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Université de Lille II

Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales


Ecole doctorale n° 74
D.E.A de Droit Privé
L’exercice de l’autorité parentale à l’épreuve du
phénomène sectaire
Mémoire présenté par RODDE Sarah
sous la direction de Madame le Professeur Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ
Année 2002-2003
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Université de Lille II
Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales
D.E.A de Droit Privé
L’exercice de l’autorité parentale à l’épreuve du
phénomène sectaire
Mémoire présenté par RODDE Sarah
sous la direction de Madame le Professeur Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ
Année 2002-2003
A mon entourage,
aux personnes m’ayant soutenue
Tables des matières
Introduction
Chapitre I : Le caractère suffisant de la protection familiale de
l’enfant face au phénomène sectaire p. 21
Section I : Un exercice incontesté de l’autorité parentale malgré une
appartenance sectaire p. 22
A. Le respect de la liberté de choix éducatifs p. 23
1/ L’existence d’une pratique familiale antérieurement suivie p. 23
2/ Le refus du juge de trancher entre les diverses options religieuses p. 26
B. L’absence d’autonomie de l’enfant en matière religieuse p. 28
1/ La limitation à la liberté religieuse du mineur p. 29
2/ La prédominance de l’autorité parentale sur la liberté religieuse de l’enfant
p. 31
Section II : Un exercice préservé de l’autorité parentale malgré une
appartenance sectaire p. 34
A. L’incidence relative de l’appartenance sectaire sur la vie de l’enfant
p. 35
1/ L’appréciation des conditions de vie de l’enfant p. 36
2/ Le critère de la pondération dans la pratique religieuse p. 39
B. L’exercice d’un contrôle mutuel des parents p. 43
1/ La portée limitée des présomptions légales d’accord parental p. 43
2/ La mise en place d’un contrôle par le parent non adepte p. 46
Chapitre II : La faiblesse de la protection familiale de l’enfant face
au phénomène sectaire
p. 48
Section I : Un exercice aménagé de l’autorité parentale en raison d’une
appartenance sectaire p. 49
A. Un aménagement commandé dans l’intérêt de l’enfant p. 49
1/ Au sein du couple parental p. 50
2/ Le maintien des relations personnelles entre l’enfant et ses ascendants p. 54
B. L’existence de correctifs aux choix parentaux p. 58
1/ La mise en œuvre du droit de l’enfant à la santé p. 58
2/ La mise en œuvre du droit de l’enfant à l’instruction p. 61
Section II : Un exercice de l’autorité parentale à restaurer en raison d’une
appartenance sectaire p. 63
A. La remise en cause des choix parentaux p.65
1/ Le contrôle indirect du choix éducatif p.65
2/ La nécessaire protection de l’intégrité de l’enfant p. 68
B. L’éloignement du parent adepte p. 70
1/ La mise en œuvre d’une protection de substitution p. 70
2/ La privation d’exercice de l’autorité parentale du parent adepte p. 72
Introduction
En 1929, François Thomas eut une révélation en passant devant l’étal d’un marchand de
légumes : il découvrit en l’oignon un petit être qui va vers la perfection et qui vivra toujours. Il
prit alors le nom de frère Thomas et se mit à arpenter la France pour faire partager sa découverte à
tous. C’est ainsi que naquit la secte des Adorateurs de l’oignon, apparemment sans danger, frisant
le grotesque. Mais frère Thomas avait remarqué que l’oignon ne s’épanouissait que si on lui
coupait la tige. De fait, certains adeptes, y voyant un symbole, s’émasculèrent afin de s’épanouir
eux-aussi. L’épisode peut paraître anodin face à l’inquiétude légitime qu’ont provoqué certaines
tragédies auxquelles étaient directement mêlés des groupements dits sectaires1, inquiétude
amplifiée par l’exagération médiatique de l’ampleur du phénomène sectaire, P. GAST parlant
alors du “ monstre du Loch Ness médiatique que sont les sectes ”2. Les médias ont en effet
tendance à “ oublier ” le phénomène pendant un certain temps puis il redevient, sporadiquement,
un sujet brûlant d’actualité en période de drames ou de démêlés judiciaires.
Notre sujet, qui confronte l’exercice de l’autorité parentale au phénomène sectaire, nécessite
avant tout de circonscrire la problématique propre à ce phénomène.
La prise en considération des mouvements à caractère sectaire, et surtout leurs dérives, se
fit en premier lieu à travers la création d’associations, que certains dénomment “ anti-sectes ”3,
notamment l’Association pour la Défense de la Famille et de l’Individu (A.D.F.I.)4 créée en 1974
par le père d’un adepte de la secte Moon et le Centre de documentation, d’éducation et d’action
Contre les Manipulations Mentales (C.C.M.M.)5 créé en 1981 par l’écrivain R. IKOR suite au
décès de son fils, adepte d’une secte, dans de troublantes circonstances. Il est intéressant de noter
qu’il existe également un organisme au niveau européen : la Fédération Européenne des Centres
de Recherches et d’Information sur les Sectes (F.E.C.R.I.S.)6.
Jusqu’à une période relativement récente, ces différentes associations de défense des
1. Nous pensons notamment aux vagues de suicides collectifs au sein de la secte de l’Ordre du
Temple Solaire qui ont
touché le Canada et l’Europe, en particulier la France en 1995.
2. GAST (P.), “ Le rapport Guyard et les principes d’égalité et de légalité en matière de sectes ”, Les
Petites Affiches,
7 février 1996, n° 17, p. 13.
3. Voir, p. ex., GARAY (A.), “ Réflexions sur les lobbies associatifs : le cas des associations dites
anti-sectes ”, Gaz.
Pal. 1996, 1, p. 443.
4. S’agissant de l’A.D.F.I. Nord Pas-de-Calais Picardie, elle se déclare comme “ une association,
non
confessionnelle et apolitique ayant pour but : de prévenir et de défendre les familles et l’individu
contre les
pratiques exercées par des groupes, mouvements ou organisations à caractère sectaire totalitaire et
qui, quelles que
soient l’appellation ou la forme sous laquelle elles sont mises en œuvre, portent gravement atteinte
aux droits de
l’homme et aux libertés fondamentales définies par la déclaration universelle des Droits de
l’Homme ”, article 2 des
statuts de l’A.D.F.I. Nord Pas-de-Calais Picardie.
5. L’objet de ce centre est de “ participer à la protection de la liberté de l’homme et de s’opposer à
toute action
individuelle ou collective, qui tend par quelque moyen que ce soit à pénétrer, domestiquer, asservir
les esprits,
notamment ceux des jeunes ”, extrais des statuts du C.C.M.M.
6. La F.E.C.R.I.S. a vu le jour en 1995 et se propose de regrouper les associations représentatives,
de défendre les
individus, la famille et les sociétés démocratiques contre les agissements des organisations à
caractère sectaire
totalitaire.
victimes des sectes ont été les seuls refuges pour les familles et les individus confrontés au
phénomène sectaire. Elles ont reçu le soutien des pouvoirs publics qui ont néanmoins conservé
une position empreinte de réserve et de prudence. Malgré les déclarations fermes de la part des
chefs de gouvernement successifs7, les différentes démarches entreprises n’avaient finalement
pour seul objectif que d’observer le phénomène sectaire.
Mais depuis maintenant une vingtaine d’années, les pouvoirs publics ont réagi en s’intéressant de
plus en plus à ce sujet qui a pris des proportions inquiétantes. Le premier rapport, rendu public en
19858, n’a pas manqué de souligner l’inaction des pouvoirs publics en ce domaine mais n’a pas
pour autant préconisé la mise en œuvre de mesures particulières, seulement d’agir de manière
prudente. Le second rapport, déposé en décembre 19959, est particulièrement intéressant en ce
qu’il a dressé un état des lieux du phénomène sectaire et a mis en exergue la dangerosité certaine
dont font preuve certains groupements10. Même si elle peut essuyer de nombreuses critiques, cette
étude est jusqu’à présent la plus complète en la matière et est de ce fait non négligeable. La
création, en octobre 1998, d’une mission interministérielle de lutte contre les sectes (M.I.L.S.)
semble avoir indiqué que les sectes constituaient dorénavant une menace authentique11. Deux
rapports, déposés par la M.I.L.S. au Premier ministre, ont confirmé les différentes observations
effectuées auparavant par les parlementaires12. Enfin, les travaux d’une commission d’enquête
parlementaire, constituée en 1999, ont fait état de l’importance économique du phénomène
7. P. ex., le discours du Premier ministre Jacques Chirac lors de l’installation de la Commission
nationale
consultative des droits de l’homme, 8 janvier 1987 : “ je pense encore à l’influence pernicieuse de
certaines
associations, plus connues sous le nom de “ sectes ”, qui aliènent l’individu pour mieux le dominer.
Il est de notre
responsabilité d’informer les adolescents sur les dangers qu’ils courent et de sensibiliser à ce
problème tous ceux
qui sont au contact avec la jeunesse ”.
8. VIVIEN (A.), Les sectes en France. Expression de la liberté morale ou facteur de manipulation ?,
Rapport au
Premier ministre, 1983, Paris : La Documentation française, 1985.
9. GEST (A.), GUYARD (J.), Les sectes en France, Rapport à l’Assemblée nationale fait au nom de
la commission
d’enquête sur les sectes, n° 2468, décembre 1995, Paris : Les Documents d’Information de
l’Assemblée nationale,
1996.
10. La première application concrète suite à ce travail parlementaire fut la création d’un
Observatoire interministériel
sur les sectes (décret n° 96-387 du 9 mai 1996, JO n° 110 du 11 mai 1996, p. 7080) dont le rapport,
publié en 1997,
recoupait les conclusions du précédent rapport d’enquête parlementaire, à savoir que les “ sectes
représentent une
véritable menace pour l’Etat, la société et les individus ; c’est la tâche de l’Observatoire de lutter
contre cette
menace ”.
11. Décret n° 98-890 du 7 octobre 1998 instituant une mission interministérielle de lutte contre les
sectes, JO n° 234
du 9 octobre 1998, p. 15286. Cette structure avait pour mission “ d’analyser le phénomène des
sectes (...), d’inciter
les services publics à prendre, dans le respect des libertés publiques, les mesures appropriées pour
prévoir et
combattre les actions des sectes qui portent atteinte à la dignité de la personne ou qui menace
l’ordre public ”.
12. Rapport de la M.I.L.S., 2000, Paris : La Documentation française, 2000 ; Rapport de la
M.I.L.S., 2001, Paris : La
Documentation française, 2002.
sectaire13. Une nouvelle mission, créée en novembre 2002 pour remplacer la M.I.L.S., poursuit
sensiblement les mêmes objectifs14. Les institutions européennes se sont également penchées sur
le sujet à plusieurs reprises15.
Si la prise en compte du phénomène sectaire par les pouvoirs publics est récente, son
existence n’est pas propre à notre époque contemporaine. En effet, l’Antiquité a connu des sectes
philosophiques à l’image des Bacchanales, adeptes du culte de Bacchus, dont Tite-Live décrivait
les pratiques dans son ouvrage Les sectes religieuses en Grèce et à Rome. Les sectes occupent le
champ social et religieux depuis près de deux mille ans16 : les grandes religions ont été,
initialement, des hérésies, qualifiées de sectes en ce qu’elles ont pris la forme de mouvements
minoritaires s’opposant à la pensée dominante : le Christianisme a été, à son origine, une
dissidence du Judaïsme, l’Islam étant lui-même apparu en s’opposant au Christianisme, le
Protestantisme au Catholicisme17, ce qui a fait dire à J. ROBERT que “ la religion, c’était une
secte qui a réussi ”18.
Les nouvelles sectes composant le paysage actuel de notre société sont apparues et se sont
largement développées avec l’émergence de la tendance “ Nouvel Age ”19, dans les années
soixante aux Etats-Unis et dans les années soixante-dix en France. Le phénomène s’est
particulièrement diversifié et diverses tentatives de classification ont été entreprises : certains
auteurs proposant une répartition de ces groupements selon leur origine judéo-chrétienne ou
orientale20, d’autres distinguant selon “ les voies de salut ” offertes et l’attitude qu’ils adoptent à
13. GUYARD (J.), BRARD (J.-P.), Les sectes et l’argent, Rapport à l’Assemblée nationale fait au
nom de la
commission d’enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, n° 1687, juin
1999, Paris : Les
Documents d’Information de l’Assemblée nationale, 1999.
14. Décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance
et de lutte contre
les dérives sectaires, JO n° 278 du 29 novembre 2002, p. 19646. L’article 1er-1° énonce que la
mission est chargée “
d’observer et d’analyser le phénomène des mouvements à caractère sectaire dont les agissements
sont attentatoires
aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ou constituent une menace pour l’ordre public
ou sont
contraires aux lois et aux règlements ”.
15. Recommandation n° 1178 du Conseil de l’Europe adoptée en 1992 ; Résolution du Parlement
européen sur la
situation des droits fondamentaux dans l’Union Européenne du 5 juillet 2001.
16. ABGRALL (J.-M.), La mécanique des sectes, Paris : Editions Payot & rivages, 1996, p. 23.
17. Cf. GAST (P.), “ Pour une charte des mouvements spirituels ”, Les Petites Affiches, 28 juillet
1995, n° 90, p. 30. ;
voir également les développements historiques de J.-M. ABGRALL, préc. note 16, pp. 24-30.
18. Cité par MALAURIE (P.) in “ Droit, sectes et religion ”, in Droit et religion, Arch. philo. droit.,
tome 38, Paris :
Dalloz, 1993, p. 212.
19. Ou encore “ New Age ”.
20. VERNETTE (J.), Les sectes, 6ème éd., “ coll. Que sais-je ? ”, Paris : PUF, 2002, pp. 34-87.
l’égard du monde extérieur21. En 1982, le rapport rendu par A. VIVIEN répartissait les sectes
recensées en trois catégories : orientales, syncrétiques22 et ésotériques, racistes et fascistes23. Suite
au rapport d’enquête de MM. A. GEST et J. GUYARD, chaque mouvement étudié a été rattaché
à une famille de pensée ou de pratique, selon la démarche adoptée par les Renseignements
généraux, et le classement a été effectué en treize groupes allant des groupes “ évangéliques ” aux
mouvements “ apocalyptiques ”, en passant par les mouvements “ guérisseurs ”, “ orientalistes ”,
“ psychanalytiques ” ou encore “ ufologiques ”24.
Le phénomène sectaire apparaît donc varié et, comme le souligne G. FENECH, il y en a “ pour
tous les goûts dans ce supermarché du religieux ”25. Pour autant les sectes dites “ modernes ” ne
correspondent plus à de strictes oppositions d’ordre religieux mais à des dissidences au niveau de
la société. Nous sommes en effet passés de la contestation religieuse à la nécessite d’offrir une
nouvelle vision du monde, un monde meilleur empreint de valeurs hautement spirituelles. De
nombreux auteurs s’accordent pour dire qu’il existe une concordance entre le “ déclin ” d’une
civilisation et l’offensive des sectes26, que notre société de consommation, “ qui pratique le culte
narcissique ”27,
de l’individualisme offre un contexte particulièrement favorable au
développement de ces nouveaux mouvements religieux. H. TINCQ est plus direct en désignant
les sectes comme “ les métastases d’un corps social malade ”28.
La principale difficulté dans l’appréhension du phénomène sectaire est celle de la
définition même de la notion de secte. D’un point de vue objectif, nous pouvons procéder à partir
21. WILSON (B.), Les sectes religieuses, Paris : Hachette, 1970, cité par J. VERNETTE, préc. note
20.
22. Le syncrétisme est un système philosophique ou religieux qui tend à opérer une synthèse entre
plusieurs doctrines
différentes.
23. VIVIEN (A.), Les sectes en France. Expression de la liberté morale ou facteur de
manipulation ?, Rapport au
Premier ministre, 1983, Paris : La Documentation française, 1985, pp. 20-27.
24. GEST (A.), GUYARD (J.), Les sectes en France, Rapport à l’Assemblée nationale fait au nom
de la commission
d’enquête sur les sectes, n° 2468, décembre 1995, Paris : Les Documents d’Information de
l’Assemblée nationale,
1996, pp. 33-40.
25. “ ... le nouveau supermarché du religieux où les sectes offrent à la carte une diversité infinie de
produits puisés à
volonté dans le scientisme, le parapsychologique, l’ufologie, l’occultisme, les médecines parallèles
ou l’exotisme ”,
FENECH (G.) in Face aux sectes : politique, justice, Etat, Paris : PUF, 1999, p. 4.
26. BOINOT (P.), “ Sectes religieuses et droit pénal ”, Rev. sc. crim. 1983, p. 411 ; “ Il existe une
concordance entre
la crise intellectuelle, politique et morale d’une civilisation et le développement des sectes : notre
époque est en
crise donc les sectes pullulent ”, MALAURIE (P.) in “ Droit, sectes et religion ” in Droit et religion,
Arch. philo.
droit., tome 38, Paris : Dalloz, 1993, p. 212.
27. DORSNER-DOLIVET (A.), “ Loi sur les sectes ”, D. 2002, chron., p. 1086.
28. Le Monde, 29 mars 1997.
2829. GAST (P.), “ Les sectes et la démocratie ”, Les Petites Affiches, 19 octobre 1994, n° 125, p.
14.
du sens étymologique du terme secte. En effet, en partant de l’origine latine secare signifiant
“ couper ”, la secte désigne alors un mouvement dissident de la religion dominante. Mais la
notion de secte peut aussi être rattachée au verbe latin sequi qui signifie “ suivre ” et les sectes
peuvent alors être envisagées comme des groupes de personnes qui suivent le fondateur d’une
doctrine, “ généralement constitué(s) en réaction contre un système antérieur ”29. Ces deux
interprétations sont d’ailleurs reprises au sein des définitions délivrées par les dictionnaires. Dans
le langage courant, les termes de “ secte ” ou de “ sectaire ” ont revêtu un sens péjoratif car ils
évoquent l’intolérance, l’étroitesse d’esprit, la manipulation voire la mort. Mais ces différents
éléments ne nous sont pas d’une grande utilité juridique puisque finalement très vagues.
D’un point de vue subjectif, il n’existe pas de consensus doctrinal sur ce point, encore moins de
définition légale ou jurisprudentielle. Certains auteurs s’y sont essayés comme P. MALAURIE
pour qui une secte désigne une “ communauté religieuse minoritaire et séparatiste, qui a le
sentiment d’être persécutée, particulièrement intransigeante, convaincue de ses différences et de
sa supériorité, et dont l’organisation est très structurée, les méthodes actives et le prosélytisme
ardent ” 30. Dans sa thèse, I. ROUVIERE-PERRIER a procédé à l’élaboration des six critères de
reconnaissance suivants : un leader mégalomane et charismatique, l’utilisation de moyens
financiers d’origines douteuses et à des fins ni religieuses ni caritatives, un enseignement
contraignant, un prosélytisme agressif, des pratiques collectives contestables, une rupture de
l’adepte avec sa famille et une régression de sa personnalité31. La commission parlementaire de
1995 a déclaré renoncer à la détermination d’une définition “ objective ” et a retenu un faisceau
d’indices qui reprend les critères utilisés par les Renseignements généraux et permettant de
vérifier “ l’éventuelle réalité des soupçons conduisant à qualifier de secte un mouvement se
présentant comme religieux ”32 Ces critères sont les suivants : la manipulation mentale, le
caractère exorbitant des exigences financières, la rupture induite avec l’environnement d’origine,
les atteintes à l’intégrité physique, le discours plus ou moins antisocial, les troubles à l’ordre
public, l’importance des démêlés judiciaires, l’éventuel détournement des circuits économiques
traditionnels, les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics. Cette démarche n’est pas sans être
29
30. MALAURIE (P.), note sous Cass. 1ère civ., 11 juin 1991, D. 1991, juris., p. 521.
31. ROUVIERE-PERRIER (I.), La vie juridique des sectes, Thèse, Paris II, 1992, Ronéo, p. 135 ; “
Vers un nouveau
concordat ? Réflexion sur le problème des sectes ”, Les Petites Affiches, 4 octobre 1995, n° 119, p.
24.
32. GEST (A.), GUYARD (J.), Les sectes en France, Rapport à l’Assemblée nationale fait au nom
de la commission
d’enquête sur les sectes, n° 2468, décembre 1995, Paris : Les Documents d’Information de
l’Assemblée nationale,
1996, p. 8.
critiquable car elle est particulièrement arbitraire. En effet, les Renseignements généraux ont ainsi
recensé 172 groupements dits sectaires, ceux-ci étant ainsi répertoriés dès lors qu’ils remplissent
au moins un des critères susvisés.
Nous le remarquons, il est malaisé de tracer les contours du phénomène sectaire, de le
conceptualiser : nous nous trouvons face à l’impossible définition juridique de la notion de
secte33, situation qui est inhérente au principe de laïcité de notre Etat. En effet, si l’on regarde à la
sociologie des sectes, nous pouvons relever que la plupart d’entre elles ont une connotation
religieuse ou déclarent poursuivre un but d’ordre religieux34. Ainsi “ au nom de sa propre
logique, l’Etat laïc est incompétent, parce qu’incapable, pour juger de la valeur d’un mouvement
de pensée, surtout s’il appartient au domaine religieux ”35. Il n’est donc pas possible de
distinguer, en droit, entre secte et religion36. Cependant, selon P. GAST, cette interprétation est
contestable car la laïcité n’interdirait pas la définition d’une secte ou d’une religion37. Certains
auteurs proposent alors de distinguer selon les “ bonnes ” ou “ mauvaises ” sectes ce qui
permettrait d’éviter l’écueil de l’amalgame, inévitable tant qu’aucune définition n’est posée. Cette
carence aboutit nécessairement à une classification arbitraire38 et finalement à grossir le
phénomène qui, somme toute, est et demeure marginal39.
33. Selon le doyen CARBONNIER, il “ existe bien des notions vulgaires de la secte, ne fut-ce que
celle –ci, c’est la
religion des autres. Mais si l’on veut une définition juridique, il y faudra plus de précision. Or, les
contours sont
fuyants ”, note sous CA Nîmes, 10 juin 1967, D. 1969, juris., p. 369.
34. J. TAVERNIER dénonce “ le faux nez religieux dont elles (les sectes) s’affublent ” in Le Monde
de l’éducation,
avril 1998, p. 85.
35. ONORIO (J.-B. d’), “ Les sectes en droit public français ”, JCP 1988, éd. G, I, 3336, n° 2.
36. La cour d’appel de Lyon s’est risquée à définir ce qu’était une religion en considérant que celle-
ci était
caractérisée par la coïncidence de deux éléments : une assemblée de croyants et une foi commune.
Elle a ainsi
reconnu que l’Eglise de Scientologie pouvait se prévaloir de ce titre, CA Lyon, 26 juillet 1997,
D.1997, IR, p. 197 ;
RENARD (M.-R.), “ Qu’est-ce qu’une religion ? ”, JCP 1998, éd. G, II, 10025. Cette initiative a été
censurée par le
Cour de cassation qui a considéré qu’il “ n’appartient pas au juge de judiciaire de se prononcer sur
le caractère
religieux d’une communauté telle l’Eglise de Scientologie ”, Cass. crim., 30 juin 1999, pourvoi n°
98-80501, inédit.
37. GAST (P.), “ Le rapport Guyard et les principes d’égalité et de légalité en matière de sectes ”,
Les Petites
Affiches, 7 février 1996, n° 17, p. 17.
38. “ l’établissement d’une liste de mouvements qualifiés a priori de “ sectes ”, sans fournir
d’éléments concrets,
sans démonstration et sans débat contradictoire, et sa publication s’apparentent à une forme
moderne de “ mise au
pilori ” par laquelle une condamnation intervient sans procès pénal ”, SEGUY (O.-L.) in “ En marge
du rapport de
la commission d’enquête parlementaire sur les sectes : Les obstacles juridiques à une loi générale
sur les sectes ”, Les
Petites Affiches, 5 février 1996, n° 16, p. 6.
39. Les personnes concernées par les différents mouvements répertoriés seraient approximativement
500 000 en
France, chiffre qui du reste n’a pas sensiblement évolué depuis vingt ans, Rapport de la M.I.L.S.,
2001, Paris : La
Documentation française, 2002, p. 6.
Les raisons d’une telle adhésion sont en fait aussi variées que les personnalités de chacun
d’entre nous. Il n’existe pas de profil type de l’adepte40 même si certains éléments, tel un malaise
personnel ou social, sont fréquemment mis en cause. Une fracture affective est un terrain propice
mais l’adepte potentiel n’est pas nécessairement un être fragile aux tendances psychotiques :
“ l’hypothèse d’un profil déterminé préexistant à l’entrée dans un secte et donc y prédisposant,
est aujourd’hui largement battu en brèche. Le profil psychologique des adeptes (...) se situe dans
une zone normale, même si l’existence d’un épisode dépressif semble un facteur favorable à
l’attirance pour un groupe sectaire ”41.
