en compte pour le dimensionnement. Au port àe SAN-CIPRIANO
(ESPAGNE, côtes de GALICE) plus de la moi tié des dolosse de
50 t ont été cassés sans avoir subi l'effet de mauvais temps
de H supérieur à 3 m : des contraintes statiques d' extension*
avai€nt dépassé les 275 kg/cm 2 que supportait le médiocre béton
réalisé par l'entreprise. .

b) Avec certaines formes de blocs artifi.ciels et pour diverses


raisons (par exemple mauvais encastrement ou chute des blocs
voisins) certains éléments oscillent oU se déplacent, au passage
des plus fortes lames et viennent en heurter d'autres. Ce phéno­
mène· est à' observation courante sur les modèles, mais il se
vérifie en nature aussi, par l'observation des traces d'impacts
entre blocs proches ou entre blocs et couronnement.
On peut montrer par le calcul et des essais sur les
chantiers que les contraintes dynamigues résultant des mouvements
et oscillations sont la cause de nombreuses ruptures** et d'un
affaiblissement important des digues. Elles peuvent conduire,
ou à tout le moins contribuer, à une semi-ruine comme à SINES
(dolosse) ou ARZEW EL JEDID (tétrapodes) ou à de graves dommages
comme à ASHDOD (tétrapodes) et SKIKDA (tétrapodes).
c) Même si la rupture n'est pas immédiate, elle est facilitée
à terme par la répéti tion des mouvements et des chocs, selon
un processus de fatigue du béton. Cela signifie qu'une carapace
dont une fraction notable des blocs se heurtent lors des tempêtes
voit son état-limite de rupture correspondre à des hauteurs
de lames àe plus en plus faibles.

12.22. - LA FORME DU BLOC

12.221. - Evolution vers des formes élaborées


a) Les blocs artificiels dont l'utilisation en carapace des
jetées à talus est la plus ancienne ont la forme de parallélépi­
pèdes. Il n'est pas rare, dans des ouvrages encore en service
comme les jetées de LA CONDAMINE (MONACO) ou les parties ancien­
nes de la jetée d'ORAN, de trouver de très vieux blocs de ce
type constitués de "boites" en maçonnerie, fermées après remplis­
sage en tout-venant.

* Moment de flexion engenàré par un dolos en appui partiel


sur un autre.
** Cf en particulier les articles publiés sur cette question
et concernant SINES (TRAVAUX, Avril 1982).

- 82 ­
Ces blocs étaient placés un par un, en gradins étagés
(ALGER, MERS EL KEBIR), parfois avec contre-pente (MOSTAGANEM)
ou côte· à côte et formant pavage sur le flanc du talus. Leurs
poids unitaires ont atteint plusieurs centaines de tonnes (400t
à BIZERTE), l'amenée et la pose devant être faites par engiœ
flottants. Un tel dimensionnement s'explique par l'absence d'en­
chevêtrement et le faible coefficient de frottement. Par ail­
leurs, le mode de pose presque jointifs ne facilite pas l'évacua­
tion des eaux du corps central de la digue. Malgré les poids
atteints, bien des dommages ont résulté de l'expulsion des blocs
hors de la carapace par l'effet des pressions internes*.
b) Aussitôt après la seconde guerre mondiale, 'un grand nombre
de ports ma'ri times, donc de digues, étaient à reconstruire ou
à créer. Parallèlement, le perfectionnement et la motorisa tion
des engins terrestres de pose et de manutention généralisaient
la construction à l'avancement depuis la terre. En contrepartie,
ils imposaient des limites de poids unitaires beaucoup plus
basses qu'avec les bigues et grues flottantes. D'oa la recherche
de formes de blocs assurant la stabilité de la carapace en combi­
nant la gravi té, une géométrie naturellement stable à l'état
de repos et une faculté d'enchev~trement des blocs entre eux.
Il est donc logique que plusieurs des nouvelles formes
qui ont eu une diffusion notable s'inscrivaient dans un tétraè­
dre, en général régulier. C'est le cas du premier et du dernier
d'entre ces blocs, le tétrapode et l'accropode, tous deux issus
de SOGREAH.. C'est également vrai pour le dolos, le quadripod,
l'akmon, le stabit. Le tétraèdre fut même utilisé tel qu'en
sa définition géométrique, au moins une fois et en défense de
côte, à MORONDAVA (MADAGASCAR).

* Vers 1 950, un essai dans le canal de houles vi tré du LCHF


montrait,sur le modèle de la jetée P.-H. WATIER du port d'ALGER,
des oscillations horizontales caractéristiques des parallélépi­
pèdes les moins bien enserrés par les blocs vois ins sortie
de la carapace au retrait de la lame (parfois expulsion) et
rentrée à la montée.
Construite sur le même principe en 1905, les jetées de la
CONDAMINE avaient perdu beaucoup de blocs pour la même raison.
Les blocs tombés Si accumulaient en partie haute du talus du
massif de fondation et l'on constata, vers 1970, que la pente
de ce talus sous-marin était, au fil des ans, devenue plus raide
que 1/1.

- 83 ­
c) Le cube fut assez peu utilisé, malgré 11 exception notable
àe la digue nord àe llADOUR et les versions américaines de cubes
éviciés (" mo dified cube"), et ce jusqu 1à 11 invention du cube
rainuré* lors àe la construction de la digue dIANTIFER, en 1973.
Depuis, le cube rainuré a eu une diffusion à l'échelle de la
planète et il est bien dommage pour l' Ingéniérie française que
les clauses du marché d'ANTIFER niaient pas permis de breveter
cette innovation. Elle se révéla aussi intéressante sur le plan
de la facilité de réalisation que sur ceux du coat et des perfor­
mances.

Pour le
reste, l'imagination -surtout japonaise et
nor~-américaine- donna le j our à des dizaines de blocs àont
on ne trouve souvent le nom que dans les manuels spécialisés.
Qui a vu et qui sai t comment sont fai ts le Bipod, le Cob, le
Oom, le Gassho, l'Hexaleg, le Pelican, le Stalk, le Trigon,
etc ... ?

Sans le moinàre chauvinisme, on peut penser que les


Ingér.ieurs français, et notamment ceux àe la SOGREAH, ont été
à l'crigine des trois· formes de blocs artificiels qui, au plan
mon~ial, peuvent ~tre consiàérés comme àes optimums sous le
triple aspect prix-robustesse-performance, à savoir : le tétra­
t-'0de, le cube rainuré et, autant qu 1 on en puisse juger par ses
premières applications, l'accropode. Tous les autres blocs (à
l'exception de quelques mauvaises contrefaçons du tétrapode)
pêchent d'un point de vue et/ou d'un autre coat de réalisa­
tion, complexité des formes (donc de la fabrication) et fragili­
té, accélération dangereuses des dommages après le début àu
processus àe chute, etc ...

12.222. - Le coefficient de forme K


D

La formule de HUOSON ·prend en compte l'influence de


la forme des blocs sur la stabilité d'un ouvrage par le paramètre
KO. C'est un nombre sans dimension qui ~e c~~acté~ise pas ,:n
type de blocs par une valeur unique. Oes l etabl~ssement ce
la formule il avait été indiqué, pour les talus d'enrochements
expérimentés, diverses valeurs de K selon :
O
l'exposition à la houle et l'angle d'attaque K est plus
O
faible en lames déferlantes et sur le musoir,

* Cette forme fut arrêtée après un mémorable "brain-storming"


~e plusieurs heures tenu à MAISONS-ALFORT entre ingénieurs et
directeurs du PAH,des entreprises associées dans la réalisation
et àu LCHF. Il s 1 agissai t d'empêcher les cubes à faces planes
prévus dans le proj et de se paver entre eux sous l'effet des
lames. Cette tenàance était mise en évidence par les essais
du LCHF conduits en parallèle avec les opérations de chantier.
D'où l'idée des rainures, lancée par le chef du chantier Mr
Van de Sype, et dont les essais montrèrent qu'elles assuraient
Ïe coincëment des blocs et la pérennité du vrac, tout en sauve­
garàant le stock des moules déj à fabriqués. D'Où aussi le nom
de blocs VS parfois donné i cet élément.

- 84 ­
la pente du. talus K est m~ximal dans l~s pentes usu~lles
O
les plus ra~des (environ 3/2 a 4/3), ce qu~ peut s'expl~quer
par le fait qu'elles facilitent le tassement des blocs,
· le pourcentage 0 des dommages considérés comme admissibles :
K augmente avec D,
D
· le nombre de couches et la disposi tion des blocs : pêle-mêle
(ou vrac) ou placement sui vant certaines règles ou consignes
(par exemple, pour des pierres allongées, grand axe perpendicu­
laire à l'axe de la digue).

Les mêmes distinctions furent introduites pour les


blocs artificiels lorsqu'on interpréta les résul tats des essais
les concernant. Par ailleurs :
· les valeurs de K publiées de différentes sources différaient
O
entre elles, parfois de beaucoup, et variaient dans le temps,
· certaines directives, comme celle du "Corps of Engineers"
des USA ou de SOTRAMER, distinguaient les Kn. exoérimentaux
et les KD de orojet, plus faibles par souci de securiti.

Lorsque l'on considère l'ensemble des valeurs ainsi


proposées pour un même bloc, on est plutôt conàui t à la notion
d'une plage de variation de K ' dans laquelle le projeteur choi­
o
si t des valeurs hautes, moyennes ou basses selon le àegré de
sévérité des conditions auxquelles l'ouvrage sera exposé.
Nous illustrons ce qui précède par quelques exemples
relatifs à deux types de revêtements très utilisés : les enroche­
~ents naturels et les tétrapodes. On notera que:

· dans tous les cas, la carapace est en double couche,


· les enrochements sont anguleux et posés en vrac,
· les tétrapodes sont considérés comme formant un massif en
vrac pour les nord-américains (et aussi les hollandais) alors
que français (et aussi japonais) suivent un plan de pose
(SOTRAMER ou autre),
· dans les exemples a) b) et d) les dommages admis sont négli­
<
geables (D 5 %) •

a) Influence de l'exposition et de l'angle d'attaque

Situation . Section courante Musoir

Lames. . . non déf. déferlantes non déf. déferlantes

KD Enrochement · 3,5 3 2,9 2,7

K Tétrapode ... 8,5 7,5 6,5 5


D

","\.,.

(Source Corps of Engineers des USA)

- 85 ­
b) I~fluence de la oente du talus

Cotg ~ . 3/2 2 3

Lames ~ non déf déf. non déf déf. non déf déf.

K Enrochements 3,2 2,9 2,8 2,5 2,3 2,0


D
Ke Tétrapodes. 6,6 5,9 6,1 5,5 4,4 4,0

(Source Corps of Engineers)

c) Influences du oourcentaqe de dommaaes admis

Lames ................. r- non déferlantes


"
D% ....... ,- ............. 0-5:· 5-10 10-15 15-20 20-30

Ke Enrochements ....... 4,0 4,9 6,6 8,0 10,0

K Tétrapodes . .. -....... 8,3 1 0 ,8 13,4 15,9 19; 2


e
(Source : Corps of Engineers)

d) Influence de la source sur RD titrapodes

Situation ....•....•••. Section courante Musoir

Lames non dif. dif. non dif. déf.

Coros of En~ineers :
1 966 K
D
conseillé · .... 8.5 7,5 6,5 5
1968 K
e expérimenté ... 9,4
Ke conseillé ·. . .. 8
1973 Ke conseillé ·.... 8,3 7,2 6,6 5,9

SOTRAMER
K expérimenté 16 15 10 9
e
K conseillé ••••• 10,5 8,5 7 5,5
e

NOTA 1 : A propos de ce dernier exemple on notera que :

a) Les essais du LCHF ont conduit aux mêmes valeurs moyennes


que celles rapporties par SOTRAMER.

- 86 ­
bl Les f_ =~nseillis diffirent peu Dour le musoi= mais les ~carts
constati~ ~our la section co~ran~e, selon l'~poque et/c~ la
source, ccnd~:sent â des diff~rences de 20 â 30% dans le calcul
des poids unitaires selon que l'on cons~dire les vale~rs du
Corps cf E~glneerS ou celles admises par les laboratoires f=an­
çais.

c) Il en a~ été de même . .p our les KD àes dolosse, et plus t.ard


pour ceux ::lU cube rainure, selon que l'on utilisai t ou r.on les
résultats du laboratoire de STELLEN-BOSCH pour le prem:er et
du LCHF ;our le second. A notre avis,. l'expli~ation de-ces diffi­
rences r.'est pas dans une valorisation tendancieuse ~ar les
inventeurs. Elle parai t r~sul ter, dans la plupart des -=as que
nous avons observés, d'une connaissance plus ou moins bonne
des cond:' :'ions de mise en oeuvre. Elles sont mieux resoectées
par les :'aboratoires et les entreprises qui furent à l'origine
ou eurent une grande p:atique du bloc en question. De ce point
de vue, :1 est instructif de comparer, sur leurs sites :-espec­
tifs, la pose des cubes d'ANTIFER avec celles de PORT-JO!~VILLE
(Ile d'YEU) ou JEN-JEN (ALGERIE).

NOTA 2 Dans leur analyse des paramitres i:lfluençan~ ~e y. D


d'un bloc, les expirimentateurs n'ont pas explicit~ l':n~luence
du nombre àes rangies horizontales dans la carapace. !RIBARREN
avait pourtant montré que l'angle-limite de stabilit~ d'un talus
diminue, d'une manière sensible, lorsqu'on le couvre d'éléments
géométriquement semblables mais de taille de plus en plus ridui­
te. Cela slexplique par l'augmentation corrélative du nombre
des intervalles, donc des mouvements entre blocs et des =isques
de àésorganisation. Transposées au "design" d'une jetée à talus,
les observations d'IRIBARREN incitent, en eau profonde, â ne
.pas buter le pi~d de carapace plus bas que nécessaire: l'augmen­
tation du nombre des rangies horizontales d'enrochements ou
de blocs artificiels accro!t l'amplitude du tassement de la
carapace que l'on observe dans les premlères annies. :1 peut
en r~sulter une réduction danaereuse du cc~ncement ou de l'enche­
vêtrement des blocs dans des zones fortements exposées aux l~mes.

12.223. - Les fortes valeurs de KD

Apris vingt ans d'utilisation de la formule de HUDSON,


et grice â l'étude systimatique du processus de dest=uction
des digues i talus de SINE5 et autres lieux, on fit une analyse
plus réaliste du comportement des carapaces en blocs arti~iciels
réputés performants, c'est-à-dire permettant, â hauteur de lames
données~ ~ne riduction notable des poids unitaires.

En fait, les blocs à fortes valeurs àe KD =estent


stables avec un poids modéré parce qui ils mobilisent, outre
les forces àe gravité et de frottement (ou coincement), des
effets dlirnbrications. Ces derniers, â la limite, deVlennent
prépondérants, de telle sorte qulun bloc de forme élaboré, comme
le dolos, est autant ou plus stabilisé par son enchevêtrement
avec les blocs voisins que par sa masse.

- 87 ­
Or, l'édification d'une carapace n'est jamais uniforme
(surtout dans les parties mises en place sous l'eau). Dis l'ori­
gine, et en raison des irrégulari tés de pose, il se trouve des
aires de moindre imbrica tion et des blocs soumis à de fortes
contraintes sta tiques. On a d ' ailleurs observé, en modèle et
en nature, que le tassement naturel n'a pas toujours pour effet
d'homogénéiser l'architecture de la carapace:
· les chutes de blocs mal imbriqués à la construction ne sont
pas rares,
· le remaniement de la carapace étant plus rapide et accentué
autour du niveau moyen, la liaison avec les blocs peu sollici­
tés situés en tête de talus devient lâche. .

Par la sui te, dans la vie de l'ouvrage, lorsque les


condi tions naturelles surpassent celles prises en compte pour
le proj et et les essais (lames de hauteurs maximales, périodes
apparentes exceptionnelles, agitation de très faible probabilité,
surcotes du niveau marin, •.• ) la désorganisation d'une carapace
en blocs de ce type peut s'amorcer en un court laps de temps
et les dommages se développer plus rapidement que sur un talus
couvert d'enrochements ou de blocs "gravitaires".

Hormis les destructions liées à la mécanique des sols


-dont on ne trouve pas beaucoup d'exemples*- ces extremums de
sollicitations résultent des effets d'une lame ou d'une séquence
de lames exceptionnelles :
• soit par leurs hauteurs,
• sbit par la combinais on des hauteurs et des périodes aSSOC1ees
aux lames de la séquence (exemple : le phénomène de larésonan­
ce évoqué dans les pages gui précèdent),
• soit par lacoIncidence d'arrivée sur les digues de deux systè­
mes de vagues, le cas le plus fréquent étant celui d'une houle
forte qui coexiste près des côtes avec la mer de vent d'une
tempête locale,
· soit pa~ un accr0issement des hauteurs des lames par concentra­
·,
t 10n d''''
. energ1e nue ~ Cles p h'"
'..:1 .... ..:1..
.~nomQnes _.e rc... ...ç: rac t'10n e""
~ ~I ou '_.1_-
..:1'4=

fraction,
• soit par une géométrie de l'ouvrage qui intensifie l'action
des lames sur la carapace en particulier les couronnements
verticaux faisant saillie sur la berme de tête.

Si la succession des vagues exceptionnelles -ou quel­


qu'aléa lors de la pose- empêche la reconsti tution en un temps
très court (de l'ordre de quelques dizaines de secondes) d'un
nouvel enchevêtrement, des dommages hors de proportion avec
ceux correspondant à la houle agissant sur l'ouvrage peuvent
survenir en une ou deux heures.

* Il n'est pas rare par contre que, sur un défaut de la fonda­


tion (lentille de vase, sables boulants •.. ) ou du massif d'assise
(extès de fines dans le noyau), des glissements de carapace
d'extensions limitées se produise~t.Dès la construction, et sans
conséquences graves, cela fut observé sur les tétrapodes de
20 m3 de JORF LA5FAR.

- 88 ­
c'est une des raisons pour lesquelles nous avons insis­
té, dans la deuxième partie de cette note, sur l'intérêt d'une
meilleure connaissance des "pics" des tempêtes et de la distinc­
tion entre houles et tempêtes "ennales" le paroxysme d'une
tempête, dont la fréquence d'apparition est -par exemple- de
l'ordre de 1 fois en 10 ans peut atteindre un niveau de hauteur
des lames correspondant à une houle de calcul d'une durée de
retour de 50 à 100 ans. Ce paroxysme peut provoquer le àésenche­
vêtrement, sur une lame et des périodes exceptionnelles, et
durer ensuite les quelques heures suffisantes pour que le cumul
des dommages soit catastrophique.

Un bon critère de jugement des types d~s blocs artifi­


ciels à risques est le rapport des hauteurs des lames correspon­
dant respectivement aux itats~limites de rupture et d'utilisation
(Cf. les recommandations de l' AIPCN). A mi - 8 5, les valeurs sui­
vantes avaient iti proposies :
1,7 pour les enrochements naturels (blocs gravitaires),
1,4 pour les titrapodes (bon compromis entre poids et enchevêtre­
ment) ,
1,15 pour les dolosse (pridominance de l'enchevêtrement).

NOTA On remarquera, avec le Pr Vasco COSTA, que le caisson


:
dl une digue verticale qui se renverse sur une lame donne un
exemple de la valeur 1 du rapport.

12.23. - LA PENTE DU TALUS


La recherche des coûts et dilais minimaux inci te à
projeter des jeties dont les flancs sont obtenus directement
par diversement des constituants des noyaux et des premières
sous-couches à partir d'engins nautiqueè et surtout terrestres :
SKIKDA, SINES, ANTIFER, JORF-LASFAR, DIKHEILA, ZEEBRUGE, ARZEW
EL JEDID, MOHAMMEDIA, DUNKERQUE, JEN-JEN pour les grands ouvra­
ges, mais aussi LA PALLICE, ST DENIS D'OLERON, BOURGENAY, PORNI­
CHET, NEUVILLE-LES DIEPPE, LA COTINIERE, pour des j eties pl us
modestes, illustrent ce parti.
Les ouvrages citis -presque tous expirimentés au LCHF­
ont ité projetis et/ou rialisis par des inginiéries et des entre­
prises allemandes, belges, britanniques, espagnoles, françaises,
italiennes, nord-américaines, portugaises,... Cela montre l'ac­
ceptation très ginirale de ce type de structure à talus raides.

Outre son intirêt quant à la rapidité d'exicution


et au prix de revient, il prisente un grand avantage au plan
structurel : avec des pentes de 4/3, 7/5, voire 312, la conjugai­
son des sollicitations de la houle et· de la graviti facilite
les mouvements vers le bas des blocs mal posis ou digarnis par
la chute d'un voisin. Les risques de "trous" dans la carapace
sont ainsi réduits et l'entretien est faciliti, les rechargements
se faisant surtout en tête de carapace. Comme nous l'avons signa­
li, cet auto-tassement des carapaces posies sur talus raides
explique les plus fortes valeurs de KD qui leur sont attribuées.

- 89 ­
A propos de ces jetées, on doi t cependant faire une
remarque et faire état d'une discussion entamée il Y a une dizai­
ne d'années et qui reste ouverte.
a) La remarque a trait à leur pouvoir réfléchissant, assez élevé.
Il est de l'ordre de 30 à 35% en moyenne mais peut atteindre
et dépasser 40% pour les grandes lames de longues périodes (cam­
brurefaible) et les revêtements compacts. Il peut en résulter
deux inconvénients :
. Le ressac est accru à proximi té de la jetée, par formation
d'une sorte de clapotis partiel, avec des noeuds verticaux
accentués. Outre l'incidence déjà mentionnée sur les franchis­
sements . et la stabilité, ce phénomine est' gênant dans les
ports où le chenal d' accis longe la digue, ainsi que pour
les petites unités qui la contourne .
. Aux noeuds horizontaux du ressac, les vi tes ses sur le fond
et, par suite les risques d'érosion sont augmentés.
Le tableau ci-dessous, déduit des expériences, déjà
anciennes mais toujours profitables, de GRES LOU et MAHE* montre
qu' aux cambrures de lames usuelles par mauvais temps (C# 5%),
le coefficient de réflexion sur un talus rugueux ne décroît
de maniiresensible qu'aux pentes plus douces que 3/2.
Coefficient de réflexion (approx.) d'un talus rugueux (blocs
en vrac)

Pente Coef. en %

Verticale 43
1/2 40
1/1 37
3/2 34
2/1 20
3/1 10

NOTA :Si l'on considire qu'un plan lisse aun coefficient sensi­
blement double, on comprend que les perrés maçonnés inclinés
à 1/1 ou 3/2 ne pouvaient pas avoir une influence plus favorable
que les murs verticaux sur la conservation des plages.
h) La discussion a été engagée, après. SINES et ARZEW EL JEDID,
par des ingénieurs et universitaires hollandais et belges, plus
habi tués aux jetées en faible profondeur, dans lesquelles un
talutage en pente douce n'entra!ne ni difficultés techniques
(du type portée excessive) ni surcoûts inadmissibles (le volume
du corps de digue auqmente comme le carré de la profondeur).

