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L’UDF d’aujourd’hui

5ème Carrefour des Centres


Ascension sociale :
quel espoir pour les nouvelles générations ?
Mercredi 14 octobre 2009

accueil 2
Marc FOUCAULT 2

Ouverture 3
François SAUVADET 3
Président du groupe Nouveau Centre à l’Assemblée Nationale 3

Débats 8
René SÈVE 8
Directeur général du Centre d’Analyse Stratégique 8
Louis CHAUVEL 12
Sociologue, Professeur à Sciences Po 12
Damien ABAD 17
Député européen, Président des Jeunes Centristes 17
Catherine MARCÉ 20
Directrice associée du département Stratégies d’Opinion de TNS Sofres 20
Jean-Marc VITTORI 23
Journaliste aux Échos 23
Valérie PLAGNOL 27
Directrice de la Stratégie CM-CIC 27
Francis VERCAMER 31
Député du Nord 31

Questions-réponses 35

Conclusion 42
Hervé MORIN 42
Président du Nouveau Centre 42
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Accueil
Marc FOUCAULT

Bonjour à tous. Merci d’avoir répondu nombreux à l’invitation du Nouveau Centre. Je pense que
les derniers rangs vont rapidement se remplir mais l’heure, c’est vrai, était un peu avancée. Donc
merci à ceux qui ont fait l’effort d’être à l’heure pour ce débat.

Vous avez vu que c’était un thème assez passionnant. Je pense que vous avez tous lu des livres ou
des essais ou des publications autour de ce sujet depuis des mois. Vous avez vu qu’il y a déjà un
ensemble de controverses qui animent un petit peu le débat. Ces derniers temps, le vocabulaire
d’ailleurs était plus autour de l’idée de déclassement social, vocabulaire nouveau qui est apparu.
Quand nous avons conçu la soirée, nous avons plutôt voulu parler d’ascension sociale. On
réservera, qu’on me pardonne, le vocabulaire de « déclassement » peut-être aux sociologues pour
un vocabulaire plus politique avec « l’ascension sociale », sachant que dans la politique, il y a
quand même l’idée d’essayer de montrer un chemin, d’essayer de trouver des réponses. Cette idée
d’ascension sociale nous paraissait peut-être plus intéressante comme titre de notre débat, même si,
nous le verrons, l’ascension promet d’être brève.

L’intérêt de ce thème est que c’est aussi un thème qui touche évidemment beaucoup les jeunes
générations comme d’ailleurs les deux prochains thèmes de nos Carrefours des Centres : en
novembre, nous traiterons du sujet de la dette publique et en décembre du sujet des retraites. Et
c’était d’ailleurs le souhait d’Hervé et de François Sauvadet sur ces Carrefours, d’essayer peut-être
d’avoir effectivement trois sujets majeurs – question de l’ascension sociale/du déclassement,
question de la dette publique, question des retraites – des sujets majeurs qui touchent en premier
lieu les jeunes générations. C’est donc un peu un triptyque que nous allons aborder avec un nombre
particulier sur les jeunes générations. Ce soir, c’est le premier volet avec cette question de
l’ascension sociale.

Je vous présenterai nos invités tout à l’heure mais je voudrais d’abord passer la parole à
François Sauvadet, le Président du groupe Nouveau Centre à l’Assemblée Nationale, qui a un
agenda un peu compliqué aujourd’hui mais il a accepté bien gentiment de faire l’accueil de cette
manifestation. Quant à Hervé Morin, il prendra le relais puisqu’il est retenu au Sénat par le débat
sur le nucléaire je crois et il nous rejoindra à peu près vers 19 heures. Je crois que, comme toujours,
la coordination entre François et lui s’est bien faite. Merci François d’ouvrir nos travaux.

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5ème Carrefour des Centres Le Nouveau Centre
Ouverture
François SAUVADET
Président du groupe Nouveau Centre à l’Assemblée Nationale

Merci. Je vais être extrêmement bref. D’abord quelques mots de bienvenue. Il faut effectivement
excuser Hervé Morin, Ministre de la Défense, parce qu’il est en train de traiter d’un sujet qui était
attendu par bon nombre de nos compatriotes, les indemnisations de ceux qui ont été les victimes
des essais nucléaires. C’était attendu depuis bien des années. Le gouvernement y a enfin pensé et
c’est Hervé qui porte ce sujet. Je vous indique d’ailleurs que c’est sur une initiative parlementaire
que ce projet de loi a été inscrit parce que nous souhaitions vraiment avancer très rapidement et
apporter une réponse aux familles qui avaient été touchées. C’est donc une première dans le cadre
du fonctionnement du Parlement, que nous débloquions un espace de temps pour un gouvernement
afin qu’il puisse faire passer ce projet de loi qui est en cours d’examen au Sénat. Il va donc venir
nous rejoindre.

C’est le cinquième Carrefour des Centres. Ce qu’on a souhaité au Nouveau Centre et nourrir en
cela la réflexion du groupe parlementaire des députés du Nouveau Centre, c’est d’engager des
débats sur des sujets qui vont être des sujets récurrents, des sujets lourds, pour lesquels les réponses
qu’on apporte aujourd’hui ne sont pas franchement satisfaisantes. En tout cas, il faut explorer des
pistes qui répondent non seulement à l’inquiétude mais qui ouvrent des perspectives nouvelles. La
volonté d’être j’allais dire « les éclaireurs du temps ».

On a abordé tous ces sujets lourds, on a parlé des libertés publiques, d’Internet récemment. On a
aussi évoqué comment protéger nos jeunes qui pensent que l’espace de liberté d’Internet est un
formidable espace qui doit permettre la convivialité ; mais en fait on peut être poursuivi faute de
pouvoir effacer tout ce qui est publié sur le Net et cela risque de nous rattraper. Vous voyez les
enjeux de liberté pour notre avenir. On aura aussi d’autres sujets à évoquer qui touchent à
l’organisation de notre système judiciaire : comment faire coïncider l’exigence des libertés
individuelles avec l’exigence de la garantie de nos sociétés ? Bref, on souhaitait vraiment être « les
éclaireurs du temps » et en même temps avoir un langage de vérité et de responsabilité. D’ailleurs
on abordera la question des retraites qui est une question que nous avons abordée à l’Assemblée
Nationale puisqu’on a un rendez-vous national sur ce sujet d’inscrit avec des défis qui vont être très
lourds à porter. Ce qui renvoie d’ailleurs à la préoccupation d’aujourd’hui : comment faire face à
l’exigence de solidarité en même temps qu’à l’exigence de responsabilité, c’est-à-dire de ne pas
reporter sur les générations futures ce qui doit nous revenir ? Nous avons des systèmes de retraite
par répartition, les actifs du jour sont moins nombreux, les retraités du jour vont être de plus en
plus nombreux, le défi de la grande dépendance, je le répète la nécessité impérieuse d’avoir une
solidarité active. Comment aussi permettre l’employabilité au maximum, notamment celle des
jeunes ? C’est un défi. Naturellement, nous allons aborder cette question de l’innovation sociale, la
nouvelle relation sociale dans un monde qui est en profonde mutation – on l’a abordée lors des
Journées parlementaires à Hem, la ville du député-maire Francis Vercamer que vous connaissez
probablement et qui sera d’ailleurs l’un des animateurs aux côtés de l’ensemble des intervenants de
cette soirée de réflexion. On essaye donc d’explorer des espaces nouveaux, comment permettre
l’entrée des jeunes sur le marché du travail, leur permettre aussi une formation qui débouche sur de
l’emploi, des nouveaux systèmes d’accueil qui ne soient pas simplement de la précarité ou de
l’emploi par défaut. Tous ces sujets-là sont des sujets évidemment majeurs.

J’ai été très frappé dans l’évolution sociétale par une espèce de bascule. C’est-à-dire qu’on a vécu
pendant des dizaines d’années, surtout à l’après-guerre, période de reconstruction du pays, avec une

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vraie confiance que l’avenir sera meilleur que le passé, notamment pour ceux qui avaient connu les
périodes difficiles de la guerre, de la reconstruction, avec des étapes qui ont été constituées de
véritables tragédies. On a donc vécu pendant toute cette période avec le sentiment partagé par tous
que nos enfants sauf situation structurelle auraient une situation bien meilleure que la nôtre.
Aujourd’hui, il y a un effet de bascule, un glissement. Je regardais les chiffres du rendu de
l’opinion publique par rapport au présent et à l’avenir. Les Français – peut-être qu’on en parlera et
que vous pourrez nous dire cela de manière plus complète – même en situation de crise, abordent la
situation du temps présent avec des inquiétudes, certes, surtout avec la gravité de la crise sans
précédent que nous avons connue, crise financière, crise économique et ses retombées sur l’emploi.
Mais aujourd’hui, ils sont relativement confiants sur leur propre avenir. Quand on regarde les
sondages de manière constante, cela montre que 60 % sont assez confiants sur leur propre avenir.
Même en situation de grave crise comme nous la connaissons. En revanche, dès qu’on parle de
leurs enfants, pratiquement 70 % considèrent qu’évidemment, la situation sera beaucoup plus
difficile et seulement 30 % sont confiants pour l’avenir de leurs enfants. Vous voyez le gap et en
même temps une réalité que les chiffres confirment. Au premier trimestre de cette année, qui est un
peu particulière puisque, comme je viens de le dire, nous sommes en situation de crise, je regardais
les chiffres sur l’employabilité et sur l’emploi des 15 à 24 ans, nous sommes à 30,80 % d’emplois
sur cette tranche d’âge. Vous imaginez, 30,80 % ! C’est-à-dire qu’on a là un véritable défi.

Véritable défi de formation, de formation initiale tout d’abord. Je suis très frappé, on parle
aujourd’hui beaucoup de la réforme des collèges. L’accès à sa propre citoyenneté c’est évidemment
déjà maîtriser ce qui peut permettre d’abord l’expression, maîtriser sa capacité à partager ce que
nous sommes, c’est-à-dire l’exercice de la citoyenneté donc la maîtrise des matières essentielles.
On s’aperçoit que l’illettrisme, malgré les efforts financiers considérables que nous avons consacrés
à l’Éducation Nationale a progressé dans notre pays et concerne particulièrement la population en
grande fragilité. On voit bien qu’il y a là une espèce de transmission, de modélisation dans certains
quartiers, dans certains secteurs sensibles, dans certaines origines sociales et sociétales. Finalement
une transmission de cette situation de paupérisation. C’est donc un véritable défi pour nous, parce
que ça se manifeste derrière quand vous ne voyez plus beaucoup d’espoir dans le milieu défavorisé
dans lequel vous avez vécu. Il ne faut pas s’étonner ensuite qu’il y ait de véritables explosions de
violence. C’est finalement la seule forme d’expression du sentiment d’un avenir complètement
bouché, du sentiment qu’on n’est plus reconnu, écouté. Je pense donc que cette question de
l’éducation, de l’encouragement dès le début de la vie – convaincre chacun que l’école est le
meilleur apprentissage pour parvenir à cet exercice de la citoyenneté– est une évidence qu’il faut
rappeler. En tout cas il faut s’en donner les moyens et ne pas le faire contre l’Éducation Nationale.
On a pour coutume en France de pointer du doigt ceux qui sont en charge de responsabilités,
d’exercer la responsabilité. Je crois qu’on ne vaincra pas les problèmes de l’illettrisme et les
problèmes de paupérisation dans lesquels se sont installées un certain nombre de populations sans y
impliquer les acteurs mêmes de la formation, sans aussi accompagner les familles, sans aussi être à
leurs côtés lorsqu’elles sont en difficulté. C’est une solidarité active. C’est le premier point qui je
crois est un des points extrêmement importants.

Ensuite, il y a tout notre système de formation qui doit déboucher vers l’emploi et vers le plein
épanouissement. On présente souvent le travail comme étant une contrainte ou finalement un
exercice contraignant. En tout cas, faute d’avoir des perspectives d’évolution, des systèmes, même
pour les gens formés, qui les conduisent à ne pas trouver d’emploi. Ceux qui sont formés à estimer
qu’ils doivent accéder à un rang de rémunération que le marché du travail n’offre peut-être pas
spontanément. Il y a là vraiment une question tout à fait centrale qu’il faudra vraiment que l’on
regarde, dans les métiers de demain, dans les métiers d’aujourd’hui : quels sont les besoins des
employeurs ? Et qu’on mette en adéquation nos systèmes de formation et de sensibilisation de nos
jeunes dans des métiers où ils pourront trouver un épanouissement. Même si aujourd’hui un certain

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nombre de métiers ont été dévalorisés parce qu’on a voulu des troncs communs qui conduisent des
gens dans des systèmes de formation qui, lorsqu’ils en sortent vers 17, 18, 20 ans, les mènent dans
des impasses. Avec une difficulté à retrouver des chemins de formation par l’apprentissage, par les
tutorats – Francis Vercamer pourra en parler mieux que moi. C’est la deuxième chose, comment
adapter le système de formation aux métiers de demain et aux réalités de métiers en tension. On
connaît une situation très paradoxale : un taux de chômage des jeunes qui reste parmi l’un des plus
élevés, des secteurs en situation de crise pour lesquels effectivement il y a des restructurations très
lourdes – on l’a vu, il y a parfois des délocalisations – et puis dans le même temps des métiers, des
pans entiers d’activité qui restent des secteurs de professions en tension. Évidemment, l’esprit de
responsabilité c’est bien d’essayer de faire en sorte que sur les métiers, sur les transmissions des
savoirs, etc. on puisse mettre en adéquation de manière courageuse les nouvelles réalités
économiques, les nouvelles potentialités et les métiers dans lesquels il y aura des perspectives
d’emploi. En tout cas pour nous l’emploi, c’est l’épanouissement.

Il y a aussi la situation particulière faite aux femmes dans cette question, l’emploi des femmes est
une préoccupation aussi extrêmement importante notamment chez les jeunes. Je pense que là aussi
c’est un sujet que nous aurons à évoquer.

Et puis, enfin, il y aura la question, comme je le disais au tout début, la question de la


responsabilité que l’on doit avoir vis-à-vis de notre avenir. Nous sommes de ceux qui le disons et le
répétons sans cesse : certes, il fallait soutenir l’activité économique et ça a été le cas, sauvegarder le
secteur financier et ça a été le cas dans un contexte où il fallait injecter massivement du soutien à
l’économie pour éviter la dégradation de tout ce tissu avec des conséquences sociétales que l’on
connaît parce que l’emploi s’éloigne et que le chômage revient. Mais il faut qu’on fasse tout de
même preuve de beaucoup d’esprit de responsabilité. Nous allons avoir un débat sur le projet de loi
de financement de la Sécurité Sociale qui a été présenté ce matin. On ne peut plus laisser dériver
les comptes de la Sécurité Sociale comme on le fait. Rendez-vous compte, nous ne payons même
plus les intérêts de la dette que nous avons accumulée. Ça se chiffre maintenant par dizaines de
milliards, une trentaine de milliards, 45 dans ce qui est plus solide. Y compris la dette qui a été
mise de côté à la CADES. Vous imaginez les chiffres, ils sont hallucinants. Nous, ce qu’on a
proposé très courageusement – j’espère qu’on sera écoutés et suivis même si parfois il m’arrive
d’en douter mais en tout cas le premier combat perdu d’avance est celui qu’on ne livre pas – de
payer au moins l’intérêt de la dette que nous contractons aujourd’hui pour ne pas laisser à nos
enfants cette dette plus les intérêts que nous ne prenons même pas à notre charge aujourd’hui
même. On ne paye pas les intérêts de la dette ! Quand on emprunte, c’est comme un foyer pour
l’État, on emprunte sur le prix du marché et on doit rembourser cette dette.

