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4 AFFAIRE N° ICTR-2001-73-T LE PROCUREUR
5 CHAMBRE III C.
6 PROTAIS ZIGIRANYIRAZO
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9 PROCÈS
10 Mardi 7 mars 2006
11 9 h 10
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13 Devant les Juges :
14 Inés M. Weinberg de Roca, Présidente
15 Khalida Rachid Khan
16 Lee Gacugia Muthoga
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18 Pour le Greffe :
19 Stephania Ntilatwa
20 Zulphur Mhina
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22 Pour le Bureau du Procureur :
23 Wallace Kapaya
24 Gina Butler
25 Iskander Ismail
26 Charity Kagwi-Ndungu
27 Jane Mukangira
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29 Pour la défense de Protais Zigiranyirazo :
30 Me John Philpot
31 Me Peter Zaduk
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33 Sténotypistes officiels :
34 Pius Onana
35 Lydienne Priso
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1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 7 MARS 2006
12 PIÈCES À CONVICTION
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3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Bonjour.
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18 CONTRE-INTERROGATOIRE (suite)
19 PAR Me PHILPOT :
20 Q. Avez-vous jamais interrogé Madame Kanziga ?
21 Mme DES FORGES :
22 R. Non.
23 Q. Avez-vous jamais vu un document quelconque, un discours qu’elle aurait
24 prononcé ?
25 R. Non.
26 Q. Avez-vous jamais vu un document concernant une opinion politique
27 qu’elle aurait exprimée ?
28 R. Oui. Pendant le génocide, il y a eu au moins une interview qui a été
29 diffusée dans les médias de langue française.
30 Q. Mais avant la guerre, vous n’aviez rien vu, pendant la période… la
31 fameuse période au cours de laquelle l’Akazu était très bien connue,
32 vous n’aviez rien vu ?
33 R. Si je me réfère à l’histoire, la maison d’un personnage important a
34 généralement un espace ouvert où les invités sont reçus et, puis, il y a
35 une petite cloison qui divise l’espace ouvert de l’espace privé. Et,
36 généralement, les femmes sont de l’autre côté et elles chuchotent.
1 janvier 1992 avec le MDR, le PL et le PSD ? Ces partis ont donc brûlé une
2 petite case qu’ils ont appelée « l’Akazu ».
3 R. Je ne suis pas au courant de cet incident qui consistait à brûler ou à
4 incendier l’Akazu.
5 Q. Non. Maintenant, pendant la guerre, entre avril et juillet, est-ce que
6 Human Rights Watch a dénoncé les massacres des civils perpétrés par le
7 FPR ?
8 R. Je crois que nous avons abordé longuement la question.
9 Q. Je reviens là-dessus aujourd’hui parce que j’ai un document dont je
10 dispose. Et je vous repose donc la question pour que les choses soient
11 claires.
12 R. Oui, nous avons documenté les violations du droit international commis
13 par le FPR à partir de 1991
14 — je crois.
15 Q. Je vais poser à nouveau ma question : Au cours de la période de guerre,
16 c’est-à-dire entre le 7 avril et jusqu’à la prise du pouvoir du FPR… par le
17 FPR — pardon —, est-ce que Human Rigths Watch a dénoncé les
18 massacres de civils perpétrés par le FPR ?
19 Mme LE PRÉSIDENT :
20 Vous demandez s’il y a eu des documents de Human Rights Wacth à cet
21 effet, concernant la période allant d’avril à juillet 1994 ?
22 Me PHILPOT :
23 Oui, Madame le Président.
24 R. Je pense que nous n’avons pas publié de rapport au cours de cette
25 période. Le premier rapport sur cette période a été publié — si mon
26 souvenir est bon — en septembre. Ce rapport faisait état de massacres
27 perpétrés par le FPR.
28
29 Me PHILPOT :
30 Q. Avez-vous affirmé que vous n’aviez aucune preuve que le FPR a
31 massacré des civils pendant cette période ?
32 R. À un moment donné, nous avons dit que nous allions mener
33 des enquêtes sur ces allégations, ce qui a été effectivement le cas dans
34 l’est du Rwanda. Et, à l’époque, les éléments de preuve fournis grâce au
35 contact avec le HCR ainsi que sur le terrain indiquaient qu’il n’y avait
36 aucun élément étayant ces allégations — à l’époque. Je pense en avoir
23 Par la suite, nous avons rédigé des lettres que nous avons adressées au
24 colonel Kanyarengwe, en attirant son attention sur le fait que ces
25 violations existaient, et nous lui demandions de les stopper et de tenir
26 pour responsables les militaires qui les avaient perpétrées.
