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1 TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA

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4 AFFAIRE N° ICTR-2001-73-T LE PROCUREUR
5 CHAMBRE III C.
6 PROTAIS ZIGIRANYIRAZO
7
8
9 PROCÈS
10 Mardi 7 mars 2006
11 9 h 10
12
13 Devant les Juges :
14 Inés M. Weinberg de Roca, Présidente
15 Khalida Rachid Khan
16 Lee Gacugia Muthoga
17
18 Pour le Greffe :
19 Stephania Ntilatwa
20 Zulphur Mhina
21
22 Pour le Bureau du Procureur :
23 Wallace Kapaya
24 Gina Butler
25 Iskander Ismail
26 Charity Kagwi-Ndungu
27 Jane Mukangira
28
29 Pour la défense de Protais Zigiranyirazo :
30 Me John Philpot
31 Me Peter Zaduk
32
33 Sténotypistes officiels :
34 Pius Onana
35 Lydienne Priso
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1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 TABLE DES MATIÈRES


2 PRÉSENTATION DES MOYENS DE PREUVE À CHARGE
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4 TÉMOIN ALISON DES FORGES


5

6 Suite du contre-interrogatoire de la Défense de Protais Zigiranyirazo, par Me


7 Philpot..............................................................................................................2
8 Interrogatoire supplémentaire par le Bureau du Procureur par Mme Kagwi-
9 Ndungu..........................................................................................................25
10 Questions des Juges.......................................................................................34
11

12 PIÈCES À CONVICTION
13

14 Pour le Bureau du Procureur :


15 P. 53...............................................................................................................30
16

17 Pour la défense de Protais Zigiranyirazo :


18 D. 28..............................................................................................................24
19 D. 29..............................................................................................................24
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1 (Début de l’audience : 9 h 10)


2

3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Bonjour.
5

6 Madame Ntilatwa, est-ce que vous pouvez nous annoncer l’affaire


7 inscrite au rôle, s’il vous plaît ?
8 Mme NTILATWA :
9 Introduction d’instance par le Greffier représenté par Stephania
10 Ntilatwa :
11

12 La Chambre de première instance III du TPIR, composée des Juges


13 Weinberg de Roca, Présidente de Chambre, Khalida Rachid Khan et Lee
14 Gacugia Muthoga, siège ce mardi 7 mars 2006, en audience publique
15 pour la continuation du procès dans l’affaire Le Procureur c. Protais
16 Zigiranyirazo, affaire n° ICTR-01-73-T.
17

18 Je vous remercie, Madame le Président.


19 Mme LE PRÉSIDENT :
20 Merci.
21

22 La composition du Banc du Procureur, s’il vous plaît.


23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Le Procureur est représenté par Monsieur Wallace Kapaya, Madame
25 Ndungu, Madame Gina Butler, Monsieur Iskander Ismail, Mademoiselle
26 Jane Mukangira et Georges Karemera, notre stagiaire.
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 Le Banc de la Défense, s’il vous plaît.
29 Me PHILPOT :
30 Bonjour, Madame le Président, Honorables Juges.
31

32 Pour la Défense, il y a : John Philpot, Conseil principal ; Peter Zaduk,


33 Coconseil ; Innocent Nzambona, assistant ; et Philippe Taylor, enquêteur.
34 Mme LE PRÉSIDENT :
35 Je vous remercie.
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1 Monsieur Zigiranyirazo, est-ce que vous suivez les débats en français ?


2 M. ZIGIRANYIRAZO :
3 Bonjour, Madame le Président, bonjour, Honorables Juges.
4

5 Je suivrai les débats en français.


6 Je vous remercie.
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Je vous remercie.
9

10 Bonjour, Madame Des Forges.


11

12 Maître Philpot, est-ce que vous allez terminer votre contre-


13 interrogatoire ?
14 Me PHILPOT :
15 Tout d’abord j’ai résolu mon problème — je crois —, et la réponse est :
16 Certainement. Mon collègue a dit que ce sera ce matin et très bientôt.
17

18 CONTRE-INTERROGATOIRE (suite)
19 PAR Me PHILPOT :
20 Q. Avez-vous jamais interrogé Madame Kanziga ?
21 Mme DES FORGES :
22 R. Non.
23 Q. Avez-vous jamais vu un document quelconque, un discours qu’elle aurait
24 prononcé ?
25 R. Non.
26 Q. Avez-vous jamais vu un document concernant une opinion politique
27 qu’elle aurait exprimée ?
28 R. Oui. Pendant le génocide, il y a eu au moins une interview qui a été
29 diffusée dans les médias de langue française.
30 Q. Mais avant la guerre, vous n’aviez rien vu, pendant la période… la
31 fameuse période au cours de laquelle l’Akazu était très bien connue,
32 vous n’aviez rien vu ?
33 R. Si je me réfère à l’histoire, la maison d’un personnage important a
34 généralement un espace ouvert où les invités sont reçus et, puis, il y a
35 une petite cloison qui divise l’espace ouvert de l’espace privé. Et,
36 généralement, les femmes sont de l’autre côté et elles chuchotent.

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2 Il y a un certain nombre de cas dans l’histoire où les femmes se trouvent


3 derrière cette espèce d’écran ou de cloison. Donc, je pourrais appliquer
4 cette situation au cas rwandais. Donc les femmes agissent toujours dans
5 l’arrière scène. Donc, je ne m’attendrais pas à ce que l’épouse du
6 Président puisse prendre la parole en public à plusieurs occasions.
7 Q. Monsieur Zigiranyirazo, lorsqu’il est revenu du Canada, est-ce que vous
8 auriez des documents faisant état d’une prise de parole de sa part en
9 public ?
10 R. Non.
11 Q. Monsieur Kapaya a déposé que vous avez demandé au Procureur de
12 poursuivre…
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 (Intervention non interprétée)
15 Me PHILPOT :
16 Je vais terminer ma question. Permettez-moi de terminer ma question. Il
17 y a une raison pour laquelle je l’ai dit de cette manière. S’il vous plaît,
18 laissez-moi terminer.
19 Q. Monsieur Kapaya a témoigné — entre guillemets — que le Procureur ne
20 voudrait pas poursuivre
21 le FPR ; est-ce que cela est vrai ?
22 R. C’est une question qui est dans le domaine public. La position de
23 l’organisation des droits de l’homme a toujours été que ce Tribunal
24 devrait poursuivre les allégations… les crimes perpétrés par le FPR de
25 manière à remplir son mandat. Je ne l’ai pas dit à Monsieur Kapaya,
26 selon ce que je me souviens, mais telle est ma position officielle.
27 Q. Donc, vous n’avez pas demandé au Bureau du Procureur d’engager des
28 poursuites contre le FPR ?
29 R. J’ai fait de mon mieux pour demander instamment à des responsables, à
30 différents niveaux, y compris au Bureau du Procureur, y compris dans les
31 Nations Unies au sein du Conseil de sécurité, auprès des Gouvernements
32 à titre individuel, j’ai fait cette demande qui, à mon avis, est très
33 importante aussi bien pour l’avenir de la justice nationale que pour celui
34 du Rwanda.
35 Q. Êtes-vous au courant d’une réunion qui se serait tenue au stade de
36 Nyamirambo, tenue en

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1 janvier 1992 avec le MDR, le PL et le PSD ? Ces partis ont donc brûlé une
2 petite case qu’ils ont appelée « l’Akazu ».
3 R. Je ne suis pas au courant de cet incident qui consistait à brûler ou à
4 incendier l’Akazu.
5 Q. Non. Maintenant, pendant la guerre, entre avril et juillet, est-ce que
6 Human Rights Watch a dénoncé les massacres des civils perpétrés par le
7 FPR ?
8 R. Je crois que nous avons abordé longuement la question.
9 Q. Je reviens là-dessus aujourd’hui parce que j’ai un document dont je
10 dispose. Et je vous repose donc la question pour que les choses soient
11 claires.
12 R. Oui, nous avons documenté les violations du droit international commis
13 par le FPR à partir de 1991
14 — je crois.
15 Q. Je vais poser à nouveau ma question : Au cours de la période de guerre,
16 c’est-à-dire entre le 7 avril et jusqu’à la prise du pouvoir du FPR… par le
17 FPR — pardon —, est-ce que Human Rigths Watch a dénoncé les
18 massacres de civils perpétrés par le FPR ?
19 Mme LE PRÉSIDENT :
20 Vous demandez s’il y a eu des documents de Human Rights Wacth à cet
21 effet, concernant la période allant d’avril à juillet 1994 ?
22 Me PHILPOT :
23 Oui, Madame le Président.
24 R. Je pense que nous n’avons pas publié de rapport au cours de cette
25 période. Le premier rapport sur cette période a été publié — si mon
26 souvenir est bon — en septembre. Ce rapport faisait état de massacres
27 perpétrés par le FPR.
28

29 Me PHILPOT :
30 Q. Avez-vous affirmé que vous n’aviez aucune preuve que le FPR a
31 massacré des civils pendant cette période ?
32 R. À un moment donné, nous avons dit que nous allions mener
33 des enquêtes sur ces allégations, ce qui a été effectivement le cas dans
34 l’est du Rwanda. Et, à l’époque, les éléments de preuve fournis grâce au
35 contact avec le HCR ainsi que sur le terrain indiquaient qu’il n’y avait
36 aucun élément étayant ces allégations — à l’époque. Je pense en avoir

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1 parlé la semaine dernière.


2 Q. Et n’est-il pas vrai que — en l’état actuel des connaissances et les
3 déclarations de Monsieur
4 Ruzibiza — que Human Rigths Watch avait tort ?
5 Mme LE PRÉSIDENT :
6 Le témoin a répondu à cette question.
7 Me PHILPOT :
8 Hier, le témoin a dit qu’ils avaient adressé ou rédigé une lettre le 15
9 avril…
10 Mme KAGWI-NDUNGU :
11 Je crois que le Conseil a abordé longuement cette question.
12 Me PHILPOT :
13 Je reviens là-dessus parce que hier, il y a eu une déclaration, et je n’avais
14 pas le document sous les yeux… sous la main.
15 R. Je crois avoir dit qu’au cours de la guerre, nous l’avons fait.
16 Mme LE JUGE KHAN :
17 Répondez de nouveau à la question.
18 R. J’ai dit qu’autant que je sache, le premier contact… Non, ce n’était pas le
19 premier contact parce qu’avant avril, nous avions publié un certain
20 nombre de rapports concernant les violations du droit international par le
21 FPR.
22

23 Par la suite, nous avons rédigé des lettres que nous avons adressées au
24 colonel Kanyarengwe, en attirant son attention sur le fait que ces
25 violations existaient, et nous lui demandions de les stopper et de tenir
26 pour responsables les militaires qui les avaient perpétrées.
27

28 Et le 15 avril, après le 6 avril donc, c’était la première communication


29 écrite qui a été faite et adressée au FPR sur ces questions et sur la
30 nécessité de respecter le droit international.
31 Me PHILPOT :
32 Q. Vous n’avez pas répondu à ma question. Ma question était la suivante :
33 Est-ce que vous ne vous êtes pas trompée lorsque vous avez affirmé que
34 le FPR, à votre connaissance, ne massacrait pas de civils ?
35 R. Manifestement, non, si la déclaration dit « au mieux de nos
36 connaissances » ; nous n’avons pas pu étayer les crimes à l’époque.

