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L'orphelin Africain Introduction À La Psychologie de Lenfant Placé
L'orphelin Africain Introduction À La Psychologie de Lenfant Placé
L’orphelin africain
Introduction à la psychologie de l’enfant
placé en institution
© L’Harmattan, 2021
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-93632-1
« Pour un enfant, un placement, même excellent, est toujours un
déplacement, souvent un arrachement »
(Fr. Schlemmer)
À mon épouse Zomba-Mbaki Marie
Préface
1 À ces orphelins de guerres fratricides (qui d’ailleurs continuent à ravager jusqu’à ce jour
l’Afrique), il faut ajouter ceux du Sida, cette pandémie du siècle qui – comme qui dira le malheur ne
vient jamais seul – place l’Afrique au premier rang parmi les continents les plus touchés par le
nombre de personnes séropositives, voire des morts, et par le nombre d’enfants orphelins qui en
résulte. Selon les statistiques de l’ONU-SIDA publiées en 2009, on dénombre 22 millions de
séropositifs en Afrique subsaharienne sur plus de 33 millions dans le monde.
2 L’institution dont il s’agit ici est celle où vivent pendant longtemps (20 ans ou plus) des orphelins,
enfants abandonnés, etc. coupés de leur milieu familial et n’entretenant plus naturellement de
relations quelconques avec leurs parents (père, mère, oncle, etc.).
3 L’étude des orphelins de Kisangani a fait l’objet de notre thèse doctorale soutenue à l’Université
Libre de Bruxelles en 1978. Cette thèse constitue dans le présent ouvrage la charpente fondamentale
qui toutefois a été remaniée, rénovée et enrichie par les résultats de la recherche complémentaire sur
les orphelins de Mbandaka et de Kinshasa.
Partie 1 :
4 Les Ntandu sont une des principales tribus du peuple Kongo (ancien royaume du kongo). On peut
situer actuellement l’ancien royaume du Kongo sur une vaste zone située de part et d’autre du Fleuve
Congo depuis Brazzaville et Kinshasa jusqu’à Luanda (Angola) et l’Océan Atlantique.
5 Cf. Recherches zaïroises, Bulletin des Doctorants zaïrois à l’étranger, Bruxelles, avril 1976.
6 La tribu est une autre organisation sociale de nos sociétés. Elle se distingue nettement du clan, et
est primordialement un ensemble politique à base linguistique et culturelle et dont les limites
géographiques ne coïncident pas nécessairement avec celles du clan.
7 Notons que cette façon de considérer la conduite de maternage de la mère africaine s’observe
quelque peu aujourd’hui en Europe, en particulier en Suède où la mère allaite son bébé jusqu’à deux
ans. Et pour favoriser le contact physique de l’enfant avec sa mère, une nouvelle pratique venue de
l’Afrique s’installe en Europe : le sac « kangourou » qui permet à la mère de porter son enfant au
dos, sur le ventre, voire de côté, comme le fait depuis la nuit des temps la mère africaine, avec son
pagne.
8 L’adoption telle qu’on l’entend aujourd’hui était inconnue dans la société traditionnelle africaine.
À son défaut, la tutelle d’un enfant (droit coutumier congolais) est confiée à celui qui exerce en fait
sur lui, le droit de garde.
Chapitre 3
11 Il s’agit des orphelins qui ont été placés par les Pouvoirs publics au Centre de Formation
Professionnelle Maman Mobutu (« CFPMM ») de Kisangani, à l’Orphelinat de Yambuku à
Mbandaka et à l’EGEE de Benseke-Futi de Kinshasa.
12 Sauf pour les 33 % d’orphelins (qui sont frères et sœurs) dont les contacts fraternels sont
d’ailleurs quasiment nuls.
Chapitre 4
4.1.Problématique
Le placement de l’orphelin dans une institution13 demeure une
expérience socio-éducative nouvelle en milieu traditionnel bantou. Celle-ci
relève non seulement d’une transposition, en ce milieu, d’un élément de
culture occidentale qui accorde priorité à l’individu, mais aussi elle
contraste singulièrement avec la conception sociophilosophique africaine de
la vie, où l’individu ne peut réaliser pleinement sa personnalité qu’au sein
du groupe social auquel il appartient et dans lequel il vit.
De plus, aujourd’hui, on sait que dans la vie d’un enfant, « les parents
apparaissent comme des obstacles capricieux auxquels l’enfant réagit par un
comportement qui consiste essentiellement à percevoir la situation comme
un effet complémentaire de ses attitudes personnelles et, en conséquence, à
modifier ces attitudes d’une manière réactionnelle en vue de séduire ou de
contraindre l’objet » C’est donc « de la coopération avec les parents dont le
comportement demeure plus ou moins indéterminé et capricieux, des
attitudes réactionnelles de séduction ou de contrainte que naît la
psychogénisation ; dans cette psychogénisation, la mère joue un rôle
essentiel » (P. GEORIS, 1962, p. 50). Comme on dit, si aucun milieu
familial n’agit par vertu magique de sa simple essence, ce qui détermine des
effets et incurve le destin d’un enfant, ce n’est peut-être que le détail des
comportements de personnes (en l’occurrence des parents) auxquelles se
ramène en fin de compte la réalité de tout milieu.
Dès lors et comme on l’a vu (chap. 2), étant donné, d’une part, que dans
les sociétés bantoues ou africaines l’équilibre de la personnalité d’un
individu et des relations humaines et interpersonnelles est fondé sur la
solidarité familiale et clanique, voire tribale, et que, d’autre part, le
sentiment de promiscuité et l’identification à son entourage constituent la
condition qui préside à l’établissement de toute relation gratifiante dans la
vie de l’individu, on est en droit de se demander si en soustrayant
brusquement les orphelins à leur milieu traditionnel, puis en les plaçant
dans une institution à caractère impersonnel et dont le principe même est
contraire aux fondements des structures de sociétés bantoues, les pouvoirs
publics et organisations sociales n’ont pas donc « couru le risque de sauver
la vie de ces orphelins au prix d’une atrophie de leur personnalité. » Nous
soulignons là une question extrêmement pertinente qui résume au mieux la
problématique posée par l’enfant placé en institution. Mais, nous avons
soulevé d’autres interrogations aussi importantes :
(1) Les guerres, les rébellions, etc. qui ont conduit à la création de la
plupart des institutions de protection et d’éducation africaines pour
orphelins ont-elles des résonances, si oui de quelle nature, sur le
développement des enfants qui les ont vécues ?
(2) Le développement mental et moral des orphelins placés dans ces
institutions se fait-il de manière semblable à celui des autres enfants
(orphelins et/ou non-orphelins) qui vivent en famille ?
(4) Les orphelins qui séjournent dans une institution sont-ils capables de
créer des liens d’amour et de loyauté avec d’autres personnes
appartenant ou non à leur milieu institutionnel ?
(4) Les conditions de vie moderne, dans lesquelles semblent vivre ces
enfants, ne favorisent-elles pas, malgré l’absence des parents, un
développement psychologique harmonieux ?
Pour élucider tous ces aspects de la personnalité des orphelins, nous
avons procédé à des enquêtes systématiques de trois institutions congolaises
situées à Kisangani (Province orientale), à Bamanya (Province de
l’Équateur) et à Mbenseke-Futi (ville-province de Kinshasa). Toutefois, la
Partie 2 de l’ouvrage rend surtout compte des observations réalisées à
l’orphelinat national de Kisangani14. Cependant, ces observations ont été
complétées par les études complémentaires de Bamanya et de Mbenseke-
Futi.
Le principal objectif de ces observations était d’identifier et de décrire, en
un moment précis de leur histoire personnelle, des traits de comportements
des orphelins placés en institution. Il s’est agi, en d’autres termes :
(1) de déterminer les caractéristiques de leurs réactions
comportementales, en rapport avec la « situation frustrante » due à la
mort des parents et à la dislocation et absence du foyer familial, ainsi
qu’avec des effets éventuels de l’institution de protection et
d’éducation.
(2) de voir dans quelle mesure de telles caractéristiques les différencient
des autres enfants qui, eux, connaissent des conditions normales de
vie familiale. Par l’étude de ces différences, nous cherchions à cerner
le degré d’adaptation des orphelins à la réalité factice de leur milieu
de protection et d’éducation (CFPMM, par exemple), les types
d’images qu’ils gardent de leurs familles et le mode de contacts
humains ou de relations qu’ils utilisent vis-à-vis de leur entourage.
4.2.Méthodologie
Avant d’exposer les résultats de nos enquêtes (chap. 5 & 6), il est
nécessaire de préciser le cadre opérationnel de celles-ci, et en particulier, les
types de population qui composent l’échantillonnage, et les instruments
d’investigation (ou méthodes de recueillement des informations).
4.2.1
. Population
À propos de la population d’étude, nous nous sommes intéressé à trois
groupes d’enfants et adolescents : le premier groupe (GR. « OI ») est celui
des orphelins « traumatisés et frustrés » par les guerres (rébellions) de 1963
et 1964, et placés depuis en institution au Centre de Formation
Professionnelle Mama Mobutu (CFPMM). Le second groupe (GR. « OF »)
comporte également des orphelins ayant souffert, pour la plupart, de la
guerre, mais qui par contre, ont été repris par d’autres familles, après la
mort ou la disparition de leurs parents ; quant au troisième groupe (GR.
« NO »), il concerne des enfants et adolescents non orphelins, vivant encore
tout naturellement au sein de leurs familles.
Pour constituer l’échantillon du Groupe « OI », nous avons dû d’abord
procéder à l’examen de 216 dossiers d’admission de pensionnaires, puis
appliquer quatre critères précis de sélection, étant entendu que ceux-ci ont
été confrontés préalablement aux données et aux réalités de la situation que
nous avions à observer :
Être scolarisé. Deux impératifs ont dicté ce critère : d’abord, le fait que
la quasi-totalité des orphelins fréquente l’école. Ensuite, à cause de la
nature des instruments d’investigation : l’échelle congolaise d’intelligence
verbale pour enfants « WISC-CONGO », le test des phrases à compléter
« TPC/C » et le « for make a picture story » (MAPS/C). Pour faire passer
ces trois épreuves dans les meilleures conditions et pour donner une chance
théorique égale de réussite à tous les sujets, il était nécessaire que ceux-ci
sachent lire et écrire correctement (neutralisant ainsi en quelque sorte le
facteur de non-apprentissage à la lecture). De plus, on a retenu uniquement
des orphelins d’un niveau scolaire égal ou supérieur à la 3e année primaire.
Être orphelin. Entre 1960 et 1964, presque les deux tiers du territoire
national congolais ont été le théâtre de guerres atroces ; beaucoup de
parents du plus grand nombre d’enfants du « CFPMM » ont perdu la vie au
cours de ces événements ; ces pensionnaires constituent, donc l’épine
dorsale ou l’objectif essentiel de la présente étude.
Être placé au « CFPMM » depuis 1968, 1969, 1970… Pour mesurer des
effets éventuels de l’institution, il était utile de ne prendre en compte que les
orphelins qui y ont passé au moins 5 à 6 ans. En effet, on peut penser que si
le « CFPMM » doit exercer une action déterminante sur les orphelins qui y
résident, celle-ci, qu’elle soit positive ou négative, doit avoir marqué avec
plus d’intensité et de rigueur ceux des orphelins qui y ont été soumis le plus
longtemps.
Nationalité. Nous avons tenu à ce que tous les sujets soient de nationalité
congolaise. C’est une condition nécessaire, pour assurer « l’homogénéité
culturelle » des sujets et pour permettre ultérieurement d’étendre les
conclusions à la population congolaise. Mais, il va de soi que seuls les
orphelins ayant satisfait aux quatre critères précités ont été retenus et ont,
par conséquent, fait l’objet d’observations systématiques.