* Réflexion dl une houle sur un plan incliné par L. GRESLOU et


Y. MAHE - Sème Coastal Engineering - Grenoble 1954).

- 90 ­
Sur la base d' hypothèses plausibles, mais non véri­
fiées, ces spécialistes proposaient d'expliquer les dommages
par des ruptures d'équilibre des massifs : les pressions et
les écoulements induits dans les corps de digue auraient provo­
. qué des glissements atteignant le noyau et emportant carapace,
sous-couches et butée. Dans les deux cas cités*, la démonstration
n'est pas convaincante car les butées furent retrouvées en·place,
sous les éboulis de la partie haute du talus. Par ailleurs,
bien que rapides, les destructions furent progressives, ce qui
s'accorde mal avec l' hypothèse d'un effondrement, c'est-à-dire
d'un quasi-instantané.
Cependant, même si la matérialisation du risque n'a
pas été prouvée, le problème reste posé. Il est de première
grandeur pour les jetées en eau profonde car il pourrait entraî­
ner une révision du mode de réalisation des talus. A la limite,
cela pourrait signifier un regain d'intérêt pour les digues
verticales et mixtes.

* SINES et ARZEW ELJEDID.


** Sous l'impulsion du STCPMVN d'une part, des lvlinistères de
l'Industrie et de la Recherche d-autre part.

*** En coopération avec le Laboratoire des Ponts et Chaussées


de CASABLANCA qui avait fait une première tentative d'instrumen­
tation de digue à JORF LA5FAR (carapace en tétrapodes) en 1981­
1982. ~

- 91 ­
12.24. - LA HOULE DE PROJET

Cette expression, courante en FRANCE, n'est ni pricise,


ni exacte. La terminologie anglo-saxonne, à savoir "design wave
height" (c'est-à-dire hauteur de lame de calcul) est mieux appro­
priie à la pratique courante car elle implique qu'on peut dimen­
sionner"une digue en caractirisant l'agitation par le seul para­
mètre hauteur. C'est bien le cas des digues à talus, puisque
la quasi-totaliti des formules proposies -celle de HUDSON en
particulier- ne font intervenir que cette grandeur. On a vu
que l'explication riside dans la genèse de ces formules, fondies
sur les risultats d'essais sur modèles de talus en enrochements
alors qùe :
. il est aviri que ce rev~tement est moins sensible à la piriode
des lames que les carapaces en blocs artificiels imbriquis,
. il ne semble pas que l'intervalle des piriodes pris en compte
dans ces essais ai t atteint, en valeurs hautes, les piriodes
associies aux vagues exceptionnelles des houles ocianiques l
soit 18 à 25 s environ

D'o~ les commentaires qui suivent

12.241. - L'importance d'un bon choix


On peut dijà noter que la hauteur de lames intervenant
à la puissance 3, il y a l e plus grand intirêt à faire le "bon
choix" : une erreur par difaut de 1 0 à 15% sous-dimensionne
le poids unitaire d'environ 33 à 50%, avec les risques correspon­
dants d'instabiliti ; la même erreur par excès augmente d'autant
(10 à 15% ) le volume total des enrochements ou du béton dans
la carapace*.
Or, il est de nombreux cas o~ la pricision atteinte
sur la ditermination des hauteurs de vagues, aux faibles proba­
bili tis d' occurence, n'est pas meilleure. La preuve en a été
donnée lorsque le volume des informations recueillies par enre­
gistreurs de houles, observations des navires, modèles de cal­
cul des itats de la mer, etc ••• a permis d'actualiser les statis­
tiques antirieures.
Le LCHF a fait des analyses de ce type pour des sites
du PORTUGAL, du nord de l'ESPAGNE et du MAROC, de l'ALGERIE,
du LANGUEDOC, ••• Dans presque tous les cas, des sous-estimations
d'un ordre de grandeur supirieur à celui pricédemment ivoqué
ont éti cons ta ties. Le tableau ci-après, adapté d'une de nos
publications**~ pricise l'importance des corrections et leur
incidence thiorique (selon HUDSON) sur les poids unitaires:

* Elle riduit par contre le nombre des blocs à mettre en place,


donc le coat non nigligeable de la pose.
** "Connaissance des houles et conception des grandes digues
à talus" - C. ORGERON - Chantiers de France n0178, mars 1985.

- 92 ­
Durée H estimé (m) Incidence
S ( %)
Région de
retour ancien révisé
(ans) H Poids
S
Unit.

) 1 3,8 3,9
Golfe du Lion ) 10 4,9 5,9 20 74
) 100 5,9 7,9 34 140
----------------------- ------- ------- ------- - - - - - - - -------
Algérie W 50
100 8,10
8 à 9 )", 2 3

IV 86
-
--------------------~-- ------- ------- ------- ------- ------­
péninsule 1 6,5 8
Ibérique 30 9,5 11 , 75 24 89
100 11 ,0 13,00* 18 65
----------------------- ------- ------- ------- ------- -------
Maroc N 1 7 , 1 0 ( 7,55
(Atlantiqu~)
10
100
9,10 <,10,00
11 ,25 -'12,85

(* 13,9 à 14,6 m selon une autre estimation).


"
~
10
15
"
~
32
50

12.242. - Hauteurs de vaques à considérer


Dans tout épisode de mauvais temps, un ouvrage subi t
les effets de plusieurs milliers de vagues inégales en hauteur
(environ 2600 vagues dans une mer de vent d'une durée de 5h
et plus de 7000 par journée dans une houle océanique). On carac­
térise cette population par les analyses statistiques et spectra­
les (Cf. 8.2, 8.3 et 9. 1 ). Mais cela ne renseigne pas sur la
granàeur telle que H ,H S ' H1L100' ••• qu'il convient de porter
dans des formules (~SON ou out autre) qui ont été établies
à partir d'essais en houles régulières.
Jusque dans les années 70, il était admis que HS pou­
vait Atre la hauteur de calcul. La thèse de ROGAN* était qu'une
houle régulière de hauteur H, . telle que H = H, conduisait aux
S
mêmes dommages. Ce qui, pour certains, a Justifié la poursui te
d'essais en houle régulière jusque dans les années 80.

En fait, bien avant l'accident de SINES, la Commission


des Lames de l' AIPCN recommandait de dimensionner les digues
à talus par rapport à H 1 '10. Depuis, l'expérience tirée des
multiples des~ructions observées, montre qu'il n'y a pas de
règle unique. En supposant la houle de projet connue, le choix
du paramètre statistique de hauteur à retenir pour le calcul
doit tenir compte de deux éléments :

* Comportement des jetées en enrochements vis à vis de la houle,


par A.J. ROGAN - Faculté des Sciences de PARIS, juin 1968.

- 93 ­
a) la profondeur d'implanta tion de l'ouvrage, exprl.mee par le
rapport de la hauteur d'eau sur le site â la hauteur des vagues
y parvenant*. Si, calculé pour H , ce rapport excède 2,5 à 3**,
il n'y a aucun écrêtement sensible des hauteurs par déferlement
au large de la jetie.

Dans ce cas, quelques vagues exceptionnelles peuvent


enclencher le processus de "désimbrication - endommagement rapi­
dell décrit en 12.223.

b) la tolérance du revêtement aux différences de hauteur entre


vagues dans l'agi tation réelle. On a vu (Cf. 12.223) que cet te
tolérance peut se caractériser par le· rapport des hauteurs de
vagu~ de ruine et de dommages faibles, rapport qui varierai t
entre 1, 7 pour des enrochements et 1, 1 5 pour des blocs artif i­
ciels très imbriqués. Même pour les tétrapodes, qui ont une
bonne tolérance vis ~ vis de la variabili té des hauteurs de
. lames , le rapport H . . / H f ' bl . est infirieur à celui
rul.ne d om. al. es
de H1 / 100 (ou Hmax ) / H .
S
Il serai t donc prudent, pour les ouvrages en grande
profonàeur relative, de choisir une hauteur de projet H o'
telle que son rapport aux vagues les plus hautes d'une agitRt16n
réelle caractéris~e par H ne soi t pas trop inférieur à celui
de Hd ·om.. f al.'bl es a H . •
s
rUl.ne
Cela conduirait au tableau suivant, qu'il faut Dien
sOr considérer comme indicatif.

* Il s'agit donc d'une valeur relative qui n'implique pas néces­


sairement de grandes profondeurs .. avec 3 m de houle et 10 m
d'eau en moyenne, la jetée de LA ROCHELLE-PALLICE est plus "pro­
fonde" que celle de MOHAMMEDIA (fonds de 18-20 m mais vagues
de 10-12 ml.

** Valeur établie en admettant les rapports suivants :


1,3 entre hauteurs des vagues au large et au déferlement
1,3 entre profondeur d'eau et hauteur des vagues au déferlement
1 , 7 à 2 entre hauteurs maximales et significati vesde la houle
de projet.

- 94 ­
HrUl.ne
.

Bloc Hdom. faibles H


proj.

Enrochement 1 ,7 HS
Cube rainuré , ,5 H1 / 10
Tétrapode 1 ,4 H1 '10
Dolos 1 ,15 H, /20 à H,/50

12.243. - La prise en compte des tempêtes réelles


a) La houle de projet est, en fait, une hauteur de vague censée
correspondre à la probabilité dl occurenceattachéeà une durée
de retour de "n" années ainsi qu' àun taux de dommac;es admissi­
bles choisis en fonction de différents critères : duree de servi­
ce de l'ouvrage, fiabilité des estimations statistiques, possibi­
lités d'entretien et' de rép1aration, ampleur des pertes qui se­
raient causées par la ruine de l'ouvrage, etc .••
Il est d' usage que la hauteur de vague retenue pour
caractériser cette houle de projet corresponde à une valeur
qu'on estime devoir être atteinte, ou dépassée, pendant 24 h
en durées cumulées sur les lin" années de la durée de retour
considérée. C'est ce que nous avons appelé la "houleennale".
b) L'analyse par le LCHF de dizaines de tempêtes réelles a montré
que, si l'on considère des probabilités d'occurence du même
ordre, les hauteurs des lames dépassent notablement, et pendant
un temps appréciable, celles déterminées selon la méthode des
24 h cumulées.
Dans le cas de SINES (Cf. 9. , ), aux plus forts de
la soixantaine de tempêtes de la période , 973-' 979, il s'étai t
proàuit des épisodes continus de plusieurs heures au cours des­
quels les hauteurs des vagues étaient supérieures :
• DI une part à celles atteintes ou dépassées pendant 24 H en
continu lors de chacun de ces mauvais temps réels. Ce résultat
est évident mais l'écart constaté ne l'était pas : il corres­
pondait à des durées de retour dans le rapport' à '0 environ •
. D'autre part, et c'est le plus important, à celles caractéri­
sant les valeurs d'équivalentes probabilités atteintes ou
dépassées pendant 24 h en durées cumulées •

.- 95 ­
c) La simulation, sur des mod~les de jet~es i talus, de temp~tes
r~elles pr~sentant ce type de paroxysme a confirm~ que la dur~e
et l'intensit~ de ces derniers ~taient suffisantes pour engendrer
des dcmmages sup~rieurs i ceux observ~s avec la hauteur de houle
d'occurence équivalente et d~finie selon la m~thode usuelle.
Ce risque est plus i craindre pour les carapaces àe
faible tol~rance aux vagues exceptionnelles. Pour longtemps
sans doute, sa v~rification ressortira du domaine des essais
sur mod~les physiques. Dans l'infinie vari~t~ des situations
r~elles, on n'a pas encore discern~ les cri t~res de pr~vision
des taux d'endommagement correspondant i des couples "hauteur­
durée d'action" diff~rents mais de probabilit~s comparables.
Lorsque l'on dispose d'infor~ations sur le d~roulement
des temp~tes r~elles*, il serait prudent d'~valuer, lors des
calculs de dimensionnement, les surcroîts de dommages auxquels
pourraiètconduire les paroxysmes.

d) Cette vérification ne peut~tre qu'approximative. Elle serait


i conseiller dans les cas suivants :
. ouvrages i hauts risques : grandes profondeurs, sites exposés,
pertes induites élev~es en cas d'endommagement,
. carapaces en blocs artificiels imbriqués,
tempêtes i paroxysmes marqués et durables, par exemple dans
les sites où la conjonction de deux syt~mes d'agitations est
fréquente.

En pratique, on peut envisager deux calculs succes­


sifs :
Le premier serait un dimensionnement classique selon HUDSON,
av-ec une houle de projet correspondant aux hypothèses. habituel­
les par exemple H,/1 0-1 0 ans et KD de dommages négligeables.
Avec le dimensionnement ci-dessus, le calcul serait
repris avec une hauteur correspondant au paroxysme de quelques
heures, dans une temp~te d'une durée de retour proche de celle
retenue pour l'état-limite de rupture:
par exemple H,./10· -parox. 3 h - 50· ans.
On ne devrait pas aboutir i une valeur de RD impliquant la ruine.

A ti tre d' exempl e , nous donnons dans le tableau ci­


apr~s, relatif aux tempites de SINES, les valeurs arrondi~s
des hauteurs de lames avec lesquelles ces calculs auraient pu
~tre conàuits :

* Ce qui est de plus en plus souvent le cas, au besoin en recou­


rant aux modèles math~matiques àe calcul des états de la mer.

- 96 ­
1 an 1 0 ans 1 00 ans

Analyse statistique : ensemble des


données :
Hauteurs significatives, 24h en durées
cumulées 8,0 11 ,75 13,0

Analyse des plus hautes vagues :


tempêtes de 1973 à 1979
Hauteurs atteintes ou dépassées
24h en épisodes continus 7,8 11 ,0 14,2
24h en durées cumulées 9,6 13,0 16,5
1 à 3h en épisodes continu~ 11 ,2 16,7 22,0

12.3. - L'INFLUENCE ·DE LA PERIODE

La période n'intervient pas dans la formule de HUDSON.


Il en est de même dans la plupart des formules proposées pour
le calcul des carapaces.
Beaucoup, et notamment les membres de la Commission
des Lames de l' AIPCN, s'en sont étonnés : la déstabilisation
des blocs par les lames résulte en effet d'actions hydrodynami­
ques qui dépendent de la période.
Al' évidence, cette dépendance n'est pas simple. PoUr
une mëme hauteur de vagues, on peut observer que les modes de
sollicitation et les processus d'endommagement diffirent selon
la période :
Des· lames très longues auront peu ou pas d'effets en raison
du faible niveau des vitesses qu'elles engendrent et de la
dissipation de leur énergie à la fois par réflexion vers le
large et par pénétration dans le corps de digue.
• Aux périodes moyennes, les parts d'énergie réfléchies par
et absorbées dans la digue se réduisent, cependant que les
champs des vitesses dans la carapace et son assise augmentent.
Des écoulements dangereux pour la stabilité s'établissent
entre les éléments des couches superficielles, à la montée
et à la descente des lames.
• Les périodes diminuant, la cambrure des lames croît et des
déferlements de divers types se produisent sur la carapace
marne. D'oa des impacts brutaux et des chocs altérant l'arrange­
ment des blocs et entrainant des ruptures.
• Aux périodes encore plus courtes, les lames dé~erlent au large
et leur action sur la digue s'atténue.
D'où la notion, mi-empirique mi-intuitive, qu'il existe
dans chaque situation (climat d'agitation, profondeur, géométrie
d'ouvrage) un domaine de périodes dans lequel la sollici tation
de la digue est maximale.

- 97 ­
12.31. - LA CONTRIBUTION DE LOSADA ET GIMENEZ-CURTO

Hors de FRANCE, cette question a motiv~ un tris int~­


tessant travail des Prof. LOSADA et GIMENEZ-CURTO, présenté
en 1 980 au S~minaire de SANTANDER sur l"attaque par les vagues
de jet~es à talus*. Les auteurs ont interpr~té les résultats
d'essais de stabilit~ obtenus par IRRIBAREN, HUDSON, AHRENS
et r.1AC CARTNEY en les présentant sous la forme de graphiques
liant deux paramètres :
· La Fonction de stabili t~ 'iJ, que l' on d~ri ve de la formule
de HUDSON en l'écrivant:
W = ~v- H
3
Y/ (('W;:/~cJ - 1 ] ~
'tJ, ~gal à 1/KD cotgt( selon HUDSON, est une fonction
implicite de la pente du falus, des caract~ristiques de l'agita­
tion, de la profondeur, du taux de dommages admis, du type de
rev~tement. Ce qui peut s'icrire, en utilisant des variables
adimensionnelles
y = f (Di, HIL, d/L, D, bloc)'
plnte
agitationl
r '1'
dtmmagesf
profondeur
revêtement
(On remarque que W croît avec ty, donc qu'aux grandes valeurs
de ~ correspond une moindre stabilité •
. Le Nombre d' IRIBARREN, déj à mentionné à plus':"eurs reprises,
est le second paramètre consid~ré soit: IR = T3~/ VH/L

pTnte hl1e
Quanà la profondeur et le type de bloc sont fixés, 'iJ ne
dépend plus que de 0<. et H/L pour le seuil d' appari tion des dom­
mages. D'où l'intérêt de présenter les r~sul ta ts sous la forme
des 9 ra phes ~ = f (IR).

Dans les travaux exploi tés par les deux spécialistes


espagnols, les fonctions de stabilité sont effectivement maxima­
les autour de IR = 3 à 4.
Ainsi '. pour des. enrochements expérimentés par HUDSON et pour
la pente usuelle de 3/2 (soit tg~ = 2/3) des maximums de ~ sont
trouvés pour 2,5 < <
IR 4,5. Avec une hauteur de vagues de 8 m,
cela correspond à peu pris à 112 m<L <360 m, soit au large
intervalle de période de 8,5 à 15 s.

Mais la dispersion des points exp~rimentaux est grande,


les pentes considérées souvent peu usi ties (cotgD( = 2 à 5).
La conclusion la mieux assurée que l'on retire est la confirma­
tion de la "tol~ranceIl des enrochements aux variations de la
période.

* L'essentiel de la communication est repris en annexe 5 de


l'ouvrage du LNH déj à ci té "Le Dimensionnement des digues
à talus).

- 98 ­
Nos collègues du LNH ~~t utilement fait figurer, sur le graphi­
que en' question, l'horizontale r~prisentant la,valeur de ~ selon
la formule de HUDSON, soit 1/k cotg ~ et en deduisent que cette
D
formule "intègre la piriode en se plaçant du côté de la sicuri­
té". Ce qui est vrai pour les enrochements, mais qui n'est pas
prouvi pour les blocs artificiels* et ne garantit pas un optimum
iconomique.

12.32. - LES ESSAIS DU LCHF

Le LCHF a abordi le problème de l'influence de la


pir~ode sur la stabiliti des dolqsse et des blocS cubiques rainu­
ris, lors d'itudes bien rep~isentatives d'ouvrages riels:
a) Dolosse : A l ' ~ë~"a'sIon~"-des -"recherches concernant SINES, il
a ité mesuri, avec des dolosse de 42 t (16 m3 ) :
· sur le site, leur vitesse de chute dans l'eau, trouvée igale
à 7 mIs (bloc isolé) ou 8 mIs (groupe de blocs),
.au laboratoire, sur un modèle de la digue, les oscillations
de la surface libre induites dans la carapace par des ondes
rigulières de 14 - 16 - 18 et 22 s de périodes.

Il a été constaté que :


· Pour certaines valeurs "hauteurs-piriodes" des vagues la compo­
sante ascensionnelle verticale de ces oscillations atteignait
et "dépassait la vitesse de chute des dolosse. Il y avait alors
"envol" et désorganisation de la carapace.
• Cette situation survenait avec des hauteurs de lames de seule­
ment 10-11 m aux période~ 16 et 18 s, contre 14 m à la période
de 14 s et jamais âla période 22 s.

Ainsi étaient mises en ividence la sensibiliti des


dolosse à une destruction' de 'leur enchevêtrement et l'existence
d'un intervalle de périodes critiques, assez itroit et situé
au coeur des valeurs de ce' paramètre observies dans les grandes
tempêtes océaniques.

On remarquera "gu "à' la situation critique "H = 11 m,


T = 16 s", la pente du talus des dolosse de SINES itant 3/2,
le nombre d'IRIBARREN vaut 4.
b) Blocs cubig~es 'rainur~s'~~~ A l'initiative du Service Technique
Central, deux sêries de recherches ont éti condui tes au LCHF
sur des mod~les de talus pratiquement indéfinis (pas de franchis­
sements), de pente 4/3, couverts de blocs cubiques rainurés
(125 9 l'unité), posés en double couche sur grands fonds horizon­
taux (d# 0,6 m soit d/H> 3 env.) et soumis à des ondes réguliè­
res, sous incidence normale,.

* Pour diverses raisons, en particulier les pentes peu usuelles


expirimentéeS! pour les tétrapodes, les blocs cubiques et paral­
lélipidèdiques .,

. .. . ..•. ~ ,-." ~, .

- 99 ­
Le premier modile a permis d'analyser le processus
cumulatif d'endommagement global du talus, les hauteurs des
vagues croissant par paliers.

Sur le second, de mêmes caractéristiques mais rendu


indestructible par solidarisation des blocs entre eux, les ef­
forts exercés par les lames étaient enregistrés sur un groupe
de 4 cubes de la couche externe, situé un peu au-dessus du niveau
de repos.

Les résultats obtenus ont été exposés par les respon­


sables des études, MM. J. CARPENTIER et F. BROSSELARD-FAIDHERBE
au Colloque de la SHF d'Octobre 1985. Ils sont traduits en dimen­
sions, en faisant l' hypothise d'une simili tude géométrique au
. 1/50."

