LES ABCES DE LA RATE
A PROPOS DE 13 CAS
DEBY GASSAYE, J-R. IBARA, G.A. MBONGO, M. OKOUO,
Ph. NGOMA MAMBOUANA, B. NTARI, A. ITOUA-NGAPORO
RESUME
Le but de ce travail était de rapporter les aspects clini-
ques morphologiques étiologiques et évolutifs des abcès
de la rate. Nous avons revu rétrospectivement 13 cas
d’abcès de la rate hospitalisés dans le service du 1er
janvier 1993 au 31 décembre 1997. Il y avait 6 hommes
et 7 femmes âgés en moyenne de 34,8 ans (extrêmes 4 à
62 ans). Les principaux terrains favo risants notés
étaient : drépanocytose (n = 3), cirrhose alcoolique (n =
2), diabète (n = 1), cancer de l’estomac (n = 1). Le dia-
gnostic a été évoqué sur des signes cliniques, biologiques
et a été confirmé par l’échographie. Les germes les plus
fréquemment mis en cause ont été : amibiase dans 2 cas,
Salmonella typhi 2 cas, Staphylococcus aureus 1 cas.
Nous n’avons pu identifier de germes dans 8 cas. Le
traitement médical suivi d’une splénectomie (n = 6), le
traitement médical associé au drainage aspiratif (n = 1),
le traitement médical seul (n = 4) et la splénectomie pre-
mière (n = 2), ont constitué les principales attitudes thé-
rapeutiques. L’évolution a été favorable dans 11 cas ;
deux patients sont décédés en postopératoire.
Mots clés : abcès, rate, clinique, étiologie, morphologie,
évolution
INTRODUCTION
Malgré la diversité de la pathologie splénique en Afrique
N o i re notamment les splénomégalies paludéennes, les
splénomégalies par hypertension portale, les splénoméga-
lies de la drépanocytose (1), les abcès de la rate semblent
aussi rares que dans les pays occidentaux où ils ne repré-
sentent que 0,1 à 0,7 % des grandes séries d’autopsie (4).
Nous rapportons 13 cas d’abcès de la rate diagnostiqués en
5 ans dans le but de préciser les aspects cliniques, morpho-
logiques, étiologiques et évolutifs en milieu tropical.
S e rvice de Gastro - e n t é ro l ogie et Médecine Intern e, C.H.U. B. P. 32
Brazzaville, CONGO
PATIENTS ET METHODES
Il s’est agi d’une étude rétrospective couvrant la période du
1er janvier 1993 au 31 décembre 1997. Le diag n o s t i c
d’abcès de la rate était évoqué sur la base des données
cliniques, biologiques, morphologiques et per opératoires.
Le pus retiré par ponction échoguidée ou en per opératoire
a été recueilli dans des tubes à hémolyse pour l’identifi-
cation des germes. D’autres examens complémentaires ont
été pris en compte pour la recherche étiologique (hémocul-
ture, sérologie amibienne, sérodiagnostic de Widal). Treize
cas pour lesquels les dossiers étaient complets ont été
retenus parmi 16 pour la présente étude. Il s’agissait de
6 hommes et 7 femmes âgés en moyenne de 34,8 ans
(extrêmes 4 et 62 ans). Parmi eux, 7 patients présentaient
des terrains particuliers : drépanocytose (n = 3), cirrhose
alcoolique (n = 2), diabète (n = 1), cancer de l’estomac
(n = 1).
RESULTATS
Aspects cliniques
Le délai moyen entre le début des symptômes et le
diagnostic était de 20 jours avec des extrêmes allant de 7
jours à 2 mois. La fièvre a été le signe révélateur le plus
fréquent, noté chez tous les malades. Dix malades avaient
une douleur spontanée, localisée dans l’hypochondre gau-
che (7 cas) ou diffuse (3 cas). Les signes d’examen clini-
que étaient : une voussure de l’hypochondre gauche dans
4 cas, une splénomégalie douloureuse dans 6 cas, une
hépatomégalie cirrhogène dans 2 cas.
Aspects morphologiques
La radiographie de l’abdomen sans préparation montrait
une volumineuse opacité de l’aire splénique dans 2 cas. La
radiographie du thorax montrait une surélévation de la
coupole diaphragmatique gauche dans 5 cas. L’échogra-
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phie mettait en évidence une image hypo-échogène dans
8 cas, anéch ogène dans 3 cas, hétérogène dans 2 cas.
L’abcès était unique dans 10 cas (dont 1 occupait toute la
rate), multiple dans 3 cas.
