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Jamal LAMRANI

Psychosociologue, clinicien de
l’organisation et de l’activité

PSYCHOSOCIOLOGIE DU
TRAVAIL

LE SOIN AU TRAVAIL

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Introduction

La psychosociologie : de quoi s’agit-il ? Nos hypothèses, d’où on parle ?


Les ressources/recherches de la psychosociologie du travail.
Les enjeux psychiques et sociaux du travail.
Les RPS : une nouvelle catégorie sociale ? Lecture historique de la santé & travail
Le psychosocial comme risque ? Les RSP comme symptôme du système politique et
managérial.
3) Travail en sous -groupes sur deux situations problèmes.
4) Vos échos et représentations du management du travail.

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La psychosociologie : de quoi s’agit-il ?

Une histoire : K. Lewin

Analyse et évolution des dynamiques sociales en jeu dans les groupes et les organisations
✓ Une approche qui privilégie les interactions entre les processus psychiques et les processus sociaux

✓ Renforcer la recherche et l’intervention, reconnaître les exigences éthiques qui soutiennent les finalités, les
pratiques professionnelles et les organisations
✓ Dépasser les frontières disciplinaires pour appréhender la complexité du réel

Les références historiques : K. Lewin, E. Jacques, W. Bion, E. Enriquez, R. Kaes, D. Anzieu, J.C. Rouchy,. C. Castoriadis. D.W.
Winnicott. Freud.

Les références contemporaines : Florence Giust Desprairies ,Christophe Dejours, Dominique Lhuillier, Y. Clot, De Gaulejac.

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LES RESSOURCES DE LA PSYCHOSOCIOLOGIE DU TRAVAIL

Marx* : « le travail est à la fois un acte créateur et instrument d’aliénation, vecteur d’humanisation et de
d’assujettissement ».
Freud* : L’investissement psychique au travail, « la grande valeur du travail dans l’économie de la libido. La
possibilité de transférer les composantes narcissiques, agressives …dans le travail professionnel et les
relations sociales qu’il implique », donne à l’individu un sens à son existence dans la société.
Mauss* : nous montre à partir du don et du contre don, un autre mode construction du lien social . Le
travail comme don et contre don nous relie à la lignée humaine. Le don de soi est hors le mode marchand.
Le travail ne peut pas être fait sans coopération.
L’école de Chicago (Hugues, Becker, Goffman..) : met l’accent sur l’interaction productrice de normes et de
conventions qui règlent le travail, construisent les métiers et l’action collective. Le travail est individuel &
collectif.
Georges Friedmann* : la sublimation dans le travail, une valeur centrale dans l’équilibre psychologique et la
réalisation de soi.

*Voir les références


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LES RESSOURCES DE LA PSYCHOSOCIOLOGIE DU TRAVAIL

La psychopathologie du travail : dès 1950, des travaux sur les effets du contexte sur la santé, mais aussi
sur le travail comme source thérapeutique et d’épanouissement et comme sources de potentialités
pathogènes :
▪ P. Sivadon* démontre que le trouble psychologique au travail est lié à l’organisation individuelle et à
l’organisation du travail. « l’équilibre entre la responsabilité et l’initiative semble être le facteur des
plus importants » pour éviter les problèmes de santé.
▪ C. Viel* récuse l’apriori du travail comme souffrance seulement et démontre la dimension vitale et
joyeuse du travail. L’initiative empêchée crée de la souffrance.
▪ Louis Le Guillant* : fait le lien le taux de morbidité chez les ouvriers et le rythme des
transformations du travail.
▪ F. Tosquelles* : « Pour soigner le malade il faut commencer à soigner l’hôpital ».
L’ergonomie : Distinction entre tache et activité, entre le travail prescrit et le travail réel
La tache n’est jamais « exécutée » , elle est repensée, réorganisée et transformée en fonction des situations
concrètes et de la singularité de chaque sujet.
La tache est réélaborée, l’activité est associée à « l’ usage de soi » ( Schwartz) dans un contexte
organisationnel.

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LES RESSOURCES DE LA PSYCHOSOCIOLOGIE DU TRAVAIL
Une conception du travail comme fondement de la construction du sujet et des unités sociales
Les enjeux du travail sont plus grands que ceux de la rentabilité et de l’opérationnalité.
Les activités humaines sont productrices de soi et du monde.
Mendel* : « L’acte pouvoir » Le pouvoir de l’acte pour agir sur la réalité et le pouvoir sur l’acte dont
on dispose.

Castoriadis* : La praxis , c’est le faire qui favorise le développement l’autonomie, un faire qui vise la
transformation et l’élucidation du réel.

Quand il n’est plus possible d’avoir un pouvoir agir sur le réel, ce n’est plus du travail,
c’est de l’acte machine.
La place du corps dans le travail : le corps est l’un des fondements de l’identité. Le
corps et le soi sont indissociables. Le travail taylorisé est la police du corps, un corps
machine vidé de sa vitalité par la répression.