On retiendra que :
. Les essais d'endommagement progressifs ont confirmé l'existence
d'un intervalle de périodes dans lequel on observai t un taux
de dommages donné avec de plus faibles hauteurs de vagues.
Ainsi, un taux de 5% a été obtenu avec des hauteurs de
5,50 m a u x piriodes 10 et 12 s,
6,75 m aux périodes 8 et 14 s,
7 à 7,5 m aux périodes 16, 20 et 25 s.
Ce qui signif ie que le K effecti f chutai t, en ordre
de grandeur, de 12 à 6. L'intervalleD 10-12 s, signalé comme
dangereux par les auteurs *, correspond à des valeurs du. nombre
d'IRIBARREN voisines de 4 et à des destructions liées à l'action
de lames déferlant sur le talus.
A la période 20 s, "la ruine est intervenue par fluidi­
sation de la carapace, sans relation avec les déferlements",
donc de la même manière que· lors des essais de SINES rappelés
ci-dessus. La hauteur des lames était de 9,5 m~
• L'enregistrement des efforts, sur des blocs d'altitude un
peu supérieure à celle du niveau de repos, a montré que "l'ins­
tabilité résulte du retrait de la lame qui produit l'équivalent
d'une déviation apparente de la pesanteur ( ••• )". En d'autres
termes, la trainée hydrodynamique du bloc due aux écoulements
du retrait de la lame était orientée vers l'extérieur du talus,
selon des directions voisines de l'horizontale. L'angle de
la résultante du poids du bloc et de cette trainée a atteint
des maximums de 35 à 40 0 aux périodes dangereuses. Cela peut
être interprétée comme un raidissement fictif de la pente
du talus, jusqu'à atteindre des valeurs pour lesquelles le
massif n'est plus stable.
Par contre, à la montée de la lame et à l'alti tude
considérée, la résultante poids-trainée avait pour effet d'appu­
yer les blocs sur le talus.

* Voir la remarque 2 en fin de ce paragraphe.

- 100 ­
Rernargue 1 : Pour une cause non précisée, la seconde expérimenta­
tion hl a pas reproduit les condi tions d' "envol" observées dans
la première et sur le modèle de SINES.
RerrLarque 2 : La transp.osition des résultats à l'échelle 1/50
étai t arbi traire. En fait, les modèles ont montré une moindre
stabilité ée cubes rainurés pesant 125 g, sous l'effet de vagues
Cie hauteur 0,2 m environ et de périodes 1,4 à 1, 7 s. Ce qui
con6uirait, à d'autres échelles usuelles, à Ges valeurs en nature
autres et tout aussi valables àans une similitude de FRaUDE.

Echelle 1/25 1/50 1/80

Poids (t) 2 15,6 64

Périodes (s) • 7 à 8,5 10 à 12 12,5 à 15

Hauteur (m) •• 5 10 16

Une interprétation adimensionnelle serai t souhai table.

12.33. - CONCLUSIONS PROVISOIRES

Au total, nous retenons de ces recherches les idées


suivantes :
a) Deux processus d'endommagements ont souvent été observés
lors des essais :
• par effet brutal (chocs, impacts, pointes de vitesse) de défer­
lement par effondrement,
· par effet de portance (envol, fluidisation) non lié à des
àéferlements mais à l'ascension de l'eau dans la carapace.
b) Dans chaque cas, une influence àe la période a été constatée :
• Pour le premier, les périodes dangereuses sont réparties dans
un large intervalle, surtout pour les blocs de type "gravi­
taire" enrochements, blocs cubiques, tétrapodes. En ordre
de granàeur cet intervalle (10-16 s) correspondrait plutôt
aux paroxysmes de mers de vent· de tempête et de houles levées
sur des fetchs point trop étendus. La formule de HUDSON, avec
les valeurs conseillés pour K et sous réserve d'un choix
correct de la hauteur de la houlle de proj et parait bien adap­
tée.
· Pour le second, et pour un ouvrage donné, les périodes à ris­
ques seraient plus longues que les précédentes et correspon­
draient à des "accords" plus pointus entre hauteur et période
des lames. Il n'est pas évident que la formule de HUDSON soit
alors bien adaptée, ni que les valeurs dites critiques du
nombre d'IRIBARREN englobent ces situations.

- 101 ­
c) Il n'est pas possible de fixer des bornes absolues aux inter­
valles de périodes dangereuses car d'autres paramètres que la
hauteur et la période des vagues interviennent : la profondeur,
la pente du talus, la perméabilité de la digue, la nature, l'ar­
rangement et la masse des éléments de la carapace, ...
Si l'on se réfère aux essais de J. CARPENTIER, en les interpré­
tant à différentes échelles, on constate un étalement des zones
dangereuses, avec la variation concomitante de la profondeur
et de la masse des blocs, sur toute la largeur de bande des
vagues de tempête :

Masse périodes dangereuses


des Prof. Déferf. Portance
blocs

Hoéèle : . . .. . . . . . . . 125 g 0,6 m 1, 4 à 1,7 s 2,8 s

Nature :
1/25 · ....... 2 t 15 m 7 à 8 s 14 s
1/50 · ....... 15,6 t 30 m 10 à 12 s 20 s
1/80 · ....... 64 t 48 m 12,5 à 15 s 25 s

d) Dans la mesure oa la succession de plusieurs lames de caracté­


ristiques H, T égales à, ou voisines de celles des condi tions
critiques est nécessaire pour provoquer des dommages (encore
que l'envol ait été observé sur une ou deux lames seulement)
les houles, structurées en trains d'ondes pseudo-réguliers,
sont potentiellement plus dangereuses que les ~ .

12.4. - ASSISE ET COURONNEMENT DES TALUS

12.41. - REMARQUES PRELIMINAIRES

L'observation a été faite (Cf. chap.11) que le dimen­


sionneme:lt de chacune des parties d'une jetée à talus sui vai t
des règles qui pouvaient être indépendantes de celles relatives
aux autres parties, puisque dédui tes d' études distincte~ d' ail­
leurs plus empiriques que théoriques.
Pour mieux mettre en évidence les résultats cherchés,
ces expériences cnt souvent été conduites en éliminant l'inter­
férence possible avec d'autres parties de la structure, au prix
de simplifications àiscutables.

- 102 ­
Le problème central des jetées à talus, à sa voir la
stabilité de la carapace extérie~re, est un bon exemple de cette
"parcellisation" des recherches, qu'on voit d'ailleurs mal com­
ment éviter. Les nombreuses formules élaborées pour le résoudre
ne tiennent pas compte, ou très peu, de ce qui se passe aux
limites c'est à dire aux extrémités hautes et basses de cette
carapace, à son appui inférieur et à son assise sur la pente
du talus.

Or, de ces différents points de vue, il est 'des choix


à faire et des conséquences en découlant qui ,en pratique, in­
fluencent la tenue du revêtement.· Cela concerne, pour l' essen­
tiel :
la géométrie, la composition et l'altitude de la butie de
pied,
. la granulomitrie de la première sous-couche,
. la structure et les dimensions (notamment l'arase) du couronne­
ment, avec les franchissements qui en risultent.
Malgré les recherches spécifiques en laboratoire et
l'observation, pendant des décennies, du comportement des struc­
tures réelles, tant . lors de leurs essais sur modèle qu'à leur
construction puis en service, on n'a pu dégager que quelques
règles très ginérales. Nous n'en reprendrons pas le détail qui
figure dans les bons manuels et essaierons d'y apporter quelques
compliments pratiques.
Une remarque préliminaire s'impose à leur suj et. Ces
règles font très souvent intervenir, outre la profondeur d'eau
et quelques autres paramètres habituels, une hauteur de houle.
Pour plusieurs raisons, on ne sait pas trop comment interpri'ter
cette donnée
a) Beaucoup d'expériences ont été faites en houle riguliire.
Que deviennent leurs résultats en agitation réelle ? Sur quel(s)
paramètre(s) statistique(s)de hauteur (H S ' H1 / 10 ••• Hmax ) faut­
il, par exemple, caler l~ bas d'un talus?
b) Nombre de recommandations font référence à la hauteur de
la "houle de proj et", sans autres précisions. Quel lien entre
ce paramètre qui peut avoir été choisi lors d'essais dijà anciens
et son homologue actuel, lui-même toujours en discussion (Cf.
12.24) ? Il n'est pas évident qu'on puisse appliquer à tous
les aspects du dimensionnement d'une jetée à talus les enseigne­
ments tirés -en ce qui concerne les hauteurs des lames- des
~cquis ricents sur la stabilité des blocs.

c) La stabili té des jetées à talus, considérées pour l'ensemble


de la structure, est mise en péril par des effets cumulés. Cette
propriété laisse' une marge de sécuri té vis à vis des vagues
exceptionnelles, ce qui n'est pas le cas des structures à pare­
ments verticaux. Certains problèmes de dimensionnement qui se
rattachent à l·'assise ou au couronnement du talus sont cependant
à résoudre dans l'optique d'une vulnérabili té presqu' immédia te

~ 103 ­
aux effets des plus hautes vagues. Cela est avide~t pour la
stabili té de certains couronnements et des désordres ~iés aux
franchissements.

Dans de très nombreux cas, ces dommages se sont pro­


duits en quelques heures, voire quelques dizaines de minutes*.
On y retrouve le problème de la prise en compte des vagues excep­
tionnelles, en particulier dans les quelques heures des paroxys­
mes.
Il n'est pas encore de réponse sûre aux différentes
formes sous lesquelles il se présente et, seule, l'expérimenta­
tion sur modèle. permet d'éviter de gravés erreurs.

12.42. - BUTEES DE PIED


Les règles habi tuelles "calent" l'arase de la butée
··de pied, ou plus exactement de 'l'assise du revêtement du talus,
à au moins une hauteur de houle "H" sous le ni veau minimal de
repos de la mer. Si la profondeur sur le site ne le permet pas
<
(d 1,5 H environ) le revêtement est descendu jusqu'aux fonds
naturels.
Les indications sont plus floues quant à la taille
des consti tuants de cette assise. Le CERC conseille, pour les
butées en enrochements, d'adopter un poids unitaire au moins
égal à la moi tié du poids de l'enrochement de la carapace ou
de l'enrochement équivalent au bloc artificiel utilisé. Cette
dernière recommandation débouche vite sur une impossibilitê: .
pour une densité usuelle, la moi tié du poids d'un enrochement 3
de même stabili té que des cubes ou des tétrapodes de 12 à 20 m
s'exprime en dizaines de tonnes.
En relation avec la géométrie de cette partie de la
jetée, les deux termes d'assise et de butée que nous avons emplo­
yéstraduisent en réalité deux modes de résistance aux actions
qui s'y exercent:
• des efforts de types gravi taire et hydrodynamique (descente
des lames) 'qui entrainent des tassements et glissements vers
le bas dont la résultante reste dans le corps de digue,
• des trainées hydrodynamiques d'arrachement des blocs (fin
de descente des lames et drainage du noyau vers l'extérieur)
dont la résultante sort du talus.

* Trois exemples seulement, datant respectivement de1 966, 1 978


et 1980.
le balancement catastrophique du bassin de pêche de SAFI,
avec perte de tous les bateaux au port, sous ·l'effet d'une
seiche accordée et amplifiée par les franchissements massifs
à l'arrivée des trains d'ondes
la destruction très rapide des bermes de tête des talus de
SINES et ARZEW EL JEDID, par réf lexion des plus hautes vagues
sur des couronnements très exhaussés.

- 104 ­
Dans ce dernier cas de figure, il n'est pasindiffirent
pour l'iquilibre des blocs infirieurs de la carapace qu'ils
soient :
seulement posis sur une couche horizontale formant assise
simple, selon les schimas proposis dans le manuel du CERC,
· ou bien contrebutis par un cavalier en saillie franche sur
le talus supérieur, comme illustré en page 32 et 34 de l'ouvra­
ge citi du LRH,
· ou encore ipaulis par un retournement à l' horizontale du bas
de la carapace.
Après avoir suivi les essais et/ou. le comportement
en nature de nombreuses jeties à talus, les deux dernières dispo­
sitions nous semblent prifirables, en particulier en sites expo­
sis, en eaux profondes et avec des revêtements à imbrication
faible ou moyenne (enrochements, titrapodes, cubes ••• ).
Cela suppose cependant que soient satisfaites un cer~
tain nombre de conditions
a) La vulnirabiliti du cavalier à l ' action des lames et son
incidence éventuelle sur l'attaque de la carapace par ces· der­
nières doivent être examinies de très près lors des essais.
Une attention particulière est à porter aux grandes lames dissy­
mitriques vers le bas et aux longues périodes.
b) Le dimensionnement auquel on aboutit par les essais de stabi­
lité doit toujours permettre de loger, sans difficulti pour
l'entreprise, 2 ou 3 blocs sur la risherme du cavalier ou du
retournement de carapace. Cela n'itait pas le cas avec les titra­
podes et leur butie d'enrochements dans le "design" d'ARZEW
EL JEDID et peut expliquer cet exemple, peu fréquent, d'une
butie de carapace qui ait contribué aux destructions.
c) Dans le même ordre d' idie, il faut se rappeler que le cava­
lier, comme toute autre partie de la j etie, est plus aisi à
rialiser en modèle que suI;' le site. Si le mode de construction
est connu au moment des itudes il peut être conseilli d~expiri­
menter :
· un cavalier mis en place avant la carapace si l'on dispose
au chantier .de moyens efficaces de positionnement par grues,
· un cavalier constitué après la carapace, en appui et renfort
du pied de celle-ci, si lion procède par clapage.
On notera enfin que, dans le ditail des dispositions
retenues, il règne une diversité qui difie l'analyse exhaustive.
Sur le seul point des consti tuants des buties et assises, bien
des solutions sont pratiquées. A côti de l'enrochement naturel,
qui est le matériau le plus utilisi (catigorie spiciale pour
le cavalier ou identique à celle àe la sous-couche de carapace)
on trouve :
· des blocs de même type que ceux de la carapace, avec des poids
identiques, ou plus faibles ou plus forts,
· des blocs d'un autre type,
· des enrochements artificiels en biton iclatp,
· des récupérations de blocs refusis pour la carapace.

- 105 ­
Il reste que, dans la suite des tempêtes subies par
l'ouvrage réel, le cavalier trapézoidal ou la berme d'assise
proj etés et expérimentés avec le plus de soins se transforment
peu à peu et dans la plupart des cas en épaulements triangulai­
res. Il est bon que, dès l'origine, le soubassement de l'ouvrage
ait eu une emprise suffisante pour accompagner cette évolution.
Pour illustrer la variété des situations rencontrées,
nous résumons dans le tableau ci-après, les caractéristiques
principales des pieds de talus des ouvrages de ce type présentés
dans le synthèse faite par SOG~EAH. Précisons que :
• Les. valeurs numériques (hauteurs de· houle, profondeurs,
poids, ••• etc) sont arrondies le cas échéant.
• Les hauteurs de houles sont celles correspondan~ à des dommages
faibles. Leurs durées de retour, selon les projets et les
projeteurs, s'étagent de 10 à 100 ans!
Les essais les plus récents ont en général comporté, sous
une forme ou une autre, la simulation de paroxysmes.
La date est celle des essais, mais les caractéristiques du
bas de carapace (le haut est parfois différent) et de la butée
de pied sont celles des plans d'exécution... quand ils ont
été communiqués.
Les lettres C, D, T désignent .respectivement les cubes rainu­
rés, les dolosse, les tétrapodes • Les nombres associés préci­
sent les volumes en m3 : T20 = tétrapodes de 20 m3 •
• Seuls les essais de SINES et MOHAMMEDIA ont été conàuits en
houle aléatoire ; les autres en trains d'ondes répétitifs
ou en houle régulière.

- 106 ­
Projet Conditions Bas de Butée de pied
carapace
SAFI : Hs = 9 à 9,Sm T 10 Cavalier : enrochements 2-S t,
extension non T =17 à 18s d = 2,4 arase à -7, sur tapis en TV 1 , S t <.
réalisée d =14 à 17m p = 4/3 en débord de 6 m
69 - 71 Z. = + 0,5
m~n
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -1- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -.- - - - - --.- - - -- - - - - - - -­

ANTIFER H = 6 à 10m C 10 Retour de carapace C10 (arase à -5)


Port pétrolier T S = 8 à 9s d = 2,4 posé sur berme 1-3 t en béton
71 - 75 â = 22 m P = 7/5 brisé (arase à -9) en débord de 6m
Z.
m~n
= +0,3
---------------~-------------I----------------------------------------------
AGADIR: port H S = 7 m T 16 Cavalier: enrochements 2-5 t
d'ANFA T =12 à 18s d = 2,4 (arase à -9) sur berme TV~1,5 t
77 d ~17 à 18m p = 4/3 (arase à -14)
Z.m~n
= +0,5
---------------~-------------~---------~-----------------------------------
JORF LASFAR HS = 9 à 10m T 20 Cavalier: béton brisé de 2-5 t,
Port minéra- T =12 à 16s d = 2,4 d = 2,4 (arase à -10,5) sur tapis
lier d =15 m p = 4/3 TV à -14 en débord de 12 m
77 - 78 Z. = 0
m~n
~--------------I--------------I----------I-----------------------------_-------
SIDI-IFNI H ~ 8,20m T 8 Pas de butée
Projet réduit T
S
20s d 2,4 Talus descendu au fond < =
78 - 81 d = 9 m p = 4/3
Zmin = +0,3
-----------------------------1----------1-----------------------------------­
Projet : Projet :
SINES port H = 8
S
à 11m D 18 Cavalier: enrochements 16-20 t et
pétrolier ­ T =10 à 15s d = 2,45 9-20 t (d = 2,9) sur berme à -25
jetée ruinée Révision p = 3/2 Reconstruction :
en 78 HS =10 à 13m 11
79 - 80 T =16 à 25s
d =30a-50m
. . = +0,2
Zm~n
~--------------~-----------------------------------------------------------
MOHAMMEDIA H =12
S
m C 22 Cavalier: C18, arases de -15 à
Port pétrolier T =10 à 30s d = 2,4 -18 sur berme 2 à 2000 kg (arase
82 - 83 d =20 à 25m 2,65 entre -18 et -22) en débord de 15
Zmin = +0,4 P = 7/5 à 20 m
~--------------~-------------~---------~-----------------------------------
ZEEBRUGE H = 5,7 m
S
C10 apla- Epaulement: enrochements de 3-6t,
Digue Ouest T
= 7 à 11s tis et arase à -2,5 sur 12 m et -4 sur
82 - 83 = 5 à 7m
d C 12,5* 12 m (largeur 24 m)
z. = +0,3 d = 2,4 '
~-------
m~n = 3/2
~------------_~E--------~--------------------------- _
ST GILDAS H ~ 4 m C 3,15 Cavalier: enrochements 4-6't
Port de (fames déf.) d = 2,4 (arase +0,60) sur TV à -1,5
plaisance T = 7 à 15s P = 7/5
83 d = 2 m
Z.
m~n
= +2,0

* Pose pavée très particulière

- 107 ­
Il apparait que le calage en hauteur des butées n'est
pas trop éloigné de la règle évoquée en tête .de ce paragraphe.
Par contre, les tailles des consti tuants sont très di verses,
sans justification évidente : les D18 de SINES (44 t environ)
ont été butés par des enrochements naturels de 1 6-20 et 9 .... 20t
(d=2,9) et les T20 de JORF LASFAR (48t) par des blocs de béton
brisé de 2-5t (d=2,4) !

12.43. - SOUS-COUCHE DE LA CARAPACE

L'assise, sur la pente du talus, des enrochements


naturels ou des blocs artificiels de la carapace n'a pas soulevé
àe g"rands déba ts entre spécialistes. En première analyse, il
ne semble pas qu'il Y ai tbeaucoup plus à dire sur le' sujet
Çiue le fai t que ces sous-couches sont consti tuées, en général,
d'enrochements de 0,5 à 5 t, disposés en double épaisseur et
gardant une certaine proportionnali té de poids de l'ordre de
1/10 à 1/20 avec les éléments qu'ils supportent*~

De ce point de vue, on constate que les dessins des


profils des jetées à talus protégées par des blocs artificiels
indiquent le volume de ces· derniers et le poids des éléments
de leur assise (exemple T16 sur 1-3 t pour des tétrapodes de
16 m3 sur enrochements de 1 à 3 t).Or, qu'il s~agisse du calage
des blocs de carapace OU des conditions de filtre, ce sont la
forme et les dimensions des consti tuants des sous-couches qui
interviennent plutôt que leur poids.

Selon les masses v.olumiques des roches exploitables


dans le rayon d'un même chantier, les dimensions maximales peu­
vent différer de 30 à 50%, à égalité de poids des blocs. Ainsi,
pour différents calcaires utilisables aux chantiers de MOHAMMEDIA
ou JORF LASFAR, la plus grande longueur d'un enrochement de
3 t variait entre 0,8 à 1,0 m (d = 2,7) et 1,2 à1,4 m (d = 1,6 i
1 ,7) •

L'absence de controverses sur les sous-couches vient


peut-être de ce qu'on ne peut ci ter de jetées à talus ayant
subi àes dommages g-raves par un mauvais dimensionnement ou une
réalisation défectueuse de ladite sous-couche. Il est d'ailleurs
patent que les projets, comme les exicutions, s'accommodent
de (très) larges tolérances par rapport aux règles résumées
ci-dessus. Cela est heureux car l'exploitation des carrières
vérifi~ rarement les donnies inscrites dans les spicifications.

* SOGREAH conseille environ W/15 pour les titrapodes.

- 108 ­
On peut cependant affiner un peu l'analyse en considé­
rant 'quelques aspects particulie~s du rôle des sous-couches :
a) Assise des blocs de carapace : La diversiti dans les iliments
du revêtement extérieur et dans leurs arrangements pourrait
justifier des diffirences dans le dimensionnement des sous­
couches, en taille moyenne comme en riparti tion entre tailles
mini et maxi.
Les poses "pavies", comme les talus de ZEEBRUGE ou
le talus côti port de MOHAMMEDIA (port pitrolier), sont facili­
ties par une assise bien riglie. Il serait logique qu'une sous­
couche de ce type fût de taille plus réduite, avec un éventail
granulomitrique ouvert, évitant les vides entre blocs.
Une situation analogue se prisente lorsqu'on veut
respecter un plan de pose assez pricis, dans une carapace en
blocs imbriquis. C'est le cas des dolosse (s'il s'en emploie
encore ••• ) et des tétrapodes placis selon les standards de
SOGREAH*.
A l'inverse, la pose en vrac des cubes rainuris est
facilitie par une sous-couche de taille moyenne assez forte
(1/10 en poids des cubes, soit un peu moins de 1/2 en dimension)
avec un fuseau granulométrique itroi t. Des pointes· des cubes,
entrant àans les vides entre enrochements, s'y coincent et con­
tribuent A iviter le pavage**.
b) Permiabili té et circulation d'eau On doi t regretter que,
sur cette question, on dispose de trop peu de mesures en nature
fiables, pour asseoir les hypothèses thioriques dij à avancées
ou les modélisations physiques et mathématiques dijà faites
et dont les conclusions seraient inquiétantes si elles se confir­
maient.