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1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Q. Maintenant, à la lumière des informations disponibles, conviendrez-
3 vous… êtes-vous d’accord que ce qui n’avait pas été étayé, en fait, était
4 inexact ?
5
6 Nous ne disons pas que vous vous êtes trompée parce que vous n’aviez
7 pas d’éléments de preuve. Maintenant, nous en savons un peu plus et
8 nous savons qu’il y a eu des violations. Et le Conseil vous demande si
9 vous êtes à présent d’accord que votre position à l’époque était erronée,
10 compte tenu de toutes les informations ou de tous les éléments de
11 preuve qui sont apparus.
12 R. Honorable Juge, je pense que nous nous attardons sur des questions
13 évidentes. Le Conseil voudrait me piéger et me faire dire que je m’étais
14 trompée ; je ne le dirais pas. Je dirais tout simplement que les
15 déclarations telles que rédigées à l’époque étaient exactes.
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34 À l’époque, Human Rights Watch ne disait pas qu’il était possible que ces
35 choses se soient passées ; il disait tout simplement que « nous n’avons
36 pas d’éléments pour confirmer que cela s’est effectivement produit », et
1 il disait… il rédigeait des choses pour dire que « nous n’avons pas
2 d’éléments de preuve pour le confirmer ».
3 Mme LE JUGE KHAN :
4 Q. Madame Des Forges, est-ce que vous acceptez que ce que Ruzibiza dit
5 dans son ouvrage est
6 exact ?
7 R. Honorable Juge, il y a certains passages où — pardon — des éléments
8 d’information fournis sont confirmés par l’information dont nous
9 disposons à partir des enquêtes et des travaux que nous avons menés.
10 Bien sûr, dans ce cas, je trouve qu’il est tout à fait facile de dire que ce
11 qu’il affirme est exact.
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13 Dans les cas où nous n’avons pas d’information, je dois dire — comme je
14 l’ai toujours dit dans le passé — que je n’ai pas d’éléments pour le
15 prouver. Il a prononcé des allégations très générales. Je n’ai pas
16 d’éléments pour étayer ou prouver ces allégations.
17
18 Hier, nous avons parlé de la phrase qu’il a rédigée sur le fait que le FPR
19 avait infiltré tous les réseaux. C’est une déclaration très générale, « tous
20 les réseaux ».
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22 Je vois dans les lettres qu’il m’a demandé de lire aujourd’hui, une
23 allégation selon laquelle le FPR était présent au sein du parti CDR. Cela
24 est possible, mais parfois, je me demande s’il n’y a pas… si l’on n’estime
25 pas un peu trop la capacité du FPR dans certains domaines.
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27 J’attends toujours les preuves pour confirmer que c’était bien le cas. Et,
28 bien sûr, l’information qu’il présente sur le génocide lui-même,
29 l’information qu’il fournit sur les attaques contre les civils, cette
30 information cadre avec l’information dont nous disposons.
31
14 Donc, il faudrait nous dire d’où provient cet ajout. Et je pense que les
15 éléments de l’armée sont tirés de l’ouvrage directement ; mais dans
16 l’ouvrage de Guichaoua, il n’y a pas de tableau.
17 Me PHILPOT :
18 Q. Est-ce qu’en dehors de cela, les autres pages sont exactes ? Parce que je
19 n’ai pas cet addendum.
20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Je voudrais faire constater que la première page semble provenir
22 d’Internet. Ce n’est pas indiqué pour que le Conseil nous donne
23 différentes paginations pour une même source.
24 Me PHILPOT :
25 J’ai déclaré que ça provient de l’Internet. J’ai un sens aigu de l’honneur.
26 J’ai dit que je savais que cela provenait d’Internet et j’ai donné une série
27 de documents sur lesquels je vais poser des questions. C’est aussi
28 simple que cela.
29 R. Afin de permettre à la Chambre de retracer le fil conducteur, il faudra
30 nous dire de quelle édition de ce livre vous parlez. Mais dans le contexte
31 actuel, je ne pense pas que ces éléments que vous nous donnez
32 proviennent du livre de Monsieur Guichaoua. C’est parce que je connais
33 très bien ce livre de Monsieur Guichaoua du début à la fin.