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LES ENJEUX DU TRAVAIL :

Le travail c’est l’expérience des limites : des contraintes, des contradictions, des paradoxes.
L’expérience peut conduire à de la souffrance , mais peut aussi être le lieu de créativité et de sublimation.
La créativité, dit Winnicott « donne à l’individu le sentiment que la vie vaut d’être vécue »
« vivre créativement est toujours plus important pour l ’individu que de bien faire »
Empêcher la créativité est pathogène.
Le travail comme institution :
Au niveau social, c’est un objet tiers qui médiatise les relations, elle est le code de référence qui donne sens aux
pratiques
Au niveau psychique : elle mobilise les investissements, les représentations, les valeurs qui assurent au sujet la
base de l’identification aux finalités et aux objectifs. Elle rend légitime l’activité de produire, éduquer, soigner,
gouverner…
Travailler ne se limite pas au comment faire, le pour – quoi faire et la finalité sont au cœur du travail.

Le sens de travail : ne se prescrit pas, ne se décrète pas, ne se donne pas. Il émerge d’un double
mouvement d’investissement de désir et de validation sociale. La question du sens renvoie à la place faite au désir
et son articulation avec la sublimation. La sublimation n’est possible que s’il y a reconnaissance sociale.
Les règles de métiers et les valeurs du collectif du travail influe sur le sens.

La valeur du travail est celle qui émerge des controverses trans-activités, trans-métiers, trans-organisations qui
contribue au travail de la culture et l’humanisation du travail.
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Les RPS : une nouvelle catégorie sociale ?

RPS : d’où ça vient ? Perspective historique


▪ 1700, le médecin italien Ramazzini : « traité des maladies des artisans », parle « de la sagesse et la prudence des
artisans » pour éviter une usure prématurée.
▪ Le tournant 1840 : enquête de Villermé*, médecin « sociologue », le concepteur de la médecine de travail, établit
un tableau de l’état physique et moral des ouvriers et sort du concept de « l’insalubrité des professions ». Pose la
question de la « condition ouvrière » : nature environnante, matière, nature du mouvement corporel…etc.
▪ « Fatigue et usure » dans le modèle de la santé au travail (1880) : multiplication de travaux sur la fatigue en lien
avec le modèle industriel. Droit à la santé et l’hygiène pour pour prévenir les blessés et diminuer le coût de
l’assistance.
▪ Dans les années 1880 se posent la question de savoir comment augmenter la productivité du travail tout en
réduisant l’usure prématurée de la force de travail ?
▪ 1916 , J .M. Lahy* dénonce les dangers du Taylorisme pour la santé ce qui débouche sur les recherches pour
d’une utilisation rationnelle des aptitudes « the right man in the right place » . Il y a des prédisposés aux accidents
« des tarés ». D’où la loi sur les individus à risque en 1906 qui oblige à avoir un certificat médical.
Scientifiquement, il y a une ambiguïté entre les facteurs internes à l’individu et les conditions de travail.
▪ 1930 l’expérience psychosociologique d’Elton Mayo* à la Général Electric qui démontre que la fatigue et l’état
mental sont liés à la vie sociale dans l’atelier. « On ne réagit pas aux conditions pratiques telles qu’elles sont
mais telles qu’elles sont ressenties ». La vie du groupe est traversée par les conditions de travail et vise versa.

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Les RPS : une nouvelle catégorie sociale ?

RPS : d’où ça vient ? Perspective historique


▪ La figure du stress : « réaction d’adaptation de l’organisme face aux modifications, exigences, contraintes,
menaces de l’environnement » : des stresseurs, des mécanismes de régulation (physiques, psychiques) et ses effets
✓ Trop de stress ou pas assez de stress, le bon stress. Légeron en 2004.
✓ Recherche sur le stress : différentes polarités dont l’accroissement des exigences et le degré de contrôle
(Karasek* 1990) de l’individu sur son activité, le soutien social & technique (isolement), ou effort
/récompense.
▪ La violence au travail : exposition des professionnels à des violences externes : en 2007, commission dirigée par
Christophe Dejours : « les violences du public sont associées à une organisation de travail contraignante ».
▪ 1998, le livre sur le « Harcèlement moral » de M.-F Hirigoyen. La violence perverse dans les entreprises. En 4
ans, on passe d’une loi accès sur la psychopathologie à une loi (n°2002-73 du 27 janvier 2022) qui reformule d’une
façon légale les conflits au travail. Mais c’est une loi qui ne tient pas encore une fois compte du contexte
organisationnel.
▪ Les RPS ? Une catégorie émerge en urgence notamment devant l’emballement médiatique des suicides au
travail. Elle rassemble, ce qui existe déjà, stress, harcèlement moral, souffrance, suicides, TMS, dépression,
addictions, violence.
▪ C’est la même démarche que l’on rencontre dans le traitement du stress, il y a des spécialistes, des coachs pour la
« gestion du stress », le mesurer et donner des outils pour s’adapter à ses effets.