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1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Q. Maintenant, à la lumière des informations disponibles, conviendrez-
3 vous… êtes-vous d’accord que ce qui n’avait pas été étayé, en fait, était
4 inexact ?
5

6 Nous ne disons pas que vous vous êtes trompée parce que vous n’aviez
7 pas d’éléments de preuve. Maintenant, nous en savons un peu plus et
8 nous savons qu’il y a eu des violations. Et le Conseil vous demande si
9 vous êtes à présent d’accord que votre position à l’époque était erronée,
10 compte tenu de toutes les informations ou de tous les éléments de
11 preuve qui sont apparus.
12 R. Honorable Juge, je pense que nous nous attardons sur des questions
13 évidentes. Le Conseil voudrait me piéger et me faire dire que je m’étais
14 trompée ; je ne le dirais pas. Je dirais tout simplement que les
15 déclarations telles que rédigées à l’époque étaient exactes.
16

17 À l’époque, nous ne savions pas… en tant qu’organisation responsable,


18 nous ne pouvions pas dire que nous avions des preuves, alors que nous
19 n’en avions pas. Par la suite, nous avons obtenu des preuves, et notre
20 position a changé, étant donné que nous avons pu documenter ces
21 crimes et nous avons dit que les auteurs doivent être poursuivis. C’est
22 tout à fait clair.
23 Me PHILPOT :
24 Q. L’objectif visé est de confirmer que Human Rights Watch a fait des
25 affirmations qui étaient, au plan factuel, incorrectes. Que vous ayez
26 l’information ou pas, ça, c’est une autre question.
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 Ce n’est pas le moment de tirer les conclusions, Maître.
29 M. LE JUGE MUTHOGA :
30 Même si c’étaient des conclusions, cela serait inexact. Le fait que l’on
31 n’ait pas des éléments de preuve ne signifie pas que les choses ne se
32 sont passées.
33

34 À l’époque, Human Rights Watch ne disait pas qu’il était possible que ces
35 choses se soient passées ; il disait tout simplement que « nous n’avons
36 pas d’éléments pour confirmer que cela s’est effectivement produit », et

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1 il disait… il rédigeait des choses pour dire que « nous n’avons pas
2 d’éléments de preuve pour le confirmer ».
3 Mme LE JUGE KHAN :
4 Q. Madame Des Forges, est-ce que vous acceptez que ce que Ruzibiza dit
5 dans son ouvrage est
6 exact ?
7 R. Honorable Juge, il y a certains passages où — pardon — des éléments
8 d’information fournis sont confirmés par l’information dont nous
9 disposons à partir des enquêtes et des travaux que nous avons menés.
10 Bien sûr, dans ce cas, je trouve qu’il est tout à fait facile de dire que ce
11 qu’il affirme est exact.
12

13 Dans les cas où nous n’avons pas d’information, je dois dire — comme je
14 l’ai toujours dit dans le passé — que je n’ai pas d’éléments pour le
15 prouver. Il a prononcé des allégations très générales. Je n’ai pas
16 d’éléments pour étayer ou prouver ces allégations.
17

18 Hier, nous avons parlé de la phrase qu’il a rédigée sur le fait que le FPR
19 avait infiltré tous les réseaux. C’est une déclaration très générale, « tous
20 les réseaux ».
21

22 Je vois dans les lettres qu’il m’a demandé de lire aujourd’hui, une
23 allégation selon laquelle le FPR était présent au sein du parti CDR. Cela
24 est possible, mais parfois, je me demande s’il n’y a pas… si l’on n’estime
25 pas un peu trop la capacité du FPR dans certains domaines.
26

27 J’attends toujours les preuves pour confirmer que c’était bien le cas. Et,
28 bien sûr, l’information qu’il présente sur le génocide lui-même,
29 l’information qu’il fournit sur les attaques contre les civils, cette
30 information cadre avec l’information dont nous disposons.
31

32 Je n’ai pas enquêté sur l’attentat contre l’avion présidentiel moi-même,


33 je ne sais pas si son information est exacte sur ce point. Il y a un point
34 important où je n’ai pas d’éléments pour confirmer ce qu’il allègue, c’est
35 la question de la pénétration par le FPR d’un groupe interne comme les
36 Interahamwe.

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2 Moi-même, je n’ai pas pu documenter cela. Je n’ai pas pu discuter de


3 cela avec lui, je ne lui ai pas demandé quelles sont ses preuves. Si j’ai
4 peut-être un entretien avec lui, il me dira pourquoi il a tiré ces
5 conclusions, et je serai, à ce moment-là, convaincue de ce qu’il dit.
6 Malheureusement, son ouvrage ne fournit pas suffisamment de détails
7 pour que je puisse dire que ce qu’il d’il est clair, que tel était le cas.
8 Me PHILPOT :
9 Q. Est-ce que vous allez suivre son témoignage demain ?
10 R. Est-ce qu’il dépose demain ?
11 Q. Oui, pas dans ce procès, dans le procès Militaires I. Est-ce que vous allez
12 suivre sa déposition ?
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Quelle est la pertinence de cette question par rapport à ce procès ? Je ne
15 sais pas ce que vise le Conseil.
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 Le Conseil, je crois, a donné une information au témoin — je suppose.
18 Me PHILPOT :
19 (Intervention non interprétée)
20 Mme LE PRÉSIDENT :
21 L’objection est retenue.
22 Si le témoin veut répondre, elle peut répondre, mais elle n’est pas
23 obligée de répondre.
24 R. Est-ce qu’il comparaît comme témoin protégé ?
25 Me PHILPOT :
26 Je ne le pense pas, je crois que ce ne sera pas le cas.
27 R. Si j’ai l’occasion d’être présente, je vais suivre sa déposition.
28 Q. En fin de journée hier, nous étions en train d’examiner un document
29 concernant la composition du Gouvernement… de différents
30 Gouvernements rwandais…
31 R. Juste un point d’intendance avant de passer à ce sujet.
32

33 Cela a été présenté en même temps que la page de couverture indiquant


34 un ouvrage d’André Guichaoua, « Les crises politiques au Burundi et au
35 Rwanda ». Les pages concernant les Gouvernements ne sont pas
36 directement tirées de l’ouvrage de Guichaoua, je pense que cela

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1 provient d’une autre source qui reprend Guichaoua.


2

3 Je pense que les pages exactes dans l’ouvrage de Guichaoua qui


4 abordent la composition du Gouvernement, ce sont les pages 750, 751
5 et 752, si la Chambre souhaite retrouver ces passages ultérieurement.
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 Merci.
8 R. Je suis troublée par la page sur les militaires qui a été remise hier, qui a
9 une photocopie de ce qui est apparemment un ouvrage. Puis, j’ai
10 regardé cet ouvrage et il y a une page 770, et l’ouvrage que j’ai a une
11 page 768. Je ne sais pas s’il y a un ajout pour expliquer cette différence
12 de pagination.
13

14 Donc, il faudrait nous dire d’où provient cet ajout. Et je pense que les
15 éléments de l’armée sont tirés de l’ouvrage directement ; mais dans
16 l’ouvrage de Guichaoua, il n’y a pas de tableau.
17 Me PHILPOT :
18 Q. Est-ce qu’en dehors de cela, les autres pages sont exactes ? Parce que je
19 n’ai pas cet addendum.
20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Je voudrais faire constater que la première page semble provenir
22 d’Internet. Ce n’est pas indiqué pour que le Conseil nous donne
23 différentes paginations pour une même source.
24 Me PHILPOT :
25 J’ai déclaré que ça provient de l’Internet. J’ai un sens aigu de l’honneur.
26 J’ai dit que je savais que cela provenait d’Internet et j’ai donné une série
27 de documents sur lesquels je vais poser des questions. C’est aussi
28 simple que cela.
29 R. Afin de permettre à la Chambre de retracer le fil conducteur, il faudra
30 nous dire de quelle édition de ce livre vous parlez. Mais dans le contexte
31 actuel, je ne pense pas que ces éléments que vous nous donnez
32 proviennent du livre de Monsieur Guichaoua. C’est parce que je connais
33 très bien ce livre de Monsieur Guichaoua du début à la fin.
34 Q. Je vous remercie de bien vouloir confirmer que les détails concernant la
35 page sont exacts et que je n’ai pas votre édition. Nous allons exploiter
36 les documents tels que présentés.

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1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 Messieurs les Juges, ceci est une procédure erronée. Le témoin dit
3 qu’elle ne connaît… qu’elle connaît bien le livre de Guichaoua, mais
4 qu’elle ne connaît pas… qu’elle n’est pas familière avec cette pagination.
5 Et le Conseil nous donne plusieurs pages provenant de différentes
6 sources ; est-ce qu’il peut nous donner la bonne édition pour que nous
7 puissions confronter nos points de vue ?
8 Me PHILPOT :
9 L’édition dans laquelle ces extraits sont tirés, je ne l’ai pas devant moi.
10 M. LE JUGE MUTHOGA :
11 Maître Philpot…
12 Me PHILPOT :
13 J’ai une autre édition ici qui passe de la page 753, 54, 755. Mais ce que
14 je m’en vais dire, c’est qu’elle a confirmé que les éléments qui nous
15 concernent sont exacts ; et donc, nous pouvons entrer dans les détails.
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 La seule façon par laquelle vous pouvez passer dans les détails, c’est de
18 mettre de côté ce document et de poser vos questions au témoin. Le
19 témoin vous avait… Vous pouvez demander au témoin s’il
20 y avait sept… s’il y avait 16 membres du Gouvernement sur 17 en
21 provenance… 7 sur 16 ministres en provenance de Gisenyi, par exemple.
22

23

24 Le document que vous voulez exploiter doit être authentifié, mais celui
25 que vous nous présentez semble être une photocopie.
26 Me PHILPOT :
27 Je n’ai pas dit que c’est une pièce à conviction lorsque je vous l’ai remis.
28 M. LE JUGE MUTHOGA :
29 Mais c’est l’impression que nous avons.
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Vous l’avez imprimé sur Internet ?
32 Me PHILPOT :
33 Non, je l’ai photocopié auprès de quelqu’un qui en avait un exemplaire.
34 Je l’ai fait de bonne foi. Et la preuve, c’est dans ce que nous allons dire,
35 mais les copies ont été tirées…
36 M. LE JUGE MUTHOGA :

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1 Ce que dit le témoin : Si elle n’a pas encore comparé… Si elle ne peut
2 pas comparer cette édition avec l’édition qu’elle connaît, elle ne saurait
3 vous dire si c’est exact.
4

5 Étant donné que vous avez les informations, au lieu de citer le livre pour
6 que nous puissions comparer les pages, demandez-lui si deux ministres
7 sur 15 proviennent de tel endroit. Si elle dit « non, je pense qu’il y a
8 seulement trois ministres sur… au lieu de sept », alors, nous allons nous
9 rabattre sur les sources.
10 Mme LE PRÉSIDENT :
11 Q. Docteur Des Forges, je vous suggère d’exploiter le livre que vous
12 connaissez ; et, selon votre édition et ce que vous avez, combien de
13 ministres proviennent de cette région ?
14 R. Je vous remercie, Madame le Juge.
15

16 Je parle de ce que je crois être la première édition parce qu’il ne semble


17 pas m’indiquer que c’est la deuxième édition du même livre. La
18 pagination publiée en 1995, et l’éditeur, c’est l’Université de Lille — L-I-L-
19 L-E — , et les pages sur lesquelles l’on retrouve ces données, c’est la
20 page 750… à commencer par la page 750 et je vais aller jusqu’à la page
21 753.
22

23 Et, afin de comprendre les données, je me dois de faire un certain


24 nombre de commentaires au préalable : C’était la politique du
25 gouvernement Habyarimana de se servir des quotas. Nous n’en avions
26 pas parlé, mais il y avait un système de quotas en place, quota régional
27 et quota ethnique.
28

29 En ce qui concerne certains postes, il faudrait procéder à une répartition


30 avec une semblance d’équité. Mais ce que j’ai vu dans mon analyse de la
31 composition des Gouvernements de 1990… 77 jusqu’en 92, c’est le cas.
32 Pour toute la composition de ces Gouvernements, la préfecture qui avait
33 le plus grand nombre de ministres était la préfecture de Gisenyi,
34 jusqu’en 1992.
35

