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Xavier Malbreil

Xavier Malbreil (0m1.com) est écrivain multimédia et critique en littérature


informatique. Il a récemment publié un dossier intitulé Comme des pantins
électroniques dans un théâtre d'ombres... ou la face cachée du net sur
Intermondes, le magazine électronique du Centre International d'Art
Contemporain de Montréal (CIAC.ca).

Voici sa réaction, recueillie sur le groupe de discussion e-critures.

"Au delà d'un certain nombre de détails qui pourraient se discuter (...), l'important
était que cet Opéra ait lieu, et qu'il manifeste un point de rencontre possible entre
l'Internet, qui n'est pas hors du monde, et l'ici-et-maintenant.

Cela, oui, c'était la grande idée de cet Opera Internettika Protection et Sécurité,
et on peut dire que cela a parfaitement fonctionné, puisque le public était là. Qu'il
y ait eu un avant la représentation du 15 décembre, sur le Net (avec toutes les
contributions des lecteurs), puis un pendant (où les contributions des lecteurs
étaient actualisées, dans la vibration du moment, avec toutes les incertitudes
liées aux arts de la scène), puis un après (qui est en train de se construire), c'est
comme un manifeste d'un art post net-art, en train de se constuire.

Un art post net-art? Oui, un art qui s'appuie sur le Net, puis qui en sort, et qui y
revient. Il est post net-art, parce qu'il dépasse l'enfermement dans le Net, mais il
est toujours en rapport avec le Net, évidemment. Un art de la mixité,
certainement, mixed media comme disent les anglo-saxons, mais il faudrait
pouvoir aussi rendre compte des temporalités qui se chevauchent... Ce ne sont
pas seulement des mixages de médias, mais des strates temporelles qui se
mêlent, chacune gardant du média dans lequel elle s'est déroulée comme une
marque indélébile, qui fait d'une oeuvre "mixed média post net-art" un
assemblage dont chaque élément reste indépendant, identifiable. Ainsi, étaient
identifiables, indépendantes, les voix des internautes, qui s'étaient exprimées sur
le site d'Annie, et qui gardaient sur scène la trace de ce passage à l'intérieur du
réseau. Etaient identifiables, indépendantes, les paroles du premier ministre
Villepin, samplées par Igor, issues d'un autre temps, d'un autre média. Etait
identifiable la voix de la cantatrice, qui déclamait le code HTML d'une page du
site du ministère de l'intérieur, etc...
Par contre, et c'est tout le problème de l'opéra, qui n'est pas nouveau, le lien
entre toutes ces parties se perdait parfois. Tout comme les raisons du choix de
tel ou tel élément à l'intérieur de l'ensemble : par exemple, pourquoi choisir de
restituer une page du ministère de l'intérieur, pour montrer une
instrumentalisation de la peur, alors que l'on aurait pu prendre d'autres médias,
comme ceux propageant la haine, liés à l'extrême droite, ou au fascisme
islamique, ou à l'écologie (qui veut manipuler la peur de l'éco-citoyen pour faire
passer son message) etc...etc...
Bref, des choix qui paraissaient trop évidents, et qui, en période électorale,
semblaient ouvrir des portes ouvertes devant un public que l'on devine conquis
d'avance.
Mais cela sont des détails.

Il restera le souvenir d'une soirée "historique" qui a vu le net-art, ce jeu sur les
flux communicationnels, se mêler au spectacle vivant, ce qui, avec le papier
envoyé l'autre jour par Philippe Castellin, semble être une préoccupation
d'actualité : comment organiser une mixité des techniques, des dispositifs, pour
faire évoluer le net-art, d'une part, et pour que la technique présente sur le
plateau ne soit pas un simple fétiche exhibé d'autre part.

ps: en écrivant cela, j'écoute la symphonie N° 3 de Henrik Gorecki, pour


orchestre et soprano, une merveille, tandis que le soleil traverse les fenêtres. Sur
les pyrénées, la neige brille."

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