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Les RPS : un symptôme des politiques et du management

▪ Centré sur la détection des individus à risque, le dispositif RPS vise « les
fragiles » et crée un monde dual dans les entreprises : les robustes, les battants et
les vulnérables.
▪ L’individualisation et la psychologisation des questions de santé créent des
résistances.
▪ Le marché des RPS et de la QVT par consultants, et les coachs : le paradoxe de
l’accompagnement individuel au regard des questions collectives et
organisationnelles.

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De la peur à l’angoisse : Prendre soin du travail

Les hypothèses : les organisations sont moins contenantes et génèrent de plus en plus d’angoisse

✓ Retour à l’organisation « one ». Un management par le travail prescrit : quand les règles et les process ne
collent plus au travail réel. Le rôle du manager est d’agir sur la tension entre le prescrit et le réel. Partir
du réel.
✓ Déplacement des problèmes organisationnels au niveau individuel : rôle du manager : créer des espaces
collectifs d’étayage, des espaces de jeux collectifs pour inventer, créer les conditions de la performance.
✓ Faiblesse du cadre institutionnel : en termes de sens, de finalité, et de la transmission des métiers.
Manager par les métiers, renforcer et développer l’identité métier, et le travail sur les pratiques. Le sens
émerge de l’investissement dans le « faire » et sa reconnaissance.
✓ Absence de répondant, complexité de l’organisation et dilution des responsabilités : le rôle du manager
est d’être un médiateur.
✓ Les organisations sont de plus en paradoxante : Penser les contradictions et les paradoxes collectivement.
✓ Psychologisation des problèmes de société et d’organisation : l’éco-anxiété, le burnout. On ne peut pas séparer
l’individu de son contexte. Risque des soft skills : injonctions paradoxales et hors sol.

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Le soin au travail
Analyser les Rendre le soi
tensions au travail
• Reconnaitre
• Travail l’investissement
prescrit / psychique
travail réel • Renforcer
Renforcer l’identité métiers
Agir sur
le pouvoir
l’écart agir

Créer des
Conflictualiser espaces
de jeu
• Le manager Le sens
• La créativité au
Intervenant, cœur du travail
posture de tiers • Pour éprouver le
« venir entre » sens du travail
Se positionner Poser et porter un cadre
en médiateur contenant / Sens
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Travail en sous- groupe

Au regard de la situation de travail :


- Quels sont les niveaux d’analyse de la situation ? Quelles articulations faire en tant que manager ?
- Quelles pratiques, ou solutions complexes, proposer pour transformer la situation et prendre soin du travail ?
- Quels échos pour vous en tant que futur manager / dirigeant ?
- Quel enseignement vous tirez de ce qu’est manager par le travail ?

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Références des citations

Castoriadis.C.( 1975). L’institution imaginaire de la société. Points.


Marx,K.1844. Les manuscrits économico-philosophiques de
Clot, Y. Travail et pouvoir d’agir, Paris Puf 1844,Paris,Vrin,2007.

Freud, S. (1921). Psychologie collective et analyse du moi. Payot. p.76-162 Mauss,M.1925. Essai sur le don. Forme et raison de m’échange dans les
sociétés archaïques , Paris, l’Aube.
Friedmann , G. 1950. Où va le travail humain ?, Paris, Gallimard.
Mayo, Elton. [1933]The Human Problems of an Industrial Civilization,The
Hirigoyen, MF. 1998, Harcèlement moral, Paris. Syros
Macmillan Co4. Réédition en 2001 Routledge
Karasek, R. ; Tones, T. 1990. Healthy Work, Stress Productivity abd the
Mendel,G.. 1998.L’acte est une aventure. Du sujet métaphysique au sujet de
reconstruction of working live, New York, Basis Books.
l’actepouvoir, Paris, La Découverte.
Lahy, J-M. 1916. Le systéme Taylor et la physiologie du travail professionnel,
Tosquelles, F. 1967. Le travail thérapeutique en psychiatrie, Toulouse. Éres
Paris, Masson et Cie.

Lamrani, J. (2014). Le travail de décider. Connexions, 101, 61-78. Sivadon , P.; Amiel , R. 1969.Psychopathologie du travail , Paris , ESF.

Lamrani, J. ; Maisondieu, S. ( 2022). L’accompagnement de la Viel, C. 2012. Vulnérabilité au travail , Toulouse, Éres.
transformation digitale, perspective psychosociologique. L’Harmattan.
Villermé,L-R. 1840-1989. Tableau de l’état physique et moral des ouvriers,
Le Guillant, L.2006. Le drame humain au travail, Toulouse, Éres. employés dans les manufactures de coton , de laine et de soie, Paris EDI.

Lhuilier, D. 2006 Clinique du travail, Toulouse, Éres

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