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Rist. & Shi Litwavi cRelighas) RASSEGNE Bb 2.000/2.44-23 9 ACTES DE JEAN: ETAT DE LA RECHERCHE (1982-1999) * edition des Actes de Jean [= AJ] en 1983, par Eric Junod et Jean-Daniel Kaestli,! constituait «un acte de naissance», puisque ces deux volumes inaugu- raient la Series Apocryphorum du Corpus Christianorum.’ Depuis, de nouveaux ti- tres enrichissent sans cesse la collection, résultats du travail de ’Association pour T'Etude de la Littérature Apocryphe Chrétienne (AELAC). Un an avant la parution de leur ouvrage, les deux éditeurs publiaient égale- ment une étude trés fouillée sur L’bistoire des Actes apocryphes des apétres du III” au IX® siécle: le cas des Actes de Jean. «Rassemblant et commentant les indications fournies par la littérature chrétienne de l'époque patristique (entendue au sens large)» ils tentaient de répondre a des questions comme: «Quels furent [...] les lec- teurs des Actes de Jean? Quelles appréciations ont-ils portées sur ce texte et quels usages en ont-ils faits?».* Aprés un premier chapitre consacré 4 «Eusébe de Cé- sarée ou la condamnation ecclésiastique des Actes apocryphes» (pp. 9-12), E. Ju- nod et J.-D. Kaestli opérent par périodisation. Ils passent en revue méthodique- ment «le silence sur les Actes de Jean avant Eusébe» (pp. 13-21), «les mouvements encratites d’Asie Mineure au IV® siécle» (pp. 23-34), «les Actes de Jean dans VEglise de Syrie et le témoignage d’Ephrem sur les Actes écrits par les Bardesani- tes» (pp. 35-47), «les Actes de Jean chez les manichéens et leurs adversaires» (pp. 49-86), «... dans les Eglises d’Occident entre la fin du IVS et la fin du VI sigécles Je remercie MM. les Prof. Enrico Nonetts et Jean-Daniel KAEsTLI pour I avisées, ainsi que M. Christophe CHALAMET pour sa lecture attentive et son amabil rigé mon francais, Je suis le seul responsable de toutes les imperfections du texte. 1 B, JuNoDJ-D. Kaestit, Acta lobannts («Corpus Christianorum. Series Apocryphorum», 1-2), Turahout, Brepols, 1983, 2 voll. Pour ’édition voir les comptes rendus de KaNNENGIESSER, in «Recherches de Science Religieuse», LXXII (1984), pp. 605-607; Mopa, in «Studia Patavinay, XXXIV (1987), pp. 153-156; NeMYNCK, in « D’aprés lui, le Papyrus 1 ct les AJ (que nous connaissons) reflétent l'utilisation indépendante d’une source commune: «a collection of Eu-— charistic prayers».!© Le papyrus a également été publié par Iain Gardner et Klaas ‘A. Worp?7 qui se montrent plus circonspects.'® Ils sont plutot critiques a l’égard de G. Jenkins,!? mais tiennent préciser qu’ils avaient travaillé indépendamment de lui.2° Ils proposent une dénomination différente (A.I) et suggérent des affinités avec AJ 112, 114 et 75. Quant 4 P. J. Lalleman, il n’entre pas dans une analyse approfondie. D'aprés lui, le «Papyrus Kellis 1 is by far the earliest of all manu- scripts of the AJ, it testifies to an early abbreviation of the text»;! «The value ~ of the papyrus for the study of the ancient AJ is that it preserves original readings of passages where the text has not been abbreviated and where the other manu- scripts of the AJ present an obviously corrupt version (e.g. 85.9)».? 1 Laneman, The Acts of Jobn, cit. pp. 5-24. 2 Ibid., pp. 7-8. 13 C. A. Hope, The Archaeological Context of the Discovery of Leaves from a Manichean Co- dex, in «Zeitschrift fur Papyrologie und Epigrephiko, CXVI (1997), pp. 156-161. 18 G_ Jenkins, Papyrus I from Kellis. A Greek Text with Affinities to the Acts of Jobm, in Baeuaer (ed.), The Apocryphal Acts of Jobn, cit., pp. 197-216. 13 Ibid, p. 209. 18 Ibid., p. 215. 17 |. GARDNER K. A. Wor, Leaves from a Manichaean Codex (PL. 5 VIILX). in «Zeitschrift far Papyrologie und Epigraphik», CXVII (1997), pp. 159-155, spécialement pp. 141-147. Voir aussi I. GARDNER, The Manichacan Conemunity at Kellis: A Progress Report, in P, MinecxJ. BE. DUEN (eds.), Emerging from Darkness. Studies in the Recovery of Manichaeen Sources («Nag Ham- medi and Manichaean Studies», 43), Leiden-New York-Koln, Brill, 1997, pp. 161-175. L’auteur fait eta de eagmens from 2 Greck codex with Manichaean hymn(s) aad pasages paral to the Acis of John» (A/3/24 et al), sans aucune mention de I'édition de Jenxins (cfr. p. 166). 18 It appears that the section we refer to as A.I is not in itself a version of the Acis of Job, but rather it draws upon a textual tradition also accessed (perhaps at a different stage of devel- ‘epment) by the compiler of the known apocryphal work. There is no good reason to suppose that this source was of Manichaean authorship, althought the exact form in which i is found here may have had some minor Manichaean editing. This essentially agrees with the conclusion of J [fn, 3], pp. 214-215, who suggests that the source might be designated El (‘Eucharistic iturgy’)», in Garoner-Worr, Leaves, cit, p. 140. 19 Ils se référent & lui en utilisant juste la lettre «J (= Jenkins). 29 Gaapnex-Worr, Leaves, cit., p. 139. 1 LALLEMAN, The Acts of Jobn, cit., p. 26. Ibid, p. 8 302 ATTILA JaKaa Dans le domaine des études philologiques, Folker Siegert effectue une analyse“) stylistique des AJ? Il conclut 4 un style a la fois rhétorique et «sémitisants, done~ théoriquement «impossible» sclon les canons du «bon usage» grec. Ce style reléve,_/ d'un goat typiquement «ecclésial> qui présuppose aussi bien la Sepraate que le" Nouveau Testament. «Le seul Sitz #z Leben qu'on puisse imaginer pour ce lan- gage est celui de réunions pieuses, suffisamment fermées par rapport & l'extérieur pour pouvoir cultiver leur propre style».* D'aprés F. Siegert, les texzes apocry- phes doivent étre «considérés comme des productions non officielles de Eglise, ‘ou plutét comme des productions d’une église non-officielle».?