36 Et le ratio, c’est comme quatre pour Gisenyi, trois pour Ruhengeri…

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1 quatre pour Gisenyi, trois pour Cyangugu et quatre… et, puis l’autre
2 préfecture prend trois.
3

4 Mais également, au cours de cette période, chaque préfecture avait au


5 moins un ministre, aucune préfecture n’est négligée. Ainsi, la répartition
6 des postes ministériels est équilibrée par ce calcul savant quant à savoir
7 qui va obtenir quelle proportion du pouvoir.
8

9 Donc, de 1987 jusqu’à avril 1992, Gisenyi avait le plus grand nombre de
10 postes ministériels que les autres préfectures. Et pourtant, chaque
11 préfecture avait un ministre. Mais en avril 1992, lorsqu’il y a eu
12 l’avènement du multipartisme, il y a eu un changement.
13

14 Tout d’abord, Habyarimana était contraint de céder le Ministère de la


15 défense qu’il ne détenait plus ; et la préfecture qui avait le plus grand
16 nombre de ministres, c’est Gitarama, c’est-à-dire le fief du MDR.
17 Pourquoi cela ? Parce qu’ils avaient le poste de Premier Ministre, c’est le
18 Premier Ministre qui composait son gouvernement et le Premier Ministre
19 était un homme du MDR de Gitarama.
20

21 Ainsi donc, la dynamique du pouvoir démontre que les changements


22 intervenus grâce au multipartisme, c’est l’un des éléments qui a effrayé
23 le groupe de Gisenyi. L’autre élément était une démonstration
24 symbolique de la réduction du pouvoir.
25

26 Un autre point que je voudrais relever à ce sujet, c’est que la répartition


27 des ministères… Je serai prudente parce que c’est le public. Il y avait
28 d’autres indicateurs indiquant l’importance du nord-ouest, qui n’est pas
29 visible à l’œil nu. Il s’agit de la répartition de l’aide étrangère dans le
30 pays et les places dans les écoles secondaires.
31

32 Je n’ai pas ces statistiques ici avec moi parce que je ne saurais retrouver
33 un exemplaire des sources que je connais. Filip Reyntjens qui était un
34 érudit, qui a fait une analyse minutieuse de l’analyse des fonds
35 provenant de l’aide extérieure, montre une répartition disproportionnée
36 qui va aux préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri.

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 12


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Q. Quelle est la répartition de la population entre Gisenyi, Ruhengeri et les
3 autres préfectures ?
4 R. Monsieur le Juge… le Président (sic), Gisenyi et Ruhengeri sont des
5 préfectures densément peuplées. Je ne me suis pas permis de tirer cela
6 au clair sur les statistiques. Mais si vous voyez les choses, à première
7 vue, ce qui vous saute aux yeux, c’est qu’il y a — un, deux, trois, quatre,
8 cinq, six, sept — huit préfectures sur 12 en 2002, qui étaient
9 de 200… peuplées de 200 000 personnes et plus.
10

11 Donc, il y a une répartition inégale de la population ; et deux avec 4


12 000 et une avec 6 000. Donc, les « populations » ayant 12 000 sont
13 densément peuplées. Si nous reprenons cette analyse, je ne sais pas
14 jusqu’à quelle année je dois me reculer.
15

16 Les statistiques de 1991 reflètent également une même structure de la


17 répartition de la population
18 — un, deux, trois, quatre, cinq —, six sur 12 ayant des populations
19 disproportionnées par rapport aux autres préfectures. Mais là encore, il y
20 a des problèmes : La préfecture de Kigali-ville venait d’être créée, et
21 vous vous imaginez que la population de la capitale est plus… très
22 élevée.
23

24 Donc, cette région dont nous parlons est densément peuplée, mais pas
25 de manière disproportionnée par rapport aux autres préfectures.
26 Mme LE JUGE KHAN :
27 Q. Est-ce que l’on avait une représentation de tous les groupes ethniques ?
28 Si tel est le cas, quelle est la représentation ou la part du groupe tutsi ?
29 R. Madame le Juge, les recensements de 1991 menés par le Gouvernement,
30 en collaboration avec certains organismes des Nations Unies, n’ont pas
31 été publiés et, pourtant, ils ont collecté des chiffres qui n’ont pas été
32 publiés, sauf au niveau national. Donc, nous n’avons pas, sur le plan
33 statistique, une précision de ces recensements.
34

35 Même les statistiques au niveau national ont été contestées parce que
36 les gens pensent que les choses ont été fixées. Mais sur le plan

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 13


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 historique, les populations tutsies dans les préfectures de Ruhengeri et


2 de Gisenyi sont très petites.
3

4 Il y avait… Il y a certaines régions où vous avez les populations


5 « pastoralistes », les Bagogwe notamment. Historiquement, ils n’étaient
6 pas assimilés à cela, mais on les assimilait aux Tutsis qui représentaient
7 une faible proportion des Tutsis dans la préfecture de Gisenyi.
8

9 Il y a toujours un scénario selon lequel la population n’a jamais été


10 équivalente à celle qui prévaut dans les autres parties du pays.
11 Me PHILPOT :
12 Q. Docteur Des Forges, combien de ministres — en dehors des préfectures
13 de Gisenyi et de
14 Ruhengeri — y avait-il dans le gouvernement de Habyarimana avant
15 94 ? En 1989, Gisenyi, je peux vous suggérer qu’il y en avait 14 ?
16 R. J’ai trouvé 13, moi.
17 Q. En 1990, est-ce 14 ou 13 ?
18 R. 14.
19 Q. 91… 1991 ?
20 R. 13. Ce que vous comparez ici, c’est deux préfectures par rapport au
21 reste de tout le pays. Ce que vous avez besoin de comparer, c’est la
22 distribution préfecture par préfecture, c’est comme ça que les gens
23 perçoivent la répartition du pouvoir.
24 Q. Vous avez confirmé à la Chambre qu’il y avait une tentative de veiller à
25 ce qu’il y ait une répartition nationale des postes ministériels ?
26 R. Exact.
27 Q. Dans le judiciaire…
28 R. Et je peux vous dire que cela s’est poursuivi. Dans le Gouvernement
29 intérimaire, si vous lisez le compte rendu de Kambanda, ils ont passé
30 beaucoup de temps pour essayer de maintenir l’équilibre. Si vous avez
31 un de Ruhengeri, nous devons trouver quelqu’un de Butare pour parvenir
32 à cette répartition équitable.
33 Q. En 1990, n’est-il pas exact qu’il y avait trois ministres provenant de
34 Gitarama et de Gisenyi ?
35 R. Et deux autres… Reprenez votre question.
36 Q. En 1990, il y avait trois ministres de Gitarama — je pense — et de

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 14


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 Gisenyi, il y avait un ministre plus le Président ; est-ce exact ?


2 R. Je n’ai pas étiqueté mes statistiques année par année. Oui, il y avait
3 aussi le ministre… le Président de la République qui détenait également
4 le portefeuille de la défense.
5 Q. Donc, le Président, et un autre de Gisenyi et trois ministres de Gitarama
6 en 1990 ; est-ce exact ?
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Trois postes pour Gisenyi et trois postes pour Gitarama ?
9 Me PHILPOT :
10 C’est la question. Les gens n’étaient pas en mesure sur ce point précis…
11 Madame le Président, le Président de la République représentait
12 l’ensemble du pays, et c’est un des points de débat légitime.
13 Mme LE PRÉSIDENT :
14 Est-ce que vous comptez… vous mettez à son compte le Ministère de la
15 défense ?
16 Me PHILPOT :
17 Je ne suis pas sûr que l’argumentaire…
18 Mme LE PRÉSIDENT :
19 Une question, Maître Philpot : Quelquefois, vous posez la question
20 concernant Ruhengeri ; quelquefois, Ruhengeri-Gisenyi ; quelquefois,
21 Gisenyi uniquement. Est-ce que vous faites valoir que Gisenyi et
22 Ruhengeri doivent être comptés comme une seule et même entité ?
23 Me PHILPOT :
24 Nous avons fait nos calculs et c’est de 21 %. Si vous prenez les choses,
25 que vous incluez le Président comme un représentant deux, il y a une
26 surreprésentation, dans tous les cas.
27

28 Nous l’avons examiné dans notre cercle politique aux États-Unis et au


29 Canada, et certaines régions ont toujours un nombre plus élevé de
30 ministres. Et c’est ce que nous essayons de prouver à la Chambre, que le
31 pays est représenté ; et de dire que tout le territoire national était dans
32 les mains des préfectures du nord-ouest n’est pas exact.
33 R. Je pense que j’ai vu seulement deux de Gitarama pour 1990 ; c’est la
34 date que vous avez donnée, n’est-ce pas ? Enfin, en tout état de cause…
35 M. LE JUGE MUTHOGA :
36 Dans cette affaire, est-ce que nous parlons de ce qui est vrai et réel ou

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 15


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 ce qui semble l’être ?


2 Me PHILPOT :
3 Là encore, il s’agit d’un débat qui sous-tend une question fondamentale
4 dans les juridictions nationales. Et pour veiller à ce que la représentation
5 d’une région soit garantie — je parle de la politique canadienne —,
6 essayer d’avoir une représentation pour une région, c’est une façon de
7 veiller à ce que cette région ait sa voix au sein du Gouvernement.
8

9 Tout naturellement, vous avez des cas extrêmes des deux côtés. Comme
10 je l’ai expliqué au Président de la Chambre il y a deux minutes, le fait
11 qu’il y a une bonne représentation de toutes les régions dans le
12 Gouvernement, c’est vous dire que toutes les régions avaient leur voix
13 de 1990 à 94.
14 M. LE JUGE MUTHOGA :
15 Je pose ma question parce qu’en terme de perception, c’est différent de
16 la réalité. En réalité, ce n’est pas le nombre de ministres, mais c’est quel
17 ministère : Si c’est le Ministère des sciences vétérinaires de l’élevage ou
18 du Ministère de la condition féminine… Le Ministère de la conservation
19 de l’eau ne peut pas avoir le même poids que le Ministère de la sécurité
20 intérieure ou de la défense.
21

22 C’est… La question qui est en jeu, c’est le pouvoir dont disposent


23 certains ministres. Certains ministres sont plus puissants parce qu’ils
24 brassent des ressources ou… Le Ministre de l’emploi, personne ne veut
25 pas… occuper ce poste parce que c’est une boîte de Pandore.
26 Mme LE PRÉSIDENT :
27 Q. Est-ce que les Ministres… Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette
28 question. Je voudrais savoir si les ministres sont réellement en charge de
29 leur ministère, c’est-à-dire pouvoir choisir leurs proches collaborateurs et
30 le personnel du ministère ou bien est-ce qu’ils sont nommés et se
31 contentent de se servir du personnel déjà en place ?
32 R. Madame le Président, la question ne devient pas une question
33 importante jusqu’en 1992, parce que jusqu’à cela, le Gouvernement était
34 le MRND. Donc, tout ce qui se passe se passe dans le cadre de la
35 structure du parti unique.
36

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 16


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 Oui, un ministre peut faire un changement ici et là, nommer quelqu’un


2 d’autre à la place d’un autre parce qu’il y a des liens familiaux, oui. Mais
3 en termes généraux, cela devient une question de frictions en
4 1992, lorsque vous aviez des ministres qui représentaient des partis
5 politiques différents autres que le MRND. En ce moment-là, le problème
6 était d’actualité, parce que les ministres se sont prévalus de leur
7 représentation pour choisir leurs personnels à un certain niveau.
8

9 Les postes au sein de la Fonction publique, normalement, ne devraient


10 pas être touchés, ce sont des postes immuables. Et il y a un certain
11 nombre de postes que le ministre peut déterminer. Mais enfin, il y avait
12 eu des changements effectués par des ministres dans ce genre de
13 situation, y compris dans les projets étatiques qui géraient d’énormes
14 fonds. Cela a créé la rivalité entre les partis, c’est-à-dire qui va tirer le
15 meilleur parti des avoirs de l’État.
16

