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Médecine et maladies infectieuses 39 (2009) 36–40

Article original

Peut-on remplacer en première intention le frottis/goutte épaisse par un


test de diagnostic rapide pour le diagnostic du paludisme?
L’expérience de Mayotte
Can the thick drop/smear examination for malaria be replaced by a rapid
diagnostic test in first intention ? The Mayotte experience
G.-Y. de Carsalade a,∗ , R. Lam Kam a , J.-F. Lepere b , A. de Brettes a , D. Peyramond c
a Service des urgences, centre hospitalier de Mayotte, BP 04, 97600 Mamoudzou, Mayotte
b Dispensaire de Bandraboua, centre hospitalier, Mayotte
c Service des maladies infectieuses, centre hospitalier de la Croix-Rousse, Lyon, France

Reçu le 29 janvier 2008 ; accepté le 10 septembre 2008


Disponible sur Internet le 31 octobre 2008

Résumé
Cadre. – À Mayotte, le paludisme est un problème de santé publique. Dans la fin des années 1990, l’apparition d’un haut niveau de résistance à la
chloroquine et l’augmentation du nombre de cas ont obligé à repenser la politique de prise en charge. Depuis 2001, sur toute l’île, systématiquement
en première intention un test de diagnostic rapide (Optimal IT® Diamed) remplace le frottis/goutte épaisse dont les résultats étaient trop souvent
tardifs.
Méthode. – Nous avons colligé les données épidémiologiques du paludisme sur l’île et avons organisé, sur deux sites (le service des urgences de
l’hôpital, un dispensaire), une étude prospective entre mars 2005 et février 2006 concernant tous les patients (104 et 139 cas respectivement) chez
qui le diagnostic de paludisme avait été posé.
Résultats. – Quatre-vingt-huit pour cent des patients au centre hospitalier et 96 % au dispensaire eurent le diagnostic de paludisme posé au
premier test Optimal IT® . Lorsqu’un second test Optimal IT® était pratiqué dans les trois jours suivant un premier négatif, devant la persistance
des symptômes, les parasitémies étaient faibles (0,08 à 0,66 %). Cela plaide pour des faux-négatifs du test dus à une faible parasitémie.
Conclusions. – Ces résultats associés aux données épidémiologiques du paludisme à Mayotte montrent que, malgré ses limites (nécessité d’une
habitude/rigueur lors de son exécution, sensibilité un peu inférieure à celle d’une goutte épaisse), l’utilisation du test Optimal IT® en première
intention au lieu du frottis et de la goutte épaisse a favorisé une prise en charge plus précoce des cas de paludisme.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Settings. – Malaria is a public health problem in the French island of Mayotte (160,000 inhabitants) in the Indian Ocean. In the late 1990,
resistance to chloroquine greatly increased, and so did the number of malaria cases, so that a new health policy had to be adopted. Since 2001,
the initial smear/thick drop examination, the results of which took too long to obtain, has systematically been replaced by a rapid diagnosis test
(Optimal IT® Diamed) in all hospitals and public health centers.
Method. – Epidemiological data of malaria on the island was collected and a prospective study was made from March 2005 to February 2006,
on two sites (the emergency department of the main hospital and a rural health centre) on all patients presenting with malaria (104 and 139 cases
respectively).
Results. – The first Optimal IT® test diagnosed the condition accurately in 88 and 96% of the cases, respectively. Every time symptoms would
persist after negative test results and an Optimal IT® test was repeated within three days, the parasitemia level was low (0.08 to 0.66%). Very low
parasitemia level was very likely to account for a false negative (test result).

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : anne.de-brettes@wanadoo.fr (G.-Y. de Carsalade).