* Les projets et les essais hollandais et nord-amiricains font


itat de poses en vrac des titrapodes, dont il ne semble pas
qu'on ait la pratique en FRANCE.
** Résul tats mis en ividence lors d'essais d'optimisation de
la sous-couche d'ANTIFER sur un modèle physique du LCHF au 1/10.
Application sur le chantier facilitie par la "fabrication" des
enrochements de la sous-couche, en béton éclaté ("pas de tir"
contrôlable) •

- 1 09 ­
Il s'agi t de vérifier si la perméabili té de la sous­
couche (et des autres composants du corps d~ la jetée) avec
les cir~ ulations d'eau qui s' y développent, sont des éléments
importants de la stabilité globale de la structure. Certa ins
spécialistes affirment que :
· Une sous-couche trop peu perméable met en péril la carapace
en y augmentant l'ampleur et l' intensi té de l'excursion des
lames (augmentation du coefficient de réflexion et réduction
de la pénétration de l'eau dans l'intérieur de l'ouvrage).
· Un corps de digue trop perméable, favorisant les circulations
jusqu'au noyau, peut itre le stige de ruptures internes selon
des surfaces de grands glissements.
Le premier point a été soutenu, expérimentation à
l'appui, par ZWAMBORN, pour tenter d'expliquer le comportement
des dolosse de SINES. Le second a motivé plusieurs communications
et quelques recherches en nature que nous avons déj à évoquées.
Il n'est pas aisi de donner un avis motivé car :
• Les expérimentations sur modil~s physiques sont d'une représen­
tativité douteuse. La similitude de perméabilité n'est pas
réalisable aux échelles usuelles, sans artifices qui altèrent
d'autres aspects de la modélisation.
• On ne peut s'appuyer ni sur des cas réels indiscutables d'en­
dommagement de ce type, ni sur des mesures in-situ suffisantes
pour étalonner des modiles ~athématiques.
Ces questions, a priori importantes restent sans répon­
se. A moins qu'on ne considire que les rigles admises, et dont
l'expérience enseigne qu'elles s'accommodent de bien des aménage­
ments (voir tableau in- fine de ce paragraphe J, réalisent un
compromis satisfaisant.

c:) Stabili té propre : En principe, le problime de la stabili té


des sous -couches sous l'action des lames ne se pose qu'à la
construction ou apris endommagement de la carapace. Dans ce
dernier cas, soit par dégarnissement localisé apris une tempite,
soit par tassement d'ensemble dG à des cumuls de mauvais temps.
En phase de construction, la parade implique un ensem­
ble de mesures comportant :
• un systime d'alerte aux mauvais temps,
• la disponibilité de revitements provisoires,
• un faible décalage entre avancement de la sous-couche et pose
de la carapace.
Le chantier d' ANTIFER a systématisé cette planifica­
tion. Celui de JEN-JEN l'a ignorée pour le talus caté port avec
les conséquences que l'on sait.
Lorsque des "trous" se produisent dans une carapace,
pendant une tempite, il est fréquent d'observer sur les modiles
-non démentis par les comportements des ouvrages réels- que
les dommages ne se propagent que lentement dans la sous-couche.
rI reste que la réparation ne peut ~tre négligée.

- 110 ­
Cette constatation, qui étonne, trouve une explication
pla us ible dans le fait mis en évidence, pour la carapace, par
°

les mesures de BROSSELARD-FAIDHERBE : la résultante du poids


des blocs et des actions hydrodynamiques qu'ils subissent n'est
~as très oblique par rapport au plan du talus. Si l'on applique
ce résultat à une portion dégarnie de la sous-couche on peut
penser que, dans la situation la plus défavorable (descente
de la lame) lorsque la résultante sort du talus , une assise
stabilisatrice est fournie par les éléments de carapace restés
en place sous le trou. Ce n'es~ évidemment pas le cas d'un élé­
ment de la couche externe de ladite carapace.
Enfin, il est fréque~t qu'au clavage de la berme de
O

tête, son arase soit haussée de quelques décimètres par rapport


à la cote de projet. Cette mesure vise à compenser deux effets
qu'on observe dans les premières années de la vie del'ouvrage:
le tassement du corps de digue d'une part, le réarrangement
par les vagues des blocs de la carapace et de son assise d'autre
part.

Avec la construction par voie terrestre, le roulement


et les trépidations des gros engins assureraient dès la . pose
un compactage efficace. D'après quelques indications recueillies,
les tassements postérieurs auraient été d'ordre d~cimétrique
en 5à 10 ans, sur des digues de 15 à 25 m de hauteur (on admet­
tait jaàis, quand la part des apports par clapage était notable,
un tassement de quelques pour cents sur le même laps de temps,
soit 0,5 à 1 m pour des ouvrages comparables).
L' ampleur du réarrangement de la carapace dépend de
nombreux facteurs : type de blocs, longueur du talus (ou plutôt
nombre de rangées de blocs entre berme et butée ), plan de pose,
qualité de la réalisation, ordre d'apparition àe tempêtes excep­
tionnelles, ••• Un glissement final correspondant à un ou deux
blocs-compensé par un rechargement équi valent- n' est pas rare
sur des ouvrages importants.
On notera que la rehausse initiale ne garantit pas
contre les accidents géotechniques, liés il'insuffisance locale
àes sols de fondation, naturels ou substitués (exemple : affais~
sement d'un court tronçon de la branche terminale de la digue
ouest du nouveau port de commerce de LA ROCHELLE-PALLICE).

- 111 ­
PRINCIPALES CARACTERISTIQUES COMPAREES
DE CARAPACES ET SOUS-COUCHES
C = cube rainuré D =·dolos T = tétrapode
Source: essais LCHF (synthise SOGREAH

Talus Carapace Sous-couche Iroportionnali ~


( pente Nat. Vol. Poids Nat. Poids Vol. Volume Poids
(m 3 ) (t) (t) (m 3 ) (moy. ) (moy. )
7/5 C 3.15 7.6 Enroch. .5 à 2 · 2 à .8 6.3 6.1
7/5 C 4.5 10.7 Bét. brisé 1 à 3 · 4 à 1 .25 5.5 5.3
3/2 C 10 23 Enroch. 1 à 3 .37 à 1 • 1 13.6 11 • 5
7/5 C 10 24 Bét. brisé .5 à 5 2 à 2 9.1 8.7
2/1 C
·
1 2.2 30 Enroch. 1 à 3 .37 à 1 • 1 16.7 15
7/5 C 12.5 30 Bét. brisé 1 à 5 .42 à 2. 1 9.9 10
4/3 C 16
7/5 C 22
38
52.8
Enroch.
Enroch.
-2 à 5 8 à 2
2 à 4 .77 à 1 .54
· 11 • 4
19. 1
10.8
17.6
----- ---- ----- ----_. ~---------_.~------ ---------- ----- ----­
4/3 T 8 1 q. 2 Enroch. 2 à 4 .83 à 1•7 6.3 6.4
4/3 T 12.5 30 Il Il
2 à 4 .83 à 1. 7 9.9 10
4/3
4/3
T 16 38.4 " " 1 à 3
·4 à 1 .2 20 19.2

4/3
T 16 39.2 " " .5 à 3
·2 à 1 .3 21 .3
1 .85 18
22.4
16
T 20 48 Il
" 1 à 5 .37 à
----­ ---­ ----­ ----­ ---------­ -----­ ---------~_. ----­~-----
3/2 D 16 43 Enroch. 3 à 6 1 à 2 10.7 9.6

Malgré l'approximation consentie en prenant, pour


le dalcul des coefficients de proportionnalité, les moyennes
arithmétiques des tailles et dimensions extrêmes des éléments
des sous-couches, il est évident que la pratique suit de tris
loin les recommandations. On notera cependant que, dans les
ouvrages ayant des pent~s de talus habituelles dans les projets
français, on trouve souvent, entre carapaces et sous-couches,
des rapports de :
5 à 10 pour les cubes (pente 7/5)
10 à 20 pou~les tétrapodes (pente 4/3).

- 112 ­
12.44. - TETES DE DIGUES ET FRANCHISSEMENTS

12.441. - Causes et effets des franchissements

Il est difficile de ne pas considérer.comme indissocia­


ble, dans les jetées à talus, l'ensemble constitué par les hauts
de carapace côtés port et mer, avec leurs bermes respectives,
le couronnement (mur et voies de circulation), les sous-couches
d'assise. Lors des mauvais temps , chacun de ces éléments de
la "tête de digue" est susceptible d'influencer le comportement
des autres. Des dommages graves, .voire une ruine partielle peu­
vent résulter de ces interractions.· .

Ces désordres commencent toujours lors de l'impact


de très hautes vagues. Tout ou partie d'une double séquence
de causes et d'effets se déroule alors:

Causes Effets possibles

· Ascension de la lame au-dessus . Soulèvement de blocs de cara­


du niveau de repos ; pace ;
----------------------_._-----~-- ----_._---~----------------------

· . Atteinte des arases de carapa­ . Désorganisation de la berme de


ce et de couronnement, réfle­ tête, poussée horizontale et
xion partielle de la lame vers sous-pressions sur le mur,
la mer, écoulement vers le sous la dalle et sous le revê­
port entre dalle et noyau ; tement côté port,ripagedu
couronnement ;
--------------------------------
• .Jaillissement, franchissements, • Endommagement des voies de
surverses massives; circulation, déstabi1isation
du revêtement intérieur, ava­
• Retombées sur le couronnement, ries aux canalisations et équi­
le talus côté port ou le plan pements, agitation induite dans
d'eau. le port.

Tout découle donc d'une ascension des talus, ou run-up


selon le terme emprunté aux anglo-saxons, excédant certains
seuils au-delà desquels l'usage, puis la stabilité de la jetée*
sont menacés en raison de franchissements excessifs. On retrbuve
deux "états-limites" (utilisation et rupture) qui sont dans
l'esprit des recommandations de l'AIPCN, mais qui ne coincident
pas forcément avec ceux concernant la stabili té du talus : on
conçoi t, et on observe d'ailleurs sur modèle et en nature, des
dommages graves comme le renversement ou le glissement du .cou­
ronnement, voire la ruine du talus côté port, sans que l' état­
limite de rupture de la carapace ait été dépassé.

* Les défenses côtières longitudinales (perrés de haut-estran,


brise-lames parallèles à la côte, épis en T ••• ) sont exposés
aux même risques.

- 113 ­
12.442. - Insuffisance des recherches expérimentales

L'enjeu explique le nombre des études relatives au


run-up déjà réalisées à ce jour, études qui sont pourtant insuf­
fisantes. La plupart d'entre elles, dont certaines et non des
moindres datent de plusieurs décennies, ont été conduites sur
des modèles physiques et dans des conditions telles que le trans­
fert des résultats aux projets réels n'est pas aisé.

A cela plusieurs raisons :

a) Les structures expérimentées n'ont été souvent que des carica­


tures d'ouvrages (jetées ou défenses de eStes). ~ien des abaques
publiés tirent leur origine de l'expérimentation de plans incli­
nés, indéfinis, imperméables et lisses, auxquels on ajoutait
des rugosités artif ici elles pour simuler l' ef fet des carapaces.

b) Les études plus proches de la réalité ont surtout concerné


des massifs d'enrochements franchissables, sans couronnement,
sans talus· intérieur, sans dalle et présentant des pentes douces
peu usitées dans les brise~lames ou jetées de port.

c)L'une des compilations les plus copieuses sur le run-up a


été publiée en 1974, sous le titre "Wave run-up and overtopping"
par le Comi té Technique Consultatif sur la Protection contre
les inondations du gouvernement des PAYS-BAS.
On y trouve la référence à des études effectuées depuis
1879, dans une douzaine de pays. Les auteurs constatent "The
differences in geographical conditions are reflected in the
wave run-up problems which are studied". En d'autres termes
chaque nation a poursuivi des recherches en vue de les appliquer
aux types d'ouvrages et aux conditions d'agitations et de profon­
deurs relatives à ses rivages. Or, les références françaises
en la matière étaient peu nombreuses avant les essais du LNH
et du LCHF, postérieurs à l'ouvrage hollandais.
Il est révélateur que, tant dans cette source que
dans le Shore Protection Manual ou même dans Port Engineering
(pourtant publié en 1982) les conditions usuelles en notre pays*
couvrent une petite partie du domaine des abaques de run-up
qui y figurent. Celle délimitée par
• les pentes 4/3 à 2/1 <échelle totale des abaques couvrant
de 30/1 à 1/10 environ),
3
• les vagues de cambrure telles que 1 0 -2> H/gT2.> 10- (e'chelle
totale de l'ordre de 10- 2 à 10- 5 ).

* Et d'une manière générale en eaux moyennes à profondes et


en sites ouverts sur de longs fetchs.

- 114 ­
d) Dans la presque totalité des études de run-up, les essais
ont été réalisés en houle monochromatique. Le problème de la
transpo~.tion aux agi tations réelles se pose donc, comme pour
le dimensionnement des talus selon la formule de HUDSON, mais
dans un contexte plus difficile i analyser.
Deux approches pour cette transposition sont proposées.
Nous y revenons dans la sui te de ce texte. Précisons seulement
ici que l'expérimentation par trains d'ondes répéti tifs de 1 a
lames, utilisée dans les essais de franchissements du LCHF de
1984, est plus ou moins satisfaisante (plut8t moins que plus ... )
en ce qui concerne la répartition des hauteurs des lames, mais
qu'elle ne respecte pas celle des périodes* q~i leur sont asso-
ciées.
Or, au moins depuis les années 50 (travaux d'IRIBARREN),
on sait l'importance de la cambrure des vagues -pour une hauteur
donnée- sur leur ascension du talus.

e)Enfin, plusieurs des effets provoqués par la montée des lames


et les circula tions indui tes dans la tête et le corps de digue
sont liés à des paramètres dont la modélisation.physique assure
imparfaitement, ou pas du tout, la similitude sur des modèles
froudiens.
Il en est ainsi de la perméabilité, de la pénétration
béton-enrochements àla coulée des dalles, des frottements béton-
béton, du débit des orifices de décharge, du lavage des éléments
fins du noyau, etc •• ~

12.443. ~ Quelguesr~gles de pré-design

Ce qui précède explique que le fonctionnement et les


sollicitations de la tête d' une jetée à talus réelle ne soient
pas décrits dans la littérature disponible pour les projeteurs.
Même les publications fai tes dans les années 80, comme celles
1

de PeerBRUUN ou du LNH, reproduisent des schémas de structures


qu'on ne rencontre pratiquement pas (comme la "Typical 3 - layer
section) et des abaques dédui ts d'essais peu fiables pour les
raisons exposées ci-dessus. A cet égard, il est instructif de
rapprocher ces schémas théoriques des sections-types d'ouvrages
existants figurant dans les m~mes manuels.

* Dans cette technique, jadis imaginée avec un tout autre objet


que le run-up, le générateur travaille à ampli tude de déplace-
ment constante, mais avec une modulation périodique de sa fré-
quence de battement. Les hauteurs maximales sont donc engendrées
aux périodes les plus courtes et cette corrélation, démentie
par les enregistrements .en nature, se conserve sur les faibles
distances de propagation des bassins d'essais.

- 115 -
Il n'est au total que quelques règles très' générales
utilisables pour un "pré-design". de la tête de digue, les essais
sur modile y apportant souvent d'appréciables modifications.
On peut en retenir ce qui suit* :

a) En premiire approximation~ le profil d'une jetée i tris faible


taux réel de franchissement (Le. non franchie en houle monochroma-
tique) peut être ébauché en calant la berme de tête i 1,5 H
au-dessus du niveau maximal de l'eau au repos, donc en tenant
compte des conjugaisons possibles de surcotes (Cf. 5.2 et 5.3).
b) Une approche moins grossiire du run-upR u est possible à
partir des formules déduites des recherches évoqùées ci-dessus :
Le rapport de R i l a hauteur de houle .considérée
est une fonction croissan'te du paramitre d 'IRIBARREN ( l ~ =
t'go( /~ H/L). Les courbes représentatives ont l'allure d'une
parabole fractionnaire. Pour les talus d'enrochements, LEPETIT
et SABATON (LNH - 1974) ont proposé:
Ru lB = 0, 6 7 I~' 51
En reprenant les valeurs usuelles des pentes et des
cambrures déjà citées (tgc( = 0,5 à 0, 75 et ~ = .04 i .08, l'in-
tervalle correspondant de l'R , soi t 1, 7 i 3,8 environ, condui t
i des valeurs de R /H comprises entre 0, 9 ( tal us adoucis et mers
de vent) i 1,4 (t~lus voisins de la pente naturelle et houle
longue). .

c) Les revêtements en blocs artificiels de formes élaborées


et à fort coefficient de vides dissipent plus d'énergie que
les enrochements lors de la montée des lames. On peut considérer
une réduction de R de 30% pour les tétrapodes et 20% pour les
dolosse. Cela ne 80it pas être le cas pour les accropodes et
les cubes rainurés.
d) La plupart des résultats provenant d'études en houle régulii-
re, ou pseudo-irrégulières (trains de 10 vagues du LCHF) , on
a vu que le problème de leur application aux agitations réelles
se retrouve posé.
Deux méthodes sont applicables** :
• Soit admettre, avec le CERe et le LNH, que les valeurs de
R suivent -comme les hauteurs des vagues- une loi de RAYLEIGH
e~ les calculer, pour une probabili té donnée des franchisse-
ments (2 à 5% en général), à partir de :
• la valeur de H égale à B 1/3 de l'agitation réelle,
la valeur de IR' pour la longueur d'onde correspondant au
' •
T p l.C

* Avec de larges emprunts à l'ouvrage plusieurs fois cité du


LNH.
**Du moins' jusqu 'i ce que des résultats d'essais systématiques
en houle aléatoire soient publiés.

- "0 -
· Soi t cons idérer que les lames sont" sans mémoire" et que le
run-up de chacune est le même que celui des vagues de la houle
régulière de même hauteur et de période égale à sa période
associée.

Nous n'avons pas eu l'occasion de pratiquer les deux


méthodes concurremment, ni par référence à des essais sur modèle.
Il est vraisemblable qu'en raison des multiples incertitudes
sur la connaissance du run-up, on ne soit pas en mesure de faire
un choix motivé.

La première est étayée ~e considérations théoriques


qui privilégient peut-être trop la représentation statistique
et globale de l'agitation réelle. La seconde semble plus proche
de la physique des lames, mais l'hy~othèse de leur indépendance
les unes ces autres est inexacte.

Il vaut la peine d'essayer les deux déterminations


~uand on a les éléments suffisants pour établir des corrélations
"hauteurs-périodes". Ces dernières étant d'ordinaire positives*,
les différences obtenues ne semblent pas significatives. Ainsi,
pour un talus en tétrapodes (coefficient réducteur de R =0,7),
de pente 4/3 par profondeur de 30 m et un état de laJhler tel
~ue H1/3 = 9 mi T = 15 s, H1/100 = 15 m avec une période asso-
ciée de 22 s, on Prelève sur les abaques LNH des R de1 2,6 et
13,15 m respectivement par la première et la secondeUméthode.

12.444. - Problèmes particuliers

Les publications sont muettes, ou presque, sur plu-


sieurs des phénomènes observables dans et sur les têtes des
digues lors àes franchissements (Cf. 12.441). On les étudie
lors des essais sur modèle, sans être sGr qu'ils soient fidèle-
ment représentés. C'est le cas, en particulier, pour :

a) La désorganisation de la berme de tête Le mécanisme de


cet endommagement est plus complexe que celui de la carapace
car il combine plusieurs effets distincts :
• l'ascension de la lame, d'autant plus dangereuse que la berme,
dans certains prof ils, est dépassée en al ti tude par un mur
de couronnement qui allonge et intensifie les sollicitations
de soulèvement des blocs ;
• la réflexion partielle de la vague vers la mer, ce qui accroît
le taux de son énergie susceptible d'ébouler les blocs exté-
rieurs de la berme ;
· les fréquents àéfauts de dimensionnement et/ou de réalisations
de la sous-couche de berme largeur en tête insuffisante,
pourcentage trop élevé de petits éléments qui s'iliminent
peu à peu et altèrent le profil, tassement plus important
que prévu (ou surcharge initiale insuffisante) accroissant

* Sur le suj et, on peut se reporter aux résultats publiés par


le LCHF sur les tempêtes de SINES et aux travaux de M. CAVANIE
et ses collègues sur lés "signatures" des mauvais temps.

- 117 -
la fréquence de submersion de la berme et les réf lexions sur
le couronnement.

b) L'architecture du couronnement : On désigne ici par ce terme


l'ensemble formi par la plate-forme horizontale couvrant le
noyau, le parapet, leurs ancrages et assises. On ne trouve pas
àe recommandations pratiques sur cette partie àe la digue, pour-
tant la plus uti1isée en exploitation.
D'où peut-être, la libre imagination àes projeteurs
et des entreprises qui a conduit à la diversité des solutions
appliquées, avec bien peu de lignes directrices généralisables.
Les schémas reproduits dans les dossiers de "la synthise des
essais du LCHF portent témoignage de .cette diversité.
Si l' "enveloppe n des formes du couronnement présente
presque toujours une dalle horizontale et une muraille c8té
mer, on repire sur ces schémas de nombreuses variantes de dimen-
sionnement et de structure.
Nous en donnons un aperçu dans le tableau ci-après
àans lequel :
HS . , 0 ns est la hauteur significative de la houle de projet
decennaîe
Z" Z2' Z3 sont les altitudes, au-dessus du niveau maximal de
la mer, respectivement de :
• la berme de tête,
• l'arase de la muraille,
• la face supérieure de la dalle.

Port Calages en altitude Dalle


ZI Z2 Z3 Epaiss.
Type Assise
Hg B
10 ans S 10 ans Ils 10 ans (ml

Antifer 1.25 1.2 1.2 Caisson en U 3.5 Enroch.


lesté
Sines(1) 2 2 1.14 Monolithe + 7 Enroch. +
évents blocs
Mohammédia 1.18 .8 (2) .6 Composite : 2.5 Enroch. +
dalle .+ blocs blocs
Safi (3) .73 .8 .4 Monolithe à 2 Enroch.
bêches AV et
AR 1

JorfLasfar 1.2 1.1 1 Dalle et mur 1.5 Enroch.


non solidaire
St Gildas 1.1 1 .75 Monolithe en 1.0 Enroch.
L

, : Un des projets de reconstruction


2 : Butée de berme constituée par une double ligne de cubes
3 : Non réalisé

- "8 -
Sur les exemples silectionnis, les arases de berme
et de muraille à 1,1 ou 1,2 H JO ans sont plus friquentes.
S
Les variations d'ipaisseur des dalles, d'un projet
à un autre, n'obiissent pas à des rigles logiques, sauf à croitre
irrigulièrement avec l'exposition du site. Sur ce point, la
fré~uentation des projeteurs et des entreprises fait souvent
apparaître des choix plus liés à des condi tions de chantier
qu'à des calculs, par exemple de sous-pressions.