17 Madame Uwilingiyimana qui était Ministre d’éducation nationale, et


18 c’était une question brûlante parce qu’elle avait la mainmise sur les
19 enseignants, et l’on avait dit que cela avait à voir avec des décisions
20 politiques que de la question de la qualité de l’éducation. Le discours de
21 Mugesera a parlé avec colère de cette tentative du Ministre de
22 l’éducation nationale qui a essayé d’opérer des changements dans son
23 ministère.
24

25 Donc, les problèmes sont nés à partir de 1992, à la création du


26 Gouvernement de coalition.
27 Me PHILPOT :
28 Q. Très bien. N’est-il pas vrai qu’avant le nouveau phénomène que vous
29 venez de décrire, phénomène qui est né avec le multipartisme, que les
30 fonctionnaires sont nommés par décision ministérielle et que les
31 ministres proposaient leurs candidats, en collaboration avec le Ministère
32 de la fonction publique ? Êtes-vous avez au courant de cette procédure-
33 là ?
34 R. Je pense que c’était la procédure de jure ; la procédure de facto est
35 beaucoup plus souple et avait une bonne part de clientélisme où les
36 gens obtenaient des emplois par le truchement de leurs clients. Et ce

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 17


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 n’est pas une situation qui est l’apanage du Rwanda, mais cela s’est
2 passé également au Rwanda.
3 Q. Nous vous avons donné un document sur le Ministère de la défense, vous
4 avez la page 756 ; la page que j’ai, c’est 770.
5 R. C’est exact.
6 Q. Est-il exact de dire que six sur les 16 ministres de haut niveau
7 provenaient de la préfecture de Ruhengeri ? Ça va ?
8 R. Je pense que je vais vous demander de me dire ce que vous appelez les
9 « officiers supérieurs ».
10 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
11 En fait, il s’agissait « d’officiers supérieurs », pour le procès verbaliste, et
12 non pas des ministres.
13 R. S’agissant de ces nominations, une présentation sommaire qui a aussi
14 ses problèmes parce que, en raison de la date, parce que, par exemple,
15 le major Bagaragaza… — et je vais souligner à l’intention de la Chambre
16 que les Rwandais n’avaient pas les noms de familles parce que les noms
17 de famille n’indiquent pas les liens familiaux — Bagaragaza est mort
18 dans l’accident d’avion du 6 avril ; et le général Bizimungu qui se trouve
19 sur la même liste était le chef d’état-major et a été nommé
20 le 15… le 16 avril.
21

22 Donc, la liste que vous m’avez donnée, je ne sais pas la date que vous
23 suggérez. Ce qui se passe ici au sein de l’armée, plus que dans
24 l’administration civile, ce qui faisait la différence, c’est le type de soldats
25 que vous avez et le type d’armes que vous avez données à ces
26 militaires.
27

28 Par exemple, le bataillon paracommando et le bataillon de


29 reconnaissance qui faisaient partie de la Garde présidentielle étaient les
30 mieux équipés, le fer de lance de l’armée.
31 Me PHILPOT :
32 Q. Donc, ces chefs chargés de la logistique et du personnel auraient été des
33 personnes de moindre importance par rapport à ceux qui sont chargés
34 du bataillon paracommando et de reconnaissance ?
35 R. Je ne connais pas la région d’origine de ces officiers pour en tirer un
36 sens. Il y a une académie militaire (inaudible), mais au niveau… le chef

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 18


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 de l’académie militaire, oui, mais quel est le niveau de commandement ?


2 Il n’y avait pas moyen de le mettre sur le même pied — d’égalité — que
3 le bataillon de reconnaissance.
4 Q. Le Gouvernement avait différentes branches : Exécutive, judiciaire et
5 législative. Le Département exécutif était géré par le Président. N’est-il
6 pas vrai que le pouvoir législatif était toujours représenté par Butare et
7 le pouvoir central était représenté, quant à lui, par Kigali ? Étiez-vous au
8 courant de cela, Docteur Des Forges ?
9 R. Je pense que nous devons revenir sur une période de temps et apporter
10 une grande attention à la façon dont ces personnes étaient choisies et
11 par qui.
12

13 L’un des exemples que j’ai utilisé quant à l’influence de Zigiranyirazo…


14 de l’Akazu, c’est que Monsieur Zigiranyirazo a pris part aux élections.
15 Q. Nous allons revenir sur ce point plus tard. Il ne nous reste qu’un point.
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 Q. Madame Des Forges, cette liste vaut-elle pour la période préalable à
18 1994 ou pour 1994 ?
19 Pouvez-vous nous le dire ?
20 R. C’est là l’un des problèmes, c’est là un amalgame d’informations. Sans
21 date précise au début du document, vous voyez les changements quant
22 au nombre des membres des forces armées de 1990 à 94.
23

24 Mais comme je l’ai dit, si cela devait représenter la situation du 6 avril,


25 alors, le général Bizimugu ne devrait pas être représenté comme étant le
26 chef d’état-major. Si c’était la situation après le 6 avril, après sa
27 nomination, alors, Bagaragaza était déjà mort depuis des jours et ne
28 pouvait donc pas être le chef de la Garde présidentielle.
29 Q. Dans le cadre de vos recherches, étiez-vous au courant d’un quelconque
30 officier tutsi qui aurait été démis avant que l’on ne mette en place ce
31 tableau, avant le 6 avril ; des personnes qui auraient servi avant le 6
32 avril, qui ne sont pas incluses sur cette liste ? Car il semblerait que ces
33 officiers ne soient pas inclus.
34 R. Cela est exact, Honorable Juge. Les mouvements dont je suis au courant,
35 c’est le colonel
36 Ruhashya qui — je pense — avait pris ses droits à la retraite ; à ce

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 19


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 moment-là, il n’était plus officier d’actif.


2

3 Il y a eu un certain nombre d’officiers tutsis au rang de capitaine et en


4 dessous, mais pas beaucoup.
5 Pour les cadres supérieurs ou les autorités supérieures, je n’en connais
6 aucun, aucun major ou colonel, à l’exception du colonel que je vous ai
7 cité. Et de toutes les façons, il ne commandait pas une unité importante,
8 il s’agit du colonel Ruhashya.
9 Me PHILPOT :
10 Q. Aux fins de votre commentaire, ce Monsieur Bagaragaza, je pense qu’il
11 serait avisé de considérer que cela s’est passé très certainement après
12 la liste du 6 avril, car il est mentionné que Monsieur Bagaragaza est
13 décédé le 6 — je pense que… Cela, aux fins d’éclaircissements.
14 R. Oui. Je pense qu’il aurait fallu indiquer ici : Poste vacant ou commandant
15 intérimaire.
16 Q. Je vous ai remis hier quelques documents dont vous deviez vous
17 imprégner, documents relatifs au rapport de sécurité interne rédigé par
18 Monsieur James Gasana et adressé au Premier Ministre Dismas
19 Nsengiyaremye — je suis désolé pour ma mauvaise prononciation ; avez-
20 vous eu l’occasion de vérifier l’authenticité de ces documents ?
21 R. Ils m’ont semblés être authentiques aussi bien quant à leur forme et,
22 pour certains, quant à leur teneur relativement aux incidents que je
23 connais.
24 Me PHILPOT :
25 Je voudrais remettre des copies aux membres de la Chambre. Et je pense
26 que le Procureur dispose déjà d’une copie de ces documents.
27

28 Peut-être que les interprètes aimeraient également disposer des copies


29 de ces documents. Pour les interprètes également, voici ces copies
30 desdits documents.
31

32 (Le greffier d’audience s’exécute : Distribution des documents aux Juges, au


33 Procureur et aux interprètes)
34

35 Les interprètes ont-ils reçu copies des documents ?


36

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 20


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 Je vous remercie.
2

3 Très rapidement, nous allons revenir et passer en revue les deux


4 premiers documents. Il s’agit d’un rapport de sécurité pour la semaine
5 du 19 septembre. Il semblerait que la date soit du 1er octobre, si je ne
6 m’abuse.
7 Q. L’auteur de ce rapport que vous avez identifié comme étant une
8 personne modérée, il s’agit de Monsieur James Gasana ; n’est-ce pas ?
9 R. Non, non ; non, non, non, pas du tout. Je ne pense même pas que l’on
10 m’ait demandé de caractériser le docteur Gasana d’une façon ou d’une
11 autre.
12 Q. Oui, mais il est parti en juillet 1993 ; n’est-ce pas ?
13 R. Oui, c’est exact, il est parti au mois de juillet 1993. Il disait qu’il souffrait
14 des menaces d’un groupe secret, groupe de militaires répondant au nom
15 de « Amasasu » qui, selon lui, était relié à l’Akazu et aux populations du
16 nord-ouest.
17 Q. Je voudrais vous lire en français la fin de la première page dudit
18 document et le début de la deuxième page, le document numéroté
19 « 35 ».
20 M. LE JUGE MUTHOGA :
21 « 35 » ?
22 Me PHILPOT :
23 Oui. Les deux documents concernent deux semaines consécutives :
24

25 « De la même source, nous apprenons que, parallèlement, le FPR a


26 ordonné à ses complices à l’intérieur du pays de poursuivre et intensifier
27 les actes de terrorisme, de sabotage et de vol de tout genre. »
28 Mme LE PRÉSIDENT :
29 Un petit moment. Nous avons quelques problèmes ici.
30 M. LE JUGE MUTHOGA :
31 Je ne reçois pas l’interprétation.
32 Me PHILPOT :
33 Je crois qu’il faudrait vous mettre sur le canal n° 4 [à l’attention du Juge
34 Muthoga].
35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Pourriez-vous reprendre la lecture ?

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 21


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 Me PHILPOT :
2 « De la même source, nous apprenons que, parallèlement, le FPR a
3 ordonné à ses complices à l’intérieur du pays de poursuivre et intensifier
4 les actes de terrorisme, de sabotage et vol de tout genre. »
5

6 Je ne vais pas lire le reste du paragraphe. Il semblerait que la dernière


7 ligne ne soit pas ressortie sur nos photocopies. Donc, je vais passer au
8 début de la page suivante : « L’objectif à terme reste de maximiser
9 l’insécurité à l’intérieur de notre pays pour que l’opinion nationale ou
10 internationale en arrive à appeler au secours le FPR pour pacifier le
11 pays ».
12

13 Je vais à présent lire le début du troisième paragraphe :


14

15 « L’intensification des recrutements des jeunes combattants, tant au


16 Rwanda qu’au sein de la communauté rwandaise ou « rwandophone » de
17 l’extérieur du Rwanda, n’augure rien de bon de la part du FPR. »
18

19 Je ne voudrais pas revenir sur la liste qui apparaît, noms de personnes


20 recrues que je vais taire.
21 Q. En votre qualité d’expert et selon cette opinion, pensez-vous que ces
22 assertions et déclarations représentent le mode de pensée du pouvoir
23 militaire et cela, sous toutes ses formes à cette époque — s’entend
24 en septembre 1992 ?
25 R. Il y a eu des frictions parmi les militaires au sein du pouvoir. Et par souci
26 de gain de temps, je dirais que l’opinion de Gasana n’était pas partagée
27 par tous les autres, mais très certainement, cette analyse était une
28 analyse importante que beaucoup avaient menée avant. Il y a de cela
29 deux semaines, il était nécessaire de distribuer la définition de
30 l’« ennemi » car il y avait une crainte selon laquelle le FPR ne tenait pas
31 à la paix.
32

33 Je voudrais attirer l’attention de la Chambre sur un point important :


34 Gasana avait donné, à bon escient, donné l’appartenance ethnique de
35 ces personnes recrues — selon des sources dignes de foi, comme il est
36 écrit en page 2 —, en commune Kigembe et commune Muganza. Et je