0399-077X/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.medmal.2008.09.004
G.-Y. de Carsalade et al. / Médecine et maladies infectieuses 39 (2009) 36–40 37

Conclusions. – These results concerning malaria (and its epidemiological data) in Mayotte show that the initial use of an Optimal IT® test instead
of the thin/thick blood smear results in a faster management of patients with malaria, although the Optimal IT® test is slightly less sensitive and
requires training/practice.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Test de diagnostic rapide ; Paludisme ; Mayotte

Keywords: Rapid diagnostic test; Malaria; Mayotte

1. Introduction patient le permet, le patient reçoit un traitement antipaludique


et récupère le résultat de son frottis/GE le lendemain. Sauf cas
Dans l’île de Mayotte, collectivité départementale française particulier, le frottis et la GE ne sont plus prescrits en première
peuplée de 160 000 habitants, située dans l’océan Indien à intention.
300 km de Madagascar, le paludisme reste un problème de Le TO (Cressier, Suisse) est basé sur la mise en évidence
santé publique. Avant 2001, pour confirmer le diagnostic de des lactates déshydrogénases parasitaires (pLDH) communes
paludisme, un frottis et une goutte épaisse (GE) étaient deman- à toutes les espèces plasmodiales couplées à celle d’une iso-
dés en première intention. À cause de délais très longs pour forme spécifique de Plasmodium falciparum. La présence de la
obtenir les résultats, les prescripteurs avaient pris l’habitude pLDH est révélée par des antigènes monoclonaux dirigés contre
de prescrire largement un traitement présomptif. Dans la fin les isoformes de l’enzyme. L’enzyme a une durée de vie de
des années 1990, l’apparition d’un haut niveau de résistance 12 heures et ne permet uniquement, à la différence des tests uti-
à la chloroquine et l’augmentation du nombre de cas (442 cas lisant l’HRP2, que le diagnostic de paludisme évolutif. Il permet,
avaient été déclarés en 1997 sans décès, 1240 cas dont huit en revanche, le diagnostic des quatre espèces plasmodiales. Son
décès en 2000) ont obligé à repenser la politique de prise seuil de sensibilité déclarée est de 50 à 100 parasites par micro-
en charge. En 2001, les autorités sanitaires ont décidé de litre (0,001–0,002 %), soit la sensibilité d’un frottis lu pendant
délivrer gratuitement à toutes les structures de santé de l’île 30 minutes par un technicien entraîné. Le résultat est obtenu en
des tests de diagnostic rapide (le test Diamed Optimal IT® 20 minutes.
[TO] a été choisi) pour remplacer en première intention le Notre étude prospective s’est déroulée de mars 2005 à février
frottis et la GE, dont les résultats étaient trop souvent tar- 2006. Nous avons colligé les cas de paludismes diagnostiqués
difs. Elles ont également préconisé l’arrêt des traitements sur deux sites : le service des urgences du centre hospitalier
présomptifs et ont remplacé la chloroquine par, initiale- de Mamoudzou, passage obligé pour tout patient nécessitant
ment, l’association chloroquine–fansidar puis, depuis 2007, par une hospitalisation et centre de consultation important, et le
l’arthéméter–luméfantrine. Toutes ces mesures ont été remar- dispensaire de Bandraboua situé dans la zone de l’île la plus
quablement appliquées par les différents acteurs de santé. Le atteinte par le paludisme. Pour chaque cas, les données sui-
remplacement du frottis/GE, méthode de référence, par un vantes étaient notées : l’âge, le sexe, le type de symptôme, la
test de diagnostic rapide sur tout le territoire était-il raison- durée d’évolution, le nombre de consultation(s) antérieure(s)
nable ? Cela ne risquait-il pas d’entraîner, pour une minorité depuis le début des signes et la prescription ou non du TO
de patient, un retard de prise en charge préjudiciable ? Pour lors de cette(ces) consultation(s) et son résultat, la prescription
essayer d’évaluer la première recommandation (suppression du de traitement antipaludique présomptif, les résultats des exa-
frottis/GE en première intention et son remplacement par le TO mens biologiques et l’évolution du malade lorsque celui-ci était
sur l’île), nous avons, d’une part, organisé sur deux sites une hospitalisé.
étude prospective entre mars 2005 et février 2006 concernant Nous avons vérifié sur les registres d’hospitalisation des ser-
tous les patients chez qui le diagnostic de paludisme avait été vices de médecine, de pédiatrie et de réanimation du centre
posé et, d’autre part, colligé les données épidémiologiques sur hospitalier qu’il n’y avait pas eu des patients originaires de
le paludisme. Mamoudzou et étant passé au moins une fois aux urgences
qui nous avaient « échappé ». Dans le service des urgences, un
2. Matériels et méthodes registre des patients ayant eu un TO nous a permis de s’assurer,
sur ce site, d’une déclaration exhaustive.
Le système sanitaire de l’île s’appuie sur 19 dispensaires, L’histoire de la maladie de tous les patients ayant été hospi-
un seul centre hospitalier à Mamoudzou, lieu unique talisés en réanimation (quel que soit leur lieu de consultation sur