De la même manière, nous avons dit qu’il faudrait que ce soient des systèmes avec beaucoup de
justice, beaucoup de solidarité active. Pour être Président d’un Conseil général, je vous dis très
franchement que j’ai été un des fervents partisans du Revenu de Solidarité Active qui fait que
lorsqu’on est dans la voie du retour vers l’emploi depuis l’insertion, on n’y perd pas par rapport à
des situations antérieures qui vous mettaient en situation de fragilité de logement, de fragilité
d’accompagnement social. C’est donc peut-être une bonne nouvelle. Cela dit, pour l’emploi des
jeunes, j’étais plus réservé quant à la mise en œuvre d’un RSA. Je pense qu’il faut qu’on
réfléchisse à des moyens complètement nouveaux en étant d’abord plus proches de la situation de
chaque individu parce que je pense que chacun a un destin personnel. Je l’ai vu là encore dans mon
Conseil général. Il y a des jeunes qui partent avec des fractures terribles. Rendez-vous compte, dans
un département comme le mien de 540 000 habitants, 3 000 jeunes commencent leur vie avec une
fracture personnelle terrible. Des jeunes qui sont soit violés, soit battus, retirés de leurs familles et
c’est au Conseil général de s’en occuper. 3 000 jeunes. Vous imaginez ? Des jeunes pour lesquels
l’adulte devrait être la référence pour lui permettre de trouver la voie de son épanouissement et – je

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répète le mot parce que je l’aime bien – de sa citoyenneté c’est-à-dire devenir citoyen à part
entière. Eh bien, l’adulte qui devait être la référence est celui qui frappe, qui bat ses propres
enfants. 3 000 jeunes. Ces jeunes-là, il faudra bien qu’on ait un traitement tout à fait particulier,
spécifique pour qu’ils retrouvent d’abord confiance en eux-mêmes et que cette fracture dès
l’enfance ne soit pas une fracture qui les mette dans une posture où ils reproduisent les schémas
qu’ils ont connus. Je souhaite vraiment qu’on aborde cette question, je serai très intéressé par vos
conclusions, notamment sur la reproduction d’un certain nombre de schémas que l’on retrouve dans
les familles les plus paupérisées. Et ça, c’est un des enjeux très important.

Voilà simplement ce que je voulais vous dire. On a des défis devant nous.

Je crois aussi qu’il faut arrêter de « foutre la trouille » à nos jeunes. Franchement, on a une vraie
réflexion d’adulte et de société pour arrêter de leur mettre une pression sur les bretelles telle qu’on
se demande finalement s’il y aura de l’avenir dans notre pays. D’ailleurs, je me suis beaucoup
interrogé pour avoir des enfants moi-même, sur les pressions qu’on leur met très tôt. Il faut leur
donner aussi le goût, l’envie de s’épanouir et de rechercher eux-mêmes les voies dans lesquelles ils
pourront s’épanouir. Je trouve qu’on a foutu la trouille à nos jeunes. Et je suis très intéressé par
notre histoire collective parce qu’on y trouve des sources d’inspiration pour notre avenir. Quand on
pense à tous ceux qui, en 1939-1945, ont connu la guerre même si ça paraît lointain pour un certain
nombre d’entre nous puisqu’on est une génération qui n’a pas connu la guerre. Mais franchement,
quand on avait ces drames affreux, la déportation, des familles entières décimées, des enfants qui se
retrouvaient seuls, à cette époque évidemment l’avenir paraissait beaucoup plus incertain.
Aujourd’hui, on a des défis devant nous.

Je voudrais que nous soyons le parti du courage vis-à-vis de l’avenir. L’avenir est à construire. Il
n’y a pas de fatalité à le considérer comme étant devenu un avenir impossible.

De la même manière – et je terminerai là-dessus – j’en ai assez d’entendre opposer les jeunes, les
vieux comme si on était dans une société complètement différente. Là encore comme élu local et
comme élu national, franchement quand j’entends que la grande dépendance ou l’allongement de la
durée de vie seraient une menace pour nos sociétés ! Attendez, j’arrive à des âges – comment dirai-
je – d’épanouissement pour dire aux jeunes que vous n’êtes pas encore et pour dire aux aînés que je
mesure la chance de les regarder pour les rejoindre le moment venu, sans précipitation, il y a
365 jours par an, mais pour connaître cette gourmandise de l’âge qui est devant nous, la durée de
vie encore en bonne forme, faisons-en aussi une chance pour nos sociétés.

Essayons de construire aussi dans le mode d’emploi du travail des modes d’emploi nouveaux. Le
temps choisi c’est aussi une chance pour notre jeunesse, le fait de partir en se choisissant son
moment de retraite et son niveau de revenus, la possibilité de capitaliser aussi qui n’est pas
suffisamment offerte notamment dans le domaine privé, faisons-en une chance pour nos jeunes.

Je crois aussi beaucoup à la transmission dans des sociétés modernes, ce qu’on a oublié :
transmission des savoirs, transmission des savoirs être. Ce sont des valeurs qu’on doit porter nous
aussi. Donc de grâce quand on parle des jeunes, ne pensons pas qu’on va oublier nos aînés parce
qu’on aura besoin des deux pour continuer à concevoir une société du vivre ensemble.

Voilà. Je souhaite que nous soyons la société du vivre ensemble, que nous soyons le parti de la
société du vivre ensemble.

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Marc FOUCAULT

Merci beaucoup François pour ces propos stimulants. Je vous avais promis de vous présenter
nos invités. Je vais commencer par :

• Valérie Plagnol, qui est Directrice de la Stratégie du groupe CM-CIC et qui est également
membre du Conseil d’Analyse Économique et qui évoquera avec nous la question spécifique du
logement ;

• Carine Marcé, qui est Directrice associée du département Stratégies d’Opinion de TNS Sofres ;

• Le professeur Louis Chauvel, qui est sociologue, Professeur à Sciences Po et auteur notamment
– certains l’ont lu ou ont lu des commentaires sur ses différents ouvrages – je pense notamment
au livre Aux classes moyennes à la dérive qui a eu un très beau succès, livre remarquable si je
puis me permettre. Un livre plus ancien également sur Le destin des générations ;

• Jean-Marc Vittori que vous êtes sans doute nombreux à lire dans les pages des Échos,
Journaliste et éditorialiste aux Échos et qui vient – on est vraiment dans la qualité totale – qui
vient juste de sortir un livre sur notre sujet, qui s’intitule L’effet de sablier, je me mélange à
cause du sous-titre que j’oublie toujours, Vers la mort des classes moyennes. Ce livre est sorti la
semaine dernière ;

• René Sève, qui est Directeur général du Centre d’Analyse Stratégique, auteur du rapport
collectif extrêmement intéressant qui est toujours sur le site Internet du CAS sur toute cette
question du déclassement social et que je vous invite à parcourir si à l’issue de la soirée vous
avez besoin de chiffres. Mais qui a une visée, une approche plus politique que sur d’autres
rapports parfois, un rapport très stimulant également.

Et puis nous aurons deux grands intervenants témoins aussi avec deux amis parlementaires :

• Francis Vercamer, Député du Nord, spécialiste des questions de l’insertion et de formation ;

• Damien Abad, Député européen, en tout cas encore pour l’instant benjamin des Députés
français et puis parmi beaucoup de sujets pas seulement européens, il se trouve que ce soir, son
regard sur les jeunes nous intéresse effectivement.

Hervé Morin va nous rejoindre et clôturera notre soirée, à peu près vers 20 heures 30.

On va essayer de tenir les délais, on a à peu près dix petites minutes chacun. On va commencer
par essayer de dresser un constat le plus fiable possible de cette question de l’ascension sociale,
du déclassement social. En fait, on va faire un peu à double voix avec d’abord René Sève qui
va essayer de planter à sa manière le décor de ce sujet déclassement/ascension sociale et puis
ensuite par Louis Chauvel. Vous allez voir ce sera peut-être un peu en opposition mais c’est
l’intérêt. On en rediscutera, on verra ce qui les rapproche, ce qui les sépare un petit peu. Mais je
pense qu’à l’issue de ces deux interventions, on aura déjà un tableau général de la situation
pour que chacun cerne bien le sujet.

Je passe donc la parole à René Sève soit au pupitre, soit assis, comme il le souhaite avec pour
ce qui le concerne, une petite présentation PowerPoint qui va accompagner ses propos.

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5ème Carrefour des Centres Le Nouveau Centre
Débats
René SÈVE
Directeur général du Centre d’Analyse Stratégique

Merci beaucoup. D’abord, je vous remercie de votre invitation. On va effectivement parler de


déclassement mais après l’introduction de François Sauvadet, il y avait tellement de sujets qu’il
serait tentant d’évoquer que ça va être difficile de se ramener à des sujets plus proches de ce débat.
Je vais essayer de faire un lien avec non pas tout ce qu’on a dit sur la Sécurité Sociale et les
finances publiques mais plutôt avec un certain nombre d’éléments qui ont été évoqués dans son
intervention liminaire.

Je suis ici parce qu’on a fait un rapport qui était lui-même un rapport qui répondait à d’autres
rapports et en particulier à un livre de Camille Peugny qui était sorti au début de l’année sur le
déclassement, qui est un livre de cabinet. Il semblait effectivement que c’était un sujet sur lequel on
avait, plutôt d’un point de vue un peu économique puisque c’était quand même notre angle
d’attaque, des choses à dire qui complètent un peu ce que disent les sociologues puisque,
évidemment, c’est aussi au départ un conseil de sociologues. C’est un conseil de sociologues qui a
des parentèles s’il faut envisager le contexte plus large. On a eu quand même quelques moments
éditoriaux en termes de succès de librairie sur le déclin, il n’y a pas si longtemps. Il y a eu peut-être
au niveau des chiffres avec moins de succès des réflexions d’abord sur la défiance, il y avait une
société de confiance, il y avait la société de défiance et là on a le thème du déclassement qui a bien
fait les vitrines des libraires cette année. On a un peu l’impression quand même que c’est toujours
un peu une sorte de malaise dans la société française qui a été évoqué, un malaise qui après, n’est
pas forcément vérifié dans les enquêtes d’opinion dont on parlera tout à l’heure. Ce malaise est
peut-être aussi amplifié, sans tomber dans une critique facile – mais je crois que Louis Chauvel en
parlera et on pourra commencer à en débattre – parce que peut-être une partie des personnes qui se
sentent déclassées ou qui connaissent des personnes déclassées sont ceux qui écrivent sur le
déclassement.

On verra effectivement qu’il y a un problème sur le système éducatif sans doute et le système
éducatif particulièrement au niveau universitaire en sciences humaines et sociales. Il y a aussi la
situation des journalistes. J’ai parlé de notre rapport sur le déclassement avec plusieurs journalistes
dont un journaliste de Radio France – donc un journaliste qui a un statut protégé pour caricaturer la
chose – mais un journaliste qui avait une certaine visibilité de sa carrière au sein de Radio France et
puis il y avait d’autres journalistes qui étaient plutôt des pigistes et qui eux, avaient plutôt
l’impression d’être un peu inquiets de leur avenir et d’avoir peut-être un risque de déclassement. Et
finalement c’était des personnes qui avaient grosso modo une certaine parenté intellectuelle et
éducative et avec sans doute des sentiments très différents les uns et les autres par rapport à leur
avenir. Il y a donc cet aspect-là qu’il ne faut pas négliger quand même, les gens qui écrivent sur le
déclassement sont aussi des gens qui ont vécu ou qui peuvent se sentir menacés par un
déclassement. Ça explique peut-être aussi un décalage quand on envisage d’autres catégories
socioprofessionnelles et ce serait intéressant de regarder exactement – et là on en parlera tout à
l’heure – en fonction de facteurs socioprofessionnels d’une part et de facteurs territoriaux d’autre
part. Il y a des différences de perception selon les territoires, mais là, les chiffres sont difficiles à
trouver, comment on ressent la question du déclassement et plus généralement le manque de
confiance par rapport à l’avenir que ce soit pour soi ou pour ses enfants et puis l’idée qui est peut-
être aujourd’hui compliquée par la crise d’un éventuel déclin historique.

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5ème Carrefour des Centres Le Nouveau Centre
Je vais essayer de résumer le but de notre rapport. Je ne vais peut-être pas faire passer les slides, je
vais en faire passer un si tant est que ça marche. Je pense que mes propos reflètent ce qui est écrit
sans forcément qu’il y ait de rapport mécanique entre les deux supports. Notre idée était
principalement quand même de ne pas nier une certaine difficulté d’insertion professionnelle et de
progrès social, donc d’ascension sociale mais de la relativiser. L’autre intervenant est un
intervenant qui relativise le déclassement pour dire que le déclassement a toujours existé par
rapport à ses parents. On parle plutôt d’un déclassement générationnel, mais il est moins important
qu’on ne le croit et il n’est nettement pas majoritaire. L’ascenseur social fonctionne pour la
majorité des personnes même s’il y a une certaine amplification du déclassement puisqu’on a plutôt
envisagé que s’il y avait 18-20 % de personnes qui étaient déclassées par rapport à leurs parents il y
a une trentaine d’années, on arriverait plutôt à des proportions de 25 % aujourd’hui. Mais il ne doit
pas faire oublier les 40 % des gens qui ont une position sociale et là, il faudrait relativiser selon les
territoires, je crois que c’est important et aussi les professions, une position sociale supérieure à
celle des parents et qui reste majoritaire.

Et puis il y a un autre point qui va sans doute être évoqué dans la slide suivante qui est qu’il faut
aussi considérer ça d’une façon plus générale, globale et économique. Grosso modo par rapport à
notre position sociale, notre position relative, grosso modo ça se passe au sein d’une société qui en
valeur absolue a naturellement créé beaucoup de richesses et on a à peu près 80 % des niveaux de
vie supérieurs à ce qu’ils étaient il y a trente ans. Donc même si vous avez quelque part été
déclassé, votre position est bien meilleure que celle de vos parents. Il peut donc y avoir des
difficultés sociologiques mais en même temps dans un cadre général de progrès économique. C’est
une relativisation et ce n’est pas du tout pour souhaiter qu’on soit sur de l’homogène et que les
gens soient déclassés dans notre société.

La difficulté et c’est pour cela que c’est un sujet qui a un certain sens politique c’est que ces
aspects-là, ces aspects relatifs et ces aspects absolus ne sont pas forcément totalement bien compris
et perçus. Sur le plan relatif, la question est, je crois, évoquée dans un livre qui vient de paraître
récemment d’Éric Maurin sur la peur du déclassement, il y a un aspect comparatif. Vous pouvez
vérifier d’ailleurs les chiffres de l’emploi et des catégories touchées directement par la crise, les
travailleurs précaires et les emplois les moins qualifiés. Il y a effectivement une certaine dualisation
du marché du travail qui naturellement fait que la majorité des emplois sont quand même des
emplois qui sont relativement assurés comme ceux des fonctionnaires – c’est un sujet dans le sujet
d’ailleurs – et puis naturellement des risques de précarisation, des difficultés d’insertion qui sont
liés à des problèmes de qualification. On a parlé d’illettrisme à l’instant, j’y reviendrai c’est un
élément très important qu’il ne faut pas oublier dans la question de la vision globale qu’on peut
avoir de l’emploi et de la société française dans son ensemble et qui fait qu’effectivement il y a un
certain nombre de personnes qui ont des difficultés et qui projettent, inquiètent ceux qui n’en ont
pas réellement mais qui pourraient craindre de se trouver dans cette situation-là. On parlera du
logement effectivement le risque statistique de se retrouver SDF est faible, la crainte statistique de
l’être est plus importante que les chiffres.

Il y a un autre phénomène – qui pourrait être approfondi mais ce serait un autre sujet qui nous
mènerait trop loin – ce sont des phénomènes qu’on appelle de comparaison ou d’envie par rapport
aux autres rémunérations. Là aussi le problème doit être relativisé en fonction des catégories
professionnelles parce que les points de comparaison, on les a dans cette zone professionnelle et
dans une bonne compréhension (inaudible) et effectivement tout ce qui s’est passé depuis une
trentaine d’années c’est que les sociétés françaises se sont formidablement internationalisées et
c’est clair que l’échelle des rémunérations au sein des sociétés – je ne parle pas de la banque mais
en général de l’industrie – a tenu compte de cette internationalisation majeure. Danone il y a trente
ans devait faire 50 à 60 % de son chiffre d’affaires en France, aujourd’hui c’est 14 %. Il y a

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effectivement dans les comparaisons qu’on peut avoir des effets qui tiennent à une évolution de la
société française et si on compare les éventails de rémunération – on a fait un rapport récent – on a
un état des rémunérations qui s’est accentué mais qui s’explique aussi par des modifications un peu
structurelles de l’économie française. Cela, c’est l’aspect relatif.