Il reste que les problèmes liés à ces dernières qui


se rivilentlors des essais sur modèle sont difficiles à risou-
dre. Avec des jetées "basses s~r l' eau", comme ici SAFI et
MOHAMMEDIA, ils ont condui t à poser l' extrimi té côté port des
dalles sur des blocs cubiques non jointifs ayant le double rôle
d'assise stable et de drain des écoulements internes.
c) Le talus arrière: Il est peu d'exemples d'ouvrages importants
et très exposés· qui ne soient franchis sous 1 • impact des plus
hautes vagues. Dans ces situations, il est rare que les disposi-
tions de projet n'aient dues ~tre modifiées
· par augmentation· des poids uni taires du rev~tement des talus
intérieurs, .
· par un porte-à-faux de la dalle évitant la retombie des fran-
chissements sur le haut du talus,
. par une archi tecturede la carapace du talus arrière mieux
adaptée i un impact tangentiel qu'une double couche permiable
en enrochements.

Une solution adoptie à plusieurs reprises, notamment


à MOHAMMEDIA, a consisté en uri pavage monocouche du talus inté-
rieur avec des cubes rainurés, couronnés d'une berme également
en cubes formant l'assise de la dalle.
La stabilité des talus "sous le vent" est encore plus
difficile à obtenir lorsque la fonction de l'ouvrage implique
des franchissements fréquents, voire la submersion sous une
faible lame d'eau. C'est le cas de certaines défenses côtiires
dépourvues de couronnement (branches terminales d' ipis en T,
brise-lames isolés en mer).
Une recommandation classique est de retourner la cara-
pace extérieure sur le talus côté terre, ou de constituer toute
la tête d'ouvrage avec les blocs de taille maximale, comme au
brise-lames de MALO-LES-BAINS (en blocs de 20 t).
d) L'agitation transmise: On ne trouve en général d'est~mat~on
des risques d'agitation induite que dans les cas, pas tres rea-
listes, d'une transmission, par perméabili té, d'une houle régu-
lière.

- 119 -
La réalité est très différente. Sauf cas très particu-
lier, une digue i talus est peu permiable en son corps central.
Même s'il survient des séries de vagues assez peu variables
en période, l'agitation transmise est nigligeable.
En fait, l'agitation de la mer, lors des gros mauvais
temps, présente un spectre en période très étendu : depuis
les vagues courtes levées par les vents locaux jusqu'auxqharmoni-
gues" supérieures des vagues d'origine lointaine (surf-beat,
fluctuation du niveau dynamiqu.e •.. ). Soit de moins de 10 s i
plus de 100 • L'ouvrage agit alors comme un filtre et transmet
d'autant mieux l'énergie d'une composante qu'elle est plus lon-
gue. En limite haute, les ondes d'excitation des seiches sont
peu atténuies.

Dans quelques vieilles structures de la cSte algirien-


ne, comme la jetic du LION i BEJAIA, il suffit de l'approche
d'un mauvais temps né sur le golfe du LION pour observer de
puissants icoulements alternatifs i 80 -120 s' de piriodes qui
engendrent des seiches très gênantes (80 j / an d'interrup tion
des chargements de pitrole vers 1975).
Enfin, outre la transmission proprement di te, il faut
tenir compte des conséquences des retombies directes dans le
plan d'eau des franchissements massifs. Selon le type d'agi ta..;.
tion, elles sont soi ttrès irrégulières (mers de vent), soit
rythmées par la succession des trains d'ondes (houles océani-
ques) •
Deux effets de ces retombées sont dangereux. Ce sont
• les impacts directs sur des équipements fragiles (bras de
chargements par exemple),
les ébranlements de type intumescence qui mettent i l'épreuve
les amarres des navires proches.
Ce dernier phénomène ne peut être caractérisé que
par des essais en houle aléatoire.

- 120 -
13 - L'OPTIMISATION DES OUVRAGES MARITIMES

13.1. - LE CONTEXTE

13.11. - ESTIMATION DIFFICILE DE L'INTERET D'UN PROJET

La premiire partie de cette note a montri que la nices-


siti de rialiser un ouvrage maritime s'appricie de nombreux
points de vue, en plus des critires iconomiques classiques.
Il est des situations -en particulier dans les pays en dévelop-
peme~t- dans lesquelles il faut construire l'ouvrage sans qu'on
puisse prouver que ces critiressont satisfaits.

En fait, les doutes sur l'opportuniti d'un projet


dicoulent souvent de la difficulti d'endres~er le bilan privi-
sionnel ~avantages et inconvinients de tous ordres- i l'horizon
de plusieurs dicennies. La durie d'exploitation des ouvrages
maritimes de quelqu'importance est au minimum de cet ordre.
On trouve. donc, au plan économique, une dif f icul ti comparable,
au plan technique, i celle du dimensionnement pour des forces
de mer dont l'occurence n'est pas inférieure au demi 7 siicle.
Or, sur de tel laps de temps :
a) L'ivolution des conjonctures sociales, économiques, politiques
n' est jamais . anticipie correctement et les privisions des meil-
leurs spécialistes toujours dimenties. Dans le domaine maritime,
et pour un passi récent, il suffit d'ivoquer les avatars des
trafics pitroliers, phosphatiers, charbonniers, de minerais
divers (fer, bauxite ••• ) de gaz naturel, etc ••• Traduits en
tonnages et en nombre de touchées -donc en ressources pour les
autoritisportuaires- en sites à équiper , en chantiers navals
à créer, les renversements imprivus des tendances ont fait res-
sentir comme autant d'erreurs des choix précédents de réalisation
ou d'abandon d'un projèt.

b) Des modifications à court terme des techniques introduisent


d'autres iléments d'incertitudes, qu'il s'agisse des procédis
de construction, des dimensions des navires, de leurs équipements
et rigles d'exploitation, des conditionnements du fr~t, des
engins de manutention, etc... La conception d'un ouvrage peut
se riviler obsolite bien avant le terme souhaiti de son utilisa-
tion, voire avant sa construction. Ce fut le cas d'un proj et
d'extension du port de CASABLANCA, itudié vers 1958 dans la
lignie des installations existant alors (darses et terre-pleins
en "peigne") qui dut ~tre repris vers 1 962 dans un tout autre
esprit (longs quais rectilignes bordant de larges aires de
stockage). Par chance, des difficultis économiques avaient retar-
dé la mise en chantier.

- 121 -
c) Des avantages indéniables, découlant de la réalisa tion de
l'ouvrage, sont très difficiles à traduire dans les bilans en
termes financiers. On sait bien que, sur une longue durée, une
installation portuaire, une industrie àe bord de mer, un réseau
de défenses c8tières, .•• signifient presque toujours un accrois-
sement de population, des activités nouvelles, le développement
des infrastructures sociales, éducatives, culturelles, de santé,
avec, en fin de compte, une richesse accrue et un niveau de
vie supérieur. Mais comment chiffrer ces avantages ?

13.12. - INFLUENCES RECIPROQUES DU TECHNIQUE ET DE L'ECONOMIQUE

L'optimisation d'un projet d'ouvrage maritime implique


donc une démarche dans laquelle le technique et l'économique
s'interpénètrent. L'Ingénieur Général J. CHAPON, dans une confi-
rence faite en 1980* a, sur ce sujet, préconis~ une méthodologie
articulée en trois étapes :

a) Elaboration d'un projet technique satisfaisant à l'environne-


ment naturel et à la fonction de l'ouvrage.

b) Sur la base de ce projet, calcul économique destiné à virifier


si le bilan actualisé est positif, c'est à dire si la somme
de tous les éléments du Coût de la situation existante
est supérieur à : Investissement
+ Entretien et réparation
+ Compensation des nuisances créées
- Avantages attendus.

c)Maximisation du bénéfice en considérant des variantes diffé-


rant du projet ini!tial :
. soit par leur conception (par ex. variantes d'entreprises),
. soit par leur dimensionnement (répartitions différentes entre
investissement initial et frais ul térieursprobables d' entre-
tien et de réparation). .

A chacune de ces étapes, l'inter action est permanente


entre le technique et l'économique puisqu'en définitive l'objec-
tif est d'arriver au coût global (construction + entretien)
le plus bas encore compatible avec l' exploi tation .et la durée
de vie souhaitées. Ou, selon l'expression de J. CHAPON, obtenir
au moindre coût que l'ouvrage "soit stable et durable, avec
une probabilité donnée, considérée a priori comme satisfaisante".

* Ecole nationale des Ingénieurs de TUNIS (10/5/80) Texte


publié dans les Annales des P et C (1er trime 81).

- 122 -
L'optimisation d'un projet de quelqu'im~ortance conduit
donc à :
. itablir plusieurs versions pouvant correspondre à des investis-
sements diffirents,
· estimer, pour chacune d'elles, les probabilitis de dépassement
des seuils de dommages admissibles et de ruine (= ita ts
limites de l'AIPCN),
· comparer ces probabilités aux critères "durées - stabiliti il
difinis pour le projet.

13.2~ - LE ROLE DE LA MODELISATION

13.21. - FREQUENCE ET DIVERSITE DES RECOURS AUX MODELES

Dans la pratique, l~ cheminement d'un projet suit


de plus ou moins près le schéma ci-dessus mais doit toujours
donner des garanties suffisantes vis à vis des conditions d'envi-
ronnement et d' exploi tation. Or, comme on le verra en 13.511,
les ouvrages dont le dimensionnement par la seule expirience
acquise et par le calcul donnent ces assurances ne sont pas
la majorité.

Ces exigences sont ressenties dès l' examen des tracés


en plan et plus encore lors des itudes de stabilité, notamment
en leurs phases finales il faut alors souvent comparer des
structures aux performances voisines, qu'il s'agisse de la re-
cherche du bénéfice maximal oti du choix entre variantes de cons-
truction.

Dans toutes ces situations,


qui vont des premières
ibauch~s jusqu'au projet mis au concours,le recours i la modéli-
sation se justifie dl autant plus que les enj eux de tous ordres
sont plus grands.

~1ais le rôle des modèles ne se limi te pas i la mise


au point des ouvrages i construire, m~me si cela motive la plu-
part des études. Il est fréquent qu 1 après 11 adj udication, en
fonction des al~asdes chantiers ou des carrières, voire par
modification des conditions d'utilisation de l'ouvrage*, d'ulti-
mes changements sont apportis ou des disposi tians temporaires
sont à prendre (musoirs d'hiver, rev~tements provisoires, ••. ).

* Postes pitroliersajoutés sur la digue de SKIKDA en construc-


tion.

- 123 -
Enfin, dans 1~ Viè de l'ouvrage, les endommagements
graves exigent presque toujours tine reprise d'itudes sur modiles.
Cela concerne au minimum la compatibiliti des parties anciennes
et reconstrui tes mais peut aller jusqu'à la remise en cause
de la conception initiale, comme ce fut le cas pour SINES, ARZEW
EL JEDID, SETE, .••

Ainsi, on constate que la modilisation des· ouvrages


maritimes est l'instrument d'une 'optimisation comprise dans
le sens le plus large : dans son acception usuelle pour la renta-
bilisation du projet, mais aussi dans la recherche d'un diroule-
ment optimal du chantier et, par la sui te, dans la dif ini tian
des confortements et des transf6rmations les mieux appropriis.

13.22. - MODELES PHYSIQUES ET MATHEMATIQUES

Il n'est pas question 'd'ibaucher ici un traiti des


modèles. Ne serai t-ce que parce que l'auteur n'exerce plus en
ce domaine depuis un temps sùffisant pour que àes changements
importants soient survenus.

Quelques réflexions et commentaires, fondis sur des


cas concrets point trop anciens, semblent encore valables et
utiles à consigner. Plus d'ailleurs pour les "clients" que pour
les "fournisseurs" de modiles.

13.221. - Domaines-respectifs: On a constaté que le champ d'ap-


plication des mod~les concerne les deux aspects du dimensionne-
ment évoquis en 11.1 : le tracé en plan des ouvrages d'une part,
leurs structures -et plus particuliirement celles exposées aux
actions de la mer- d'autre part. Et c~, non seulement aux diffé-
rents stades de la définition des projets, mais aussi pendant
et apris leurs réalisations.

Pour toutes ces utilisations, les parts respectives


de la modilisation mathimatique et de la modilisation physique
ne sont ni fixes, ni équivalentes :

a) L'itude des tracés en plan, jadis affaire d'épures géométri-


queset de modiles physiques, met de plus en plus en jeu des
modiles mathimatiques. Avec des performances toujours en pro-
grès, tous les problèmes ressortissant à ce àomaine sont traita-
bles sur modiles mathématiques et, en particulier :
• le transfert des condi tions de mer du large au si te itudii
(modiles de réfraction),
• le calme obtenu dans les bassins se lon l'implantati on, la
longueur, le coefficient de réflexi on de l' enclôture et des
quais (modèles d'agitation),

- 124 -
l'approche et la manoeuvre des navires, en fonction de leurs
caractiristiques, des champs de courants, de l'itat de la
mer, du vent, des ordres de la passerelle (modèles de naviga-
tion, simulateurs),
les risques d'érosion ou de sidimentation des bassins, des
approches des ouvrages, des li ttoraux voisins, par transferts
de fond ou par apports en suspension (moàèles sidimentologi-
ques) .
Sur les trois premiers points ci-dessus, les meilleures
modélisations mathimatiques font aussi bie~, voire mieux et
à moindre coût, que les modèles physiques.
Cela est ivident pour le premier (transfert descondi-
tions de mer) car les étendues à considirer excluent en ginéral
les modèles physiques. C'est fréquemment le cas, selon les per-
formances des "outils" disponibles, pour les deux suivants (tran-
quillisation des plans d'eau - manoeuvre des navires).
Par contre, les problèmes sédimentologiques ne sont
encore traitis sur modèle~· mathématiques qu'au prix de schémati-
sations encore plus grandes que celles consenties sur les modèles
physiques.
b) A l'inverse, l'étude des structures et des sections -du point
de vue de leur stabilité- ressortit presqu'entièrement au domaine
des seuls modèles physiques : le nombre et la complexi té des
phinomènes mis en jeu n'ont pas plus permis, jusqu'i maintenant,
leur prise en compte en ordinateur qu'ils n'assurent d'un dimen-
sionnement fiable par le calcul, hormis un nombre limiti de
cas. .

13.222. - Spécificité des modèles physiques


Le champ d'application des modèles physiques se réduit
donc au profit de celui des modèles mathématiques. Il reste
cependant deux raisons d'une préfirence à donner aux modèles
physiques :
a) La première est leur pouvoir d'illustration, surtout pour
les non-spicialistes que sont souvent les maîtres d'ouvrage,
les élus, les bailleurs de fond et les utilisateurs des ouvrages.

Dans l'étude d'un port par exemple, tous ces responsa-


bles voient, sur le modèle physique, les lames à l' extirieur,
l'agitation dans les bassins, l'effet d'une modification.

- 1 2"5 -
Par contre, les sorties graphiques d'un modile mathima-
tique n'ont pas cet impact. Èlles exigent interpritations et
commentaires plus ou moins bien assimilis et compris*. L'hologra-
phie, comme l'espirait J. FISCHER, riduirait-elle ce handicap?
b) La seconde raison dicoule du fondement m~me de la similitude
physique : celle-ci consiste en effet -par le respect de certai-
nes conditions- à crier un "systimephysique-image" de celui
projeti et de son environnement.
Les phinomines dont l'analyse n'a pu ~tre fa! te, ou
dont le traitement mathimatiq~e n'est pas maîtrisi, ne sont
pas explicitis par le modèle physique. Mais leurs effets (endom-
magements de j eties, effort·s sur des structures, transports
de sidiments, ••• ) sont mis en ividence et souvent quantifiables
avec une très bonne approximation.

13.3. - MODELES PHYSIQUES DE STABILITE

Si l'on excepte des modèles de calcul des pressions


et des forces sur les j eties. verticales et les caissons**, le
modèle physique est l'outil d'optimisation des structures marines
vis à vis des contraintes de stabiliti.
La fiabilité de cette modélisation est attestée par
le comportement satisfaisant des centaines d'ouvrages mis au
point à partir de telles expérimentations. Les échecs furent
peu nombreux, quoique graves. Ils sont imputables plus à la
sous-estimation des paroxysmes de l'environnement (ex. : 5INES)
ou à une conduite discutable des essais (ex. : ARZEW EL JEDID)
qu'aux caractéristiques ou aux équipements des modèles utilisés.
Les commentaires ci-après visent à préciser le champ
d'application de cette méthode, ses lacunes, sa mise en oeuvre,
les améliorations qu'on peut en attendre, ..•

* Dernier exemple observé par l'auteur les cartes d'agitation


dans l'avant-port de ST MARTIN DE RE.

** Modèles établis sur des théories simplifiies et des hypothèses


qu'on ne virifie pas aisément (Cf le rapport de la Commission
des Lames (AIPCN) - 2eme partie, annexe 1).

- 126 -
13.31. - COMMENTAIRES SUR LA SIMILITUDE HYDRODYNAMIQUE

13.311. - Les hypothèses des modèles froudiens

Les bases de la modélisation physique des ouvrages


maritimes sont connues :
· Des 6 espèces de force à considérer (et dont la simili tude
totale n'est possible qu'à l'échelle 1), celles de capillariti
et d'élasticité sont négligeables.
· Au sein du fluide, les champs' de vitesses étant relativement
lents et leurs gradients progressifs, la gravi té, l' inertie
et les pressions prédominent sur les frottements.

D'oa résulte la condition de similitude dite de FRaUDE,


qui s'exprime par la conservation, sur le modèle et pour des
grandeurs homologues, du nombre adimensionnel
f?'=v/WiL
S'agissant d'étude de stabilité et l'eau étant le
seul fluide utilisable, s'ajoute la condition d'égalité des
masses volumique* des éléments constitutifs de l'ouvrage: béton
des blocs artificiels et des couronnements, roche des blocs
naturels, •••

Le modèle "froudien" fait donc l'impasse sur les forces


de frottement dues à la viscosité. Cela est normal puisque, aux
échelles usuelles des modèles de stabilité (env. 1/20 à 1/80)
la turbulence des écoulements dans l'enveloppe extérieure d'une
digue (carapaces, premières . sous-couches, butées, ••• ) reste
suffisante pour que les écoulements entre blocs et latrainée
de ceux-ci ne soient pas affectés par un changement de régime
hydraulique**.

13.312. - Problèmes liés à la viscosité: il n'en est plus ainsi


quand les hypothèses de progressivité des gradients et/ou de
forces de frottement négligeables ne sont plus vérifiées :
a) Dans les modèles, les écoulements internes au corps de digue
et les phénomènes qui en résul tent ne sont plus interprétables
aux échelles froudiennes. P0ur autant, et sauf recherches récén-
tes, on n'est en mesure :
• ni d'apprécier les conséquences de cette "divergence" (Cf
12.23 et les discussions sur les risques de grands glisse-
ments),

* A la correction de salinité près.

** Aux échelles mentionnées, les nombres de REYNOLDS correspon-


dants sont supérieurs aux limites d'entrée en régime laminaire.

- 127 -
· ni d'indiquer les remèdes* et/ou de calculer les corrections
à apporter aux résultats.
Vers 1965, J. VALEMBOIS avait adapté les travaux,
alors ricents, de S. YALIN : l'écoulement au travers d'un massif
de petitséléments** (plages de galets, noyaux de digue) et
sa stabilité pouvaient être reproduits aux échelles du reste
du modèle moyennant un grossissement des constituants du massif
et un allègement de leur densité.
Quelques études furent conduites selon cette technique.
La carapace était d'abord testée en similitude "de FROUDE. L'in-
fluence éventuelle des écoulements internes était déduite d'une
seconde série d'essais dans lesquels le noyau était en similitude
de YALIN.

L'importance des corrections de diamètre et de densité,


illustrée par les valeurs ci-après, explique les rares applica-
tions de la méthode :
• échelle du modèle ••••••••••••••••••••.••.••.•••..••••• 1/50
· échelle des diamètres des éléments du massif •••••••.•. ~ 1/5
· échelle des densités apparentes de ces éléments ..•.••• N 1/10
(Les petits enrochements du modèle devaient donc être grossis
10 fois et leur densité réelle abaissée vers 1 + (2,5 - 1) / 10 =
1,15 1)

La similitude de FROUDE n'est pas non plus complètement


satisfaite lorsque l'ouvrage étudié est le siège d'écoulements
du type "jet", à forts gradients de vitesse, assurant en général
une fonction de dissipation d'énergie.
b) Au total , chaque fois que des écoulements lents en massifs
internes ou des écoulements rapides en sections réduites sont
susceptibles d'influencer le comportement d'une structure, sa
modilisation physique peut poser questions :
• sur la méthodologie d'étude (choix de la moindre réduction
géomitrique économiquement acceptable, mise en oeuvre de cor-
rectifs comme celui décrit ci-dessus, ••• ),

* Il ne semble pas que soient encore utilisés les additifs (ma-


cromolécules de chaînes polymères longues destinés à réduire
la viscosité) qu'expérimentèrent certains bassins de carène.

** c'est à dire des tailles telles que leur nombre de REYNOLDS,


calculé pour la vitesse de filtration, soit compris entre
1 et 500.'