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 22


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 vois ici au moins 16 noms qui sont pourvus d’une identification ethnique,
2 et sur ces noms-là, six sont hutus. Ce qui est assez surprenant, je dois
3 l’avouer, et assez important.
4

5 Mais ces communes se trouvent — je dois le dire — dans la partie sud du


6 pays. Et c’est là que vous avez les liens les plus proches entre Hutus et
7 Tutsis. C’est là qu’ils sont le plus proches. Les recrutements des autres
8 parties du pays n’auraient certainement pas produit autant de Hutus que
9 dans ce groupe précis.
10

11 En page 5, je voudrais attirer votre attention sur le sous-paragraphe D


12 qui, à mon sens, est une déclaration très importante, déclaration relative
13 à l’analyse du Service des renseignements militaires, les liens entre le
14 FPR et les personnes qui se trouvaient à l’époque au Zaïre.
15

16 Et il faudrait lire la dernière phrase du paragraphe D qui dit ou qui


17 commence sur la partie droite de la troisième ligne. Je vais lire : « Il y a
18 moyen d’intéresser les services zaïrois de sécurité de Bukavu et de
19 Goma et de les amener à harceler régulièrement les Inkotanyi, une façon
20 parmi tant d’autres d’affaiblir les Inyenzi au front ».
21

22 Ainsi donc, cela nous mène même au-delà des frontières rwandaises.
23 C’est une façon de dire que « nous devons nous allier les services
24 secrets zaïrois pour traquer, causer des problèmes aux Inkotanyi », c’est-
25 à-dire les Tutsis vivant au Zaïre, car c’est là une façon d’affaiblir la ligne
26 de front au sein du Rwanda.
27

28 Ainsi donc, il ne s’agit pas seulement de civils dans ce pays, « les Tutsis
29 à qui nous voulons causer des problèmes », mais également ceux qui
30 sont de l’autre côté de la frontière. C’est une déclaration très forte, à
31 mon sens.
32 Q. Docteur Des Forges, n’est-ce pas du devoir du Zaïre que d’éviter que son
33 pays soit utilisé comme base pour ce type d’action ? Nous en avons parlé
34 hier ; le Zaïre n’est-il pas tenu à cela ? Ces Inyenzi, ces Inkotanyi, toutes
35 ces personnes-là qui sont au Zaïre, « rwandophones », qui essayaient
36 d’attaquer le pays, le Zaïre n’est-il pas tenu à l’application des lois

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 23


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 internationales à cet effet ?


2 R. Hier, ce dont nous avons parlé, ce sont des populations réfugiées, tout
3 d’abord ; l’on n’a pas fait allusion aux personnes ici présentées comme
4 étant d’origine rwandaise ou des citoyens zaïrois qui appartiendraient au
5 groupe ethnique tutsi. Comme vous le savez, c’est là une question de
6 taille dans le conflit ethnique dans la zone.
7

8 Mais même si l’on devait dire qu’il incombe au Gouvernement zaïrois


9 d’aider les États voisins pour éviter toute activité militaire ou toute
10 ingérence militaire, si vous voyez le choix des mots ici, on ne dit pas que
11 l’on doive « amener nos partenaires zaïrois à arrêter ou à traquer toute
12 personne engagée dans un trafic quelconque », non ; ce qui se dit, ce
13 sont les services secrets, pas la police, et le système est bien structuré.
14

15 « Et nous devons les amener à harceler — « harceler » qui un terme très


16 fort en français — et pour leur créer des problèmes, c’est-à-dire les
17 persécuter ». Cela pour affaiblir la ligne de front du FPR.
18 Q. N’est-il pas vrai que le problème ici, c’est que l’Ouganda n’a pas accepté
19 de faire cela ? Peut-être que le Zaïre a accepté de le faire ; l’Ouganda n’a
20 pas arrêté le FPR ou, plutôt, les Inkotanyi, n’a pas pu les empêcher
21 d’utiliser son territoire comme base opérationnelle ? Si cela avait été
22 arrêté, peut-être que nous ne serions pas ici aujourd’hui ; n’est-ce pas ?
23 R. Il semblerait peu avisé pour des autorités gouvernementales que
24 d’essayer d’exhorter d’autres autorités gouvernementales hors de
25 « son » pays que de persécuter des personnes sur la base de leur
26 appartenance ethnique. C’est ce qui est dit ici. C’est un Inkotanyi, ce
27 qu’est un « Inkotanyi », c’est la personne d’origine tutsie.
28 Mme LE PRÉSIDENT :
29 Il s’agit là de spéculation ; n’est-ce pas ?
30 Me PHILPOT :
31 Oui, c’est la pure spéculation. Mais nous allons revenir à l’assertion
32 préliminaire : Les Tutsis au Zaïre.
33 Q. Vous avez dit que sur 16 recrues, six étaient hutues ; n’est-ce pas là le
34 reflet exact qui dit qu’ils étaient hutus… des Tutsis ? Mais il y avait
35 également des Hutus qui étaient mécontents et qui devaient jouer leur
36 rôle ici ; cela ne reflète-t-il pas un document logique d’autodéfense

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 24


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 autour de la guerre ?
2 Mme LE PRÉSIDENT :
3 Nous devrons peut-être tirer des conclusions directes, et cela au cours de
4 notre argumentaire.
5 Me PHILPOT :
6 Je vais passer au document suivant, en fin de page 1. Je vais vous lire le
7 paragraphe y afférent et cela, en français :
8

9 « D’une source généralement sûre, nous apprenons que le FPR, par le


10 biais de ses éléments infiltrés et de ses complices dans notre pays, est à
11 l’origine et se réjouit de la mauvaise situation engendrée dans notre
12 pays par diverses digressions et provocations.
13

14 Ces infiltrés et complices dans notre pays ont reçu l’ordre,


15 le 22 septembre 92, de multiplier les activités terroristes jusqu’au départ
16 définitif du Président Habyarimana, que ce soit avant ou après les
17 élections (inaudible). »
18 Je vais m’arrêter à ce niveau. Il semblerait que la dernière ligne ne soit
19 pas sortie complètement. Et je vais maintenant me tourner à la page 3 et
20 je vais m’y reporter, point n° 5… point n° 4 — plutôt :
21

22 « Le FPR intensifie la collecte de fonds et les recrutements aussi bien à


23 l’intérieur qu’à l’extérieur de notre pays. L’objectif de l’ennemi serait
24 d’atteindre l’effectif de 20 000 hommes, militairement bien formés, qui
25 seraient en mesure d’anéantir les FAR sans difficulté. »
26

27 Et enfin, en page 4… en fin de page 4 :


28

29 « Toute action ou propos de nature à aider directement ou indirectement


30 l’ennemi doit disparaître de nos habitudes et comportements. Mais étant
31 donné que la plupart des principaux partis politiques agréés dans notre
32 pays semblent infiltrés par l’ennemi, il est essentiel que cette
33 déontologie politique bénéficie d’une très large diffusion auprès de la
34 population. »
35

36 Et à la page suivante, paragraphe D :

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 25


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

2 « Que nos unités sur le terrain redoublent de vigilance, prêtes à parer à


3 toute attaque de l’ennemi. Elles doivent elles-mêmes opérer la
4 reconnaissance en profondeur dans les lignes ennemies, comme
5 l’ennemi le fait dans nos lignes, pour évaluer sa force de frappe et
6 essayer de persiste… de percer ses intentions par le biais de ses
7 mouvements de troupes et d’armement. »
8 Q. Du fait de l’ambiance telle qu’elle est décrite dans
9 ces deux correspondances et dans le texte, le document de Monsieur
10 Ruzibiza, n’est-il pas, donc, logique de dire que les populations
11 rwandaises sont préoccupées et effrayées par la situation de guerre et
12 l’infiltration du FPR ? Cela ne coule-t-il pas de source ?
13 R. En fait, l’on peut démontrer de façon suffisamment concrète, cela en se
14 référant à la presse et à la correspondance, que l’un des points qui
15 préoccupaient les populations du nord, c’est le peu d’intérêt des
16 populations du sud qui ne semblaient pas impliquées. Ça n’était pas leur
17 guerre, en fait, pensaient-ils.
18

19 Et l’un de ces problèmes a émergé à un moment donné car le


20 gouvernement de Nsengiyaremye ne voulait autoriser aucune des
21 populations déplacées de fuir le sud de la rivière Nyabarongo ; et cela a
22 donc mené à nombre d’accusations de la part du sud — de la part du
23 sud.
24

25 Et ces populations du sud ont même dit : « C’est la guerre du nord, ça


26 n’est pas la nôtre, nous ne sommes pas impliquées », et cela, jusqu’au
27 discours très connu du Président Sindikubwabo. Et il a dit : « Nous ne
28 sommes pas concernés. Pourquoi dites-vous cela ? Nous allons vous
29 amener à vous sentir concernés par cette guerre ».
30

31 Et l’hypothèse que vous faites quant à ce qui serait la source principale


32 de préoccupation, je pense que cela n’est pas corroboré par les faits. Les
33 personnes étaient préoccupées quant à l’insécurité croissante, les
34 crimes, les soldats qui désertaient, qui prenaient les armes et qui étaient
35 impliqués dans les pillages, les mines, les bombes, mais « ils » ne
36 reliaient pas toujours cela aux activités du FPR.

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 26


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

2 Vous avez lu un passage qui, à mon sens, est un passage d’une


3 importance capitale, en fin de
4 page 4, sur les partis politiques. C’était là, en fait, le comportement du
5 MRND pour dire que les autres partis de l’opposition sont tous des
6 infiltrés, ce sont tous des outils du FPR.
7

8 Et c’est ce qui est également dit dans le document qui définit l’ennemi :
9 « Oui, nous sommes en faveur des partis politiques, mais pas ceux-là
10 mêmes qui ont des accointances avec l’ennemi ». L’on fait donc la
11 différence entre l’opposition politique interne et le FPR, une équation qui
12 n’était pas forcément valide et valable.
13

14 Vous avez lu un autre passage, le paragraphe D, en page 5. Je voudrais


15 attirer votre attention sur la deuxième phrase que vous avez lue : « Nos
16 unités, « ils » doivent redoubler de vigilance et opérer la reconnaissance
17 en profondeur dans les lignes ennemies, comme l’ennemi… »
18

19 Oui, il y a des activités de renseignements qui sont exécutés


20 des deux côtés de la frontière, et Gasana pense que c’est là une façon
21 normale de mener la guerre.
22

23 Et ensuite en page 7, si vous vous y reportez, le deuxième paragraphe à


24 partir de la fin, il y a des informations très intéressantes sur Butare. Je
25 pense que la Chambre doit être informée de cela, à mon sens.
26

27 Je commence donc la lecture du deuxième paragraphe : « D’autres


28 infiltrations massives sont signalées dans la préfecture de Butare. Une
29 source qui (inaudible), analyse cette préfecture et conclut qu’elle
30 constitue un tremplin pour l’ennemi ».
31

32 Pourquoi donc — pourquoi donc — cela est un tremplin pour l’ennemi ?


33

34 « Cette source relate que cette préfecture, et surtout la ville de Butare,


35 compte beaucoup de Tutsis — beaucoup de Tutsis — et ceux,
36 socialement, qui ont asservi les Hutus, en commençant par les autorités

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 27


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 afin que tous leurs désirs soient instantanément exaucés. »


2

3 Donc, là, Butare est singularisé comme étant un tremplin de l’ennemi où


4 il y a beaucoup d’infiltrations. En octobre 1990, il n’y a pas d’infiltration à
5 Butare, on parle d’infiltrations massives, pourquoi ? Parce que — dit la
6 source —, c’est une région où il y a des Tutsis aisés qui ont asservi les
7 Hutus. Ils ont introduit les Hutus dans leur clientèle et, donc, ils
8 obtiennent ce qu’ils veulent.
9

10 Donc, ce que nous avons ici, c’est une référence indirecte au préfet
11 récemment nommé de Butare et qui était le seul préfet tutsi du pays et
12 dont le renvoi ou la révocation le 19 avril est le détonateur du génocide,
13 parce qu’il a protégé des gens dans sa préfecture, pas à cent pour cent,
14 mais de façon très efficace, toute chose étant égale par ailleurs. Sans
15 cette protection, les tueries auraient commencé plus tôt à Butare.
16

17 (Pages 1 à 22 prises et transcrites par Pius Onana, s.o.)