34 Q. Je vous remercie de bien vouloir confirmer que les détails concernant la
35 page sont exacts et que je n’ai pas votre édition. Nous allons exploiter
36 les documents tels que présentés.
1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 Messieurs les Juges, ceci est une procédure erronée. Le témoin dit
3 qu’elle ne connaît… qu’elle connaît bien le livre de Guichaoua, mais
4 qu’elle ne connaît pas… qu’elle n’est pas familière avec cette pagination.
5 Et le Conseil nous donne plusieurs pages provenant de différentes
6 sources ; est-ce qu’il peut nous donner la bonne édition pour que nous
7 puissions confronter nos points de vue ?
8 Me PHILPOT :
9 L’édition dans laquelle ces extraits sont tirés, je ne l’ai pas devant moi.
10 M. LE JUGE MUTHOGA :
11 Maître Philpot…
12 Me PHILPOT :
13 J’ai une autre édition ici qui passe de la page 753, 54, 755. Mais ce que
14 je m’en vais dire, c’est qu’elle a confirmé que les éléments qui nous
15 concernent sont exacts ; et donc, nous pouvons entrer dans les détails.
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 La seule façon par laquelle vous pouvez passer dans les détails, c’est de
18 mettre de côté ce document et de poser vos questions au témoin. Le
19 témoin vous avait… Vous pouvez demander au témoin s’il
20 y avait sept… s’il y avait 16 membres du Gouvernement sur 17 en
21 provenance… 7 sur 16 ministres en provenance de Gisenyi, par exemple.
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24 Le document que vous voulez exploiter doit être authentifié, mais celui
25 que vous nous présentez semble être une photocopie.
26 Me PHILPOT :
27 Je n’ai pas dit que c’est une pièce à conviction lorsque je vous l’ai remis.
28 M. LE JUGE MUTHOGA :
29 Mais c’est l’impression que nous avons.
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Vous l’avez imprimé sur Internet ?
32 Me PHILPOT :
33 Non, je l’ai photocopié auprès de quelqu’un qui en avait un exemplaire.
34 Je l’ai fait de bonne foi. Et la preuve, c’est dans ce que nous allons dire,
35 mais les copies ont été tirées…
36 M. LE JUGE MUTHOGA :
1 Ce que dit le témoin : Si elle n’a pas encore comparé… Si elle ne peut
2 pas comparer cette édition avec l’édition qu’elle connaît, elle ne saurait
3 vous dire si c’est exact.
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5 Étant donné que vous avez les informations, au lieu de citer le livre pour
6 que nous puissions comparer les pages, demandez-lui si deux ministres
7 sur 15 proviennent de tel endroit. Si elle dit « non, je pense qu’il y a
8 seulement trois ministres sur… au lieu de sept », alors, nous allons nous
9 rabattre sur les sources.
10 Mme LE PRÉSIDENT :
11 Q. Docteur Des Forges, je vous suggère d’exploiter le livre que vous
12 connaissez ; et, selon votre édition et ce que vous avez, combien de
13 ministres proviennent de cette région ?
14 R. Je vous remercie, Madame le Juge.
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1 quatre pour Gisenyi, trois pour Cyangugu et quatre… et, puis l’autre
2 préfecture prend trois.
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9 Donc, de 1987 jusqu’à avril 1992, Gisenyi avait le plus grand nombre de
10 postes ministériels que les autres préfectures. Et pourtant, chaque
11 préfecture avait un ministre. Mais en avril 1992, lorsqu’il y a eu
12 l’avènement du multipartisme, il y a eu un changement.
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32 Je n’ai pas ces statistiques ici avec moi parce que je ne saurais retrouver
33 un exemplaire des sources que je connais. Filip Reyntjens qui était un
34 érudit, qui a fait une analyse minutieuse de l’analyse des fonds
35 provenant de l’aide extérieure, montre une répartition disproportionnée
36 qui va aux préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri.
1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Q. Quelle est la répartition de la population entre Gisenyi, Ruhengeri et les
3 autres préfectures ?
4 R. Monsieur le Juge… le Président (sic), Gisenyi et Ruhengeri sont des
5 préfectures densément peuplées. Je ne me suis pas permis de tirer cela
6 au clair sur les statistiques. Mais si vous voyez les choses, à première
7 vue, ce qui vous saute aux yeux, c’est qu’il y a — un, deux, trois, quatre,
8 cinq, six, sept — huit préfectures sur 12 en 2002, qui étaient
9 de 200… peuplées de 200 000 personnes et plus.