- 128 -
· sur l'interprétation des résultats (pour a~ moins apprécier
le sens et l'importance de leur altération).
Diverses catégories d'ouvrages relivent de cette situa-
tion :
Jetées à talus étroites en tête et soumises à des lames de
longues périodes (projets· initiaux des extensions de SAFI
et AGADIR - voir synthèse SOGREAH),
Anciennes jetées édifiées pa~ superpos~t~on de blocs de tailles
croissantes (BEJAIA, SKIKDA, WA~AN)*,
Bases de couronnement ou de muraill~s de j~tées mixtes calées
près du niveau de repos de la mer et donc soumises à de forts
écoulements et ~luctuations de pressions,
Structures à effets de jets: caissons JARLAN (YAMBU), créneaux
anti-franchissements (GENES), grilles anti-clap8ts (LA TRINITE
SiMER), brise-lames flottants de type "persienne", ..•
c) Dans le même ordre d'idée, les essais de jetées à talus de
proportionset profils habituels -comme MOHAMMEDIA, AGADIR, JORF
LASFAR, SrDI IFNI (jetée intérieure),ZEEBRUGE (digue extérieure
ouest), SAINT GILDAS, pour s'en tenir à des exemples donnés
dans la synthèse SOGREAH- ont souvent mis en évidence une stabi-
lisation difficile des talus c8té port.
On peut voir en cela une des conséquences des interrac-
tions sur les têtes de digue (Cf. 12.441) et Si i.ntt:!rrogersur
la qualité de leur modélisation selon FROUDE. Aux plus fortes
lames, deux effets se conjuguent sur ce talus: celui des fran-
chissements et celui des écoulements dans la partie supérieure
du corps de digue (arase du noyau et assise de la dalle de cir-
culation). On peut admettre que les franchissements, qu'il
s'agisse de forts déversements ou de masses d'eau détachées
faisant directement impact sur le talus interne, sont bien repro-
dui ts ~ Il n'en est pas de même pour les écoulements sous la
dalle. Dans des profils comme celui de MOHAMMEDIA, oales diver-
ses parties du couronnement reposent sur une sous-couche en
enrochements de plusieurs tonnes, le modèle a pu minorer les
sous-pressions sur les blocs du talus. Cela justifie la marge
de sécurité prise dans le choix des dispositions finales (pavage
rnonocouche décrit en 12.444 - cl.

* Ou BOUGIE, PHILIPEVILLE, ORAN.

- 129 -
13.32. - NON-SIMILITUDE DES EFFETS MECANIQUES

13.321. - Les ruptures

a) Rappelons qu'avec les carapaces en blocs artificiels on a


constaté, outre la déstabilisation des talus par les tempêtes,
le bris d'un nombre plus ou moins grand des consti tuants de
leurs couvertures. On a observé (Cf 12.21 2 et 12.223) que le
risque était d'autant plus grand que:
• la forme des blocs était plus él~borée, leurs. corps plus élan-
cés et leurs moments d'inertie plus grands,
• leur stabilité tenait moins i leur masse et plus i leur imbri-
cation.
En raison. du nombre rédui t d'ouvrages régulièrement
inspectés*, il n'est pas aisé de savoir si, en rigle générale,
c'est la tempête qui détruit le profil et brise les blocs , ou
si des ruptures préexistantes affaiblissent l'ouvrage et facili-
tentl' apparition et l'extension des dommages. On a dl ailleurs
identifié plusieurs causes ou modes de rupture (béton fissuré,
surcharge statique, contraintes dynamiques, fatigue sur chocs
répétés, •.• ) sans pouvoir en tirer plus que des enseignements
généraux.
b) Par contre, il est certain que la grande majorité des essais
de stabilité ne tient pas compte de ces phénomènes. Or, lorsque
l'on constate en nature des taux de rupture deI' ordre de 25
i 40%, comme ce fut le cas pour les tétrapodes ou les dolosse
d'ASHDOD,ARZEW EL JEDID, BEYROUTH, SAN CIPRIANO, SINES, SKIKDA •••
il est évident que ces ruptures concourent i II endommagement
et que des progrès notables sont à réaliser, sur ce point, dans
la modélisation.
Quelques chercheurs ont tenté, sur un nombre restreint
d'études, des simulations approximatives des bris de blocs.
Par exemple :
Pré-rupture des modèles de blocs, puis encollage des morceaux ;
la colle se dissolvant peu à peu dans l'eau des modèles libère
les fragments.
• Remplacement, en cours d'essais, d'une partie des blocs oscil-
lants, ou éj ectés, par leur équivalent en demis ou tiers de
blocs.

* L'auteur n'en a connu qu'un: la digue du large de CHERBOURG,


pourvoyeuse de l'arsenal en crustacés ••.

- 130 -
Ni ces mithodes, ni leurs risultats, ne sont tris
convalncartts. Une pricaution minimale est de ~irifier que, pour
le taux de dommages corresponaant à l'itat-limite d'utilisation,
le nombre des blocs oscillants ou diplacis sur le modile -donc
susceptible d'être brisis en nature- est infime.

c) E'1fin, les risistances de contact des iléments entre eux,


qu'il s'agisse de glissements erttre faces planes, de coincements
d'enrochements, d'épaufrures d'arêtes de béton (par chocs ou
surcharges) sont mal définies sur les ouvrages réels et souvent
hors de similitude surIes modiles.

La vérification et· l'ajustement du coefficient de


frottement des bases de ·caisson sur leurs assises, dans les
modiles,. est fréquente. Mais que sait-on des valeurs de ce coef-
ficient en nature ?

En ce qui concerne les enroche~ents et les blocs arti-


fidiels des modiles, on se prioccupe seulement de leurs assurer
une rugosité "vraisemblable" en les' soumettant aux effets abra-
sifs d'un sable grossier dans lequel on les brasse. Mais l'incer-
.titude sur l'effet à obtenir est telle qu'à la suite d'un change-
ment de fabrication, il fallut des moîs et plusieurs séries
d'essa~s dans les trois laboratoires français avant qu'on aperç6t
que les résultats étaient faussés par la "peau" trop lisse des
modiles de titrapodes.

13.4. - SIMULATION DE L'ENVIRONNEMENT PHYSIQUE

13.41. - LES APPROCHES DE L'OUVRAGE

Du point de vue' des facilités offertes pour la modéli-


sation des approches des ouvrages, les dimensions, les formes
et l'agencement giniral des installations des laboratoires méri-
tent quelques commentaires :

13.411. - Essais bidimensionnels en canaux

Dans ces expériences l'approximation de la houle cylin-


drique et celle de l'attaque frontalè entrainent une reprisenta-
tion schématique des fonds. En nature, l'ouvrage est atteint
par des lames qui, selon leurs pér iodes et leur provenance,
ont suivi des trajectoires différentes. On se contente donc
de régler les fonds du canal selon une ou plusieurs pentes repré-
sentatives du relief naturel.

- 131 -
Un canal bien adapté aux essais de stabilité doit
surtout satisfaire trois condit{ons :
· concilier les exigences du coût et de la technique de réalisa-
tion du modèle,
· assurer une propagation satisfaisante de l'agitation entre
le générateur et l'ouvrage,
· faciliter l'observation de l'impact et des effets des lames.
a) La première condition est mieux sati~faite lorsque l'on dis-
pose d'une batterie de canaux de largeurs et profondeurs diffé-
rentes. On peut ainsi construire le modèle au moindre coût,
à une échelle satisfaisant la similitude de FROUDE et sur une
longueur telle que le comportement de la structure ne soit pas
influencé par les parois.
Il est évident que les largeurs de canal nécessaires
pour modéliser une défense de haute plage en enrochements de
quelques tonnes, une grande digue i talus en blocs de plusieurs
dizaines de tonnes ou une jetée en caissons sont très différen-
tes. Le LCHF disposait de 3 canaux larges de 0, 4 - 1et 4 m,
avec des profondeurs utiles d'approximativement 0,3 à 0,4 m,
0,6 i 0,7 m et 1 i 1,2 m (dans l'ordre). Le canal ~e plus utilisé
était celui de 1 m'et le plus large a souvent été compartimenté
en deux ou trois canaux parallèles.
b) De la deuxième condition dépend la longueur du tronçon libre
du canal, en avant de l'ouvrage, tronçon sur lequel les fonds
sont schématisés. On ne trouve pas de règles définies pour choi-
sir cette longueur mais il est bon qu'elle corresponde ~u moins
à 5 ou 10 longueurs des ondes reproduites.
Dans les trois canaux du LCHF, les ordres de grandeur
des distances de propagation étaient respectivement de 8,30
et 60 m.
c) La troisième condition implique que soit vitrée au moins
une face du canal, sur une longueur couvrant l'emprise du modèle,
le tronçon d'approche des lames et une partie en arrière du
modèle, affectée par les retombées et les franchissements.
On notera que, en raison de leur forme géométrique
simple, les canaux facilitent les balancements transversaux
ou longitudinaux de la masse liquide. Le plus fréquent et le
plus g~nant des balancements observés au LCHF était une résonance
en demi-onde du canal de 1 m lorsque les lames avaient une lon-
gueur de 2 m.

- 132 -
13.412. - Essais tridimensionnels en cuves

a) Ces études sont censés prendre en compte l'influence du tracé


en plan de l'ouvrage et celles imputables au relief sous-marin.
De ce dernier point de vue, on peut remarquer que :
· En nature, lors des mauvais temps et pour la majorité des
si tes, la ~ dispersion angulaire des directions d'approche. des
lames, 1 'evolution assez rapide des spectres en énergie et
direction tendent à "lisser", d'un secteur de l'ouvrage à
un autre, les différences d'impact imputables au relief des
fonds.

Sur un modile par contre, lors d'un essai oa les para-


mitres directeurs de l'agitation sont fixes, on observe des effets
localisés et marqués, notamment dans la position et l'intens~té
des impacts maximaux.

• Bien que les modèles en cuve soient cons'trui ts en général


à des échelles plus rédui tes que les modèles en canal (1/60
à 1 / aD environ contre 1/40 à 1 /60) ils permettent rarement
de représenter plus de 1000 m des fonds au large de l'ouvrage
et presque jamais d'atteindre les profondeurs dites "infinies"
quant à la propagation des lames.
Les lignes de cr~tes, en nature, sont donc déjà influen-
cées (tracé en plan, gradients de hauteur) lorsqu'elles franchis-
sent les fonds correspondant aux limites utiles de la cuveoa
sont, le plus souvent, engendrées des ondes cylindriques.

Il y a là un défaut de représentativité du modèle


dans la simulation de· l'environnement. Dans la mesure oa le
"lissage" évoqué ci-dessus n'existe pas, ou peu, sur le modile,
il n'est pas apparu que cet inconvénient soit grave. Il suffit,
en général, de simuler, en nombre limité, des secteurs de prove-
nance et des valeurs des paramitres hauteurs et périodes reconnus
dangereux, pour avoir une image fiable des conditions d'attaque
de la structure ~ et ce, malgré la limitation, en étendue, des
fonds du modèle.

b) Il est cependant des cas, point trop rares, oa il existe


-hors des limites de la cuve- un relief singulier ou un accident
du trait de côte ayant une influence sur la propagation des
lames qu'on ne peut négliger.

L'exemple le plus connu est celui de la focalisation


par des basses rocheuses ou des ilôts isolés dans de plus ou
moins grandes profondeurs et situés à quelques kilomitres des
côtes. Dans le passé, des dommages leur furent attribués en
divers points des côtes algériennes (en particulier ARZEW).
Il Y a quelques années, le dimensionnement -donc le coût- du
trançon term:..nal de' la digue du port pétrolier de MOHAMMEDIA
fut très augmenté pour résister aux effets des vagues amplifiées
par la Basse de FEDALA.

- 133 -
Les surprofondeurs localisies du type canyon sous-
marin -moins fréquentes sur nos· littoraux (CAP BRETON, VILLE-
FRANCHE) que sur les côtes américaines (CHILI, COLOMBIE,
CALIFORNIE*, FLORIDE) - mais aussi les détroits et chenaux flan-
quésd'eaux peu profondes (pertuis charentais, entries en GIRONDE,
LOIRE et SEINE) sont autant de causes dl al tirationssystéma ti-
ques de la propagation de l'agitation.

LI influence du modelé des fonds se mê.nifeste depuis


une distance d'autant plus. grande que les périodes des lames
sont longues et l'écart relatif important entre zones de profon-
deurs différentes.

L'observation, lors des temp~tes, de valeurs des pério-


des excédant ce qui était admis jusqu'alors (Cf. 7.2 et 8.33)
oblige A analyser l'effet du relief sous-marin au moins jusqu'A
150 m de profondeurs pour les fetches effectifs de plus de
1000 km**.

cl Lorsqu 'une situation de ce type est rencontrée il faut aux


stades du projet et des essais :
• Etablir les plans de vague pour tous les secteurs de provenance
des temp~tes susceptibles d'atteindre le site, depuis les
profondeurs égales A 1 /3 au moins des plus grandes longueurs
d'ondes***.

* Un exemple intiressant est donné par O. LILLEVANG (et aIt.)


au 19ème Coastal Engineering (HOUSTON - 1984) : celui de la
destruction du brise-lames de la centrale nucléaire de DIABLO
CANYON.
** Les dommages de SINES, ARZEW EL JEDID et JEN-JEN peuvent
s'expliquer, pour partie, par des hauts-fonds isolés si tués
i des kilom~tres de ces ports.
*** Une telle analyse a été conduite par le Service Technique
Central pour le futur port de pêche de LA ROCHELLE. Elle a
permis de dim~ler les conditions de propagation au travers
du Pertuis d'ANTIOCHE et mis en évidence un filtrage des fri-
quences basses de l'agitation qui protège le site de toutes
les houles océaniques.

- 134 -
Repérer les combinaisons "provenances périodes niveau
de 'la mer" correspondant aux risques maximaux.
· oéf inir les correctifs aux conditions d'essais palliant l' in-
suffisante étendue du modèle.

Parmi les moyens utilisés on peut citer :


L' aj ustement de la hauteur des lames le long des crêtes à
l'aide de filtres atténuateurs disposis devant certaines par-
ties du générateur.
• LI accentuation des effets de' réfraction (focalisation et/ou
dispersion) par des modifications arbitraire~ des fonds.
• L'utilisation des générateurs à éléments multiples et phases
réglables, de manière à engendrer, aux limites du modèles,
des crêtes non rectilignes.
Pour sa part, le LCHF n'a utilisé que les deux premiers
remèdes, qui restent très approximatifs.

13.42.- L'AGITATION

13.421. - Les contraintes de cette simulation


La conduite des essais de stabilité devrait pouvoir
s'appuyer sur une analyse fiable du régime de l'agi ta tion au
site de l'ouvrage, analyse dont l'importance et la difficulté
ont été soulignées aux chapitres 7 à 10.
En l'état des connaissances et a·.. . ec J es moyens dispo-
nibles au stade des projets, il est certain que des interroga-
tions subsistent sur des points qui ont une influence certaine
sur ledimensionnement. On rappellera, à ce sujet :
• la difficulté d'extrapoler les graphiques "hauteurs des lames/
probabili tés" aux faibles valeurs de ces dernières et, par
conséquent, d'appricier les conditions extrémales,
.. les risques d'erreur sur les directions de provenance des
champs de vagues en raison du caractère fragmentaire, imprécis,
et souvent indirect des données exploitables, .
.. l'incertitude sur les caractéristiques respectives des compo-
santes d1me agitation mêlant des champs de vagues d'origines
diffirentes, situation fréquente dans les mers de grande éten-
due et que l'on "débrouille" mal.

- 135 -
Sous ces réserves, que l'avenir pourrait lever par
l'accumulation et la diffusion systématique de nouvelles données,
le problème de la simulation de l'agitation en modèles de stabi-
lité est double :
• D'une part, il faut engendrer une suite de systèmes de vagues
définis par des paramètres statistiques ou spectraux de hau-
teurs, périodes et, pour les essais tridimensionnels, direc-
tions. Les systèmes retenus pour tester l'ouvrage sont censês
représenter, compte non-tenu des "vagues de tassement Il , des
tempêtes dont les niveaux d'inte~sité vont en croissant.
• D'autre part, il faut faire. agir chaque système de vagues
pendant une durée préalablement convenue, en observant ses
effets sur l'ouvrage et en vérifiant s'ils s'accordent avec
le taux d'endommagements acceptés par le projeteur.
Au total, la qualité de la simulation de l'agitation
suppose un mode de génération des vagues performant aux limites
de la cuve et, aux approches de la structure et sur celle-ci,
le contrôle des caractéristiques des lames et l'observation
quantitative de leur action.

13.422. - Génération des vagues


a) Aux premiers temps des laboratoires d'hydraulique, le nombre
de systèmes imaginés pour "faire de la houle" dans les modèles
physiques a été impressionnant : volets oscillants plans ou
profilés, pistons en translation ou oscillo-translation, "coins"
de profils divers à oscillations verticales, cylindres tournants
excentrés, cloches pneumatiques, tunnels à vents forcés ••• ;
avec, assez souvent, des mécanismes de commande et des embiella-
ges compliqués.
Mais l'imagination et la complexité payaient peu car,
en fin de compte, tous les dispositifs expérimentés conduisaient
à des résultats voisins. Dans ces conditions, on a préféré les
matériels simples et ceux pour lesquels il suffit d'une courte
distance (exprimée en longeurs d'ondes) pour que les intumescen-
ces formées au générateur se résolvent en ondes assimilables
aux vagues de la mer. Cela explique le recours fréquent aux
générateurs plans oscillants : ils allient la simplicité de
structure et la possibilité de fournir des impulsions initiales.
point trop éloignées de l'enveloppe des mouvements orbitaires,
donc une distance de régularisation courte.
b) Sur ces données, un dispositif très performant est le volet
à double embiellage permettant des réglages indépendants des
excursions sur le fond et en surface; au prix, bien sûr, d'une
certaine complexité mécanique.

- 136 -
Dans la pratique des essais de stabiliti, les profon-
deurs maximales des modèles ne sont jamais très grandes alors
que les bornes de l'intervalle des piriodes sont souvent dans
un . rapport supirieur à 2. Il en risulte des configurations des
mouvements orbitaires entre surface et fond très diffirentes
les unes des autres et il est hors de question d'y ajuster en
permanence la cinématique du générateur.

On comprend que, dans ces conditions, les laboratoires


ont plus souvent utilisé des systèmes moins performants tel
le volet plan articulé sur un a~e infirieur (ondes en moyennes
ou grandes profondeurs) ou le piston' oscillant en translation
(ondes en eaux peu profondes).

Au LCHF, quatre modèles de ginirateurs d'agitation


avaient iti retenus pour les essais de stabiliti :
En canaux de houle
Volet oscillant à double embiellage (cali le plus
souvent sur un riglage "moyen")
Volet oscillant sur axe surbaissi
Piston oscillant.
En cuves à houle
· Volet oscillant sur axe infirieur, porti par un
bâti motorisi, orientable en diiection.
c) La commande du mouvement des ginirateurs de houle a subi
une ivolution qui reflète -indépendamment des perfectionnements
technologiques- le souci de simuler l'action des vagues autrement
q,; 'en produisant des siquences d'ondes d'égales hauteurs et
periodes.

Dans le demi-siècle d'existence du LCHF, trois époques


sont à distinguer :
• l'âge de l' excentrique .et de la bielle, où volets et pistons
modélisent des houles riguli~res ~
• l'âge du moteur à vitesse riglable en marche qui, dès le début
des années 50 et ~squ'i la fin des activitis de ce laboratoi-
re, a permis d'engendrer des houles en trains d'ondes répéti-
tifs, moyennant une modulation périodiques de la fréquence
d'oscillation, sans modification de leur amplitude ~
• l'âge de la commande numérique et du moteur pas à pas qui
a permis, à mi-course des années 70, de piloter le mouvement
des ginirateurs à partir de signaux, émis le plus souv~nt
par ordinateur • Partant, de produire 'n'importe quel systeme
de vagues bi-dimensionnelles : ondes régulières, séquences
conformes à tel o~ tel spectre d'énergie, groupements de va-
gues particuliers, reproduction d'enregistrements in-situ,
etc •••

- 137 -
Ces pe"rfectionnements ont suivi les progrès réalisés
dans l'a pproche des phénomènes naturels. Au premier âge on se
borne à reproduire les houles des manuels. Au 'deuxième, sur la
base d'observations visuelles (dont ses nombreubes missions
au MAROC) le LCHF fait une approximation plutôt satisfaisante
des houles océaniques mais une représentation discutable des
mers de vent. Au dernier stade, avec l'acquis des analyses sta-
tistiques et spectrales des nombreux enregistrements recueillis,
grâce aussi à l'appoint des modèles de calcul des états de la
mer, la simulation des agitations naturelles s'est beaucoup
affinée. Sauf rarissimes exceptions~ elle reste cependant limitée
à la génération d'ondés cylindriques.
L'étape suivante devrait donc voir la mise au point
de systèmes producteurs de champs de vagues comportant un sp~c­
tre en direction. L' éyuipe du LCHF en avait établi les plans
àans le proj et de cuve de génie océanique qu'elle ne put mener
à bien.

13.423. - Contrôle des lames et observation de leurs effets


a) Les générateurs les plus performants offrent, au moins en
théorie, des possibilités jamais atteintes à ce jour dans les
êtudes de stabilité et dloptimisation des ouvrages maritimes :
• au plan de la recherche, des questions faisant 'débat -telles
l'influence des périodes, celles des groupements de vagues*,
des écoulements internes, des franchissements, ••• peuvent
~tre explorées sur modèles dans des conditions mieux représenta-
tives de la réalité,
• dans les applications, les modes de sollicitation des diverses
parties d'un ouvrage sont analysables avec des gains appréciables
de fiabilité et de précision.
Dans la' pratigue, les choses sont moins simples. Une
importante dispersion des résultats est souvent constatée entre
essais supposés identiques, m~me s'ils sont conduits sur un
m~me modèle et par une seule équipe. Cette dispersion occulte
rarement la .tendance générale mais peut entraîner de notables
différences d'interprétation. On l'a vérifié il y a peu avec
les essais du LNH sur l'influence de la forme des spectres ou
celle de la chronologie des pics de temp~tes.

Par contre des essais ayant une même finalité, mais


exécutés dans des laboratoires différents, ont parfoisconduit
à de fortes di vergences, voire à des contradictions. Ce fut
le cas pour SINES (essais anglais, canadiens, français, hollan-
dais, portugais, sud-africains), ARZEW EL JEDID (essais califor-
niens et hollandais) ou JIJEL (essais danois, français, hollan-
dais) •

* Traduction de l'anglais "wave grouping". L'auteur aurait préfé-


ré que l'on conservât, après R. MICHE, la dénomination de "trains
d'ondes". ~:e serait-ce qu'en raison des phénomènes spécifiques
liés à la pseudo-période de ces trains.