Sur la cause qui fait qu’on n’apprécie pas, sauf peut-être l’augmentation du coût de la vie, on a
essayé de l’approfondir par une réflexion ce qui est aussi une vision d’économiste sur la structure
du pouvoir d’achat et les dépenses contraintes, les dépenses arbitrables. On constate que la part des
dépenses contraintes a augmenté dans le budget des ménages et donc d’une certaine manière le gain
du pouvoir d’achat qui est absolument réel ne s’associe pas avec ce qu’il n’a peut-être pas choisi de
dépenser et ce qui fait qu’on apprécie moins ce gain de pouvoir d’achat. Ça aboutit à un paradoxe.
Pour lutter contre l’impression du déclassement voire la réalité du déclassement on va regarder
dans la sociologie, pas forcément dans les valeurs, mais finalement peut-être dans la libéralisation
de certains services dans la vie politique de la concurrence s’il pourrait, grâce à cette différence –
du point de vue économique, on ne partage pas forcément les études sociologiques –, s’il pourrait y
avoir un lien entre la réalité économique et un sentiment de déclassement si on desserrait certaines
contraintes qui font que les dépenses sont peut-être par défaut de concurrence entre les deux offres
un peu plus contraintes qu’elles ne le pourraient. Il y a quand même un cas pour bien illustrer la
différence du pouvoir d’achat entre maintenant et il y a trente ans où la libéralisation a fonctionné,
c’est le transport aérien. Si on compare, à moins de considérer que ce sont des consommateurs
(inaudible) qui ne sont pas pris en compte et je ne suis pas en train de dire que le progrès c’est
(inaudible) mais simplement il est bien clair que par rapport à nos parents, quelle que soit la
position dans l’échelle sociale, les capacités en termes de pouvoir d’achat d’avoir un transport
aérien donc des voyages longue distance pour un certain agrément de vie se sont considérablement
modifiées. Naturellement quand on parle de déclassement on ne pense pas toujours à la même
chose et là, on voit bien qu’il y a un lien entre une certaine libéralisation de l’économie qui a des
inconvénients, qui a effectivement des choses à faire corriger mais aussi un gain du pouvoir d’achat
qui fait qu’on a une position meilleure que celle de ses parents. C’étaient des éléments un peu
généraux, c’était donc un peu le sens de notre rapport, c’était d’essayer de trouver des explications
pour voir dans le fonctionnement général de l’économie les éléments qui peuvent expliquer le
sentiment fondé ou non du déclassement.

Mais l’explication principale et je vais terminer là-dessus, et reprendre d’ailleurs ce qu’a dit tout à
l’heure François Sauvadet, le gros sujet c’est la difficulté du système éducatif français à adapter ses
dispositifs d’orientation et de formation – et je pourrais généraliser au-delà du système de
formation continue mais c’est un autre sujet – aux besoins de l’économie. En gros sur les vingt
dernières années, on a eu la chute du mur, en 1999 la Chine est rentrée à l’OMC, si on prend les
chiffres sur un plan national et les chiffres de l’économie mondiale, on s’aperçoit quand même
qu’il y a une nouvelle donne installée au niveau de l’économie mondiale qui a impacté la France.
Si on se rappelle un peu ce qui a présidé à cette libéralisation, l’ouverture des pays de l’Est,
l’élargissement de l’Europe ou la libéralisation du commerce international avec ses excès
financiers, on s’aperçoit que le langage européen c’est un scénario gagnant/gagnant parce qu’en
même temps qu’il y aura ouverture à des pays producteurs sur des produits bas de gamme, il y aura
naturellement des politiques « Stratégie de Lisbonne », des proactives de formation, tant de
formation initiale que de formation continue, qui permettront naturellement aux pays développés de
maintenir une division internationale du travail gagnante/gagnante à leur avantage et d’avoir une
part du gâteau supérieure pour tout le monde.

Or, je pense quand même que c’est cette difficulté et le problème de l’illettrisme en est une
illustration la plus frappante – autour de 20 % si l’on respecte la définition du stade de l’illettrisme,
tous étant issus du système scolaire puisqu’en gros les chiffres sont ceux de la Journée de la

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Préparation à la Défense – on s’aperçoit quand même que cette question d’adaptation du système
éducatif aux besoins de qualification de plus en plus élevés de l’économie n’a pas forcément été
répandue et ça a abouti effectivement à ce qu’on retrouve le problème du travail non qualifié, le
problème de la précarisation de l’emploi, le problème de la dualisation qu’on évoquait tout à
l’heure. J’en profite d’ailleurs pour vous dire que si l’on cherche la cause de la cause, je crois que
c’est au niveau de l’éducation qu’on peut la trouver avec quand même l’idée que – je crois que
Louis Chauvel va en parler – contrairement à certaines interprétations, l’éducation reste même si le
système n’est pas bien adapté et même s’il y a du progrès à faire, elle reste quand même la carte
gagnante pour progresser en définitive dans une économie mondialisée. Elle s’adressera sans doute
de plus en plus (inaudible) de manière à en sortir un rapport sur le modèle de croissance mais la
croissance verte, quelle que soit la manière dont elle est faite, la société du numérique ça sera
quand même quelque chose où il y aura énormément de technologie et de convergences de
technologies. Et je crois d’ailleurs et on le dit dans notre rapport, une des manières de lutter contre
le déclassement, c’est qu’il y ait plus de femmes qui fassent des études d’ingénieur. C’est une
manière raccourcie de le dire mais c’est la même idée, c’est de dire effectivement il faut augmenter
le niveau des qualifications en particulier dans les domaines scientifiques et techniques parce qu’on
voit bien que l’avenir va aller dans ce sens-là, les progrès vont aller dans ce sens-là même s’ils
seront verts et ils seront d’autant plus verts (inaudible) mais si on veut limiter le déclassement sans
limiter le sentiment de la réalité du déclassement c’est dans le progrès du système éducatif qu’on
trouvera certainement les solutions.

Je laisse la parole à un grand spécialiste de l’éducation, le Professeur Chauvel.

Marc FOUCAULT

Merci beaucoup. Sur les derniers points, vous regarderez d’ailleurs sur le site Internet du Nouveau
Centre, une fiche a été faite sur la réforme du lycée et vous verrez que la réforme des filières à la
fois littéraire et scientifique qui a été annoncée hier corrobore tout à fait ce que René Sève a bien
indiqué sur un lien meilleur entre le lycée, l’université et l’emploi.

Louis Chauvel va donc compléter cette intervention. Je crois qu’évidemment plusieurs perches ont
été tendues, notamment sur l’éducation où effectivement vous avez sans doute lu ou ses travaux ou
ses articles. Et puis également sur ce décalage perception/réalité sur ce sentiment de déclassement,
où là aussi ses travaux font autorité. Merci beaucoup.

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Louis CHAUVEL
Sociologue, Professeur à Sciences Po

Merci beaucoup. Malheureusement, je crains d’avoir beaucoup d’éléments à vous présenter donc
n’hésitez pas à m’arrêter en temps utile après dix minutes. Oui, j’ai effectivement beaucoup de
choses à dire. Ne comptez pas mon intervention comme la volonté d’éreinter tant s’en faut ni le
CAS ni Monsieur René Sève ici présent que j’apprécie par ailleurs, ce n’est pas du tout l’intention.
Mon intention c’est de me pencher sur : c’est quoi la vérité du diagnostic de la société française
aujourd’hui dans ses nombreuses difficultés à se trouver un avenir ? Et autour de la question du
déclassement ou des déclassements parce que la notion est multiple, nous avons de vraies questions
politiques à nous poser par rapport au monde que nous voulons pour nos enfants, ou en tout cas
peut-être les mondes que nous ne voulons pas pour nos enfants et que nous voudrions leur éviter.
Malheureusement, je vais être très sociologique c’est-à-dire beaucoup plus du côté des diagnostics
que du côté politique du : « Que faire ? » disait Lénine. Mon objectif est vraiment de poser la
question dans un débat contemporain de : « Quels sont nos problèmes, quelles sont nos difficultés
dans la société française et en Europe généralement ? »

Je procéderai en quatre points : d’une part je présenterai quelques éléments sur le débat sur le
déclassement aujourd’hui. Pour l’essentiel c’est une littérature qui a moins d’un an et demi. Le
deuxième point relèvera de tenter de définir le déclassement. En fait, comme toujours en
sociologie, si on ne définit pas les notions classes moyennes, ascension sociale ou autre, on est sûr à
100 % d’aller dans le mur. Le troisième point c’est : c’est quoi la vérité ? René Sève à l’instant
disait que nous parlons par rapport à un marché. Je crains dans ce cas-là, sous-entendait-il le fait
que mon marché c’est celui des déclassés ? Non, mon marché c’est celui de l’établissement des
faits avant tout et c’est le diagnostic d’ensemble que j’aimerais poser. Et en conclusion, que faire ?
Mais je n’aurai pas le temps certainement de conclure, je le crains.

J’essaie d’éviter un torticolis un peu nocif.

Le débat actuel sur le déclassement. Le déclassement est un débat extrêmement complexe qui a
commencé voilà quelques années mais qui a connu un moment important en particulier avec
Marie Duru-Bellat, autour de son ouvrage L’inflation scolaire qui a jeté un gros pavé dans la mare
et qui a montré en quelque sorte que, en matière de croissance scolaire indéfinie, en France, nous
n’avions assez souvent pas posé la question des débouchés. On avait posé avant tout la question du
nombre ou des masses, de la massification qui est quelque chose de très différent de la
démocratisation sous laquelle la massification est avancée. Et Marie Duru-Bellat montrait
notamment que la valeur du diplôme, pas tous les diplômes mais en particulier des diplômes
intermédiaires proches du bac, bac +2, ont connu au cours des vingt dernières années de vrais
problèmes de développement, même si d’autres auteurs ont pu, ont dû vouloir montrer autre chose.

Deuxième plan, l’ouvrage de Camille Peugny qui est sorti en janvier 2009 sur le déclassement, qui
s’intéresse aux conséquences du déclassement sur ses victimes. Camille Peugny en réalité
s’intéresse avant tout au diagnostic du déclassement intergénérationnel et s’intéresse aux enfants
d’instituteurs devenus emplois jeunes, jardiniers au coin du square d’à-côté grâce au soutien de la
municipalité locale, il en faut, il en faut, mais en même temps est-ce que c’est véritablement le
devenir d’un titulaire d’une licence ou d’un (inaudible) et Camille Peugny s’est intéressée d’un
point de vue quantitatif et aussi qualitatif à tout un ensemble de problèmes que vous connaissez
certainement proches de chez vous et ce travail est un travail extrêmement sérieux qui mérite
aujourd’hui d’être lu et relu.

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Troisième cas, le cas du CAS, du Conseil d’Analyse Stratégique. Nous avons un ouvrage, un
working paper, un document de travail sur la mesure du déclassement qui est un ouvrage collectif à
une dizaine de mains. C’est une équipe de dix personnes qui est derrière, des petites mains aussi il
faut quand même y penser, il y avait des stagiaires je crois, je les ai rencontrés. Et donc le CAS
émet nous le verrons tout un ensemble de nuances et de prudences sur le phénomène du
déclassement. Nous ne sommes pas tous déclassés, il y a encore de la lumière dans cette salle, il fait
chaud et nous avons plaisir à venir là. Et en même temps la question c’est : jusqu’à quand ? Et un
certain nombre d’auteurs se posent effectivement la question de jusqu’à quand et quoi au bout.

Et nous avons le 8 octobre 2009, la semaine dernière, Éric Maurin La peur du déclassement. En fait
Éric Maurin s’intéresse avant tout non pas au phénomène intrinsèque du déclassement dont il
montre le caractère extrêmement réduit – 300 000 personnes ont perdu leur emploi au cours de
l’année 2009 pour cause de licenciement – 300 000 c’est beaucoup mais en même temps pour une
population active de l’ordre de 27 millions, ce n’est rien du tout, c’est un peu plus que 1 %. Le
déclassement est donc un phénomène marginal qui ne touche la société française qu’à ses marges.
Le vrai problème, c’est la peur du déclassement, c’est le fait que le déclassement est (inaudible)
d’une part, 1 % de la population, ce n’est rien, c’est chaque année en plus mais ce n’est pas grand-
chose. Le déclassement est nulle part, ou peu s’en faut. La peur du déclassement est partout et
notamment au centre de la société.

La grande difficulté pour ce débat c’est qu’en définitive, le déclassement c’est tout et son contraire.
Je perds une prime, est-ce que c’est du déclassement ? Je perds mon emploi pour en trouver un
autre aussi intéressant, est-ce du déclassement ? Mes enfants titulaires d’un titre scolaire trois
années supérieures au mien trouvent un emploi inférieur au mien alors que j’avais commencé à
l’âge de 22 ans et eux à 27, est-ce du déclassement ? Toutes ces questions-là se posent et les
dimensions des espaces des déclassements sont absolument infinies.

Le premier type de déclassement, c’est le déclassement intergénérationnel. C’est le fait qu’il n’y a
rien d’autre de pire à faire de ses enfants, en tout cas dans les classes bourgeoises, que d’en faire
des déclassés exerçant des activités telles qu’artiste ou autre activité de deuxième ou troisième rang
et ces déclassements intergénérationnels chutaient par rapport aux parents. J’ai un petit peu
travaillé sur cette question-là. Le CAS dit de 18 à 23, de 18 % qui sont déclassés à 23 %, 40 % de
mobilité sociale ascendante. J’ai aussi travaillé selon les classes d’âge et selon les générations. Dans
le match déclassés ou surclassés, mobilité ascendante pardon, effectivement la grande question
c’est générationnellement (inaudible) au sein des générations qui ont aujourd’hui une trentaine
d’années mis à égalité, c’est l’égalité il y a autant de mobilité ascendante que de mobilité
descendante mais pour la génération de leurs parents, on était dans un rapport de 1 à 2, peut-être
s’est-il passé quelque chose.

Déclassement intragénérationnel : c’est la perte de statut en cours de carrière. Éric Maurin montre
qu’il y en a relativement peu. C’est-à-dire que peu de personnes en emploi stable perdent leur
emploi. En même temps la grande question c’est aussi le fait qu’à l’entrée, de plus en plus de
jeunes peinent à rentrer dans un emploi stable. S’ils reperdent et ne retrouvent jamais un emploi
stable au fur et à mesure de leur réinsertion dans du travail, bien évidemment on n’obtient plus de
déclassement intergénérationnellement. S’ils sont rentrés dans la structure sociale tout en bas, il est
difficile de chuter par rapport à un point de départ situé au rez-de-chaussée.

Troisième élément, le déclassement scolaire. On l’a vu avec Marie Duru-Bellat. C’est la défaillance
entre la correspondance diplôme et emploi, c’est quelque chose dont on va voir qui est quand
même un petit peu plus consistant que ce que le CEREQ a pu dire, le CEREQ étant la principale
source d’information du Conseil d’Analyse Stratégique. C’est vrai que le diagnostic défaillant du

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CEREQ met en jeu bien évidemment en pyramide, en réseau, des difficultés de compréhension de
ce qui se passe dans notre pays.

Le déclassement systémique, je ne vais pas insister là-dessus parce que nous n’en avons pas le
temps. C’est en fait la combinaison de l’ensemble de ces formes de déclassement dans un système
social en difficulté systémique. On peut penser à l’argentinisation, à un déclassement social qui
n’est pas celui d’individus mais de l’ensemble de la communauté nationale ou continentale qui
(inaudible) pointer sera en termes de prospective j’espère qu’il y a eu le CAS qui est là pour faire
de la prospective, on pourra en discuter.