> David H. War- ren, dans son article consacré au grec des Actes apocryphes,7® pense que la langue des AJ est celle du peuple, dans un style simple.” Quant i Johannes B. Bauer,** ils propose une nouvelle lecture du mot émzeupov (AJ 52) qui se trouve dans le récit du parricide (AJ 48-54). L’apétre dit au vieillard tué par son fils: «Lave-toi donc et_ rends gloire 4 Dieu pour cette oeuvre qui est un bienfait!».?? Pour E. Junod et JeD. Kaestli, il s'agit d’une «traduction incertaine du substantif émtyetpov qui~ est généralement attesté au pluriel dans le sens de “salaire, rétribution”, d’oti “ré compense” ou Pinverse “‘chatiment”». Ils reconnaissent que leur traduction «s’appuie sur le contextes.°° Mais le tour d’horizon proposé par J. B. Bauer mon- tre que le mot a posé probléme a tous les éditeurs et traducteurs. C’est pourquoi il propose une nouvelle lecture: éni xaipo0 = «zur richtigen Zeit», «im rechten Au- genblick» (au bon moment); et une nouvelle traduction: «Steh’ auf und preise Gott fiir das (noch) rechtzeitig geschehene Wunder!» (Léve-toi done et rends gloire a Dieu pour ce miracle qui arrive encore & temps). 2 F, Smcerr, Analyses rhétoriques et stylistiques portant sur les Actes de Jean et les Actes de ‘Thomas, in les chapitres 36 et 37. A ses yeux, A] 71-76 préparent la lecture du fragment en_ question. Les sections B et C sont la suite naturelle («natural continuation) des/ ch. 83-86, Au sujet du caractére de cet écrit, P. J. Lalleman pense qu’au départ- Ie texte des AJ «was not in itself Gnostic, but as a result of its spiritual theology > readily lent itself to use by a Gnostic editor».?* Il parle d’un «two-stage initia- tion».** D'aprés lui, The reader first comes to know John as the authoritative, powerful and trustworthy messenger of the Lord and his worship. In the second stage of the text, this authoritative messenger can initiate interested readers into the mystery of the person of Christ. Readers who have read the first stage and have been spiritually resurrected, have come into the sphere of influence of the Lord to such an extent that they are well prepared to be intro: duced to Gnostic Chriscology.°° P. J. Lalleman considére que son hypothése, qui distingue deux étapes de ré- daction, rend justice mieux que toute autre théorie au texte des AJ dans sa forme finale. Cette hypothése, proposée dans le titre de son ouvrage déja, est rappelée par la suite** et réitérée dans la conclusion.>” 32 LALLEMAN, The Acts of Jobn, cit, pp. 25-68. Voir aussi G. StrxeR-Wickiaus, Untersu- chunggn ui der Johanne Aber. Untersuchungen axe Saku, ar tholoiohen Tender, urd zum kirchengeschichtlichen Hintergrund der Acta Johannis («Beierlige zur Re ionsgeschichte», 2), Witterschlick/Bonn, Verlag M. Wehle, 1988, pp. 9-51 53 LaLLEMAN, The Adts of Jobn, cit. p. 38. ¥ [bid,, p. 52. p33. p. 151. 37 «We can distinguish the contributions of nwo authors, che second of whom created 2 ‘two-stage initiation into an eminently spiritual form of Christianity. The two-stage form is not without parallels in contemporary texts. In order to recover this form, chapters 87-105 were re stored to the position assigned to them prior to 1964. This restructuring vindicates the insight of the first generation of scholars who discussed the text inclusive of cc. 87-105. It was already know that cc. 94-102 of the AJ were written by some-one other than the author of the rest of the text. This second author aimed at expanding the existing “gospel” (cc. 87-93, 103-105) by adding a revelation (ce. 94-102) which contains a more explicit Christology and more polemics ‘against other texts. Whereas the first part aimed at readers without much knowledge of Chris tianity, the second part forms an introduction into its deeper levels, and is meant for those who have absorbed the initial teachings. The second author may have been somebody who had re cently left his ecclesiastical home to start a new community ond wished to give this new group its own spiritual gospel»: sid, p. 271 304 ATTILA JAKAB 13. Transmission du texte (des Vies latines) ‘Au sujet de la transmission des AJ nous devons mentionner deux articles quir se réferent & des «textes latins consacrés 4 la vie et la mort de Jean»: la Passio Io- hannis (Passlok) et les Virtutes Iohannis (Virtlob)°° Ce dernier «contient une ver- sion, plus ou moins libre, des ch. 62-86 et 106-115 des Actes de Jean». Mais, d’aprés E. Junod et J.-D. Kaesti, «il est impossible d’étudier les Virtates sans faire référence a la Passion. Bien que distincts et indépendants l'un de l'autre, leur his- toire ne cesse d’associer ces deux textes.” —_ L'article de Knut Schiiferdiek*® oblige les éditeurs a corriger la thése d'uné~ source commune sur deux points importants, comme le reconnait J-D. Kaestli lui-méme.*? Premigrement, dans Passlob, le récit de la mort de Jean est plus co. hérent que dans Virtlob, du fait que ce dernier texte assemble deux traditions dis- tinctes. Deuxigmement, le récit transmis par la Passio s’enracine dans la tradition locale de 'Eglise d’Ephése. Cet enracinement est confirmé par les autres textes qui mentionnent le miracle de la manne jaillissant du tombeau de Papétre,*? notam. ment la chronique d'un pélerin catalan du XII* sicle, Ramon Muntaner:*? [K] Schaferdiek rejette Phypothése d’une source commune. A ses yeux, les relations entre les deux textes latins s’expliquent beaucoup micux (“weitaus besser”) si l'on suppose que Pauteur de la compilation des Virtutes a utilisé la Passio comme source principale. A été de la Passio, ce méme compilateur aurait recouru & d'autres sources: 1) une traduction latine des Actes de Jean, ot il a puisé Vhistoire de Drusiane (irtlob TV); 2) une version remaniée de la Metastasis (indépendante de la traduction latine des ‘Agn), qui lui a servi a entichir le texte de la Passio pour le récit des derniers instants de Jean (Virtlob IX); 5) Historia ecclesiastica d'Eustbe-Rufin, d’oi il a tiré Vhistoire du jeune chef de bri- gands (Virélob TID et divers autres éléments (dans Viréloh LI et X). ae a Pour J.D. Kaestli, la maniére dont K. Schatferdick explique Phypothése d'une filiation directe entre les deux textes (dépendance directe de Virtlob de Passlob) 38 Etude et édition critique dans JuNop-Kassrut, Acta lobannis, cit., vol. I, pp. 750-834. 