d’hospitalisation, et une dizaine de médecins libéraux. l’île) ou ayant eu une parasitémie supérieure à 5 % durant notre
Dans toutes les structures de santé, le TO est pratiqué en étude a été colligée.
première intention chez tous les patients ayant de la fièvre au Nous avons recueilli les données épidémiologiques du palu-
dessus de 38,5◦ C ou toute situation clinique faisant suspecter disme auprès de la Dass de Mayotte et des différents services
un paludisme. Le test est fait soit par un infirmier soit par un d’hospitalisation du centre hospitalier de Mayotte.
médecin. Chaque patient ayant un TO positif bénéficie immé- En 2005, une enquête [1] auprès de tous les médecins géné-
diatement d’un prélèvement afin de réaliser un frottis/GE pour ralistes de l’île utilisant le TO a été effectuée.
évaluer la parasitémie. Quand le TO est positif et que l’état du Les calculs statistiques ont été réalisés avec le test du Khi2 .
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3. Résultats n’y avait que deux patients qui présentaient respectivement une
parasitémie à 0,66 et 11,5 %.
Le TO est largement utilisé par les médecins de l’île : Durant notre étude, trois cas de paludisme adressés aux
30 422 tests ont été consommés en 2005 pour une population urgences furent diagnostiqués par un frottis/GE en première
estimée à 160 000 habitants. intention. Dans deux cas sur trois, le frottis avait été fait sys-
De mars 2005 à février 2006, nous avons colligé prospec- tématiquement par le biologiste devant une thrombopénie. Dans
tivement 104 et 139 fiches de recueil de données de cas de le troisième cas, devant un tableau d’hépatosplénomégalie et
paludisme respectivement aux urgences du centre hospitalier de d’AEG traînante un bilan biologique large en ville comprenant
Mamoudzou (CHM) et au dispensaire de Bandraboua. Autant un frottis/GE a permis de poser le diagnostic.
nos données sont exhaustives pour le service des urgences, autant Dans cinq cas, malgré un TO faiblement positif (quatre aux
cela correspond à environ la moitié des cas de paludisme diag- urgences et un à Bandraboua) la recherche d’hématozoaire n’a
nostiqués à Bandraboua (Tableau 1). pas été confirmée par le frottis/GE. Tous ces patients, ayant
Avec 243 cas cumulés sur les deux sites, l’étude comprend reçu un traitement antipaludique le jour même avant de récu-
environ la moitié des cas de paludisme (515 cas déclarés sur pérer leurs résultats de frottis/GE le lendemain, n’ont pas eu
toute l’île en 2005) diagnostiqués sur l’île. d’investigation supplémentaire. Il nous était donc impossible de
Les cas de paludismes vus aux urgences et au dispensaire ne savoir s’il s’agissait de réel faux-positif.
sont pas tout à fait les mêmes. Beaucoup de patients impalu- Aucun des patients n’a reçu de traitement antipaludique s’il
dés vus au service des urgences avaient déjà eu un TO positif avait un TO négatif.
lors d’une consultation antérieure (18 sur 42). Il s’agissait des Parmi les quatre patients admis en réanimation pour palu-
patients adressés d’un dispensaire, soit après un traitement de disme (tous dus à P. falciparum) durant la période de l’étude, un
première ligne inefficace soit parce qu’ils présentaient des signes n’avait jamais consulté, deux patients avaient consulté une fois
de gravité d’emblée. avant que le diagnostic de paludisme soit posé mais n’avaient pas
La non pratique du TO lors des consultations antérieures était eu de TO. Pour le quatrième, il n’y avait aucun retard de prise en
due le plus souvent à l’absence de fièvre ou à une fièvre inférieure charge. Le diagnostic de paludisme avait été posé le jour même
à 38,5◦ C lors de la consultation et une anamnèse peu évocatrice. grâce au TO. Devant l’aggravation de son état malgré sa mise
Sans pouvoir définir un taux de sensibilité précis, on peut sous Lariam® , le patient avait été adressé aux urgences.
dire que le TO a permis (s’il était fait) de détecter 88 % des Cinq patients aux urgences ont présenté une parasitémie supé-
patients impaludés au premier test au CHM et 96 % au dispen- rieure à 5 %.Tous ces patients étaient infectés par P. falciparum :
saire de Bandraboua, zone hyperendémique de l’île. Il existe une trois étaient déjà traités pour le paludisme (TO positif ou bilan
différence significative (p < 0,02) entre les deux lieux de l’étude. biologique), une patiente n’avait pas consulté et un patient
Sur les deux sites, les patients ayant eu un TO néga- avait eu un TO négatif (un des deux patients sus-cités au para-
tif aux consultations précédentes étaient tous infectés par du graphe consultation antérieure avec TO négatif) lors d’une
P. falciparum. Ils avaient des parasitémies faibles quand les consultation dix jours auparavant. Les trois patients du dis-
consultations avaient eu lieu entre zéro et trois jours avant (entre pensaire de Bandraboua présentant une parasitémie supérieure
0,08 et 0,66 %). Entre quatre et sept jours avant, les parasité- à 5 % (toutes dues à P. falciparum) n’avaient pas consulté
mies se situaient entre 0,24 et 2,08 % ; au-delà de sept jours, il auparavant.