Par ailleurs, le grand problème c’est le problème des mesures relatives ou absolues. Faut-il
comparer au voisin ? Par rapport à quelle assiette compare-t-on son déclassement ? Celui des
parents ? Celui de la position qu’on occupait dix ans plus tôt ? Faut-il regarder la génération née
trente ans plus tôt, la génération de ses parents lorsqu’elle-même avait exactement le même âge ?
Comment regarder la forme du déclassement et par exemple sur les diplômes, doit-on dire qu’il y a
déclassement scolaire parce que les gens titulaires du même niveau de diplôme se retrouvent un an
ou trois plus faibles ? Ou doit-on dire qu’il y a une perte de valeur des titres scolaires dans un
contexte où Polytechnique, l’École Normale Supérieure, l’ENA, Sciences Po perpétuent leurs
valeurs alors que le bac a perdu la moitié de la valeur de son titre. C’est vrai que les salaires des
salariés issus de ces différentes écoles en termes de pouvoir d’achat de mètres carrés Boulevard
Saint-Germain a connu une mutation profonde. Nous aurons le temps de discuter du logement tout
à l’heure.

Éric Maurin. Passons à Éric Maurin très rapidement, j’excède déjà le temps d’une minute, vous
m’en laissez quatre ? Merci. Pour diagnostic d’ensemble, Éric Maurin – vous avez tout un
ensemble de citations de la semaine dernière – l’immense majorité des Français reste en fait à la
limite de la déchéance sociale. Oui, nous ne risquons pas tous de devenir SDF ce soir. Le
déclassement c’est ce qui atteint les marges de la société, c’est la perte de statut dans la société
française. C’est rare, cela ne se produit qu’aux marges de la société. Rentrez chez vous, Madame la
Marquise, tout va bien. C’est vrai que la concession est une réalité douloureuse du déclassement.
Mais en même temps, c’est à peine 1 % de la population active. Tout va bien, nous pouvons
continuer à faire du business.

Ici dans cette slide j’imagine peu lisible du fond de la salle voire du premier rang, vous avez un
condensé du rapport du CAS concernant une trentaine d’idées reçues, non pardon, une quinzaine,
« dix-septaine » – je ne les ai pas comptées, je suis un quantitativiste qui ne compte pas ses
éléments – mais par exemple « La qualité de l’emploi s’est fortement dégradée », c’est l’idée reçue
et en face « Il y avait beaucoup moins de cadres il y a quarante ans qu’aujourd’hui donc la qualité
de l’emploi a mécaniquement augmentée par conséquent. » C’est vrai qu’il y a trente ans, peut-être
quarante ans maintenant, la question de CDD/CDI ne se posait même pas parce quand on était dans
un emploi, on choisissait son employeur pour partir ailleurs ou pas alors que maintenant la situation
est un peu différente. Prenons par exemple l’idée reçue : « La France produit trop de diplômés, ce
qui entraîne un déclassement scolaire massif ». Réponse du CAS : « Le niveau d’éducation de la
population a fortement augmenté en lien avec la croissance des emplois qualifiés. Il facilite l’accès
à l’emploi de cadres et l’insertion professionnelle ». En fait, à l’appui de cela, vous avez une
enquête du CEREQ Génération 2004 et Génération 2001, donc deux enquêtes qui ont été faites à
trois ans de distance fondées sur un suivi sur quatre ans de la population de la population de jeunes.
En même temps, ce n’est pas un travail sur génération 1964 version génération 2004. Il n’y a pas
un travail de fond sur quelle était la situation voilà trente ans en matière de valeur des diplômes.
Prenons par exemple les bacheliers qui n’ont pas plus que le baccalauréat et le pourcentage de
chances de devenir cadres ou professions intermédiaires. En 1970, vous avez des recensements, ici

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vous avez une masse énorme de population simplement parce que ce sont les recensements – on n’a
pas regardé les incertitudes statistiques – ce sont les années de recensement jusqu’en 2006. Donc
vous avez en 1968 comme en 1975, 50 % des titulaires bacheliers qui dès l’âge de 25 ans sont
cadres ou professions intermédiaires. 2006, ils ne sont plus que 24 %. 24 % est significativement
différent de 50. On peut dire effectivement qu’il y a eu une transformation massive de la valeur
d’un certain nombre de titres scolaires localisés en particulier à bac et bac +2 qui sont justement les
endroits où la massification scolaire a connu son plus grand impact, sa plus grande ampleur. Il est
faux de dire que les titres scolaires ont connu une stabilité de leur valeur. Évidemment, être titulaire
d’un titre de l’École Polytechnique, de l’École Normale Supérieure ou de Sciences Po. par rapport
à l’effondrement du baccalauréat effectivement la valeur relative d’un diplôme a connu une
explosion mais en même temps ce qui réconcilie Éric Maurin et Louis Chauvel c’est le mot
d’Antoine Prost, l’historien de l’éducation : « Les titres scolaires sont une condition de plus en plus
nécessaire de la réussite et en même temps de moins en moins suffisante de la réussite ». Il ne suffit
plus d’avoir un diplôme pour réussir mais la valeur de ces titres scolaires intermédiaires qui
caractérise les classes moyennes intermédiaires est marquée par un déclassement porteur de la crise
de déclassement social massif. Pour les générations qui ont moins de 40 ans aujourd’hui, le
baccalauréat est le titre médian de référence. La moitié de la population française de moins de
40 ans aujourd’hui est au baccalauréat – je prends la population active évidemment – lequel titre
scolaire a perdu la moitié de sa valeur des titres scolaires. À tous ces jeunes auxquels on a
expliqué : « Prenez un baccalauréat, vous échapperez au chômage, vous connaîtrez une mobilité
sociale ascendante et vous connaîtrez un monde meilleur que celui de vos propres parents » pour de
bonnes et légitimes raisons, peuvent s’interroger sur ce qui se passe aujourd’hui dans la société
française. En 1988 on a respecté la promesse de 70 % d’une classe d’âge au baccalauréat. On a
constaté à l’époque que le baccalauréat faisait la différence entre les catégories à fort risque de
chômage et les catégories à faible risque de chômage. Le taux de chômage des jeunes bacheliers a
été multiplié par deux sur la période. Il s’est passé quelque chose dans la société française.

Je n’ai pas le temps malheureusement d’égrener les différentes interrogations qui m’animent à la
lecture des nuances vis-à-vis du déclassement. Comme le disait Charles Pasqua : « Il faut nuancer
les nuanceurs de même qu’il faut terroriser les terroristes ». Il demeure que je ne souhaiterais pas
être le Daniel Vaillant du déclassement social et vous dire que ce n’est qu’une opinion, qu’une
idée, qu’une représentation qui n’a guère de réalité sociale. Quand on cherche le déclassement dans
la réalité des chiffres de l’INSEE aujourd’hui, je n’ai pas le temps de venir sur les différents points
en présence. Le fait que les catégories intermédiaires qui en souffrent dans les années 1970 étaient
autour des salaires des employés et des ouvriers ne sont plus qu’à 35 %. Le fait qu’entre 1945 et
1975 il y a eu un triplement du pouvoir d’achat des différentes catégories de salariés cadre,
professions intermédiaires, employés et ouvriers. C’est vrai qu’en moyenne, les salariés français
ont reçu un salaire supérieur et dans chacune des catégories de la société française, il y a une pure
stagnation. Je n’ai pas le temps d’insister sur le fait qu’effectivement, il y a plus de bien-être, les
gens partent plus en vacances. Il y a en moyenne plus de départs en vacances dans la moyenne de la
société française en 1979 qu’en 1984. En même temps, quand on regarde par classe d’âge, naguère
les voyages formaient la jeunesse, maintenant les voyages forment la séniorité. La société française
voyage beaucoup plus à 65 ans, elle voyage moins à 20 ans, 30 ans ou 40 ans. C’est vrai qu’il faut
payer ses traites de logement, il faut payer tout un ensemble de contraintes et c’est vrai que quand
on est au chômage, c’est un petit peu être en vacances de longue durée. Je n’insiste pas sur les
transformations du chômage entre le monde d’avant, celui des années 1970, 6 % de taux de
chômage dans les deux ans de la sortie de ses études et le monde dans lequel nous nous trouvons
depuis trente ans où le taux de chômage n’est jamais retombé en-dessous de 20 %. Les jeunes qui
rentrent dans ce contexte social connaissent un monde totalement différent.

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Tel est en fait le diagnostic auquel je vous invite. Ce sont des représentations. Mais ce ne sont pas
que des représentations, ce sont aussi des réalités d’une société française et européenne qui ne va
pas très bien.

Pour conclure très rapidement, le risque au-delà de ces évolutions individuelles, le risque aussi
c’est d’oublier que pour parvenir à une mobilité sociale ascendante collective, il faut aussi donner
un sens collectif à la société. Ce ne sont pas que des individus. La mobilité sociale ascendante des
années 60 et 70 c’était aussi la volonté collective d’une société qui faisait face à ses défis passés.
René Sève l’a bien dit, effectivement, sortir de l’humiliation des années 30, des années 40, donne
envie à une certaine génération de reconstruire la société française. Malheureusement je crains
qu’aujourd’hui ce sens du collectif surtout ce sens du projet collectif soit quelque chose qui a
déserté malheureusement une grande partie des partis politiques en place aujourd’hui et je
souhaiterais effectivement que nous réfléchissions à notre avenir collectif plutôt que de débattre sur
des diagnostics qui n’ont pas besoin d’être discutés tant que cela, tant les évidences crèvent les
yeux de tout le monde, sauf des aveugles bien évidemment. Merci.

Marc FOUCAULT

Merci Professeur. Une première réaction de l’un de nos parlementaires, Damien Abad. Pour ce qui
est de la jeunesse, dirons-nous que c’est plutôt de l’angoisse ou plutôt de la confiance comme disait
François Sauvadet ?

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Damien ABAD
Député européen, Président des Jeunes Centristes

Bonjour à tous. J’aimerais saluer la présence de Monsieur le Sénateur Billard qui se cache au fond.
Tout d’abord à propos de ce qui a été dit – je vous rassure je vais être plus court et peut-être un peu
moins politiquement correct – j’ai le sentiment, même si vous dites souvent que le déclassement est
à la marge, qu’il est à la marge et en même temps je le trouve au cœur de notre société. Pourquoi ?
Parce que – et c’est aussi ça, je pense, qui choque un certain nombre de personnes aujourd’hui – on
sait maintenant que quand on est cadre supérieur, quand on a un diplôme, quand on exerce une
fonction je dirais importante, on n’est pas à l’abri de ce déclassement-là. Cela concerne donc tout le
monde même si effectivement c’est une frange minoritaire de la population. Tout le monde peut
être touché par ça d’où peut-être ce paradoxe entre d’un côté un fort sentiment de déclassement et
la réalité statistique qui est beaucoup moins forte que ce sentiment-là.

La deuxième remarque que je voudrais faire c’est qu’effectivement on a présenté tout à l’heure ces
trois types de déclassement. Revenons un peu sur chacun d’entre eux. Le premier déclassement, le
déclassement intergénérationnel. Pour moi, celui-là est le plus dangereux parce que c’est celui qui
nous appelle aujourd’hui, en tout cas nous, hommes politiques, les décideurs politiques, à plus de
responsabilité. Parce que le déclassement intergénérationnel, c’est quoi ? Comme l’a dit le
Président Sauvadet tout à l’heure, c’est la dette, c’est l’avenir de nos retraites, c’est tout ce qui
concerne le fardeau qui pèse sur les générations pas seulement futures parce que le problème c’est
qu’on dit toujours que la dette ce sont les générations futures mais à un moment donné, ça concerne
aussi les générations actuelles. Et à mon sens, je crois que c’est la forme de déclassement la plus
dangereuse.

La deuxième chose c’est le déclassement intragénérationnel qui est lié à l’emploi. Excusez-moi
d’être un peu direct, je trouve que l’une des plus belles erreurs françaises c’est d’avoir dit qu’il
fallait apporter 80 % d’une classe d’âge au bac. Pourquoi ? Parce qu’apporter toute une classe
d’âge, toute une génération au baccalauréat, c’est bien si derrière ça débouche sur quelque chose de
concret, si derrière, vous avez une équivalence entre le diplôme que vous avez obtenu, le niveau de
qualification que vous avez et l’emploi que vous obtenez. Parce que sinon, et c’est ce que l’on
constate, vous avez des diplômes qui ont progressé fortement et le niveau de qualification de ces
emplois qui n’a pas progressé aussi vite que les diplômes. Forcément, vous avez un hiatus qui crée
peut-être un sentiment de frustration sociale et donc un sentiment de déclassement. Et je crois que
ça aussi c’est un vrai sujet.

La troisième forme de déclassement est liée effectivement au déclassement scolaire, à toute la


partie sur l’éducation. Je me rappelle d’un rapport qui avait été fait par le CAE – peut-être pourrez-
vous nous le confirmer, vous qui travaillez au Conseil d’Analyse Économique – qui disait qu’il y
avait en gros trois types de frontières. La dernière frontière est la frontière technologique. Quand
on est dans un pays développé comme la France, on se doit d’investir beaucoup dans
l’enseignement supérieur, beaucoup dans l’éducation parce que c’est ce qui permet finalement
d’atteindre la dernière barrière technologique. Le constat de ceux qui avaient fait ce rapport-là était
que justement la France n’avait pas suffisamment atteint cette dernière barrière, ce qui faisait qu’on
avait encore des poches d’inemployabilité.

Que peut-on constater à partir de ces éléments-là ? D’abord que ce soit en matière d’éducation, que
ce soit dans tous les domaines, c’est vrai qu’il y a une dichotomie entre le sentiment lui-même et la
réalité statistique. Mais nous, politiques, que peut-on faire ? Le sentiment que j’ai est qu’on
manque de passerelles, on manque de lissage, on manque de tout ce qui fait de la fluidité dans la

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société française. Prenez par exemple tout ce qui concerne les emplois. Tout à l’heure, vous avez
parlé à juste titre d’une dualisation du marché du travail. Le marché du travail dual entre d’un côté
ceux qui sont en CDI et de l’autre côté, ceux qui sont en emploi temporaire, en CDD. C’est vrai.
Mais aujourd’hui on n’est plus dans un parcours de carrière dans lequel on avait son CDI du début
à la fin de sa vie, ce n’est plus la réalité.

On travaille par exemple sur un concept qui s’appelle la flexisécurité, c’est-à-dire la flexibilité des
emplois et la sécurité du parcours. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire tout simplement qu’au-delà du
statut en lui-même, ce qu’il faut garantir c’est le maintien d’un certain niveau de vie et le maintien
d’un certain niveau de qualification. C’est une des réflexions qui permet à la fois la fluidité dans le
marché du travail et à la fois d’éviter par exemple cette dualisation. Une des pistes en tout cas qui,
à mon avis, serait intéressante à travailler pour les décideurs politiques que nous sommes.

Une deuxième chose, au-delà de la dualisation de ce marché du travail, c’est tout ce qui concerne
l’éducation et l’apprentissage. Regardez la dichotomie que vous avez entre d’un côté les Grandes
Écoles et de l’autre côté les universités en France. Aujourd’hui, les universités – excusez-moi
d’être direct encore une fois – c’est le dépotoir de ceux qui ne peuvent pas aller dans les Grandes
Écoles ou de ceux qui ne veulent pas aller dans des formations professionnalisantes tellement on
leur a dit que c’était mauvais et qu’il ne fallait surtout pas y aller. Je dirais qu’une des raisons de la
panne de notre ascenseur social et du manque de mobilité de nos jeunes étudiants est aussi le fait
que le système universitaire français est axé sur cette terrible dualité. Ça aussi c’est un travail à
faire. Il faut qu’on ait de vraies universités peut-être à l’échelle européenne, je n’en sais rien, où
vraiment ce soit un choix et non pas une contrainte. Je crois que c’est un élément important.

Et puis la revalorisation des formations en apprentissage, Francis vous le dira beaucoup mieux que
moi. En Europe, je me bats pour un Erasmus des apprentis. Pourquoi ? Parce que l’accès à
l’Europe c’est comme l’accès à l’emploi, l’accès à l’éducation, c’est toujours pareil. Ce sont
toujours les mêmes qui ont accès à l’Europe. Ce sont toujours ceux qui sont diplômés ou ceux qui
ont l’habitude, pour lesquels le monde européen est familier. Et puis vous avez une barrière de
verre pour les autres. Je pense que c’est ça qu’il faut casser, arriver à justifier, à montrer que dans
des formations professionnalisantes, on peut y arriver tout aussi bien si ce n’est mieux.