39 «.. ils remontent pour l’essenticl a une méme source et présentent donc de trés grandes similitudes textuelles. Ensuite, ils ont fréquemment été contaminés l'un par l'autre ou combinés Pun avec l'autre dans la tradition manuscriten: sbid., p. 750. “49 K. SCHAFERDIEK, Die «Passio Tohannis» des Melito von Laodikeia und die «Virtutes loban- nis», in «Analecta Bollandianas, CIIl (1985), pp. 367-382. 48 JD. Kaesttt, Le rapport entre les deux Vies atines de Vapdtre Jean: a propos d'un récent article de K. Schiferdiek, in «Apocrypha», TT (1992), pp. 111-123. #2 Homélie pseudo-chrysostomienne BHG’ 928, la Metastasis des manuscrits du groupe y ct les «Actes du bien-aimé Jean» cités par Ephrem d’Antioche. Ibid. p. 117. 4 Ibid., p. 118. + Ibid, p. 119. ACTES DE JEAN 305 nest pas convaincante. A ses yeux, celui-ci «semble commettre une erreur analo- gue a celle» commise par les éditeurs. D'aprés J.-D. Kaestli, K. Schiferdiek cconclut trop rapidement que ce qui est vrai pour la Metastasis vaut aussi pour Thistoire de Drusiane».*§ Il considére que la source utilisée par l’auteur des Vir- tutes contenait le récit complet de la résurrection de Drusiane, et non le vestige tronqué et insignifiant qu’en donne la Passio. L’auteur de cet écrit a vraisembla- blement remanié le texte par ssouci déliminer un épisode au contenu cho- quano. 1.4. Réception du texte En ce qui concerne la ‘réception’ des AJ nous pouvons faire état de deux étu des. Tamas Adamik*” s’intéresse a ’influence des Actes apocryphes sur Jéréme. — Dans ce cadre, i] mentionne l'ceuvre d'une nonne du X° siécle, Hrotsvitha de Gandersheim. Son Calimachus est fondé sur histoire de Drusiane et Calliaasiie (7° A] 63-86. Concernant le texte latin du Pseudo-Méliton, Rolf H Bremmer Jr." présente la traduction d’une homélie pour la féte de Saint Jean (27 décembre). Son auteur, le moine #lfric, fut une figure importante du renouveau bénédictin en Angleterre. L’article de David R. Cartlidge*? illustre également a quel point peut étre st mulante V’édition critique des écrits longtemps merginalisés dans l'histoire duf christianisme. Son étude est d’un type un peu particulier. Il ne traite pas du texte des A] 4 proprement parler, mais s'intéresse 4 un manuscrit du monastére d’Ad- mont (en Styrie): Stafisbibliotbek, ms. lat, 289. En 1104, Anselme de Canterbury se trouve en exil 4 Lyon. Il envoie un exemplaire de ses Prigres et Méditations (ora- Hones sive meditationes quas ego dictavi), accompagné d’une lettre 4 Mathilde, comtesse de Toscane (1055-1115). Vers 1160, dans un scriptorium aux environs de Salzburg, on effectue une copie pour une bumilitas abatissa. C’est cette copie— qui se trouve aujourd'hui a Admont. L’objet de l'étude de D. R. Cartlidge est la ~~ miniature du folio 56r, composé de «two originally discrete images». Ce qui nous intéresse c'est l'image de gauche. Elle montre un homme imberbe et auréolé, en, train de quitter une femme («We have an image of John the Evangelist’s leaving 48 Ibid, p. 119. + Ibid, p. 121. 4 T. Apanx, The influence of the apocryphal Acts on Jerome's Lives of Saints, in BREMMER (ed), The Apocryphal Acts of Jobn, cit., pp. 171-182; spécialement pp. 178-181. “8 RH. Brewaen Je, The reception of the Acts of Jobn in AnglosSaxon England, in BREMMER (ed), The Apocryphal Act: of Jobn, cit., pp. 183-196. ’® D.R Caxmuinor, Evangelist Lecves Wafe, Clings to Christ: An Ulustration in the Admont ‘Anselre» and les Relevance to a Reconstruction of the Acta Toannis, in E. H. LOVERING (ed.), Society of Biblical Literature 1994 Seminar Papers («SBL Seminar Papers Series», 33), Atlante, Scholars Press, 1994, pp. 376-389. 7 306 ATTILA JAKAB his wife and finding repose on the bosom of Christ»). Cette miniature illustre la prire d’Anselme a Jean, Pévangéliste, du folio 55: cud. ‘familiare fuit recumbere su- pra illud gloriosum pectus altissimi.”° La question se pose inévitablement: od se trouve la source d’inspiration? D. R. Cartlidge cherche la réponse dans les AJ. . En se basant sur les éléments autobiographiques de la priére d’AJ 113, E. Junod et J.D. Kaestli proposaient 'hypothése d'un récit de «conversion & Ja virginité»/ qui pouvait figurer en téte de cet écrit. Mais ils ne tranchaient pas la question. Car «une scne réunissant les apdtres @ Jérusalem au cours de laquelle chacun se verrait attribuer une zone missionnaire, I’Asie revenant & Jean» n’est pas a ex- Gure comme début! D'aprés D. R. Cartlidge, «the Admont image may be consi- dered a buttress to Junod-Kaestli’s second hypothesis, namely, that a narrative of John’s call to virginal chastity existed in the missing portion of the AJn».5? Méme si AJ 113 suffit pour expliquer cette image de Jean, l'article de D. R, Cartlidge est original. Tl suggére que étude de Part chrétien (notamment des miniatures) en rapport avec des textes pourrait nous réserver d'agréables surprises. Voili un champ de recherche qui peut ouvrir des perspectives intéressantes! 2. PROBLEME DES SOURCES P.J. Lalleman consacre un grand chapitre de son ouvrage a la question de lin” tertextualité.5? Son objectif est de découvrir les textes qui ont laissé des traces~ dans les AJ. Pour micux rendre compte de l'état de la recherche au sujet des sour- ces, ala place d'une présentation détaillée nous proposons plutt un découpage du chapitre of il traite de Vintertextualité. Cela nous permettra de comparer les résultats de P. J. Lalleman avec les études qui ont abordé un sujet similaire. 