Tableau 1
Caractéristiques des cas de paludisme diagnostiqués entre mars 2005 et février 2006 aux urgences du CHM et au dispensaire de Bandraboua.
Features for patients with malaria, diagnosed between March 2005 and February 2006 in the emergency ward of CHM and in the primary care unit of Bandraboua.
Service des urgences du CHM Dispensaire de Bandraboua Total

Nombre de cas de paludismes diagnostiqués 104 139 243


Âge moyen (ans) 21,4 21,6
Hommes (%) 61 75
Femmes (%) 39 25
Durée moyenne de l’ancienneté des symptômes (jours) 4,3 3
Patients ayant déjà consulté pour les mêmes symptômes 42 11 53
Ayant déjà eu un TO positif lors de(s) consultation(s) antérieure(s) 18 0 18
Ayant déjà eu un TO négatif lors de(s) consultation(s) antérieure(s) 11 5 16
N’ayant pas eu de TO lors de(s) consultation(s) antérieure(s) 7 5 12
Pratique du TO non précisée lors de(s) consultation(s) antérieure(s) 3 1 4
Diagnostic fait autrement que par le TO 3 0 3
Patient ayant eu un traitement présomptif depuis le début des symptômes 0 0 0
% de Plasmodium falciparuma 85,5 91,2
avec une parasitémie moyenne (%) 1,1 1,2
% de Plasmodium vivaxa 8,4 2,4
% de Plasmodium malariaea 1,2 7,2
Pas de parasite retrouvé à la GEa 4 1
a Résultat confirmé par le frottis.
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Tableau 2
Données épidémiologiques du paludisme à Mayotte de 1997 à 2007[S].
Epidemiological data for malaria in Mayotte from 1997 to 2007[S].
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Nombre de cas de paludisme 442 756 1192 1240 631a 1841 792 743 515 496 556
Hospitalisation en réanimation 13 17 24 32 38 18 10 8 2 4 2
Nombre total des hospitalisations DM DM 185 225 245 266 98 99 60 40 58
Nombre de décès dus au paludisme 0 3 4 8 5 2 1 2 0 0 1

DM : données manquantes.
a Les chiffres de 2001 publiés, 631 cas, sont incomplets à cause d’une grève de plusieurs mois des microscopistes.