10
24 Donc, cette région dont nous parlons est densément peuplée, mais pas
25 de manière disproportionnée par rapport aux autres préfectures.
26 Mme LE JUGE KHAN :
27 Q. Est-ce que l’on avait une représentation de tous les groupes ethniques ?
28 Si tel est le cas, quelle est la représentation ou la part du groupe tutsi ?
29 R. Madame le Juge, les recensements de 1991 menés par le Gouvernement,
30 en collaboration avec certains organismes des Nations Unies, n’ont pas
31 été publiés et, pourtant, ils ont collecté des chiffres qui n’ont pas été
32 publiés, sauf au niveau national. Donc, nous n’avons pas, sur le plan
33 statistique, une précision de ces recensements.
34
35 Même les statistiques au niveau national ont été contestées parce que
36 les gens pensent que les choses ont été fixées. Mais sur le plan
9 Tout naturellement, vous avez des cas extrêmes des deux côtés. Comme
10 je l’ai expliqué au Président de la Chambre il y a deux minutes, le fait
11 qu’il y a une bonne représentation de toutes les régions dans le
12 Gouvernement, c’est vous dire que toutes les régions avaient leur voix
13 de 1990 à 94.
14 M. LE JUGE MUTHOGA :
15 Je pose ma question parce qu’en terme de perception, c’est différent de
16 la réalité. En réalité, ce n’est pas le nombre de ministres, mais c’est quel
17 ministère : Si c’est le Ministère des sciences vétérinaires de l’élevage ou
18 du Ministère de la condition féminine… Le Ministère de la conservation
19 de l’eau ne peut pas avoir le même poids que le Ministère de la sécurité
20 intérieure ou de la défense.
21
1 n’est pas une situation qui est l’apanage du Rwanda, mais cela s’est
2 passé également au Rwanda.
3 Q. Nous vous avons donné un document sur le Ministère de la défense, vous
4 avez la page 756 ; la page que j’ai, c’est 770.
5 R. C’est exact.
6 Q. Est-il exact de dire que six sur les 16 ministres de haut niveau
7 provenaient de la préfecture de Ruhengeri ? Ça va ?
8 R. Je pense que je vais vous demander de me dire ce que vous appelez les
9 « officiers supérieurs ».
10 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
11 En fait, il s’agissait « d’officiers supérieurs », pour le procès verbaliste, et
12 non pas des ministres.
13 R. S’agissant de ces nominations, une présentation sommaire qui a aussi
14 ses problèmes parce que, en raison de la date, parce que, par exemple,
15 le major Bagaragaza… — et je vais souligner à l’intention de la Chambre
16 que les Rwandais n’avaient pas les noms de familles parce que les noms
17 de famille n’indiquent pas les liens familiaux — Bagaragaza est mort
18 dans l’accident d’avion du 6 avril ; et le général Bizimungu qui se trouve
19 sur la même liste était le chef d’état-major et a été nommé
20 le 15… le 16 avril.
21
22 Donc, la liste que vous m’avez donnée, je ne sais pas la date que vous
23 suggérez. Ce qui se passe ici au sein de l’armée, plus que dans
24 l’administration civile, ce qui faisait la différence, c’est le type de soldats
25 que vous avez et le type d’armes que vous avez données à ces
26 militaires.
27
1 Je vous remercie.
2
1 Me PHILPOT :
2 « De la même source, nous apprenons que, parallèlement, le FPR a
3 ordonné à ses complices à l’intérieur du pays de poursuivre et intensifier
4 les actes de terrorisme, de sabotage et vol de tout genre. »
5
1 vois ici au moins 16 noms qui sont pourvus d’une identification ethnique,
2 et sur ces noms-là, six sont hutus. Ce qui est assez surprenant, je dois
3 l’avouer, et assez important.
4
22 Ainsi donc, cela nous mène même au-delà des frontières rwandaises.
23 C’est une façon de dire que « nous devons nous allier les services
24 secrets zaïrois pour traquer, causer des problèmes aux Inkotanyi », c’est-
25 à-dire les Tutsis vivant au Zaïre, car c’est là une façon d’affaiblir la ligne
26 de front au sein du Rwanda.