- 138 -
b) L'expérience des études de stabilité enseigne que :
· une part des écarts expérimentaux tient aux inévitables dif-
férences dans les modes de construction des modiles, les plans
de pose des carapaces, les procédures initiales de vieillis-
sement, les confortements intermédiaires, etc ••.
• toutes choses égales par ailleurs, l'endommagement d'une struc-
ture donnée est plus ou moins rapide et important et qu'il
se produit de diverses façons, d'autant plus nombreuses que
l'architecture de cette structure est plus complexe,
• à ces causes d'aléas auxquelles il .est difficile de pallier,
s 'aj oute le fai t que l'expérimentation en' houles complexes,
à juste titre de plus en plus utilisée, peut aussi être une
source de dispersion des résultats.
Cette technique introduit dans les essais les aspects
statistiques et probabilistiques de l'agitation de la mer. Deux
valeurs H, T définissent un syst~me d'ondes réguliires. Par
contre ,ces mêmes valeurs associées à un spectre de houle (par
exemple H = H et T = T. d'un spectre JONSWAP) ne garantissent
~
d es sequencess d e vague'S
DJ.C.~ d '
ent~ques, a.. par t J.r
. d e cesonnees,
d ~

qu'en respectant certaines conditions dans le pilotage du géné-


rateur.
S'il n'en est pnS ainsi, de notables différences seront
observées : en particulier sur les hauteurs des plus fortes
lames, leurs groupements, leurs périodes associées et, par consé-
quent, leur plus ou moins graves effets sur l'ouvrage.
e) Les méthodes de contrôle des vagues issues des générateurs
ne permettent pas toutes aux ~xpérimentateurs de savoir quelles
vagues ont été effectivement émises ni quels épisodes dangereux
ont pu se produire. A fortiori est-il difficle à la lecture
des compte-rendus d'essais, de savoir dans quelle mesure la
dispersion des résultats est imputable à des différences dans
l'''architecture'' des séquences de vagues produites. Par ailleurs,
on ne peut envisager une normalisation contraignante des condi-
tions d'essais. Ne serait-ce que pour ne pas entraver d'intéres-
santes innovations. En retenant les suggestions formulées ci-
apris et qui sont basées sur l'expérience de l'auteur, il devrait
toutefois être possible de mieux contrôler le déroulement des
expériences et d'en interpréter les résultats.
L'idée directrice, déjà formulée dans cette note,
est que' les dommages sont la conséquence directe des impacts
-même peu nombreux- des plus fortes vagues* sur les structures
et n'ont qu'un lien indirect -bien qu'indéniable- avec les para-
mitres caractérisant l'ensemble de la population des vagues,
tels que déduits des analyses statistiques et spectrales.

* A propos des fortes valeurs de Ko ' un aspect particulier de


la dépendance entre stabilité e~ vagues exceptionnelles a
été développé en 12.223. DO, autres exemples pourraient être
donnés comme la déstabilisation d 1 un caisson, l'érosion d 1 un
cavalier de pied de, talus,

- 139 -
Ce point de vue, corrobori par de nombreuses observa-
tions en nature. et sur modèles, n'est pas suffisamment pris
en compte lorsque le contrôle de l'agi tation dans le modèle
se limite i virifier la conformiti du spectre des vagues 6mises
par le ginirateur avec les consignes qui lui sont fournies.
C'est pourquoi nous avons trouvi profitable d'opirer comme
suit :

01) Avoir un mode ~e pilotage du ginirateur tel que l'on puisse


• en pr6alable aux essais, imett~e des siquences diffirentes
entre elles mais conformes au spectre choisi, afin de retenir
celle (s) pr6sentant un "lott' de vagues exceptionnelles a priori
dangereuses (par leurs hauteurs, leurs groupements, l'altitude
des creux et des cr~tes, leurs discontinuitis, etc ••. ],
• ensuite, conduire les essais de mise au point de l'ouvrage
(projet initial, variantes, confortement, ••• ) avec la (ou
les ) siquenc~) s6lectionni~), c'est i dire avec des popula-
tions de vagues identiques (origine, durie, chronologie) pour
un couple donn6 des paramètres directeurs H, T.
La commande des gin6rateurs du LCHF , qui avait iti
mise au point par F. BIESEL et J. GAGNOUX, permettait ce type
de fonctionnement.
c2) Disposer d'un système d'enregistrement continu permettant
de restituer, en temps r6el ou diffir6 et sous quelque forme
que ce soit, l'intigralité des vagues produites à proximiti
du g6n6rateur (ou dans une partie non affectie par le relief
des fonds ou par des r6flexions parasites). A partir de ces enre-
gistrements sont possibles l'examen préalable et la splecti\Jn
des s6quences, les analyses spectrales et statistiques, la défi-
nition précise des plus hautes vagues~, leur arrangement, •••
Au cours de l'expérimentation, lorsque les essais
successifs ne diffèrent entre eux que par une hausse progressive
des hauteurs des vagues, un 6chantillonnage piriodique des para-
mètres directeurs et de quelques valeurs particulières suffit.
Par exemple: Tpic ' Hs et THs ' Hmax et THmax ' •••
S'il est nicessaire d'expérimenter avec d'autres types
d'agitation, l'intér~t d'un enregistrement intigral est r6tabli.
d) Dans les essais de stabilit6 tridimensionnels, diverses causes
(Cf. 13.412 ) altèrent les caract6ristiques des James -hauteurs,
cambrures, direction de propagation- dans leur cheminement entre
le g6nérateur et la structure et par conséquent leurs effets.

* Et non leur valeur "la pl us probable" tirée des relations


théoriques applicables i une population relevant d'une loi
de probabilit6 et d'une répartition supposies.

- 140 -
Ainsi, par rapport aux essais en canal, et à ti tre
d'exemples:
Les focalisations d'énergie sur certaines parties d'ouvrage,
signifient des sollicitations et des dommages accrus, pour
la même agitation au générateur,
Des lames très obliques sont .dangereuses pour les carapaces
qui, comme celles en tétrapodes, sont sensibles à ce type
d'attaque ~ il en résulte des dommages équivalents, voire
supérieurs, avec des hauteurs de vagues moindres qu'en impact
frontal.
L'analyse de ces phénomènes n'est faite dans de bonnes
conditions que si l'on peut disposer d'enregistrements des vagues
au droit et à proximité des· sections les plus menacées. Des
sondes mobiles et motorisées permettant d'estimer les hauteurs
incidentes et le coefficient de réflexion de l'ouvrage, par
exploration des noeuds et ventres d'amplitude, étaient utilisées
au ·LCHF.
En outre, pour l'optimisation de quelques grandes
digues à talus, des sondes de différents types posées sur, ou
dans la carapace, ont permis de bien corréler, à l'ouvrage même,
les vagues incidentes, leur transmission dans la carapace et
les dommages simultanément observés.

'3.424. -. Quantification des dommages dans les essais de jetées


â talus
a) A la ·lecture des compte-rendus d'essais 1 des communica-
tions, ••• il n'apparaltpas d'incertitude, ou de marge d'~rreur
sur l'estimation des dommages causés par une agitation donnée.
Dans la quasi-totalité des cas, ces dommages sont caractérisés
par un pourcentage, sans plus d'explications. Un seul exemple :
le tableau reproduit en 12.222, d'après le "Shore Protection
Manual" 1 qui exprime sous cette forme la correspondance liTa ux
de dommages admis - Valeurs de KO".
Or, ni la formule de HUDSON, ni les essais sur modèle,
ne rendent. compte des conséquences des bris d'éléments, qu'ils
résultent de contraintes statiques ou dynamiques, ou encore
de fatigue du béton.
Par ailleurs, pour ce qui est observable sur les modè-
les, le terme de "dommages" englobe plusieurs phénomènes tels
que : arrachement des blocs hors de la carapace 1 déplacement
d'un point à un autre du talus, oscillations avec ou sans dépla-
cement, glissements en groupe, •••

- 141 -
L'observation de ces phénomènes est le plus souvent
visuelle, malaisée et par conséquent pas très précise. La déter-
mination la plus sûre est le décompte, en fin d'expérience des
blocs tombés en pied de talus ou emportis par dessus le couronne-
ment.

b) Plus~eurs mithodes ont été proposées pour mieux quantifier


le taux d'endommagement:
• En 1983, pour l'étude de l'influence de la période sur la
stabilité des digues, le LCHF av~c l'accord du Service Techni-
que Central a utilisé une échelle de pondération de différents
types de mouvement des blocs. Le coefficient maximal, soit
1, cara~térisait la chute en pied de talus •
• Plus récemment, en 1988, le 12ème Groupe de travail de l'AIPCN
(Analyse des digues à talus ) a recommandé une estimation des
dommages en rapportant le nombre de blocs déplacés N . au côté
du cube de volume égal à celui du bloc ON. N est> ensuite
tracé en fonction du nombre sans dimensionH /oAD , A étant
N
la densité relative du bloc. s
Dans son rapport sur l'influence des groupements de
vagues (Fév. 1990) le LNH a présenté les résultats sous les
deux formes ci-dessus, sans qu'il apparaisse, entre elles, dis-
cordance ou avantage de l'une sur l'autre.
c) Dans ce même domaine, deux tentatives originales méritent
d 1 être rappelées, même si elles ne semblent pas avoir eu des
suites.
La première* consiste à superposer deux vues transpa-
. rentes du talus prises avant et après l'essai et tirées l'une
en positif, l'autre en négatif~ La lumière transmise en projec-
tion est fonction du degré de désorganisation de la carapace.
La seconde restitue le processus d'endommagement en
projetant à cadence cinématographique la suite des clichés du
talus pris au retrait de chaque vague. Aux périodes des lames
et aux duréesd 1 essais usuelles on obtient des animations de
quelques minutes instructives sur plus d'un point : par exemple
la localisation des premiers dommages et leur progression. Ce
procédé fut utilisé par C. LANGLAIS au LCHF pour l'étude de
5INES.

* L'auteur croit se souvenir que les promoteurs étaient sud-


africains.

- 142 -
13.43. - MAREES, COURANTS ET FONDS MOBILES

13.431. - Marées et/ou fluctuation du niveau de la mer

a) Deux raisons au moins obligent i prendre en compte les varia-


tions du niveau de la mer :
sauf cas d'ouvrages en grandes profondeurs, la propagation
et l>es caractéristigues des vagues (profil, céléri té, seuil
de deferlement, ••• ) sont fonction de la hauteur d'eau,
s~uf cas de structures. flottant·es, les effets des vaques dif-
ferent selon le niveau de la mer i indépendamment de l'influen-
ce ci-dessus, les impacts et leurs conséquences n' affectent
pas les m~mes parties des digues :
- aux niveaux hauts les t~tes de di'gue et les talus
internes sont plus exposés,
- aux ni veaux intermédiaires ce sont, côté mer, les
murailles et les rev~tements des talus,
- aux niveaux bas, les butées, les tapis de pied et
les fonds naturels peuvent ~tre attaqués.
Les essais d' optimisation doivent permettre d' obser-
ver toutes ces situations.
b) A la marée astronomique, tr~s variable selon les sites,
s'ajoutent les fluctuations périodiques ou non, recensées au
chapi tre 5, et dont découlent les condi tions extrémales de ni-
veaux en un site donné.
Dans la maj ori té des mod~les de stabilité du LCHF,
l'intervalle des niveaux marins considérés intégrait, outre
la marée stricto sensu :
• les marées météorologiques (vent, pression barométrique, ••• ),
et, le cas échéant :
les variations annuelles du niveau moyen (prise en compte
des valeurs i la saison des temp~tes),
• les seiches longues (seiches de 10 i 50 min du plateau conti-
nental, des détroits, de golfes et grandes baies, des entrées
d'estuaire ••• ).
c) Pour beaucoup d'ouvrages, on a donc été condui t i représen-
ter :
d'une part des variations continues des niveaux rattachées
â la marée astronomique,
• d'autre part des cotes fixes correspondant aux extremums les
plus probables et/ou incluant les plus grands risques (Cf. 5.3
comme exemple de calcul de ces extremums).

- 143 -
Une technique habi tuelle au LCHF, pour les modèles
d'ouvrages en sites à marées astronomiques appréciables, consis-
tait non pas à reproduire des marées réelles mais à répéter
des fluctuations de niveau en "dents de scie". Cette méthode
se justifie par le fait qU'il n 'y a pas corrélation -malgré
la croyance populaire- entre phases de la lune (donc marées)
et condi tionsmétéo. Tempêtes et dommages surviennent n'importe
quand dans le cycle des marées. Il est donc préférable, surtout
dans l'optique des critères de stabili té basés sur la notion
de "houle ennale" (Cf. 9.11) de respecter les durées d'atteinte
ou dépassement d'un ni veau donné de la mer sur une assez longue
période. Cela conduit, par intégration des courbes de marée
sur au moins plusieurs mois à une loi sensiblement linéaire.
D'où les "dents de scie", calées sur le niveau moyen,
bornées par les cotes de pleines et basses-mers de vives-eaux,
en général symétrique et de période correspondant à la composante
dominante, en général semi-diurne.
c) Cette méthode n'est plus adapt~e à la simulation d'un épisode
réel, par exemple, lorsqu'on analyse les causes et le mode d'en-
dommagement -à une date et dans des condi tions connues- d'un
ouvrage existant.
Elle n'est pas non plus valable pour les ouvrages
verticaux. Leur destruction n'est pas progressive mais survient
sur une séquence de quelques lames, voire une seule et sans
variation appréciable du niveau. D'où les recommandations dras-
tiques de l'AIPCN pour leur dimensionnement (Cf. 11.421).
Pour ce type de digue (ou pour la partie verticale
des digues mixtes) l~ stabilité est .donc moins à vérifier sur
l'intervalle total de fluctuation du niveau de la mer que sur
la frange supérieure de celui-ci. On peut admettre que, dans
la situation d'eau profonde impliquée par la définition de ces
ouvrages, le même H de dimensionnement est à considérer pour
tous les ni veaux hN!«ës. Pour cette même raison d'eau profonde
les surélévations dues aux seiches et aux déferlements sont
à écarter. Il reste les effets du vent, les dépressions baromé-
triques et , le cas échéant , les variations saisonnières du ni-
veau moyen. Soit au total une marge d'un mètre au plus, infé-
rieure ou du même ordre que l'incertitude sur Hmax •
Il paraît donc prudent d'associer cette hauteur de
vague aux niveaux les plus hauts observables sur la période
considérée, d'autant que l'occurence simultanée de vents forts,
de dépressions et de fortes vagues est fréquente.

- 144 -
13.432. -Courants et fonds mobiles
a) . La simulation des courants, lors des essais de stabilité,
n'est pas souvent réalisée, surtout en canal de houle : elle
suppose un appareillage compliqué et elle provoque une altéra-
tion de la propagation des vagues dont on ne peut s'accommoder
qu'en canal large ou en cuve i houle.
En fait, la prise en compte d'un courant -i l'évidence
parallèle à l'ouvrage étudié- est liée au risque d'affouillement
des fonds proches. Dans la très grande maj ori té des cas, la
question se posera pour des sols sableux, qu'il s'agisse du
sédiment en place ou d'une substitution à des vases, des sables
boulants, etc ••.
b) On sai t que la cause première d'érosion en pied de digue
est le pouvoir réfléchissant de l'ouvrage et l'accroissement
àes vitesses surIe fond qui en résulte, aux noeuds verticaux
du clapotis • L'exemple-type déj·à évoqué. est le basculement de
la jetée verticale d'ALGER (1934) da.ns la fosse creusée à son
pied par la houle.
Ce risque, auquel pallie d'ordinaire un tapis de pied
en large débord, est très amplifié en étendue, durée et fréquence
d 'appari tion lorsqu'un courant longe la jetée, même s'il n'est
pas très rapide*. Il n'est pas exceptionnel que :
• la marée, le vent, l' obliqui té des lames, les déferlements
sur des plages voisines engendrent une dérive générale des
eaux dans la frangecStière,
• l'avance en mer de l'ouvrage concentre et augmente le courant
sur la branche terminale, les coudes, le musoir.
C'est ce type de situation qui incite i modéliser,
dans les essais tridimensionnels, le courant et des fonds af-
fouillables devant l'ouvrage. Les essais du LCHF retenus pour
la synthèse SOGREAH en offrent deux exemples importants avec
les digues d'ANTIFER et de ZEEBRUGE. Il est certain que, pour
d'auires sites, des essais de ce type auraient été profitables.
c) Il est important de souligner qu'il s'agit li de schématisa-
tions qualitatives et ce, pour plusieurs raisons :
• les séquences d'essais de stabilité sont représentatives. des
seules périodes de mauvais temps, pas de l'ensemble du climat
d'agitation d'un site,

* Sauf en si tuation particulière, comme les goulets à marée,


les courants marins n'atteignent pas les vi tesses nécessaires
pour "charrier" les sédiments de fonds. Par contre, mis en
suspension par la turbulence des lames, ces sédiments se dépla-
cent avec des courants même faibles.

- 145 -
• 11 évolution des fonds et l'endommagement de la jetée se déve-
loppent, sur les modèles, à des échelles de temps différentes,
• un matériau répondant aux critères des modèles sédimentologi-
ques pour les fonds affouillables ne peut servir d'assise
au modèle de la digue.

De fait, dans la quasi-totalité des essais de stabilité


du LCHF où des fonds meubles étaient représentés, ceux-ci étaient
constitués d'un sable fin de cristallerie répondant à un seul
critire : les vitesses orbitales maximales sur le fonds étaient
supérieures i sa vitesse critique d"'entrainement. Dans ces condi~
tions, et sur la foi d'essais du LNH dirigés par J. LARRAS,
on devrait atteindre au bout d'un temps plus ou moins long et
quel qu"e soit le sédiment, des formes d'équilibres identi-
ques (11).

13.44. - LE VENT
L'auteur n'a guire d'expérience sur les moyens à mettre
en oeuvre et le profit à retirer dans les essais de stabilité
avec représentation du vent.
On peut penser que ce fut une lacune du LCHF de n'avoir
développé aucune action en ce domaine, qU'il s'agisse de simuler
une agitation dans son aire de génération* ou d'analyser les
effets superposés des lames et du vent sur une structure.
Il est au moins un phénomine qui est malreprodui t
dans les essais de stabilité en l'absence de vent : c'est la
portée des franchissements et la manière dont ils retombent
sur l'arrière de l'ouvrage. La modélisation "sans vent" paraît
d'autant moins représentative sur ce point que les franchisse-
ments sont plus "jaillissants", tels ceux déviés vers le haut
par une paroi verticale, un parapet en saillie, un mur chasse-
mer (Cf. 13.312 c).
Lorsqu'il existe un risque de dommages aux voies de
roulement, aux postes de chargement, aux têtes de carapace côté
port, une simulation même approximative du vent semble conseil-
lée. Par exemple, pour àes essais en canal, en confinant une
veine d'air soufflée (ou aspirée) dans un tunnel amovible disposé
sur une certaine longueur de part et d'autre de l'ouvrage.

* Sur d'àutres modèles que ceux de stabilité, des batteries


de ventilateurs furent utilisées pour simuler des clapôts
de courte? périodes (2 à 4 s).

- 146 -
13.5. - REFLEXIONS SOR LA CONDUITE DES ETUDES

13.51. - L'ECONOMIE DES ESSAIS EST-ELLE POSSIBLE?

La première décision à prendre concerne à l'évidence


la nécessi té de prévoir, ou non, des essais sur modèles. La
question vaut d'être posée, hors toutes autres considérations
techniques ou économiques. Depuis des millénaires, on a en effet
construit des ouvrages maritimes pérennes ... alors qu'on ne
pratique couramment la modélisation que depuis moins d'un demi-
siicle. .

De nos jours, les =ontraintes financières imposées


à la réalisation et la fiabilité attendue en exploitation s'ac-
commoderaient mal de l'opinion des années 30 sur l'impossible
calcul des jetées (Cf. 11.2). L'aventure de la construction
de la digue du large de CHERBOURG (1 782 -1 853) ne saurait être
répétée.

Certaines situations autorisent cependant l'impasse


totale ou partielle sur la modélisation, même pour un ouvrage
deçuelqu'importance. Quelques critères ou règles simples, lors-
qu'ils sont satisfaits, justifient ce parti
a) Le prix d'une jetée à talus. ne croît pas beaucoup avec le
poids unitaire des blocs du revêtement et de son assise. Toutes
choses restant égales par ailleurs (longueur, hauteur, pente
de talus, type de revêtement, densi té) si les poids uni t3.ires
sont multipliés par n, le surcoût est de l'ordre de n 1 /3 et
correspond à l'augmentation d'épaisseur des couches intéressées.

Soit une incidence financière de l'ordre de 10% pour


des poids unitaires doublés, résistant théoriquement à une hau-
teur des vagues augmentée de 25%, si l'on admet que la carapace
"vaut" le 1/3 de l'ouvrage.

Chaque fois que les caractéristiques du site assurent


d'une borne supérieure des sollicitations (par les profondeurs,
par le fetch, par les v~nts maximaux, par le tracé du li tto-
raI, ..• ) il peut être avantageux de se limiter à un dimension-
nement par le calcul, incl uant une bonne marge de sécuri té,
sans optimisation par des essais. Une décision de cette nature
fut prise par le maître d'ouvrage du port de BOURGENAY : élargis-
sementet recharge de l~ jetée plut8t qu'un engagement d'essais
à trois dimensions.
b) Certains secteurs littoraux de plus ou moins grande étendue
ont des expositions très voisines, voire identiques. C'est le
cas des c8tes ouvertes, soumises à des agi ta tions levées par
les mêmes champs de vent. Lorsque, d'un si te à un autre, on
retrouve les données de projet de réalisations existant~s,. il
peut suffire, comme le conseillai t jadis M. BLOSSET, de t~rer

- 147 -
les "enseignements du comportement de celles-ci. Encore faut-
il vérifier, par une analyse exhaustive de l'environnement phy-
sique, qu'aucune circonstance particulière n'entraine de risques
spécifiques : convergence des lames après un haut-fond, irrégu-
larité du plateau contiriental (canyon), etc •••
Sur les littoraux où le LCHF et l'auteur eurent à
intervenir, des exemples de ces expositions comparables peuvent
être cités. Ainsi :
• les côtes centre et est d'ALGERIE, sous le vent
du Golfe du LION,
les rivages de la MEDITERRANEE orientale (LIBAN,
ISRAEL) ,
• le littoral français entre LOIRE et GIRONDE (i l'ex-
ception des pertuis des îles),
• . les faces ouest de la COREE et est de la MALAISIE
péninsulaire,
• côtes nord et centre du CHILI.
c) Certains projets d'ouvrages maritimes pourraient être quali-
fiés de "standard", dans la mesure où leurs principales spécifi-
cations avaient déjà été adoptées pour des ouvrages existants.
On peut alors, sans trop risquer, transposer les résultats
d'étude de ces réalisations antérieures sans engager d'essais
spécifiques, ou en en limitant l'importance.
C'est, semble-t-il, le parti adopté pour la jetée
du port de plaisance de ST DENIS D'OLERON qui a tiré profit
des essais d' accropodes conduits auparavant par SOGREAH ainsi
que d'une très bonne connaissance de l'environnement physique
acquise par le Service Maritime et le LCHF.
d) Il n'est pas rare que des ouvrages d'un coat limité et dont
on cerne bien le niveau de sollicitation soient construits sans
essais sur modèle, comme l'enclôture du bassin est de LA
COTINIERE (Ile d' OLERON) ou comme les défenses côtières dont
le prix peut être moindre que celui des essais et que l'évolu-
tion du littoral obligera peut-être à reconstruire à échéance
de l'ordre de la dizaine d'années, ou moins.
Au total, on constate par les exemples et les situa-
tions évoquées ci-dessus qu'il n'est pas impossible de faire
l'économie d'essais sur modèle. Trois cas de figure s'accommode
de ce choix :
• lorsqu'on s'assure à peu de frais d'une bonne réserve
de stabilité,
• lorsqu'on peut tirer profit de réalisations compara-
.bles et éprouvées,
• lorsque le risque technique est limité et les pertes
financières éventuelles acceptables.