Les sectes répondent à une dynamique bien organisée qui se déroule schématiquement en trois
phases42 : la séduction qui tend à proposer une alternative aux difficultés de la vie quotidienne ; la
persuasion qui a pour but de persuader de la crédibilité du discours énoncé selon un procédé
similaire aux techniques classiques de marketing ; la fascination qui est le plus souvent obtenue
par la rencontre du nouveau venu avec la pièce maîtresse du groupement, autrement dit le
“ gourou ”.
Il nous paraît indéniable que l’adeptat est un choix de vie spirituelle au même titre que la décision
d’entrer dans une religion traditionnelle : ce choix relève de la liberté individuelle dont chacun est
maître en son royaume43. D’ailleurs, pour aussi surprenant que cela puisse paraître, il faut bien
reconnaître que l’individu peut parfaitement trouver à s’épanouir au sein d’un tel groupement, il
peut y trouver finalement un cadre chaleureux et protecteur44. De plus, il faut bien garder à l’esprit
que l’engagement de l’adepte n’est pas conclu “ ad vitam aeternam ” : l’une de ses principales
40. Les adeptes seraient majoritairement issus des classes moyennes ; si l’âge des adeptes est
variable, deux groupes
sembleraient dominer : celui des 25-35 ans dans les sectes orientalistes ou de type Nouvel Age,
celui des 50-60 ans
dans les groupes de prière ou de guérison in GEST (A.), GUYARD (J.), Les sectes en France,
Rapport à l’Assemblée
nationale fait au nom de la commission d’enquête sur les sectes, n° 2468, décembre 1995, Paris :
Les Documents
d’Information de l’Assemblée nationale, 1996, p. 27 ; femmes et hommes dans les sectes sont à peu
près en nombre
égal mais les femmes sont plus tournées vers les mouvements dits pseudothérapeutiques et les
hommes sont plus
nombreux dans l’univers des pseudoformations in Rapport de la M.I.L.S., 2001, Paris : La
Documentation française,
2002, p. 5.
41. GEST (A.), GUYARD (J.), Les sectes en France, Rapport à l’Assemblée nationale fait au nom
de la commission
d’enquête sur les sectes, n° 2468, décembre 1995, Paris : Les Documents d’Information de
l’Assemblée nationale,
1996, p. 28.
42. ABGRALL (J.-M.), La mécanique des sectes, Paris : Editions Payot & rivages, 1996, p. 26.
43. La liberté religieuse est une dimension de la liberté d’opinion qui consiste à adhérer librement à
la religion de son
choix ou à aucune. L’article 10 de la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen ainsi que le
Préambule de la
Constitution de 1946 incluent les croyances religieuse parmi les opinions dont la liberté est
également garantie par la
Constitution de 1958.
44. Selon WILSON (B.), “ Les sectes proposent à leurs adeptes toute une série d’activités diverses :
elles jouent
parfois, socialement, un rôle d’agent créateur ” in Les sectes religieuses, Paris : Hachette, 1970, p.
241.
caractéristiques étant qu’il est bien souvent temporaire45. Cependant, l’emploi de certaines
méthodes, destinées à opérer l’endoctrinement de la personne, peut s’avérer particulièrement
nocif : alimentation carencé, temps de sommeil restreint, isolement. Puis, par la suite, certains des
préceptes édictés par les dites sectes peuvent entraîner des effets plus ou moins néfastes sur la
personne de l’adepte. Ainsi en est-il notamment de la théorie selon laquelle la médecine
traditionnelle est inutile : les médicaments sont alors proscrits, les vaccinations interdites, les
transfusions sanguines refusées, et la prière ou encore l’imposition des mains sont expressément
recommandées comme unique thérapeutique.
Mais il est certain que la reconnaissance pleine et entière de la liberté religieuse ne peut et
ne doit pas signifier que l’on puisse échapper aux lois de la République concernant les droits de
l’homme et de la femme, la protection de l’enfance, le travail, l’éducation...
Le recours au droit civil en général et au droit de la famille en particulier n’est pas
envisagée de manière spontanée lorsqu’il s’agit de protection de la personne face au phénomène
sectaire, l’activité sectaire semblant nécessairement relever du droit répressif46. Pourtant, il
semble que la famille soit la structure sociale qui souffre le plus du phénomène sectaire, et plus
précisément de ses dérives. Il s’agit alors d’une réflexion plus générale sur la place que peut
accorder le droit, et en particulier le droit de la famille, au fait religieux et aux conséquences de
celui-ci. En effet, l’appartenance à une secte peut favoriser certaines difficultés qui peuvent se
présenter dans le domaine familial. Il est possible que la condition d’adepte ait des conséquences
particulièrement néfastes pour les personnes l’entourant, tel le conjoint s’il n’est pas lui-même
membre, mais surtout les enfants dont il faudra penser à protéger les intérêts, le cas échéant. S’il
est reconnu le droit pour chacun de vivre selon ses aspirations, celles-ci ne doivent pas porter
atteinte à autrui : la liberté religieuse doit s’arrêter là où elle met en cause la sécurité, la santé et
même bien avant : la liberté de l’un s’arrête aux portes de celle de l’autre47. Comme le souligne P.
COULOMBEL, “ la communauté de vie familiale favorise la manifestation des antagonismes
45. P. ex.., le taux de défection volontaire serait de 55% au sein de la Méditation Transcendantale
dans les cinq
premières années et de 61% pour l’Eglise de l’Unification dans les deux premières années, chiffres
empruntés à
DUVERT (C.), Sectes et droit, Thèse, Paris II, 1999, p. 37.
46. Voir la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001tendant à renforcer la prévention et la répression des
mouvements à
caractère sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, JO du 13
juin 2001, p. 9337,
qui insère l’article 223-15-2 au Code pénal relatif à l’infraction de l’abus de faiblesse ou
d’ignorance.
47. FORTIER (V.), “ Justice civile, croyances et religions ”, R.J.J. 1998-3, p. 965.
religieux, qui peuvent amener finalement la rupture du lien conjugal ”48. Le fait sectaire peut
apparaître dans un rapport horizontal comme facteur de dissension au sein du couple. Il a été
régulièrement jugé que l’adhésion à une secte n’est pas, en soi, une faute cause de divorce49 mais
le comportement que le nouvel adepte manifeste dans l’exercice de son activité religieuse ne doit
pas perturber la vie familiale au risque de se voir reprocher une violation des devoirs et
obligations du mariage constitutive d’une faute50. Au-delà du lien conjugal, le fait sectaire
apparaît dans un rapport vertical au travers de l’autorité parentale.
Les parents sont investis de l’autorité parentale sur leurs enfants de manière naturelle : il
s’agit avant tout d’un droit fondé sur la nature, confirmé ensuite par le droit51. Parallèlement, il
leur est reconnue une vocation naturelle à protéger leurs enfants52. Déjà sous l’empire de la
puissance paternelle, DEMOLOMBE affirmait que celle-ci avait été établie “ dans l’intérêt des
enfant principalement sans doute, car il faut à leur faiblesse un protecteur, un guide à leur
inexpérience ; dans l’intérêt des père et mère, car c’est pour eux non pas seulement un devoir,
mais aussi un droit d’élever leurs enfants ”.
Devenue une véritable dyarchie53 avec la loi du 4 juin 1970, l’autorité parentale est attribuée aux
deux parents et exercée d’égal à égal par ceux-ci. De réforme en réforme, le législateur a
récemment consacré le principe de la coparentalité par l’adoption de la loi du 4 mars 200254. En
effet, l’exercice en commun de l’autorité parentale a été généralisée à l’égard de tous les enfants55,
48. COULOMBEL (P.), “ Le droit privé français devant le fait religieux depuis la séparation des
églises et de
l’Etat ”, RTD civ. 1956, p. 13.
49. Trib. civ. Seine, 4 avril 1951, JCP 1953, éd. G, II, 7408 : un mari demandait la séparation de
corps faisant grief à
sa femme de son adhésion à une secte religieuse. Le tribunal a rejeté le grief en affirmant que,
malgré la qualité du
chef de famille qui reste encore reconnue au mari, la femme avait le droit d’adhérer à la secte de son
choix. Plus
récemment, CA Bourges, 20 mars 1996, Juris-Data n° 043754 ; CA Aix-en-Provence, 21 janvier
1997, Juris-Data n°
040044, JCP 1997, éd. G, I, 4045.
50. Cass. 2ème civ., 8 novembre 1995, Bull. civ. I, n° 271, RTD civ. 1996, p. 369, obs. HAUSER
(J.), Defrésnois
1996, p. 300, obs. MASSIP (T.).
51. BRUGGEMAN (M.), L’administration légale à l’épreuve de l’autorité parentale,Thèse,
Université d’Aix-
Marseille, Aix-en-Provence : Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2002, p. 71 ; FENOUILLET
(D.),
VAREILLES-SOMMIERES (P. de), (dir.), La contractualisation de la famille, Paris : Economica,
2001, p. 44.
52. AUTEM (D.), Les mesures judiciaires de placement de l’enfant mineur, Thèse, Université de
Lille II, 1998, p.
35 ; BENABENT (A.), Droit civil : La famille, 5ème éd., Paris : Litec, 1995, p. 486.
53. CARBONNIER (J.), Droit civil : La famille, l’enfant, le couple, tome 2, 21ème éd. refondue, “
coll. Thémis
Droit privé ”, Paris : PUF, 2002, p. 104.
54. Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, JO du 5 mars 2002, p. 4161 ;
GOUTTENOIRE-
CORNUT (A.), “ La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale ”, A.J.F 2002, n° 4, pp. 124-
139 ;
FULCHIRON (H.), “ L’autorité parentale rénovée ”, Defrésnois 2002, art. 37580, pp. 989-997 ;
BOULANGER (F.),
“ Modernisation ou utopie ? : La réforme de l’autorité parentale par la loi du 4 mars 2002, D. 2002,
doct., p. 1571.
55. GOUTTENOIRE-CORNUT (A.), “ La consécration de la coparentalité par la loi du 4 mars
2002 ”, Dr. fam.
quelle que soit leur filiation. L’article 372 du Code civil prévoit que “ les père et mère exercent
en commun l’autorité parentale ”, cette règle n’étant écartée, selon l’alinéa 2 du même texte, que
lorsque la filiation à l’égard de l’un des parents n’est pas établie dans l’année de naissance de
l’enfant ou lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l’égard de l’enfant. Le cas échéant,
l’autorité parentale est exercée unilatéralement par le parent qui l’a reconnu en premier, la loi
s’empressant de remédier à cette situation en prévoyant, à l’alinéa 3, que l’autorité parentale
pourra être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des parents devant le greffier en
chef du tribunal de grande instance ou sur décision du juge aux affaires familiales. Le principe est
donc confirmé : le mode d’exercice normal de l’autorité parentale est l’exercice conjoint. Les
parents, dans la mise en œuvre de leur autorité, sont guidés par la définition qui est donnée de
celle-ci à l’article 371-1 du code civil56 : “ l’autorité parentale est un ensemble de droits et de
devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et aux mère jusqu’à la
majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité,
pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ”.
La suppression des références aux attributs classiques57 de cette autorité ne signifie pas que ceux-
ci n’existent plus mais qu’ils sont désormais des moyens parmi tant d’autres de parvenir au but
assigné58. L’exercice de l’autorité parentale peut se définir comme la mise en œuvre pratique des
prérogatives de l’autorité parentale59. Parmi celles-ci, l’éducation est un des éléments qui permet
l’intrusion du phénomène sectaire dans la cellule familiale. En effet, l’éducation religieuse de
l’enfant apparaît comme un aspect de l’éducation en général60. Les parents sont donc libres
d’élever leurs enfants selon les préceptes de la religion ou de la croyance à laquelle eux-mêmes
adhèrent et cela en vertu de la liberté de conscience. Certains textes internationaux proclament
cette liberté des parents. Ainsi, l’article 2 du premier Protocole additionnel à la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH)
novembre 2002, chron. 24, p. 4 ; VAUVILLE (F.), “ Du principe de coparentalité ”, Les Petites
Affiches, 18 octobre
2002, n° 209, p. 4.
56. Issu de la loi du 4 mars 2002
57. L’ancien article 371-2 du Code civil disposait que “ l’autorité appartient aux père et mère pour
protéger l’enfant
dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance
et
d’éducation ”.
58. GOUTTENOIRE-CORNUT (A.), “ La consécration de la coparentalité par la loi du 4 mars
2002 ”, Dr. fam.
novembre 2002, chron. 24, p. 4
59. CORNU (G.), Droit civil : La famille, 8ème éd., Paris : Montchrestien, 2001, p. 134.
60. BREDIN (J.-D.), “ La religion de l’enfant ”, D. 1960, chron., p. 73 ; BARBIER (P.), “ L’enfant,
la religion et le
droit ”, Gaz. Pal. 1960, I, p. 73, “ Les limites de l’autorité parentale en matière religieuse ”, Gaz.
Pal. 1971, I, p.
269 ; FORTIER (V.), “ Justice civile, croyances et religions ”, R.J.J. 1998-3, p. 965.
reconnaît le droit des parents “ d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à
leurs convictions religieuses et philosophiques ” ou encore l’article 5 de la déclaration sur
l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la
conviction du 25 novembre 1981 : “ 1- Les parents (...) ont le droit d’organiser la vie au sein de
la famille conformément à leur religion ou conviction et en tenant compte de l’éducation morale
conformément à laquelle ils estiment que l’enfant doit être élevé ”, “ 2- Tout enfant jouit du droit
d’accéder, en matière de religion ou de conviction, à une éducation conforme aux vœux des
parents (...) et ne peut être contraint de recevoir un enseignement relatif à une religion ou une
conviction contre les vœux des ses parents (...) l’intérêt de l’enfant étant le principe directeur ”.
Cette liberté s’entend du choix d’une confession mais également de celui de ne pas donner
d’éducation religieuse à l’enfant. Ce choix relevant d’un attribut indivisible de l’autorité
parentale, il doit être effectué d’un commun accord entre les parents. L’appartenance sectaire de
l’un des parents va s’inscrire dans ce premier cadre, car, bien souvent l’adhésion à une secte
faisant suite à une conversion ultérieure à l’union des parents, elle pourra être source de
difficultés entre les parents s’agissant de l’éducation religieuse de leur enfant.
Au-delà, l’exercice de l’autorité parentale doit les amener à remplir la principale mission qui leur
est reconnue : la protection de l’enfant dont l’intérêt est le seul fondement de cette autorité61. Il
s’agit du principe directeur de notre étude puisqu’il est souvent relevé le caractère
particulièrement néfaste, voire dangereux pour l’enfant d’un contexte sectaire62. Faut-il alors
présumer que le ou les parents ne sont plus en mesure de remplir leur rôle protecteur auprès de
l’enfant dès lors qu’ils partagent les convictions d’un groupe religieux minoritaire ? L’hypothèse
est envisagée lorsque les pouvoirs publics préconisent un rappel aux obligations parentales dans
ce cas, voire le prononcé de “ sanctions ”63 lorsque celles-ci ne sont pas respectées. Il ne semble
pas qu’il faille aussi vite préjuger qu’une appartenance sectaire entraîne chez le parent converti un
61. DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.), Les droits de l’enfant, 5èmé éd., “ coll. Que sais-je ? ”, Paris :
PUF, 2001, p. 65.
62. GEST (A.), GUYARD (J.), Les sectes en France, Rapport à l’Assemblée nationale fait au nom
de la commission
d’enquête sur les sectes, n° 2468, décembre 1995, Paris : Les Documents d’Information de
l’Assemblée nationale,
1996, p. 62 ; “ une attention toute particulière doit être apportée à la situation des mineurs, qui
constituent souvent,
compte tenu de leur extrême vulnérabilité, des victimes particulièrement exposées des dérives
sectaires ”, Circulaire
du 29 février 1996 relative à la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens dans le cadre des
mouvements à
caractère sectaire, JO du 5 mars 1996, p. 3409
63. Voir GEST (A.), GUYARD (J.), Les sectes en France, Rapport à l’Assemblée nationale fait au
nom de la
commission d’enquête sur les sectes, n° 2468, décembre 1995, Paris : Les Documents
d’Information de l’Assemblée
nationale, 1996, p. 62 : il est ici suggéré que le parent adepte puisse être privé de son exercice de
l’autorité parentale,
voire qu’il lui soit retiré.
exercice de l’autorité parentale en contrariété avec sa mission première.
L’autorité parentale consacre la confiance que la loi accorde aux parents pour mener à bien
l’éducation de l’enfant et assurer sa protection jusqu’à son départ pour la vie d’adulte. L’amour
des parents, leur attention pour l’enfant et leur aptitude à le prendre en charge sont ainsi
présumés. L’apparition du phénomène sectaire dans cette relation de parent à enfant doit-elle
nécessairement emporter une incidence sur l’exercice de l’autorité parentale ? Rien n’est moins
sûr, la réponse ne peut venir d’elle-même, principalement dans un domaine qui touche à la liberté
de conscience de la personne. L’appréciation du juge sera aussi délicate car, même s’il doit se
garder de porter un jugement de valeur sur un choix d’orientation spirituelle, la vie étant ainsi
faite que nous sommes tous empreints de valeurs propres à l'éducation que nous avons reçue. Une
autre difficulté pour le juge est que son champ d’intervention peut être très restreint, d’un point de
vue théorique tout d’abord puisqu’il doit toutes proportions gardées sur une matière aussi sensible
que le choix d’une appartenance sectaire, d’un point de vue pratique aussi puisqu’il ne peut, dans
certains cas, avoir connaissance de l’association de l’enfant à une doctrine sectaire, soit parce que
ses parents sont tous deux membres et ne présentent pas de divergences d’opinion, soit qu’elle
n’ait simplement pas été portée à sa connaissance.
Afin de ne pas opérer de discrimination trop hâtive, il sera nécessaire de s’orienter dans
une analyse pragmatique des divers situations, car la ligne de démarcation entre ce qui est
acceptable et ce qui est préjudiciable n’est pas évidente à trouver et tout dépendra finalement de
chaque cas. En tout état de cause, il paraît opportun de considérer qu’une appartenance sectaire ne
puisse pas restreindre ipso facto les prérogatives parentales, notamment s’il apparaît que la
protection familiale accordée à l’enfant s’avère particulièrement suffisante pour le préserver
d’une influence sectaire qui ne peut être, nous le soulignons, que potentiellement néfaste
(Chapitre I). Cependant, la pratique induite par les préceptes de certains groupements nous
permettent de penser que la protection familiale offerte à l’enfant pourra faire preuve de faiblesse
à laquelle il faudra remédier (Chapitre II).
Chapitre I : Le caractère suffisant de la protection familiale de
l’enfant face au phénomène sectaire
L’article 371-1 du code civil, issu de la loi du 4 mars 200264, prévoit que “ l’autorité
parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle
appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger
dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son
développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions
qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ”65. Les parents ont une vocation
64. Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, JO du 5 mars 2002, p. 4161.
65. L’ancien article 371-2 du code civil disposait que “ l’autorité appartient aux père et mère pour
protéger l’enfant
naturelle à protéger l’enfant66 et leur seul souci doit être de tendre à cet objectif.
L’intrusion d’une appartenance sectaire dans l’entourage de l’enfant amènerait à présumer un
risque pour l’enfant qu’il faudrait alors éradiquer en retirant l’enfant à ses parents, alors
incapables de contribuer à son bonheur67. Il ne nous semble pas très judicieux, notamment pour
l'enfant, de réfléchir en ses seuls termes. D’une part, le choix d’une appartenance sectaire, au
même titre que le choix d’une religion dite “ traditionnelle ”, relève de la liberté de conscience du
ou des parents, liberté qui inclut celle de transmettre leurs convictions à leurs enfants68. D’autre
part, un parent, aussi adepte soit-il, demeure, jusqu’à preuve contraire, un parent dont l’autorité
ne peut être contestée (section I). Il est envisageable que le choix d’une adhésion sectaire puisse
poser certaines difficultés à l’exercice de l’autorité parentale du parent adepte. Pour autant, nous
ne pensons pas et nous ne pourrions pas décemment penser qu’il faille ipso facto lui retirer cet
exercice. Dès lors que l’autorité parentale détenue par le parent adepte demeurera conforme à
l’intérêt de l’enfant, son exercice pourra être préservé (section II). Il nous semble alors possible
que la protection familiale de l’enfant demeure ainsi pleinement efficace sans qu’il soit nécessaire
de porter atteinte, trop hâtivement, à l’autorité parentale de ses principaux acteurs.
Section I : Un exercice incontesté de l’autorité parentale malgré une
appartenance sectaire
Conformément au principe d’exercice en commun de l’autorité parentale, les parents décident
donc ensemble de l’éducation religieuse qu’ils entendent donner à leur enfant69. Celle-ci étant un
dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance
et
d’éducation ”.
66. CORNU (G.), Droit civil : La famille, 8ème éd., Paris : Montchrestien, 2001, p. 123
67. La plupart des ouvrages traitant de la relation entre l’enfant et les sectes avancent la mise en
œuvre de mesures
allant de l’assistance éducative au retrait pur et simple de l’autorité parentale.
68. VIDAL-ENGAURRAN (C.), Le droit face aux adeptes des sectes, Thèse, Université de Paris X,
1996, “ coll.
Thèses à la carte ”, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 1996, p. 110.
69. BOURGAULT-COUDEVYLLE (D.), article 445-45 in “ Le contenu de l’autorité parentale ”,
étude 445, Lamy
Droit des personnes et de la famille.
aspect de l’éducation en général70, elle est par conséquent un attribut par nature indivisible71 de
l’autorité parentale. Ainsi, dans un premier temps, l’existence d’une appartenance sectaire se
révélera lors d’un conflit entre les deux parents72, qu’ils soient toujours unis ou bien séparés, sur
l’éducation à donner à leur enfant, en l’occurrence son éducation religieuse. Dans le contexte
sectaire, il s’agira le plus souvent d’un conflit relatif à la conversion de l’enfant souhaitée par le
parent qui s’est tourné vers une nouvelle doctrine. Ce différend dans le choix de la religion de
l’enfant apparaît comme un conflit dont “ l’objet réside dans l’exercice de l’autorité
parentale ”73. Pour tenter d’y remédier, les parents ont la faculté de saisir le juge aux affaires
familiales74 qui pourra leur apporter une solution ou, à tout le moins, apaiser le conflit. Saisi du
désaccord, le juge, soumis au principe de laïcité, doit cependant veiller à se circonscrire dans une
certaine neutralité. Pour ce faire, le magistrat dispose d’outils particulièrement commodes dans
une matière aussi sensible que celle de la liberté de confession des parents, les parents disposant
avant tout de la liberté de choix éducatifs (A). Mais le juge peut également se retrancher derrière
l’absence d’autonomie de l’enfant mineur en matière religieuse lorsque celui-ci revendique une
option religieuse (B) pour finalement faire preuve d’une immixtion raisonnable dans la sphère
privée de la famille75. L’approche pragmatique de la situation permettant alors d’affirmer que le
parent peut être, et demeurer, un bon parent tout en embrassant une doctrine dite sectaire.
A. Le respect de la liberté de choix éducatifs
En vertu des articles 373-2-10 et 373-2-11 du Code civil76, le juge se prononce sur les
modalités d’exercice de l’autorité parentale après avoir tenté de concilier les parties. A cet effet, il
70. BREDIN (J.-D.), “ La religion de l’enfant ”, D. 1960, chron., p. 73 ; BARBIER (P.), “ L’enfant,
la religion et le
droit ”, Gaz. Pal. 1960, I, doct., p. 73, “ Les limites de l’autorité parentale en matière religieuse ”,
Gaz. Pal. 1971, I,
doct., p. 268 ; MALAURIE (P.), note sous Cass. 1ère civ., 11 juin 1991, D. 1991, juris., p. 521 ;
BENABENT (A.),
Droit civil : La famille, 6ème éd., Paris : Litec, 1995, p. 494 ; COURBE (P.), Droit de la famille,
3ème éd., “ coll.
U ”, Paris : Armand Colin, 2002, p. 411 ; CA Paris, 6 avril 1967, D.1967, juris., p. 473, JCP 1967,
éd. G, II, 15100,
conclusions NEPVEU.
71. TI Sarrebourg, 12 novembre 1988, JCP 1989, éd. N, II, p. 213, note FOSSIER (T.)
72. FLORAND (J.-M.), “ Le divorce et l’autorité parentale ”, Les Petites Affiches, 10 août 1994, n°
95, p. 51.