18

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2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 28


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2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 29


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1 Mme LE PRÉSIDENT :
2 Q. Et quand a-t-il été révoqué ?
3 Mme DES FORGES :
4 R. Sa révocation a été annoncée à la radio nationale le 18 avril... non... le
5 17 avril, c’était un dimanche, et le renvoi effectif et la cérémonie de
6 passation de pouvoir a eu lieu le 19 avril.
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Je vous remercie.
9 Me PHILPOT :
10 Q. Voulez-vous dire, Madame Des Forges, qu’il n’y a pas eu d’infiltration du
11 FPR au sud du Rwanda.... dans le sud du Rwanda — pardon — en octobre
12 1990 ?
13 R. Non, je voudrais dire qu’il y avait des infiltrations massives. C’est une
14 représentation inexacte de la situation. Donc, l’accent ici est mis sur
15 cette région parce que c’est une région essentiellement habitée par les
16 Tutsis. Et si vous regardez vers le bas de la page, le troisième tiret à
17 partir du bas, vous allez également voir une référence à une région qui
18 est classée en raison de la densité de population tutsie : La forte densité
19 de la population tutsie.
20 Q. Vous avez dit que Monsieur Gasana disait que les partis politiques
21 avaient été infiltrés. N’est-il pas vrai que, trois mois avant, à Bruxelles,
22 au cours d’un week-end vers le 29 mai… entre le 29 mai et le 2 juin
23 1992, tous les partis politiques, en dehors du MRND et de la CDR, se sont
24 rencontrés avec le FPR, et ont signé un pacte en vue de travailler
25 ensemble, n’est-ce pas vrai ?
26 R. Non. À l’époque, je crois qu’il y avait 16 partis politiques reconnus au
27 Rwanda et trois d’entre eux, les trois plus grands partis de l’opposition,
28 opposés au MRND ont effectivement signé un accord avec le FPR en vue
29 d’œuvrer ensemble, en vue de renverser le Gouvernement
30 d’Habyarimana. Mais en ce qui me concerne, cela ne prouve pas une
31 quelconque infiltration. Cela est la preuve d’une réflexion indépendante
32 et de la reconnaissance d’un intérêt commun.
33 Q. N’est-il pas vrai que le FPR a accepté de ne pas rendre les armes au
34 cours de cette réunion, réunion à laquelle cet accord a été signé ? Et
35 c’était l’une des clauses de l’accord ?
36 R. Je pense qu’il faudrait avoir un exemplaire de l’accord si vous devez

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 23


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 rentrer dans les détails.


2 Q. Je vous demande si le FPR n’a pas accepté de déposer les armes ?
3 R. Je serais surprise si le FPR l’avait accepté. En fait, c’était le début des
4 négociations et la détermination d’amener le MRND à négocier avec le
5 FPR. Je ne pense pas avoir souvenance que le FPR ait dit de ne pas
6 poursuivre l’action militaire.
7 Q. N’est-il pas vrai que ces partis ont dit que nous allons... qu’ils allaient
8 discuter avec le FPR si celui-ci devenait démocratique et abandonnait les
9 activités militaires, n’est-ce pas vrai ?
10 R. À ce que je sache, c’était un accord minutieusement ficelé sur la
11 coopération. Ce qui est exact de dire, c’est qu’indépendamment de ce
12 qui était dit sur le papier, ces personnes ont pris langue avec le FPR. En
13 fait, elles estimaient qu’elles avaient été trahies par l’avancée militaire
14 du FPR dans les jours qui ont suivi immédiatement.
15 Q. Donc, ce sentiment de trahison, cela est exact ?
16 R. Je ne sais pas s’il s’agit d’une trahison par rapport à ce qui avait été
17 consigné sur le papier. Ça, je ne saurais le dire.
18 Me PHILPOT :
19 Je n’ai plus d’autres questions.
20 Mme LE PRÉSIDENT :
21 Je vous remercie.
22

23 Interrogatoire complémentaire ?
24

25 Maître Philpot, est-ce que vous devez verser des pièces aux débats ?
26 Me PHILPOT :
27 Je m’excuse, Madame le Président. J’ai ces documents ici. Je vais verser
28 aux débats les deux documents comme pièces à conviction à décharge
29 numéros 35 et 36. Donc...
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Ce sont ces deux documents ?
32 Me PHILPOT :
33 J’ai des copies pour vous.
34 Mme LE PRÉSIDENT :
35 Oui, mais il faudrait que nous ayons des cotes.
36 Mme ZULPHUR-MHINA :

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 24


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 C’est « D.28 »... « D. 28 » et « D.29 ».


2 M. LE JUGE MUTHOGA :
3 Le « D. 28 », c’est lequel ?
4 Mme ZULPHUR-MHINA :
5 Le « D. 28 », c’est le numéro 35 et le « D. 29 », c’est le document n° 36.
6

7 (Admission des pièces à conviction D. 28 et D. 29)


8

9 Me PHILPOT :
10 Non, je ne vais pas déposer cela. Il y a également le compte rendu qui
11 reflète l’état de nos discussions.
12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 Veuillez poursuivre, Madame le Procureur.
14 Me PHILPOT :
15 Désolé, j’ai des exemplaires que je vous ai remis. Est-ce que vous les
16 avez encore, Madame du Greffe ?
17 D’accord. Merci.

19 INTERROGATOIRE SUPPLÉMENTAIRE
20 PAR Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Q. Madame Des Forges, aujourd’hui, vous avez examiné la répartition des
22 postes ministériels au cours de l’ère Habyarimana, à partir de 1987, je
23 crois. Pouvez-vous dire à la Chambre si cette répartition indiquait que les
24 régions avaient voix au chapitre ou cela indiquait le niveau de pouvoir
25 exercé par une région précise ?
26 Mme DES FORGES :
27 R. Dans une certaine mesure, cela reflétait le pouvoir détenu par une
28 certaine région. Comme vous pouvez le voir, Gisenyi avait trois à quatre
29 fois plus de ministres au cours de cette période que les autres
30 préfectures, mais ici, je devrais insister sur le fait que nous avons affaire
31 à une structure institutionnelle et ce n’était pas le seul lieu de pouvoir.
32 Donc, en dehors du contrôle des ministères, il y avait le contrôle du reste
33 du réseau sociopolitique qui sous-tendait les ministères.
34 Q. Vous avez parlé de Filip Reyntjens qui a également donné des indications
35 sur la répartition des projets socio-économiques. Je ne sais pas à quel
36 ouvrage vous faisiez allusion.

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 25


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 R. Je crois qu'il s'agit de l'ouvrage intitulé Les crises politiques des Grands
2 Lacs. Je ne suis pas très certaine quant au titre, mais je pense que c’est
3 un document ou un livre qui a été publié en 1994, je crois.
4 Q. Je n'ai pas copie de cet ouvrage, mais est-ce que vous vous rappelez ce
5 que Filip Reyntjens a présenté comme répartition et dites à la Chambre
6 si vous êtes d'accord avec cela ?
7 R. Je me souviens que son analyse statistique a été minutieuse. Je regrette
8 de ne pas être en mesure de la présenter à la Chambre parce que je n'ai
9 pas pu retrouver copie de cela. D’après ce que j’ai fait, cela montrait que
10 les projets économiques et l’aide extérieure dont bénéficiait le pays
11 étaient alloués de manière disproportionnelle à Gisenyi et à la région du
12 Nord. Cela représentait un tiers ou 50 % de l'aide. Donc, cette région
13 bénéficiait d'un tiers ou de la moitié de ces financements.
14

15 Et je le dis sans avoir cette source d'information sous les yeux. Mais ce
16 qui était clair, c’est que c'était disproportionné et son analyse rejoint
17 celle de René Lemarsha (Phon.) qui a également fait des études… C'est
18 également la conclusion de Peter Oven (Phon.) qui est un savant reconnu
19 dans ce domaine. C'est également la conclusion d’André Guichaoua.
20

21 Donc, je dirais que c'est un fait très bien établi. Il ne s'agit pas d'une
22 question de perception. La question de perception qui a été soulevée par
23 la Chambre est importante, mais c'est une perception qui a été établie
24 par les travaux faits par des chercheurs.
25 Q. En ce qui concerne Gisenyi et Ruhengeri, est-ce… quelle est la
26 répartition par rapport aux autres régions ?
27 R. Comme je l'ai dit, la seule source statistique qui a fait cette analyse, c'est
28 le travail de Reyntjens. Je me souviens que c’est dans l'ordre d'un tiers à
29 40 % dont cette région bénéficie.
30 Q. Vous avez dit tantôt qu'il y avait un préfet tutsi de 1900… à partir de
31 1992. Pendant le règne d’Habyarimana, connaissez-vous un autre préfet
32 ou d'autres préfets d'ethnie tutsie à partir de 1989, par exemple ?
33 R. Il y avait Monsieur Nshigirinyika (Phon.) dont je ne suis pas sûre de
34 l'origine ethnique, mais qui avait été attaqué au cours du génocide en
35 tant que Tutsi. Je pense que ses enfants ont été tués. Ses enfants ont été
36 interpellés à la RTLM, et ils ont été tués. La RTLM a félicité ceux qui les

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 26


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 avaient tués.
2

3 Il était préfet à un moment donné. Je pense qu'il a été renvoyé en


4 octobre ou en novembre 1990. C'est le seul nom qui me vient à l'esprit
5 en ce moment. Je n'ai pas essayé de faire une vérification systématique,
6 mais je sais qu’en général, il y avait toujours un ministre tutsi. En ce qui
7 concerne les préfets, c'était inhabituel. Et dans la période de guerre, il
8 n'y avait pas de préfet tutsi jusqu'à la nomination d’un préfet tutsi à
9 Butare.
10 Q. Hier, en réponse à une question du Conseil de la défense, vous avez dit
11 que les dirigeants politiques épousaient des Tutsis aussi bien pendant la
12 première que pendant la deuxième République ; est-ce que vous pouvez
13 préciser votre pensée ?
14 Mme LE PRÉSIDENT :
15 Q. Est-ce que c'était un phénomène ou bien c'était tout simplement le
16 hasard ?
17 R. Non, ce n'était pas le hasard.
18 Mme LE JUGE KHAN :
19 Q. C'était peut-être la beauté qui le déterminait.
20 R. Honorables Juges, je pense les sociologues ou les psychosociologues sont
21 mieux placés pour discuter de la question, mais nous savons que l'élite
22 représente certaines normes. Je sais qu’il y a des travaux qui ont été
23 faits aux États-Unis où des Africains américains préféraient… à un
24 moment donné, les enfants des Africains américains préféraient épouser
25 une femme avec de longs cheveux parce que cela représentait le
26 symbole de la beauté, les gens qu’ils voyaient à la télévision. Donc, ce
27 n'est pas un phénomène exclusif au Rwanda.
28

29 En raison de l'impact très puissant de l’aristocratie tutsie sur la vie


30 politique avant et pendant la période coloniale, les femmes tutsies ont
31 donc été le symbole de la beauté. Les dirigeants politiques et militaires,
32 même après la chute du pouvoir tutsi, considéraient toujours les femmes
33 tutsies comme un objet désirable qu'il fallait avoir en sa possession.
34