La formation des échantillons des groupes « OF » et « NO » a été, en fait,
une répétition de l’approche appliquée au choix des sujets du groupe « OI ».
Mais, pour plus de clarté, il a été procédé séparément à la constitution de
ces deux échantillons :
(1) Échantillon du Groupe « OF » : Outre les critères déjà examinés (être
orphelin scolarisé et de nationalité congolaise), nous avons accordé
une attention toute particulière à la variable « habiter une famille
normale ». Il faut entendre par là toute cellule ou structure familiale
normalement constituée.
(2) Échantillon du Groupe « NO » : Nous sommes restés, ici comme
ailleurs, attachés au même mode de sélection. Et puisqu’on a
suffisamment eu à l’expliciter, il convient tout simplement de citer les
facteurs les plus déterminants, à savoir :
■ Ne pas être orphelin.
■ Habiter une famille normale.
■ Être scolarisé et de nationalité congolaise.
Les tableaux 4 à 10 ci-après explicitent les caractéristiques des sujets
ayant été retenus dans les trois échantillons. Il s’agit de sexe, du groupe
d’âge, du niveau scolaire, de l’âge approximatif au moment de la rébellion
et à l’entrée au CFPMM, de la nature d’orphelin et de la cause de la mort
des parents.
Tableau 4 : Sexe
Groupes G F Total
Groupes
Gr. (OI) 43 23 66
Gr. (OF) 43 6 49
Gr. (NO) 24 14 38
Total /sexe 110 43 153
12,7 – 15,6 34 27 18 79
15,7 – 19,6 18 18 9 45
19,7 – 22,6 2 3 0 5
13 L’institution s’entend ici, comme on l’a dit à l’avant-propos, de tout établissement public ou privé
agréé qui a pour caractère d’être social et durable, en vue de permettre le placement de l’enfant
vulnérable ou en situation difficile (orphelin, enfant abandonné, etc.).
14 Créé en 1968, sous l’appellation de « Foyer de Solidarité Nationale Mobutu » (FOSONAM),
l’histoire de ce Foyer se trouve liée aux guerres fratricides et meurtrières qu’a connues la R.D. Congo
au lendemain de son indépendance (1960). Ces guerres ont eu des conséquences très fâcheuses sur la
vie sociale, économique et politique du pays : destruction de biens de toute sorte, désorganisation et
disparition presque totale d’un grand nombre de figures et structures familiales rendant ainsi
orphelins de nombreux enfants, en particulier ceux qui ont été placés au « FOSONAM », dénommé
aujourd’hui « CFPMM » (Centre de Formation Professionnelle Mama Mobutu).
15 Uniquement pour le Groupe « OI »
16 Uniquement pour les Groupes « OI » et « OF ».
17 Uniquement pour les Groupes « OI » et « OF ».
Chapitre 5
5.1.3
. Interprétation
L’examen des histogrammes et des courbes (figure 1) permet de faire
trois observations :
(1) La courbe de distribution des « OI » a tendance à se situer partout à gauche. Cependant, son
allure, de même que celle des histogrammes, fait apparaître dans l’ensemble une certaine
homogénéité chez les sujets de ce groupe. Ces sujets évoluant en fait sous les mêmes
conditions auraient tendance à manifester des « réactions stéréotypées ».
(2) Lorsqu’on examine les courbes et les histogrammes en fonction des subtests, et que l’on
compare les courbes des « OI » à celles des deux autres groupes, on constate un décalage
sensible entre elles. Alors qu’il diminue lorsqu’on a affaire à des subtests à tâches scolaires
(ex. W3), ce décalage semble s’accentuer dans les subtests qui impliquent une adaptation
sociale (ex. W2). Quoique présentant des retards scolaires réels, les sujets du groupe « OI »
semblent accuser des progrès dans les tâches de type scolaire. La fréquentation des mêmes
écoles de la ville (d’où mêmes possibilités d’acquisition scolaire) doit donc avoir une action
bénéfique pour les enfants privés de famille. Cependant, les différences entre les groupes
« OI » et « NO », par exemple, peuvent être profondes ; mais elles seraient noyées par le fait
que dans le groupe « NO », on retrouve des sujets retardés non identifiés.
(3) Les courbes et les histogrammes du groupe « NO » ont en général une allure très irrégulière.
Cela relève sans doute du nombre peu élevé de sujets (38 au total) dans ce groupe, ainsi que
de la dispersion de leur origine (centre de sélection).
L’étude du comportement des groupes (tableau 11) montre que, excepté
pour le subtest de similitude, les valeurs de F (calculé) dépassent partout
celles de F (tablé), c’est-à-dire les valeurs permises par les fluctuations de
l’échantillonnage. On admet, de ce fait, qu’il existe des différences
significatives entre les moyennes, notamment en défaveur des « OI », ce qui
veut dire que le niveau intellectuel des « OI » placés en institution diffère
significativement de celui des enfants qui vivent en famille (« OF » et
« NO »).
Cela permet de retenir l’hypothèse selon laquelle le milieu institutionnel
défavorise la formation et le développement harmonieux des « aptitudes
intellectuelles » de l’enfant.
En d’autres termes, la causalité des différences observées entre les
groupes reflète l’influence de facteurs d’ordre institutionnel se combinant à
des éléments d’ordre historique et socioculturel. En effet, l’interruption
d’une vie normale (à cause de moments passés en brousse ou à la forêt en
vue de fuir la guerre), le traumatisme et l’insatisfaction affective (dus aussi
bien à la guerre qu’à la séparation d’avec le milieu coutumier), tout cela a
dû défavoriser l’épanouissement des « capacités intellectuelles » de
l’« OI ».
De plus, l’influence des facteurs inhérents à l’institution comme
l’absence de la famille, l’insuffisance d’encadrement (au sens le plus large
du terme : motivations, stimulations, aide morale de l’entourage, envie de
faire plaisir), etc. que l’on y observe a sans doute pu renforcer le caractère
nuisible de ces facteurs liés, comme on sait, à l’histoire personnelle des
individus.
5.1.4 Synthèse
L’évaluation des aptitudes intellectuelles des sujets révèle l’existence des
différences significatives en défaveur des « OI ». Devant ces différences,
nous avons néanmoins émis des hypothèses tendant à les maintenir dans
une limite d’acceptation raisonnable. Nous pensons, en effet, que de telles
différences ne signifient rien, si on ne les plaçait pas dans leurs contextes
situationnels : sociologie des sujets plus cadre et conditions d’observation.
De ce point de vue, comme le note SALVAD, on est tenté de dire que les
différences observées ne seraient pas, peut-être, des différences
d’intelligence, mais des « différenciations intellectuelles dues,
nécessairement et de manière contingente, aux modes d’appréciation des
différentes réalités socioculturelles et sociohistoriques ».
On peut noter, en définitive, que ces différences confirment
indéniablement nos hypothèses de départ : l’interruption d’une vie familiale
normale, le traumatisme et l’insatisfaction affective relatifs à la guerre et à
la séparation d’avec le milieu coutumier, tout cela devait nécessairement
défavoriser l’épanouissement des capacités intellectuelles de l’« OI ». De
plus, l’insuffisance d’encadrement (au sens le plus large du terme) que l’on
observe dans son milieu institutionnel ne pouvait que renforcer le caractère
nuisible de ces facteurs.
5.2.Évaluation du comportement affectif : le test des phrases à
compléter ou “TPC/C”
5.2.1
. Origine et domaine d’application
Le test des phrases à compléter est une épreuve projective, toujours faite
d’une liste de phrases incomplètes ou inachevées, auxquelles on donne le
nom d’« inducteurs » ou d’« éléments stimuli ». La tâche du sujet consiste à
réaliser librement des phrases complètes, à partir de ces éléments. Ceux-ci
sont souvent établis en fonction d’une situation bien déterminée. Par
exemple, la recherche ou la description des aspects psychologiques ou
ethnologiques d’une population donnée, les attitudes d’un sujet comme le
rôle du directeur dans une entreprise, etc.
L’épreuve vise, d’une part et en vertu du principe d’association libre, à
provoquer les réactions du sujet en rapport avec les thèmes implicites ou
explicites que sous-tendent les inducteurs et, d’autre part, à susciter et à
mettre en évidence, grâce aux mécanismes de la projection, les sentiments,
les attitudes et les réactions les plus divers. L’analyse et l’interprétation des
phrases réalisées par le sujet et considérées comme des réponses spontanées
et personnelles de celui-ci aux « éléments stimulus » permettent, comme le
souligne G. SERRAF (1963, pp. 370-377), d’étudier les traits de la
personnalité et la dynamique de ses problèmes, et en particulier : les zones
d’intérêt, de conflit et les mécanismes de défense de « Moi », les différentes
réactions et attitudes du sujet, en rapport avec les éléments et les
événements du passé ou de l’avenir, les désirs et les craintes que ces
réactions laissent apercevoir.
Le test que nous avons utilisé20 sous l’appellation de « test des phrases à
compléter » n’est en fait qu’un réaménagement de la version française du
« STEIN Sentence Completion Test » élaboré par STEIN and MORRIS
(1943). En vue de l’adapter à la situation particulière du lieu et des sujets
auxquels notre étude s’adressait, nous avons dû apporter des modifications
au travail de STEIN and MORRIS et élaboré une liste congolaise axée en
particulier sur les orphelins. Cette liste comporte 48 phrases inductrices
numérotées de P. 01 à P. 48. Celles-ci revêtent des formes variables : un seul
mot ou un pronom comme dans « Kisangani », ou dans « Je… » ; parfois
deux mots ou plus, exemple : « Mon père… », « La famille de Baruti… »,
etc. Ces phrases ont été diversifiées et choisies de telle manière qu’elles
soient capables non seulement d’induire des réactions appropriées des
sujets, mais d’explorer aussi différentes zones de conscience, comme la
situation personnelle du sujet (image de soi, image parentale), les intérêts
dominants, les réactions devant l’adulte ou en situation sociale de stress, les
objets ou les situations qui provoquent les craintes, etc.
5.2.2
. Dépouillement et analyse du corpus21
a) Analyse de contenu des phrases induites
Notons d’abord que dans cette analyse, nous ne recherchions pas, à l’aide
du « TPC/C » à réaliser une étude qualitative des « OI », c’est-à-dire à faire
une estimation individuelle de leur personnalité. Il s’est agi, au contraire,
d’explorer et de cerner des traits des comportements qui les caractérisent,
par rapport aux autres sujets (« OF » et « NO »). Pour ce faire, une analyse
des contenus de toutes les phrases induites s’imposait.
Mais, étant donné que l’analyse de contenu implique, comme dit M.
Christ. D’UNRUG (1974, p. 32), une réorganisation ou une sélection des
éléments d’un discours… et que pour le chercheur « l’interrogation doit
porter sur le type d’opération que l’on peut faire subir à ces éléments, sans
déformer ou perdre en cours de route l’essentiel de son sens », nous avons
cherché à classer les réponses en fonction de leur contenu sémantique, en
évitant de faire une systématisation, c’est-à-dire, de postuler d’avance qu’il
y avait une attitude déterminée, un besoin ou une motivation spécifique
quelconque. Nous avons donc surtout examiné chaque phrase dans toute la
population cible, en essayant de récolter ce qui ressortait le mieux dans la
réponse induite : une attitude, un sentiment ou une réaction, un thème…
Ensuite, nous avons cherché à voir si et en quoi les réponses induites des
« OI » se distinguent de celles des autres sujets, dans l’espoir d’en déduire
quelque chose concernant leur état psychologique.
