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Dans les vieilles forts o la sve grands flots Court du ft noir de l'aulne au tronc blanc des bouleaux, Bien

n des fois, n'est-ce pas ? travers la clairire, Ple, effar, n'osant regarder en arrire, Tu t'es ht, tremblant et d'un pas convulsif, mon matre Albert Dure, vieux peintre pensif !

On devine, devant tes tableaux qu'on vnre, Que dans les noirs taillis ton il visionnaire Voyait distinctement, par l'ombre recouverts, Le faune aux doigts palms, le sylvain aux yeux verts, Pan, qui revt de fleurs l'antre o tu te recueilles, Et l'antique dryade aux mains pleines de feuilles.

Une fort pour toi, c'est un monde hideux. Le songe et le rel s'y mlent tous les deux. L se penchent rveurs les vieux pins, les grands ormes Dont les rameaux tordus font cent coudes difformes, Et dans ce groupe sombre agit par le vent, Rien n'est tout fait mort ni tout fait vivant. Le cresson boit ; l'eau court ; les frnes sur les pentes, Sous la broussaille horrible et les ronces grimpantes, Contractent lentement leurs pieds noueux et noirs. Les fleurs au cou de cygne ont les lacs pour miroirs ; Et sur vous qui passez et l'avez rveille,

Mainte chimre trange la gorge caille, D'un arbre entre ses doigts serrant les larges nuds, Du fond d'un antre obscur fixe un il lumineux. vgtation ! esprit ! matire ! force ! Couverte de peau rude ou de vivante corce !

Aux bois, ainsi que toi, je n'ai jamais err, Matre, sans qu'en mon cur l'horreur ait pntr, Sans voir tressaillir l'herbe, et, par le vent berces, Pendre tous les rameaux de confuses penses. Dieu seul, ce grand tmoin des faits mystrieux, Dieu seul le sait, souvent, en de sauvages lieux, J'ai senti, moi qu'chauffe une secrte flamme, Comme moi palpiter et vivre avec une me, Et rire, et se parler dans l'ombre demi-voix, Les chnes monstrueux qui remplissent les bois.

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