35 En fin de compte, il y a eu une suite surprenante de ce type de mariages,


36 des autorités qui épousaient des femmes tutsies. Cela est devenu un

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 27


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 problème après 1990, surtout dans l'armée, parce qu'il


2 y avait un certain nombre d'officiers militaires qui étaient mariés à des
3 Tutsis ou avaient des maîtresses tutsies.
4

5 Donc, c'était un problème de telle sorte que les Dix commandements des
6 Hutus qui étaient une propagande importante en 1990, je crois sur les
7 10, il y avait quatre qui ont renvoyé leurs femmes tutsies. Et
8 manifestement, le lien avec des femmes tutsies devait être aboli et
9 interdit.
10 Mme KAGWI-NDUNGU :
11 Q. Hier, on vous a posé une question sur une affaire contre l’Accusé par Aid
12 Nassour, et vous avez dit que la Chambre était au courant de cette
13 affaire. Vous avez également… Avant de rappeler votre déclaration, que
14 dites-vous de cette affaire en ce qui concerne le fonctionnement de
15 l’Akazu ?
16 R. Je me rappelle que la question était de savoir si un citoyen ordinaire
17 pouvait gagner un procès ou engager des poursuites contre un membre
18 de l'Akazu. J'ai dit que s'il y avait un membre puissant de l’Akazu qui
19 soutenait cette personne ordinaire, cela pouvait être le cas parce que
20 aucun groupe n'existe sans conflit interne. Donc, lorsqu’il y a des
21 divisions au niveau du sommet, on utilise les gens de la base pour
22 donner des coups bas.
23 Q. Est-ce que vous connaissez le fonctionnement interne surtout
24 relativement à ce procès ? Est-ce que vous pouvez nous donner votre
25 opinion d'expert sur ce point ?
26 R. Je ne me souviens pas des détails, mais je sais que cela avait trait à des
27 obligations financières d'une partie. Je pense que les institutions
28 financières qui ont garanti ces différentes transactions financières,
29 c'était la banque dirigée par le pasteur Musabe qui était le frère du
30 colonel Bagosora et un membre influent de l'Akazu.
31

32 Je crois avoir compris qu'il y avait un conflit entre Monsieur Zigiranyirazo


33 et Monsieur Musabe. Je crois donc que cette personne a pu entreprendre
34 ces actions parce qu'elle bénéficiait de la protection de Musabe.
35 Q. Hier, en réponse à une question sur l'Akazu…
36 Mme LE PRÉSIDENT :

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 28


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 Q. Une question : Le pasteur Musabe dirigeait la banque en même temps


2 que l'autre personne dont l'interprète n'a pas entendu le nom ?
3 R. Je ne peux pas expliquer pourquoi cela a été mentionné, pourquoi on a
4 mis ces deux noms ensemble parce que, à mon avis, cela n'a pas de
5 sens.
6 Q. Qu'ils étaient tous deux directeurs ou administrateurs de la banque ?
7 R. Non, l’autre c'était le troisième nom de ce bloc. Pourquoi on a choisi de
8 mettre trois noms dans un bloc ? Je n'en sais rien. Mais Musabe était le
9 patron de Baka (Phon.).
10 Mme KAGWI-NDUNGU :
11 Q. Hier, en réponse à une question cherchant à savoir si l'Akazu était dans
12 un comité politique après l’attentat contre l’avion présidentiel de
13 Habyarimana, vous avez parlé d'une réunion dans la nuit du
14 6, est-ce que vous pouvez élucider ce point ?
15 R. D’après deux sources indépendantes…
16 Me PHILPOT :
17 Objection. Cette réunion n'est pas mentionnée dans l'Acte d'accusation.
18 Cet élément ne concerne pas du tout le procès intenté contre mon client.
19 Il y a une décision de la Chambre du 30 septembre 2004 excluant tout
20 élément de preuve par rapport à cette réunion.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Madame le Président, nous ne posons pas la question pour prouver
23 l'existence de la réunion, nous avons affaire à un témoin expert. Nous
24 parlons de la base de pouvoir de l'Accusé. Et cette question a été
25 évoquée deux fois, je voudrais donc que le témoin nous donne des
26 explications à ce sujet.
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 Objection rejetée.
29 R. À ma connaissance, il y a trois sources d'information sur cette réunion. Il
30 y a une source qui est très fragmentaire par une personne qui avait été
31 distraite, qui n'était pas un bon observateur.
32 Mme LE JUGE KHAN :
33 Q. Madame Des Forges, avant de répondre, est-ce que les membres de
34 l'Akazu étaient aussi présents à cette réunion ?
35 R. Madame le Juge, la réunion dont nous parlons, et j’ai dit, si on qualifierait
36 cela de réunion en tant que telle, c'était une rencontre d'amis et de

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 29


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 membres de la famille au domicile du Président Habyarimana dans la


2 nuit au cours de laquelle l'avion a été abattu, et au cours des premières
3 heures du jour suivant, lorsque les gens sont venus présenter leurs
4 condoléances à la famille.
5 Q. Donc, ce n'était pas une réunion en tant que telle.
6 R. Non, ce n'était pas une réunion formelle, c’était un rassemblement de
7 personnes. Et d'après trois sources, la discussion ne s’est pas limitée à la
8 présentation des condoléances mais portait sur des points concernant
9 l'avenir immédiat y compris au plan politique. Et en ce sens, on pourrait
10 qualifier cette rencontre de réunion politique. Les sources d'information,
11 comme je l’ai dit, la première est fragmentaire et on pourrait peut-être
12 l'exploiter davantage, les deux autres sources sont des personnes qui ne
13 sont plus en vie. Mais il s'agit de sources indépendantes, l’information a
14 été recueillie de manière indépendante.
15

16 Et il y a un point qui est commun à toutes ces sources, c'est le fait qu'il y
17 a eu des discussions sur des questions politiques, ça nous le savons.
18 Avec beaucoup de certitudes, nous pouvons dire que la famille ne s’est
19 pas limitée au deuil ou au chagrin, mais la famille s'est dite « que
20 faisons-nous maintenant ? »
21

22 Les personnes qui étaient présentes y compris certainement la veuve,


23 Madame Habyarimana, c'est-à-dire Agathe Kanziga, plusieurs des
24 enfants, et il y avait les membres de la famille immédiate et de la famille
25 des personnes qui étaient à bord de l'avion abattu dont les membres de
26 le famille des officiers militaires.
27 Q. Qu'en est-il des membres du Gouvernement ? Est-ce qu'ils étaient aussi
28 présents à cette rencontre ?
29 R. À ce que je sache, Honorables Juges, il ne me souvient pas qu'un
30 ministre quelconque ait été présent. Le pasteur Musabe était présent.
31 D'après une source, Monsieur Zigiranyirazo était présent. Je ne sais pas
32 si d'autres sources le confirment.
33

34 Comme je l'ai dit, il y a une source qui est très fragmentaire. Et il y a eu


35 beaucoup de colère qui a été exprimée, cela ne nous surprend pas,
36 vis-à-vis des personnes responsables de la mort du Président, le colonel

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 30


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 Segatwa et bien d'autres.


2 Mme LE PRÉSIDENT :
3 Q. Est-ce que le colonel Bagosora était présent ?
4 R. Madame le Président, je crois que le colonel Bagosora a indiqué être
5 passé par là de manière très brève, mais le moment exact est
6 problématique.
7 M. LE JUGE MUTHOGA :
8 Q. Était-ce après l'attentat contre l'avion présidentiel, c'est-à-dire au cours
9 de la nuit du 6 ?
10 R. La nuit du 6 au 7 jusqu'aux premières heures du matin. À un moment
11 comme celui-là, personne ne prend des notes et personne ne se
12 préoccupe de l’heure qu'il est, c’était un climat de crise, de colère et de
13 chagrin, ce qui se comprend aisément.
14

15 D'après un témoin, Monsieur Zigiranyirazo était l'un de ceux qui ont


16 exprimé leur détermination à tuer les Tutsis en représailles contre
17 l'attentat contre l’avion présidentiel. Madame Habyarimana a également
18 exprimé ce sentiment, je pense que l'un de ses enfants également l’a
19 fait.
20 Mme LE JUGE KHAN :
21 Q. Quand est-ce que la famille du Président défunt a-t-elle quitté le pays ?
22 R. Honorables Juges, certains membres de la famille sont partis le 9, oui, le
23 9.
24 Q. Y compris Madame Habyarimana ?
25 R. Oui.
26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 Q. Vous avez parlé d'un officier militaire, est-ce que vous connaissez les
28 noms d'autres officiers militaires présents, si vous en avez souvenance ?
29 R. Je crois que le major Ntabakuze était là à un moment donné, mais il
30 faudrait que je puisse me rafraîchir la mémoire. J'hésite un peu sur les
31 noms lorsque je ne suis pas sûre. Il faudrait donc que je consulte mes
32 notes et que je puisse regarder cette information avant de me
33 prononcer.
34 Mme LE PRÉSIDENT :
35 Est-ce que vous avez plus de cinq minutes… vous en avez pour plus de
36 cinq minutes ? Est-ce qu'il faudrait que nous observions la pause

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 31


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 maintenant ou vous en avez encore pour quelque temps ?


2

3 Mme KAGWI-NDUNGU :
4 En fait, j'en ai juste pour quelques minutes. Je suis sur le point de
5 conclure.
6 Q. Pendant le contre-interrogatoire, on vous a posé des questions sur un
7 document définissant l’ennemi, vous avez parlé d’un communiqué de la
8 CDR qui a été publié à l'époque. Est-ce que vous êtes en mesure de
9 reconnaître ce document ?
10

11 Je vais vous remettre une copie et j’en ai davantage pour les autres. À
12 l'envers du document, vous avez l'original en kinyarwanda et puis vous
13 avez la traduction.
14 Mme LE PRÉSIDENT :
15 Est-ce que vous comptez verser ce document aux débats ? J'ai
16 également une question pour les parties.
17 Mme KAGWI-NDUNGU :
18 L'enregistrement de l’interview avec Jean Kambanda.
19 Mme LE PRÉSIDENT :
20 Est-ce que cela devrait être une pièce du dossier ?
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 J'ai déjà versé ce document comme pièce à conviction à charge.
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 Je ne sais pas si le Greffe est au courant de cela.
25 Me PHILPOT :
26 Je suis d'accord avec ma collègue. À mon entendement, au début, cette
27 pièce devait être déposée. Je n’ai pas de copie du document « la CDR »,
28 soit dit en passant.
29 Mme LE PRÉSIDENT :
30 Et avez-vous une cote pour ce document ?
31 Mme KAGWI-NDUNGU :
32 Je pense que c’était « P. 50 » ou « P. 51 ».
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Madame Ntilatwa, est-ce que vous pouvez le vérifier ?
35 M. LE JUGE MUTHOGA :
36 Ce document-ci, c'est sous quelle cote, Madame la Représentante du

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 32


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 Greffe ?
2 Mme NTILATWA :
3 « P. 53 ».
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 Dites-nous si ce document a une cote et donnez-nous la cote.
6 Celui-ci est « P. 51 » (sic).
7

8 (Admission de la pièce à conviction P. 53)


9 Me PHILPOT :
10 Je veux faire objection relativement à ce document et je le ferai avec
11 humilité parce que je peux me tromper. Je ne vois pas si ce document
12 est… je ne sais pas si ce document est sorti du contre-interrogatoire ; si
13 tel est le cas, je m'excuse.
14 Mme KAGWI-NDUNGU :
15 Nous parlions du document relatif à la définition de l’ennemi. Et le
16 témoin a dit que la CDR avait produit un document sur celui portant
17 définition de l'ennemi.
18 Me PHILPOT :
19 Je retire mon objection.
20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Q. Docteur Des Forges, connaissez-vous ce document ?
22 R. Oui.
23 Q. Que pouvez-vous dire à la Chambre concernant la relation entre ce
24 document et le document définissant l'ennemi ?
25 R. Ce document est la suite des différentes accusations formulées dans le
26 document définissant l'ennemi, que certaines personnes facilitaient le
27 recrutement des combattants du FPR en encouragent leurs enfants à
28 aller rejoindre les rangs du FPR.
29