Le nombre d’hospitalisations tous services confondus, mais après, apparaît une coloration a minima des bandes tests qui n’a
aussi dans le service de réanimation, est en nette diminution pas de signification. Depuis 2004, une présentation du TO en
depuis 2001. Entre 2000 (dernière année sans utilisation du sachet individuel (mieux adapté au degré d’hygrométrie élevé
TO) et 2005, non seulement le nombre de cas de paludisme local) a fait presque totalement disparaître les tests douteux. Mal-
hospitalisé tous services confondus a diminué de manière signi- gré tous ces inconvénients mineurs, quatre ans après sa mise en
ficativement plus importante (p < 0,001) que le nombre de cas de place, on peut noter une très bonne appropriation du test par les
paludisme, mais aussi le nombre de cas de paludisme hospita- soignants : 30 422 TO avaient été utilisés en 2005 et il n’y avait
lisé en réanimation a diminué de manière significativement plus eu que trois cas de paludisme sur les 243 de l’étude qui avaient
importante (p < 0,01) que le nombre de cas de paludisme. La été diagnostiqués autrement que par TO.
mortalité due au paludisme est aussi en nette diminution depuis Sur le site de Bandraboua, nous avons recueilli environ la
2000 (Tableau 2). moitié des cas diagnostiqués durant l’étude ce qui est en accord
Sur les 53 médecins généralistes de l’île utilisant le TO, 49 avec le fait qu’un seul médecin sur les deux travaillant au
(92 %) ont répondu aux questionnaires sur l’utilisation du TO dispensaire avait participé à l’étude. Leur fonction au sein du dis-
[1]. Soixante-six pour cent déclaraient prescrire un frottis/GE pensaire étant identique, la répartition des patients qu’ils voient
malgré un TO négatif devant une forte suspicion clinique et 59 % étant le plus souvent aléatoire et notre étude étant prospective,
déclaraient ne pas débuter de traitement présomptif malgré un cela n’est pas une cause de biais statistique.
tableau évocateur avec un TO négatif. Vingt-quatre pourcent Avec 96 % des paludismes diagnostiqués au premier TO au
disaient prescrire parfois un frottis/GE sans TO préalable, 96 % dispensaire de Bandraboua et 88 % aux urgences, nous retrou-
confirmaient un TO positif par un frottis/GE. Enfin, 21 % décla- vons une sensibilité équivalente à celle des études sus-citées.
raient des difficultés d’application du test (essentiellement une La différence de pourcentage entre les deux sites est significa-
difficulté d’aspirer le sang jusqu’au trait avec la pipette fournie, tive (p < 0,02). Une prévalence plus importante du paludisme
le sang ne montant pas par capillarité), 41 % constataient rare- chez les patients consultants pour une fièvre à Bandraboua
ment des tests douteux malgré l’emballage individuel du test : (zone la plus atteinte de l’île) peut expliquer partiellement cette
85 % réalisaient alors un second test 24 heures plus tard, les 25 % différence. Une meilleure pratique/habitude du test par un per-
restant prescrivant un traitement antipaludique. Enfin, 95 % sonnel médical et paramédical qui en fait beaucoup plus qu’aux
considéraient que la surcharge de travail induite par l’utilisation urgences l’explique probablement aussi. Lorsque le second TO
du test était largement compensée par son intérêt diagnostique. était pratiqué dans les trois jours qui suivait le premier devant la
persistance des symptômes, les parasitémies étaient faibles (0,08
4. Discussion à 0,66 %) et cela traduisaient, très probablement le plus sou-
vent, un faux-négatif du test à cause d’une parasitémie initiale
Depuis sa mise sur le marché, plusieurs études [2–12] ont faible. Cela souligne l’importance de répéter le TO dans le temps
montré l’intérêt du TO. Elles ont retrouvé une sensibilité et une comme on le faisait pour la GE. Il est à noter que tous ces faux-
spécificité comprises entre 80 et 100 %. L’intérêt de notre étude négatifs initiaux étaient des patients atteints par le P. falciparum.
est d’évaluer sa « robustesse » quand il est utilisé par de nom- N’ayant pas pratiqué de frottis/GE systématique à toute sus-
breux acteurs de santé (médecins, infirmiers principalement), picion de paludisme, il est possible que des patients ayant eu
mais aussi et surtout d’évaluer le remplacement en première des parasitémies faibles, d’autant plus qu’elles furent à Plas-
intention du frottis/GE par le TO dans le contexte particulier de modium vivax ou malariae, aient guéri sans traitement. Notre
Mayotte. étude montre aussi que l’abandon des traitements présomptifs
Comme beaucoup d’auteurs l’ont souligné [13–15] et comme n’est pas préjudiciable aux patients à condition de savoir répéter
les résultats de l’enquête auprès des médecins de l’île sur régulièrement les TO si la symptomatologie persiste.
l’utilisation du TO le confirment [1], la pratique du test demande Les suspicions de TO faussement positifs (frottis/GE négatif
une certaine habitude (difficulté d’aspirer les 10 ␮l de sang avec sur le prélèvement fait immédiatement après un TO faiblement
la pipette donnée) et de la rigueur dans son exécution. La lec- positif) n’ont pu être investigué car, en pratique, un traitement
ture des bandes tests lors d’une antigénémie faible est parfois antipaludique avait toujours été débuté avant que le patient ne
délicate. La lecture du test doit se faire peu de temps après que récupère leurs résultats le lendemain. Néanmoins, le nombre
celui-ci ait été terminé car parfois, une demi-heure à une heure beaucoup plus important de faux-positifs aux urgences qu’au
40 G.-Y. de Carsalade et al. / Médecine et maladies infectieuses 39 (2009) 36–40