27
28 Ainsi donc, il ne s’agit pas seulement de civils dans ce pays, « les Tutsis
29 à qui nous voulons causer des problèmes », mais également ceux qui
30 sont de l’autre côté de la frontière. C’est une déclaration très forte, à
31 mon sens.
32 Q. Docteur Des Forges, n’est-ce pas du devoir du Zaïre que d’éviter que son
33 pays soit utilisé comme base pour ce type d’action ? Nous en avons parlé
34 hier ; le Zaïre n’est-il pas tenu à cela ? Ces Inyenzi, ces Inkotanyi, toutes
35 ces personnes-là qui sont au Zaïre, « rwandophones », qui essayaient
36 d’attaquer le pays, le Zaïre n’est-il pas tenu à l’application des lois
1 autour de la guerre ?
2 Mme LE PRÉSIDENT :
3 Nous devrons peut-être tirer des conclusions directes, et cela au cours de
4 notre argumentaire.
5 Me PHILPOT :
6 Je vais passer au document suivant, en fin de page 1. Je vais vous lire le
7 paragraphe y afférent et cela, en français :
8
8 Et c’est ce qui est également dit dans le document qui définit l’ennemi :
9 « Oui, nous sommes en faveur des partis politiques, mais pas ceux-là
10 mêmes qui ont des accointances avec l’ennemi ». L’on fait donc la
11 différence entre l’opposition politique interne et le FPR, une équation qui
12 n’était pas forcément valide et valable.
13
10 Donc, ce que nous avons ici, c’est une référence indirecte au préfet
11 récemment nommé de Butare et qui était le seul préfet tutsi du pays et
12 dont le renvoi ou la révocation le 19 avril est le détonateur du génocide,
13 parce qu’il a protégé des gens dans sa préfecture, pas à cent pour cent,
14 mais de façon très efficace, toute chose étant égale par ailleurs. Sans
15 cette protection, les tueries auraient commencé plus tôt à Butare.
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1 Mme LE PRÉSIDENT :
2 Q. Et quand a-t-il été révoqué ?
3 Mme DES FORGES :
4 R. Sa révocation a été annoncée à la radio nationale le 18 avril... non... le
5 17 avril, c’était un dimanche, et le renvoi effectif et la cérémonie de
6 passation de pouvoir a eu lieu le 19 avril.
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Je vous remercie.
9 Me PHILPOT :
10 Q. Voulez-vous dire, Madame Des Forges, qu’il n’y a pas eu d’infiltration du
11 FPR au sud du Rwanda.... dans le sud du Rwanda — pardon — en octobre
12 1990 ?
13 R. Non, je voudrais dire qu’il y avait des infiltrations massives. C’est une
14 représentation inexacte de la situation. Donc, l’accent ici est mis sur
15 cette région parce que c’est une région essentiellement habitée par les
16 Tutsis. Et si vous regardez vers le bas de la page, le troisième tiret à
17 partir du bas, vous allez également voir une référence à une région qui
18 est classée en raison de la densité de population tutsie : La forte densité
19 de la population tutsie.
20 Q. Vous avez dit que Monsieur Gasana disait que les partis politiques
21 avaient été infiltrés. N’est-il pas vrai que, trois mois avant, à Bruxelles,
22 au cours d’un week-end vers le 29 mai… entre le 29 mai et le 2 juin
23 1992, tous les partis politiques, en dehors du MRND et de la CDR, se sont
24 rencontrés avec le FPR, et ont signé un pacte en vue de travailler
25 ensemble, n’est-ce pas vrai ?
26 R. Non. À l’époque, je crois qu’il y avait 16 partis politiques reconnus au
27 Rwanda et trois d’entre eux, les trois plus grands partis de l’opposition,
28 opposés au MRND ont effectivement signé un accord avec le FPR en vue
29 d’œuvrer ensemble, en vue de renverser le Gouvernement
30 d’Habyarimana. Mais en ce qui me concerne, cela ne prouve pas une
31 quelconque infiltration. Cela est la preuve d’une réflexion indépendante
32 et de la reconnaissance d’un intérêt commun.
33 Q. N’est-il pas vrai que le FPR a accepté de ne pas rendre les armes au
34 cours de cette réunion, réunion à laquelle cet accord a été signé ? Et
35 c’était l’une des clauses de l’accord ?