Concrètement, l’analyse a été axée sur un dépouillement horizontal et
vertical, phrase par phrase. L’unité d’analyse est restée partout la même : la
phrase induite. Le dépouillement a donc consisté à catégoriser d’abord les
réponses et à les quantifier ensuite. Il est à noter toutefois qu’en
catégorisant les réponses, nous n’avons pas cherché, comme écrit A.
OMBREDANE (1969, p. 50), à « entrer dans la dynamique
comportementale et à définir la structure de la personnalité » des sujets. Il
s’est agi, au contraire, d’explorer et de cerner des traits de comportement
qui les caractérisent, en vue de faire des hypothèses sur leur modèle
culturel, c’est-à-dire de s’interroger sur leurs attitudes, vis-à-vis des objets
comme la maladie, la mort, le travail, les situations de responsabilité, la
liberté et le composé kinzo-kimpangi-kanda (famille-clan).
En fait, comme écrit encore OMBREDANE, « l’analyse s’attache
davantage aux objets du comportement et tend à négliger des définitions de
traits de personnalité individuelle, comme serait un trait de narcissisme…,
d’hystérie, etc., de même qu’elle tend à négliger les racines infantiles de tels
traits et les situations nucléaires à partir desquelles ils ont pu se constituer ».
Ces objets ont été codifiés et regroupés en modalités (M. 01 à M.40) dans
lesquelles interviennent des éléments de différentes natures (par exemple
des constatations objectives ou neutres : « la guerre… a eu lieu en 1964 »,
des attitudes et des réactions affectives de toutes sortes : négatives,
positives, etc. Ces modalités rassemblent, dans le tableau 12, ci-après, un
certain nombre de caractéristiques qui permettent de comparer les « OI »
aux « OF » et « NO ».
Tableau 12 : Description des modalités catégorielles22
Modalités Catégories Éléments [contenu] caractérisant la
catégorie
M. 02 Désir, recherche de relations Rester auprès de ses parents, de ses sœurs, de
d’intimité, de promiscuité sa famille ; être caressé par sa mère quand on
(besoin d’affection). est malade ; recevoir les nouvelles de sa mère,
boire le lait maternel ; être porté au dos ; être
lavé ; fonder un foyer (se marier et avoir sa
femme et ses enfants) ; être dans les bras de ses
parents
M. 07 Thème de voyage, d’évasion Voyager ; aller en vacances ; fuir la maison ;
aller à Kitona, à Lubumbashi, en Italie.
M. 09 Éléments d’intégration Aller à la fête de Noël ; aller prier à l’église ;
religieuse (surtout de religion être un bon chrétien ; écouter, entendre la
chrétienne) parole de Dieu ; être ou devenir prêtre.
M. 12 Expression émotionnelle Appeler au secours ; se défendre, chercher à se
positive [réaction de libérer, fuir la maison, à la forêt (p. 02) ;
dynamisme, de joie]. s’efforcer de se débrouiller, de faire son travail
(p. 20) ; aller à l’hôpital, au dispensaire pour se
faire soigner ; être très heureux, très contents ;
sauter de joie.
M. 13 Expression émotionnelle Pleurer, trembler de peur ; être mécontent,
négative (état affectif simple, fâché, découragé ; se sentir triste, malheureux ;
de passivité) ne rien faire
M. 14 Agression « passive » ou subie Se faire tabasser ; être blessé, battu,
(autoagression, emprisonné, mis au cachot, pendu comme un
autodestruction) animal ; avoir peur d’un ennemi qui cherche à
attaquer ; peur de voir des fabricants de
couteaux.
M. 15 Comportement non Vexation de gens de kinzo-kimpangi-kanda ;
conformiste (attitudes l’impolitesse, dérangement, la paresse,
négatives, c’est-à-dire l’ignorance, la méchanceté de supérieurs ; la
socialement répréhensibles). mère qui gronde ; rapports d’accusation ; voler,
désobéir, se conduire mal ; calomnie,
taquinerie, s’aliéner le « kandaïsme » ; faire le
voyou.
M. 16 Description objective C’est embêtant d’aller à l’école quand il fait
(définition) des conditions chaud, et toujours à pied ; d’être sous l’excès
matérielles de du travail manuel ; la rébellion a eu lieu à
l’environnement. Kisangani en 1964 : c’est le combat de
Basimba.
Mon père était directeur ; ma mère était
monitrice. Ma famille est nombreuse, se
compose de père, mère et enfants.
M. 17 Thème de souffrance. La souffrance qu’il supporte jour et nuit ; la
maladie, la mort des miens [père, mère,
« frère » du clan, etc. ; maux de dents ; le fait
d’être laissé dans le malheur ; ma famille a été
décimée à cause de la rébellion, de la mort de
ses membres ; papa n’est plus, moi je suis
triste.
M. 18 Conformisme (attitudes Saluer le maître, le directeur ; se montrer
positives, c.-à-d. socialement respectueux, discipliné, honnête, poli, obéissant
attendues) à l’adulte, au supérieur ; ne pas déranger les
autres ;
observer le « kandaïsme » ; force du caractère
M. 19 Jugement défavorable à La rébellion : nous a massacrés
implication affective (le sujet
se sent concerné). impitoyablement, m’a laissée sans père ni
mère…, c’est la cause de notre malheur.
M. 20 Jugement défavorable (avec La rébellion : c’est une mauvaise chose, a
réflexion à implication
cognitive). causé beaucoup de malheur en laissant derrière
elle des orphelins, a fait beaucoup de mal au
Congo, ce n’était pas la vie, mais la mort.
M. 21 Description valorisante (de C’était un vaurien, mais aujourd’hui c’est un
l’image d’autrui ou de soi). grand homme, un grand type ; il était beau,
bon, gentil, respectueux… ; c’est une des
meilleures familles de la ville ; il est bien, riche
parce que beaucoup d’argent ; je ne hais
personne ; je suis un homme fort.
M. 22 Description dévalorisante (de Il n’était pas intelligent ; il cassait les assiettes
l’image d’autrui ou de soi). et les verres, il était doux, mais aujourd’hui il
est turbulent, il ressemble à un animal ; il suçait
les doigts ; il pleurait, il faisait pipi au lit ; on
dit : que je ne ferai rien de bon dans la vie, que
je suis avare, vieux, non instruit, pauvre ; que
je serai malheureux ; que je n’aime pas la
classe et que je serai malheureux ; il est voyou ;
le diable de la forêt.
M. 24 Les résidus Toute réponse inexplicable parce que
l’examinateur ne la comprend pas.
Toute réponse de fuite, ou réponse de type :
« je ne comprends pas », « je ne connais pas ce
que c’est ».
M. 31 Objets d’admiration et Membre de la famille [père, mère, frère, etc.],
d’amour : camarade de classe ; ami ; directeur, maître
d’école, psychologue
1°) Une personne déterminée [Malongo] quelqu’un du milieu social, etc.
proche :
M. 32 2°) Une personne déterminée Président de la République ; Kakoko ; Mokili
éloignée.
Saio…
M. 34 Une personne indéterminée, Les « Léopards » ; les musiciens congolais ; les
éloignée acrobates ; les comédiens, les filles.
M. 35 Un comportement conformiste Sympathie, respect, compréhension ; être loyal,
(qualités morales et humaines
irréprochables et prégnantes) gentil, brave, riche, vérité, des paroles
encourageantes ; faire du bien ; être
raisonnable ; travaille ; réussir en classe et dans
le travail ; sauveur de notre vie.
M. 36 Éléments d’intégration C’est ma future épouse ; c’est l’ami de l’oncle,
sociale, de bon voisinage et le frère de mes parents ; c’est son ami, son
d’affection confident ; il m’aime aussi ; mon meilleur
ami…
M. 37 Source pour la satisfaction Me donne tout ; m’habille, m’achète… ; me
d’ordre matériel donne à manger, à boire (bref me nourrit)
M. 38 Expression émotionnelle Pleurer, être triste, désolé, malheureux,
normale (de chagrin, de découragé…
désolation)
M. 39 Expression (réaction) Affolement, bouleversement, avoir envie de se
émotionnelle « convulsive ». tuer, de se suicider, de se jeter sur la cendre ; se
montrer furieux, très mécontent, troublé…
M. 40 Réflexion à implication J’ai appris ce qu’est la mort, compris que moi
cognitive.
aussi je peux mourir.
5.2.3
. Interprétation
Les tableaux 15 à 25 révèlent l’existence de différences significatives
indiscutables entre les attitudes des « OI » et celles des autres sujets.
L’examen de ces éléments différentiels nous a permis de mettre en évidence
cinq constats ou tendances comportementales que l’on peut qualifier dans
une certaine mesure de traits de personnalité :
a) Premier constat (C : 1) : malgré les conditions de vie moderne,
l’« OI » parait bien marqué du traumatisme de la guerre,
rébellion, etc., et souffre incontestablement des conséquences de
celles-ci :
(1) Lorsqu’on s’interroge sur ce qui gêne ou ennuie le plus les sujets, l’« OI » place en tête
l’élément « souffrance ». « Ce qui embête Bafende c’est… » « la souffrance qu’il supporte
jour et nuit » : 14 % contre 4 % seulement chez les autres. Cette souffrance est imputée en
grande partie à la maladie et à la rébellion et ses conséquences. Ce facteur fait apparaître
d’ailleurs des différences significatives au test de chi deux (chi2 P. 04/M.17 = 4,66 significatif
à.05). Par contre, pour les autres enfants, ce qui les ennuie le plus ce sont les attitudes
négatives des gens, c’est-à-dire les conduites socialement répréhensibles : 42 % contre 21 %
chez les « OI ». Cette caractéristique se vérifie également au niveau de certaines phrases
comme la P. 04 (chi2 P. 04/M.15 = 6,43 significatif à.05).
(2) Alors que les objets et les situations qui provoquent plus de peur (P.07) chez les « OF » et
« NO » sont d’ordre matériel comme la nuit23, la voûte du ciel, les animaux sauvages
(léopard…) et domestiques (chien…), etc. : 45 % contre 12 %, l’« OI » redoute quant à lui
des facteurs agressifs et insécurisants de l’environnement liés aux événements du passé
(guerre) : 38 % contre 12 % chez les autres. Il faut signaler que ces deux facteurs révèlent des
différences significatives (chi2 P. 07/M.16=16,24 significatif à.01) et (chi2 P. 07/M.14=18,62
significatif à.01). Curieusement, l’« OI » a peur de l’image du parent défunt dont il ressent
paradoxalement ailleurs le vide non comblé : j’ai peur : de « voir les cadavres et les gens qui
sont morts », de « mon père et de ma mère », de « manger avec papa et maman », etc.
Si l’on se réfère à la psychologie africaine, la peur de l’« OI » pour les
parents défunts paraît injustifiée. Car même mort, le parent veille
normalement sur sa progéniture ou sur son ascendant resté en vie. En fait,
une telle réaction traduit chez l’« OI » la manifestation de ce que les
psychanalystes appellent le « mécanisme de défense par identification ».
L’« OI » éprouve certainement le désir légitime de promiscuité, de
s’attacher à ses parents (morts) ; mais ce désir serait refoulé par l’idée de
souffrance. Le père ou la mère ont été assassinés par les rebelles ou par les
mercenaires, ou sont morts accidentellement. En s’identifiant à eux ne
risque-t-on pas de subir le même sort ? D’où cette attitude visant à récuser
le confort affectif du parent défunt en vue d’éviter la souffrance.
Par ailleurs, l’« OI » a tendance à considérer cette souffrance, au niveau
du vécu tout du moins, comme son lot quotidien. Ainsi, ce propos
significatif d’une pensionnaire enregistré au cours d’une discussion de
groupe organisée au CFPMM sur le thème : « Les pensionnaires et leur
formation professionnelle24 » : « Moi, je pense que Dieu est injuste.