73. CA Paris, 6 avril 1967, D. 1967, juris., p. 473.
74. Article 373-2-8 du Code civil issu de la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale.
75. FORTIER (V.), “ Justice civile, religions et croyances ”, R.J.J 1998-3, p. 966.
76. Issus de la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale.
peut leur proposer, voire leur enjoindre de recourir à un médiateur familial. Il s’agit de permettre
aux parents de régler leurs désaccords en dehors de la Chambre du conseil, la loi voulant ainsi
responsabiliser les parents, ceux-ci étant amenés à décider eux-mêmes de leur organisation
interne77. Cependant, il paraît difficile de pouvoir concilier les parents sur un sujet aussi épineux
que l’éducation religieuse de leur enfant. Ainsi, si le désaccord demeure, le juge sera amené à
trancher. L’un des éléments directeurs, élément qui aura la caractéristique d’être potentiellement
neutre, sera l’existence d’une pratique familiale antérieure (1) ou bien l’issue pourra être tout
simplement le refus de trancher entre les diverses confessions (2).
1/ L’existence d’une pratique familiale antérieurement suivie
Le mari, avant seul et unique titulaire de la puissance paternelle, disposait du pouvoir du
dernier mot dans le cas d’un désaccord sur la religion de l’enfant78. Avec la loi du 4 juin 1970,
instaurant le partage de l’autorité parentale entre les père et mère, s’est posée la question de la
résolution des désaccords parentaux. Il a alors été prévu qu’en cas de désaccord sur ce qu’exige
l’intérêt de l’enfant, la pratique antérieurement suivie par les parents leur tiendrait lieu de règle79.
Une autre disposition, concernant la fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale
après divorce, prévoyait que le juge tienne compte des accords passés entre époux80. Ces
dispositions apparaissent comme donnant valeur de principe à une habitude familiale, d’une part,
et aux pactes parentaux, d’autre part, et viennent tempérer le principe d’indisponibilité de
l’autorité parentale81. Ces dispositions ont particulièrement trouvé à s’appliquer en matière de
conflits relatifs aux pratiques religieuses auxquelles les parents souhaitaient associer l’enfant82 et
sont apparues comme la confirmation des solutions jurisprudentielles en la matière83.
La loi du 4 mars 2002 a abrogé ces dispositions pour les restituer à l’article 373-2-11 1° du Code
77. COURBE (P.), Droit de la famille, 3ème éd., “ coll. U ”, Paris : Armand Colin, 2002, p. 402.
78. TERRE (F.), FENOUILLET (D.), Droit civil : La famille, les personnes, les incapacités, 6ème
éd., “ coll. Précis
Dalloz ”, Paris : Dalloz, 1996, p. 872.
79. Article 372-1-1 ancien du Code civil, abrogé par la loi du 4 mars 2002.
80. Article 290 1° ancien du Code civil, abrogé par la loi du 4 mars 2002.
81. FENOUILLET (D.), VAREILLES-SOMMIERES (P. de), (dir.), La contractualisation de la
famille, Paris :
Economica, 2001, p. 157.
82. BARBIER (P.), “ Les limites de l’autorité parentale en matière religieuse ”, Gaz. Pal. 1971, I,
doct., p. 272.
83. NAUROIS (L. de), “ Aux confins du droit privé et du droit public : la liberté religieuse ”, RTD
civ. 1962, p. 252.
civil qui prévoit que lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le
juge aux affaires familiales prend notamment en compte “ la pratique que les parents avaient
précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ”. L’esprit du
texte reste sensiblement le même : cette pratique fait partie des éléments que le juge peut prendre
en considération mais il n’est plus un élément à part entière, il est devenu un élément
d’appréciation parmi d’autres84. Auparavant, le juge tentait de concilier les parties seulement à
défaut de pratique ou si celle-ci était contestée.
Pour autant, la référence à la pratique antérieure des parents, en cas de désaccord sur l’orientation
spirituelle à donner à leur enfant, s’est révélée particulièrement utile au juge qui se retrouve
malgré lui arbitre en matière de religion. Sur ce fondement, une juridiction du fond a considéré
que l’accord conclu par les parents de ne pas associer les enfants à leurs pratiques religieuses
permettait de respecter les convictions religieuses et philosophiques des époux. En l’espèce, les
époux s’étaient mariés religieusement et l’aîné de leurs enfants avait été baptisé selon la religion
catholique. Etait en cause l’adhésion ultérieure du père aux Témoins de Jéhovah, “ secte
totalement incompatible avec les principes du catholicisme de la mère, doit rester, en raison de
l’opposition de celle-ci, sans influence sur la vie quotidienne et spirituelle des enfants ”, la mère
demandant au juge d’entériner l’accord conclu entre eux afin de soustraire, finalement, les enfants
à l’influence des Témoins de Jéhovah. Sur la question du choix de la religion de l’enfant,
l’annotateur de cette décision considère que c’est le caractère indivisible de cet attribut qui permet
de conférer à l’accord parental actuel ou passé une “ valeur supérieure qui s’impose au juge ”85.
Nous pouvons d’ailleurs remarquer que la jurisprudence a tendance à être plutôt défavorable à
l’intrusion d’une religion nouvelle dans la vie de l’enfant86.
L’argument d’une religion pratiquée antérieurement par le couple parental peut se heurter à un
problème probatoire auquel le juge remédie aisément en se tournant vers l’existence d’un accord
tacite des parties comme la célébration religieuse du mariage, le baptême des enfants87, leur
circoncision ou encore leur communion. Cette manière de procéder est commode pour le juge,
84. BOURGAULT-COUDEVYLLE (D.), article 445-47 in “ Le contenu de l’autorité parentale ”,
étude 445, Lamy
Droit des personnes et de la famille.
85. FOSSIER (T.), note sous TI Sarrebourg, 12 novembre 1988, JCP 1989, éd. N, II, p. 214.
86. CA Paris, 26 septembre 1986, Juris-Data n° 25427 ; CA Metz, 13 août 1987, Juris-Data n°
45225 ; CA
Montpellier, 30 mai 1988, Juris-Data n° 11583 ; CA Paris, 25 octobre 1991, Juris-Data n° 023923,
JCP 1992, éd.
G, IV, 203.
87. CA Bordeaux, 10 février 2000, Juris-Data n° 107057, JCP 2000, éd. G, IV, 2569.
notamment lorsqu’il s’agit d’une dispute sur la conversion de l’enfant à une doctrine sectaire,
puisqu’il peut ainsi, de manière apparemment neutre, trancher et décider que l’enfant demeurera
dans sa religion d’origine, le plus souvent une religion dite “ traditionnelle ”. Cependant, il est
permis de se demander quelle serait la position du juge si l’inverse se produisait, à savoir le
souhait d’un parent de voir son enfant converti à la religion catholique alors qu’il a été baptisé
selon les rites jéhovistes, par exemple. La solution serait-elle identique ou le juge considérerait-il
la pratique antérieure comme néfaste pour l’enfant afin de permettre un retour vers une
confession plus classique et considérée ? La question reste ouverte, aucun cas similaire ne s’étant
semble-t-il présenté en jurisprudence. Il apparaît cependant que le parent converti à un nouveau
mouvement religieux, même s’il conserve le plein exercice de son autorité sur l’enfant, risque de
se voir systématiquement discriminé de part son adhésion à une secte et ne pourra bénéficier de la
liberté normalement accordée au parent de transmettre ses convictions religieuses à son enfant.
Les solutions retenues en la matière sont néanmoins intéressantes. L’article 372-1-1 du Code civil
ayant été abrogé par la loi du 4 mars 2002, ces décisions seraient de manière similaire fondées
dorénavant sur les articles 373-2-10 et 373-2-11 du Code civil. Leur utilité n’est pas à négliger car
ces dispositions permettent au juge de s’abstenir, sans trop de difficulté, de s’immiscer dans les
options religieuses des parents, option entre lesquelles il refuse finalement de trancher.
2/ Le refus du juge de trancher entre les diverses options religieuses
“ Bien que les litiges sur la religion des enfants soient relativement rares, ceux-ci sont
particulièrement délicats parce qu’ils sous-entendent une intervention des pouvoirs publics dans
une question liée à la conscience morale des individus et à la liberté de pensée ”88. Cette
réflexion rejoint l’idée selon laquelle le juge, saisi d’un litige en matière de religion, n’a pour
toutes boussole que de grands principes dont la mise en œuvre est délicate89. Le juge ne dispose
en effet d’aucun texte spécifique sur la religion de l’enfant, sur le choix entre la confession de
l’un ou l’autre des parents90 et cela est heureux car comment imaginer que le droit puisse régir
88. Conclusions de l’avocat général NEPVEU, sous CA Paris, 6 avril 1967, JCP 1967, éd. G, II,
15100.
89. FORTIER (V.), “ Justice civile, religions et croyances ”, R.J.J 1998-3, p. 962.
90. BARBIER (P.), “ L’enfant, la religion et le droit ”, Gaz. Pal. 1960, I, doct., p. 72 ; BREDIN (J.-
D.), “ La religion
de l’enfant ”, D. 1960, chron., p. 73.
toutes les relations humaines dans leurs moindres détails. Nous ne serions pas loin de ce que l’on
appelle un Etat totalitaire. Certains auteurs se sont d’ailleurs interrogés sur la caractère opportun
d’une intervention judiciaire en matière de religion, où le juge finalement se mue en véritable
arbitre des consciences91.
Ne disposant d’aucun élément, le juge doit donc faire preuve d’une grande prudence et se refuse à
trancher selon la religion92 car si à intervention il y a lieu, celle-ci doit être limitée. Il n’appartient
pas au juge de dire “ si l’enfant doit être élevée dans telle confession ou dans telle autre, car (il)
n’a aucun pouvoir, ni d’ailleurs aucune qualité pour statuer dans un domaine qui relève
purement et exclusivement de la conscience de chacun des parents ”93. Un arrêt de la cour d’appel
de Montpellier, en date du 29 juin 1992, se prononça de manière très pragmatique sur un
désaccord parental, opposant une religion traditionnelle à un nouveau mouvement religieux : “ Il
n’appartient pas au juge de peser ou de comparer les mérites ou les dangers, les bienfaits ou les
inconvénients respectifs d’une religion dominante par rapport à une secte minoritaire ”94, en
l’occurrence les Témoins de Jéhovah.
Une des tendances de la jurisprudence récente est de mettre en place un modus vivendi 95 entre les
parents dans le cadre d’un exercice conjoint de l’autorité parentale. Ainsi, certains juges du fond
ont considéré que “ toute éducation comporte nécessairement un certain endoctrinement par la
transmission à l’enfant des valeurs jugées essentielles par ses parents, que ce soit l’athéisme ou
la croyance en Dieu qui fonde ses valeurs (...). La différence de croyance des parents, si elle
s’exerce dans une pratique authentique et dans le respect mutuel des opinions de l’autre, peut
être un facteur de richesse pour un enfant ”96. Il est donc reconnu aux parents, de confession
différente, le droit d’enseigner librement leur enfant sur le plan religieux en préconisant
cependant de faire preuve d’esprit de tolérance et de se garder d’un endoctrinement absolu. La
démarche est intéressante et séduisante puisqu’elle permet à chacun des parents d’exercer
91. MALAURIE (P.), note sous Cass. 1ère civ., 11 juin 1991, D. 1991, juris., p. 523.
92. BOURGAULT-COUDEVYLLE (D.), article 445-49 in “ Le contenu de l’autorité parentale ”,
étude 445, Lamy
Droit des personnes et de la famille.
93. CA Paris, 6 avril 1967, D. 1967, juris., p. 473.
94. CA Montpellier, 29 juin 1992, Gaz. Pal. 1993, III, juris., p. 547, note GARAY (A.), GONI (P.).
95. GARAY (A.), GONI (P.), note sous CA Montpellier, 29 juin 1992, Gaz. Pal. 1993, III, juris., p.
551.
96. TGI Béziers, 4 juin 1991, Juris-Data n° 051799, cité par GARAY (A.) in “ Un cas d’intégration
juridique dans le
paysage cultuel français : Les Témoins de Jéhovah ”, Les Petites Affiches, 1er mai 1996, n° 53, p.
44.
pleinement son rôle éducatif auprès de l’enfant, à valeur égale.
Cependant, les religions ne sont généralement pas de la même substance et auraient plutôt
tendance à s’opposer entre elles de manière fondamentale. La croyance peut-elle à coup sûr
s’exercer dans un respect mutuel ? De plus, il ne faut pas perdre de vue que les enfants, en
particuliers les grands enfants que sont les adolescents sont particulièrement vulnérables aux
manipulations idéologiques ou religieuses. Cette version de la complémentarité des parents de
confessions différentes, traditionnelles et minoritaires, dans l’éducation de l’enfant n’est-elle pas
somme toute idyllique car n’y aurait-il pas là, comme le souligne V. FORTIER, un risque de
perturber l’enfant en l’entraînant dans une sorte de “ guerre de religion ”97 des temps modernes ?
Cette question est d’autant plus importante que l’enfant ne dispose, en l’état actuel de notre droit,
d’aucune autonomie en matière de religion, en particulier de choix religieux.
B. L’absence d’autonomie de l’enfant en matière religieuse
Il apparaît en effet que certaines décisions parentales n’impliquent pas l’association de
l’enfant. Ainsi, la décision relative au choix religieux relève toujours des pouvoirs souverains des
pères et mères même si ces prérogatives parentales sont semble-t-il de plus en plus
contestées98.L’enfant mineur demeure donc soumis à l’autorité parentale s’agissant de la
religion99 : la loi n’ayant pas fixé d’âge à partir duquel la liberté de conscience de celui-ci est
opposable à ses parents100.
Le Doyen Carbonnier avait en son temps proposé une analyse particulière en rattachant la religion
à l’état des personnes101. Il s’agissait, selon lui, de trouver une qualification permettant de
préserver l’immutabilité du lien religieux, en empêchant les fluctuations abusives en cas de
dissentiment parental et le risque pour le juge d’avoir à apprécier le choix selon l’intérêt de
97. FORTIER (V.), “ Justice civile, religions et croyances ”, R.J.J 1998-3, p. 981.
98. BRUGGEMAN (M.), L’administration légale à l’épreuve de l’autorité parentale, p. 74
99. MICHELET (E.), “ L’intervention du juge dans les conflits familiaux en matière de vocation
religieuse ”, D.
1971, chron. 33, p. 233.
100. Certaines législations étrangères n’ont pas hésité à intervenir en ce domaine : l’article 277 du
Code civil suisse
prévoit que l’enfant âgé de seize ans révolus a le droit de choisir lui-même sa confession ; en
Allemagne, une loi du
15 juillet 1921 a fixé cet âge à quatorze ans.
101. Note sous Trib. civ. Briançon, 6 janvier 1948, D. 1948, juris., p. 579.
l’enfant, tâche assurément périlleuse102. De nombreux auteurs ont objecté qu’il était impossible
qu’un droit inspiré des principes de laïcité considère la religion comme un élément de l’état103.
Partant, tous les éléments de l’état ne sont pas immuables et rattacher ainsi la religion ne peut
assurer son immutabilité. De plus, comme le souligne fort justement J.-D. BREDIN, le
rattachement religieux procède d’un choix librement exercé alors que les éléments juridiques de
l’état sont fixés par la loi à la naissance104.
La question posée au juge est alors, une fois encore, une véritable question de fait. Lorsqu’un
enfant mineur souhaite un changement de religion, le juge s’en tient à un refus, ce qui revient à
limiter la liberté religieuse de l’enfant mineur (1), à l’instar du législateur qui se refuse à prévoir
une pré-majorité religieuse de l’enfant distincte de la majorité civile, maintenant ainsi la
prédominance de l’autorité parentale en ce domaine (2).
1/ La limitation à la liberté religieuse du mineur
L’hypothèse d’un conflit entre l’enfant et ses parents en matière de religieux est
relativement rarement rencontrée dans la jurisprudence. Cependant, elle mérite d’être évoquée au
titre des implications qu’elle peut avoir pour notre sujet. Il existe, à notre connaissance, une
espèce significative en la matière : un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de
cassation le 11 juin 1991105. En l’espèce, une mineure de seize ans, née de parents catholiques et
baptisée dans cette religion, souhaitait être baptisée selon la religion des Témoins de Jéhovah.
Son père, lui-même converti à cette confession, était d’accord mais la mère s’y opposait.
L’autorité parentale étant exercée conjointement, la mère s’est tournée vers le juge des tutelles106
pour voir régler le différend. Les juges du fond estimèrent que la jeune fille devait attendre sa
majorité pour exercer son choix. La Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le père en
considérant que c’est dans “ l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation de l’opportunité
de faire procéder immédiatement au baptême de Catherine X. que les juges du fond, qui ont
relevé que celle-ci était née de parents catholiques et avait été baptisée dans leur religion, ont
102. HAUSER (J.), HUET-WEILLER (D.), Traité de droit civil : La famille, Paris : LG.D.J., 1993
p. 847.
103. COULOMBEL (P.), “ Le droit privé français devant le fait religieux depuis la séparation des
églises et de l’Etat,
RTD civ. 1956, p. 16 ; BARBIER (P.), “ L’enfant, la religion et le droit ”, Gaz. Pal. 1960, I, doct., p.
73.
104. BREDIN (J.-D.), “ La religion de l’enfant ”, D. 1960, chron., p. 74.
105. Cass. 1ère civ., 11 juin 1991, Bull. civ. I, n° 96 ; D. 1991, juris., p. 521, note MALAURIE (P.) ;
D. 1992,
somm., p. 65, obs. DESCAMPS (N.).
106. Avant la loi du 8 janvier 1993 qui a institué le juge aux affaires familiales
estimé qu’il convenait d’attendre qu’elle soit devenue majeure pour exercer son choix ”. D’une
manière générale se trouvait posée la question de la part susceptible d’être reconnue à la volonté
de l’enfant pour le choix de sa religion107. De l’avis de l’annotateur, cette solution était la moins
mauvaise108 même si elle revient finalement à limiter la liberté religieuse de l’enfant mineure qui
avait pourtant seize ans. Cette solution nous paraît à la fois étonnante et choquante.
Etonnante si l’on compare cette solution avec l’affirmation d’une certaine pré-capacité de
l’adolescent pour accomplir certains actes. Ainsi, le mineur âgé de seize ans est capable d’ouvrir
un livret de caisse d’épargne. L’article 60 du Code civil prévoit que l’enfant de plus de treize ans
doit consentir à un changement de prénom. Mais surtout, la loi du 4 juillet 2001 a ouvert le droit à
la jeune fille mineure de subir une interruption volontaire de grossesse sans le consentement de
ses parents, en posant comme condition qu’elle se fasse accompagner par la personne majeure de
son choix109. De fait, l’absence de reconnaissance d’une faculté de choix en matière religieuse
pour l’enfant mineur est contestable. Il y a là une incohérence de notre droit qui demeure
difficilement justifiable. J. HAUSER le déplore ainsi : “ on ne peut que regretter une fois encore
le laconisme de notre droit français sur les droits des grands-mineurs ”110.
Choquante car elle consacre l’emprise totale des parents, une autorité parentale très étendue en
matière religieuse, voire envahissante. Pourtant, une jurisprudence antérieure s’était montrée plus
pragmatique en posant des limites à l’exercice de l’autorité parentale fondées sur l’intérêt de
l’enfant et surtout sa volonté111. En l’espèce, une jeune fille, dont les parents catholiques s’étaient
convertis au protestantisme et étaient très autoritaires, avait saisi le juge des tutelles. Le juge
considéra qu’il était de l’intérêt de l’enfant de le soustraire à tout commandement de la part de ses
parents en matière religieuse. Dans la décision de la Cour de cassation du 11 juin 1991, le juge ne
s’est assurément pas fondé sur la volonté de la mineure sinon la solution aurait immanquablement
été différente : la jeune fille avait seize ans au jour de la demande initiale et avait exprimé son
choix devant le juge des tutelles. De même, il ne s’agissait pas de prendre en compte l’intérêt des
parents à inculquer leur confession puisque, de manière analogique, le juge aurait pu se référer à
107. “ La religion du ménage est la religion de l’enfant, celui-ci ne bénéficiant ni d’une autono mie
de la volonté en
la matière, ni même d’une majorité religieuse ”, CA Paris, 6 avril 1967, D. 1967, juris., p. 473.
108. MALAURIE (P.), note sous Cass., 1ère civ., 11 juin 1991, D. 1991, juris., p. 523.
109. Article L. 2212-7 du Code de la santé publique issu de la loi n° 2001-508 du 4 juillet 2001.
110. HAUSER (J.), HUET-WEILLER (D.), “ La religion de l’enfant ”, RTD civ. 1992, p. 75.
111. Affaire dite de la mineure de Versailles, ordonnance du juge des enfants, 24 septembre 1962,
Gaz. Pal. 1962, II,
p. 192 ; BARBIER (P.), “ Incidence de la religion du mineur sur les mesures dites “ d’assistance
éducative ” que peut
prendre le juge des enfants ”, Gaz. Pal. 1962, II, doct. p. 40 ; Cass. 1ère civ., 7 avril 1965, Bull. civ.
I, n° 258, D.
1965, juris., p. 704, note J.C.
l’article 148 du Code civil112 pour trancher la question. Mais cela aurait été au profit du père,
Témoins de Jéhovah ! Finalement, selon les circonstances, le juge peut décider que l’adolescent
peut ou ne peut pas se convertir malgré la volonté de ses parents113. En tout état de cause, il
apparaît que l’autorité parentale a finalement une valeur supérieure à la liberté religieuse de
l’enfant114.
2/ La prédominance de l’autorité parentale sur la liberté religieuse de l’enfant
Une partie de la doctrine vient parfois à souhaiter l’établissement d’une majorité
religieuse antérieure à la majorité civile 115. L’idée n’est pas nouvelle116 et se voulait comme une
réponse aux droits excessifs que le droit français accordait au père sur la conscience de l’enfant
mineur117. Par ailleurs, il était soutenu que l’adolescent, en particulier, prenait finalement très tôt
ses options en matière religieuse ou n’en prenait pas, ce qui constitue également un choix118.
L’idée est séduisante mais son application peut causer certaine difficulté notamment sur la
difficulté de “ démembrer ” l’incapacité du mineur119.
Pourtant, la Convention Internationale des Droits de l’enfant (C.I.D.E.) consacre trois articles à la
religion de l’enfant : l’article 27 prévoit que l’enfant a droit à un développement spirituel ;
l’article 30 dispose que l’enfant doit pouvoir professer et pratiquer la religion de son choix ;
l’article 14 souligne que les Etats parties doivent respecter le droit de l’enfant à la liberté de
pensée, de conscience et de religion, l’alinéa 2 prévoyant que les parents ont le droit et le devoir
112. “ Les mineurs ne peuvent contracter mariage sana le consentement de leurs père et mère ; en
cas de
dissentiment, le partage emporte consentement ”, article 148 du Code civil.
113. MALAURIE (P.), note sous Cass., 1ère civ., 11 juin 1991, D. 1991, juris., p. 523.
114. EPAILLY(D.), Les sectes et le droit familial, Mémoire de D.E.A Droit Privé, Université de
Bordeaux IV, 1998,
“ coll. Logiques Juridiques ”, Paris : L’Harmattan, 2000, p.101.
115. N. DESCAMPS propose de reconnaître une majorité religieuse à l’adolescent de quinze ans
assortie d’un
système de protection judiciaire passant par la saisine du juge des enfants, note sous Cass., 1ère civ.,
11 juin 1991, D.
1992, somm., p. 65 ; J. HAUSER considère que l’affirmation d’une majorité religieuse de l’enfant
avant dix-huit ans
permettrait “ d’évacuer en principe les dissensions puisqu’il suffirait alors au juge saisi de recueillir
l’avis du grand
mineur ”, in “ Exercice religieux de l’enfant : divergence des parents et liberté individuelle ”, RTD
civ. 2000, p. 559.
116. BARBIER (P.), “ L’enfant, la religion et le droit ”, Gaz. Pal. 1960, I, doct., p. 74 ; NAUROIS
(L. de), “ Aux
confins du droit privé et du droit public : la liberté religieuse ”, RTD civ. 1962, p. 252.
117. COULOMBEL (P.), “ Le droit privé français devant le fait religieux depuis la séparation des
églises et de
l’Etat ”, RTD civ. 1956, p. 47.
118. MICHELET (E.), “ L’intervention du juge dans les conflits familiaux en matière de vocation
religieuse ”, D.
1971, chron. 33, p. 234.