2.1. Ecritures chrétiennes En ce qui conceme les sources chrétiennes des AJ, Richard I. Pervo™ étudie Je rapport qu’entretient cet écrit avec la littérature johannique, notamment avec Pévangile de Jean. Il considére que le message religicux des AJ est de présenter une religion nouvelle que proclame Papétre Jean. Son Dieu est Jésus, qui est le seul vrai Dieu et non un émissaire de Dieu. R. I. Pervo discemne diverses traces d'une relecture de V’evangile de Jean. L’auteur des AJ, lorsqu'il raconte des miracles de 59 Ibid., pp. 376-378, St Junop-Kassrut, Acta lohannis, cit, vol. I, pp. 81-86. 2D. R Caxruwce, Evangelist Leaves Wife, cit. p. 388. 3 Laneman, The Acts of Jobm, cit., pp. 69-152 («Intertextual relations») SRL Penvo, Johannine Trajectories in the Acts of John, in «Apocrypha», IIT (1992), pp. 47-68. ACTES DE JEAN 307 ésurrection, relativise le retour a la vie physique, qui est seulement une occasion d'accéder & la vraie vie, d’ordre spirituelle. Il prolonge ainsi et ‘parodie’ certains traits des récits de résurrection. Notamment Jean XT, dans l'histoire de Lycoméde~ ct Cléopitre (AJ 18-29), et Jeaz XX, dans celle de Drusiane et Callimaque (AJ 63 86). L'évangile’ inséré dans AJ 87-105, qui émane de deux rédactions distinctes,—~ témoigne lui aussi des réinterprétations du quatriéme évangile au sein des courants johanniques. A ce sujet, R. I. Pervo parle d'un «Deutero-Johannine “Book of Glo~_— ry”».® D'aprés lui, «the ostensible setting of ch. 87-105 is a pastoral peering in which John explains that the polymorphism of Christ should be a source of confidence rather than confusion, since it confirms Jesus’ pure and unalloyed dei- ty».56 La premiére partie (AJ 87-93) présente la vie de Jésus avec ses disciples comme une succession d’épiphanies, dans la ligne des traditions narratives utili- sées dans Jean. La suite, cest-2-dire le mystére de la «croix de lumiére» (AJ 94- 102) temoigne de la vitalité du genre littéraire ‘discours de révélation’ dans l’école johannique. L’interprétation possible de Jean dans un sens docéte est poussée ici jusqu’en ses conséquences extrémes. Selon R. I. Pervo, {wr The author of this material, which apparently derives from Second-Century East Syria, produced a revolutionary new edition of Job XIII-XIX, a “secret” gospel for the circle of faithful insiders, a treatise presented as an initiation into the trac mystery of the cross. The person responsible for introducing this revelation gospel into the Adj, an “Anti-Ecclesias- tical Redactor” if ever one existed, sought to give the Acts a new trajectory. The interpolation contains two major segments: ch. 94-96, which “replace” the various Last Supper traditions, and ch, 97-102, which “replace” the Passion. These two sections refer to and interpret one another.” R. I Pervo considére que les AJ «are, in large part, reflections upon the johan-)._— nine tradition from the mirror of John 17».58 Témoin d'un stade tardif du johan— nisme, cet écrit apocryphe doit étce pris en compte par ceux qui étudient la tra- jectoire de «la communauté du disciple bien-aimé». Gerlinde Sirker-Wicklaus °° et H. Garcia-Iberg® partagent l'opinion du savant américain. Cette appréciation se distingue de la conclusion de J.-D. Kaestli, qui ne se prononce dans ce sens que pour les AJ 94-102.6! 38 [bid., p. 97. 5 Ibid, p. 58. 51 Ibid, p. 8 3 Toad, p. 68 5° G, Sirxer-Wicxtavs, Untersuchungen. L’auteur regarde les AJ comme un texte qui ra- dicalise la théologie de l’évangile de Jean (pp. 203-221) 69 HL Ganctalnene, Polymorphie du Christ dans la tradition jobannique gnostique. Mémoire de D.E.A., Ecole Pratique des Hautes Etudes, V* section, Paris, 1993-1994. L’étude nous est re- stée inaccessible 61 J.-D. Kasstut, Le maystére de la croix de lumiére et le jokannisme, in «Foi et vier, 308 ATTILA JAKAB P. J. Lalleman aussi étudie la question du rapport des AJ avec l’évangile de Jean.©? Aprés le rappel de historique de la recherche, il analyse les sections B™, (AJ 87-93, 103-105) et C (AJ 94-102, 109). Son attention porte sur les affinités” structurales, sur le Iexique («lexical intertextuality>) et sur les relations théologi- # ques. Ensuite, il examine la section A (AJ 18-86, 106-108, 110-1 15). La conclusion de P. J. Lalleman va dans le sens de R. I. Pervo. —_ ‘The hypothesis that the AJ is a part of the Johannine trajectory is confirmed in so far as } sections B and C of the AJ display that their authors were familiar with the Gospel of Johr=——— Section C adopts the general outline of the Gospel but it is involved in a very intense in- tertextual relationship with the Fourth Gospel since it rejects main ideas of the canonical text. In the AJ, John has become an opponent to the Gospel that bears his own name. Sec- tion C probably reflects a situation in which che Gospel is largely interpreted along Proto- orthodox lines. The ultra-Johannine group which presents itself in section C is forced to combat the very Gospel that was formative of their thought. The polemics imply that the AJ also testifies to the fact that the Fourth Gospel was accepted and used in the non-Gnostic part of the church. The intertextual relationship between section B and John’s Gospel is less intense. This section avoids direct contradiction and presents itself in an unpolemical manner as a new gospel which hopes to replace the existing ones. This state of affairs points to a difference in the background of the two sections. ‘As expected, the intertextual links hetween John’s Gospel and section A are not par- ticularly strong, but there is a clear conceptual influence. The differences between sections A.and B, which according to our hypothesis have the same author, are not so great that they could not be explained by attributing them to their respective subject matters and genre.” Dans le chapitre consacré aux questions historiques,“* P. J. Lalleman revient ’~\__ nouveau au probléme de la littérature johannique,®* notamment aux Epitves.