Et surtout, j’insiste sur une chose, c’est le droit à l’erreur. Une des raisons qui pousse au manque de
mobilité sociale, qui a pour conséquence le descenseur social comme certains sociologues
l’appellent, c’est aussi justement ce manque de fluidité et cette absence de possibilité de retour en
arrière. Je ne vois pas au nom de quoi quand vous êtes professeur vous n’avez pas le droit de
devenir un jour kiné si vous en avez envie. Il y a donc tout un système à revoir aussi là-dessus qui
me paraît très important.

Dernier point sur ce sentiment de déclassement. Je crois qu’il faut le prendre en compte, il ne faut
pas le négliger. Il ne faut pas en faire non plus des tonnes mais ça passe par du lissage, ça passe par
des passerelles, ça passe par de la fluidité. Beaucoup parlent d’ascenseur social ou de descenseur
social. J’aime bien la notion d’escalier social. Parce que dans la notion d’escalier social vous avez
la notion d’effort, vous avez la notion de mérite. Ce que doit être une société, c’est une société qui
doit promouvoir l’égalité et la possibilité de la mobilité pour chacun d’entre nous, quelle que soit
son origine, quel que soit le quartier d’où il vient. C’est une société qui doit permettre de prendre
cet escalier de manière à pouvoir grimper les marches une à une et de pouvoir arriver là où l’on a
envie d’arriver. Et je crois qu’on a un effort à faire là-dessus également.

Enfin ce serait plutôt sous forme d’interrogatif. J’aimerais bien connaître un petit peu des
comparaisons avec les autres pays européens. Quelle est la situation de la France par rapport aux

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autres pays européens ? Y a-t-il des modèles différents les uns des autres, par exemple ? Est-ce les
modèles scandinaves par rapport aux modèles méditerranéens ? Et que peut-on faire ? Peut-on nous
aussi apporter des réponses au déclassement des jeunes à l’échelle européenne ou est-ce que ça ne
doit être qu’à l’échelle nationale ou à l’échelle locale ? J’ai besoin de l’avis des spécialistes sur
cette question.

Au-delà de la réalité statistique, il y a un sentiment qui doit être pris en compte et surtout il y a un
certain nombre de propositions qui doivent être faites pour encourager la fluidité sociale qui est le
seul moteur à mon avis pour que tout le monde puisse prendre l’escalier social dont il a besoin.

Marc FOUCAULT

Merci Damien. Je crois que tout le monde retiendra cette jolie image de l’escalier social, sans doute
le prochain livre qu’on aura à présenter ici mais par Damien cette fois-ci.

On a parlé, j’ai vu les yeux de Carine qui brillaient quand on parlait de perception, de sentiment.
Ça évoque pour elle toute une batterie de sondages qu’a pu réaliser la Sofres. Et puis il y a aussi la
question européenne qui est intéressante puisqu’effectivement ce qu’on aimerait aussi demander à
Carine c’est premièrement, est-ce qu’elle ressent dans les sondages cette angoisse sociale,
notamment chez les jeunes ? Ou est-ce que finalement c’est un sentiment qui est partagé en Europe
ou au contraire, est-ce qu’il s’agit plutôt d’une exception française ?

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Catherine MARCÉ
Directrice associée du département Stratégies d’Opinion de TNS Sofres

Bonsoir à tous. Mon propos ce soir est de planter le décor sur le ressenti des Français. On a déjà
beaucoup parlé des représentations, est-ce qu’il y a déclassement ou est-ce qu’il y a peur du
déclassement ? Effectivement, je vais un peu enfoncer le clou sur cet aspect de peur du
déclassement, sur les aspects du ressenti et avec cet instrument qu’est l’Eurobaromètre, on a la
possibilité – on est là justement sur les représentations et pas sur la réalité – de voir un petit peu si
la France est conforme aux autres pays européens ou si la France se diffère des autres pays
européens. Très rapidement, je vais formuler quelques hypothèses sur ce qui fait que la peur du
déclassement en France, comme vous allez le voir, est relativement forte.

Tout d’abord, le constat : une peur aiguë du déclassement et notamment vis-à-vis des jeunes
générations. Quand vous posez la question toute simple aux Français : « Est-ce que vous craignez
de tomber dans la pauvreté ? » qui est effectivement une forme de déclassement complète, je dirais,
parce que ce n’est pas avoir un niveau social inférieur mais vraiment tomber dans la pauvreté, on a
le chiffre ahurissant de 34 % des gens qui nous disent : « Eh bien, oui. Il serait possible que je
tombe dans la pauvreté ». Ce qui est quand même extrêmement fort et seulement 47 %, c’est-à-dire
un Français sur deux qui nous dit : « Non, non, je ne suis pas d’accord là-dessus ». Et ce qui est
plus frappant c’est que quand vous regardez par classe d’âge, contrairement à ce que l’on pourrait
penser, ce sont les classes d’âge intermédiaires qui sont les plus nombreuses à nous dire : « Eh bien
oui, effectivement, je pourrais tomber dans la pauvreté ». Quand on regarde par rapport aux
réponses de l’ensemble des pays européens, comme vous le voyez, la France est plus foncée, parce
que la France est un des pays où l’on considère le plus qu’on pourrait tomber dans la pauvreté.
Avec juste derrière les pays baltes qui sont eux pour le coup des pays qui ont connu des difficultés
encore récemment, et la Grèce. Et en fait juste après, vous avez la France. Inversement, tous les
pays qu’on pourrait considérer comme comparables à nous, voire les pays du Sud qu’on considérait
il y a encore relativement peu comme des pays moins développés que la France, la proportion de
gens qui pensent effectivement qu’ils pourraient tomber dans la pauvreté est beaucoup moins
importante.

Et ce qui est frappant c’est que, quand on pose des questions encore plus dures, lorsqu’on demande
aux gens : « Est-ce que vous pourriez devenir sans domicile fixe ? » c’est à nouveau en France
qu’on a un nombre très élevé de gens qui nous disent : « Eh bien oui, effectivement » à 12 %. Mais
à 12 %, quand vous faites un calcul par rapport aux 45 millions de Français de 15 ans et plus, ça
veut dire que vous avez près de 5 millions de personnes qui vous disent : « Oui, il y a un risque
effectivement que je devienne sans domicile fixe » et toujours pareil avec cette catégorie d’âges
intermédiaires où ils sont encore un petit peu plus nombreux à penser qu’ils pourraient tomber dans
la pauvreté et devenir sans domicile fixe.

Mais et c’est là que la peur est la plus aiguë par rapport à ce qu’on observe dans les autres pays
européens, c’est sur le destin des générations à venir. Lorsqu’on pose la question, lorsqu’on
demande : « Est-ce que vous pensez que la situation, ce n’est pas de « vos » enfants mais c’est la
situation « des » enfants, sera plus facile ou plus difficile ? » c’est en France que les gens sont les
plus nombreux à nous dire à 82 % qu’effectivement, la situation sera plus difficile pour les enfants
d’aujourd’hui qu’elle ne l’est pour les générations d’aujourd’hui. Comme vous le voyez c’est la
France qui est au top avec le petit drapeau français qui est tout là-haut et avec une moyenne
européenne qui est beaucoup plus basse. Et inversement, vous avez des pays comme par exemple le
Danemark où effectivement on est à des niveaux qui sont déjà relativement élevés mais qui sont
sans commune mesure.

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Donc en fait je pense que ce qui est intéressant dans ces enquêtes de l’Eurobaromètre, c’est de voir
que ces représentations sont déjà à un niveau élevé, sans doute un petit peu fantasmées, mais ce qui
est particulièrement inquiétant c’est que par rapport à l’ensemble des autres pays européens, en
France en fait ce niveau d’inquiétude est à un niveau particulièrement élevé, voire le plus élevé, par
rapport aux générations à venir.

Quand on essaye de se dire sur quoi ça repose, ce qui se passe, pourquoi les gens sont aussi
inquiets, on a quand même toute une série de questions – je ne les ai pas remises parce que cela
aurait été trop long –. Les Français ne sont quand même pas systématiquement dans les enquêtes
complètement catastrophés, notamment quand on leur demande : « Est-ce que vous êtes satisfait de
votre vie ? » Oui, les gens sont satisfaits de leur vie à 80 %. Lorsqu’on leur demande : « Est-ce que
vous êtes satisfait de votre travail ? Oui, ils sont satisfaits de leur travail. Ils sont satisfaits de leur
logement, ils sont satisfaits de leurs conditions de vie. Finalement tout ce qui est à niveau micro, ils
sont relativement satisfaits. Mais dès qu’on regarde les choses à un niveau plus macro, dès qu’on
regarde tout ce qui concerne l’évolution de la société, on retrouve à ce moment-là un pessimisme
très élevé. Et lorsqu’on pose une question toute simple : « Est-ce que les choses vont plutôt dans la
bonne direction, plutôt dans la mauvaise direction ? », on est à nouveau sur des chiffres
extrêmement élevés de gens qui pensent que les choses en France vont plutôt dans la mauvaise
direction. Comme vous le voyez, la France se situe parmi les pays les plus pessimistes d’Europe, là
aussi, juste derrière ces pays de l’Est, la Grèce et l’Angleterre qui, exceptionnellement dans cette
enquête, est quasiment aussi pessimiste que la France, alors que l’Angleterre d’habitude se situe
plutôt du côté gauche.

Quand vous regardez l’analyse par âge, ce qui est également extrêmement frappant c’est que
contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce ne sont pas les catégories les plus âgées qui sont le
plus pessimistes, c’est-à-dire ce n’est pas le mythe du bon vieux temps mais c’est au contraire les
plus jeunes qui sont les plus nombreux à nous dire : « Oui, les choses vont plutôt dans la mauvaise
direction en France ». Dans le fond, pourquoi les choses vont-elles plutôt dans la mauvaise
direction ? Déjà un premier élément. Lorsqu’on leur demande : « Est-ce que votre pouvoir d’achat
s’est plutôt amélioré, plutôt dégradé ou est sans changement par rapport à il y a cinq ans ? » on est
dans une situation où vous avez 60 % des gens qui nous disent : « Mon pouvoir d’achat s’est plutôt
dégradé ». Et comme vous le voyez, il n’y a que 11 % des gens pour nous dire qu’il s’est plutôt
amélioré. Toujours pareil, par rapport à l’ensemble des pays de l’Union européenne, la France est
nettement plus pessimiste et de façon relativement importante.

Enfin dernière question et je trouve que cette courbe est la plus inquiétante, c’est une courbe sur
trente ans. Sur trente ans, on a posé à la Sofres une question toute simple : « Est-ce que vous avez
l’impression que depuis quelques années, les gens comme vous vivent mieux ou moins bien
qu’avant ? » Les gens « comme vous », ça permet aux gens de se projeter. Effectivement, si on leur
avait demandé : « Est-ce que vous-même vous vivez plutôt mieux ou plutôt moins bien
qu’avant ? » bien sûr on n’aurait pas cette courbe. Mais le fait de leur dire : « Est-ce que les gens
comme vous vivent plutôt mieux ou plutôt moins bien qu’avant ? » comme vous le voyez depuis
trente ans c’est la courbe verte, les gens nous disent qu’ils vivent plutôt moins bien. Il y a cette
embellie juste avant l’an 2000, il y a eu un petit moment en fait où les gens ont pensé que ça
commençait à aller mieux et ensuite, ça c’est à nouveau dégradé. Ce qui est frappant de voir c’est
que ça n’est pas depuis la crise que ça c’est à nouveau dégradé. En 2005, on ne parlait pas du tout
de crise on ne parlait pas de crise financière et pourtant on était à nouveau sur un point très élevé
où les gens nous disaient très majoritairement que pour les gens comme eux, les choses allaient
plutôt moins bien. Aujourd’hui et c’est ce qui est inquiétant, c’est le record absolu. On n’a
évidemment pas posé cette question tous les mois depuis trente ans, c’est un peu un artefact de dire
que c’est aujourd’hui le record absolu mais ceci dit par rapport à tous ces points dont on dispose,

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on est dans une situation où les gens sont particulièrement nombreux, 73 %, à nous dire que les
gens comme eux vivent plutôt moins bien au cours des dernières années.

Pour terminer et pour essayer de mieux comprendre, juste une petite anecdote qui m’a frappée. Cet
été il y avait dans Le Monde une espèce de scénario au long cours sur le journaliste qui a fait le tour
du monde en 80 jours. Dans son dernier article, il disait qu’une chose l’avait frappé : « Pendant
80 jours j’ai traversé je ne sais combien de pays, mais jamais, autant qu’en France, on ne m’a
parlé de la crise et de la grippe H1N1 ». En fait il a terminé comme ça : « Je rentre en France et
j’ai l’impression que tout le monde est complètement obnubilé par ces problèmes de crise et de
grippe H1N1 alors qu’effectivement, pendant tout ce voyage… ». C’est effectivement un
témoignage qui me paraissait important. De montrer à la fois des Français ultra pessimistes et très
focalisés sur ces problèmes de crise ou autres problèmes de société. Je vous remercie.

Marc FOUCAULT

Merci beaucoup Carine de cette très bonne présentation. On va rester sur ce même sujet à la fois
spatial et historique avec Jean-Marc Vittori et notamment sur cette question avec un point
d’interrogation de l’exception française ou pas que Jean-Marc va nous décrire.

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Jean-Marc VITTORI
Journaliste aux Échos

Après les descriptions et la perception, je vais essayer de vous faire partager des intuitions. En
partant de cette exception française qui se voit très bien dans les graphiques qui nous ont été
présentés et qui pour moi ramène aux interrogations sur la confiance qui ont été évoquées. Quand
on demande à des décideurs dans toute une série de pays – c’est une enquête qu’a faite Edelman,
un cabinet de relations publiques – ils ont posé la même question, ils la posent d’ailleurs depuis dix
ans, une question sur un peu le même principe que la dernière question qui nous a été présentée :
« Feriez-vous confiance à quelqu’un comme vous ? » Parmi les décideurs en France seulement
26 % des gens répondent « oui ». C’est le chiffre de très loin le plus faible parmi vingt pays, pays
émergents, pays développés. Il y a là un vrai problème, il y a de vraies analyses dessus, je pense
qu’il y a de vraies réflexions à mener sur le problème de la confiance que l’on voit là.

Mon intuition est qu’au-delà de ce problème de perception qui est très différent en France de ce
qu’il est ailleurs, on a une polarisation de la société, on a un mouvement très profond de la société
qui explique notamment le déclassement. Mais le déclassement n’est qu’une partie de l’histoire.
C’est-à-dire qu’il y a des déclassements et aussi – tout à l’heure quelqu’un cherchait le mot – des
surclassements. Le mot n’existe pas mais on a une réalité qui va dans les deux sens. Il existe mais il
n’a pas de réalité médiatique – il n’y a pas eu de livres à succès dessus – il existe mais il ne fait pas
encore partie de notre langage courant pour décrire la réalité sociale. Or mon analyse c’est qu’on a
à la fois du déclassement et du surclassement. Évidemment, on ne voit qu’une partie de la réalité et
je ne connaissais pas René Sève on se rencontre ce soir pour la première fois mais j’avais
exactement la même observation à faire c’est-à-dire que je pense qu’il y a deux catégories qui
voient la réalité d’une manière plutôt duo, c’est les journalistes et les chercheurs. Les journalistes
ont une vision partielle de la chose. Je voudrais juste citer un chiffre tiré d’une enquête INSEE
sortie fin 2006 qui montrait les déclassements/surclassements et il y avait une comparaison, c’était
vraiment une nomenclature en classes sociales, les gens qui sont descendus, les gens qui sont
montés. Toute la presse et avec des journalistes qui n’ont pourtant pas beaucoup l’habitude des
chiffres moi je les manie assez souvent et je peux vous dire que çà n’est pas extraordinairement
fréquent et tous les confrères se sont précipités sur ces chiffres avec gourmandise. Que montraient
ces chiffres ? Ils montraient que les gens qui avaient descendu sur une période de temps, la période
était 1998 - 2003 comparée à la période 1980 - 1985. Sur la période récente 1998 - 2003, il y avait
7,3 % des salariés qui avaient descendu d’au moins un cran alors que vingt ans auparavant, c’était
3,2 %. Donc il y avait beaucoup plus de gens qui étaient descendus récemment qu’avant, il y avait
bien une accélération du phénomène du déclassement. Il y a eu des titres dans pratiquement tous les
journaux sur cette question. Or, quand on regarde cette même enquête, elle montrait aussi que sur
les mêmes périodes le nombre des gens qui avaient monté d’au moins une marche était de 8,7 %
dans l’ancien temps et il était passé à 11,8 % dans la période la plus récente. Et cette partie de
l’enquête a été complètement occultée, personne ne l’a racontée, ça n’intéresse pas, ça n’intéresse
pas les journalistes et malgré les dénégations de Louis, j’ai tendance à penser que ça n’intéresse pas
non plus un certain nombre de chômeurs. Je pense que si on demande à un journaliste : « Quelle est
l’image qui résume l’évolution de la société française ces trente dernières années ? » il montrera
l’alignement des tentes du canal Saint Martin et non des images d’ascension sociale. Il y a là aussi
un vrai problème de perception.