119. HAUSER (J.), HUET-WEILLER (D.), Traité de droit cvil : La famille, Paris : L.G.D.J., 199, p.
847.
de guider l’enfant dans l’exercice de ses libertés d’une manière qui correspond au développement
de ses capacités. Ces dispositions paraissent impliquer que les parents ne peuvent imposer une
religion à l’enfant pourvu d’une certaine maturité, la convention lui reconnaissant la liberté de
pratiquer la religion de son choix et ne laissant aux parents qu’un pouvoir de suggestion120. Selon
notre droit positif, l’enfant ne peut disposer que de la liberté religieuse que lui accorde ses
parents : la C.I.D.E. remettrait donc en cause l’exercice traditionnel de l’autorité parentale en la
matière121. Pour autant, cette convention ne peut être directement invoquée devant les tribunaux,
elle ne crée d’obligations qu’à l’égard des Etats parties, elle n’est donc pas applicable en droit
interne122.
La réserve posée par notre droit positif peut tout à fait être approuvée lorsqu’elle permet de mettre
l’enfant à l’abri des mouvements sectaires nocifs qui, en manipulant sa liberté, pourraient
représenter un danger pour le mineur : créer une majorité religieuse pourrait risquer d’exposer
l’enfant à l’attraction des sectes. Dans ce cas, il peut sembler imprudent de laisser le mineur
disposer de sa liberté religieuse, les parents, en exerçant leurs prérogatives parentales, sont alors
des remparts efficaces contre une offensive sectaire. Cependant, il convient d’atténuer cette
inquiétudes car les sectes n’admettent généralement pas de mineurs en tant qu’adeptes, ils le
deviennent par le biais de leurs parents. De fait, la situation peut être inverse, à savoir que
l’enfant, plus précisément le jeune adolescent peut se voir contraint à embrasser une doctrine et
participer à des pratiques qu’il n’approuve pas, voire qui le choque.
Pour en conclure sur ce point, la solution retenue par la jurisprudence revient à privilégier, une
fois encore, le statu quo qui paraît marquer l’objectivité du juge face au choix délicat entre deux
confessions, de surcroît entre une religion traditionnelle et une religion minoritaire. En fait la
solution n’est peut-être pas si objective qu’il n’y paraît, car elle aboutit à donner la priorité aux
religions établies, dites traditionnelles, que l’enfant reçoit dans son “ patrimoine familial ” à
celles qui, moins établies, recrutent plus par conversion et donc requièrent des adhésions plus
120. VIDAL-ENGAURRAN (C.), Le droit face aux adeptes des sectes, Thèse, Université de Paris
X, 1996, “ coll.
Thèses à la carte ”, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 1996, p. 116.
121. “ La religion de l’enfant en droit privé français : Incidences de la Convention internationale
des droits de
l’enfant ”, résumé rédigé par CROCHET (Y.) à partir de l’article de RAYMOND (G.) paru dans
L’année canonique,
JDJ juin 1995, n° 146, p. 4.
122. Cass. 1ère civ., 10 mars 1993, Cass. 1ère civ., 2 juin 1993, D. 1994, somm., p. 34, note
DEKEUWER-DEFOSSEZ
(F.).
tardives123. Cet arrêt du 11 juin 1991 semble témoigner d’une attitude préventive ou de méfiance
de la part du juge à l’encontre du mouvement des Témoins de Jéhovah que rien ne paraissait
justifier en l’espèce et correspond à ce que P. SOLER-COUTEAUX appelle le “ cantonnement
ponctuel des sectes ”124. Selon A. GARAY, la position de repli de la Cour de cassation conduit à
un blocage jurisprudentiel qui sacrifie délibérément celui qui change de religion125. Mais les juges
du fond semblent soumettre la conversion à une condition de maturité, sous-entendue la majorité,
afin de s’assurer que le choix est exercé en toute liberté car toute la difficulté réside bien ici dans
l’appréciation de la liberté, de la profondeur et de la sincérité de la conversion mais le juge ne
peut sonder les cœurs et les âmes. Finalement cette décision peut apparaître insatisfaisante si les
sentiments religieux de l’enfant ont été méconnus mais elle peut s’avérer beaucoup plus
satisfaisante si le père avait manipulé l’enfant pour l’amener à se convertir. Il semble que,
s’agissant de la foi de l’enfant, enjeu du conflit parental, le juge ait choisi le seule voie pour
apaiser la querelle.
Au-delà de ce conflit sur la religion de l’enfant, l’intrusion du phénomène sectaire dans la cellule
familiale peut conduire à la rupture pure et simple du couple parental. L’appartenance sectaire
d’un des parents devenant alors un prétexte pour l’autre de revendiquer un exercice réduit de
l’autorité parentale détenu par ce parent adepte. Pour trouver une issue satisfaisante, le juge ne
peut qu’apprécier concrètement l’intérêt de l’enfant.
Section II : Un exercice préservé de l’autorité parentale malgré une
appartenance sectaire
L’appartenance d’un parent à une secte devient un argument de poids dans les conflits
relatifs aux modalités d’exercice de l’autorité parentale : la tentation est grande pour l’autre
parent, qui refuse cette nouvelle orientation religieuse, de l’invoquer comme présentant un risque
inéluctable pour l’enfant.
En vertu de l’article 373-2 du code civil126, la séparation des parents est sans incidence sur les
modalités d’exercice de l’autorité parentale. Le principe de coparentalité est ainsi clairement
123. HAUSER (J.), HUET-WEILLER (D.), “ La religion de l’enfant ”, RTD civ. 1992, pp. 75.
124. SOLER-COUTEAUX (P.), note sous CE. Ass., 1er février 1985, RFD adm. 1985, p. 565.
125. GARAY (A.), GONI (P.), “ Un cas d’intégration juridique dans le paysage cultuel français :
Les Témoins de
Jéhovah ”, Les Petites Affiches, 1er mai 1996, n° 53, p. 42.
126. Issu de la loi du 4 mars 2002.
affirmé127. Nous avons vu, d’autre part, que l’adhésion à un mouvement sectaire n’est pas en soi
un faute, cause de divorce. De manière similaire, il ne nous paraît pas tenable qu’un tel choix de
vie spirituelle puisse restreindre ipso facto les prérogatives parentales, et donc mettre à l’écart le
parent adepte. Il faut se garder, au risque d’être soi-même “ sectaire ”, de se fonder sur l’adhésion
“ abstraite ” à un nouveau mouvement religieux mais se pencher sur l’attitude concrète du ou des
parents dans la pratique de leur croyance et sur les rapports de celle-ci avec l’éducation de
l’enfant. Le juge se doit donc d’être très pragmatique car il se trouve face à une liberté
fondamentale de la personne et doit éviter toute considération uniquement fondée sur
l’appartenance religieuse128. Le juge dispose, dans un contexte sectaire, d’un critère essentiel :
l’intérêt de l’enfant129, qui n’est en rien spécifique du problème de l’appartenance d’un époux à
une secte mais s’avère un outil commode d’appréciation face au fait religieux interférant dans la
vie parentale et familiale. Plus le conflit parental sera aigu, plus le rôle du juge sera difficile car il
doit alors trancher un conflit en présence d’intérêts opposés mais concurrents130.
La seule conversion ne semblant raisonnablement pas pouvoir justifier la modification des
modalités d’exercice de l’autorité parentale, une telle décision ne peut dépendre que d’une
appréciation in concreto. Le juge ne peut apprécier la conformité d’un tel exercice à l’intérêt de
l’enfant que par la prise en considération de l’incidence concrète de ce choix religieux (A) mais
aussi la constater en raison de l’existence et du maintien d’un contrôle mutuel entre les parents
(B). Le premier intérêt de l’enfant n’est-il pas de maintenir des liens avec ses deux parents ?
A. L’incidence relative de l’appartenance sectaire sur la vie de l’enfant
Le juge doit se garder de tout jugement de valeur131. Mais pour se prononcer sur les
127. VAUVILLE (F.), “ Du principe de coparentalité ”, Les Petites Affiches, 18 octobre 2002, n°
209, p. 4 ;
GOUTTENOIRE-CORNUT (A.), “ La consécration de la coparentalité par la loi du 4 mars 2002 ”,
Dr. fam.
novembre 2002, chron. 24, p. 5.
128. “ L’appartenance aux Témoins de Jéhovah, secte non interdite, n’implique pas en soi un danger
pour
l’enfant... ”, CA Nîmes, 17 janvier 1991, Juris-Data n° 052074, cité par GARAY (A.), GONI (P.) in
““ Un cas
d’intégration juridique dans le paysage cultuel français : Les Témoins de Jéhovah ”, Les Petites
Affiches, 1er mai
1996, n° 53, p. 44.
129. RUBELLIN-DEVICHI (J.), “ Le principe de l’intérêt de l’enfant dans la loi et la jurisprudence
françaises ”, JCP
1994, éd. G., I, 3739.
130. EPAILLY (D.), Les sectes et le droit familial, Mémoire de D.E.A Droit Privé, Université de
Bordeaux IV, 1998,
“ coll. Logiques Juridiques ”, Paris : L’Harmattan, 2000, p. 71.
131. Certaines décisions révèlent le refus des juges à se prononcer sur “ l’orthodoxie ” de tel
mouvement religieux
inconvénients que présente ou non l’option religieuse du ou des parents, ne doit-il pas malgré tout
en passer par un examen et une appréciation de la doctrine et, par là même, parfois émettre des
réserves selon un système de valeurs dans certains cas empreint de subjectivisme. L’abstention
d’un jugement de valeur aurait alors les traits d’une pétition de principe132. Il vaut alors chercher à
se fonder sur des éléments plus objectifs par lesquelles le jugement de valeur pourrait céder le pas
à un véritable jugement appréciatif. Ainsi, le juge peut, face à l’appartenance sectaire d’un parent,
se pencher sur les conditions de vie de l’enfant avec ce parent (1) dont la modération dans la
pratique de sa confession sera un critère éventuellement décisif (2).
1/ L’appréciation des conditions de vie de l’enfant
Pour que la décision soit bien rendue, le caractère néfaste de l’adhésion sectaire à l’égard
de l’enfant doit être démontré et non pas seulement présumé à partir de la seule doctrine du
mouvement considéré. Il s’agit de se demander ici s’il existe un risque a priori à confier
l’exercice de l’autorité parentale à un parent, devenu adepte d’une secte, alors qu’il s’est toujours
bien comporté avec son enfant. Adepte ou pas, un parent demeure un parent. Le juge doit avoir
pour seul élément de conduite, pour seul objectif, l’intérêt supérieur de l’enfant, sans préjugé
aucun133. Cet intérêt peut être appréhendé à l’aide de trois critères prétoriens que sont le
développement harmonieux de l’enfant, ses résultats scolaires s’il est en âge d’aller à l’école et
son comportement ou d’éventuels problèmes de comportement. Les deux premiers critères
permettent une approche véritablement objective134 tandis que le troisième est de nature nettement
plus subjective135. Pour autant, ces critères se révèlent particulièrement neutres dans
l’appréciation relative à un culte puisqu’ils vont permettre au juge de se forger une opinion sur les
éventuelles répercussions d’une appartenance sectaire sur l’enfant sans qu’il n’ait à porter de
minoritaire. Par exemple, CA Montpellier, 29 juin 1992,Gaz. Pal. 1993, III, juris., p. 547, note
GARAY (A.), GONI
(P.).
132. FORTIER (V.), “ Justice civile, religions et croyances ”, R.J.J 1998-3, p. 969.
133. FLORAND (J.-M.), “ Le divorce et l’autorité parentale ”, Les Petites Affiches, 10 août 1994,
n° 95, p. 52.
134. Le développement s’entend d’une manière physique mais aussi intellectuelle. Les notes et les
appréciations
scolaires peuvent constituer des indices neutres et, partant, fiables.
135. Les enfants comme les adultes ne réagissent pas de manière identique face à une même
situation. L’appréciation
est ici plus délicate.
jugement sur le culte en lui-même. Il se doit de privilégier coûte que coûte un mode
d’appréciation in concreto afin de ne pas heurter la liberté de conscience du parent en cause. Le
juge dispose de nombreux outils pour se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité
parentale lorsque cette dernière est contesté de la part du parent non adepte.
En vertu de l’article de l’article 373-2-12 du Code civil, le juge aux affaires familiales peut
demander à ce qu’une enquête sociale soit effectuée136. Le juge peut ainsi recueillir des
informations sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le lieu de vie et les conditions
d’éducation des enfants. Il peut ainsi obtenir des renseignements auprès de personnes connaissant
la famille comme des parents, des voisins. Pourtant, la décision visant à requérir une enquête
sociale n’est pas prononcée de manière systématique, les éléments de faits invoqués par les
parties devant être, il nous semble, relativement graves. En outre, une des principales réserves est
le fait que l’immixtion d’un tiers dans la sphère privée de la famille ne sera pas forcément très
bien vécue, le parent pouvant se sentir suspecté comme l’est celui contre lesquels des accusations
de sévices à enfant ont été émises. Par ailleurs, les conclusions rendues peuvent s’avérer vagues
voire inopérantes ou, au contraire permettent de démontrer l’aptitude du parent adepte à exercer
pleinement sa fonction. Ainsi, lorsque l’enquête sociale indique que les enfants reçoivent une
bonne éducation, le fait que la mère appartienne à une secte dénommée le Mouvement du Graal
ne constitue pas une raison suffisante pour opérer un transfert immédiat de l’exercice de l’autorité
parentale137.
Le juge peut également tenir compte des sentiments exprimés par l’enfant138. En effet, selon
l’article 388-1 du Code civil, le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge ou
par la personne désignée par le juge à cet effet. Il ne s’agit pas d’une restriction à l’autorité
136. L’article 373-2-12 du Code civil dispose qu’ “ avant toute décision fixant les modalités
d’exercice de l’autorité
parentale et du droit de visite ou confiant les enfants à un tiers, le juge peut donner mission à toute
personne
qualifiée d’effectuer une enquête sociale. Celle-ci a pour but de recueillir des renseignements dur la
situation de la
famille et les conditions dans lesquelles vivent et sont élevés les enfants.
Si l’un des parents conteste les conclusions de l’enquête sociale, une contre-enquête peut à sa
demande être
ordonnée ”.
137. CA Angers, 8 février 1992, Juris-Data n° 051111 ; voir également pour un maintien de la
résidence habituelle
des enfants chez la mère, Témoins de Jéhovah, après rapport d’enquête sociale. Cass. 2ème civ., 11
avril 2002,
pourvoi n° 00-15819, inédit ; Cass. 2ème civ., 26 octobre 2001, pourvoi n° 99-16984, inédit.
138. L’article 373-2-11 2° prévoit que le juge aux affaires familiales, lorsqu’il se prononce sur les
modalités
d’exercice de l’autorité parentale, prend “ en considération les sentiments exprimés par l’enfant
mineur dans les
conditions prévues à l’article 388-1 ”.
parentale mais d’un véritable droit de l’enfant, celui d’être entendu139. Cependant, l’audition de
l’enfant peut avoir des effets plus dommageables que profitables à l’enfant. Tout d’abord, le
contact avec la justice peut être traumatisant pour l’enfant. Ensuite, il n’est pas certain qu’il soit
très bon pour l’enfant de devoir émettre un jugement sur l’attitude de ses parents, voire de choisir
entre l’un d’eux. Cela est difficilement appréciable avant même de décider de l’audition : requérir
l’avis de l’enfant dans un tel contexte devrait rester une démarche exceptionnelle140. Pour autant,
cette faculté d’audition de l’enfant pourrait être bénéfique s’il s’agissait de lui reconnaître un droit
autonome de saisir le juge pour demander une modification de l’exercice de l’autorité parentale,
exercice dont il est la première “ victime ” mais il n’est pas certain que puisse être acceptée une
telle faculté à l’enfant de remettre en cause une politique choisie par les adultes141. Dans les cas
où l’audition a lieu, le juge n’est cependant pas tenu aux déclarations et aux souhaits de l’enfant.
Ainsi, bien que les enfants aient émis le souhait de rester avec leur père, la cour d’appel de Metz a
confié la garde de ces derniers à la mère, dans leur intérêt, en relevant que le père était adepte
d’une secte dont la doctrine était bâtie sur l’existence d’extra-terrestres et qu’il était trop
permissif142.
Le cadre de vie, la disponibilité ou encore la stabilité seront également des paramètres importants
à l’appréciation de l’intérêt de l’enfant. De manière assez évidente, le juge peut décider de confier
l’enfant au parent adepte en considération de l’attitude déplacé de l’autre, en raison d’une
tendance à la consommation d’alcool, au jeu143 ou encore parce que le parent non adepte est dans
une situation matérielle précaire144. De la même façon, l’attitude positive du parent adepte
apparaît comme un critère déterminant :“ Le niveau de vie et de culture des familles du
groupement, l’absence de marginalité des participants, l’absence de refus de soins médicaux
sont autant d’éléments militants en faveur d’un droit de visite et d’hébergement du père, adepte
139. CARBONNIER (J.), Droit civil : La famille, l’enfant, le couple, tome 2, 21ème éd. refondue,
coll. “ Thémis
Droit privé ”, Paris : PUF, 2002, p. 154.
140. FOSSIER (T.), note sous TI Sarrrebourg, 12 novembre 1988, JCP 1989, éd. N, II, p. 215.
141. DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.), Les droits de l’enfant, 5ème éd., “ coll. Que sais-je ? ”, Paris :
PUF, 2001, p.
142. CA Metz, 21 janvier 1986, cité par VIDAL-ENGAURRAN (C.) in Le droit face aux adeptes
des sectes, Thèse,
Université de Paris X, 1996, “ coll. Thèses à la carte ”, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires
du Septentrion,
1996, p. 167.
143. CA Paris, 4 décembre 1973, Juris-Data n° 70536.
144. CA Paris, 21 janvier 1986, cité par VIDAL-ENGAURRAN (C.), in Le droit face aux adeptes
des sectes, Thèse,
Université de Paris X, 1996, “ coll. Thèses à la carte ”, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires
du Septentrion,
1996, p. 168.
d’une secte ”145.
De tous ces éléments, le juge pourra apprécier la qualité de vie offerte à l’enfant par le parent
adepte et statuer sur l’exercice de l’autorité parentale146. Finalement, tout ceci n’est pas spécifique
aux cas des parents adeptes même si l’on peut remarquer que le juge peut être plus attentif sur
certains points. Ce qui paraît plus spécifique ici est le critère de la pondération de la part du
parent adepte dans sa pratique religieuse.
2/ Le critère de la pondération dans la pratique religieuse
Les convictions religieuses peuvent constituer un élément de l’appréciation judiciaire
lorsqu’elles influencent directement l’attitude de l’un des parent à l’égard des enfants. Pour le
juge civil, l’appartenance de l’un des parents à un mouvement qualifié de secte n’est pas, en soi,
contraire à l’intérêt de l’enfant et ne saurait s’opposer à l’attribution de la résidence de l’enfant au
parent dont une telle conviction religieuse est établie147. En effet, la croyance est en elle-même
inopérante, il faut rapporter la preuve du “ caractère nuisible de l’éducation religieuse ”148
donnée par l’un des parents pour obtenir une modification de l’exercice de l’autorité parentale ou
du droit de visite et d’hébergement149. Ainsi, l’adhésion à une secte “ ne constitue pas en elle-
même un obstacle à l’exercice de l’autorité parentale ”150.
Finalement, les juridictions regardent à l’endoctrinement éventuel de l’enfant, qui ne doit surtout
pas être absolu. Ainsi, “ l’absence d’excès, la modération dans la pratique religieuse quant aux
relations avec les enfants permettent d’attribuer autorité parentale et résidence ”151. De même, la
cour d’appel de Toulouse a considéré, à propos d’un père adepte, que “ certains de ses
enseignements ou pratiques soient critiqués sinon critiquables, que les procès d’intention qui lui
sont faits soient officiellement encouragés et soutenus, que cette obédience soit même considérée
145. CA Paris, 17 mai 1987, Juris-Data n° 025499.
146. Voir CA Douai, 2 septembre 1999, Gaz. Pal. 2001, I, somm., p. 413, note GONI (P.).
147. ATIAS (C.), “ Les convictions religieuses dans la jurisprudence française en matière de divorce
”, JCP 1984,
éd. G., I, 3151.
148. CA Reims, 25 septembre 1987, Juris-Data n° 044007.
149. L’expression a été supprimée par la loi du 4 mars 2002 au profit du système de la résidence
alternée mais
certaines des décision étudiées y font expressément références ayant été rendues sous l’empire de la
loi ancienne.
150. CA Toulouse, 29 novembre 1994, Juris-Data n° 053743.
151. HAUSER (J.), note sous CEDH, 23 juin 1993, Hoffman c/ Autriche, D. 1994, juris., p. 326.
par certains comme exerçant une influence néfaste sur ses adhérents et surtout les enfants, il
n’empêche que pour refuser à un père, membre d’une telle association, l’exercice de son autorité
parentale et ses droits de visite et d’hébergement sur son fils, encore faut-il pouvoir établir que
l’intérêt de l’enfant serait compromis par le comportement spécifique de ce père dans ses
relations de père, ce qui n’a jamais été prouvé en l’espèce, aucun élément sérieux n’étant avancé
en ce sens ”152. Il a également été statué que des pratiques “ apparaissant se limiter à l’art de la
physionomie, de l’astrologie voire même de la pratique du yoga, l’adhésion à un principe de
médecine douce ne peuvent, en l’absence de tout autre élément faisant présumer l’existence d’un
risque physique pour les enfants, être considérées comme fautive ”153 ou de façon plus générale
que l’adhésion d’un parent à une secte154 et même la participation de l’enfant à des pratiques
religieuses155 ne sont pas en soi contraires à son intérêt.
Une juridiction a plus largement considéré que lorsqu’une secte ne fait l’objet “ d’aucune
restriction légale ”, “ l’appartenance à cette secte et la pratique de ses préceptes , si elles
peuvent être de nature à créer des difficultés à l’intérieur d’un couple quand les deux époux ne
partagent pas la même idéologie religieuse ”, ne créent ni danger ni risque moral pour les enfants
si les conseils donnés par la secte “ se rapportent à la morale traditionnelle, à l’effort personnel
et à l’élévation spirituelle ”, règles qui ne sont pas contraires “ à une bonne éducation, étant
relevé qu’on ne saurait reprocher à un parent de faire partager sa foi ou sa vision du monde
dans une atmosphère de libre pensée en vertu de la liberté de conscience et de culte tant que la
pratique de cette religion ou de cette idéologie n’est pas contraire à OP et ne dégénère pas en
abus ”156.
La cour d’appel de Paris n’a pas hésité à confier la garde de l’enfant à sa mère, pourtant adepte
d’une secte en relevant que l’éducation donnée par la mère était tout à fait satisfaisante en
précisant que la mère lui donnait les soins médicaux nécessaires contrairement à la doctrine de la
secte157.
152. CA Toulouse, 10 décembre 1996, Juris-Data n° 049929.
153. Cass. 1ère civ., 15 juin 1995, pourvoi n° 93-19058.
154. CA Limoges, 6 octobre 1997, Juris-Data n° 046301 ; CA Paris, 2 avril 1993, Juris-Data n°
021329.
155. CA Agen, 30 mai 1996, Juris-Data n° 044306.
156. CA Toulouse, 27 novembre 1995, Juris-Data n° 051516
157. CA Paris, 21 janvier 1986, cité par VIDAL-ENGAURRAN (C.) in Le droit face aux adeptes
des sectes, Thèse,
Université de Paris X, 1996, “ coll. Thèses à la carte ”, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires
du Septentrion,
1996, p. 168.
Les préceptes des Témoins de Jéhovah amènent les adeptes de ce mouvement à refuser les
transfusions sanguines. De fait, ce refus est presque systématiquement invoqué par le parent non
adepte dans les litiges ayant pour enjeu l’exercice de l’autorité parentale, notamment la fixation
de la résidence habituelle de l’enfant158. Au regard de la jurisprudence, le juge ne considère pas ce
refus comme un motif suffisant d’atteinte à l’intérêt de l’enfant159. Ainsi, l’engagement d’une
mère de ne jamais subir de transfusions sanguines permet de lui laisser l’enfant “ si cet
engagement ne concerne qu’elle même ”160. Nous pouvons souligner ici que la jurisprudence a
particulièrement évolué. Traditionnellement hostile aux Témoins de Jéhovah, elle progresse dans
un sens plus libéral de réflexion en distinguant finalement les bonnes causes des mauvaises161.