Comment peut-il laisser souffrir longtemps des gens comme nous. Nous
sommes déjà grandes filles, nous allons avoir bientôt vingt ans, sans
connaître la vie » (entendez sans avoir appris de métier) ; et elle ajouta :
« … depuis la rébellion, on ne fait que souffrir. À l’école, on nous dit que
nous ne pouvons espérer terminer nos études, parce que nous sommes trop
âgées… Si je ne peux avoir un métier, je préfère me suicider ». Ces propos
de désespoir ne sont d’ailleurs pas seulement l’apanage des filles, car les
grands garçons raisonnent à peu près de la même manière.
b) Deuxième constat (C : 2) : Devant certaines situations comme la
maladie, la discipline ou devant un entourage qui présente un
danger, l’« OI » manifeste une attitude de « passivité affective » et
de soumission beaucoup plus grande :
Tableau 14 : Attitude devant la maladie (*)
Attitudes exprimées Pourcentages
« OI » « OF » « NO »
Réactions positives : se faire soigner… (M. 12) 50 81 78
(1) Le tableau 14 montre que les orphelins placés en institution se différencient nettement des
autres dans leurs attitudes plus passives à l’égard de la maladie (chi2P.12 / M. 12 = 13,45
significatif à.01) et (chi2P.12/M. 13 = 6,67 significatif à.01).
(2) Par contre, l’« OI » se montre moins indiscipliné, c’est-à-dire plus conformiste que les autres
en matière de discipline (tableau 15). Et l’analyse des résultats au test chi deux confirme cette
tendance (chi2P.08 / M.18 = 5,95 significatif à.05).
Ce comportement différentiel entre les groupes appelle quelques
remarques. Il est vraisemblable, en effet, que cette attitude ait été influencée
par les deux facteurs suivants : d’une part, l’utilisation du pronom on (P.08)
qui semble avoir provoqué le renversement de la tendance ; car lorsque
l’idée de la discipline est associée à un personnage proche comme le maître,
les autres sujets réagissent aussi positivement, et même plus positivement
que les « OI ». Il serait donc intéressant de voir ce qu’il en adviendrait, si
on remplace le pronom « on » par un nom propre. D’autre part, l’attitude
disciplinaire des « OI », au niveau restreint de la variable étudiée tout au
moins, traduit sans doute une réalité de fait d’un régime de discipline
institutionnelle collective et théoriquement « répressive » auquel les
pensionnaires restent soumis.
Tableau 15 : Réaction à la discipline (*)
Réactions exprimées Pourcentages
« OI » « OF » « NO »
Réactions négatives : pleurer, se fâcher… (M. 13) 15 8 8
(3) Devant une situation qui représente un caractère agressif, l’« OI » a tendance à subir cette
situation. Parce que son comportement incline soit à une réaction « d’autoagression » ou
« d’autodestruction », soit en général à une attitude « d’agressivité passive » (F [M.14] = 3,06
significatif à.05).
(4) Un autre facteur, n’ayant apparemment aucun lien avec les précédents, souligne encore cette
tendance à la passivité des « OI ». Il s’agit de l’« intégration religieuse ». L’« OI » s’en
distingue en tout cas très nettement des autres (F [M.09] = 3,60 significatif à.05). On admet,
dans ces conditions, que la religion agit, dans la mesure où la présence de Dieu sécurise celui
qui la pratique à la manière de mafuta masangua ye mamvumina ye mungwa (l’huile de palme
mélangée au lait maternel), et est capable, sinon de réduire, du moins d’y dissoudre l’angoisse
née du traumatisme de la guerre et de la séparation.
b) Attitudes exprimées
Expressions émotionnelles courantes (pleurer, 50 40 43
regretter, stupéfaction, etc.) (M. 38)
Expressions émotionnelles « convulsives » (se jeter 17 44 33
sur la cendre, se tordre) (M. 39)
Expressions émotionnelles anxieuses ou à 13 2 5
implication cognitive (j’ai appris ce qu’est la mort)
(M. 40)
Résidus (M. 24) 20 14 19
(*) P. 39 : Quand j’ai appris la mort de…
(2) Par contre, ces deux tableaux présentent deux autres caractéristiques qu’il est bon de relever.
D’une part, on observe que tous les sujets dévalorisent très peu l’image globale du père, par
rapport à celle de la mère, 3 % (père) contre 10 % (mère). Et alors que, d’autre part, l’idée de
souffrance associée à un objet familial (cf. aussi P.09 et P.22) suscite chez l’« OF » un
pourcentage plus élevé de réponses de ce type, l’« OI » n’y accorde qu’une importance
relativement moindre.
Ceci confirme les conclusions dégagées précédemment (C : 3), et tend à
montrer par ailleurs que les parents (père, mère et par extension la famille)
sont chargés d’une valence toute particulière, en tout cas plus positive chez
l’« OF » que chez l’« OI ».
e) Cinquième constat (C : 5) : La vie de l’orphelin en institution
paraît non gratifiante. De plus, la substitution de ses parents n’est
pas assurée ni l’identification aux personnes de son entourage
L’étude des identifications permet, selon divers auteurs, une meilleure
compréhension de l’insertion familiale et sociale de l’enfant. L’un des
objectifs de toute institution de protection et d’éducation est justement,
comme on l’a vu (chap. 2), « d’assurer aux orphelins une éducation
adéquate pour leur permettre une entière intégration à la société ».
De ce point de vue, la recherche des objets auxquels les orphelins placés
s’attachent le plus, ainsi que les causes ou les circonstances d’un tel
attachement présentaient un intérêt indéniable pour notre étude. Pour ce
faire, nous avons été amenés à retenir comme hypothèse explicative que
l’absence de membres de kinzo-kimpangi-kanda conduit les « OI », dans
leur majorité, à rechercher la chaleur « kandaïque » auprès des personnes
proches du Foyer (institution), telles que le directeur et/ou les moniteurs
sociaux. L’analyse et l’examen des phrases P.10, P. 15 et P.35 ont permis de
prouver cette hypothèse :
Tableau 22 : Objets d’admiration (*)
Attitudes exprimées Pourcentages
« OI » « OF » « NO »
Un objet ayant une valeur symbolique, sociale, 17 19 19
esthétique (Monument, équipe de foot) (M. 30)
Une personne proche (M. 31) 15 27 38
Une personne éloignée et déterminée (M. 32) 38 19 8
Une personne divine (M. 33) 6 2 3
Une personne éloignée et indéterminée (M. 34) 2 15 16
Résidus (M. 24) 22 18 16
(*) P. 10 : J’admire…
(1) Lorsqu’on s’interroge sur les objets auxquels les sujets portent leur admiration ou leur amour
en général, on constate que, outre le caractère différentiel de leurs réponses à ces deux
phrases (P. 10 et P. 15), nettement significatif en ce qui concerne en particulier les modalités
M. 31, M. 32, M. 34 et surtout le (ch2 P.15/M. 34=6,26 significatif à.05), les « OI » ne
mentionnent nulle part le nom d’un quelconque membre du personnel de l’institution
(CFPMM par exemple), excepté le directeur qui a été cité une fois seulement, ce qui est très
insignifiant.
Les personnes adultes du CFPMM, par exemple, seraient-elles
dépourvues de toute forme de valence appétitive, à tel point que les
orphelins n’éprouvent à leur égard aucun sentiment de promiscuité ou
d’affection ?
En tout cas, l’absence d’affects relationnels, c’est-à-dire de liens affectifs
projetés positifs entre les éducateurs et les orphelins, par exemple, infirme
l’hypothèse explicative de la section 5.2.3.e. En effet, les orphelins
répugnent à s’attacher aux personnes de leur milieu ; au contraire, ils
recherchent cet attachement à l’extérieur, notamment dans les objets du
milieu scolaire (le maître, le camarade de classe, etc.), et surtout dans les
parents défunts (« J’aime papa et maman »), ou dans les personnes
indéterminées qui sont censées détenir des valeurs morales : la personne
que j’aime le plus (P.15), c’est « quelqu’un qui est poli », ou « qui m’aime »
ou « qui fait du bien »…
Ces résultats confirment, au niveau des affects verbalisés, le rejet des
éducateurs par les orphelins : « les éducateurs sont jaloux… ils sont contre
nous ; c’est pourquoi ils se montrent très indifférents, incompréhensifs et
agressifs27 ».
De fait, les éducateurs sociaux semblent entretenir avec les pensionnaires
des rapports à caractère administratif. Et comme l’a si bien observé
EKWAKI MANGELA (1972/1973), les relations « paternelles » qui
auraient pu unir les orphelins et les éducateurs et favoriser la confiance
mutuelle font malheureusement défaut parmi eux. Il se forme ainsi deux
mondes distincts : celui des pensionnaires de plus en plus méfiants, d’une
part, et d’autre part, celui des éducateurs considérés par les premiers comme
des « agents de l’ordre, dont le rôle se réduit à établir de mauvais rapports »
pour le compte des autorités du « CFPMM ».
(2) Aussi, est-ce peut-être la raison pour laquelle les « OI » manifestent également une attitude
peu affiliative à l’égard d’une institution comme le « CFPMM » (cf. tableau 24).
5.2.4
. Synthèse
Il apparaît à la lumière de l’ensemble d’inducteurs qui viennent d’être
examinés, que l’« agir » et le « sentir » de l’« OI » se situeraient
incontestablement en deçà des comportements usuels. Cela incite à
considérer comme vraisemblable l’hypothèse du caractère divergent du
comportement de cet enfant, par rapport à celui qui vit en milieu familial
normal.
Nous avons, en effet, observé que l’« OI » a bien été marqué par
l’expérience traumatisante de la guerre, de la rébellion (cf. C : 1). Son
placement dans une institution à structure moderne ne semble pas avoir
modifié cet état de choses. L’« OI » continue à penser que le fait de souffrir
pendant et depuis la rébellion est devenu quelque peu son lot quotidien ;
cela le conduit incontestablement à s’enliser dans – et à cultiver quelque
peu – un état de pessimisme et de passivité (cf. C : 2), qui risque de
constituer pour cet enfant un obstacle pour l’épanouissement de sa
personnalité.
De plus, son placement en institution semble avoir accentué la coupure et
la rupture de l’« OI » avec les réalités socioculturelles africaines. (cf. C : 3).
De ce fait, la substitution de parents ne semble pas avoir été assurée :
l’« OI » étant délaissé, refuse de s’identifier aux modèles socioculturels de
son milieu, et se tourne (régression) vers les objets du milieu extérieur. De
là à établir que le comportement divergent que nous avons noté chez lui (C :
5) proviendrait de cette absence d’identification à son milieu, ne serait
qu’un pas que nous n’osons certes pas franchir. Cependant, l’hypothèse
reste plausible.
Enfin, un point lumineux tout de même sur ce tableau aussi sombre :
même si l’« OI » semble garder, vis-à-vis de la famille, une image globale
plus objective qu’affective, il a été constaté que celui-ci cherche comme les
autres non seulement à se réaliser (cf. M.01), mais aussi à être estimé
(valorisation de soi : cf. M.21) et à estimer autrui, bien que, cet autrui, il le
recherche malheureusement loin de sa sphère sociale actuelle (entourage).