°° 11 se demande s'il n’y a pas une convergence entre les adversaires du premier épitre de Jean et le milieu ot les AJ ont wu le jour. D'aprés lui, les épitres johanniques (I ct Il) luttent contre un docétisme qui ignore Phumanité du Christ. Au terme de son analyse, il arrive & Ja conclusion que «the adversaries who are criticised in the Epistles have the same Christology as the author of the first part of the AJ». D’aprés lui, This conclusion has important implications for both the date and the area of origin of LXXKVI (= «Cahier biblique, XXVD, 1987, pp. 35-46, spécialement p. 35. Pour cette étude voir plus loin. @ PJ, Latueman, The Acts of John, cit, pp. 110-123 pp. 122-123. ¢ Ibid, pp. 245-273. 45 Ibid., pp. 245-256. Ibid, pp. 246-253. © Ibid, p. 252. ACTES DE JEAN 309 the AJ. The most important characteristic of the AJ, its docetie Christology, must have been common when First John was written, i.e. before the end of the first century AD. As for the place where it was written, it is increasingly being accepted that the three Epistles origina- ted in Asia, The fact that the Christology of the AJ is combatted in writings that derive from ‘Asia makes it probable that the AJ was itself also written in Asia.°° P. J. Lalleman estime que des Epitres d’Ignace d’ Antioche apportent des preu- ves supplémentaires 4 sa conclusion. Il s’agit surtout de la Lettre aux Tralliens (9, J; 10, 1) et dela Lettre aux Smyrniotes (2, 1;3, 1).6° Ce qui lui permet de lier les AJ, a la littérature johannique avec conviction. _ Apres avoir établit le rapport des AJ avec l’évangile de Jean et la littérature johannique, I’attention de P. J. Lalleman s‘oriente vers les autres évangiles (Synop- tiques et Evangile de Pierre)."° Il examine les relations structurales (AJ 88.9-20, 90.1-4), lexicales et conceptuelles des sections B et C. D’aprés lui, ‘The authors of both parts of the AJ are familiar with the Synoptic Gospels, that is, with | Lk and one of the other two, but the Gospels are in no way fécognised as authoritative. Just - as we saw with the Gospel of John, section A hardly pays any attention to these writings, a characteristic that is typical of its genre. Surprisingly, section A nevertheless contains clear reminiscences of specific material from Lk; it is likely that the author used Lk together with ‘Acts, his model. Due to its subject matter, section B, which was composed by the same au- thot as A, could not avoid some echoes of the existing gospels, but the author keeps the interaction to a minimum. Indeed, the intertextual links are such that they do not always allow us to say which of the Synoptics is echoed. Our author seldom shows if he used the exact text of Mt and/or Mk, or drew on oral traditions. The AJ has no value for the textual eriticism of the Synoptics. Section C is more open about both the existence and the supposed deficiencies of the ‘Synoptics than B is. The polemical attacks on them are important to the author of C, who thus displays an attitude which differs from that of the first author.”! En plus des évangiles, P. J. Lalleman étudie également le rapport des AJ ave) les Actes des apétres.’® Il le fait d'une maniére approfondie et par sections. I~ concentre son analyse sur la section A (AJ 18-86, 106-108, 110-115)" et sur Yusage du pronom de la troisisme personne du pluriel, le «nous» (le «we-7 form»),”* présent en AJ 18. 6-8, 19. 15-17, 56-57, 110-111 et, de fagon plus consé- © Ibid., pp. 252-253. © Ibid., pp. 253-255. 70 Ibid., pp. 123-135. 1 Ibid, p. 134. 1 Jbid,, pp. 74-98. Pout une étude plus globale voir P. J. LALLEMAN, The Canonical ard the Apocryphal Acts of the Apostles, in H. HOFMann-M. ZimMERMAN (eds.), Groningen Colloquia on the Novel, vol. IX, Groningen, Egbert Forsten, 1998, pp. 181-192. 73 LaLLEMAN, The Acts of John, cit., pp. 75-96. 1 Ibid., pp. 15-88. 310 ATTILA JAKAB quente, en AJ 60-61 ct 62. L’auteur conclut 4 un usage identique dans les deux écrits. Pour affermir sa thése il passe en revue l’'usage de «we-form» dans d'autres textes de la littérature grecque, romaine, juive et chrétienne ancienne.”° Ensuite, il établit plusieurs paralléles structuraux”® (AJ 18-19 avec Actes IX, X et XVI;77 AJ"\— 58-62 avec Actes XIX-XX1)’® et n’exclut pas influence des évangiles et des Actes— dans le récit de la mort de Jean. Mais, a l'exception d’une référence au théatre, il — n'y a aucune analogie entre les scénes éphésiennes des AJ (19-55 et 62-115) et des ‘Actes (XTX, 23-40). Il est de méme en ce qui concerne les récits de voyages.”? ~~ P. J. Lalleman termine son analyse sur le rapport entre les AJ et les Actes des apotres avec la mise en évidence des similitudes lexicales: entre AJ 22 et Actes TIT, le christianisme comme ‘la Voie’ (AJ'59.7, 22.5), les ‘merveilles de Dieu’ (cé peyé- dea tof Oz05, AJ 37.3).2° D'aprés lui, Ja section B (AJ 87-93, 103-105) fait seule- ment écho au langage des Actes. Cet écrit, en revanche, n’a eu aucune influence _~ sur la rédaction de la section C (AJ 94-102, 109).°* La conclusion de P. J. Lalle- man est que . © Tbid., pp. 93-96. 8 Ibid., pp. 96-97. © Ibid., pp. 97-98. 8 G. Det Cerno, Los Hecho: apécrifos de los Apéstoles su género literario, in «Estudios bi- blicos», LI (1993), pp. 207-232, Létude nous est restée inaccessible ACTES DE JEAN 311 vestigation. A ses yeux, les Actes apocryphes, malgré leurs similitudes avec le roman ~~ hellénistique, s’inspirent sans doute des Actes de Luc. Leurs titres, mais aussi leur structure (discours, voyages, miracles, procedés et scénes liturgiques) témoignent de cette dépendance. Cependant, par rapport aux Actes, leur originalité est claire: ils relatent la mort des protagonistes, n’ont pas de théologie de Phistoire, mécon} faissent la controverse antijuive et montrent des déviations doctrinales.