Devant s’interdire de se prononcer sur de simples allégations ou sur d’hypothétiques difficultés,
les magistrats doivent se tenir à juger en fonction d’une situation concrète, constatée. Les
juridictions arbitrent donc ces situations avec une certaine pondération en se refusant à tenir
compte a priori de la religion d’un parent pour décider de l’organisation juridique de la société
familiale. Cette position peut être approuvée à l’instar de J. HAUSER pour qui “ même si ces
conflits ne sont pas faciles à arbitrer, il faut se garder de trop faciles préjugés qui conduiraient à
des solutions spécifiques favorables ou non à ce que l’on appelle trop facilement des sectes ”162.
Pour en conclure sur ce point, il apparaît nécessaire d’évoquer un arrêt de la Cour européenne des
Droits de l’Homme en date du 23 juin 1993163 sur un litige opposant l’Autriche à une femme
Témoin de Jéhovah qui s’était vu refuser la garde de ses enfants en raisons de ses convictions
religieuses. Celle-ci invoquait alors son droit au respect de sa vie privée164, sa liberté de
religion165
et son droit d’assurer l’éducation de ses enfants conformément à ses convictions religieuses166. En
effet, la Cour suprême d’Autriche avait enjoint à la requérante de remettre les enfants à leur père
aux motifs que son appartenance aux Témoins de Jéhovah était contraire à l’intérêt des enfants.
158. GONTIER (J.), ICARD (J.), PANSIER (F.-J.), “ Le juge entre libéralisme et légalisme : Bilan
d’un an
d’actualité jurisprudentielle relative à l’Association des Témoins de Jéhovah ”, Gaz. Pal., décembre
2002, p. 5.
159. Cass. 1ère civ., 19 décembre 2000, pourvoi n° 99-05025 ; Cass. 2ème civ., 11 avril 2000,
pourvoi n° 00-15189.
160. TGI Béziers, 4 juillet 1991, Juris-Data n° 051799.
161. FLORAND (J.-M.), “ Le divorce et l’autorité parentale ”, Les Petites Affiches, 10 août 1994,
n° 95, p. 52.
162. HAUSER (J.), HUET-WEILLER (D.), “ La religion de l’enfant ”, RTD civ. 1992, p. 552.
163. CEDH, 23 juin 1993, Hoffman c/ Autriche, D. 1994, juris., p. 326, note HAUSER (J.) ;
ROUVIERE-PERRIER
(I.), “ Les Témoins de Jéhovah devant la Cour européenne des Droits de l’Homme ”, Les Petites
Affiches, 17
novembre 1993, n° 138, p. 20.
164. Article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.
165. Article 9 de la convention européenne des Droits de l’Homme.
166. Article 2 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des Droits de l’Homme.
Les juges européens ont considéré que cette décision constituait une discrimination fondée sur la
religion et ont donc conclu à une violation combinée des articles 8 et 14 de la Convention
européenne des Droits de l’Homme. Selon J. HAUSER, c’est une imprudence de motivation qui a
été sanctionnée plus qu’une position de fond puisque l’on ne sait pas si “ cette pratique met
concrètement leur (les enfants) vie en danger, mais seulement que la religion de leur mère
comporte des aspects qui seraient susceptibles de les conduire à de tels résultats ”167. Ainsi, les
juridictions doivent nécessairement s’assurer de la rigidité de la pratique religieuse et s’attacher à
ce que leurs motivations ne conduisent pas à une discrimination à l’égard d’une quelconque des
religions. Il semblerait qu’à l’égard de ces prescriptions, le juge civil soit plus respectueux que ne
l’est le juge administratif. En effet, le Conseil d’Etat, statuant sur le refus d’agrément par le
Conseil général à l’adoption d’un pupille de l’Etat, a considéré que l’adhésion à la religion des
Témoins de Jéhovah entraînait des prises de position sur des problèmes de santé pouvant induire
certains risques et a donc confirmé le refus168. Cette décision est en totale contrariété avec la
jurisprudence de la Cour européenne mais s’avère surtout très incohérente et largement
critiquable ainsi que le remarque J. HAUSER : “ Si l’adhésion à cette religion ne permet pas aux
adoptants d’offrir des conditions d’accueil satisfaisantes pour le développement de l’enfant, il
faut logiquement en conclure que tous les enfants légitimes ou naturels élevés par des parents
adhérants aux mêmes croyances sont en danger et pourraient faire l’objet d’une mesure
d’assistance éducative. Il serait particulièrement pernicieux et obsolète de prétendre que le seuil
de protection de l’enfance est différent selon que l’enfant est élevé par ses parents naturels,
lesquels auraient donc tout pouvoir, ou par ses parents adoptifs que l’on sélectionnerait selon
des critères différents ”169.
Il apparaît enfin que, dans des situations modérément conflictuelles, le critère de la modération
religieuse renforcé par le pouvoir de contrôle de l’autre parent puisse suffire pour rétablir un
certain équilibre et considérer que l’intérêt de l’enfant est préservé.
B. L’exercice d’un contrôle mutuel des parents
167. HAUSER (J.), note sous CEDH, 23 juin 1993, Hoffman c/ Autriche, D. 1994, juris., p. 326.
168. CE, 24 avril 1992, D. 1993, juris., p. 234, note ROUVIERE-PERRIER (I.) ; RTD civ. 1992, p.
550, note
HAUSER (J.).
169. HAUSER (J.), note sous CEDH, 23 juin 1993, Hoffman c/ Autriche, D. 1994, juris., p. 326.
L’existence d’un tel contrôle peut être déterminant, dans un contexte sectaire, au maintien
d’un mode d’exercice normal de l’autorité parentale. Celle-ci peut résulter de la portée limitée des
présomptions d’accord parental (1) mais également être suggérée et entérinée par le juge (2)
1/ La portée limitée des présomptions légales d’accord parental
En vertu du principe d’exercice commun de l’autorité parentale, toute décision
supposerait a priori l’accord des deux parents170. Mais il a paru évident au législateur de 1970 que
l’autorité parentale ne pouvait fonctionner, de manière quotidienne, avec le concours
systématique des deux parents. Se voulant pragmatique, il a donc posé une présomption d’entente
parentale171 à l’article 372-2 du Code civil172 qui n’a pas été modifié par la loi du mars 2002173.
Cet article dispose qu’à “ l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec
l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la
personne de l’enfant ”. Ainsi, celui qui a décidé d’effectuer un tel acte est réputé le faire avec
l’accord de l’autre parent. Cette disposition est bien utile lorsque les parents sont unis pour
simplifier leur vie de tous les jours mais également pour les familles éclatées suite à la séparation
des parents174. Cependant, cette présomption est relative175 car subordonnée à deux conditions
essentielles : l’acte doit être “ usuel ” et le tiers à l’acte doit être de bonne foi.
C’est au travers de ces deux conditions que peut s’exercer le contrôle entre les deux parent, plus
particulièrement celui du parent non adepte sur le parent adepte et cela que le couple soit toujours
uni ou séparé. La notion d’acte usuel, qui n’est pas définie par la loi, est particulièrement
intéressante dans le contexte sectaire. Selon les auteurs, il faut rechercher si l’acte rompt avec le
passé et engage d’une façon ou d’une autre l’avenir de l’enfant176. Pour d’autres, il s’agit de ce
que l’usage fait régulièrement accomplir par chaque parent et de ce qui n’est pas grave, quotidien,
170. COURBE (P.), Droit de la famille, 3ème éd., “ coll. U ”, Paris : Armand Colin, 2002, p. 391.
171. CORNU (G.), Droit civil : La famille, 8ème éd., Paris : Montchrestien, 2001, p. 137.
172. Issu de la loi n° 70-459 du 4 juin 1970
173. Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, JO du 5 mars 2002, p. 4141.
174. TERRE (F.), FENOUILLET (D.), Droit civil : Les personnes, la famille, les incapacités, 6ème
éd., “ coll.
Précis Dalloz ”, Paris : Dalloz, 1996, p. 877.
175. CORNU (G.), Droit civil : La famille, 8ème éd., Paris : Montchrestien, 2001, p. 138.
176. FULCHIRON (H.), Rép. Civ. Dalloz, v° Autorité parentale, n° 46.
courant177. Ainsi, sont des actes usuels les diverses autorisations données par les parents et qui
intéressent l’enfant dans sa vie scolaire, dans ses loisirs. La qualification d’acte usuel donnée au
traitement médical courant, aux soins médicaux courants ainsi qu’aux autorisations de
vaccinations178 présente un intérêt particulier dans le cas où l’un des parents, adepte d’une secte,
préconise le rejet de la médecine traditionnelle et, par conséquent, refuse toute idée de
prescription médicamenteuse ou de prévention des maladies par vaccination. Dans de telles
circonstances, l’autre parent peut prendre l’initiative de recourir à ces carences en bénéficiant de
la couverture des présomptions d’accord.
L’admission de la qualification d’acte usuel pour les interventions chirurgicales, les actes
religieux ou les autorisations de sortir du territoire paraît plus discutable ou laisse au moins place
au doute. Ainsi, le choix de la religion de l’enfant est subordonné à l’accord des deux parents
tandis que la pratique est considérée comme un acte usuel179. Selon certaines circonstances, les
actes seront considérés comme usuels en raison de l’entente réelle des parents mais ils peuvent
également tomber dans les actes graves, notamment en raison d’un conflit aigu entre les parents.
Ainsi, il a été admis que des actes chirurgicaux bénins constituaient des actes usuels180 et dans
d’autres cas qu’il s’agissait d’un acte relevant d’une décision parentale conjointe181. Il est
principalement connu que les Témoins de Jéhovah prônent le refus de transfusion sanguine. Si
une telle décision était prise pour l’enfant par le parent adepte, elle relèverait a fortiori des actes
graves182 et ne pourrait donc pas être retenue sans l’accord de l’autre parent qui, sans doute, s’y
opposerait.
Un autre hypothèse, qui est celle du déplacement de l’enfant à l’étranger, posait également
problème quant à sa qualification. La jurisprudence avait estimé que l’inscription des enfants sur
le passeport d’un des parents était un acte usuel183 mais ne l’était plus “ si l’un des parents
pouvait se prévaloir d’une décision du juge aux affaires familiales subordonnant le déplacement
177. TERRE (F.), FENOUILLET (D.), Droit civil : Les personnes, la famille, les incapacités, 6ème
éd., “ coll.
Précis Dalloz ”, Paris : Dalloz, 1996, p. 877.
178. CORNU (G.), Droit civil : La famille, 8ème éd., Paris : Montchrestien, 2001,p. 138.
179. MALAURIE (P.), note sous Cass. 1ère civ., 11 juin 1991, D. 1991, juris., p. 522.
180. TGI Paris, 6 novembre 1973, Gaz. Pal. 1974, I, juris., p.299, note BARBIER (P.) : la
circoncision est qualifiée
d’acte usuel car il s’agit d’une “ intervention chirurgicale bénigne ”
181. Cass. 1ère civ., 26 janvier 1994, D. 1995, juris., p. 226, note CHOAIN (C.) ; CA Paris, 29
septembre 2000, D.
2001, juris., p. 1585, obs. DUVERT (C.).
182. FULCHIRON (H.), “ Témoins de Jéhovah et intérêt de l’enfant ”, JCP 1995, éd. G, I, 3855.
183. CE, 8 février 1999, Dr. fam. 1999, comm. n° 40, obs. MURAT (P.) ; D. 2000, somm., p. 161,
obs. VAUVILLE
(F.).
de l’enfant hors d’une territoire national à son autorisation expresse ”184. La loi du 4 mars 2002
apporté une solution légale en insérant, à l’article 373-2-6 alinéa 3 du code civil, la faculté pour le
juge aux affaires familiales “ d’ordonner l’inscription sur le passeport des parents de
l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents ”.
Destinée à prévenir les enlèvements internationaux d’enfants, elle permet également de rendre
effectif le maintien des liens entre l’enfant et ses deux parents. En outre, elle pourra permettre de
remédier aux affaires d’enlèvements d’enfants par un parent adepte d’une secte que A. VIVIEN
dénonçait déjà dans son rapport de 1983185.
Lorsque l’acte a été effectué par le parent adepte, à l’encontre de l’autre parent, ce dernier peut
saisir le juge pour faire trancher le différend186. En effet, l’égalité des parents aura pour
conséquence, qu’en cas de désaccord, l’avis de l’un d’eux ne peut l’emporter. le juge saisi devra
alors tenter de concilier les parties en leur proposant, le cas échéant, une médiation familiale187.
Par ailleurs, le parent qui conteste l’acte réalisé peut invoquer la mauvaise foi du tiers. Il lui
faudra alors prouver la connivence de ce tiers avec l’autre parent ou l’existence d’un concert
frauduleux entre eux188. Dans l’hypothèse d’un baptême de l’enfant, sans l’accord des deux
parents, selon les rites d’un groupement sectaire, alors que celui-ci avait été auparavant baptisé
dans une autre confession, le parent non averti pourra assez facilement prouvé la collusion
frauduleuse entre le tiers et l’autre parent et faire annuler l’acte. Cependant, il apparaît que la
démonstration de la mauvaise foi du tiers sera dans la plupart des cas difficile à opérer.
L’idéal est alors au juge d’amener les parties à s’entendre et admettre les divers opinions de
l’autre.
2/ La mise en place d’un contrôle par l’autre parent
Certaines décisions ont attribué assez naturellement la résidence de l’enfant au parent
184. Réponse du Garde des sceaux, Rép. min. n° 19727, JOAN du 22 février 1999, p. 1109.
185. VIVIEN (A.), Les sectes en France. Expression de la liberté morale ou facteurs de
manipulation, Rapport au
Premier ministre, 1983, Paris : La Documentation française, 1985, p. 75.
186. Article 373-2-8 du Code civil.
187. Article 373-2-10 du Code civil.
188. GRANET (F.), “ La présomption légale d’accord parental ” in L’attribution et l’exercice de
l’autorité parentale,
étude 449, Lamy Droit des personnes et de la famille.
adepte189 tout en le subordonnant, implicitement ou non, à un contrôle de l’autre parent sur
l’enfant. En relevant à juste titre que “ l’intérêt d’une autorité parentale conjointe est de
permettre un contrôle mutuel des parents ”190, les juges admettent parfaitement qu’un parent
adepte n’en demeure pas moins un parent. Leur position est confortée par la présence de l’autre
parent, qui, non adepte, peut éventuellement apporter un autre discours à l’enfant ou réagir si des
circonstances de fait l’exigent191. Dans certains cas, le juge précise que l’appartenance sectaire est
indifférente et qu’il n’y a pas de risque d’endoctrinement pour l’enfant d’autant plus que l’autre
parent, qui n’a pas la “ garde ” de l’enfant, peut surveiller l’éducation religieuse des enfants voire
s’opposer à ce que ses enfants assistent aux réunions religieuses. Finalement, il s’agit pour le juge
de s’assurer tout simplement que l’équilibre de l’enfant est préservé, qu’à tout le moins celui-ci
bénéficie de l’œil bienveillant de son autre parent.
A ce titre, une nouvelle disposition, posée à l’article 373-2 alinéa 3 du Code civil par la loi du 4
mars 2002, s’avère particulièrement intéressante. Cet article dispose en effet que “ tout
changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de
l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre
parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui
statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant ”. Cette disposition a pour but avouée de permettre
autant que possible l’effectivité des liens de l’enfant avec ses deux parents. Il ne s’agit pas pour
autant d’imposer au parent qui a pris la décision de déménager de demander une autorisation à
l’autre parent mais de le contraindre à en avertir l’autre pour que celui-ci puisse, le cas échéant,
saisir le juge aux affaires familiales d’une requête en modification des modalités d’exercice de
l’autorité parentale192. Cette obligation ne fait pas directement l’objet d’une sanction mais l’article
227-6 du Code pénal caractérise le délit de non-représentation d’enfant lorsque le parent ne donne
pas la nouvelle localité de son domicile et ne remet pas l’enfant à la personne qui est en droit de
la réclamer. Cette nouvelle disposition peut être particulièrement efficace dans le contexte
sectaire, notamment s’il prenait l’envie au parent adepte ayant l’enfant auprès de lui de le
soustraire aux étrangers du groupement.
189. Surtout lorsqu’il s’agit de la mère de l’enfant.
190. TGI Avignon, 17 janvier 1991, cité par EPAILLY (D.) in Les sectes et le droit familial,
Mémoire de D.E.A
Droit Privé, Université de Bordeaux IV, 1998, “ coll. Logiques Juridiques ”, Paris : L’Harmattan,
2000, p. 80.
191. “ Le conjoint conserve un pouvoir de décision dans le domaine médical ”, TGI Béziers, 4
juillet 1991, cité par
EPAILLY (D.) in Les sectes et le droit familial, Mémoire de D.E.A Droit Privé, Université de
Bordeaux IV, 1998,
“ coll. Logiques Juridiques ”, Paris : L’Harmattan, 2000, p. 80.
192. COURBE (P.), Droit de la famille, 3ème éd., “ coll. U ”, Paris : Armand Colin, 2002, p. 394.
Il résulte de toutes ces constatations qu’il n’existe pas de risque a priori à maintenir
l’exercice de l’autorité parentale au profit d’un parent adepte, Si les considérations précédemment
développées nous permettent de relever une certaine volonté d’appliquer strictement les
prescriptions légales relatives à l’exercice de l’autorité parentale, en essayant d’éviter autant que
faire ce peut d’apprécier subjectivement la doctrine sectaire en cause, il est malgré tout possible
de penser que l’appartenance à un secte ne constitue pas un avantage mais bien un lourd
inconvénient pour le parent dont le comportement peut susciter une certaine suspicion et une
remise en cause de sa capacité à préserver l’enfant d’une influence néfaste.
Chapitre II : La faiblesse de la protection familiale de l’enfant face
au phénomène sectaire
Des parents adeptes, aveuglés par leur croyance, peuvent être amenés à négliger leur rôle
de protecteurs naturels de l’enfant alors même que celui-ci aurait justement besoin d’une
protection plus accrue face aux risques, voire aux dangers que certaines sectes “ pathogènes ”193
peuvent lui faire courir. A la différence du majeur auquel il n’est pas possible d’imposer une
protection contre le phénomène sectaire et, par conséquent contre lui-même, la protection du
mineur est plus facile à réaliser juridiquement du fait de l’incapacité civile dont il est frappé. Les
mineurs sont des personnes protégées, naturellement, par leurs parents, mais certains mécanismes
de notre droit positif ont été pensé pour remédier à l’éventuelle faiblesse de la protection
193. SEGUY (O.-L.), FLORAND (J.-M .), La protection judiciaire de l’adepte et de ses enfants
mineurs face aux
sectes ”, Les Petites Affiches, 27 avril 1988, n° 51, p. 15.
parentale. Dans un contexte sectaire, le respect de la liberté de croyance ne peut exclure le
contrôle des pratiques induites par les convictions des parents, ni ne saurait prévaloir sur le
respect des droits fondamentaux du mineur194. Pour autant, l’enfant conserve a priori toujours le
besoin d’avoir ses parents auprès de lui. Ainsi, sans aller trop hâtivement vers un retrait
d’exercice de l’autorité parentale, il semble possible d’aménager cet exercice dans un sens de
compromis qui aura le mérite de laisser à l’adepte sa réelle fonction de parent tout en maintenant
un plus juste équilibre pour l’enfant (section I). Cependant, si le risque pour l’enfant passe à la
mise en danger de celui-ci, il sera alors nécessaire de chercher à restaurer l’exercice de l’autorité
parentale conformément à sa mission première, la protection (section II).
Section I : Un exercice aménagé de l’autorité parentale en raison d’une
appartenance sectaire
Dans l’hypothèse où le parent adepte ferait une stricte application de ses convictions
sectaires envers lui-même mais aussi et surtout envers son enfant, les risques pour l’intérêt de
l’enfant ne sont pas négligeables selon le contenu de ces préceptes et leur incidence pratique. Il
est alors possible d’envisager un aménagement de l’exercice pour préserver au maximum
l’enfant de l’influence de la secte en général, des ses membres en particulier. L’idée soulevée ici
est que l’exercice de l’autorité parentale n’est que relativement affectée en raison de
l’appartenance sectaire du parent. Le juge ayant les moyens d’adapter, avec prudence, des
solutions ayant le mérite non négligeable de protéger l’enfant tout en respectant, dans la mesure
du possible, les convictions religieuses des parents. L’exercice conjoint de l’autorité parentale
pourra être maintenu en raison de la présence de l’autre parent. Cet aménagement pourra être
194. BIDART (R.), les décisions du juge des enfants et la protection des enfants élevés par une
secte ”, Les Petites
Affiches, 29 novembre 1999, n° 237,p. 30.
essentiellement commandé par l’intérêt de l’enfant (A) mais il pourra également prendre la forme
de correctifs apportés aux choix effectués par le ou les parents (B).
A. Un aménagement commandé par l’intérêt de l’enfant
Le principe étant l’exercice conjoint de l’autorité parentale, l’article 373-2-1 du Code
civil195, situé dans le paragraphe deux relatif à l’exercice de l’autorité parentale par les parents
séparés, prévoit que “ si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge peut confier l’exercice de
l’autorité parentale à l’un des deux parents. L’exercice du droit de visite et d’hébergement ne
peut être refusé à l’autre parent que pour des motifs graves ”. La mesure est donc strictement
circonscrite et par conséquent doit relever de l’exceptionnel. dans le contexte sectaire, nous
pourrions être tentés d’appliquer relativement vite cette disposition mais il nous semble qu’ils
existent certains remèdes intermédiaires comme l’aménagement de l’exercice de l’autorité
parentale au sein du couple parental lui-même (1), ainsi que l’éventuelle intervention de tiers avec
lesquelles les parents seront tenus de moduler (2).
1/ Au sein du couple parental
Il peut paraître plus judicieux de tenter la mise en place modalités particulières d’exercice
au sein même de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Ici encore, le juge doit se tenir à une
véritable analyse empirique des circonstances : les juridictions vont se baser ici sur les influences
néfastes que peut avoir le comportement du parent adepte sur les enfants. Les décisions se doivent
donc d’être particulièrement bien motivées, et elles le sont particulièrement quant à l’intérêt de
l’enfant. Seul celui-ci sera pris en compte pour apprécier le caractère perturbateur de l’attitude du
parent, certains juges prenant la précaution de préciser que la solution n’est pas retenue en raison
de la seule appartenance du parent à une secte. En effet, il est important que les juridictions
rappellent que la liberté de pensée est l’une des libertés fondamentales dans une démocratie. Mais
également que cette liberté ne peut pas être un leurre masquant des pratiques concrètes,
195. Issu de la loi du 4 mars 2002
inacceptables et fautives196.
Ainsi, selon les cas, le juge saisi sur le fondement de l’ancien article 374 du Code civil, actuel
article 373-2-8, prononcera la fixation de la résidence habituelle chez le parent non adepte, un
droit de visite et d’hébergement au profit du parent adepte, dont l’exercice sera assorti
d’obligations.
La jurisprudence se montre assez nuancée : elle accepte assez facilement un exercice
conjoint de l’autorité parentale mais émet plus de réserves sur la fixation de la résidence
habituelle des enfants chez le parent adepte.
Quelques décisions se contentent, de manière critiquable, de n’évoquer que les risques que
pourrait encourir l’enfant, sans les préciser outre mesure197. D’autres s’efforcent de donner en
détail le contenu des pratiques contestées. Ainsi, un père demandait la garde de ses quatre enfants
mineurs qu’un précédent jugement, prononçant le divorce des époux avait confié à la mère. Les
juges d’appel avaient fait droit à cette demande en estimant que le comportement de la mère
adepte de la Fraternité blanche Universelle et de son concubin, également membre de la secte,
entraînait pour les enfants une carence dans la vie quotidienne organisée selon les principes de la
secte. En outre, elle constatait que les enfants, en désaccord profond avec ce mode de vie,
désiraient vivre avec leur père qui pouvait les recevoir. La cour de cassation a estimé que “ par
ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui n’avait pas à rechercher si des motifs
graves justifiaient le changement de garde sollicité mais seulement si celui-ci était conforme à
l’intérêt des enfants, a apprécié souverainement cet intérêt et répondu aux conclusions ”198. Dans
une autre espèce, le juge d’appel, saisi par le père naturel de l’enfant, a constaté que la liberté de
la mère d’adhérer à une secte (...) “ ne peut avoir pour effet que ses enfants, âgés de huit et cinq
ans, soient contraints de partager un mode de vie peu compatible avec les normes éducatives
communément admises ” pour décider qu’il “ n’est pas conforme à l’intérêt des enfants (...) de
subir l’influence de la responsable de la secte, qui paraît avoir subjugué leur mère ”199. La Cour
a ainsi décidé d’un exercice en commun de l’autorité parentale entre le père et la mère mais a
196. HUYETTE (M.), “ Les sectes et le droit ”, D. 1999, doct., p. 386.
197. “ La mère est incapable de préserver les enfants des risques que comporte pour leur évolution,
la doctrine
religieuse dont elle se réclame ”, CA Paris, 8 décembre 1986, Juris-Data n° 026947
198. Cass. 2ème civ., 25 janvier 1978, cité par VIDAL-ENGAURRAN (C.) in Le droit face aux
adeptes des sectes,
Thèse, Université de Paris X, 1996, “ coll. Thèses à la carte ”, Villeneuve d’Ascq : Presses
Universitaires du
Septentrion, 1996, p. 167 ; voir également Cass. 2ème civ., 25 juin 1998, pourvoi n° 96-2258,
inédit.
