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BRAECKMAN,COLETTE
Assassinats, armes quasi en vente libre et blocage de la situation politique en toile de fond de la
visite de M. Delcroix
KIGALI
La sérénité affichée par le contingent belge de la Minuar (la force de paix de l'ONU chargée de
garantir l'application des accords d'Arusha) à l'occasion de la visite du ministre de la Défense Léo
Delcroix est avant tout une façade. Une volonté plus qu'une réalité. Car la situation à Kigali est
plus tendue que jamais et l'avenir de l'intervention onusienne est compromis.
Trois semaines après l'assassinat du président du parti social démocrate et celui du leader des
CDR, crimes politiques qui avaient déclenché une nouvelle vague de règlements de compte se
soldant par une quarantaine de morts, Kigali est à nouveau envahie par la peur. Des rumeurs
assurent que le match de football qui opposera dimanche l'équipe nationale à son homologue
zaïroise sera l'occasion de nouvelles violences qui pourraient être imputées au Front patriotique
alors qu'en réalité elles seraient le fait de provocateurs ayant revêtu l'uniforme des anciens
rebelles! À nouveau, il est question d'escadrons de la mort, de listes de personnalités à éliminer
et certains se réfugient déjà dans les hôtels pour raison de sécurité.
Cette atmosphère délétère qui accompagne le blocage persistant de la situation politique a incité
le représentant du secrétaire général des Nations unies, le diplomate camerounais Jacques-
Roger Booh-Booh, à frapper une nouvelle fois sur la table comme l'avait fait le ministre Willy
Claes voici trois semaines. La famine fait des ravages, la situation économique et sociale se
dégrade, l'insécurité augmente et pendant ce temps les partis politiques rwandais n'honorent pas
les engagements pris devant leur peuple. Le spectre de la guerre civile plane sur le Rwanda.
M. Booh-Booh s'est fait l'interprète de la lassitude des donateurs: Cette opération coûte très cher,
on n'en voit pas le résultat. Et les bailleurs de fonds (dont la Belgique en premier lieu) ne cessent
d'être sollicités, qu'il s'agisse des Casques bleus, des réfugiés, de la sécheresse... Il serait temps
que les Rwandais eux-mêmes prennent leurs responsabilités. Que les partis d'opposition, le
MDR (Mouvement démocratique républicain) et surtout le Parti libéral, surmontent leur division, et
les clivages d'ordre ethnique qui les divisent.
On est loin du compte. Pour l'instant, les Casques bleus ne peuvent que multiplier les patrouilles
dans Kigali, escorter certaines personnalités: il n'est pas question de faire la paix en lieu et place
des Rwandais eux-mêmes.
M. Booh-Booh est persuadé que la population aspire à la sécurité, à la réconciliation: C'est pour
les gens qui se trouvent dans les blindés, ces huttes de branchages qui abritent les réfugiés, que
nous sommes ici. Pour qu'ils puissent enfin regagner leur terre et la cultiver. Le ministre belge de
la Défense, qui rencontrera samedi matin le président de la République, ne dira sans doute pas
autre chose que M. Claes voici quelques jours. Militairement, économiquement, la Belgique se
trouve aux côtés du Rwanda, mais la patience a des limites.
COLETTE BRAECKMAN