36 R. Je pense qu’il faudrait avoir un exemplaire de l’accord si vous devez
23 Interrogatoire complémentaire ?
24
25 Maître Philpot, est-ce que vous devez verser des pièces aux débats ?
26 Me PHILPOT :
27 Je m’excuse, Madame le Président. J’ai ces documents ici. Je vais verser
28 aux débats les deux documents comme pièces à conviction à décharge
29 numéros 35 et 36. Donc...
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Ce sont ces deux documents ?
32 Me PHILPOT :
33 J’ai des copies pour vous.
34 Mme LE PRÉSIDENT :
35 Oui, mais il faudrait que nous ayons des cotes.
36 Mme ZULPHUR-MHINA :
9 Me PHILPOT :
10 Non, je ne vais pas déposer cela. Il y a également le compte rendu qui
11 reflète l’état de nos discussions.
12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 Veuillez poursuivre, Madame le Procureur.
14 Me PHILPOT :
15 Désolé, j’ai des exemplaires que je vous ai remis. Est-ce que vous les
16 avez encore, Madame du Greffe ?
17 D’accord. Merci.
19 INTERROGATOIRE SUPPLÉMENTAIRE
20 PAR Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Q. Madame Des Forges, aujourd’hui, vous avez examiné la répartition des
22 postes ministériels au cours de l’ère Habyarimana, à partir de 1987, je
23 crois. Pouvez-vous dire à la Chambre si cette répartition indiquait que les
24 régions avaient voix au chapitre ou cela indiquait le niveau de pouvoir
25 exercé par une région précise ?
26 Mme DES FORGES :
27 R. Dans une certaine mesure, cela reflétait le pouvoir détenu par une
28 certaine région. Comme vous pouvez le voir, Gisenyi avait trois à quatre
29 fois plus de ministres au cours de cette période que les autres
30 préfectures, mais ici, je devrais insister sur le fait que nous avons affaire
31 à une structure institutionnelle et ce n’était pas le seul lieu de pouvoir.
32 Donc, en dehors du contrôle des ministères, il y avait le contrôle du reste
33 du réseau sociopolitique qui sous-tendait les ministères.
34 Q. Vous avez parlé de Filip Reyntjens qui a également donné des indications
35 sur la répartition des projets socio-économiques. Je ne sais pas à quel
36 ouvrage vous faisiez allusion.
1 R. Je crois qu'il s'agit de l'ouvrage intitulé Les crises politiques des Grands
2 Lacs. Je ne suis pas très certaine quant au titre, mais je pense que c’est
3 un document ou un livre qui a été publié en 1994, je crois.
4 Q. Je n'ai pas copie de cet ouvrage, mais est-ce que vous vous rappelez ce
5 que Filip Reyntjens a présenté comme répartition et dites à la Chambre
6 si vous êtes d'accord avec cela ?
7 R. Je me souviens que son analyse statistique a été minutieuse. Je regrette
8 de ne pas être en mesure de la présenter à la Chambre parce que je n'ai
9 pas pu retrouver copie de cela. D’après ce que j’ai fait, cela montrait que
10 les projets économiques et l’aide extérieure dont bénéficiait le pays
11 étaient alloués de manière disproportionnelle à Gisenyi et à la région du
12 Nord. Cela représentait un tiers ou 50 % de l'aide. Donc, cette région
13 bénéficiait d'un tiers ou de la moitié de ces financements.
14
15 Et je le dis sans avoir cette source d'information sous les yeux. Mais ce
16 qui était clair, c’est que c'était disproportionné et son analyse rejoint
17 celle de René Lemarsha (Phon.) qui a également fait des études… C'est
18 également la conclusion de Peter Oven (Phon.) qui est un savant reconnu
19 dans ce domaine. C'est également la conclusion d’André Guichaoua.
20
21 Donc, je dirais que c'est un fait très bien établi. Il ne s'agit pas d'une
22 question de perception. La question de perception qui a été soulevée par
23 la Chambre est importante, mais c'est une perception qui a été établie
24 par les travaux faits par des chercheurs.
25 Q. En ce qui concerne Gisenyi et Ruhengeri, est-ce… quelle est la
26 répartition par rapport aux autres régions ?
27 R. Comme je l'ai dit, la seule source statistique qui a fait cette analyse, c'est
28 le travail de Reyntjens. Je me souviens que c’est dans l'ordre d'un tiers à
29 40 % dont cette région bénéficie.