** = _| JK. Elliott a également abordé la question du rapport entre les AJ et les Actes des apétres, mais sans la développer de maniére approfondie, Contrairement a P. J. Lalleman, il considére que «the canonical Acts of the Apostles seems not to have been a significant influence» ®® sur les AJ. Pal Herceg,® aprés avoir établi, a titre d’exemple, une liste de paralléles entre les AJ et les écrits ‘canoniques’, conclut que _. we cannot really prove the use of passages from the canonical text. In fact we cannot even assume that it was known. We can only look at them as random logia. The more often used text fragments do challenge us, however. We still cannot assume the knowledge and the usage of the written text, but, knowing its wide-spread application in the Christian Church, we can look at them as merely well-known statements or popular expressions, ay D’une maniére générale, P. Herceg considére que les Actes apocryphes sone” des «documents of legend» ou des «epigonal works».°° Méme si cela ne concerne pas les sources chrétiennes 4 proprement parler de notre texte apocryphe, nous pouvons faire état également des pages que P.J.Lal- Jeman consacre & la relation des AJ avec la littérature gnostique (Apocryphe dey < Jean, Valentin, Théodore, Letire de Pierre & Philippe (NHC VII, 2], Apocalypse | de Pierre [NHC VI, 3]).°? Selon lui, ~ The influence of section C on any other Gnostic writing cannot be demonstrated. The closest parallels are the (heterogeneous) Excerpta ex Theodoto. There is evidence that the AJ exercised influence on some texts, notably the frame story of the Apooryphon of John and the Christological revelation in the Apocalypse of Peser. It is remarkable that the Apocryphom reflects the complete form of the AJ, ie. the form after section C was added to A and B. ‘The tentative conclusion of this survey is that the AJ occupies a position early in the Gnostic movement.” 5 Francis (banque de données pour les sciences humaines). 88 J. K, Exurozr, The Apocryphal New Testament. A Collection of Apocryphal Christian Li- terature in an English Translation, Oxford, Clarendon Press, 1993, pp. 303-349, spécialement p. 306. 36 P. HERCEG, Sermons of the Book of Acts and the Apocryphal Acts, in Bremer (ed.), The Apocryphal Acts of John, cit., pp. 153-170. 81 Ibid, p. 155. Ibid., p. 170. 8 LaLEMan, The Acts of Jobm, cit., pp. 135-142 % [bid., pp. 141-142. 312 ATTILA JAKAB P. J. Lalleman évoque également dans sa thése des traditions orales,%! ainsi que des paralléles qu'il semble déceler entre les AJ 93.10-13 et I'Epsstsila Apostolorum 11 d'une part, et entre AJ 98 et Justin (Dialogue avec Tryphon 61, 1) d’autre part.”* | 2.2. L’Ancien Testament En ce qui concemne les AJ et l’Ancien Testament nous trouvons quelques pa- ges & ce sujet chez P. J. Lalleman®? et dans un article d'Istvin Karasszon.°* Ce__- demier propose une exégése de deux phrases différentes des AJ. La_premitre+ (AJ 113, 20: «toi qui rends a chacun le juste salaire de ses oeuvres») > est mise > en parallle avec Mt. XVI, 27; Rom. Il, 6; Prov. XXIV, 12 et Ps. LXI, 13. Au~ terme de son analyse I. Karasszon considére que la doctrine de la rétribution «be- came a topos for AJ, so he did not need to enter into details about it». Ladeu___ U_, xigme (AJ 90, 8-9: «et je me tins la, les yeux fixés sur son dos») est une allusion 4 Ex. XXXII, 23. Les AJ donnent une description de la transfiguration du Sei- gneur en utilisant la phraséologie vétéro-testamentaire. I. Karasszon déduit que non seulement l'auteur, mais aussi son public devait connaitre histoire. Jarl E. Fossum,” en analysant le récit de la transfiguration du chapitre 90 des Aj, a établi un rapport avec Ex. XXIV.9-17 et XXXII1-XXXIV.27. 23. La littérature ‘profane’ Liinfluence des modéles littéraires et philosophiques sur 'auteur des AJ ne fait aucun doute. Sur cette question l'article d’Eckhard Plimacher®® met en évidence des sources littéraires ‘profanes’ a I'arri@re-plan de deux épisodes de cet écrit. Le premier, cest Panecdote des punaises, qui se présente elle-méme comme un pai- Brion (AJ 60-61). Un paralléle étroit se trouve dans le Roman de Vane de Lucien,” de Samosate. L’auteur des AJ a pour son paignion d'un enseignement chrétien 1 Ibid., pp. 146-147. % Did, p. 148. 98 Tbid., pp. 142-144. °* T, KaKasszon, Old Testament quotations ir the Acts of Andrew and John, in BREMMER (ed.), The Apocryphal Acts of Jobn, cit., pp. 57-71, spécialement pp. 67-70. 55 Junoo-Kazstut, Acta Jobannit, cit, vol. I, pp. 312-313. Is pensent que cette phrase est tune interpolation qui s'accorde mal avec AJ 81, 9-12. Tbid., p. 312, n. 2. % Ibid., pp. 194-195. 7 J, E, Fossum, Partes posteriores dei. The ‘Transfiguration’ of Jesus tn the Acts of John, in Ip., The Image of the Invisible God. Essays on the influence of Jewish Mysticism on Early Christo- egy («Novurn Testamentum et Orbis Antiquus, 30), Freiburg Schweiz, Universitatsverlag-Got- tingen, Vandenhoeck é Ruprecht, 1995, pp. 95-108. 98 E, PLOMACHER, Paignion und Biberfabel: zum literarischen und popularpbilosophischen Hintergrand von Acta Iohannis 60f.48-54, in «Apocrypha», II] (1992), pp. 69-109, ACTES DE JEAN 313 sur la maftrise des passions. Le second épisode, c'est l'histoire du jeune homme adultére qui tue son pére et finit par se chatrer lui-méme (AJ 48-54). Dans cette histoire de parricide, Pauteur utilise, outre des motifs romancsques, la fable duty castor qui, pour se sauver, se coupe les testicules et les jette aux chasseurs qui le traquent. Largement répandue, la fable figure notamment dans le Physiologus—# «La rédaction la plus ancienne de l’ocuvre est grecque ct date probablement du I* sigcle». Sa forme chrétienne, proche des AJ, est une révision selon les régles de Texégése allégorique. Ses sources se composent de matériaux bibliques, de classi. ques grecs et de croyances traditionnelles égyptiennes. Méme si, d’une maniére g nérale, lorigine alexandrine du Physiologus reste encore controversée,”” le rappro chement