5.3.Évaluation du comportement affectif : le « make a picture story »
ou « MAPS/C »
5.3.1
. Origine et domaine d’application
Le MAPS est une technique projective d’origine américaine, introduite
en psychologie en 1947 par E. S. SHNEIDMAN (1952). Cette épreuve
ressemble beaucoup à d’autres tests projectifs à production thématique ou
dramatique, comme le TAT Elle s’en distingue, cependant, du fait qu’elle
implique de la part du sujet deux types d’actions :
(1) Une activité associative au cours de laquelle le sujet est invité à imaginer des situations de
signification et de structure variables, à raconter des histoires, lesquelles sont non seulement
imprégnées du style et du cachet psychologique propres à l’individu, mais supposent pour
être réalisées que le sujet fasse appel à des souvenirs conscients et inconscients, à son
imagination créatrice, à des processus perceptifs complexes et, d’une manière générale, à son
intelligence.
(2) Une action constructive, puisque les personnages étant séparés du décor, on demande au sujet
de les choisir et de les placer d’une certaine manière dans les décors (le sujet doit parfois
inventer lui-même ce décor).
Ce faisant, le sujet crée et interprète, à partir des matériaux élémentaires,
des scènes et des situations très complexes, ayant un contenu réel ou
imaginaire, lié à ses expériences et à des situations sociales et familiales de
son milieu.
Comme le note M. BESSING (1963, p. 311), le MAPS est considéré
normalement comme un outil d’examen clinique et de recherche
psychologique, pour l’exploration de la dynamique et des structures de la
personnalité. C’est aussi, ajoute l’auteur, un excellent instrument non
seulement de thérapeutique individuelle et collective pour enfants et adultes
(grâce aux aspects dramatiques qu’il comporte), mais parfois de diagnostic
en ce sens qu’il permet à l’examinateur de « découvrir l’existence
d’angoisses ou de détériorations mentales, de rattacher des individus à des
séries nosologiques, de mesurer l’amélioration au cours du traitement
psychiatrique… »
E.S. SHNEIDMAN a observé que le test ne connaît guère de limitation
dans son application, c’est-à-dire qu’il peut être utilisé aussi bien pour les
hommes que pour les femmes, pour les personnes normales comme pour les
anormales (névrosés, psychotiques, etc.), pour les enfants comme pour les
adultes. SHNEIDMAN indique, par ailleurs, que le « MAPS » a été
employé pour tester des enfants américains à partir de 6 ans, et que les
résultats ont été dans l’ensemble satisfaisants.
5.3.2
. Description du matériel
Le test original de SHNEIDMAN comporte les matériaux suivants : les
« Arrière-plans » ou « décors » (on en compte au total 21), les « Figurines »
ou « Personnages » (au nombre de 67), la « Feuille de localisation », la
« Carte d’identification de personnages » et « la boîte-théâtre ».
En ce qui nous concerne, il n’était évidemment pas question d’utiliser le
matériel original. Parce que notre préoccupation première était et restait, de
toute évidence, celle d’user de matériaux qui soient les plus simples, les
plus adéquats et les plus proches possible des réalités psychosociologiques
de notre population d’étude.
Dans ces conditions, une forme abrégée et adaptée29, c’est-à-dire
comportant un nombre très réduit de planches et ayant une configuration et
une structure typiquement congolaises, nous a paru la plus indiquée. Pour
ce faire, les principaux matériels du test (décors et personnages) ont été
dessinés et fabriqués sur nos indications, par un professeur de dessin
congolais30. Voici ces différents matériels ainsi que leurs caractéristiques
essentielles :
a) Les « arrière-plans » ou « décors »
Le test qui a été administré aux orphelins et non-orphelins (cf. annexe 2)
comporte huit planches-décors31 dessinés en noir et blanc, sur du carton et
mesurant chacun 27,5 x 21,5 cm. Ce sont dans leur ordre de passation : D1 :
Le « Repas en famille » ; D2 : La « Rue » ; D3 : Le « Rêve » ; D4 : Le
« Pont » ; D5 : Le « Blanc » ; D6 : La « Forêt » ; D7 : Le « Coin de la
classe » ; D8 : Le « Cimetière ».
b) Les structures et thèmes des décors
Les premier, deuxième, quatrième et huitième arrière-plans sont des
décors dits structurés, parce qu’ils présentent des structures très nettes. Le
sixième est à demi structuré ; tandis que le troisième et le cinquième ne sont
pas structurés. Pour ces derniers, le sujet doit imaginer lui-même à la fois le
décor et la structure.
Toutes les planches-décors, sauf celle du « Rêve », ne présentent aucune
trace de figure humaine. Mais, leur configuration ou leur contenu latent sont
faits de telle sorte qu’elles soient capables de susciter, chez le sujet, un
assez grand nombre de réactions psychologiques.
Quel est le contenu ou le thème spécifique dont est porteuse chaque
planche ? Il est difficile de les déterminer d’une manière absolue. Mais
voici, à titre purement indicatif et hypothétique, quelques-uns des thèmes
que la constellation et la structure de chaque décor suggèrent plus ou moins
implicitement :
Le « Repas en famille » évoquerait par exemple le thème de village
« natal » ou de famille nourricière ; le « pont » : le thème de départ
(évasion), de guerre ou de vengeance. La « forêt » : le thème de protection
ou d’insécurité et de peur ; le « coin de la classe » : le thème de gratification
(valorisation) ou d’accomplissement, d’exclusion ou d’autopunition, etc…
c) Les personnages ou figurines
Les personnages au nombre de 41 au total (cf. annexe 2) ont été, comme
les décors, dessinés en noir et blanc et découpés dans du carton. Certains
personnages sont debout, d’autres assis. Mais, comme on le verra (annexe
2), les uns et les autres sont proportionnés de manière à être placés dans le
décor sans beaucoup de difficultés. Leurs visages montrent, par ailleurs, des
expressions et des attitudes fort variées.
d) La feuille d’observation
C’est un feuillet simple, qui reproduit en miniature les huit décors du test,
et sur lequel on note :
(1) Les différentes situations et scènes que chaque sujet a réalisées ;
(2) Le temps de réaction du sujet (entre la présentation du décor et le moment où il a placé le
premier personnage, ainsi que celui où il a commencé à raconter l’histoire) ;
(3) Les personnages qui ont été choisis ou rejetés ;
(4) Les patterns d’activité dominants : gestes, paroles, mimiques, exclamations, etc. ainsi que les
histoires et les réponses du sujet à l’enquête.
5.3.3
. Administration, consignes et enquête
L’administration du « MAPS/C » nécessite la disposition suivante : le
sujet doit être placé dans un local suffisamment éclairé, et assis devant une
table ou un pupitre. L’examinateur se place un peu en arrière et à côté du
sujet, auprès de qui il mettra également tout le matériel dont il a été
question ci-dessus.
Les consignes sont basées en partie sur celle de W. MORRIS (1965, p.
557) et sont formulées de manière suivante : « Je vais vous montrer des
images comme celle-ci » (l’examinateur présente le premier décor
représentant le « Repas en famille ». Vous aurez les figures comme celles-ci
(l’examinateur place les personnages, en désordre, devant le sujet) et votre
travail consiste à « prendre une ou plusieurs figures et à les mettre dans le
décor, tel qu’elles peuvent être dans la vie réelle ». « Commençons par trier
les personnages ; je vous demande maintenant de les disperser de façon à
les voir tous ».
Puis, l’examinateur s’adresse de nouveau au sujet et lui dit :
« Maintenant, je vous demande de choisir une ou plusieurs figures, de les
placer sur le décor et de raconter l’histoire que vous avez créée… En
racontant l’histoire, dites-moi qui sont les personnages, ce qu’ils font, ce
qu’ils pensent, et enfin, comment l’histoire se termine. Allez-y ».
L’enquête : à la fin de chaque histoire et avant de passer au décor
suivant, on procède à une petite enquête, au cours de laquelle deux
questions sont obligatoirement posées : « Pouvez-vous ajouter d’autres
choses ? Quel titre pourriez-vous donner à votre histoire ? » L’enquête peut
porter également sur l’âge, le sexe des personnages, et en particulier sur
celui ou ceux avec qui le sujet semble s’identifier, sur la manière dont
l’histoire se termine, et sur des aspects ou des parties de l’histoire qui ne
sont pas suffisamment clairs ou qui présentent de l’intérêt pour
l’examinateur.
5.3.4
. Mode de dépouillement et objectifs statistiques
Pour des raisons d’économie, le dépouillement a porté essentiellement
sur les quatre premiers décors. Celui de chaque décor a été axé sur les
comportements gestuels et verbaux des sujets (la feuille d’observation) ainsi
que sur le contenu des récits.
Deux types de variables ont été examinées : les « variables
réactionnelles » et les « variables de contenu ». Celles-ci ont été analysées
dans une perspective différentielle. De ce fait, elles se distinguent de celles
que recommandent E.S. SHNEIDMAN et H. MURRAY32. En effet,
l’approche de SHNEIDMAN et MURRAY est non seulement basée sur une
analyse clinique des données et sur la notion de besoin (qui reste très
équivoque), mais implique, pour interpréter les résultats, une connaissance
approfondie du milieu socioculturel et de l’histoire personnelle des sujets.
Ne disposant pas d’assez d’éléments de ce genre, nous avons jugé une telle
approche inopportune.
5.3.5
. Interprétation
a) Analyse des « variables réactionnelles »
Sur la base des données de la feuille d’observation et indépendamment
des récits, nous avons examiné les trois éléments suivants : le choix de
personnages, le temps de réaction et le « style d’adaptation » des sujets.
i) Les personnages choisis et rejetés
Il s’est agi essentiellement d’un dénombrement à caractère empirique, qui
avait pour but de déterminer les personnages qui sont les plus fréquemment
choisis et acceptés33, ou ceux qui sont le plus couramment rejetés. On a
examiné, d’une part, le nombre moyen de figurines choisies, en se référant
aux principales catégories de ces figurines34, et d’autre part, la spécificité
de celles-ci, en se limitant arbitrairement aux personnages de chaque
catégorie, dont le choix préférentiel dépasse 60 % ou dont le rejet atteint au
moins 25 %.
Tableau 25 : Nombre moyen de personnages choisis
Types de personnages Moyennes (1) Valeur de F (2)
« OI » « OF » « NO » F Valeur de signification
PAM 7,20 7,14 7,10 0,08 n. s.
PAF 4,34 3,37 4,37 2,81 n. s.
PEN 3,74 2,96 4,81 4,66 P < 0.5
PFP 1,81 1,66 2,25 0,92 n. s.
PSV 0,83 0,48 1,00 2,24 n. s
(1) Concernant le choix de personnages, on peut noter d’abord que les trois groupes (« OI »,
« OF », « NO ») portent le plus leur choix sur les « PAM », puis sur les « PAF » et, enfin, sur
les « PEN » et les « PFP ». Les « PSV » sont les moins choisis.
(2) Quant au choix préférentiel, on constate qu’il n’y a pas de différences entre les trois groupes,
sauf pour les « PEN », sur lesquels nous reviendrons plus loin. Donc, dans l’ensemble, le
choix préférentiel ne semble pas avoir été fait en fonction du groupe ou de la nature des
personnages. Aussi, les « OI » ainsi que les autres sujets s’adressent-ils, pour construire des
scènes, aux mêmes personnages, à figuration moderne comme H2, H12, etc. ou traditionnelle
comme H6, H10, etc.