Aspects étiologiques
Les hémocultures réalisées dans tous les cas, ont été positi-
ves dans un seul cas (salmonella typhi). La ponction écho
guidée ramenait un pus chocolat dans 3 cas, un pus blanc
dans 3 cas, jaunâtre dans 1 cas. Dans les 6 autres cas, il
s’est agi d’un pus jaunâtre (4 cas) et blanc (2 cas) de
constatation per opératoire. Des germes n’ont pu être isolés
que dans 5 cas : Entamœba histolytica (n = 2), salmonella
typhi (n = 2), Staphylococcus aureus (n = 1).
Aspects thérapeutiques et évolutifs
Deux patients ont été traités par splénectomie de première
intention. Six patients ont bénéficié d’une antibiothérapie
première suivie d’une splénectomie. Le traitement antibio-
tique seul a été institué chez 4 patients. Un seul patient a
bénéficié d’un drainage aspir atif associé à une antibiothé-
rap i e. L’ é volution a été favo rable dans 11 cas. Deux
patients sont décédés en postopératoire : le premier avait
une tumeur ga s t ri q u e, le second un diab è t e. La durée
moyenne d’hospitalisation a été de 3 semaines.
DISCUSSION
La rareté des abcès de la rate ressort dans toutes les études :
10 cas en 10 ans pour CHULAY (3), 5 cas en 30 ans pour
FALL (7) et 13 cas en 5 ans pour notre étude. Cette rareté
pourrait s’expliquer par le fait que la rate présenterait une
capacité à résister à l’infection locale (14).
La fréquence réelle est certainement plus élevée en raison
de l’existence des formes trompeuses ou décapitées par
une antibiothérapie (2). L’abcès de la rate, dans notre étude
survient à un âge plus jeune (moyenne 34,8 ans) et a une
distribution égalitaire entre les hommes et les femmes.
Dans la littérature (3), l’affection survient le plus souvent
chez l’adulte de la cinquantaine. La prédominance par
rapport au sexe dans la plupart des études est discordante :
certains auteurs trouvent une fréquence plus élevée chez la
femme (3, 6, 14) et d’autres une prédominance masculine
(5, 7, 13, 15). Nous avons noté 2 cas d’abcès typhique,
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Ph. NGOMA MAMBOUANA, B. NTARI, A. ITOUA-NGAPORO
cause rare d’abcès splénique en Europe (15) où le staphy-
locoque et le streptocoque prédominent (9) puisque ce sont
les endocardites infectieuses, où ces germes sont les plus
h abituels qui constituent les principales pourvoye u s e s
d’abcès spléniques (14). L’amibiase est une cause rare
(10), nous en avons identifié 2 cas. Nos moyens d’inves-
tigations limités ne nous ont pas toujours permis de mettre
en évidence les germes responsables. Nous avons noté
dans 7 cas des états pathologiques reconnus comme fac-
teurs favorisants dans la survenue des abcès spléniques :
drépanocytose (3 cas), cirrhose alcoolique (2 cas), diabète
(l cas). Le tableau clinique n’a aucune spécificité ; la
classique triade splénomégalie douloureuse et fébrile n’est
notée que dans 6 cas. Ce sont les progrès de l’imagerie
médicale qui ont facilité le diagnostic des abcès de la rate.
L’échographie permet de poser précocement le diagnostic
(7) en visualisant un processus focalisé unique ou multiple
au sein du parenchyme splénique (12). Les aspects mis en
évidence à l’échographie sont souvent assez évocateurs du
diagnostic : zone hypo-échogène bien limitée comportant
ou non un renforcement postérieur (8 cas dans notre série)
ou alors trompeurs en montrant des plages hyper-écho-
gènes bien limitées faisant évoquer une tumeur maligne.
La thérapeutique à base de la splénectomie systématique
peut être critiquée du fait d’une mortalité et d’une morbi-
dité élevées car il y a nécessité de conserver la rate afin
d’éviter les infections foudroyantes (8) ; la mortalité par
splénectomie va rie de 5 à 17 % (9, 11, 13). Cert a i n s
auteurs pensent que la cause du décès n’est toujours pas
clairement précisée (3, 4). Dans notre étude les 2 décès
observés n’ont pas été imputables à la splénectomie. La
ponction et/ou le drainage percutané associés à une anti-
biothérapie ont transformé le pronostic des abcès spléni-
ques (2). Le drainage percutané permet de raccourcir l’hos-
pitalisation, d’éviter les risques d’ouverture de l’abcès dans
la cavité péritonéale et de préserver le parenchyme splé-
nique. L’évolution spontanée de l’abcès splénique se fait
généralement vers des complications, la plus fréquente
étant la rupture intra-péritonéale suivie d’une péritonite
généralisée, heureusement rare (15, 16). L’abcès non rom-
pu se comporte comme un foyer septique occulte, se mani-
festant par des septicémies récurrentes (5, 17) d’où la
nécessité d’un diagnostic et d’un traitement précoces.
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