J’ai tendance à penser que dans la réalité il y a ce que montrent les chiffres que je viens de citer, il
y a aussi des phénomènes d’ascension. Il y a l’économie d’ascension, on en parle tout de même de
certains. Ce sont les traders par exemple, il y a des gens qui ont fait des ascensions en matière de
revenus météoritiques tout à fait impressionnantes, on en a un peu parlé. Il y a d’autres formes

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d’ascension, il n’y a pas forcément des ascensions professionnelles. J’aime bien l’exemple de la
téléréalité qui fait monter brutalement des gens qui étaient de totaux inconnus à de très grandes
notoriétés et certains arrivent à en vivre. Ce sont des formes d’ascension qui n’existaient
absolument pas il y a vingt ou trente ans. C’est marginal mais il se passe des choses dans la société
qui n’existaient pas auparavant et je crois qu’il est important aussi de le voir.

Venons-en maintenant au cœur de mon intuition : nous vivons une nouvelle révolution, une
révolution qui ne fait que commencer, une révolution qui va modifier en profondeur la société.
Louis a commencé tout à l’heure en citant Lénine. Je vais citer Marx, excusez-moi, n’ayez pas
peur. Marx disait : « Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie
sociale, politique et intellectuelle en général ». C’est une phrase très connue, il y a toute une série
de travaux qui ont été faits là-dessus. Je voudrais simplement la prendre à la lettre. Je pense que le
mode de production, la façon dont nous produisons et donc là j’ai une approche économique,
détermine assez largement, pas complètement évidemment, mais assez largement la forme de la
société. Et les progrès techniques changent la forme de la société. Quand on a commencé à faire
des cultures, quand on a commencé à cultiver, quand on a commencé à faire de l’élevage, ça a
changé la forme de la société. Quand on a découvert qu’on pouvait se servir du fer, ça a aussi
changé la forme de la société, ça a permis de faire des casseroles ce qui a amélioré évidemment le
quotidien des millions d’humains à cette époque mais ça a aussi permis de faire des armes et ça a
donc développé des activités militaires et évidemment avec des changements tout à fait notables de
rapport de force entre ceux qui savaient le faire ou pas. On a aussi eu l’imprimerie. L’imprimerie
est un outil qui a formidablement encouragé les intellectuels et qui a préparé la Renaissance. Donc
chaque technologie modifie les rapports de force au sein de la société, favorise des groupes sociaux
au détriment de certains autres. La plus grande révolution technologique que nous ayons eue, c’est
la révolution industrielle évidemment : domestication de l’énergie avec d’abord la machine à
vapeur et puis ensuite l’électricité puis fabrication de masse avec cette énergie domestique.

Qu’a produit cette révolution technologique sur la forme de la société ? Cette révolution
technologique a formidablement accru la productivité, la capacité à produire des bras. Pas des gens
qualifiés, pas des gens qui réfléchissent mais la production des bras, la production matérielle. Les
gens qui fabriquent n’ont pas tout de suite profité de cette révolution industrielle. Le XIX ème siècle
a été un siècle de paupérisation terrible, on parlait déjà du dépérissement des classes moyennes, il y
a une très belle phrase de Jaurès sur la question. Mais ça a été un temps provisoire, ça a permis tout
de même le développement de toute une série de catégories intermédiaires qui font les livres de
Zola et de Balzac, une richesse sociale qu’on n’avait pas auparavant, c’est donc l’émergence des
classes moyennes. Au XXème siècle et notamment après la révolution fordiste qui s’est épanouie
après la Seconde Guerre mondiale, on a des classes moyennes et je retiens pour ça la définition très
pertinente et très intéressante de Louis Chauvel dans Des classes moyennes à la dérive, la majorité
de la population croit en un avenir meilleur et se projette ensemble dans cet avenir meilleur. C’est
lié très fortement à la production de masse et à la façon de produire. On a parlé d’escalier tout à
l’heure, certains chercheurs parlent d’escalier mécanique, on va citer un troisième auteur, Trotski.
Trotski dans les années 30 disait : « L’escalier mécanique emmène toutes les classes moyennes vers
le bas » et quarante ou cinquante ans plus tard, Alain Lipietz qui n’est pas précisément un
chercheur de droite qui est un économiste très engagé à gauche et maintenant chez les Verts nous
expliquait que pendant trente, quarante, cinquante ans, l’escalier mécanique a emmené tout le
monde vers le haut. Et cet escalier mécanique-là ne fonctionne plus.

Aujourd’hui, nous avons une nouvelle révolution, qui est la révolution de l’information qui est
l’ordinateur, qui est Internet, qui est la circulation de l’information gratuitement, instantanément
d’un bout du monde à l’autre. Ça change complètement l’organisation de la production dans les
entreprises, ça change complètement la façon pour les entreprises de s’organiser, ça change donc

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aussi la structure de la société. Pourquoi l’ordinateur et Internet ? Qui ça favorise dans la société ?
L’imprimerie c’était les intellectuels, la révolution industrielle c’était les bras. L’ordinateur et
Internet ça favorise à nouveau ce que Robert Price, un économiste qui avait été Ministre du Travail
de Bill Clinton, appelait les « manipulateurs de symboles ». Ceux qui sont capables de travailler
cette information, de l’exploiter, de la mettre en valeur et d’en tirer de la richesse. Et ces gens-là ce
ne sont pas les bras, ce sont les cerveaux, les gens qui peuvent faire fonctionner cette information,
qui peuvent la mettre en perspective, qui peuvent la travailler.

La première révolution industrielle a favorisé les bras, la révolution de l’information qui ne fait que
commencer – la révolution industrielle de l’énergie a mis un siècle, la révolution de l’information a
commencée depuis vingt/vingt-cinq ans au moment même où réapparaissaient les inquiétudes dans
les classes moyennes – cette révolution-là ne fait que commencer et elle favorise le haut. Donc la
première révolution industrielle rapprochait le bas du haut et la seconde révolution industrielle elle
éloigne le haut du bas, elle étire la société. Il y a donc un certain nombre de gens qui en profitent,
j’en parlais tout à l’heure, mais il y a aussi un certain nombre de gens qui se retrouvent écrasés.
Donc il y en a un certain nombre qui perdent leur emploi et puis il y en a un certain nombre qui
perdent tout espoir de voir leurs revenus progresser, je crois que c’est une forme de déclassement.
Il y a un certain nombre de gens qui voient aussi leurs enfants qui auront des postes inférieurs aux
leurs et qui se retrouvent donc dans la partie basse du sablier – je vous rappelle que mon livre
s’appelle L’effet sablier – il y a un haut et un bas du sablier. Et qui se traînent petit à petit une très
vieille angoisse française et même gauloise puisqu’il y a un certain nombre de gens qui ont
l’impression que « le ciel leur tombe sur la tête ». Ils ont le plafond qui leur tombe dessus. Et ça
explique à mon sens ce sentiment qui existe en France mais qui n’existe pas seulement en France,
çà ne fait que commencer.

Très rapidement des messages que j’en tire, des messages pour les jeunes en particulier, c’est qu’il
va falloir être entrepreneur de soi-même. On ne peut plus compter sur une nomination automatique
même quand on est en bas de l’échelle où avant on pouvait monter à l’usine, ce n’était pas un
problème. Maintenant, c’est fini. Les parcours vont devenir de plus en plus individuels. Dans cette
société d’information, le choix se fait de plus en plus sur le terrain individuel, on n’embauche pas
100 personnes d’un coup pour faire la même chose, on n’embauche que les meilleurs des meilleurs
dans un domaine en sachant qu’on espère qu’ils seront plus efficaces que les autres. C’est le
modèle du studio de cinéma qui va devenir un modèle beaucoup plus important dans l’organisation
de la production et donc dans la forme de la société. Il faut donc être entrepreneur de soi-même,
organiser sa carrière ce qui pose un problème énorme pour tous les gens qui ne sont pas capables de
faire ça. Actuellement, il y a beaucoup de gens qui ont des coachs, qui font du coaching, qui sont
les gens les plus favorisés. Il va falloir trouver des formes qui seront des formes familiales, des
formes associatives pour faire du coaching pour les gens d’en bas. C’est quelque chose dont nous
n’avons absolument pas l’habitude et qu’il va falloir imaginer et qui est absolument essentielle.

Le deuxième message c’est clairement la formation. Je ne connaissais pas la formule d’Alain Prost
mais je l’ai écrite : « Plus que jamais nécessaire, moins que jamais suffisante ». Beaucoup de
formations mais pas n’importe quelle formation avec des risques extrêmes de frustration, je pense
que c’est l’un des grands dossiers de la France dans ces prochaines années, c’est de déclencher une
frustration. Prenez par exemple un jeune homme brillant. Il ne sait pas très bien ce qu’il veut faire,
il fait des études d’histoire, il arrive en licence parce qu’il n’a plus d’argent ou plus d’envie ou pas
d’envie de devenir prof et il devient postier. C’est comme ça qu’on a Olivier Besancenot. On va
avoir des phénomènes de frustration extrêmes, je pense qu’il faut en tenir compte. Ce sont mes
messages pour les jeunes.

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Message politique, un message simple c’est la question de l’égalité des chances qui va devenir
absolument cruciale, infiniment plus forte qu’elle ne l’est aujourd’hui. Pas de l’égalité formelle qui
est celle de la Déclaration des Droits de l’Homme mais de l’égalité réelle et on le voit à travers
toute une série d’éléments. Il va falloir développer de nouvelles solidarités et on voit bien que ça va
devenir un point absolument central. À cet égard et pour revenir à l’actualité très chaude du jour,
même si elle est anecdotique, l’affaire de Jean Sarkozy. Sur cette histoire d’égalité réelle des
chances, l’idée qu’il y a un problème va avancer souterrainement pendant les prochains mois. Il y a
un enjeu absolument crucial, l’égalité réelle des chances.

En conclusion, je crois que dans cette nouvelle société le vivre ensemble est totalement à réinventer
parce que lorsqu’on a une société qui est complètement polarisée, les mécanismes de solidarité
doivent être différents, doivent être repensés et doivent être réinventés. Bonne chance !

Marc FOUCAULT

Merci beaucoup. Je fais comme dans les émissions littéraires, je vous montre le livre de Jean-
Marc Vittori, L’effet sablier. J’en profite pour vous montrer le livre de Louis Chauvel au Seuil, Les
classes moyennes à la dérive. Il n’y a pas encore de sondages ils sont confidentiels, mais il n’y a
pas de sondage sur l’histoire de Jean Sarkozy ? Ça va venir, je le pense.

Vous avez vu tout à l’heure, le Professeur Chauvel avait indiqué les différentes formes de
déclassement. Évidemment on n’a pas assez de temps ce soir pour les passer en revue les unes
après les autres mais enfin on a pas mal parlé d’éducation et de pouvoir d’achat également. Il y a
un point qui est extrêmement important et effectivement on attendait la présentation suivante pour
en parler, c’est la question du déclassement par le logement. Le logement au sens large,
l’aménagement du territoire, questions de budget, etc. Cela va être effectivement un moment-phare
dans notre soirée puisqu’on va essayer de s’arrêter avec Valérie Plagnol spécifiquement sur cette
question du logement. Puis Francis Vercamer réagira pour les parlementaires du Nouveau Centre
sur ce sujet.

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5ème Carrefour des Centres Le Nouveau Centre
Valérie PLAGNOL
Directrice de la Stratégie CM-CIC
Membre du Conseil d’analyse économique

Je voudrais vous exposer quelques thèmes que nous avons évoqués avec Jacques Mistral dans un
rapport du Conseil économique autour de la question du logement. Bien sûr notre approche se
voulait essentiellement économique et c’est vrai qu’en l’intitulant Loger les classes moyennes on a
véritablement pris la mesure de cette problématique d’un parc immobilier qui est en permanence en
dysfonctionnement depuis quelques années. Vous savez que quand les prix montent, il y a une crise
du logement, quand les prix baissent il y a une crise de l’immobilier. On est toujours en crise
finalement dans ce monde. On n’est donc pas dans une logique d’équilibre d’offres et de demandes
ce qui n’a pas toujours été le cas, loin de là, même si paradoxalement encore j’évoquerai certains
des paradoxes ramenés au logement qui ont été aussi exprimés. La question du logement a été dans
des périodes antérieures bien plus tendue et bien plus difficile qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mon
propos et notre propos étaient aussi d’un point de vue économique, nous n’avons pas creusé
véritablement la question des classes moyennes en employant ce terme générique. Pour nous il se
résume ou il s’explique, il se définit comme étant ce que l’on appelle « la demande solvable » et
c’est de cela dont il est question, c’est-à-dire que nous avons laissé de côté la problématique du
logement d’urgence que je n’évoquerai donc pas ce soir.

J’aime beaucoup les propos et les descriptions notamment de Jean-Marc Vittori et je reprendrai
volontiers cette expression « d’effet sablier » et cette description de la désuniformisation aussi des
classes moyennes où je crois que le logement est aussi un bon miroir de ce qui se passe. Il ne faut
pas oublier que c’est un lieu de confluence entre les aspirations individuelles et les contraintes
économiques. C’est aussi bien sûr un marché qui se présente de manière extrêmement segmentée,
c’est d’ailleurs toute la difficulté de l’aborder pour des économistes. On n’est plus dans la période
des banlieues-dortoirs, de l’urgence de la reconstruction de l’après-guerre, on n’est plus tout à fait
non plus dans la maison idéale du Sam’suffit, du chacun-chez-soi-tout-le-monde-pareil. Mais
quand même, la résidence individuelle reste l’aspiration majoritaire des Français.

Ce qui nous a frappés aussi c’est les mouvements et la mobilité professionnelle, la mobilité
individuelle qui s’est accrue ces dernières années. On a des aspirations de plus en plus différenciées
dans la société et elles se retrouvent bien sûr dans le domaine du logement ce qui fait que là où on
parlait du parcours résidentiel, il faut parler certainement des parcours résidentiels au cours d’une
vie.

Et puis pour reprendre non pas l’escalier mais l’ascenseur, cette fois-ci résidentiel, c’est vrai aussi
que le sentiment que cet ascenseur résidentiel est en panne est très fort – cela a été dit, la perception
de l’idée qu’on pouvait retomber SDF est très importante – et surtout parce que l’accession à la
propriété paraît toujours plus difficile pour ceux qui n’ont pas de propriété au départ et donc la
constitution d’un patrimoine est quasiment hors d’atteinte.

Je vous le disais, les constats et les paradoxes sur les classes moyennes qui ont été évoqués, on les
retrouve dans le logement. On n’a jamais été aussi largement et aussi confortablement logés en
France que ces dernières années. Le taux de propriétaires c’est 57 %. Si on ajoute les maisons
individuelles, c’est 64 %. Si on prend les seniors c’est 70 %. On est donc sur des taux de
propriétaires très importants en France. Un parc qui a donc fortement augmenté, un parc où le taux
d’équipements sanitaires est devenu extraordinaire puisque la part des logements sans confort
sanitaire est tombée à 1,3 % du parc, on était quand même à 26,9 % en 1978. Vous voyez que les
mouvements ont été extrêmement importants et le nombre moyen de personnes par logement est

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passé sur la même période de trente ans à peu près, de 2,8 à 2,3 personnes. Du côté des maisons
individuelles surtout, le nombre de mètres carrés par habitant est de 10 m2 de surface
supplémentaire. On est véritablement dans cette situation et pourtant, là encore dans le logement
aussi, le pourcentage des ménages qui se déclarent mal logés a connu une baisse régulière et puis à
partir du début des années 2000 on a une augmentation de ce pourcentage. En 1996 on était à 6 %
de gens qui se disaient être mal logés et le taux a rebondi à 7,2 % en 2002, ce sont les dernières
données que j’ai.