30 Q. Vous avez dit tantôt qu'il y avait un préfet tutsi de 1900… à partir de
31 1992. Pendant le règne d’Habyarimana, connaissez-vous un autre préfet
32 ou d'autres préfets d'ethnie tutsie à partir de 1989, par exemple ?
33 R. Il y avait Monsieur Nshigirinyika (Phon.) dont je ne suis pas sûre de
34 l'origine ethnique, mais qui avait été attaqué au cours du génocide en
35 tant que Tutsi. Je pense que ses enfants ont été tués. Ses enfants ont été
36 interpellés à la RTLM, et ils ont été tués. La RTLM a félicité ceux qui les
1 avaient tués.
2
5 Donc, c'était un problème de telle sorte que les Dix commandements des
6 Hutus qui étaient une propagande importante en 1990, je crois sur les
7 10, il y avait quatre qui ont renvoyé leurs femmes tutsies. Et
8 manifestement, le lien avec des femmes tutsies devait être aboli et
9 interdit.
10 Mme KAGWI-NDUNGU :
11 Q. Hier, on vous a posé une question sur une affaire contre l’Accusé par Aid
12 Nassour, et vous avez dit que la Chambre était au courant de cette
13 affaire. Vous avez également… Avant de rappeler votre déclaration, que
14 dites-vous de cette affaire en ce qui concerne le fonctionnement de
15 l’Akazu ?
16 R. Je me rappelle que la question était de savoir si un citoyen ordinaire
17 pouvait gagner un procès ou engager des poursuites contre un membre
18 de l'Akazu. J'ai dit que s'il y avait un membre puissant de l’Akazu qui
19 soutenait cette personne ordinaire, cela pouvait être le cas parce que
20 aucun groupe n'existe sans conflit interne. Donc, lorsqu’il y a des
21 divisions au niveau du sommet, on utilise les gens de la base pour
22 donner des coups bas.
23 Q. Est-ce que vous connaissez le fonctionnement interne surtout
24 relativement à ce procès ? Est-ce que vous pouvez nous donner votre
25 opinion d'expert sur ce point ?
26 R. Je ne me souviens pas des détails, mais je sais que cela avait trait à des
27 obligations financières d'une partie. Je pense que les institutions
28 financières qui ont garanti ces différentes transactions financières,
29 c'était la banque dirigée par le pasteur Musabe qui était le frère du
30 colonel Bagosora et un membre influent de l'Akazu.
31
16 Et il y a un point qui est commun à toutes ces sources, c'est le fait qu'il y
17 a eu des discussions sur des questions politiques, ça nous le savons.
18 Avec beaucoup de certitudes, nous pouvons dire que la famille ne s’est
19 pas limitée au deuil ou au chagrin, mais la famille s'est dite « que
20 faisons-nous maintenant ? »
21
3 Mme KAGWI-NDUNGU :
4 En fait, j'en ai juste pour quelques minutes. Je suis sur le point de
5 conclure.
6 Q. Pendant le contre-interrogatoire, on vous a posé des questions sur un
7 document définissant l’ennemi, vous avez parlé d’un communiqué de la
8 CDR qui a été publié à l'époque. Est-ce que vous êtes en mesure de
9 reconnaître ce document ?
10
11 Je vais vous remettre une copie et j’en ai davantage pour les autres. À
12 l'envers du document, vous avez l'original en kinyarwanda et puis vous
13 avez la traduction.
14 Mme LE PRÉSIDENT :
15 Est-ce que vous comptez verser ce document aux débats ? J'ai
16 également une question pour les parties.
17 Mme KAGWI-NDUNGU :
18 L'enregistrement de l’interview avec Jean Kambanda.
19 Mme LE PRÉSIDENT :
20 Est-ce que cela devrait être une pièce du dossier ?
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 J'ai déjà versé ce document comme pièce à conviction à charge.
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 Je ne sais pas si le Greffe est au courant de cela.
25 Me PHILPOT :
26 Je suis d'accord avec ma collègue. À mon entendement, au début, cette
27 pièce devait être déposée. Je n’ai pas de copie du document « la CDR »,
28 soit dit en passant.
29 Mme LE PRÉSIDENT :
30 Et avez-vous une cote pour ce document ?
31 Mme KAGWI-NDUNGU :
32 Je pense que c’était « P. 50 » ou « P. 51 ».
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Madame Ntilatwa, est-ce que vous pouvez le vérifier ?