(3) Par contre, le choix de « PEN » fait apparaître des différences significatives sur le total des
résultats (F « PEN » = 4,66 significatif à 0.5). Ce sont en particulier les « NO » qui orientent
plus leur choix préférentiel vers ce type de personnage. Les « OI » et les « OF » paraissent
peu s’ouvrir à cette catégorie. Faut-il en conclure que l’OI et l’OF refusent dans une certaine
mesure d’intégrer leurs pairs (autres enfants), qui pourtant, constituent pour les premiers les
compagnons habituels de leur environnement humain ? Apparemment, il est difficile de
répondre. On peut, cependant, émettre quelques hypothèses :
S’agissant de l’« OI », on pourrait penser que son attitude « négative » à
l’égard des autres enfants soit liée au caractère quelque peu artificiel que
l’on observe dans les liens et les modes de contact qui s’établissent entre
orphelins, et au phénomène de la privation des soins maternels. On a pu
observer, en effet, que les « OI » ont tendance à se considérer comme des
« meso ma mbolongo ga longa tuyisi monana35 » (nous sommes des graines
de l’aubergine, nous venons de gousses différentes et notre rencontre dans
une même assiette n’enlève en rien à notre caractère d’« étrangères » les
unes des autres).
Ce comportement corrobore les observations de BOWLBY (1954, p. 11-
43) : « Lorsque les enfants sont privés de soins maternels, écrit-il, ces
enfants se montrent affectivement renfermés et solitaires, et ne parviennent
pas à nouer des liens libidinaux avec les autres enfants… » Et l’auteur
d’ajouter : « Il leur arrive parfois de se montrer sociables superficiellement,
mais une étude approfondie de leurs attitudes nous contraint à leur refuser
tout sentiment réel, toute profondeur dans leur attachement ».
On pourrait également appliquer à l’« OF » le proverbe kongo, quitte
alors à substituer, par exemple aux autres meso ma mbolongo, les autres
« frères » et « sœurs » du clan qu’ils ont sans doute rencontrés dans ce que
l’on peut appeler le deuxième milieu familial. En tout état de cause, bien
que l’« OF » soit en famille, il serait sensible au fait qu’il n’est pas dans sa
vraie famille, qu’il vit difficilement avec d’autres enfants, ce qui pourrait
faire penser que le système traditionnel de solidarité familiale connaît par-là
et paradoxalement des limites. Il est possible également qu’ayant passé par
une phase de privation et de traumatisme affectifs, les sentiments de
jalousie, de rivalité, etc. qui sinon n’existeraient pas ou du moins seraient
vécus avec moins de heurts dans leurs propres familles connaissent chez les
« OF » plus d’intensité dans leurs nouveaux milieux.
En résumé, et sans vouloir mettre en cause l’interprétation de la variable
(choix de personnages) dans son ensemble, il y a lieu de se montrer prudent,
étant donné le caractère empirique de cette variable et le peu de résultats
dont on dispose aujourd’hui.
ii) Le temps de réaction
On entend par temps de réaction, une variable de durée (exprimée en
minutes) qui concerne le temps qui s’écoule entre la présentation d’un décor
par l’examinateur et le placement du premier personnage par le sujet (T1),
de même que le temps passé par le sujet, depuis le moment où il place la
première figure jusqu’à celui où il débute l’histoire (T2).
Le but de cette mesure n’est pas d’établir un rapport vitesse/qualité d’une
scène ou d’un récit, mais de voir le temps mis par le sujet devant la tâche
d’activité qu’on lui propose. Il s’agit de savoir, en effet, si cette tâche est
sentie comme facile, si elle éveille des inhibitions, si le temps mis pour
exécuter la tâche varie, selon la nature du décor (D1≠ D2 ≠ D3 ≠ D4…) et en
fonction du sujet ou du groupe.
Les tableaux 26 et 27 ci-après permettent de rendre compte des temps T1
et T2 observés et les réactions des sujets, en fonction de chaque décor et de
leurs groupes respectifs.
Tableau 26 : Évaluation du T1 moyen
Décors Temps moyen (1) Valeur de F (2
« OI » « OF » « NO » F Valeur de signification
(5) En considérant chacune des variables HER. 1, HER. 2, HER. 3 et HER. 4, on constate
qu’aucune d’entre elles ne permet de discriminer suffisamment les groupes. L’analyse
statistique ne montre pas, en effet, de différence d’attitudes significative.
(6) Mais, si on suppose que le comportement (HER. 2) constitue en partie une attitude acceptable
dans la culture africaine40 et que l’on considère les deux attitudes, HER. 2 et HER. 3, comme
analogues, on peut dire que les HER. 2 et HER. 3 réunies41 confirment en partie l’hypothèse
selon laquelle, devant certaines situations de stress ou un entourage qui présente un danger,
l’« OI » semble manifester des attitudes de passivité et de soumission beaucoup plus grandes.
(7) Une autre considération semble renforcer encore cette hypothèse. Il a été observé, en effet,
que dans les récits conflictuels qui mettent aux prises, d’un côté, les diables (démons), les
sorciers, etc., et de l’autre, les hommes, ces derniers ont, chez les « OI », tendance à se
comporter plus en victimes et à se montrer presque toujours impuissants, en ce sens qu’ils
n’osent pas opposer de résistance aux visées maléfiques de ces instances de mal, soit par
l’affirmation de soi (se montrer sthénique), soit en recourant aux ressorts thérapeutiques
ancestraux ou spirituels42. Dès lors, un tel style de conduite projeté permet de penser que les
orphelins placés se situent probablement en marge du système de régulation sociale africaine.
iii) L’issue ou le dénouement
Comme le note A. OMBREDANE au sujet du Congo T.A.T. (1969), un
récit de MAPS/C est un « épisode dramatique, où l’on voit (souvent), d’une
part, l’individu aux prises avec une situation à laquelle il réagit par une
conduite particulière et, d’autre part, le complexe individu-situation se
résoudre d’une manière favorable ou défavorable à l’individu », positive ou
neutre, par rapport à la morale sociale. D’autre part, dans la perspective du
héros, l’issue est-elle favorable ou heureuse (IS.1), défavorable ou
malheureuse (IS.2). Par ailleurs, du point de vue des valeurs morales
africaines, trois cas peuvent se présenter : ou bien l’histoire ne débouche sur
aucune issue à perspective sociale (IS. 3), ou bien l’issue à une perspective
sociale positive, c’est-à-dire que la règle de la morale sociale est sauve (IS.
4), ou bien, enfin, l’issue est négative, parce que la règle de la morale est
bafouée, non respectée (IS. 5).
Tableau 30 : Caractère de l’issue par rapport au héros et à la morale sociale
Issues Moyennes (1) Valeur de F (2)
« OI » « OF » « NO » F Valeur de signification
ISSUE 1 0,39 0,52 0,68 1,35 n.s.
ISSUE 2 0,65 0,56 0,81 1,56 n.s.
ISSUE 3 0,22 0,15 0,50 3,35 P <.05
ISSUE 4 0,39 0,78 0,88 3,94 P <.05
ISSUE 5 0,43 0,15 0,13 2,57 n.s.*
18 N.B. Leurs propos ont été analysés selon une approche qualitative, et ont servi à étayer et
commenter les résultats obtenus aux trois tests classiques.
19 W1 = information ; W2 = compréhension ; W3 = arithmétique ; W4 = similitude ; W5 =
vocabulaire ; QI/D = quotient intellectuel de déviation
20 Voir annexe 1
21 On entend par corpus, l’ensemble des phrases induites
22 L’analyse a concerné 40 modalités catégorielles.
23 La peur de la nuit ou des lieux sombres est une attitude que l’on rencontre chez tous les enfants
en général. Cependant chez l’Africain, ce phénomène connaît d’autres dimensions : la nuit est, en
effet, un moment propice pour les matebo (esprits) ; c’est l’instant que choisissent les ancêtres pour
sortir de ndiamu (de leurs « maisons » tombales) pour aller voir les vivants. D’autre part, les bandoki
mpe mpimpa bakinanga (c’est le moment où les sorciers font leurs danses d’ensorcellement). Alors,
en sortant la nuit, il existe toujours un risque non seulement de rencontrer les esprits (eux nous voient
toujours alors que nous non, à moins d’avoir quatre yeux), mais aussi, et surtout les bandoki qui se
montrent particulièrement dangereux. Voilà donc pourquoi on a aussi peur de la nuit.
24 Le groupe de discussion comprenait une douzaine de filles de 1re et 2e C.O. et de 6e primaire.
25 Le terme d’invitation était jadis absent dans le milieu africain.
26 On observe dans ce cas l’utilisation de pronoms me et nous. « La rébellion… nous a massacrés
impitoyablement ; … m’a causé des malheurs, de grandes pertes irréparables.
27 Propos recueillis au cours d’une discussion de groupe avec les plus grands enfants (3e, 4e et 5e
secondaires) et portant sur le thème « Les problèmes du Foyer ou de l’institution ».
28 Exemple : « le CFPMM… », « c’est un joli Foyer », « c’est le Foyer qui nous protège »
29 Baptisée « MAPS/C »= version congolaise
30 Il s’agit de M. KIBULU-MAZEBO KAMBIMBI que nous avons le devoir de remercier très
sincèrement à cette occasion.
31 Cependant chaque sujet a passé cinq planches seulement : 4 obligatoirement et une cinquième
choisie librement par le sujet parmi les quatre derniers décors.
32 Cf. MURRAY, H., (1950), Manuel du « Thematic aperception test », trad. MEUNIER, G., Paris
éd. Du Centre de psychologie appliquée.
33 On entend par personnage accepté celui que le sujet choisit et place sur le décor avant ou pendant
qu’il raconte l’histoire ; et par personnage, rejeté celui qu’il choisit, mais qu’il rejette aussitôt, ou
celui qu’il place éventuellement, mais qu’il remplace par un autre avant de raconter l’histoire.
34 Nous en distinguons cinq : les personnages adultes masculins (« PAM »), les personnages adultes
féminins (« PAF »), les personnages enfants (« PEN »), les personnages faisant peur (« PFP ») et les
personnages sans visage (« PSV ») ; (cf. La liste d’identification de personnages en annexe 2.4).
35 Proverbe Kongo
36 Cf. MALONGO NKODI-ANKUTU, L’étude de la personnalité de l’enfant zaïrois privé d’un
milieu familial normal, in Ethnopsychologie, vol. 1, Paris, 1979, 43-88.
37 MALONGO NKODI-ANKUTU, op. cit. p. 77.
38 Il a été analysé 368 histoires au total.
39 Le héros est le personnage qui semble jouer le rôle principal dans l’action (qui se développe dans
un récit), qui « apparaît souvent dès le début et se trouve essentiellement impliqué dans le
dénouement » (MURRAY, 1950, p. 8-10). C’est en fait et habituellement, le personnage auquel le
sujet narrateur semble s’identifier, celui qui lui ressemble le plus et paraît partager certains de ses
sentiments…
40 C’est le principe de solidarité et de protection réciproque qui oblige tous les membres d’une
famille (clan) à s’entraider et à se sentir responsables des actes des autres.
41 Cela porte respectivement à 94 % et 74 % l’attitude positive des « NO » et « OF » contre 39 %
seulement chez les « OI ». De plus, l’attitude de l’« OI » est significativement différente par rapport à
celle des autres (Chi2 HER2 + HER5 = 17,15 significatif à.01).
42 Notamment au « Nganga ngombo » (guérisseur), à Na « Mfumu ou ma Ndona » (spirites), aux
« magogila ma kanda » (palabres de kinzo-kimpangi-Kanda) et à la pastorale du prêtre ou pasteur qui
permettent de mettre en cause et de rendre inopérant, ne serait-ce que pendant un certain temps tout
au moins, ce pouvoir maléfique.²
43 Cf. MALONGO NKODI-ANKUTU, op. cit. p. 77
44 Cependant, il n’y a pas de raison d’être alarmiste en ce qui concerne cet enfant ; car, s’il paraît
handicapé sur certains points, sur d’autres il n’est pas anormal.