dispensaire (quatre versus un) s’explique entre autre par une Références
meilleure appropriation du test par le personnel du dispensaire
de Bandraboua comme nous le suggérions dans le paragraphe [1] Lam Kam Cheung R. Intérêts et limites d’un test de diagnostic rapide du
paludisme (Optimal) à Mayotte [thèse]. Lyon: université Claude-Bernard
précédent. Une meilleure appropriation/utilisation du test se tra- Lyon 1; 2006.
duisant par moins de faux-positifs et moins de faux-négatifs de [2] Palmer CJ, Lindo JF, Klaskala WI, Quesada JA, Kaminsky R, Baum
celui-ci. MK, et al. Evaluation of the OptiMAL® test for rapid diagnosis of Plas-
L’analyse des dossiers des patients hospitalisés de mars 2005 modium vivax and Plasmodium falciparum malariae. J Clin Microbiol
à février 2006 ayant eu le plus de risque d’avoir une prise 1998;36:203–6.
[3] Jamshaid I, Arif Muneer, Nabila Khalid, Ahmed Mohamed A. Performance
en charge retardée (les patients hospitalisés en réanimation of the optimal test for malaria diagnosis among suspected malaria patients
et ceux ayant une parasitémie supérieure à 5 %) montre qu’à at the rural health centers. Am J Trop Med Hyg 2003;68:624–8.
part un cas (patient ayant une parasitémie à 11,5 %, dix jours [4] Palmer CJ, Validum L, Lindo J, Campa A, Validum C, Makler M, et al.
après un premier TO négatif) où l’on peut surtout regretter Field evaluation of the OptiMAL® rapid malaria diagnostic test during anti-
que le patient ait attendu si longtemps pour reconsulter, aucun malarial therapy in Guyana. Trans R Soc Trop Med Hyg 1999;93:517–8.
[5] Pattanasin S, Proux S, Chompasuk D, Luwiradaj K, Jacquier P, Looareesu-
patient n’a eu à pâtir de la prescription en première intention du wan S, et al. Evaluation of a new Plasmodium lactate dehydrogenase assay
TO. (OptiMAL-IT® ) for the detection of malaria. Trans R Soc Trop Med Hyg
Entre 2000 (dernière année sans TO) et 2005 (année de 2003;97:672–4.
notre étude), il y a une diminution significativement plus impor- [6] Fryauff DJ, Purnomo, Sutamihardja MA, Elyazar IR, Susanti I, Krisin, et
tante (p < 0,001) du nombre d’hospitalisations pour paludisme al. Performance of the OptiMAL® assay for detection and identification of
malaria infections in asymptomatic residents of Irian Jaya, Indonesia. Am
tous services confondus que du nombre de cas de paludisme J Trop Med Hyg 2000;63:139–45.
ainsi que du nombre d’hospitalisations en réanimation que [7] Moody AH, Chiodini PL. Non-microscopic method for malaria digno-
de cas de paludisme (p < 0,01). Ces chiffres sont en faveur sis using OptiMAL-IT® , a second-generation dipstick for malaria pLDH
d’une prise en charge plus précoce du paludisme bien que la antigen detection. Br J Biomed Sci 2002;59:228–31.
modification du protocole thérapeutique de première intention [8] Malik S, Khan S, Das A, Samantary JC. Plasmodium lactate deshydroge-
nase assay to detect malarial parasites. Natl Med J India 2004;17:237–9.