On a aussi le fait que le marché français est divers et cette diversité n’est pas vécue comme un
avantage alors qu’on a eu une politique du logement qui a visé à cette diversification : on a une
offre de locatif social, de locatif privé, de la propriété en immeuble, de la propriété individuelle. Et
pourtant ces coexistences de parcs différents sont vécues maintenant comme des cloisonnements et
pas du tout comme un ascenseur social vertical ni même une fluidité transversale.

Vous le savez, nous le vivons tous, le logement est un bien particulier. C’est l’investissement des
ménages considéré dans les mesures économiques comme l’investissement des ménages par
excellence. C’est un marqueur social. Quand on choisit son logement on détermine aussi son
environnement social. C’est un bien tutélaire, en France il est particulièrement protégé, c’est
important aussi au regard de la crise qu’on a vue se développer notamment aux États-Unis. Cet
atout de diversité me paraît quand même très important dans ce contexte.

Qu’est-ce qui pénalise les classes moyennes dans leur accès au logement ? On définit en fait
plusieurs strates dans ces classes-mêmes selon les revenus. Bien sûr ce sont les quartiers les plus
faibles qui sont les plus concernés. Mais globalement ce qui pénalise cette situation c’est un accès
de plus en plus limité au parc social d’une part, deux Français sur trois en fait ont un niveau de
ressources qui leur permettrait de prétendre à un HLM et c’est une personne sur quatre qui y a
accès effectivement. On a un coût croissant du parc privé ce qui le rend inaccessible, tant du point
de vue locatif que de l’accession à la propriété et on a le sentiment que les nouvelles
réglementations viennent accroître ce coût supplémentaire et on voit de facto le recul de la mixité
sociale. Ça peut être défini comme un objectif de politique générale et donc ce qu’on appelle
« l’entre-soi » se développe fortement.

Donc une aspiration majoritairement partagée en France et en même temps si c’est un facteur de
sécurité, il ne faut pas que ça devienne un risque de fragilité pour ce qui est de l’équilibre financier
des accédants d’une part, voire même un risque d’immobilisme. La problématique pour les
économistes c’est que l’accès au logement ou la propriété est souvent synonyme d’immobilisme, ce
qui est un peu en contradiction avec une société de plus en plus mobile, mobilité géographique
qu’elle soit véritable, mobilité personnelle, mobilité aussi tout simplement du déplacement
domicile-travail.

Le constat nous l’avons fait, le coût du logement n’a cessé d’augmenter. Je vous renvoie et je ne
voudrais pas vous assommer de chiffres mais il y a pour les dernières actualisations une très bonne
étude de l’INSEE sur ce sujet. Et c’est vrai que ça s’est combiné avec une offre de logements
insuffisante ces dernières années, c’est le constat économique et conjoncturel. Après les années 90
on a connu une baisse de logements. On a quand même largement sous-estimé les besoins de la
population française et la croissance naturelle de la France en besoins de population. Les
changements de société ont été très importants. Les fameux parcours personnels, les recompositions
familiales, tout ça ont participé en fait de ces dysfonctionnements.

Je vous parlais d’un écart de prix qui s’est creusé entre le parc social et le parc privé. Le taux
d’effort moyen hors aides des ménages et donc de ce qu’on appelle le premier décile du parc privé

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est passé à peu près de 35,9 % en 2002 à 39,1 % en 2006, hors aides. C’est là où le taux d’effort a
été le plus important et on ne le retrouve nulle part ailleurs, ni dans les déciles supérieurs ni bien
sûr dans le parc social. Donc des inégalités qui se sont creusées dans ce contexte. On assiste aussi à
un vieillissement de la population propriétaire du parc ancien, ça n’étonnera personne dans le
contexte de notre société. Mais aussi en fait à une accession à la propriété par les plus jeunes. Un
certain nombre de dispositifs notamment les prêts à taux zéro ont été un facteur déclencheur
d’achat. Et finalement, on s’aperçoit que c’est la tranche 30-40 ans qui a le plus de mal à accéder à
la propriété et qui se trouve la plus en difficulté parce que finalement, elle cumule tous les
inconvénients : elle n’a pas accès ou un moindre accès au logement social parce qu’elle n’est pas
prioritaire, on voit que c’est un moindre accès aux aides à la personne compte tenu aussi des
revenus parce que la logique c’est quand même l’amélioration des revenus, on voit donc un cumul
des contraintes prix/superficie/éloignement, une moindre capacité à passer de taille de propriété, on
reste dans le logement locatif et puis quelquefois des limites juridiques aussi qui s’ajoutent en
termes d’accessibilité au crédit. Voilà pour ces éléments de constat.

Encore une fois, il y a une dimension conjoncturelle particulière mais elle ne suffit pas à expliquer
cette situation, elle est trop récente. C’est vrai que globalement, on a une population française qui
croît encore d’une façon assez remarquable, de 0,4 à 0,6 % l’an. On voit que les ménages
augmentent assez vite aussi justement par le phénomène de recomposition. Et donc on a bien un
dysfonctionnement de l’offre et de la demande, des adéquations et aussi des dysfonctionnements de
nature qualitative.

Dans ce contexte, puisque c’était aussi l’objet de notre rapport, vous me permettrez peut-être de
donner quelques pistes de propositions. Clairement, on a identifié des contraintes physiques sur
l’offre et des choses qui peuvent se régler au niveau plus de la re-réglementation que de la
réorganisation des collectivités économiques locales.

Ce qui nous a frappés c’est le manque de fluidité, le manque de passage d’un type de logement à
l’autre, des allers et retours impossibles, le blocage aussi dans le logement HLM, c’est-à-dire qu’il
n’y a pratiquement pas de turnover, on reste et on y reste à vie et c’est vrai qu’il y a probablement
moyen de rationaliser, de réactiver ces systèmes et de refaire du logement HLM qui est vraiment
une composante tout à fait spécifique et remarquable du système français ce qu’il était, c’est-à-dire
un phénomène d’initiateur et d’aspirateur dans le souhait qui reste majoritaire vers la propriété.

On a vu aussi mais ce sont bien sûr des choses que beaucoup pensent, que les coûts de transaction
sont particulièrement élevés en France, plus que dans la moyenne européenne. Il s’agit bien sûr des
droits de mutation à titre onéreux mais aussi de la question des frais d’agence et on reste quand
même dans une logique qui est celle du blocage, de la difficulté à passer ou à changer ou à bouger.
Encore une fois les mobilités géographiques sont importantes et peut-être que le logement ne
l’accompagne pas assez. Merci.

Marc FOUCAULT

Merci beaucoup Valérie. Vous remarquerez cet élément intéressant sur la démographie. On n’a pas
le temps de l’analyser ce soir mais ce qui est intéressant c’est quand même ce paradoxe entre la
démographie française qui est la plus élevée en Europe aujourd’hui, et le taux d’angoisse par
rapport à l’avenir que Carine nous a montré et qui est également le plus élevé. Les interprétations
peuvent être différentes.

Francis Vercamer va réagir, comme Damien l’a fait tout à l’heure, sur les questions plus
particulièrement liées aux jeunes. Francis Vercamer est spécialiste des questions d’insertion, Jean-

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5ème Carrefour des Centres Le Nouveau Centre
Marc Vittori les a expliquées. Le paysage qui se dessine pour les plus défavorisés n’est pas très gai,
il y a besoin de tutorat, il y a besoin de coaching. Est-ce que déjà dans les expériences locales on
peut essayer de deviner des réponses ? On pourrait peut-être passer de l’expérience à la solution
nationale ?

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Francis VERCAMER
Député du Nord

D’abord quelques remarques. C’est vrai qu’avant, la vie était réglée comme du papier à musique.
On avait un temps pour la formation initiale, on avait un temps dans l’entreprise – souvent dans la
même d’ailleurs – on rentrait dans l’entreprise, on y faisait toute sa carrière et puis après il y avait
un temps pour la retraite. Ça fonctionnait bien. Et puis est arrivée effectivement la production
industrielle de communication – appelons ça comme ça – la révolution Internet. Et j’ajouterai que
la révolution est de plus en plus rapide. Plus on avance dans le temps, plus la révolution est rapide
et plus les changements sont profonds et rapides. Il y a donc besoin d’une adaptation permanente à
ces révolutions industrielles successives. Dans les années 80, on n’avait pas l’informatique
personnelle chez soi, ça n’existait pas. J’ai fait mes études d’ingénieur en 1975-1980, on avait de
vieilles bécanes qui travaillaient sur des centraux qui se trouvaient aux États-Unis parce qu’en
France il n’y en avait pas. Trente ans après, tout le monde a son ordinateur dans sa poche. Il y a
une révolution très forte et donc besoin d’une adaptation permanente. Et la société en France a du
mal à s’adapter. On a une peur sûrement de l’avenir mais on a aussi une peur du changement. On
voit bien que chaque fois qu’on veut changer quelque chose qui est lourd, Hervé en arrivant l’a dit,
au Parlement c’est la révolte bien sûr, quand on est en charge d’une loi il faut plusieurs mois voire
parfois plusieurs années et quelquefois on a à peine changé la loi qu’on est déjà dépassés par la
société. La société nous a déjà dépassés et loi n’est plus adaptée. Il y a véritablement un problème à
regarder. Première remarque.

Deuxième remarque. On l’a dit plusieurs fois, une inadéquation du système de formation français,
formation initiale particulièrement, par rapport à l’évolution de la société. Aujourd’hui on qualifie
de plus en plus les jeunes qui arrivent sur le marché du travail et ils ont une impression de
déclassement puisque le diplôme qu’ils ont ne correspond pas au salaire qu’on leur a indiqué
parfois à l’école, ça arrive, ou en tout cas à l’idée qu’ils s’en font. Ils ont donc une impression de
déclassement parce qu’ils estiment avoir fait un certain nombre d’années d’étude et ils n’ont pas en
retour la monnaie de la pièce. Et ce qu’on oublie là-dedans c’est que l’emploi c’est un marché,
c’est le marché du travail et il y a forcément un équilibre entre l’offre et la demande. Plus il y aura
de diplômés sur le marché, moins le diplôme sera évalué par la société puisqu’on n’en aura pas
besoin. Forcément, il y a une dévalorisation du diplôme parce qu’on a trop de diplômés qui arrivent
sur le marché, en tout cas dans certains secteurs. François Sauvadet le disait en entrée, il y a par
contre d’autres secteurs en tension où l’on ne trouve absolument plus personne parce qu’on a
dévalorisé le travail. Ça a été le cas pendant longtemps de l’apprentissage, c’est en train de se faire
réévaluer mais pendant longtemps, l’apprentissage a été considéré comme une voie de garage, une
voie dévalorisante. C’est encore vrai pour les métiers manuels. On ne trouve personne dans ce
genre de métiers parce qu’on estime que c’est déclassant d’être dans ces métiers. Or dans une
société, il faut de tout.

Troisième remarque, une crise de confiance. Vous l’avez vu dans les statistiques, les gens n’ont pas
confiance en l’avenir, surtout les Français, alors qu’au niveau européen beaucoup moins. On
pourrait refaire la courbe de la confiance par rapport à la souffrance au travail. En ce moment, je
fais un rapport dans le cadre du projet de loi de finances sur la souffrance au travail, sur la santé au
travail. On s’aperçoit effectivement que la souffrance au travail est très forte en France, notamment
ce qu’on appelle les risques psychosociaux, c’est-à-dire le stress et malheureusement les suicides
dramatiques que l’on connaît. Je pense qu’on peut aussi faire le parallèle, on peut lier : les gens
n’ont pas confiance dans l’avenir, ils n’ont pas confiance dans la société française et ils souffrent
au travail plus en France qu’ailleurs.

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Et puis la quatrième remarque, l’individualisation de la société. Aujourd’hui les gens sont de plus
en plus individualistes, on l’a dit. La solidarité ne marche que dans un sens, c’est-à-dire pour soi,
pas pour les autres. Je ferai le parallèle entre le sentiment de déclassement et le déclassement réel.
Le sentiment de déclassement, c’est l’individualisme. Le déclassement réel c’est le besoin de
solidarité. C’est-à-dire que pour les gens qui sont dans le déclassement notamment dans le
logement et pour ceux qui se retrouvent à la rue, il y a un besoin de solidarité fort dans notre pays.
Par contre aujourd’hui la solidarité est – comment pourrais-je dire – elle est plane, égale, c’est-à-
dire qu’on a le même besoin de solidarité pour quelqu’un qui a perdu un emploi de cadre et qui a
perdu 20 % de son salaire et pour celui qui a perdu son logement et qui se retrouve à la rue. On a le
même besoin de solidarité. Or je suis désolé de vous le dire, je trouve que la solidarité doit
s’exercer envers ceux qui sont les plus démunis, les plus faibles d’abord. Les autres, c’est vrai que
c’est embêtant, il faut aussi les aider, il faut aussi essayer de trouver une solution, mais quand
même la situation est moins prégnante. Si on veut être solidaire avec tout le monde, on n’arrivera
pas à le faire. On n’aura pas les moyens de le faire et on va au contraire accélérer le phénomène
puisque la solidarité a un coût qui est payé par tous. Forcément, plus il y a de gens qu’on aide, plus
on a besoin de moyens, plus on alourdit les charges et plus les entreprises ont du mal à faire face à
la mondialisation, etc. Il y a effectivement ce problème-là.

Un point que vous avez dit et qui est extrêmement vrai c’est qu’on est une société de
communication aussi. On aime bien mettre en avant ce qui fait réagir, ce qui fait du papier ou qui
fait de l’image et on oublie les situations qui sont intéressantes. Et donc forcément ça alimente le
sentiment de peur et de défiance vis-à-vis de l’avenir.

Quelques propositions qu’on pourrait faire. D’abord vous avez parlé du coaching. Effectivement,
c’est une action, une position qui est très à la mode actuellement. Je suis Président d’une Mission
de l’emploi, pour tout vous dire, je l’ai fait. Ça marche pas mal, c’est difficile parce que çà coûte
assez cher et c’est compliqué à mettre en place. Il y a un moyen un peu plus simple. Aujourd’hui,
on voit bien qu’on a un problème non seulement avec les jeunes qui sont peu employés –
François Sauvadet nous disait que 30 % des jeunes sont en recherche d’emploi – mais on peut faire
le parallèle avec les seniors. Et peut-être qu’on pourrait, en diminuant les charges sur les seniors,
utiliser leur expérience et leurs compétences dans l’entreprise pour en faire des coachs, des tuteurs
au profit des jeunes, plutôt que de les licencier à des coûts astronomiques et de perdre cette
expérience, cette compétence. Peut-être vaut-il mieux l’utiliser pour faire du coaching, pour
apprendre aux plus jeunes à apprendre plus vite dans l’entreprise. C’est la première mission que
l’on pourrait faire.

La deuxième – Damien l’a évoqué tout à l’heure – c’est le problème de la flexisécurité. Je fais
partie de la mission à l’Assemblée Nationale, c’est le sujet à la mode, c’est un peu une tarte à la
crème en ce moment. On essaie de tout mettre dedans. La flexisécurité c’est quoi ? C’est le
principe, comme l’a dit Damien, de rendre la flexibilité d’emploi c’est-à-dire une meilleure
mobilité professionnelle tout en garantissant la sécurité des parcours des personnes. On en est
encore loin. Pour cela, il faudrait changer et passer d’une société de statuts à une société de talents.
Essayer de valoriser les personnes et non pas les statuts. Aujourd’hui, en France, on valorise les
statuts. Vous êtes dans une entreprise, vous avez droit à une ancienneté. Seulement ce qu’on oublie
c’est que le jour où vous quittez l’entreprise, forcément, vous n’avez plus l’ancienneté dans la
suivante. La perte de salaire est très forte et donc c’est un frein à la mobilité géographique. Voilà
un problème de statut. Il y a d’autres problèmes de statut qui sont ceux des diplômes, des
qualifications qui font que les gens s’estiment à un niveau et qu’ils ne veulent pas en changer, c’est
un problème de statut.