Chapitre 6
45 Celles de l’orphelin sont sans doute liées à la rupture de la relation avec ses parents (morts) et à
l’insuffisance (quantitative et qualitative) d’interaction entre lui et l’éducateur social (censé jouer le
rôle des parents).
46 L’« OI » entretient en effet avec l’éducateur une relation défavorable (presque de haine) qui
exclut tout sentiment de promiscuité et d’intimité.
47 omme on l’observe sur le terrain.
Partie 3 :
Nous entendons par placement réaliste, celui qui assure à l’orphelin placé
la formation d’une personnalité équilibrée et harmonieuse. Certes, il n’y a
pas de solutions toutes faites pour réaliser un tel objectif, compte tenu de
changements importants que l’on observe aujourd’hui en Afrique sur tous
les plans : environnemental, matériel, social, technique, voire
technologique…
Néanmoins, il est des faits qu’il est bon d’indiquer dans ce chapitre, et à
partir desquels devra nécessairement se fonder et se construire toute
entreprise efficiente en faveur de l’orphelin placé. Ces faits, d’ailleurs peu
nombreux, résultent à la fois de nos propres observations, de théories de
l’adaptation ainsi que des pratiques et expériences quotidiennes en
psychothérapie et psychopédagogie institutionnelles.
7.1.Respecter le substrat ontologique des « sociétés africaines »
Le placement en institution est, et restera toujours – faut-il le rappeler –
un déracinement qui, non seulement « avilit l’individu en le frustrant des
fiertés et des moyens de valorisation du « Moi » fournis par l’appartenance
à une collectivité vivace, historiquement différenciée par ses héros et ses
coutumes » (OMBREDANE, 1968, p. 8), mais qui laisse aussi des traces
caractéristiques sur la personnalité de l’enfant placé.
C’est pourquoi, dans toute tentative de prise en charge des orphelins, des
enfants abandonnés, etc., la plus grande prudence est requise. Il faut donc
savoir aider les enfants à réinterpréter, comme dit Herskovits, les croyances
et les rites de « Kinzo-kimpangi-kanda » (famille et clan) et à les infléchir
vers des formes symboliques utilisables dans la situation nouvelle, plutôt
que de renverser et d’enterrer les modes d’éducation traditionnels et les
valeurs d’intégration sociales léguées par les ancêtres.
Si la plupart des institutions africaines traditionnelles pour enfants sont
en voie de disparition, ce serait commettre une grave erreur que de vouloir
les remplacer par d’autres formes construites, à partir des modèles purement
occidentaux ou mondialistes. Car « chaque société est déterminée dans sa
constitution tant juridique que sociale par l’ontologie particulière, qui
fournit son explication de l’univers ; et pour qu’une notion soit assimilée
par une société et constitue une greffe enrichissante, il faut qu’elle puisse
s’incorporer au substrat ontologique de cette société » (L. DEKOSTER,
1953, p. 20).
Point n’est besoin de dire que les fondements et principes qui régissent
les sociétés négro-africaines, en matière de sauvegarde et de protection de
l’enfant et de l’individu en général, se trouvent quelque peu à l’antipode de
ceux des sociétés occidentales.
En Afrique, comme l’a si bien remarqué P. ERNY (1972, p.55 et 120),
« l’individu ne peut se concevoir comme un élément autonome. Il est, par
son être, dépendant et solidaire des autres » et l’enfant, en particulier, ne
peut se penser ni se percevoir que comme « membre à part entière du
groupe, et non comme un élément surnuméraire et marginal ». C’est pour
cela qu’« il n’est guère d’écran qui s’interpose entre lui et la société dans
laquelle il est appelé à vivre ni ne passe pour cela par l’intermédiaire d’un
milieu réduit à des fins pédagogiques ». Aussi, conclut ERNY, « on n’entre
pas dans le monde au terme d’un temps de ségrégation, mais on y arrive en
maturité par une véritable symbiose avec le milieu ». Est-il besoin de
rappeler ici l’« Affaire de l’Arche de Zoé » survenue au Tchad en 2007 (cf.
chap. 2.1) et qui souligne naturellement cette dyade symbiotique entre
l’enfant africain et son milieu ?
Or, nos enquêtes montrent que la plupart des institutions africaines de
protection et d’éducation modernes témoignent d’une insuffisance
d’interactions socioculturelles qui procèdent de la société. Pour sortir
l’orphelin placé de cette situation, et pour éviter de le voir souffrir plus tard
de problèmes d’identité, nous recommandons de le faire participer
davantage et dans la mesure du possible à la vie culturelle, religieuse, socio-
économique de son milieu, bref, de le voir vivre les rites de nos sociétés49.
Seule une telle relation interactive ouvre, à notre avis et sans doute, la
voie à une émergence sociosymbiotique. Celle-ci peut se réaliser :
– Au sein de l’institution, par l’organisation des activités
socioculturelles diverses et régulières, notamment des causeries
animées par des conteurs (« grillots ») de talent, dont les thèmes
doivent non seulement être puisés dans la sagesse ancestrale et les
coutumes de milieux d’origine des orphelins, mais aussi rappeler et
faire revivre chez les enfants la relation interactive vivace entre eux et
leurs ancêtres vivants et morts. À ce sujet, nous recommandons aussi
que le conteur puisse (en faisant parler, pourquoi pas, les enfants),
évoquer avec doigté leurs souvenirs du passé, en vue, d’une part, de
donner corps à quelques moments précieux d’enfance (entrée à
l’école, mariage d’une tante, etc.), et d’instaurer ainsi chez eux l’idée
de continuité de la vie, et d’autre part, de leur faire prendre conscience
– comme le note P. BOURDET (2014), et à l’instar de beaucoup
d’Américains noirs – qu’ils ont, malgré tout, des racines, qu’ils
viennent forcément de quelque part, même s’ils ne savent plus d’où.
– En dehors de l’institution, par des programmes de visites et de brefs
séjours des orphelins (pendant les week-ends et les fêtes de Noël,
Pâques, etc.) dans des familles d’adoption. En effet, si les orphelins
ont l’occasion de bénéficier des séjours plus ou moins longs dans des
familles normalement constituées et dignes, ils peuvent revivre de
façon concrète et intensive la vie interactive ainsi que la chaleur
« kandaïque » qu’ils recherchent constamment.
7.2.Recréer à l’intérieur de chaque institution un climat social plus
proche des conditions de vie d’une famille normale
Les orphelins placés en institution doivent, pour se développer
harmonieusement, jouir d’un cadre socioaffectif dont bénéficie, dans la
généralité des cas, tout enfant élevé en famille.
Comme nous l’avons déjà souligné, deux facteurs importants sont à
l’origine du caractère perturbateur de l’institution, à savoir : la séparation de
l’enfant d’avec ses parents (qui entraine l’insatisfaction affective), et le fait
que l’on trouve difficilement dans l’institution des personnes bien distinctes
et déterminées à s’occuper individuellement de chaque enfant placé, et
susceptibles de faire naître chez lui un sentiment de sécurité, de protection
et d’amour.
Dès lors, l’absence au quotidien de substitut paternel et maternel, vers qui
les orphelins peuvent recourir quand ils ont besoin de réponses à leurs
questions, les empêcheraient, d’une part, non seulement d’intérioriser
l’image parentale, mais aussi d’appréhender plus tard – devenus parents
eux-mêmes – le modèle paternel et maternel (bon ou mauvais) utilisable
pour leurs propres enfants, et d’autre part, de relever, comme le souligne T.
WESEMANN (2002), deux défis majeurs pour ces futurs parents : 1°
assumer leur rôle de père et de mère, alors qu’ils en ont été privés eux-
mêmes, 2° faire face aux fardeaux qui les écrasaient, en évitant de les
déposer sur les enfants au moment où ils chercheront à être les meilleurs
pères et mères possibles.
C’est pourquoi l’institution, en tant que milieu de substitution, doit donc
permettre à l’orphelin d’y rencontrer ou trouver :
– L’école : cette structure d’apprentissage cognitif et professionnel qui
fera de lui plus tard un agent de développement ;
– Une communauté sociale fondée sur des normes véritables permettant
d’exercer les responsabilités d’ordre matériel et moral en rapport avec
son âge ;
– Une famille de substitution que l’orphelin peut aimer et à laquelle il
peut aussi s’attacher et s’identifier. En effet, l’orphelin a besoin
d’expérimenter et de vivre au quotidien cet amour et cet attachement,
afin de lui inculquer cette notion d’amour et de lui permettre de
construire l’attachement (= Moi social) aux personnages de son
entourage et, plus tard devenu grand ou affranchi des conditions de
vie institutionnelle, aux personnes d’autres groupes sociaux avec
lesquelles il sera capable d’entretenir des relations multiples et
équilibrées. Pour ce faire :
■ Il apparaît nécessaire de constituer, au sein de l’institution, des
cellules familiales de substitution autonomes de 4 à 8 ou de 12 à 15
orphelins qui seraient sous la conduite d’un couple d’éducateurs
sociaux, personnels et permanents. Celui-ci reconstituerait la
famille nucléaire et remplirait le rôle de substituts parentaux, en vue
d’essayer non seulement de réduire chez les enfants les carences
affectives liées à la fois au milieu institutionnel et à la rupture de la
relation mère-enfant (séparatisme), mais aussi de leur assurer
chaque jour et spontanément un encadrement éducatif adéquat : par
l’apport des satisfactions jugées nécessaires (autorité, apprentissage,
discipline, tendresse, « kandaïsme50 »).
■ Si, toutefois, la mise en œuvre d’une structure de « couple » pose
des problèmes d’ordre financier, voire de personnel requis et formé
à cet effet, et surtout si, l’institution héberge un nombre très élevé
d’enfants (150 et plus…), alors on peut recourir à la pratique qui
consiste à prévoir une « mère home » (avec une adjointe appelé
« Tante ») à la tête de chaque home (ou dortoir…). Cette mère
jouerait le rôle de S.O.S. chaque fois qu’il sera nécessaire.
D’autre part, il paraît utile d’organiser, au sein de chaque institution, une
structure d’« adoption » (au sens littéral51) et d’accueil ou de retour en
famille d’origine : il s’agit pour les responsables et dirigeants d’institution,
d’une part, de rechercher des familles52 (normalement constituées et dignes)
désireuses d’élever (au même titre que leurs propres enfants) des orphelins
placés en institution, et cela, conformément au prescrit de la loi, et d’autre
part, d’identifier des familles d’origine des orphelins, à partir des
informations fiables sur l’arbre généalogique et sur les liens ontologiques,
entre ces familles et les orphelins placés à faire « adopter » ou à
« tuteurer ».
En outre, et pour permettre à chaque orphelin – quelle que soit la formule
choisie – de constituer avec ces substituts des relations positives et
durables, il est nécessaire de lui donner la possibilité de choisir la mère de
home, l’éducateur ou le couple familial substitutif, dont il souhaite recevoir
les satisfactions.
En effet, comme le souligne B. BETELHEM (1971, p. 21), « si combler
chaque orphelin de toutes les satisfactions peut finalement le conduire à
construire les liens identiques à ceux qu’il aurait pu former originellement
avec un bon parent, l’orphelin placé ne se montrera prêt à nouer ces liens
avec une mère ou une image parentale de substitution qu’au cas où
justement cette image aura été choisie par lui, en fonction de ses propres
inclinaisons et parmi un grand nombre de choix possibles ».
7.3.Confier l’éducation et l’encadrement des orphelins à des
éducateurs formés et dévoués
Il nous paraît nécessaire, encore une fois, de rappeler, ici, les deux
facteurs importants qui sont à la base du caractère nuisible de l’institution :
d’une part, l’absence de la figure maternelle et la séparation de l’enfant
avec son milieu familial (qui entraîne l’insatisfaction affective), et d’autre
part, le fait que l’on ne trouve presque jamais, dans ce milieu impersonnel,
des gens très distincts et déterminés, chargés de s’occuper individuellement
de chaque enfant, afin de faire naître chez lui un sentiment de sécurité, de
protection et d’amour.