35 M. LE JUGE MUTHOGA :
36 Ce document-ci, c'est sous quelle cote, Madame la Représentante du
1 Greffe ?
2 Mme NTILATWA :
3 « P. 53 ».
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 Dites-nous si ce document a une cote et donnez-nous la cote.
6 Celui-ci est « P. 51 » (sic).
7
1 traduction officielle.
2 Mme LE PRÉSIDENT :
3 L'original c'est le document en français ?
4 Mme KAGWI-NDUNGU :
5 L’original c’est le kinyarwanda, mais la traduction que nous avons est
6 une traduction française… la traduction que nous avons est une
7 traduction officielle par le Tribunal, la Section des services linguistiques
8 du TPIR.
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Mais l'original est en kinyarwanda. Pourquoi est-ce que les interprètes
11 kinyarwanda ne peuvent pas nous le traduire ? Nous pouvons donner un
12 exemplaire aux interprètes de langue kinyarwanda. On peut lire le
13 document en kinyarwanda puis nous aurons la traduction en français et
14 en anglais.
15 Me PHILPOT :
16 Mon objection est que cette affirmation faite par le témoin, ce sont des
17 Tutsis, je l’ai déjà parcouru, cela m'a obsédé, mais je ne peux pas dire s'il
18 s'agit de Tutsis. Je peux le relire pour dire qu’environ la moitié des
19 membres du Gouvernement était des Hutus. C’est une façon… C'est une
20 façon légère de traiter de ce document.
21 M. LE JUGE MUTHOGA :
22 C'est une question de preuve, si vous n'êtes pas d'accord avec
23 l'interprétation faite par Madame
24 Des Forges que la majorité était des Tutsis… des Hutus, si vous n'êtes
25 pas d'accord, vous pouvez apporter des preuves et expliciter votre
26 position.
27 Me PHILPOT :
28 Je suis d'accord qu'il s'agit d'une question de preuve, mais lorsqu’un
29 témoin me dit que « j’ai dit un mot mais je ne m’en rappelle
30 maintenant », lorsque le témoin dit que maintenant je ne sais plus, je
31 suis d'accord avec vous qu’il s'agit d'une question de preuve, mais que je
32 peux revenir à la charge et donner une réponse.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Vous pouvez être en désaccord avec ce que le témoin a dit, mais vous ne
35 pouvez pas donner un… remplacer ce que le témoin a dit, comme ça,
36 vous aurez l’occasion d'en parler à un moment ultérieur.
9 Mme KAGWI-NDUNGU :
10 Q. Docteur Des Forges, vous allez surligner le passage en français pour qu'il
11 s’y retrouve en kinyarwanda ?
12 L'INTERPRÈTE KINYARWANDA-FRANÇAIS :
13 « La CDR lance un appel à la population de demeurer vigilante étant
14 donné que le Gouvernement actuel ne se préoccupe point de cette
15 question. Étant donné que la majorité au sein du Gouvernement travaille
16 avec ces Inyenzi-Inkotanyi, il est par conséquent nécessaire que la
17 population elle-même garde un œil ou ait à l’œil ces personnes. Ils
18 doivent suivre les mouvements de ces
19 gens-là.
20
1 Habyarimana.
2 Q. Est-ce que vous avez vérifié quant à savoir qui étaient ceux qui ont tués
3 les personnes
4 sus-mentionnées ?
5 R. Madame le Juge, dans certains cas, nous savons qu'ils étaient membres
6 des Forces armées rwandaises tandis que dans d'autres cas, il s'agit des
7 milices.
8 Mme LE PRÉSIDENT :
9 Je vous remercie sincèrement, Docteur Des Forges. Voilà, nous sommes
10 arrivés à la fin de votre déposition d'une semaine et demie.
11
1 nous informer parce que nous pouvons occuper cette salle d’audience
2 jusqu’à 14 heures ou 13 h 30 au plus tôt parce que la salle sera occupée
3 pour d’autres fins l'après-midi.
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3
4 SERMENT D’OFFICE
5
6
7 Nous, sténotypistes officiels, en service au Tribunal pénal international
8 pour le Rwanda, certifions, sous notre serment d’office, que les pages qui
9 précèdent ont été prises au moyen de la sténotypie et transcrites par
10 ordinateur, et que ces pages contiennent la transcription fidèle et exacte
11 des notes recueillies au mieux de notre compréhension.
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15 ET NOUS AVONS SIGNÉ :
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23 Lydienne Priso Pius Onana
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