199. CA Dijon, 4 juin 1991, Gaz. Pal. 1993, II, somm., p. 511.
décidé de transférer la résidence habituelle des enfants chez le père.
Il ne semble pas que le juge sanctionne une conscience trop zélée mais tente plutôt de préserver
l’avenir des enfants et peut-être, de manière inavouée, de les prémunir contre des dangers
potentiels.
S’agissant de la fixation de la résidence des enfants, une question peut se poser à propos du mode
de résidence alternée posé par la loi du 4 mars 2002 à l’article 373-2-9 du code civil. Dans le cas
d’une appartenance sectaire et probablement d’un conflit de religion entre les parents, ce mode
pourrait-il être appliqué ? Cela n’est pas sûr s’il est subordonné à une certaine entente entre les
parents200.
La fixation de la résidence de l’enfant chez le parent non adepte dans le cadre d’un exercice
conjoint de l’autorité parentale apparaît comme la solution la plus favorable au parent adepte. En
effet, dans certaines situations plus caractéristiques, notamment de zèle excessif, le juge pourra
prononcer des obligations à la charge du parent adepte dans son exercice du droit de visite et
d’hébergement.
Dans cette perspective, il semble que le critère de l’intérêt de l’enfant permette au juge
d’oublier le principe de non-ingérence et de neutralité en matière religieuse201. La plupart des
décisions mettent finalement une obligation négative à l’égard du parent adepte. L’absence de
participation des enfants au culte devient une condition à l’élargissement du droit de visite et
d’hébergement202. Même si certains groupes sont connus et habituellement décrits comme
dangereux, le juge qui n’a pas pour mission d’apprécier la respectabilité d’un ensemble de
personnes mais les attitudes d’individus pris isolément doit rechercher dans quelle mesure chacun
d’entre eux est plus ou moins impliqué dans la secte ; suit plus ou moins fidèlement les
enseignements ; a des façons d’agir plus ou moins fautives avec ses enfants.
Par un arrêt du 22 février 2000, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu une
solution particulièrement intéressante203. Dans le cadre d’un exercice conjoint de l’autorité
200. GOUTTENOIRE-CORNUT (A.), “ La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale ”,
A.J.F 2002, p. 126.
201. ATIAS (C.), “ Les convictions religieuses dans la jurisprudence française en matière de divorce
”, JCP 1984,
éd. G., I, 3151.
202. CA Bordeaux, 13 août 1991, Juris-Data n° 044329 ; CA Nancy, 20 mai 1996, Juris-Data n°
047621, JCP 1997,
éd. G, IV, 1175 ; CA Nîmes, 15 septembre 1999, JCP 2000, éd. G, IV, 2467, RTD civ. 2000, p. 822,
obs. HAUSER
(J.).
203. Cass. 1ère civ., 22 février 2000, Bull. civ.I, n° 54 ; D. 2000, somm., p. 273, obs. LEPAGE
(A.) ; Les Petites
parentale et de la résidence habituelle des enfants chez la mère, celle-ci s’est vu interdire par les
juges du fond de mettre les enfants en contact avec les membres du groupement raëliens, à
l’exception d’elle-même et de son compagnon et de sortir les enfants en dehors du territoire
français sans l’autorisation écrite du père. A l’appui du pourvoi, la mère avait invoqué une
atteinte excessive au droit du respect à sa vie privée, à son droit de manifester ses convictions
religieuses et de les pratiquer à tout moment collectivement ainsi qu’une atteint au principe
fondamentale d’aller et venir. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en considérant que les
dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
fondamentales (CESDH) autorisent des limitations permettant une ingérence prévue par la loi et
rendue nécessaire, dans une société démocratique, à la poursuite de buts légitimes. Selon la
solution du juge de cassation, l’arrêt de la cour d’appel ne porte pas directement atteinte aux
droits et libertés invoqués par la mère mais se borne à soumettre leur exercice à certaines
conditions commandées par le seul intérêt des enfants.
De telles décisions posent la question de savoir si le fait d’interdire à un parent d’associer l’enfant
à sa pratique religieuse constitue par là même une limitation à la liberté de manifester sa croyance
ou sa religion. Sachant que le mouvement raéliens prône ce qu’il est convenu d’appeler la
“ méditation sensuelle ”, notamment auprès des mineurs, nous pouvons approuver la décision qui
finalement apparaît comme un juste compromis entre la nécessité de préserver les enfants de
l’influence de la secte et le respect de la liberté de religion de la mère qui n’est ici que légèrement
restreinte puisqu’elle ne peut y faire participer ses enfants, mais elle-même n’est pas concernée.
Ces décisions sont sans doute guidées par ce souci de conciliation, en trouvant peut-être une issue
non justifiée sur le plan des principes mais qui paraît au moins acceptable pour sortir du conflit
provoqué par des divergences d’opinions sur telle ou telle religion. Par ailleurs, il est indéniable
que, si la décision présente des risques pour le mineur du fait des conditions de vie de l’un de ses
parents liées à son adhésion à une secte, la solution du litige se dégagera assez facilement pour le
juge même si elle suppose un jugement de valeur, même sous-entendu car “ la coloration
religieuse évocatrice de liberté constitutionnellement garantie ne peut éliminer l’intérêt de
l’enfant ”204.
Les décisions relatives aux modalités d’exercice de l’autorité parentale ont l’avantage d’être
Affiches, 4 avril 2001, n° 67, p. 9, note COURTIN C ; RTD civ. 2000, p. 558, obs. HAUSER (J.).
204. HAUSER (J.), “ La religion de l’enfant ”, RTD civ. 1992, p. 75.
souples puisque temporaires. Ainsi le juge peut revenir sur une interdiction posée préalablement
au parent adepte car il a été démontrée que la pratique de ses croyances n’avaient plus le caractère
d’un endoctrinement auprès des enfants205.
De manière inverse, le magistrat peut aller encore plus loin dans la restriction en diminuant par
exemple le droit de visite et d’hébergement : “ une mère mormon, dont la pratique religieuse
perturbe ses enfants âgés de 13, 12, et 10 ans, peut voir son droit de visite bimensuel réduit à
trois fois par an ”206.
Les pouvoirs du juge aux affaires familiales sont assez larges puisqu’il peut, dans certains cas,
limiter, dans le cadre d’un exercice conjoint de l’autorité parentale, les pouvoirs de celui avec
lequel l’enfant cohabite en lui imposant finalement certaines interdictions. Il peut ainsi rechercher
à maintenir le principe de l’exercice en commun tout en limitant l’étendue de l’influence sectaire
sur les enfants207. Une telle solution semble venir confirmer l’affirmation selon laquelle l’autorité
parentale n’est pas un pouvoir mais bien une fonction que les parents se doivent d’exercer dans
l’intérêt exclusif de l’enfant. Dans les cas précédemment cités, le juge adopte, en l’absence de
dangers avérés pour les enfants, une voie médiane permettant de concilier les intérêts de chacun.
2/ Le maintien des relations personnelles entre l’enfant et ses ascendants
La famille large est présente dans l’organisation de la protection du mineur. En effet,
malgré un rétrécissement de la famille, les grands-parents occupent aujourd’hui une place
essentielle208. Il est fait référence aux grands-parents à deux reprises au sein du Code civil : pour
leur accorder un droit de principe aux relations personnelles avec leurs petits-enfants209 et pour
envisager un éventuel retrait de leur part d’autorité parentale210. C’est la loi du 4 juin 1970211 qui
a
instauré ce droit pour les grands-parents d’entretenir des relations personnelles avec leurs petits-
205. CA Montpellier, 20 octobre 1994, JDJ juin 1995, n° 146, p. 25.
206. CA Colmar, 16 octobre 1981, cité par ATIAS (C.) in “ Les convictions religieuses dans la
jurisprudence
française en matière de divorce ”, JCP 1984, éd. G., I, 3151.
207. CA Nancy, 20 mai 199-, JCP 1997,éd. G, II, 1175 ; RD sanit. soc. 1997, p. 897.
208. BRUGGEMAN (M.), L’administration légale à l’épreuve de l’autorité parentale, Thèse,
Université d’Aix-
Marseille, Aix-en-Provence : Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2002, p. 260.
209. HAUSER (J.), HUET-WEILLER (D.), Traité de droit civil : La famille, Paris, L.G.D.J, 1993,
p. 840.
210. Article 378 alinéa 1 du Code civil.
211. Loi n° 70-459 du 4 juin 1970.
enfants en insérant l’article 371-4 dans le Code civil212. Il convient de préciser que les grands-
parents ne sont par pour autant titulaires d’un droit d’autorité parentale sur leurs petits-enfants
puisqu’il leur est expressément reconnu qu’un droit aux relations personnelles avec leurs petits-
enfants. De plus, ce droit ne serait pas fondé strictement sur un besoin de protection de l’enfant,
comme l’est le droit d’autorité parentale, mais se justifierait plutôt par son effet favorable à
l’épanouissement personnel de l’enfant213. S’agissant de l’expression de “ relations
personnelles ”, celles-ci s’entendent de manière large d’un droit de visite s’étendant de la faculté
de recevoir l’enfant à celle de l’héberger214. Le fondement décisif de ce droit n’est pas
expressément mentionné par la loi mais il s’agit de manière évidente de l’intérêt de l’enfant215. Il
faut enfin préciser que la loi du 4 mars 2002216 a apporté une modification sensible à l’article 371-
4 en le reformulant comme suit : “ L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec
ses ascendants. Seuls des motifs graves peuvent faire obstacle à ce droit ”. Le législateur ne
revient pas sur la possibilité pour les grands-parents d’entretenir des liens avec leurs petits-
enfants mais il a fait passé le droit et l’intérêt de l’enfant au premier plan et a élargi le champ des
bénéficiaires217. Pour autant, si les grands-parents se voient refuser toute relation avec leurs petits-
enfants, il leur est toujours possible de saisir le Ministère public, et non plus directement le juge
aux affaires familiales, qui appréciera le bien-fondé de la demande et saisira lui-même le juge de
la famille. Celui-ci apprécie alors les motifs invoqués de la rupture et estime, toujours au vu de
l’intérêt de l’enfant, si la fréquentation de ses grands-parents lui est préjudiciable. Dans la
négative, le magistrat peut décider d’octroyer un droit de visite et d’hébergement dont il fixe les
modalités ( les fins de semaine selon une certaine périodicité et pendant une partie des vacances
scolaires).
Dans le contexte d’une appartenance sectaire, il est possible que les parents, respectueux des
212. Article 371-4 alinéa 1 du Code civil : “ Les père et mère ne peuvent, sauf motifs graves, faire
obstacle aux
relations personnelles de l’enfant avec ses grands-parents. A défaut d’accord entre les parties, les
modalités de ces
relations sont réglées par le juge aux affaires familiales ”.
213. BOSSE-PLATIERE (H.), “ La présence des grands-parents dans le contentieux familial ”, JCP
1997, éd. G., I,
4030.
214. SUTTON (G.), “ Du droit des grands-parents aux relations avec leurs petits-enfants ”, JCP
1972, éd. G., II,
2504.
215. “ L’article 371-4 présume qu’il est de l’intérêt des enfants d’entretenir des relations
personnelles avec leurs
grands-parents... ”, Cass. 1ère civ., 1er décembre 1982, Bull. civ. I, n° 346 ; D. 1983, IR, p. 143.
216. Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002
217. Voir sur ce point REXAND-POURIAS (N.), “ Les relations entre grands parents et petits
enfants depuis la loi
du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale ”, JCP 2003, éd. G, I, 100 ; GOUTTENOIRE-CORNUT
(A.), MURAT (P.),
“ L’intervention d’un tiers dans la vie de l’enfant ”, Dr. fam. janvier 2003, chron. 1, p. 4.
préceptes du groupement, décident de rompre les liens entre eux et le reste de la famille,
impliquant alors l’enfant dans cette rupture. Cette situation peut être contrée par les dispositions
de l’article 371-4 du Code civil et les juridictions n’ont pas hésité à l’appliquer en de pareilles
circonstances218. Les grands-parents ont donc un véritable rôle à jouer : plus la carence parentale,
volontaire ou non, sera manifeste, plus leur rôle sera important. Le plus souvent d’ailleurs, dans
un contexte sectaire, les grands-parents sont les premiers à réagir pour tenter de soustraire l’enfant
aux conséquences potentiellement néfastes de l’adhésion des parents. De surcroît, le maintien des
liens est rendu beaucoup plus difficile lorsque les deux parents sont adeptes. En effet, dans
certains cas, les “ non-initiés ” représentent un danger pour les adeptes et cela peut provoquer un
refus des parents quant aux relations extérieures de l’enfant. Les grands-parents ne peuvent pas
s’opposer au choix effectué par les parents en matière religieuse mais leur présence par l’exercice
d’un droit de visite et d’hébergement présente un intérêt considérable à plusieurs titres. D’une
part, le juge, en accordant un droit de visite et d’hébergement aux grands-parents, ne porte pas
directement atteinte à l’exercice de l’autorité parentale des parents. Il ne se pose pas en arbitre des
croyances des uns ou des autres mais il peut, d’une manière potentiellement efficace, rétablir un
certain équilibre autour de l’enfant. Partant, la sauvegarde des liens affectifs entre l’enfant et ses
grands-parents peut permettre à l’enfant, le cas échéant, de bénéficier de la protection de ceux-ci.
D’autre part, le droit de visite et d’hébergement octroyé aux grands-parents pourra permettre à
l’enfant de se détacher du discours sectaire de ses parents lorsque ceux-ci vivent au travers de la
secte, mais il lui sera surtout offert une vision extérieure au monde de la secte dans les cas où ses
parents vivent réellement au sein de la secte. Les grands-parents pourront ainsi largement
contribuer à l’éducation de l’enfant qui suppose une ouverture sur le monde et pas une
“ fermeture sociale ”219 causé par l’enfermement dans la doctrine du mouvement.
Une première difficulté peut apparaître cependant : les parents peuvent-ils justifier le refus de
relations personnelle en invoquant des convictions religieuses divergentes entre eux et les grands-
parents de l'enfant, divergences qui risqueraient de perturber l’enfant? L’hypothèse est
envisageable mais risque de se heurter à un problème de preuve devant le tribunal dont l’objectif
218. TGI Versailles, 11 juillet 1984 : le juge a octroyé un droit d’hébergement pendant les vacances
scolaires à des
grands-parents sur un enfant dont les parents appartenaient à “ La Citadelle ” ; TGI Bayonne, 6
mars 1983 : une
grand-mère a obtenu un droit de visite et d’hébergement sur son petit-fils alors que la mères avait
adhéré à une secte
en coupant tout lien familial, décisions citées par VIDAL-ENGAURRAN (C.) in Le droit face aux
adeptes des
sectes, Thèse, Université de Paris X, 1996, “ coll. Thèses à la carte ”, Villeneuve d’Ascq : Presses
Universitaires du
Septentrion, 1996, p. 188.
219
est et demeure l’intérêt de l’enfant.
Une deuxième difficulté réside dans le fait que l’exercice du droit de visite et d’hébergement des
grands-parents peut se heurter à un refus des parents qui ne veulent pas que l’enfant soit soumis à
une influence étrangère considérée comme néfaste ou à leur silence si ceux-ci vivent au sein
d’une communauté autarcique. Cependant, la croyance des parents, leur crainte de remettre
l’enfant à des êtres impurs ne peuvent les autoriser à se soustraire aux décisions judiciaires. Dans
un tel cas, les grands-parents, qui sont en droit de réclamer l’enfant peuvent porter plainte pour
non-représentation d’enfant sur le fondement de l’article 227-5 ou de l’article 227-6 du Code
pénal220.
Cette disposition du Code civil visant à maintenir les liens familiaux de l’enfant avec ses grands-
parents apparaît comme un outil efficace dans un contexte sectaire. Il peut se présenter comme un
correctif à l’exercice de l’autorité parentale en permettant à l’enfant de s’intégrer, même si c’est
de façon épisodique, à un autre environnement que celui offert par le mouvement sectaire auquel
appartiennent ses parents.
De nombreux parents ne réalisent pas ce qu’ils peuvent faire subir à leur enfant, enfant qui
leur appartient et dont ils s’estiment les seuls responsables sans avoir de compte à rendre à
personne. Il est alors nécessaire de rappeler aux détenteurs de l’autorité parentale que celle-ci est
une fonction, constituant autant de droits que de devoirs221. Ainsi, les parents doivent aussi
moduler avec certaines obligations à respecter vis-à-vis du mode de vie de l’enfant, notamment
dans son éducation et sa santé. Il existe pour y remédier certains correctifs aux choix parentaux.
B. L’existence de correctifs aux choix parentaux
220. L’article 227-5 du Code pénal dispose que “ le fait de refuser indûment de représenter un
enfant mineur à la
personne qui est en droit de le réclamer est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros
d’amende ” ;
l’article 227-6 prévoit que “ le fait pour une personne qui transfère son domicile en un autre lieu
alors que ses
enfants résident habituellement chez elle, de ne pas notifier son changement de domicile, dans un
délai d’un mois à
compter de ce changement, à ceux qui peuvent exercer à l’égard des enfants un droit de visite ou
d’hébergement en
vertu d’un jugement ou d’une convention judiciairement homologuée, est puni de six mois
d’emprisonnement et de 7
500 euros d’amende ”.
221. RUBELLIN-DEVICHI (J.), “ Les enfants sans enfance. Rapport final ”, Les Petites Affiches,
30 novembre 1999,
n° 237, p.55.
Selon les idéaux qu’ils partagent, les parents adeptes sont susceptibles de porter de graves
atteintes à certains droits fondamentaux de l’enfant. L’obligation de veiller à la santé de l’enfant
incombe sans nul doute aux parents sur le fondement de l’article 371-1 du Code civil : l’autorité
parentale leur appartient notamment pour le protéger dans la santé à laquelle il peut prétendre (1).
Ensuite, un problème peut se poser en matière d’éducation si l’enfant n’est pas scolarisé ou s’il
l’est au sein du groupement. Certains contrôles administratifs permettent de rectifier alors de faire
respecter le droit qu’a l’enfant à l’instruction (2).
1/ La mise en œuvre du droit de l’enfant à la santé
Cependant, certains parents adeptes refusent, au nom de leur convictions, le recours à
toute médecine traditionnelle222. Dans certains groupements, le refus porte plus spécifiquement
sur les transfusions sanguines223. Ainsi, selon les choix effectués par les parents en raison de leurs
convictions risquent de remettre en cause le droit qu’à l’enfant à être en bonne santé. En effet,
l’une des règles s’imposant au médecin est d’obtenir le consentement préalable des parents à tout
acte concernant l’enfant mineur. Ce consentement a longtemps été source d’interrogation. En cas
de refus, la question se posait de savoir si le médecin devait agir ou s’abstenir224. Une
jurisprudence a considéré que le médecin, en ce cas, devait “ apprécier en conscience ”225 et qu’il
pouvait se dispenser du consentement préalable des parents que s’il était en présence d’un cas de
nécessité226. Le docteur R. COUDER estimait que, si la mesure était pratiquement sans risque et
qu’il s’agissait d’une question de vie ou de mort pour l’enfant, le médecin pouvait commettre ce
qu’il a appelé un abus d’autorité : “ au pire, il faut savoir passer outre et sauver un enfant malgré
222. Les groupes sectaires mettent en avant les échecs de la médecine traditionnelle, qui ne guérit
pas tout
aujourd’hui. Les prescriptions ont généralement deux objectifs : retrouver un équilibre
psychologique et
physiologique ou bien guérir. Les méthodes sont alors variées : méditations, prières, imposition des
mains...Ainsi,
Yvonne Trubert, “ gourou ” d’Invitation à la Vie (IVI), proclame : “ Là où la médecine dit “
inguérissable ”, ne
vous le tenez jamais pour dit : il n’y a pas de maladies inguérissables. (...) Les métastases
s’envoleront sous vos
doigts. Vous n’avez pas à vous soucier comment. Ce que je veux vous dire, c’est qu’elles
disparaîtront... ”, cité par
MONROY (M.), FOURNIER (A.), in Les sectes, “ Les essentiels Milan ”, Paris : Milan, 2001, p.
32.
223. VIDAL-ENGAURRAN (C.), Le droit face aux adeptes des sectes, Thèse, Université de Paris
X, 1996, “ coll.
Thèses à la carte ”, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 1996, pp. 198-200.
224. TOUZALIN (H. de), “ Le refus de consentement à un traitement par les parents d’un enfant
mineur en danger de
mort ”, JCP 1974, éd. G, I, 2672.
225. Cass. crim., 31 mai 1949, JCP 1949, éd. G, II, 4945.
226. Cass. 1ère civ., 8 novembre 1955, Bull. civ. I, n° 383.
ses parents ”227.
L’article 42 du Code de déontologie médicale de 1995 a depuis prévu qu’un “ médecin appelé à
donner des soins à un mineur (...) doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant
légal et d’obtenir leur consentement. En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le
médecin doit donner les soins nécessaires ”. Ici subordonnée à l’urgence, l’autorisation est
explicitement donnée au médecin de pouvoir passer outre l’abstention ou le refus parental. Il ne
fait pas beaucoup de doute que le cas d’un refus de transfusion sanguine se présentant, le risque
vital lié à l’urgence d’y remédier permet la mise en œuvre de cette disposition. Cette dernière a
été judicieusement reprise à l’article L. 1111-4 alinéa 4 du Code de la santé publique228 qui
prévoit que, si le refus opposé par les titulaires de l’autorité parentale risque d’entraîner des
conséquences graves pour la santé du mineur, le médecin délivre les soins indispensables. Le
contournement de l’opposition éventuellement abusive des parents aux soins nécessaires à
l’enfant a enfin trouvé un fondement juridique adéquat229. L’appréciation de la gravité justifiant
l’intervention est dès lors laissée au seul médecin.
Un problème demeure cependant relativement aux vaccinations, dont certaines sont
obligatoires et conditionnent l’inscription dans un établissement scolaire230. Les parents
s’opposant à la vaccination de leurs enfants231 s’exposent à des poursuites pénales dont l’issue est
le paiement d’une amende, ce qui n’est pas en soi extrêmement dissuasif face au respect qu’ils
attachent à leurs convictions. Il semble possible de considérer que le refus ou l’abstention des
parents ait des conséquences graves au regard des maladies auxquelles ces vaccins sont censés
remédier232.
Mais la loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades apporte ici une innovation
particulièrement intéressante pour notre sujet puisqu’elle accorde au mineur une certaine
autonomie en matière médicale en insérant l’article L 1111-5 au Code de la santé publique qui
227. Cité par VIDAL-ENGAURRAN (C.), Le droit face aux adeptes des sectes, Thèse, Université
de Paris X, 1996,
“ coll. Thèses à la carte ”, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 1996, p. 201.
228. Issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du
système de santé, JO
du 5 mars 2002, p. 4118.
229. Hormis l’application de règles déontologiques, le médecin ne disposait que de la possibilité
légale de saisir le
parquet pour que celui-ci saisisse le juge des enfants, décret n° 74-27 du 14 janvier 1974 .
230. L’obligation de vaccination prime sur l’obligation scolaire, CE, 4 juillet 1958, Rec. Lebon, p.
1414.
231. FENECH (G.), Face aux sectes : politique, justice, Etat, Paris : PUF, 1999, p. 17.
232. Vaccin antidiphtérique, antitétanique, antipolyo et contre la tuberculose : articles L. 3111-1à L.
3111-2 et L.
3112-1 du Code de la santé publique.
dispose : “ Par dérogation à l’article 371-2 du code civil, le médecin peut se dispenser d’obtenir
le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions médicales à prendre
lorsque le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder la santé d’une personne
mineure, dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des
titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, le
médecin doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette
consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin peut mettre en œuvre
le traitement ou l’intervention ”. Dans le cas où les parents ne sont pas consultés et n’ont donc
pas donné leur accord, le mineur se fait accompagner de la personne de son choix. Cette
disposition reconnaît donc une sorte de pré-majorité médicale dont l’opportunité était déjà
reconnue en doctrine233. Celle-ci permet finalement une sauvegarde de l’enfant “ par lui-même ”
lorsque le rôle de ses parents est défaillant. La mise en œuvre de cette disposition permettrait à
l’enfant d’être vacciné ou de recevoir tout soin nécessaire auquel ses parents se refusent par des
considérations religieuses. bien évidemment, il semble que cette disposition ne puisse pas profiter
à tous les enfants, pas à ceux qui sont en bas âge ni ceux qui vivent en communauté autarcique.