(chloroquine–fansidar en 2005 versus chloroquine en 2000) ait [9] El-moamly AM. Antigen capture immuno-chromatographic strip format
eu aussi une influence. in detecting parasite specific lactate deshydrogenase to diagnose malaria
in non immune patients. J Egypt Soc Parasitol 2007;37:1017–30.
5. Conclusion [10] Hopkins H, Kambale W, Kamya MR, Staedke SG, Dorsey G, Rosenthal PJ.
Comparison of HRP2 and pLDH-based rapid diagnostic tests for malaria
with longitudinal follow up in Kampala, Uganda. Am J Trop Med Hyg
Dans le contexte particulier de Mayotte, notre étude pros- 2007;76:1092–7.
pective et le recueil des données épidémiologiques de l’île [11] Ratsimbasoa A, Randriamanantena A, Raherinjafy R, Rasoarilalao N,
nous permettent de conclure que la suppression du frottis/GE Menard D. Which malaria rapid test for Madagascar ? Field and laboratory
en première intention et son remplacement systématique par evaluation of three tests and expert microscopy of samples from suspected
un test de diagnostic rapide, le TO, a favorisé une meilleure malaria patients in Madagascar. Am J Trop Med Hyg 2007;76:481–5.
[12] Kolaczinski J, Mohammed N, Ali I, Ali M, Khan N, Ezard N, et al. Com-
prise en charge du paludisme. Néanmoins, il nous faut souli- parison of the OptiMAL® rapid antigen test with field microscopy for the
gner ses limites : test nécessitant une certaine habitude/rigueur detection of Plasmodium vivax and Plasmodium falciparum: considera-
pour obtenir, en pratique courante, une sensibilité et spécifi- tions for the application of the rapid test in Afghanistan. Ann Trop Med
cité la plus proche possible de celle rapportée dans les études Parasitol 2004;98:15–20.
mais, de toute façon, une sensibilité un peu inférieure à la [13] Seidahmed OM, Mohamedein MM, Elsir AA, Ali FT, Malik el FM, Ahmed
ES. End-user errors in applying two malaria rapid diagnostic tests in a
GE. Le succès de ce test ne doit pas faire oublier de préciser remote area of Sudan. Trop Med Int Health 2008;13:406–9.
aux patients que le TO doit être répété si la symptomatolo- [14] Rennie W, Phetsouvanh R, Lupisan S, Vanisaveth V, Hongvanthong B,
gie persiste, comme on le faisait avec le frottis/GE. Durant Phompida S, et al. Minimising human error in malaria rapid diagnosis:
toute la durée de notre étude, nous n’avons eu a déploré qu’un clarity of written instructions and health worker performance. Trans R Soc
retard de prise en charge potentiellement préjudiciable pour Trop Med Hyg 2007;101:9–18.
[15] Moonasar D, Goga AE, Frean J, Kruger P, Chandramohan D. An explo-
un patient qui avait pratiqué son second test dix jours après ratory study of factors that affect the performance and usage of rapid
un premier TO négatif alors que sa symptomatologie persis- diagnostic tests for malaria in the Limpopo Province, South Africa. Malar
tait. J 2007;6:74.

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