n’est pas inintéressant pour la question de Ia localisation. En utilisant la fable du castor, auteur des AJ la met probablement au service d’une polémique | contre un encratisme excessif. - La contribution de P. J. Lalleman concerne la littérature ancienne.' Il re- marque que le motif de la maladie, qui empéche par trois fois !apétre Jean a se marier (AJ 113), est également présent dans les Origines («Aétéa», livre III; fr 75.14-19) de Callimaque, “prince de l'élégie”. L’oeuvre raconte la touchante his toire des amours d’Acontius et Cydippé. Sur interventions divines Cydippé est frappée par trois fois par la maladie, ce qui lui permet d’échapper chaque fois aux mariages que son pére avait prévus avec un autre homme. D'aprés P.J.Lal- Jeman, il n'est pas exclu que auteur des AJ connaissait l oeuvre de Callimaque. Le‘ ‘ jeune homme qui se coupe les testicules utilise le méme instrument (8penavov, AJ \ _/ 53, 2) que Cronus qui chatre son pere (Callimaque, Aitia, livre II; fr. 43.69-71). De — plus, un des protagonistes des AJ (63-86) s’appelle justement Callimaque. Une autre ocuvre littéraire auquel notre écrit apocryphe fait écho est L’bistoire de Callirboé de Chariton. Premigrement, Chairéas (Callirhoé 3.3.4) et Jean (AJ ~ 43.1-2) lavent également les mains vers le ciel (avarewas tas yetpas) et prient. Deuxiémement, Chairéas (Callirhoe 3.3.7) et Lycoméde (AJ 20.14-19) utilisent) Je méme terme (GxoRoyovpar) pour se justifier ct pour expliquer leur conduite fu.| ture 4 leurs bien-aimés. Dans son livre sur les AJ, P. J. Lalleman évoque encore deux autres paralléles, déja proposés par E. Junod et J.-D. Kaestli:'°" Callirhoé 1.4.12-5.1 avec AJ 48.7-8 ct Callirhoé 1.5.4-5 avec AJ 51.10-11.'% Selon lui, «the author of the Acta Iohannis was more familiar with literature outside the ~)——~ emerging New Testament than is often thought».'°* - % Voir S, J. Voicu, Physiologus, in Dictionnaire Encyclopédique du Christianitme Ancien, vol. Il, Paris, Cerf, 1990, pp. 2027-2028. K. Alpers se prononce en faveur d'une origine égyp- tiene, dans la deuxieme moitié du second sicle: K. ALrers, Pbysiologus, in Theologische Real- enzyklopddie 26, 1996, pp. 396-602, spécialement p. 598. 100 P. J. LALLENAN, Classical Echoes (Callimachus, Chariton) in the Acta Tohannis?, in «Zeitschrift fir Papyrologie und Epigraphik, CXVI (1997), p. 66, 101 Junop-KaestLt, Acta Iohannis, cit., vol. Il, pp. 517-520. 102 LaLteMaN, The Acts of Jobn, cit., p. 149. 103 LALLEMAN, Classical Echoes, cit, p. 66. 314 ATTILA JAKAB Jan N. Bremmer pense également que «the authors of the AJ and AP, at least, had read the contemporary novels and taken from them part of their inspira-| on» 10 = tion». 3. Les AJ ET LES ACTES APOCRYPHES DES APOTRES Be Le rapport entre les Actes apocryphes, particulitrement entre les Actes de Jean. les Actes d’ André, les Actes de Pierre, les Actes de Paul et les Actes de Thomas, est une question trés importante et fortement débattue, un véritable «casse-téte». toy) Drautant plus qu’elle touche la datation et la localisation de ces écrits. Trouver des solutions qui vont plus loin que des hypotheses est certainement le souhait de tous les chercheurs. Des résultats plus stirs permettraient une meilleure compréhension de ces textes et, au retour, ils apporteraient des nouveaux éléments 4 histoire du christianisme ancien dans une période et dans un endroit donné. Liarticle de F. Stanley Jones! est une contribution importante a ce sujet. Aprés historique de la recherche et une présentation des principaux problémes du débat, Pauteur propose un inventaire (a compléter) de principaux passages de trois Actes (de Paul, de Pierre et de Jean) susceptibles d’éclairer la question de la dépendance ou du rapport entre ces écrits. II considére que During this period of renewal in the investigation of the apocryphal acts, it could be argued that complete inventories presented in an objective format are more important than the presentation of a solution to the problem of interrelationships that is “compelling” gi- vven the current state of knowledge. Such work can, in any event, help to ensure that new syntheses on the problem of the relations among the apocryphal acts at least carry with them alll the benefits of past research."°7 E. Junod et J.-D. Kacstli sont restés prudents sur la question du rapport entre les Actes apocryphes. Apres l'analyse de l'utilisation du théme de la polymorphie ils __= proposaient, titre d’hypothése, l'antériorité des AJ sur tous les autres veres. 1% Jan N. Bremmer se rallie & cette opinion.'°” K. Schaferdiek 1° et G. Sirker-Wic- 108 J, N. Bremner, The Novel and the Apooryphal Acts: Place, Tinte and Readership, H. HorMANN-M. ZIMMERMAN (eds,), Groningen Colloguia on the Novel, vol. IX, Groningen, Egbert Forsten, 1998, p. 175. 105 Junop-Karstu1, Acta Iobannis, cit, vol. I, p. 695. 106 F, S, Jones, Privcipal Orientations on the Relations between the Apocryphal Acts (Acts of Paul aid Acts of John; Acts of Peter and Acts of John), in E. H. LOVERING (ed.), Society of Bi blical Literature 1993 Seminar Papers, Atlanta, 199, pp. 485-505. 107 Ibid, p. 504. 108 Junop-Kaestut, Acta Tobannis, cit., vol. II, pp. 695-700. 109 Bremer, The Novel and the Apocryphal Acts, cit, p. 162. 10 K. ScHAFERDIEK, Jobannesakeen, in W. ScHNEEMELCHER (cd.), Neutestancentliche Apok ACTES DE JEAN 315 Kdaus,'"! en revanche, n’abordent pas la question. Ils considérent sans doute que Jes différences sont fort importantes pour pouvoir démontrer une dépendance lit- téraire dans quelque direction que ce soit. Dennis R. MacDonald, dont les travaux consacrés 4 ce sujet s’inscrivent dans le cadre d’une recherche sur Tintertextualité, n’est pas de cet avis. Privilégiant l'analyse littéraire il se prononce en faveur de— Tancienneté des Actes de Paul,''? et considére les Actes de Pierre comme «inter- text»; 1? opinion partagée également par Judith B. Perkins.1"* Quant a P. J. Lal- Jeman,"! suivant la suggestion de F. S. Jones, il fait un inventaire des paralléles"!