Encore moins ceux que les parents n’emmèneront même pas jusqu’au médecin. Cependant,
l’innovation est importante. Il y a là une grande hardiesse du législateur car il revient à priver les
parents de leur rôle de protecteurs de la santé de leurs enfants234. Dans le contexte sectaire, le
risque est plutôt inverse puisque les parents, de par ce choix, se risquent à ne pas respecter la
santé de leur enfant.
2/ La mise en œuvre du droit de l’enfant à l’instruction
“ Le berceau de l’éducation se situe indiscutablement dans la famille qui a la
responsabilité première d’inscrire l’enfant dans sa condition à la fois humaine et sociale ”235. Les
parents sont ainsi en première ligne pour mener l’enfant vers l’âge adulte et doivent pour ce faire
lui donner accès à l’instruction puisque “ la famille se doit d’obéir à une logique institutionnelle
qui lui impose des devoirs et des responsabilités telle que l’obligation d’envoyer l’enfant à
233. BOUVIER (F.), “ Le consentement à l’acte médical : perspectives et réalités ”, JCP 1986, éd.
G, I, 3249.
234. JOURDAIN (P.), LAUDE (A.), PENNEAU (J.), PORCHY-SIMON (S.), Le nouveau droit des
malades, “ coll.
carré droit ”, Paris : Litec, 2002, p. 73.
235. WALTER (B.), Le droit de l’enfant à être éduqué, “ coll. Questions contemporaines ”, Paris :
L’Harmattan,
2001, p. 17.
l’école, le protéger et adapter l’éducation familiale à l’intérêt de celui-ci ”236. Il semble que si
logique institutionnelle il y a, celle-ci pose en quelque sorte le cadre de l’éducation mais laisse la
liberté aux parents d’en choisir les contenus et les moyens au sein de la cellule familiale. Au-delà,
elle doit se conformer au droit qui est reconnu à l’enfant d’aller à l’école dont la fonction est
l’éducation et la socialisation des enfants237. Droit de l’enfant à l’école est reconnu à tout enfant
soumis corrélativement à l’obligation scolaire : tout enfant français ou étranger résidant en France
et âgé de six à seize ans238. Cette obligation scolaire a été renforcée par la loi du 18 décembre
1998239 qui a précisément pour premier objectif de lutter contre l’emprise des sectes sur les
enfants par la voie de l’éducation. L’article 1er de la loi, inséré à l’article L. 111-2 du code de
l’éducation, proclame que tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de
la famille, concourt à son éducation. Cette loi vise principalement à encourager la fréquentation
scolaire et à veiller à ce que, au nom d’une liberté dans les choix d’instruction, les principes
fondamentaux de l’éducation due à l’enfant ne soient pas dévoyés. Ainsi, deux principes
fondamentaux, visés à l’article 1er, sous-tendent l’esprit de cette loi : le droit de chaque enfant à
bénéficier d’une instruction conformément au préambule de la constitution de 1946 qui garantit
l’accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, la priorité étant d’assurer cette instruction au sein
d’établissement scolaire. En effet, selon l’article L. 131-2 du Code de l’éducation, “ l’instruction
obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans
les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix ”. Les parents
bénéficient donc d’une disposition les permettant d’exercer leur liberté de choix éducatifs : ils
peuvent inscrire leur enfant dans un établissement public ou privé, confessionnel ou non, ou
peuvent prendre l’option de lui prodiguer l’enseignement par leurs propres moyens. Cependant,
cette possibilité d’instruction dans les familles est une aubaine pour les parents adeptes qui, sous
couvert celle-ci, “ maintiennent les enfants dans un état d’inculture ”240. Si l’enfant ne connaît
que le monde de la secte, sa doctrine, ses pratiques, il lui sera difficile d’accéder à un esprit
critique nécessaire “ pour s’insérer dans la vie sociale et professionnelle et exercer sa
236. WALTER (B.), Le droit de l’enfant à être éduqué, “ coll. Questions contemporaines ”, Paris :
L’Harmattan,
2001, p. 65.
237. DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.), Les droits de l’enfant, 5ème éd., “ coll. Que sais-je ? ”, Paris :
PUF, 2001, p. 81.
238. Loi du 28 mars 1882, ordonnance du 6 janvier 1959.
239. Loi n° 98-1165 du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire,
JO du 22
décembre 1998, p. 19348.
240. Extrait d’une intervention de Ségolène Royal à l’Assemblée nationale, 10 décembre 1998.
citoyenneté ”241. Bien avant se pose le problème des méthodes d’éducation au sein de certains
mouvements pour lesquels l’éducation passe nécessairement par certains plaisirs242 ou par des
mauvais traitements243. Ainsi, la loi apporte ici un début de solution : elle ne remet pas en cause le
choix d’une instruction dans les familles mais définit un dispositif de contrôle et de sanctions
visant à garantir le droit de l’enfant. L’instruction dans la famille doit faire l’objet d’une
déclaration244 et revêt un caractère normalement exceptionnel. Le but avoué de la loi étant de
mettre autant que faire se peut les enfants à l’abri de l’embrigadement sectaire, elle met en place
un véritable contrôle par un inspecteur d’académie. Ce contrôle est effectué sur le contenu de
l’enseignement reçu par l’enfant, contenu qui a été fixé par décret en 1999245, soit au sein de sa
famille mais également au sein d’une école privée sans contrat avec l’Etat246. En vertu de ce
décret, l’enfant doit maîtriser la langue française, les principaux éléments de mathématiques et
pratiquer au moins une langue vivante. A l’issue de ce contrôle, si les résultats sont insuffisants, il
pourra être exigé que l’enfant soit inscrit dans un établissement scolaire sous contrat247. Le choix
éducatif peut finalement être largement corrigé ce qui peut se justifier au regard des perspectives
d’avenir de l’enfant. En effet, si l’enfant est inscrit dans un établissement soumis à la doctrine
sectaire, il lui sera ultérieurement plus difficile de réintégrer une institution scolaire classique
puisque le décalage risque d’être important. Cette situation compromet, selon nous, la poursuite
d’études248 de l’enfant et donc son avenir professionnel. Le choix éducatif des parents serait ici en
contrariété avec le rôle qui leur incombe de mener l’enfant jusqu’à l’âge adulte en lui donnant
autant que faire se peut les moyens de s’insérer dans le monde. La mise en œuvre de ces
241. Article L. 122-1 du Code de l’éducation.
242. Les raéliens, par exemple, qui prônent la méditation sensuelle : “ il serait souhaitable que
l’éducation sexuelle
que les enseignants ne donnent pas aux lycéens (...) soit donnée dans des centres par des spécialistes
s’en occupant
avec non seulement une approche froide et théorique (...) mais beaucoup plus une éducation
sensuelle pour qu’ils
comprennent comment y trouver du plaisir, ce qui est nettement plus important et véritablement
épanouissant ” cité
par FENECH (G.), Face aux sectes : politique, justice, Etat, Paris : PUF, 1999, p. 7.
243. “ Si vous attendez que les enfants soient capables de raisonner pour les châtier, vous aurez
attendu trop
longtemps. Même les bébés ont une nature déchue et ont besoin d’être châtiés ”, propos du chef de
Tabitha’s Place,
cité par MONROY (M.), FOURNIER (A.), in Les sectes, “ Les essentiels Milan ”, Paris : Milan,
2001, p. 40.
244. Article L. 131-5 du Code de l’éducation.
245. Décret n° 99-224 du 23 mars 1999 fixant le contenu des connaissances requises des enfants
instruits dans la
famille ou dans les établissements privés sans contrat.
246. Nombreuses sont les sectes qui ouvrent de tels établissements afin d’effectuer leur
recrutement, quelquefois
d’ailleurs à l’insu des parents y inscrivant leurs enfants, VIVIEN (A.), Les sectes en France.
Expression de la liberté
morale ou facteur de manipulation ?, Rapport au Premier ministre, 1983, Paris : La Documentation
française,
1985, p. 50.
247. Article L. 131-10 du Code de l’éducation.
248. Dans certains groupements, il est refusé aux enfants de suivre un apprentissage qui leur
permette de prolonger
leurs études, HUYETTE (M.), “ Les sectes et la protection judiciaire des mineurs ”, D. 1996, doct.,
p. 273.
différents correctifs apparaît comme un signe avant coureur d’une possible défaillance parentale
auquel il est possible de remédier.
Section II : Un exercice de l’autorité parentale à restaurer en raison d’une
appartenance sectaire
L’adhésion à une secte peut conduire à la remise en cause de principes dont l’autorité
parentale fait partie. En effet, il est certains groupements qui recherchent systématiquement la
déstructuration de modèles établis249. Aveuglés par les convictions auxquelles ils adhèrent, les
parents ne parviennent plus à distinguer ce qui est bon ou mauvais pour leur enfant et, par
conséquent, n’usent plus de leurs prérogatives conformément à leur finalité. Dans ce cas, un
contrôle pourra s’exercer. Si l’autorité parentale peut apparaître à certains égards comme un
pouvoir d’imposer, un pouvoir de décision pour l’enfant250, l’exercice d’un tel pouvoir trouve ses
limites dans la réalité physique et psychologique que constitue l’enfant qui a besoin, plus que
quiconque, d’être protégé de toute agression. Justement, celui-ci peut avoir besoin d’une
protection accrue face aux risques, voire aux réels dangers que certaines sectes “ pathogènes ”251
lui font courir. A la différence de la personne majeure, à laquelle il est difficile d’imposer une
protection contre les méfaits sectaires, et partant contre lui-même, la protection de l’enfant
mineur est plus aisément envisageable juridiquement en raison de l’incapacité civile dont il est
frappé. En principe protégé de manière naturelle par les titulaires de l’autorité parentale, le
mineur bénéficie de mécanismes juridiques permettant de remédier à l’éventuelle faiblesse de la
protection parentale.
Dans un contexte sectaire, le respect de la liberté de croyance ne nous semble pas devoir interdire
un contrôle des pratiques induites par les convictions parentales, encore moins remettre en
249. Certains groupements semblent voir une véritable vicissitude dans l’éducation parentale
comme, par exemple,
“ Les Enfants de Dieu ” qui proclament : “ Vous êtes, parents, les plus grands rebelles contre Dieu.
Au diable votre
système diabolique ”, cité par EPAILLY (D.), Les sectes et le droit familial, Mémoire de D.E.A
Droit Privé,
Université de Bordeaux IV, 1998, “ coll. Logiques Juridiques ”, Paris : L’Harmattan, 2000, p. 32.
250. BRUGGEMAN (M.), L’administration légale à l’épreuve de l’autorité parentale, Thèse,
Université d’Aix-
Marseille, Aix-en-Provence : Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2002, p. 71.
251. SEGUY(O.-L.), FLORAND (J.-M.), “ La protection judiciaire de l’adepte et de ses enfants
mineurs face aux
sectes ”, Les Petites Affiches, 27 avril 1988, n° 51, p. 15.
question le respect des droits fondamentaux du mineur252. Mais il ne faut pas perdre de vue le
besoin qu’a tout enfant de conserver ses parents auprès de lui. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre
trop hâtivement sur des parents adeptes, étant eux-mêmes bien souvent des victimes. Le
compromis serait de leur permettre de se replacer dans leur rôle de parents, leur rôle de
protecteurs mais aussi de formateurs. La solution est alors de tenter de restaurer l’exercice de
l’autorité parentale en redonnant conscience aux parents des devoirs253 qu’ils ont à l’égard de
leurs enfants malgré ce en quoi ils croient. Dans le contexte sectaire, cette démarche passera par
une remise en cause des choix parentaux à l’égard de l’enfant (A). A cette issue, si le parent ou
les parents adeptes ne parvenaient pas à renouer avec la mission qui leur incombe à l’égard de
l’enfant, l’exercice de leur autorité pourrait en être affecté voire supprimé (B).
A. La remise en cause des choix parentaux
Il ne s’agit surtout pas ici d’exercer un contrôle sur l’étrangeté des idées développées au
sein de tel ou tel groupement mais sur les pratiques, à la limite de l’acceptable, qu’elles entraînent
et qui peuvent constituer un danger pour l’enfant. Celui-ci aura dès lors besoin d’être protégé de
l’influence sectaire, éventuellement à l’encontre de ses parents eux-mêmes. Si la liberté de choix
éducatif est reconnu aux parents, notamment pour le choix de la religion de l’enfant, il est
possible au juge de sortir de sa réserve lorsque les circonstances l’exigent. En effet, l’article 375
du Code civil prévoit que “ si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont
en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures
d’assistance éducatives peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère
conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du
tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Le juge peut se saisir d’office à titre
exceptionnel ”. L’assistance éducative apparaît comme un mode de protection particulière de
l’enfant254 qui permet de pallier la faiblesse de la protection générale normalement exercée par les
parents. Dans le contexte sectaire, l’assistance éducative permet un contrôle indirect du choix
éducatif des parents (1) et surtout la protection de l’intégrité physique et psychique de l’enfant,
252. BIDART (R.), “ Les décisions du juge des enfants et la protection des enfants élevés par une
secte ”, Les Petites
Affiches, 29 novembre 1999, n° 237, p. 30.
253. RUBELLIN-DEVICHI (J.), “ Les enfants sans enfance. Rapport final ”, Les Petites Affiches,
30 novembre 1999,
n° 238, p. 61.
254. DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.), Les droits de l’enfant, 5ème éd., “ coll. Que sais-je ? ”, Paris :
PUF, 2001, p. 96.
intégrité dont les atteintes sont régulièrement dénoncés au sein de certains groupements (2).
1/ Le contrôle indirect du choix éducatif
L’assistance éducative ne peut être mise en œuvre que s’il existe un danger pour l’enfant : “ La
condition centrale de l’intervention du juge demeure celle de danger couru par le mineur et le
texte apporte quelques précisions. Il faut que la santé, la sécurité ou la moralité de l’enfant
soient en danger ou que les conditions de son éducation soient compromises ”255. L’intervention
sera particulièrement requise lorsque les deux parents sont membres : la protection de l’enfant ne
pouvant pas être assurée par le juge du divorce puisqu’a priori, séparés ou unis, les parents
partagent ici les mêmes idéaux en matière d’éducation. Cependant, l’appréciation de la notion de
danger sera parfois délicate et certains paramètres doivent être observés. L’analyse qui prévaut est
celle de la carence éducative qui lie le danger à l’autorité parentale256, ces titulaires ne respectant
pas ou mal la mission qui leur est donnée. Finalement, le fondement de l’assistance éducative
repose sur une mise en danger de l’enfant par les personnes qui exercent l’autorité parentale, en
l’occurrence ici ses parents.
Par ailleurs, l’article 1200 du nouveau Code de procédure civile prévoit que le juge doit tenir
compte des convictions religieuses ou philosophiques du mineur et de sa famille dans son
appréhension du danger et pour le choix de sa mesure. Cependant, l’invocation par les parents de
la liberté religieuse ne saurait réduire le champ d’application de l’article 375 du Code civil sous
peine de le priver de son efficacité257. L’assistance éducative constituerait dès lors une mesure de
protection particulièrement efficace dans un contexte sectaire258.
C’est alors le choix éducatif des parents adeptes qui se retrouvent au cœur de ces mesures
255. HAUSER (J.), HUET-WEILLER (D.), Traité de droit civil : La famille, Paris : L.G.D.J., 1993,
p. 805.
256. AUTEM (D.), Les mesures judiciaires de placement de l’enfant mineur, Tome I, Thèse,
Université de Lille II,
1998, p. 112.
257. SEGUY (O.-L.), FLORAND (J.-M.), “ La protection de l’adepte et de ses enfants mineurs ”,
Les Petites
Affiches, 27 avril 1988, n° 51, p. 16.
258. Le recours à l’assistance éducative est systématiquement invoqué par les pouvoirs publics
lorsqu’il s’agit de
mettre l’enfant à l’abri du phénomène sectaire. Circulaire du 29 février 1996 relative à la lutte
contre les atteintes aux
personnes et aux biens dans le cadre des mouvements à caractère sectaire, JO du 5 mars 1996, p.
3409 ; GEST (A.),
GUYARD (J.), Les sectes en France, Rapport à l’Assemblée nationale fait au nom de la commission
d’enquête sur
les sectes, n° 2468, décembre 1995, Paris : Les Documents d’Information de l’Assemblée nationale,
1996, p. 62.
permettant d’assister ou de relayer les parents dans l’exercice de l’autorité parentale259.
Cependant, seuls les choix éducatifs ayant des conséquences néfastes pour le mineur pourront
faire l’objet d’un contrôle, l’une des principales conséquences étant l’effacement de la famille.
Ainsi, les parents adeptes d’une secte hindoue préconisant l’absence de relations entre l’enfant et
ses parents avaient envoyé leur enfant de six ans dans une école de la secte en Inde. Appelés à
statuer, les juges de la cour d’appel de Rennes ont considéré que “ si elle(la secte) ne présente pas
en soi un danger pour la santé ou la moralité des enfants, les idées défendues par une secte
hindoue, qui conduisent à un effacement de la famille en contradiction avec la Charte des droits
de l’enfant et le droit civil français, justifient que le maintien des mineurs auprès de leurs parents
soit soumis à la condition de voir leur résidence établie au domicile parental et à celle d’une
scolarisation dans un établissement scolaire français (...) ”260. Le juge ne porte pas directement
atteinte au choix éducatif effectué par les parents mais finalement il exerce un contrôle indirect
permettant à l’enfant de s’extraire de l’influence sectaire.
Dans une autre espèce, très renseignée, le juge a considéré que seul le prononcé de mesures
d’assistance éducatives pouvaient permettre le retour des enfants au domicile parental. En
l’espèce, les parents, adeptes de la secte des Enfants de Dieu, revendiquaient la garde de leurs
enfants dont les grands-parents étaient gardiens de fait.
Après s’être livré à une analyse très détaillée du fonctionnement du mouvement, le juge a
considéré que, “ attendu en droit que, chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu
dans son milieu familial, qu’au besoin le maintien du mineur dans sa famille peut être
subordonné à des obligations particulières ; attendu qu’il résulte, tant des pièces de la
procédure que des débats, que les époux ont acquis, depuis le placement de leurs enfants une
certaine stabilité (...) attendu en conséquence que le retour des enfants au domicile parental peut
être envisagé dans des conditions actuelles : qu’il y a néanmoins lieu de garantir le maintien de
ces conditions en subordonnant le retour des enfants au respect, par les époux, des obligations
suivantes (...) ”261. Finalement, les dispositions énumérées par le tribunal vise à maintenir les
enfants éloignés de toute influence sectaire mais également à imposer aux parents une stabilité
professionnelle et un domicile fixe dans une région considérée.
259. CORNU (G.), Droit civil : La famille, 8ème éd., Paris : Montchrestien, 2001, p. 140.
260. CA Rennes, 9 avril 1993, JCP 1994, éd. G, IV, 43.
261. TGI Nancy, 7 novembre 1983, cité par SEGUY (O.-L.), FLORAND (J.-M.) in “ La protection
de l’adepte et de
ses enfants mineurs ”, Les Petites Affiches, 27 avril 1988, n° 51, p. 16.
Dans le contexte sectaire, les mesures d’assistance éducatives doivent avoir pour rôle de
“ rembarquer les enfants dans leur histoire familiale propre dont ils ont été spoliés ”262.
Il est possible aussi d’émettre une réserve sur les enfants vivant en communauté avec leurs
parents : ils sont effectivement auprès de leurs parents mais enfermés au sein de la secte qui vit en
monde clos263. Si les enfants ne sont plus scolarisés, ni instruits, ne peut-on pas penser que leurs
conditions d’éducations sont gravement compromises ? Il semble que la réponse puisse être
positive si leurs chances d’avenir sont conditionnées à une sortie de la secte, à la fréquentation
d’un établissement scolaire, au besoin de “ briser le carcan dans lequel ils sont enchaînés ”264.
Finalement, le juge des enfants apparaît ici comme un moyen de relativiser l’omnipotence des
parents265. Leurs prérogatives en matière d’éducation peuvent être limitées en raison des
obligations que le juge peut mettre à leur charge et, en particulier face au phénomène sectaire, le
juge peut permettre à l’enfant de se soustraire à l’influence du groupe ce qui peut se révéler
salutaire, d’autant plus si, au-delà des conditions d’éducation, c’est l’intégrité physique ou
psychique de l’enfant qui est compromise.
2/ La nécessaire protection de l’intégrité de l’enfant
Il est incontestable que dans bien des cas les mineurs courent des dangers, physiques ou
moraux, au contact du milieu sectaire. Les atteintes à l’intégrité physique ou psychiques de
l’enfant sont fréquemment dénoncées à l’encontre des mouvements sectaires. Celles-ci peuvent
nécessiter le recours à des mesures d’assistance éducative. L’existence de ses atteintes signifiant
que les parents remplissent plus leur rôle de protecteur de l’enfant.
Dans certains cas, la soumission au maître spirituel est tellement forte que les parents adeptes,
infantilisés, déstabilisés peuvent en arriver à démissionner de leur rôle et confient l’enfant à la
secte qui décidera alors de tout pour lui. Il s’opère une véritable délégation de fait de l’autorité
parentale au profit du “ gourou ”. Cette autorité de fait sur l’enfant peut une situation dangereuse
à laquelle il est nécessaire de remédier. Des mesures d’assistance éducative sont envisageables en
262. BIDART ( R.), “ Les décisions du juge des enfants et la protection des enfants élevés par une
secte ”, Les
Petites Affiches, 29 novembre 1999, n° 237, p. 31.
263. HUYETTE (M.), “ Les sectes et le droit ”, D. 1999, doct., p. 386.
264. Ibid., p. 387.
265. RUBELLIN-DEVICHI (J.), “ Les enfants sans enfance. Rapport final ”, Les Petites Affiches,
30 novembre 1999,
n° 238, p. 61.
considération de l’attitude abstentionniste du titulaire de l’autorité parentale puisqu’il ne fait pas
cesser l’influence néfaste du “ gourou ” ou des autres membres de la secte.
Le rappel à leurs obligations peut permettre aux parents de reprendre conscience de leurs
pouvoirs et surtout de leurs devoirs sur l’enfant. car la construction de la vie sociale future de
l’enfant s’effectue au sein de l’éducation reçue dans le cadre de l’autorité parentale et non d’une
autorité arbitraire.
L’appréciation du danger doit se faire in concreto. Cependant, le juge a déjà évalué le danger de
manière collective au sein d’une même secte mais cette solution encourt le reproche d’être
particulièrement arbitraire à l’égard du mouvement considéré et dérogatoire au principe établi en
matière d’assistance éducative, à savoir une approche individuelle266 Le principal intérêt des
mesures d’assistance éducative face au phénomène sectaire est qu’elles peuvent être également
appliquées lorsqu’il s’agit de protéger l’enfant contre les choix de traitement médicaux de ses
parents.
La décision de traiter l’enfant ou non revient à celui qui exerce l’autorité parentale, à ceci près
que, nous l’avons vu, une pré-capacité médicale est reconnue à l’enfant mineur. Cependant, il
n’est pas du tout certain que tous puissent en bénéficier, notamment en raison de leur âge. Il est
alors possible au médecin, qui constate la carence ou la défaillance des parents, qu’ils manquent à
leur obligation de soins et refusent de faire soigner enfant, de saisir le juge des enfants afin de
prononcer une mesure d’assistance éducative le temps du traitement ou de l’intervention267. Le
prononcé d’une telle mesure peut être salutaire pour l’enfant. Cependant, le juge ne peut se poser
en “ arbitre médical ”, il ne lui revient pas de prescrire une thérapeutique plutôt qu’une autre
mais son intervention repose sur l’opposition, la carence ou encore la défaillance du ou des
titulaires de l’autorité parentale qui ont en charge la santé de l’enfant268.
Il peut évidemment y avoir atteinte directe à la santé de l’enfant lorsque les parents refusent de
prodiguer les soins nécessaires269 mais également en cas de refus de vaccinations ou de
transfusions sanguines. Cependant, il semble nécessaire de nuancer selon les deux cas. En effet,
266. VITSE (S.), note sous Cass. 1ère civ., 28 mars 1995, D. 1996, somm., p. 239.
267. TOUZALIN (H. de), “ Le refus de consentement à un traitement par les parents d’un enfant
mineur en danger de
mort ”, JCP 1974, éd. G, I, 2672.