Donc, les besoins affectifs de tout enfant représentent, comme note
ADLER (1978), une demande constante et exigeante adressée à l’adulte qui
est responsable de lui.
Or, nos observations montrent (cf. chap. 5.2.4./C : 5) qu’il y a absence
d’affects relationnels, c’est-à-dire des liens affectifs projetés positifs entre
les orphelins et les éducateurs sociaux.
C’est pourquoi pour remplir efficacement sa mission, l’institution se doit
de faire appel non seulement à des éducateurs formés et dévoués, mais aussi
totalement désintéressés, c’est-à-dire préoccupés non pas par leurs intérêts
immédiats (salaires, avantages sociaux, etc.), mais surtout par l’« éducation
humaine de l’orphelin » et qui se considèrent comme des architectes
d’hommes libres et optimistes, ou comme des témoins vivants de la société
par leur vie et leur confiance.
En effet, « l’échange de gestes, de mimiques, puis des mots avec une
personne aimée, qui vous aime, qui est présente au moindre appel, qui sert
d’intermédiaire entre le monde et soi dans une atmosphère rassurante et en
même temps stimulante, dans une relation stable poursuivie intimement
pendant plusieurs années, les premières », c’est tout cela, écrit J.
CORDIER, (1975, p. 23), qu’il faut que l’éducateur apporte à tout orphelin
placé en institution.
Comme quoi, ce qui compte n’est pas le geste, l’action dans sa
matérialité, mais les sentiments et les attitudes qui accompagnent ce geste
ou cette action. Il faut, pour cela, refuser tout placement à caractère
associatif, c’est-à-dire celui qui institue une sorte d’association temporaire
de l’éducateur avec l’orphelin ; parce qu’il est générateur, comme notre
étude l’a montré, de rancœurs parfois tenaces.
Il est donc primordial de recruter des éducateurs formés. C’est
certainement un objectif à long terme, compte tenu du retard que connaît
l’Afrique dans ce domaine. En attendant, on peut améliorer, par des
sessions de recyclage, les niveaux de connaissance et de compétence de
ceux qui sont déjà en fonction.
Cependant, qu’il s’agisse de recrutement de nouveaux éducateurs ou de
perfectionnement des anciens, on devra donner priorité à des agents
capables d’encadrer efficacement les orphelins, aussi bien au plan scolaire
que du point de vue affectif.
En effet, si le placement en institution de jeunes orphelins doit toujours
tenir compte de leurs intérêts, elle doit tout autant être entourée de très
sérieuses garanties concernant le choix de leurs éducateurs. Ceux-ci doivent
posséder toutes les qualités que l’on est en droit d’attendre des substituts
parentaux : des personnes informées, intègres, disciplinées, affectueuses,
dévouées et enracinées, certes, dans la culture des orphelins et ouvertes
aussi au monde.
7.4.Doter les institutions de protection et d’éducation des orphelins
d’une assise juridique et des dispositions légales véritables
En analysant, par exemple, les structures organisationnelles des
institutions congolaises pour enfants orphelins et vulnérables, nous avons
relevé que dans leur grande majorité ces institutions ne possèdent ni statuts
ni personnalité juridique. Elles fonctionnent, à vrai dire, sur la base des
règlements intérieurs qui, souvent et de surcroît, manquent de souplesse et
paraissent inadéquats et inadaptés sur bien des points. Par exemple, ils
n’indiquent pas comment ni par quelle voix un orphelin devenu grand
(marié ou travailleur) ou aux prises avec les difficultés de la vie (manque
d’emploi, conflit familial, etc.) peut espérer renouer avec l’institution
d’origine pour y retrouver conseil…
Lorsqu’on crée une institution pour orphelins ou enfants vulnérables, il y
a donc nécessité de la doter d’une assise juridique sérieuse et véritable,
c’est-à-dire d’une loi organique qui fixe non seulement les règles de base
pour son organisation et son fonctionnement, mais aussi les normes et les
procédures de contrôle. Cela permet, il va sans dire, de maintenir, dans des
limites raisonnables, l’autorité des responsables locaux ou étrangers et de
promouvoir ainsi entre les différents groupes qui œuvrent en son sein
(administratifs, psychologues, sociologues, assistants sociaux, etc.) des
relations amicales et fraternelles, sans lesquelles toute action éducative
satisfaisante peut paraître comme une pure utopie.
7.5.Assurer à l’orphelin affranchi une réinsertion sociale
satisfaisante
La société mondialiste et matérielle d’aujourd’hui, écrit P. BOURDET
(2014, p. 18), accable souvent l’enfant et le jeune, en disant : « Si l’on n’a
pas la bonne origine, la bonne éducation et le bon diplôme, l’on ne pourra
jamais s’accomplir ni trouver sa place dans la société ».
De ce point de vue, devenir orphelin est, sans doute, un risque social qui
peut modifier le cours de la vie ou le dessein d’un enfant. Par conséquent,
son placement dans une institution ne doit pas être considéré comme un
« aboutissement » ou une « fin en soi », mais plutôt comme un
« commencement », c’est-à-dire le point de départ d’un long processus
d’apprentissage et d’éducation. Afin de lui donner des chances sérieuses
dans son développement, les organisateurs doivent poursuivre des efforts
permanents et persévérants dans tous les aspects et domaines de la vie.
Il faut donc préparer chez l’orphelin des conditions d’une future et
nécessaire ouverture sociale intégrale, notamment par des moyens aussi
divers que la lecture, le cinéma, le voyage, les stimulations traditionnelles
(causeries, contes et légendes coutumiers), le travail manuel, les séjours
plus ou moins prolongés dans des familles, de préférence sinon de même
tribu (cette réalité culturelle vivante et vivace de nos sociétés), du moins de
même orientation culturelle, et par une préparation professionnelle. Celle-ci
nécessite l’élaboration et l’examen des projets concrets qui tiennent compte
à la fois de la conjoncture de l’emploi et de possibilités financières de
l’institution.
Quoi qu’il arrive, et pour éviter qu’il baigne dans la misère et l’angoisse
(qui, comme on dit, « confisquent à la vie sa saveur », il s’avère nécessaire
que l’orphelin qui quitte l’institution ait une matière en mains, avec laquelle
il peut vivre, travailler et gagner son pain.
Certes, comme le note encore J. ADLER (1978), l’orphelin gagnera
toujours s’il s’initie et s’adapte davantage à la culture nouvelle, qui est celle
de l’institution et qui devra lui assurer sans doute une ouverture vers
d’autres cultures, sous une perspective de complément ; mais sans toutefois
être coupé définitivement de sa culture d’origine qui constitue, d’après
notre étude, une identité fantasmatique qu’il recherche constamment,
montrant par là qu’il faut être d’abord soi, pleinement, afin de comprendre
les autres. Après tout, « il n’est qu’un âne pour renier sa famille53 ».
49 L’absence de rites – comme on l’observe aujourd’hui dans la société occidentale – émousse chez
l’individu le sens et le rôle de « kinzo-kimpangi-kanda » (famille) et le conduit à une vie très
personnelle.
50 Affection, solidarité, attachement, etc.
51 Il s’agit de tuteurage
52 Au sens africain et civil du terme.
53 Vieux proverbe syrien.
Conclusion
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Annexes
Annexe 1 :
« OF/NO » 68 17 85
Total/C 94 43 137
D1 : Le repas en famille
D2 : La rue
D3 : Le rêve
D4 : Le pont
D5 : Le blanc
D6 : La forêt
D7 : Le coin de la classe
D8 : Le cimetière
Préface
Avant-propos
Partie 1 : Structures de sauvegarde, de protection et d’éducation de
l’orphelin en Afrique
Chapitre 1 - Quelques considérations théoriques sur les déterminants du
développement et sur les fonctions du milieu familial
1.1. Les déterminants (facteurs) du développement humain
1.1.1. Les déterminants internes ou biologiques
1.1.2. Les déterminants externes ou du milieu
1.1.3. Les déterminants intra-individuels ou d’autoconstruction
1.2. Rôle et fonction du milieu familial dans le développement de
l’enfant
1.3. Synthèse
Chapitre 2 - Situation de l’enfant orphelin dans les réalités sociales
africaines (point de vue traditionnel)
2.1. L’Orphelin au sens africain du terme
2.2. Structures, mécanismes et facteurs d’intégration du « nsiona » au
groupe famille-clan
2.2.1. Le composé kinzo-kimpangi-kanda (famille-clan)
2.2.2. Quelques caractéristiques du milieu social et familial de l’enfant
2.3. Synthèse
Chapitre 3 - L’Institution d’accueil et d’éducation modern pour enfants
vulnérables ou en situation difficile
3.1. Formes d’institutions à régime d’internat
3.2. Quelques considérations théoriques sur les effets de la séparation de
l’enfant d’avec la mère et/ou de son placement dans une institution
3.2.1. Effets de séparation d’avec la mère (« privation partielle »)
3.2.2. Effets du placement en institution (« hospitalisme »)
3.3. Synthèse
Partie 2 : Étude du comportement de l’orphelin placé en institution
Chapitre 4 - Problématique et méthodologie de l’étude
4.1. Problématique
4.2. Méthodologie
4.2.1. Population
4.2.2. Méthodes et techniques de recueillement de données
Chapitre 5 - Évaluation du comportement de l’orphelin placé en institution
5.1. Évaluation des aptitudes intellectuelles : l’échelle congolaise
d’intelligence verbale pour enfants ou « WISC-CONGO »
5.1.1. Motif du choix
5.1.2. Objectifs statistiques
5.1.3. Interprétation
5.1.4 Synthèse
5.2. Évaluation du comportement affectif : le test des phrases à compléter
ou “TPC/C”
5.2.1. Origine et domaine d’application
5.2.2. Dépouillement et analyse du corpus21
5.2.3. Interprétation
5.2.4. Synthèse
5.3. Évaluation du comportement affectif : le « make a picture story » ou
« MAPS/C »
5.3.1. Origine et domaine d’application
5.3.2. Description du matériel
5.3.3. Administration, consignes et enquête
5.3.4. Mode de dépouillement et objectifs statistiques
5.3.5. Interprétation
5.3.6. Synthèse
Chapitre 6 - Bilan psychologique sur le comportement de l’orphelin placé
en institution
6.1. Remarque préliminaire
6.2. Traits principaux de différenciation entre « OI », « OF » et « No »
6.3. Le comportement social de l’orphelin placé
6.3.1. Le degré d’adaptation de l’orphelin
6.3.2. Mode de contact humain ou de la relation de l’orphelin avec son
entourage
Partie 3 : L’Afrique et l’orphelin placé en institution : exigences à respecter
Chapitre 7 - Déterminants permettant un placement réaliste ou confiant
7.1. Respecter le substrat ontologique des « sociétés africaines »
7.2. Recréer à l’intérieur de chaque institution un climat social plus
proche des conditions de vie d’une famille normale
7.3. Confier l’éducation et l’encadrement des orphelins à des éducateurs
formés et dévoués
7.4. Doter les institutions de protection et d’éducation des orphelins
d’une assise juridique et des dispositions légales véritables
7.5. Assurer à l’orphelin affranchi une réinsertion sociale satisfaisante
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Annexe 1 : Le test des phrases à compléter (TPC/C)
Annexe 2 : Le « make a picture story » (« MAPS/C »)
Liste des abréviations et symboles
Liste des tableaux