® et examine les différences et les similitudes.!!” Dans son livre consacré aux AJ, il passe également en revue les ressemblances structurales et les motifs littéraires,"** avant de procéder @ une comparaison avec chacun des Actes apocryphes (Paul, Pierre, Andrée et Thomas). P. J. Lalleman a surtout travaillé le rapport entre les AJ ct les Actes de Pierre. A ses yeux ily a une «seule hypothése plausible»: 'au- teur des Actes de Pierre a connu et utilisé les AJ dans leur forme finale."!? Sans vouloir minimiser l'intérét et importance de I’analyse littéraire, nous pensons néanmoins qu’a elle scule elle n’est pas en mesure de résoudre le pro- bléme du rapport entre les Actes. D’autant plus gue cette analyse néglige le contexte socio-historique de la production et de la transmission des textes qui nous sont parvenus, souvent dans un état fragmentaire et altéré. Pour cette raison nous nous pronongons plutét en faveur d'une mise en commun des approches, littéraire et historique. Une prise en considération simultanée de ces deux perspec- tives, a la suite d'une analyse ‘individuelle’ approfondie de chacun des Actes, per~ mettra sans aucun doute de faire avancer la recherche. nphen in deutscher Ubersetzung. Vol. 2: Apostolische Apokalypsen und Verwandies, 5. Auflage der von E. HENNECKE begriindeten Sammlung, Tubingen, J. C. B. Mohr (Paul Sicbeck], 1989, pp. 138-193; Ib., Jobannes-Akten, in Reallexikon fir Antike und Christenture, Vol. 18, 1998 [Lieferung 139-140, 1997], Stuttgart, coll. 564.595: 11 SraceR-Wrextaus, Untersuchungen, cit. 112 D.R. MacDonaup, The Acts of Paul and The Acts of John: Which Came First?, in E. H. Loventne (ed.), Society of Biblical Literature 1993 Seminar Papers («SBL Seminar Papers Series», 32), Atlanta, Scholars Press, 1993, pp. 506-510. 113 D, R MACDONALD, The Acts of Peter ard The Acts of John: Which Came First?, ibid., pp. 623-626. 18 J.B, Penians, The Acts of Peter as Intertext: Response to Dennis Macdonald, ibid., pp. 627-633 15 P. J. Lanenan, The relation betwenn the Acts of Jobn and the Acts of Peter, in J. N. BRENMER (ed), The Apocrypha! Acts of Peter. Magic, Miracles and Gnosticism («Studies on the ‘Apocryphal Acts of the Apostles», 3), Leuven, Peeters, 1998, pp, 161-177. 18 Ibid., pp. 170-177. 117 Ibid., pp. 164-166. 118 LatLeMan, The Acts of John, cit., pp. 100-108. 119 Laxteman, The relation betwen the Acts of John ad the Acts of Peter, cit. p. 168: «the author of the AP¢ knew the AJ in roughly the same form in which we have the text, namely in- cluding ce. 94-102, and that for him it was one of sources from which he drew». 316 ATTILAJAKAB 4, Actes DE JEAN 94-102 D'aprés E. Junod et J.-D. Kaestli, cette partie de Pécrit (avec AJ 109) se dis- tingue du reste par sa caractéristique littéraire aussi bien que théologique. a2) Composés dans un cercle valentinien de l’école orientale (de la Syrie), a la méme époque que les AJ, les chapitres 94 @ 102 y ont été interpolés 4 une date trés an- cienne, «en tout cas avant la fin du IIIf siécle puisque le Psautier manichéen connait plusieurs épisodes de l'apocryphe ainsi que I’hymne d’AJ 94 ss». Pour at- tribuer et expliquer cette insertion, les éditeurs envisagent deux hypotheses défen- dables, a savoir qu’elle serait le fait (1) soit de 'auteur des AJ lui-méme; (2) soit de Ja communauté qui a accueilli cet écrit.!?! ‘L’atticle de Paul G. Schneider! prolonge et complete certe problématique. ~~ Lauteur estime qu’E. Junod et J-D. Kaestli n’ont pas vraiment cherché a comprendre le pourquoi de ce matériel dans les AJ. Son objectif est de montrer (1) Pexistence des chapitres 94-96 avant leur insertion dans les AJ, (2) leur ratta- chement aux chapitres 97-102 par l'interpolateur lui-méme, ainsi que (3) 'arriére- fond pratique et théologique qui permet de discerner la raison spécifique de la majeure partie de cette interpolation. D'aprés P. G. Schneider, ce qui explique_ la difference entre I'hymne (AJ 94-96), qu'il qualifie de «mystery rite»,'*? etle dis- |” cours de révélation (AJ 97-102), c’est leur composition a des €poques différentes. Ainsi le discours serait postérieur 4 lhymne. Aprés une premiére mise ensemble, les deux morceaux ont été intégrés dans les AJ. Pour expliquer la raison de cette intégration, P. G. Schneider fait appel 4 la vision des gnostiques valentiniens sur le martyre, Nous ne devons pas oublier que Jean est le seul apatre-héros des Actes apocrnphes qui meurt de mort naturelle et non en martyr. Ce qui lui permet de dire que (Our interpolator is not only telling the act's community/readers that they should not seek martyrdom, but if persecution and martyrdom cannot be avoided, they should not be upset. The Lord did not suffer on the wooden cross because this was only one of his manifestations, so neither will his kindred. By becoming like the Lord, their physical bodies are only a manifestation of their true selves. If these Christians have been worried about salvation because of persecution, they should no longer fear. This sacrement will guarantee their souls’ safe journey to heaven (that is, their ascent to the Cross of Light). Thus, our 12 Junoo-Kasrut, Acta lobannis, cit, vol. If, pp. 627-652. 121 Tbid., pp. 700-702. 122, G, Scrivener, A Perfect Fit: The Major Interpolation in the Acts of Joba, in E. H. Lovenine led.), Society of Biblical Literature 1991 Seminar Papers («SBL. Seminar Papers Series», 30), Atlanta, Scholars Press, 1991, pp. 518-532. 123 Voir aussi P. G. SCHNEIDER, The Mystery of the Acts of John: An Interpretation of the Hymn and the Dance in the Light of the Acts's Theology («Distinguished Dissertations Series», 10), San Francisco, Mellen Research Universi Press, 1991.

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