- 148 -
Dans tous les autres cas, et en particulier quand
les pertes induites par l'endommagement de l'ouvrage sont éle-
vées, les essais de stabili té sont la règle. Et l'expérience
enseigne que ces "autres cas" sont, de très loin, les plus nom-
breux.

13.52. - PROGRAMMATION DES ESSAIS


a) La programmation des essais s'ordonne autour de quelques
évidences :
. L'ampleur des recherches est, en général~ en rapport avec
l'importance du projet, donc de son coat. Pourtant, ce dernier
est d'un ordre de grandeur très supér ieur (de l'ordre de 1
i 50) i celui des études.
Il est constant que le financement de celles-ci soit
très difficile i obtenir par les parties intéressies auprès
des bailleurs. Ce financement est presqu'impossible pour des
opérations de.faible envergure.
Nonobstant ce qui précède, l'estimation des risques encourus
en ca·s d'échec peut j ustif ier des études poussées et qui ne
sont pas en proportion du montant de l'investissement. D'ordres
très divers, ces risques comprennent -outre les remises en
état de l'ouvrage- les dommages induits aux installations
et activités "captives"* •
• Tout projet de quelqu'importance suppose une approche par
étapes, des retouches, voire des refontes plus ou moins complè-
tes. Au total, des années· passent avant que l'accord soit
acquis et les travaux confiés aux adjudicataires. Il est donc
logique que le programme des essais, comme la démarche des
projeteurs, progresse du staàe de recherches simples et limi-
tées i celui de l'examen approfondi, utilisant toutes les
améliorations des techniques de modélisation.
c) Si chaque ouvrage présente des caractéristiques spécifiques
pouvant justifier une stratégie d'étude particulière, il reste
que la majorité des essais de stabilité s'accommode assez bien
des lignes directrices ci -dessus, donc d'un engagement propor-
tionné au degré d'élaboration du projet.

* Exemple la destruction de terminaux d'exportation vi taux


pour une région mais mal conçus pour ies tempêtes du site
(ARZEW EL JEDID).

- 149 -
Le tableau ci-après illustre cette correspondance.
Il se veut seulement l'exemple d'une interdipendance souvent
vérifiée.

Phases du projet Etudes sur modèles de stabilité

• Faisabilité • Pas d'essais .; calculs de pridimensionnement


· Avant-projet(s) • Affinage du dimensionnement, itayé au besoin
provisoire(s) par l'essai e~ canal de quelques sections~
types
• Avant-projet(s) • Expirimentation complète, en canal, de l'en-
définitif(s) semble des sections-types
• Variantes de
projets
F
Ltridimensionnels)
Essais en ca.nal et en cuve i houle (modèles

• Projet difinitif
• Jugement des • Le cas ichiant,vir~fication en canal des
offres variantes d'entreprises
• Adjudication • Essais en cuve i houle de la variante rete-
nue en substitution du projet mis au concours
(si tel est le cas)
· Construction • Essais spicifiques (canal, cuve) des problè-
mes de chantier : musoirs intermédiaires,
fronts d'avance, talus non recouverts, ..••

-------------------
• Dommages • Simulation de l'endommagement (plut8t en
ultirieurs cuve) et mise au point du confortement (ca-
nal et cuve)

d) La programmation des essais, telle que proposie ci-dessus,


correspond à un ouvrage important. Dans les conditions iconomi-
gues actuelles, son coût dipasse les 5 MF.

Les ouvrages en mer moins consiquents ne font en gini-


raI que l'objet d'essais bi-dimensionnels,· au risque de mal
appricier l'incidence des effets tridimensionnels.; Comme indi-
quée, la question s' italt posie lors de l' itude des j eties de
BOURGENAY.

Au stade des petites structures, telles que les defen-


ses côtières, et pour les raisons diveloppies au paragraphe
pricident, l'impasse sur tout programme d'essais privaute Il
est possible qu'il y ait relation de cause à effet, pour ce
type d'ouvrages, entre l'absence d'itudes sur modèles d'une
part, leurs duries de vie souvent courtes, la friquence et le
coût des rép~rations d'autre part. Dans la mesure où les condi-

- 150 -
tions d'itablissement des ipis et autres protections prisentent
souvent des points communs d'un si te à un autre (hauteur des
lames limi ties par les diferlements, implantations et assises
en terrains sidimentaires, attaque "en bout" sous incidences
rasantes, ••• ) il est certain qu'une expirimentation de caractire
global, dibouchant sur des rigles de mise en oeuvre adaptables
aux cas particuliers, présente un grand intirêt.

13.53. - TENEUR DES EXPERIENCES


a) Quels que soient le program~e dicidi et les techniques de
simulation utilisies, chaque expérience de stabiliti, définie
par. une giométrie et un dimensionnement, consiste à soumettre
le modile aux effets d'agitations de forces croissant par paliers
de duries de l'ordre d'une journie.

Les résultats sont jugés satisfaisants lorsque les


taux d'endommagements, pour les conditions retenties par les
projeteurs pour des duries de retour de 5, 10, ••• 50 ans
sont du même ordre que ceux fixés par les "critires de stabi-
liti".

Cette méthodologie de montie en puissance progressive


èe l'agitation reflite le concept de "houle ennale" êvoquêe
a diverses reprises dans ces commentaires*. Cela est normal
dans la mesure où les calculs de dimensionnement sont conduits
avec des hauteurs de lames de projet dont la probabilité d'occu-
rence est définie comme itant de 24 h en duries cumulées sur
"n" anniesen moyenne (n =5,10, 50, 100 ans).
b) L'accord entre mithode de calcul et mithodologie d'essais
ne garantit pas la reprisentativité, par cette dimarche, des
phénomènes réels. Une digue n'est pas ditruite, ou gravement
endommagie, par le cumul sur des décennies, d'actions dont cha-
cune ne dure que moins d'Un jour, voire quelques heures.

Que l'ouvrage ait éti affaibli, ou non, par des dégâts


antirieurs mal ou pas réparés, les dommages graves sont la consé-
quence dl un seul, ou d'un petit nombre d'épisodes de tempêtes,
d'une durée totale de quelques heures à quelques jours, et surve-
nant au cours d'une même saison, sans possibili ti dl interven-
tions.

Avec la terminologie· que nous avons adoptée, la des~


truction relève de la "tempête ennale", non de la "houle ennale".
Cela est si vrai que, lorsqu'on cherche à comprendre le micanisme
de ruine d 1 un ouvrage, ou à privoir les alias d'un chantier

* Cf. en particulier 9.1 et 12.24.

- 151 -
de travaux mari times, on simule r.vec le maximum de fidéli té
le déroulement en continu des mauvais temps subis ou probable,
sous tous leurs aspects (spectre d'énergie, direction, hauteur
d 1 eau, durée, ...).

c'est pourquoi nous pensons que, dans les essais comme


dans la prévision des situations extrémales et dans les calculs
de dimensionnement, il est nécessaire de prendre aussi en compte
les faits réels que sont les tempêtes et leurs paroxysmes des-
tructeurs.

13.6 •. - A L'ECOUTE DE TOUS LES AVIS

a) Le pouvoir de concrétisation des proj ets par les modèles*


-surtout physiques- auprès des décideurs et des responsables
a déjà été évoqué. Un autre apport de la modélisation, et non
des moindres, est la confrontation des points de vu.e auxquels
elle a finalement conduit. En ce sens, les modèles de stabilité
sont certainement ceux qui ont le plus contribué à éviter l'iso-
lement des laboratoires dans leur domaine trop spécialisé pour
être bien assimilé de leurs interlocuteurs.
Encore a-t-il fallu plus de 20 ans, jusqu'au coeur
des années 60, pour qu'un centre aussi "ouvert" que l'étai t
le LCHF considère comme nécessaire, et surtout bénéfique, l' in-
tervention fréquente, dans ses études, de toutes les parties
prenantes à un projet. Plutôt que de confrontation, il serait
d'ailleurs plus judicieux d'évoquer la concertation et la colla-
boration qui marquent, dans la mise au point d'une structure,
les échanges de points de vue entre :
• Les martres d'ouvrages, martres d'oeuvres, futurs utilisateurs,
financiers, • •• qui sont surtout intéressés à la stabilité
de l'ouvrage achevé, à la minoration du montant de l'investis-
sement et aux risques ultérieurs qui pourraient être encourus
(dommages directs et pertes d'exploitation).
• Les p=ojeteurs, dont le souci premier est de tester la validité
du dimensionnement , d 'y apporter les correctifs nécessaires,
de préciser les taux de dommage attachés à une force des lames
donnée; en bref, d'orienter le projet vers l'optimum technico-
économique.
• Les constructeurs, qui ajoutent aux objectifs précédents ceux.
de conduire le chantier dans les conditions les plus favora-
bles à l'entreprise, de minimiser les effets des mauvais temps
en phase de travaux (vulnérabilité maximale de l'ouvrage),
de se prémunir contre les réclamations ultérieures.

* Les magnifiques maquettes des chantiers, destinées aux arma-


teurs, en sont un autre exemple qui fai t l'orgueil de nos
musées maritimes.

...; 152 -
· Les responsables des itudes sur modiles qui -outre la cbnduite
des essais dans les "règles de l'art "- doivent apporter à
leurs interlocuteurs le conseil technique découlant de leur
expérience et élaborer la méthodologie d'expérimentation la
mieux adaptée aux inflexions, quelquefois notables et souvent
imprivus, dans l'élaboration du projet.
c'est, au total, la reconnaissance d'une certaine
co-responsabilité et un enrichissement mutuel qui ont imergé
de ces études menies en association d' iquipes*. Il n' est que
plus regrettable que, encore de. nos jours, cette confrontation
des points de vue ne soit rialisée ni par tous~ ni partout.
b) Cette évolution s'est engagée tris tôt au LCHF :
• Son action, internationale pour plus de deux tiers dis les
années 50, devait s'accommoder de trois mentalités biendiffé-
rentes: l'hispanique, l'anglo-saxonne et la française.
• Sa coopération avec les services des grands ports. et les bu-
reaux para-étatiques comme BCEOM, SCET-COOP, TECHNIP et plus
tard SOFREMER, facilitait la connaissance des pratiques extra-
hexagonales.
• La part croissante des études confiées au LCHF par de grandes
entreprises de travaux publics françaises et étrangires impli-
quait des relations étroites avec leurs propres bureaux d'étu-
des et une meilleure compréhension de leurs contraintes.
Selon notre expérience, cette confrontation de points
de vue différents, complémentaires et également justifiés est
plus fréquente et mieux rialisée dans les pays latins que dans
l'orbite anglo-saxonne ou scandinave.
Peut-~tre faut-il y voir la contrepartie de l'indépen-
dance ombrageuse -au moins en façade- et de la méfiance de l'en-
gineering de ces nations vis à vis des autres intervenants :
équipes de terrain, laboratoires, bureaux spécialisés, entrepre-
neurs. Un SINES ou un ARZEW EL JEDID, ont souffert de cette
conception .. cloisonnée", bien éloignée de la concertation qui
présidait à ANTIFER, JORF LASFAR, MOHAMMEDIA, ZEEBRUGE et bien
d'autres.

Comme l'affirmait un jour l'Ing. Gén. Jean CHAPON,


le modile de tout ouvrage de quelqu'importance est indispensable,
m~me s'il ne sert qu 1 à visualiser le projet et à permettre d'en
discuter en commun.

* Michel SERRES parl~rait-il de "métissage technique" ?

- 153 -
P 0 S T F ACE

L'auteur doit ici prier qu'on l'excuse de la longueur


de son texte. A sa décharge, les suj ets abordés ne s'épuisent
pas en quelques commentaires simplificateurs.

Touj ours renouvelés, comme la mer, ils n'ont pas que


des dimensions techniques. Plus que d'autres constructions humai-
nes, l'ouvrage maritime, dans la ~iversité de ses formes, reflite
l'état d~s s~ciétés, leurs évolutions, leurs échanges, leurs
mode~ de vie, leurs progris et leurs récessions.

La disparition des paquebots, les vacances et les


industries en bord de mer, l'accroissement des tonnages trans-
portés, la navigation de plaisance, la réduction des prises
de pêche, le pétrole offshore, l'évolution des flottes de com-
bat, •• sont autant de phénomiries dont les causes sont ailleurs
qu'en milieu marin mais dont les effets ont suscité, transformé
ou rendu inutiles des familles entiires de structure •.• en moins
d'un demi-siicle !

La simplification n'est guire plus a1see au plan tech-


nique. "La conception des ouvrages maritimes fait appel à des
techniques et des méthodes souvent récentes, plus empiriques
que théoriques. Elle doit s'accommoder d'une connaissance impar-
faite, voire fragmentaire, de l'environnement physique, alors
quel 'inventaire des problimes que pose cet environnement s' en-
richit ou se modifie avec l'ivolution des types des structures,
des modes de réalisation, des cri tires de choix des si tes à
aménager.

Une expérience de quelques décennies dispose plus


à savoir se remettre en" question qu'à asseoir ses certi tudes.
On imagine mal un "Riglement de calcul des digues" alors que,
pour donner un seul exemple, on fut contraint, sur un laps de
temps de 3 ou 4 ans, d~ doubler des hauteurs de lames de projet.

Pour chacun des thimes commentés dans ce texte, nous


avons donc moins cherché à illustrer la mise en oeuvre des pra-
tiques actuelles, qu'à en justifier le choix, le cas échéant
montrer leurs insuffisances, et les infléchissements qu'il peut
paraître souhaitable de leur donner.

- 154 -
Quant à la forme dece"s recommandations, nous avons
essayé -au risque de quelques redi tes- d'en rédiger les diffé-
rents chapitres sans nécessité de reports trop fréquents i dlau-
tres parties du texte.

Avec l'espoir que ces louables intentions n'auront


pas été trahies par les insuffisances de l'auteur •••

La Flotte-en-Ré, octobre 1991

- 155 -
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Au long de sa carrière, l'auteur a eu recours, entre


autres textes et documents, à ceux mentionnés ci-après. C'est
en raison du profit qU'il en a
ret.iré, et· non pour recenser
toutes les sources d'information, que cette liste a été dressée.

Mais, nul doute que d'importantes contributions à


la conception des ouvrages mari tîmes et aux questions qui s' y
rattachent, lui aient échappé.· Le fait qu'elles ne soient pas
citées n'implique donc aucun jugement de valeur.

- 156 -
l - OUVRAGES GENERAUX

01 - Cours de Travaux Maritimes (M.D. LAVAL - ENPC)


02 - Traité de Travaux Maritimes (J. CHAPON - Eyrolles)
03 - Shore Protection Manual (US Army Coastal Engineering Research
Center - 1973 et rééd.)
04 - Port Engineering (P. BRUUN - Gulf Publishing Company -
3rd Edition, 1981)
05 - Ingenier!a de costas (Laboratorio.de Pue~tos R. IRIBARREN -
Madrid, 1 978)
06 _. Oceanographical Engineering (R.L. WIEGEL-Prentice Hall Inc.,
1964 )

II - ENVIRONNEMENT PHYSIQUE

II.1 - BATHYMETRIE, TRAIT DE COTE


07 Minutes des levés hydrographiques depuis 1820 environ
(Archives de l'EPSHOM, à Brest)
08 - Levis du Service deb Missions du LCHF (1950-1980 environ,
conservés au siige de la SOGREAH)
09 - Clichés des levés aérophotogrammitri'que de l'IGN,· depuis
1945 environ (Etablissements de ST MANDE et BORDEAUX)
10 - Clichés des satellites

II.2 - METEOROLOGIE, CLIMATOLOGIE


11 - Métiorologie marine (R. MAYEN~ON - Editions maritimes et
d'outre-mer, 1982)
12 - Eléments climatologiques concernant les côtes de la France
Métropolitaine (Section Climatologie Marine du Service
Central d'Exploitation de la Météorologie)
13 - Gros temps sur la planite (J.-C. DUPLESSIS et P. MOREL -
Editions Odile Jacob, 1990)
14 - Instructions Nautiques (SHOM) et leurs équivalent à l'étranger
comme les Pilots Books britanniques

II.3 - OCEANOGRAPHIE
a) Documents généraux
15 - Traité d'Océanographie Physique (J. ROUCH - Payot, 1948)
16 - Annuaires de marées, Tables des constantes harmoniques,
cartes de courants (horaires, saisonniires) dressés par le
SHOM en France et ses principaux homologues à l'étranger

- 157 -
b) L'aqitation de la mer (approche théorique)
17 - Mouvements ondulatoires de la mer en profondeur constante
ou décroissante (R. MICHE - Annales de P et C, janv.-aout 1944)
18 Propriétés des trains d'ondes océaniques et de laboratoire
(R. MICHE - Bulletin n0135 du COEC, 1954)
19 Physique de la houle et des lames (J. LARRAS - Eyrolles, 1979)
20 La houle réelle (P. ARISTAGHES - STCPMVN)
21 Rapport Final de la Commission Internationale pour l'étude
de l'effet des lames - 1ère Partie (Bulletin de l'AIPCN, 1973)
22 Paramètre des états de la mer (Publication conjointe AIPCN-
AIRH,1986)

c) Observation et prévision de l'aqitation


23 - Revised wave forecasting relationship (C. BRETSCHNEIDER -
2ndCoastal Engineering, 1952)
24 - Practical methods for observing and forecasting ocean waves
by means of wave spectra and statistics (Hydrographie Office
from US Navy - Pub. n0603 - 1955) .
25 - Predicting maximum wave height (CARTER and CHALLENOR -
Ecor Meeting Proceedings, 1981)
26 - Un nouveau modèle de prévision de l'état de la mer i l a
Météorologie Nationale (Anne GUILLAUME - Atelier de modélisa-
tionde l'atmosphère, Toulouse, novembre 1988)

d) Compilation de données
27 - Atlas NAVAIR 50 le 528
28 Ocean Wave Statistics (HOGBEN and LUMB, 1967)
29 Listings des observations des synopships (obtention, pour une
zone donnée, auprès du service météo compilateur de cette zone)
30 Tableaux d~s états de la mer observés par les sémaphores
31 Etudes statistiques des observations de vagues (R. MAYEN~ON -
Bulletin COEC nOS, mai 1969)
32·- Comparaison de statistiques de hauteur de vagues en Méditer-
ranée (R. MAYENÇON - Bulletin COEC nOS, mai 1970)

III- SINES et autres situations critiques

33 - Design of main breakwater at SINES Harbour (John D. METTAM -


Coastal Engineering, 1976)

- 158 -
34 - Causes et effets des tempites de 1978 et 1979 sur la digue
de SINES au Portugal (C. ORGERON - Navires, Ports et Chantiers
n0371, 1981)
35 - West breakwater SINES : overview of rehabilitation and syn-
thesis of project (J.F. TOPPLER an othe - Coastal structure,
1983 )
36 - Connaissance des houles et conception des grandes digues à
talus (C. ORGERON - Chantier de France n0178, mars 1985)
37 - Statistical relationshipbetween individual heights and
period of storm waves (Procéeding.of BOSS -TRONDHEIM, 1976)
38 - Etat de la mer au large de la BRETAGNE dans la nuit du 15 au
16 octobre 1987 (Catherine ARISTAGHES - Revue Met-Mar, 1988)

IV - RECHERCHES SUR LE COMPORTEMENT DES OUVRAGES

39 - Laboratory investigation of rubble mound breakwateur


(R.Y. HUDSON - Proc. ASCE, Vol. 85, nOWN3, 1959)
40 - Static stability of rubble mound breakwater (W.A. PRICE -
Dock and Harbour Anthority, may 1979)
41 - Etude de la stabiliti des digues en houle aliatoire (J.-P.
LEPETIT et J. FEUILLET - LNH)
42 - Mound breakwater underwave attack (M.-A. LOSADA an L.A.
GIMENEZ CURTO - Santander International Seminar, 1980)
43 - Permiabiliti des digues en enrochements aux ondes de graviti
piriodiques (B. LE MEHAUTE - Houille Blanche: n06 - 1957,
n02 et 3 -1958)
44 - Pouvoir riflichissant des ouvrages soumis à l'action de la
houle (R. MICHE - Annale des Ponts et Chaussies, mai-juin 1951)
45 -Riflexion d'une houle sur un plan inclini (L. GRESLOU et
Y. MAHE - 5 th Coastal Engineering, Grenoble 1954)
46 - Effects of wave grouping on breakwater stability (16 th Coas-
tal Engineering, Hambourg, 1978)
47 - Influence de la piriode de la houle sur la stabiliti des
digues à talus (J. CARPENTIER et F. BROSSELARD - FAIDHERBE -
Colloque SHF,octobre 1985)
48 - Wave run-up and overtopping (Technical Advisory Committee on .
protection against inundation, Ministry of Transport and
Public Works - The Hague, 1974)

- 1 S9 -
v - DIMEN5IONNEMENT

49 - Formule pour le calcul des digries en enrochements naturels


ou éléments artificiels (Ramon IRIBARREN C. - 21ème congrès
AIPCN, Stockholm 1965)
(39)- Laboratory investigation of rubble mound breakwater
(R.Y. HUDSON - Proc. ASCE, Vol. 85, nOWN3 - 1959)
50 - Rapport final de la Commission Internationale pour l'étude
de l'effet des lames 2imepartie (Bulletin de l'AIPCN, 1976)
51 - Le dimensionnement des digues a talus (J. F~UILLET, Y. COEFFE,
J. BERNIER et B. CHALOIN - Eyrolles, 1987)
52 - The significance of the N-year design wave height(TUCKER
and FORTNUM - Ecor Meeting Proceedings, 1981)
53 - Synthise d'études de stabilité d'ouvrages maritimes en labo-
ratoire et en nature (Rapport SOGREAH·542590 RI; juin 1988,
pour" le. compte du STCPMVN) . .

54 - Considérations sur la recherche de l'optimum économique pour


le dimensionnement des ouvrages de protection contre la ~er
(Jean CHAPON - Annales des Ponts et Chaussées, 1er trimestre
1981 )

• •

- 160 -

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