30 Et il y a un autre document qui parlait de la collaboration avec le FPR,


31 son importance c'est que les personnes citées sont des Tutsis. Et j'ai pu
32 faire cette analyse, et la plupart des personnes citées sont des Tutsis. Et
33 certains avaient été cités nommément dans ce document définissant
34 l'ennemi.
35

36 Les deux premières pages… Un autre point important relatif à ce

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 33


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 document, et à chaque fois que je le lis, je retrouve ce point, c'est


2 l'accent mis sur deux choses :
3

4 Premièrement, la majorité de la population. Nous sommes la majorité,


5 nous avons besoin d'un contrôle accru.
6

7 Et deuxièmement, l’encouragement donné aux populations ordinaires de


8 se saisir de la guerre.
9

10 Dans le discours de Mugesera, deux semaines après cela, ces deux


11 personnes ou les mêmes personnes… la majorité des membres de ce
12 Gouvernement sont dans les mains de l'ennemi, et le Gouvernement doit
13 contrôler la vie de ces personnes.
14 Me PHILPOT :
15 Je me dois de faire une objection concernant l'interprétation, pas
16 l’interprétation, mais ce qui est dit.
17

18 (Conciliabule entre les Juges)


19 Si vous avez des petits trucs à régler, ça va, allez-y.
20 Mme LE PRÉSIDENT :
21 Je m'excuse.
22 Me PHILPOT :
23 Je fais objection à ce document… à ce que ce document soit versé… soit
24 produit à ce stade et à ce moment sans la moindre traduction, la raison
25 étant que le témoin expert a dit que les gens doivent prendre les choses
26 dans leurs mains : « La CDR, encore une fois, demande au chef de l'État
27 de revoir la question et de prendre des mesures ».
28

29 Ce que l'expert est en train de faire, c’est de donner une fausse


30 traduction de ce document alors qu'il a été demandé au Gouvernement
31 de prendre des mesures et non pas la population.
32 M. LE JUGE MUTHOGA :
33 La Chambre demande à ce que l'on nous donne une traduction officielle
34 de ce document.
35 R. Ce que nous pouvons faire, c’est de donner lecture du document, de
36 cette portion en français et que les interprètes nous donnent la

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 34


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 traduction officielle.
2 Mme LE PRÉSIDENT :
3 L'original c'est le document en français ?
4 Mme KAGWI-NDUNGU :
5 L’original c’est le kinyarwanda, mais la traduction que nous avons est
6 une traduction française… la traduction que nous avons est une
7 traduction officielle par le Tribunal, la Section des services linguistiques
8 du TPIR.
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Mais l'original est en kinyarwanda. Pourquoi est-ce que les interprètes
11 kinyarwanda ne peuvent pas nous le traduire ? Nous pouvons donner un
12 exemplaire aux interprètes de langue kinyarwanda. On peut lire le
13 document en kinyarwanda puis nous aurons la traduction en français et
14 en anglais.
15 Me PHILPOT :
16 Mon objection est que cette affirmation faite par le témoin, ce sont des
17 Tutsis, je l’ai déjà parcouru, cela m'a obsédé, mais je ne peux pas dire s'il
18 s'agit de Tutsis. Je peux le relire pour dire qu’environ la moitié des
19 membres du Gouvernement était des Hutus. C’est une façon… C'est une
20 façon légère de traiter de ce document.
21 M. LE JUGE MUTHOGA :
22 C'est une question de preuve, si vous n'êtes pas d'accord avec
23 l'interprétation faite par Madame
24 Des Forges que la majorité était des Tutsis… des Hutus, si vous n'êtes
25 pas d'accord, vous pouvez apporter des preuves et expliciter votre
26 position.
27 Me PHILPOT :
28 Je suis d'accord qu'il s'agit d'une question de preuve, mais lorsqu’un
29 témoin me dit que « j’ai dit un mot mais je ne m’en rappelle
30 maintenant », lorsque le témoin dit que maintenant je ne sais plus, je
31 suis d'accord avec vous qu’il s'agit d'une question de preuve, mais que je
32 peux revenir à la charge et donner une réponse.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Vous pouvez être en désaccord avec ce que le témoin a dit, mais vous ne
35 pouvez pas donner un… remplacer ce que le témoin a dit, comme ça,
36 vous aurez l’occasion d'en parler à un moment ultérieur.

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 35


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

2 (L’interprète kinyarwanda vient donner la lecture du texte en kinyarwanda)


3

4 Est-ce qu’on peut donner une chaise à l'interprète de langue


5 kinyarwanda qui va donner lecture de ce document ?
6

7 (Le greffier d’audience s’exécute)


8

9 Mme KAGWI-NDUNGU :
10 Q. Docteur Des Forges, vous allez surligner le passage en français pour qu'il
11 s’y retrouve en kinyarwanda ?
12 L'INTERPRÈTE KINYARWANDA-FRANÇAIS :
13 « La CDR lance un appel à la population de demeurer vigilante étant
14 donné que le Gouvernement actuel ne se préoccupe point de cette
15 question. Étant donné que la majorité au sein du Gouvernement travaille
16 avec ces Inyenzi-Inkotanyi, il est par conséquent nécessaire que la
17 population elle-même garde un œil ou ait à l’œil ces personnes. Ils
18 doivent suivre les mouvements de ces
19 gens-là.
20

21 La CDR met en garde, encore une fois, le Gouvernement et le chef de


22 l’État qu’ils doivent accorder une attention particulière à ce problème et
23 prendre des mesures sévères contre les traîtres sinon, ils sont avertis
24 que la majorité de la population ne saurait plus tolérer un telle situation,
25 un ennemi est un ennemi. Celui qui apporte son soutien à l’ennemi est
26 l’ennemi du Rwanda ».
27 Mme KAGWI-NDUNGU :
28 Madame le Président, Madame, Monsieur les Juges, voilà ce que je
29 voudrais ajouter à ce document. Voilà, j'en ai fini.
30 Me PHILPOT :
31 Je voudrais demander, officiellement, qu'on nous donne une traduction
32 officielle en français et en anglais. La traduction en langue française est
33 différente de ce que le monsieur a indiqué, le dernier paragraphe : «…
34 contrôle le fonctionnement et la vie de ces gens ». Ce n'est pas ce qui
35 est déclaré.
36

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 36


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 Et je déclare ou je demande que l'on puisse faire une traduction officielle


2 à partir du kinyarwanda en anglais et en français.
3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Madame Ntilatwa.
5 Mme NTILATWA :
6 Excusez-moi, Madame le Président ?
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Nous demandons une nouvelle traduction de ce document de langue
9 kinyarwanda en français et en anglais.
10 Mme KAGWI-NDUNGU :
11 Le document P. 53.
12 Q. Je vais demander au témoin expert de faire son dernier commentaire sur
13 ce dernier document puis j’aurais terminé.
14 Mme LE PRÉSIDENT :
15 Allez-y.
16 R. La phrase qui a été lue du dernier paragraphe « Rwanda… La majorité de
17 la population ». Et la question de traduction est éminemment importante
18 ici, mais l'essence de ce document et ce que cela voulait dire à l'époque,
19 c'est un appel lancé à la majorité de la population pour qu’elle-même se
20 substitue à l’autorité dûment constituée, « s’ils » estiment que cette
21 autorité ne défend pas le pays comme « ils » souhaiteraient le faire.
22 Donc, c'est un appel qui leur est lancé de se substituer à l'autorité
23 légalement établie, et c’est ce qui a conduit au génocide.
24 Mme LE JUGE KHAN :
25 Q. Docteur des Forges, qu'est-ce qui est arrivé à ces personnes
26 mentionnées dans ce document ?
27 Est-ce qu’ils ont été impliqués dans le génocide ?
28 R. Certains oui, d'autres pas. Ndasingwa est le ministre tutsi, c'est lui… l’un
29 des Tutsis… de ministres tutsis qui ont été tués pendant les premières
30 heures. Charles Chamakucuga (Phon.) a été tué. Je dois procéder à une
31 vérification. Vous le saurez comme le Conseil de la défense l’a si bien dit,
32 la troisième liste concerne le fait que les dirigeants politiques ont été
33 critiqués et il s'agit essentiellement de Tutsis y compris certains qui sont
34 membres du Gouvernement et qui se sont séparés du Gouvernement et
35 ont constitué l'aile Power. Et certaines de ces personnes sont passées à
36 la mouvance présidentielle, c'est-à-dire ceux qui soutenaient le Président

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 37


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 Habyarimana.
2 Q. Est-ce que vous avez vérifié quant à savoir qui étaient ceux qui ont tués
3 les personnes
4 sus-mentionnées ?
5 R. Madame le Juge, dans certains cas, nous savons qu'ils étaient membres
6 des Forces armées rwandaises tandis que dans d'autres cas, il s'agit des
7 milices.
8 Mme LE PRÉSIDENT :
9 Je vous remercie sincèrement, Docteur Des Forges. Voilà, nous sommes
10 arrivés à la fin de votre déposition d'une semaine et demie.
11

12 (Le témoin, Madame Des Forges se retire du prétoire)


13

14 Nous allons observer une pause de 30 minutes afin de régler certaines


15 questions d’intendance.
16

17 Et je crois comprendre également qu’il a été suggéré que nous puissions


18 organiser une conférence de mise en état cet après-midi. Nous pouvons
19 lever l’audience maintenant et organiser la question de mise en état
20 (sic) cet après-midi. Bien sûr, s'il n'y a rien d'autre en suspens. Et si… Par
21 exemple ce document qu'il fallait traduire, ce n'est pas quelque chose
22 que nous pouvons régler maintenant.
23 Me PHILPOT :
24 En ce qui concerne la conférence de mise en état, compte tenu de la
25 suite des événements, mon Coconseil va partir ce soir, nous avons un
26 certain nombre de choses à régler. Nous avions commencé depuis
27 l’année dernière et nous pensions finir aujourd’hui. Est-ce que nous
28 pouvons avoir la conférence de mise en état autour de 12 heures pour
29 que, nous, de notre côté, nous ayons suffisamment de temps ?
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Nous devons vérifier avec Monsieur Rapp qui lui aussi souhaiterait
32 participer à cette conférence de mise en état. Nous allons lever
33 l'audience pour voir si nous pouvons avoir la conférence de mise en état
34 à 12 heures ou à 12 h 30, et en tout cas le plus tôt possible.
35

36 Monsieur Kapaya va procéder aux vérifications, et il va vous informer et

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 38


1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

1 nous informer parce que nous pouvons occuper cette salle d’audience
2 jusqu’à 14 heures ou 13 h 30 au plus tôt parce que la salle sera occupée
3 pour d’autres fins l'après-midi.
4

5 L’audience est suspendue


6

7 (Levée de l'audience : 11 h 20)


8

9 (Pages 23 à 35 prises et transcrites par Lydienne Priso, s.o.)


10

11

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14

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17

18

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1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006

3
4 SERMENT D’OFFICE
5
6
7 Nous, sténotypistes officiels, en service au Tribunal pénal international
8 pour le Rwanda, certifions, sous notre serment d’office, que les pages qui
9 précèdent ont été prises au moyen de la sténotypie et transcrites par
10 ordinateur, et que ces pages contiennent la transcription fidèle et exacte
11 des notes recueillies au mieux de notre compréhension.
12
13
14
15 ET NOUS AVONS SIGNÉ :
16
17
18
19
20
21
22 ____________________ ____________________
23 Lydienne Priso Pius Onana
24
25
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29

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