268. DEISS (A.), “ Le juge des enfants et la santé des mineurs ”, JCP 1983, éd. G, I, 3125.
269. Des exemples anciens de jurisprudence mettent en cause une appartenance à une religion
minoritaire : Trib.
corr. Dunkerque, 30 octobre 1953, JCP 1954, éd. G, II,8095, obs. PAGEAUD (P.-A.) ; Trib. corr.
Gap, 6 janvier
1954, JCP 1954, éd. G, II,8016, obs. PAGEAUD (P.-A) ; CA Grenoble, 9 avril 1954, JCP 1954, éd.
G, II, 8139, obs.
P.-A. PAGEAUD.
en l’absence de vaccin, le risque de maladie mortelle existe de façon assurée : le danger pour
l’enfant peut ainsi être caractérisé. Il n’en pas de même en cas de refus de transfusion sanguine.
Le refus a priori n’est pas en lui-même caractéristique d’un danger, l’enfant n’ayant peut-être
jamais le besoin d’être transfusé. Le juge des enfants ne peut en ce cas intervenir à titre préventif
selon l’option prise de manière anticipée par le parent adepte.
Lorsque la présence du parent ou des parents adeptes devient réellement néfaste pour l’enfant, il
peut être souhaitable de l’éloigner de l’enfant.
B. L’éloignement du parent adepte
Cet éloignement peut faire suite à une décision du juge des enfants ou du juge aux affaires
familiales. Dans un cas, l’enfant sera spécifiquement confié à une tierce personne (1), dans le cas
suivant, il se verra privé de l’exercice de son autorité sur l’enfant (2).
1/ La mise en œuvre d’une protection de substitution
Si la mesure d’assistance éducative n’a pas permis de remédier au danger encouru par
l’enfant, par exemple s’il s’agissait de le soustraire à l’emprise du gourou, le juge des enfants
pourra décider d’un placement de l’enfant avec cette précision issue de la loi du 4 mars 2002 qu’il
peut décider de placer l’enfant chez l’autre parent. Néanmoins, il s’est avéré que la mesure visant
à enlever l’enfant de leur milieu familial en présence d’une appartenance sectaire pouvait être
inadéquate. Nous avons pour exemple des enfants vivant au sein de la communauté de “ La
Citadelle ” qui n’ont pas pu rester au sein des foyers d’accueil car ils ont été jugés incapables de
se réadapter et ont finalement retrouvé leurs parents au sein de la secte270. Phénomène sectaire ou
non, l’enfant est censé rester avec ses parents. L ‘appartenance sectaire, nous l’avons vu, ne
diminue pas de plano les capacités éducatives du parent adepte. Néanmoins, il est possible que
celui-ci puisse faire courir un danger à son enfant en raison des pratiques auxquelles il est associé.
L’enfant lui-même sous influence n’a plus qu’à subir. La mesure de placement pourrait avoir le
270. Cité par VIDAL-ENGAURRAN (C.), Le droit face aux adeptes des sectes, Thèse, Université
de Paris X, 1996,
“ coll. Thèses à la carte ”, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 1996, p. 194.
bénéfice de permettre à l’enfant de découvrir un autre monde que celui de la secte dont certains
dénoncent l’embrigadement agressif auprès des jeunes. Il ne faut cependant pas perdre de vue que
l’adepte est bien souvent lui-même une victime de cet embrigadement. Certains argumentent ce
propos que l’objectif suivi par l’intervention du juge des enfants est de rétablir les garanties
fondamentales que les parents doivent à leurs enfants. Cet objectif porterait en lui le fondement
de la sortie de la secte271.
Avant d’en passer par une telle mesure, ne serait-ce pas plus judicieux de se tourner vers la
famille, capable par l’amour de ramener ses membres auprès d’elle ?
Ensuite n’y-a-t-il pas un risque à laisser au juge le soin de trouver la limite entre les dangers qui
sont “ acceptables ” eu égard à la croyance et les dangers que la croyance ne peut justifier ?
La puissance du juge nous apparaît ici très importante, certains suggérant de pouvoir user de leur
droit de se saisir d’office dès lors qu’une secte s’est installée dans leur ressort272 . Ce même auteur
suggère que cette auto-saisine permet en ce cas au juge d’intervenir dans toutes les situations de
danger potentiel, sans aucune exception. Mais cette position paraît quelque peu arbitraire et laisse
entrevoir un début de suspicion du juge à l’égard de tout groupement quelque peu marginal. Le
minimum est de conserver une certaine neutralité et de ne pas voir de facto dans un parent adepte
un monstre de méchanceté et de monstruosité.
Dans certains cas cependant, le juge est contraint de mettre ce parent adepte à l’écart mais il le
fera en raison de la place qu’a l’autre parent, c’est à dire à l’extérieur de la secte.
2/ La privation d’exercice de l’autorité parentale du parent adepte
Le Code civil affirme le principe de l’exercice en commun de l’autorité parentale.
271. BIDART (R.), “ Les décisions du juge des enfants et la protection des enfants élevés par une
secte ”, Les
Petites Affiches, 29 novembre 1999, n° 237, p. 32.
272. HUYETTE (M.), “ Les sectes et la protection judiciaire de le jeunesse ”, D. 1996, doct., p. 275.
Cependant ce mode peut laisser place à un exercice unilatéral de cette autorité auquel la loi se
résout en cas de nécessité273. Selon l’article 373-2-1 du Code civil “ si l’intérêt de l’enfant le
commande, le juge peut confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des deux parents.
L’exercice du droit de visite et d’hébergement ne peut être refusé à l’autre parent que pour des
motifs graves. Ce parent conserve le droit et le devoir de surveiller l’entretien et l’éducation de
l’enfant. Il doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier ”. Cette solution,
d’exception, est imposée par la nécessité d’écarter le parent qui ne répond plus ou ne parvient
plus à répondre à la mission dont il est investi. En effet, lorsque le parent est privé de l’exercice
de son autorité, il ne peut plus gouverner l’enfant dans ses démarches quotidiennes : il n’a plus
qu’un droit d’information sur les décisions relatives à la personne de l’enfant. Cet exercice
solitaire par l’un des parents peut être justifié par le comportement du parent adepte ou en raison
de relations trop conflictuelles entre les deux parents, notamment en raison de l’éducation de
l’enfant.
La jurisprudence relevée relative à la fixation d’un exercice unilatéral de l’autorité
parentale en raison d’une appartenance sectaire est mince. Nous remarquons que de surcroît le
droit de visite et d’hébergement est très restreint et mis en place de manière protégée.
Ainsi, la cour d’appel de Nîmes, dans un premier arrêt en date du 23 octobre 1996274, a procédé à
une appréciation des pratiques induites par l’appartenance du père aux Témoins de Jéhovah, père
qui les prive de toute activité ludique en leur imposant des études bibliques. En se gardant de
porter un jugement sur les fondements de la religion, la Cour relève le déséquilibre psychologique
des enfants et leur sentiment de marginalisation en raison des convictions imposées par leur père.
En conséquence, elle a confié l’exercice exclusif de l’autorité parentale à la mère et fixé le droit
de visite du père à deux dimanches par mois durant une période de quatre heures à exercer dans
un milieu protégé.
Le choix d’un exercice unilatéral de l’autorité parentale peut être un moyen de neutraliser
l’influence néfaste du parent adepte sur la vie de l’enfant puisque celui-ci n’est plus qu’investi
d’un droit de surveillance sur l’enfant, ce qui ne lui confère cependant pas un droit de veto : il ne
pourra pas s’opposer par sa seule volonté à une décision prise par le parent exerçant seul
273. TERRE (F.), FENOUILLET (D.), Droit civil : Les personnes, la famille, les incapacités, 6ème
éd., “ coll. Précis
Dalloz ”, Paris : Dalloz, 1996, p. 890.
274. CA Nîmes, 23 octobre 1996, JCP 1997, éd. G, IV, 2165.
l’autorité parentale275. Il ne peut que saisir le juge aux affaires familiales pour que celui-ci
apprécie si la décision prise est conforme ou non à l’intérêt de l’enfant. nous pouvons fort bien
imaginer que le juge, sais par exemple du choix du parent exerçant l’autorité parentale d’inscrire
l’enfant dans un établissement laïc et non confessionnel, dirigé par un groupe religieux
minoritaire dont les garanties sont quelquefois sommaires, ne s’oppose pas à une telle décision
malgré l’opposition de l’autre.
Des carences éducatives démontrées de l’un des parents peuvent également justifier la limitation
au principe d’exercice en commun de l’autorité parentale276. De même, le désintérêt de l’un des
parents pour l’enfant, le défaut d’investissement dans son éducation peuvent constituer des motifs
d’exercice exclusif de l’autorité parentale au bénéfice de l’autre parent277.
Une certaine conception de l’éducation est parfois prônée par le juge. Par exemple, le
Tribunal de grande instance d’Avignon278 a estimé que “ l’éducation des enfants ne saurait
consister en un endoctrinement basé sur une vision particulièrement cataclysmique du mode dont
seuls les adeptes seraient préservés, mais au contraire en un éveil de l’esprit, une ouverture à
tous les domaines de la connaissance et à toutes les disciplines sans discrimination de race, de
religion ou d’idées. en l’état actuel, afin de préserver tant le présent que l’avenir de ces deux
enfants, il apparaît nécessaire de fixer la résidence habituelle chez leur père qui exercera
l’autorité parentale ”. Les juges s’étaient fondés sur le rapport d’une enquête sociale qui faisait
état d’une longue liste des interdits que les adeptes devaient respecter et retenaient que de tels
interdits risquaient d’entraver l’avenir des enfants.
La sécurité constitue également un des motifs pour mettre en place un exercice unilatéral
de l’autorité parentale, par exemple en cas de maltraitance279. Le refus de transfusion sanguine
prôné par certains adeptes peut-il alors signifier que la santé de l’enfant soit remise en cause par
le parent adepte et donc justifier la fixation d’un exercice unilatéral de l’autorité parental ? Nous
275. TERRE (F.), FENOUILLET (D.), Droit civil : Les personnes, la famille, les incapacités, 6ème
éd., “ coll.
Précis Dalloz ”, Paris : Dalloz, 1996, p. 892.
276. CA Riom, 4 juillet 2000, Juris-Data n° 119256.
277. CA Riom, 24 avril 2001, JCP 2001, éd. G, I, 332, obs. BOSSE-PLATIERE (H.).
278. TGI Avignon, 25 mai 1992, cité par GEST (A.), GUYARD (J.), Les sectes en France, Rapport
à l’Assemblée
nationale fait au nom de la commission d’enquête sur les sectes, n° 2468, décembre 1995, Paris :
Les Documents
d’Information de l’Assemblée nationale, 1996, p. 70.
279. CA Rennes, 15 mai 2000, Juris-Data n° 120003.
savons déjà qu’en raison de ce choix la demande d’un couple adhérents aux Témoins de Jéhovah
avait été refusée280. Certains juges considèrent ce refus comme étant en contrariété finalement
avec l’intérêt de l’enfant. le seul fait qu’un parent “ appartienne à une secte pouvant le conduire
dans certaines situations, en appliquant les principes de cette secte à entrer en conflit avec la
mère de l’enfant et notamment dans le cas où ce dernier devrait subir une transfusion sanguine
suffit pour que l’exercice de l’autorité parentale soit confié à la mère, et que le père soit
déboutée de sa demande d’exercice conjoint ”281. Encore une fois, au-delà de ce que l’on pense, à
tort ou à raison, sur le bien-fondé de la transfusion sanguine282, la solution est ici assez sévère
puisque le juge semble se fonder finalement sur le danger encouru par l’enfant en raison du refus
du père de toute intervention de cette nature, danger qui nous semble plus de l’ordre de
l’hypothétique car “ nul ne sait si l’enfant se trouvera jamais dans une telle situation et si les
parents appliqueront scrupuleusement leurs convictions ”283. Le cas nécessitant une transfusion
sanguine ne pouvant jamais survenir, il paraît malvenu de le prendre ainsi en considération de
manière générale. Nous avons vu également que certaines pratiques consistant à écarter certaines
thérapeutiques ou certains actes médicaux pouvaient faire naître un risque pour l’enfant. Mais,
d’une part, le juge ne peut se fonder sur un risque potentiel pour motiver ainsi sa décision ;
d’autre part, les dispositions légales relatives au mineur, notamment en matière de santé,
permettent de dire que si risques de refus il y a, celui-ci pourra, le cas échéant, être écarté.
L’enfant mineur dispose désormais d’une certaine autonomie en matière médicale, même s’il ne
pouvait en bénéficier en raison de son jeun âge par exemple, le médecin peut prendre le relais et
passer outre le refus parental et en dernier recours, il est possible qu’une intervention du juge des
enfants soit sollicitée. L’existence de ces différentes solutions nous amènent à dire que ne pas
accorder l’exercice de l’autorité parentale au parent prônant de tels refus est quelque peu excessif,
alors même qu’il n’a pas concrètement créer une situation de danger à l’égard de son enfant.
La cour d’appel de Nîmes284 s’est trouvée saisie d’un litige entre un père, revendiquant son
280. CE, 24 avril 1992, D. 1993, juris., p. 234, note ROUVIERE-PERRIER (I.) ; RTD civ. 1992,
chron., p. 550, obs.
HAUSER (J.).
281. CA Rennes, 27 novembre 1991, Juris-Data n° 049709, cité par FORTIER (V.) in “ Justice
civile, croyances et
religion ”, R.J.J. 1998-3, p. 982.
282. Voir GARAY (A.), “ Les implications du refus parental de transfusion sanguine ”, Gaz. Pal.
1995, II, pp. 928-
938.
283. HAUSER (J.), note sous CE, 24 avril 1992, RTD civ. 1992, p. 552.
284. CA Nîmes, 15 septembre 1999, JCP 1999, IV, 2469.
appartenance à l’association Orion, et une mère farouchement hostile à cette association qu’elle
qualifiait de secte. Relevant que l’opposition des parents en ce domaine philosophique, les juges
du fond se sont fondées sur l’idée que l’exercice en commun de l’autorité parentale comporte
l’orientation morale, philosophique et religieuse d’un enfant par ses parents pour considérer que
la divergence totale des parents à propos de leur enfant justifiait l’exercice unilatéral de l’autorité
parentale par la mère. L’argumentation des juges de fond est contestable à plusieurs points de vue
puisque se base sur unique divergence d’opinion. de plus, il s’agit en l’espèce d’une enfant d’un
an et dix mois. Cependant, les juges relèvent ensuite que le père vit en communauté et obéit à des
règles qui ne permettent pas la fixation d’un droit de visite et d’hébergement de mode habituelle
car aucune garantie n’est apportée au sujet de l’enfant. ils décident donc de lui octroyer un droit
de visite dans un point rencontre un samedi sur deux. Le plus surprenant est le jugement de valeur
portée par les juges sur ce père qui “ est le seul artisan de ce droit limité et sans doute frustrant
puisqu’il a choisi de conserver son mode de vie particulier ”.
Enfin, le droit de visite et d’hébergement ne peut être refusé ou retiré que pour des
“ motifs graves ”, il semble que ce ne soit plus le strict intérêt de l’enfant qui soit appréciable
mais que le parent adepte remette en cause, par son comportement, la santé ou la sécurité de son
enfant par exemple. Des motifs graves pourraient être retenus lorsque le parent, un peu trop zélé,
impose à ses enfants des longues nuits de réunions alors qu’ils sont en bas âge ou les emmènent
faire du porte à porte285. Il est alors possible au juge de sanctionner un comportement excessif,
signe d’intolérance et source de déséquilibre pour l’enfant. la Cour de cassation a déjà refusé un
tel droit de visite en raison de pratiques liées aux convictions religieuses286.
Nous remarquons, au terme de cette étude, que le phénomène sectaire conserve une
incidence toute relative sur l’exercice de l’autorité parentale. La raison étant de rigueur de la part
de celui qui vit cette adhésion seul, la sécurité pour ceux qui vivent cette expérience à deux.
Le juge quant à lui doit faire preuve de pragmatisme afin d’éviter la “ chasse aux sorcières ”. Parti
285. FLORAND (J.-M.), “ Le divorce et l’autorité parentale ”, Les Petites Affiches, 10 août 1994,
n° 95, p. 52.
286. Cass. 1ère civ., 26 octobre 2002, Bull. civ. I, n° 262 ; RD sanit. soc. 2001, p. 151, obs.
MONEGER (F.) ; RTD
civ. 2001, p. 126, obs. HAUSER (J.) : suspension du droit de visite et d’hébergement du père en
raison de pressions
morales et psychologiques liées à ses conviction religieuses, en l’espèce le port du voile islamique.
d’un très lourd a priori sur le phénomène des sectes, nous en ressortons plutôt rassurés, le tout
étant de distinguer entre les bonnes et les mauvaises sectes.
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V/ Rapports et textes officiels
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Rapport M.I.L.S, 2001, Paris : La Documentation française, 2002, 109 p.
Textes officiels
Circulaire du 29 février 1996 relative à la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens
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Décret n° 96-387 du 9 mai 1996, JO du 11 mai 1996, p. 7080.
Décret n° 98-890 du 7 octobre 1998 instituant une mission interministérielle de lutte contre les
sectes, JO n° 234 du 9 octobre 1998, p. 15286.
Décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance
et de lutte contre les dérives sectaires, JO n° 278 du 29 novembre 2002, p. 19646.
Loi n° 98-1165 du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire, JO
du 22 décembre 1998, p. 19348.
Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des
mouvements à caractère sectaire portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés
fondamentales, JO du 13 juin 2001, p. 9337.
Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, JO du 5 mars 2002, p. 4161.
VI/ Jurisprudence
Juges du fond :
Trib. civ. Seine, 4 avril 1951, JCP 1953, éd. G, II, 7408.
Trib. corr. Dunkerque, 30 octobre 1953, JCP 1954 , éd. G, II, 8095, obs. P.-A. PAGEAUD.
Trib. corr. Gap, 6 janvier 1954, JCP 1954, éd. G, II, 8016, obs. PAGEAUD (P.-A.).
CA Grenoble, 9 avril 1954, JCP 1954, éd. G, II, 8139, obs. PAGEAUD (P.-A.).
CA Paris, 6 avril 1967, D. 1967, juris., p. 473 ; JCP 1967, éd. G, II, 15100, obs. NEPVEU
CA Nîmes, 10 juin 1967, D. 1969, juris., p. 369, note CARBONNIER (J.).
Trib. gr. inst. de Pontoise, 17 février 1972, Gaz. Pal. 1972, juris., p. 345.
CA Paris, 4 décembre 1973, Juris-Data n° 70536.
CA Paris, 26 septembre 1986, Juris-Data n° 25427.
CA Metz, 13 août 1987, Juris-Data n° 45225.
CA Reims, 25 septembre 1987, Juris-Data n° 044007.
Trib. inst. de Sarrebourg, 12 novembre 1988, JCP 1989, éd. N, II, 213, note FOSSIER (T.)
CA Montpellier, 30 mai 1988, Juris-Data n° 11583.
CA Nîmes, 17 janvier 1991, Juris-Data n° 052074.
TGI Béziers, 4 juin 1991, Juris-Data n° 051799.
CA Grenoble, 4 juin 1991, JCP 1991, éd. G., II, 21744, note J. HAUSER.
CA Dijon, 4 juin 1991, Gaz. Pal. 1992, I, p. 511
CA Paris, 25 octobre 1991, Juris-Data n° 023923, JCP 1992, éd. G., IV, 203.
CA Angers, 8 février 1992, Juris-Data n° 051111.
CA Montpellier, 29 juin 1992, Gaz. Pal. 1993, III, juris., p. 547, note GARAY (A.), GONI (P.).
CA Rennes, 9 avril 1993, JCP 1994, éd. G, IV, 43.
CA Montpellier, 7 novembre 1994, JCP 1996, éd. G, II, 22680, note BRUGUIERE (J.-M.).
CA Nancy, 23 février 1996, JCP 1997, éd. G., IV, 1178.
CA Bourges, 20 mars 1996, Juris-Data n° 043754.
CA Nancy, 20 mai 1996, JCP 1997, éd. G., IV, 1175 ; RD sanit. soc. 1997, p. 897, obs.
MONEGER (F.)
CA Paris, 3 juillet 1996, Dr. fam. mars 1997, p. 13, note H. LECUYER ; RD sanit. soc. 1997, p.
897, obs. MONEGER (F.)
CA Nîmes, 23 octobre 1996, Juris-Data n° 030468 ; JCP 1997, éd. G., IV, 2165.
CA Toulouse, 10 décembre 1996, Juris-Data n° 049929.
CA Aix-en-Provence, 21 janvier 1997, Juris-Data n° 040044 ; JCP 1997, éd. G, I, 4045.
CA Paris, 17 mai 1997, Juris-Data n° 025499.
CA Lyon, 26 juillet 1997, D.1997, IR, p. 197 ; JCP 1998, éd. G, II, 10025, note RENARD (M.-
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CA Bourges, 10 mars 1999, Juris-Data n° 041101 ; Dr. fam. novembre 1999, p. 19, obs.
LECUYER (H.).
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CA Nîmes, 15 septembre 1999, Juris-Data n° 101284 ; JCP 2000, éd. G., IV, 2467.
CA Bordeaux, 10 février 2000, Juris-Data n° 107057 ; JCP 2000, éd. G., IV, 2569.
CA Rennes, 15 mai 2000, Juris-Data n° 120003.
Cour de cassation :
Cass. 1ère civ., 7 avril 1965, D. 1965, juris., p. 704, note CARBONNIER (J.).
Cass. crim., 29 juin 1967, JCP 1968, éd. G, II, 15377, obs. PRADEL (J.).
Cass. 2ème civ., 19 juin 1975, Gaz. Pal. 1975, II, p. 721, note BARBIER (P.).
Cass. 2ème civ., 25 janvier 1978, Gaz. Pal. 1978, II, p. 505, note BARBIER (P.)..
Cass. 1ère civ., 11 juin 1991, Bull. civ. I, n° 196, p. 129 ; D. 1991, juris., p. 521, note
MALAURIE (P.) ; D.1992, somm., p. 65, obs. DESCAMPS (N.).
Cass. 1ère civ., 15 juin 1994, n° 93-19058, inédit titré.
Cass. 1ère civ., 28 mars 1995, D. 1996, somm., p. 239, note S. VITSE.
Cass. 2ème civ., 8 novembre 1995, Bull. civ. I, n° 271, RTD civ. 1996, p. 369, obs. HAUSER (J.),
Defrésnois 1996, p. 300, obs. MASSIP (T.).
Cass. crim., 11 juillet 1994, JCP 1995, éd. G., II, 22441, note EUDIER (F.).
Cass. 2ème civ., 9 octobre 1996, Bull. civ. II, n° 224 ; JCP 1996, éd. G., IV, 2314.
Cass. 2ème civ., 25 juin 1998, n° 96-22058, inédit titré.
Cass. crim., 30 juin 1999, pourvoi n° 98-80501, inédit.
Cass. 1ère civ., 22 février 2000, Bull. civ. II, n° 54, p. 37 ; D. 2000, somm., p. 273, obs. LEPAGE
(A.) ; RTD civ. 2000, p. 558, obs. HAUSER (J.) ; D. 2001, juris., p. 422, note COURTIN (C.) ;
Les Petites Affiches, 4 avril 2001, n° 67, p. 9, note BELLOIR-CAUX (B.).
Cass. 2ème civ., 13 juillet 2000, n° 98-13673, inédit titré ; RJPF 2000, n° 10, p. 19, note VALORY
(S.).
Cass. crim., 17 octobre 2001, Bull. crim., n° 214, p. 683 ; RJPF 2002, n° 1, p. 24, note TOUATI
(G.) ; D. 2002, juris., p. 751, note HUYETTE (M.) ; Dr. pén. 2002, p.10, note VERON (M.) ; Dr.
fam. mars 2002, p. 23, note LAMY, M. SANCHEZ (B. de).
Cass. 2ème civ., 25 octobre 2001, n° 99-16.984, inédit.
Cass. 2ème civ., 11 avril 2002, n° 00-15.819, inédit.
Cass. 1ère civ., 26 octobre 2002, Bull. civ. I, n° 262 ; RD sanit. soc. 2001, p. 151, obs. MONEGER
(F.) ; RTD civ. 2001, p. 126, obs. HAUSER (J.).
Conseil d’Etat :
CE. Ass., 1er février 1985, RFD adm. 1985, p. 566, note P. SOLER-COUTEAUX.
.
CE. 24 avril 1992, D. 1993, juris., p. 234, note ROUVIERE-PERRIER (I.) ; RTD civ. 1992,
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