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On a un véritable problème de statut en France, on a un problème d’effet de seuil. On aime bien
mettre des seuils en France : vous avez 26 ans, vous avez droit à ça, en-dessous, vous n’y avez pas
droit. Pourquoi ? On n’en sait rien. On a vu des seuils comme ça. On a vu des seuils de revenus : en
dessous de tel revenu vous ne payez pas d’impôt, au-dessus de tel revenu vous payez des impôts ;
donc si vous gagnez un euro de plus, boum, vous perdez d’un seul coup 10 % de vos revenus. C’est
un peu n’importe quoi. On aime bien ça. Je me suis toujours battu contre ça. Il faut plutôt essayer
de faire des choses plus intelligentes en faisant ce qu’on appelle des sociétés de talents c’est-à-dire
essayer de valoriser les gens, essayer de faire la portabilité des droits c’est-à-dire que les gens
gardent leurs droits et ce n’est pas le contrat de travail qui intervient, c’est la personne qui prend,
donc il y a des droits à la portabilité qui évoluent avec la personne. La personne change de société,
elle a toujours droit à une formation. Cette formation est inversement proportionnelle à la
formation déjà acquise, à la formation initiale ou à la formation antérieure obtenue, de façon à ce
qu’il y ait véritablement une égalité de traitement des Français qui ont tous le droit à la même
formation, certes adaptée au métier qu’ils vont faire, un métier adapté au parcours professionnel
qu’ils vont faire. Mais au moins on aurait une égalité de traitement dans la formation. Parce
qu’aujourd’hui, on sait que 90 % de la formation vont aux 10 % des salariés qui d’ailleurs en ont le
moins besoin. Aujourd’hui, on forme les gens qui ont le moins besoin d’être formés et on ne forme
pas les gens qui en ont le plus besoin. C’est assez aberrant. La loi sur la formation professionnelle
qui vient d’être votée hier soir – ça a duré jusqu’à une heure du matin, j’y étais – a modifié un peu
cela. Ce qui est important est que cette formation soit adaptée à l’individu et non pas à un contrat
de travail d’une entreprise, sinon ce sont les grosses entreprises qui piquent les crédits de la
formation et ce sont les gens les plus formés qui piquent les formations. Il faut changer ça.

Il y a également un droit au reclassement qu’il faut mettre en place. Plus on est formé, plus on est
qualifié, plus on a de facilités à se reclasser. Il n’est pas normal de mettre le même
accompagnement pour quelqu’un qui est fortement qualifié et celui qui est peu qualifié. Ça, c’est
important à mettre en place. Bien évidemment, celui qui est fortement qualifié a un risque de
déclassement s’il n’est pas accompagné. C’est ce que je disais au début, c’est un problème de
solidarité. Si on essaie de faire la même solidarité avec tout le monde, on n’arrivera pas à la faire. Il
faut bien mettre des priorités sur la solidarité, il faut mettre ces priorités vers les gens qui en ont le
plus besoin. Parce qu’on est quand même aujourd’hui dans une société où il y a 5 millions
d’exclus. On ne peut pas admettre qu’il y ait en France 8 % de la population qui soit exclue de
notre société. C’est quand même aberrant.

Je suis en train de travailler sur ce qu’on appelle un contrat de transfert. C’est un projet de loi que
je vais bientôt déposer. L’idée c’est lorsqu’une entreprise a besoin de s’adapter au marché – parce
que les entreprises ont besoin de s’adapter au marché – plutôt que de verser des indemnités de
licenciement aux gens qui malheureusement quelquefois les utilisent mal et surtout après rentrent
dans un déclassement cette fois-ci brutal, ces moyens sont versés à une structure intermédiaire.
C’est un peu l’idée des contrats de transition professionnelle, ce devrait être vrai pour tous les
salariés, même pour les non salariés d’ailleurs. Ce serait payé à une structure de transition qui les
prendrait en charge, qui les formerait et qui les adapterait à un nouveau métier, un métier qui soit
plus proche du marché de l’emploi actuel parce qu’on sait bien, on l’a dit tout à l’heure, que
l’évolution du marché de l’emploi fait qu’on va devoir se reformer et avoir une mobilité
professionnelle permanente. Je pense qu’il faudra s’adapter à cela. Résister, c’est toujours bien
mais je pense que ça ne réglera pas le problème puisqu’aujourd’hui, on est dans un système de
mondialisation qui fait que c’est comme ça que ça fonctionne. Et il vaut mieux essayer de créer de
nouvelles solidarités plutôt que d’essayer de conserver les anciennes pour s’adapter à l’évolution.

Je ne vais pas parler des apprentis parce qu’il est déjà 8 heures 13 et je dois partir à 8 heures 15,
mais j’en ai parlé rapidement.

Paris, le 14 octobre 2009 33


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Sur le parcours résidentiel, on a aussi un vrai problème en France. On a un système de financement
du logement social et du loyer de familles en logements anciens qui n’est pas du tout adapté. Je
milite pour que le loyer soit adapté au « reste à vivre » des familles à condition que le logement soit
adapté à la typologie familiale. Pourquoi ? Parce qu’on se retrouve – j’ai le cas dans ma ville – on
se retrouve avec de grandes familles qui étaient dans des appartements assez grands, bien sûr. Et
puis les enfants sont partis, ils ont fait leur vie et ils continuent à rester dans un logement de huit
pièces, parce qu’ils avaient huit enfants et ils ne sont que deux et comme ils payent le même loyer
que lorsqu’ils avaient huit enfants, ils restent dedans. Pendant ce temps-là les familles de huit ou de
six enfants se retrouvent dans des appartements de trois pièces parce qu’on n’a pas libéré le
logement. Si on adaptait le loyer au « reste à vivre » pour que les gens puissent avoir le logement
qui correspond à leurs besoins, à leurs moyens, on aurait deux avantages : le logement serait adapté
à leur typologie familiale, il y aurait un parcours résidentiel qui se ferait automatiquement puisque
lorsqu’un enfant partirait, il ne serait plus adapté donc le loyer augmenterait. Du coup, s’ils veulent
garder le même loyer, il faudrait leur trouver un logement plus adapté à leur typologie familiale.
Mais le loyer serait toujours adapté à leur « reste à vivre », de façon à ce que ça ne pèse pas trop
lourd dans leur vie de tous les jours. On aurait des gens bien logés, à un prix correct, qui
évolueraient dans le parc et ça permettrait un véritable parcours résidentiel. Parce qu’aujourd’hui,
on est complètement sclérosés. Bien sûr, pour ça, il faudrait qu’il y ait assez de logements sociaux
mais c’est un autre débat que je ne vais pas faire ce soir parce que sinon je n’aurai pas mon train.

Marc FOUCAULT

Merci beaucoup. Peut-être deux/trois questions avant qu’Hervé ne veuille bien faire la clôture de
nos travaux. Nous avons essayé de vous présenter le problème sous tous ses angles, ça anesthésie
un petit peu mais je pense que les questions seront quand même nombreuses.

Bon. Ah, si.

Paris, le 14 octobre 2009 34


5ème Carrefour des Centres Le Nouveau Centre
Questions-réponses

De la salle

C’est une question en forme de réflexion. Vous parlez d’ascenseur social, il se trouve que je
travaille dans ce qu’on appelle l’économie numérique depuis longtemps. Parler d’ascenseur est un
vocabulaire qui, pour moi, est déphasé avec la réalité de demain. C’est-à-dire que maintenant,
quand on travaille dans l’économie dite numérique, quand on propose à des jeunes ingénieurs du
travail, toutes les boîtes de France cherchent du boulot et ils vont fonctionner en latéral, en
matriciel. Et la réduction des échelons dans l’entreprise qui était de 1 à 10 qui était celle de mes
parents, peut-être du début de la dernière guerre, ce n’est plus du tout ça, on est de 1 à 4. Donc je
crois que là il y a toute une réflexion à avoir sur le changement de vocabulaire. Je suis tout à fait
d’accord lorsque vous avez dit que c’est terrible quand on voyage en France et qu’on a vécu à
l’étranger, c’était mon cas. On rentre dans un taxi en France, on est agressé par le manque de
moral. Mais je crois qu’il y a toute une réflexion et je vous conseille de regarder ce que fait la
Fondation Microsoft justement sur toute la réappropriation, la reformation pour acquérir ces talents
dont on a besoin.

Marc FOUCAULT

Peut-être Jean-Marc Vittori parce que ça correspond un petit peu à ses propos tout à l’heure.

Jean-Marc VITTORI

Évidemment, c’est l’une des dimensions frappante de cet effacement des classes moyennes. Ce qui
se passe dans l’entreprise où on a de plus en plus des gens en bas, des gens en haut et toute une
hiérarchie intermédiaire qui est en train de disparaître totalement. C’est un point absolument clé
encore une fois du changement de l’organisation de la société dans son ensemble. En France on a
toujours beaucoup de mal effectivement à en faire prendre conscience. C’est vrai dans le privé et
quand vous posez la question, quand vous en parlez à des managers dans le public, je vous assure
que vous avez des réponses surprenantes.

Marc FOUCAULT

Seconde question ?

De la salle

En ce qui concerne l’éducation des jeunes et la formation des jeunes, il y a une question qui ne me
paraît pas assez souvent posée, quelles que soient les analyses, les constats et les propositions de
solutions qui sont faites. Le sujet est de savoir comment aider les jeunes à trouver ce qu’ils
aimeraient faire, sans parler forcément de vocation. Quitte à les pousser dans des domaines où au
départ ils ne sont peut-être pas très chauds mais à leur expliquer méthodologiquement ce qu’on
attend d’eux et pourquoi on leur demande de faire quelque chose qui au départ peut ne pas leur
plaire mais il s’agit de les aider à trouver ce qu’ils aimeraient faire. Il y a une phrase d’un poète du
XIXème siècle qui disait que : « Une vie réussie, c’est un rêve d’adolescent réalisé dans l’âge mûr ».
Il ne s’agit par d’aller jusque-là pour tout le monde mais il est certain qu’à travers les échos que j’ai

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d’amis qui sont enseignants, etc. il me semble qu’on ne se soucie pas assez de trouver des moyens
pour aider les jeunes à trouver ce qu’ils aimeraient faire et éventuellement entreprendre plus tard.

Marc FOUCAULT

La citation de la vie réussie est un petit peu plus jolie que celle de Jacques Séguéla. Louis Chauvel
peut répondre, peut-être plus le sociologue que le professeur d’université ?

Louis CHAUVEL

Il me semble que la question centrale dans la société française – il ne faut pas se méprendre sur
propos que j’ai tenu tout à l’heure – la question n’est pas de revenir à l’époque bénie où il y avait
12 % de bacheliers, ce n’est pas çà la question. Le problème central c’est que nous avons fait
croître trop vite par à-coups, par coups d’accordéon absolument incroyables le système scolaire
sans véritablement poser des questions de long terme sur ce que nous voulions obtenir. Et nous
avons eu une extraordinaire explosion scolaire dans la fin des années 80/début des années 90 et
depuis près de vingt ans depuis le début des années 90, nous n’avons plus rien fait. Et en fait nous
avons un système qui se révolutionne de temps en temps une fois tous les trente ans et qui ne fait
plus rien du tout ensuite pendant les trente ans qui suivent. Ça, c’est la vraie plaie française qui
interdit de réfléchir l’adéquation entre l’offre d’enseignement et les classes qui existent dans la
véritable société. La question posée là-dessus est extrêmement importante, il faut effectivement
trouver une adéquation entre ce que les jeunes veulent faire et la possibilité réelle de la société.

Ce que je crains un petit peu par rapport au système scolaire depuis une trentaine d’années c’est
que l’on a trop laissé aux jeunes décider trop seuls et donc trop librement au sens négatif du terme
ce qu’ils voulaient faire. Beaucoup veulent devenir prof de grec ou plus souvent encore artiste ou
éventuellement sociologue, mais il n’y aura pas la place pour tout le monde. Une formation de
sociologue c’est très long pour devenir publiciste. Le problème c’est que beaucoup ne veulent pas
devenir publicistes. Être sociologue, c’est très long pour réussir les élections. Beaucoup d’hommes
politiques ont raté les élections en 2002 simplement parce qu’ils n’ont aucune vision de ce qu’est la
société française. Malheureusement, beaucoup d’étudiants veulent devenir sociologues dans une
société idéale française qui n’existera jamais où il y aura 20 millions de sociologues. Le problème
c’est qu’effectivement, nous laissons beaucoup d’étudiants trop libres de ce qu’ils veulent devenir
alors même qu’ils ne le savent pas eux-mêmes véritablement. D’où un poids absolument
monstrueux sur les jeunes entre 17 et 24 ans dont beaucoup se trouvent perdus dans des endroits
trop spécialisés où ils sont ingénieurs et ils ne font pas sociologie, en étant sociologues ils ne font
pas de mathématiques ou de sciences de l’ingénieur. Beaucoup sont perdus sur des voies de garage.

La comparaison internationale de ce point de vue-là, comme à de nombreux points de vue, montre


que le cas français c’est quand même un cas : on enferme des gens très tôt, très vite dans des cases.
Ceux qui sont tombés dans la case École Normale Supérieure ou Polytechnique ont toutes les
chances de trouver ultérieurement la bonne case. D’autres se retrouvent coincés à Nanterre ou
ailleurs, on ne sait trop où. La comparaison internationale montre que le système français est
véritablement bloqué sur de vraies capacités de renouvellement, de fluidité, de spécialités sous de
faux arguments de liberté.

Paris, le 14 octobre 2009 36


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René SÈVE

Je serai plus bref pour témoigner. Je crois que la difficulté c’est le problème de l’orientation. Le
système scolaire n’est donc pas capable parce qu’il n’a pas une notion très claire sur cette
entreprise, sur les secteurs et sur sa position nationale pour donner cette orientation. J’ajouterai un
deuxième volet, c’est aussi parce que les gens qui sont à l’intérieur du système scolaire n’en ont pas
besoin pour eux. Parce que comme ils ne sont pas (inaudible) ils ne vont pas avoir une incidence
personnelle à avoir des informations professionnelles qu’on va donner à leurs élèves comme aux
plus jeunes de leurs étudiants sur la réalité du marché du travail et la réalité de l’emploi. On a un
système qui, sur le plan de l’orientation, est assez inégalitaire parce que ça relève essentiellement
du domaine relationnel. Il y a un travail quand même qui est fait sur l’orientation, voyez la réforme
qui est en cours. Mais c’est vrai qu’on a un système éducatif public relativement fermé par rapport
à l’entreprise privée. C’est de là que proviennent les erreurs d’orientation qui peuvent aboutir au
déclassement.

Marc FOUCAULT

Excusez-moi parce qu’il y a beaucoup de demandes de prise de parole.

De la salle

Madame, vous avez parlé tout à l’heure du déclassement social par le logement. Vous avez dit que
quand les classes moyennes accèdent aux logements sociaux, ils y restent à vie. Mais comment se
fait-il que la société ne fait rien pour que ces familles puissent s’en sortir pour que justement la
société doit faire en sorte que les classes moyennes aient la possibilité de vivre un peu plus à l’aise
et que les basses classes – je vais utiliser ce terme – puissent arriver à accéder à la classe moyenne ?
Que fait la société ? Si on continue dans ce rythme, nous allons devenir comme l’Inde où vous
naissez dans des castes et vous y restez à vie, il n’y a pas espoir à y échapper. Quelles sont les
possibilités pour que ces familles moyennes ou pauvres – disons le mot – puissent aussi changer de
catégorie ? Merci.

Valérie PLAGNOL

C’est vrai que la notion d’appauvrissement dans le parc HLM on la mesure économiquement. Et on
la mesure d’autant plus et c’est le paradoxe encore une fois, que ceux qui peuvent en sortir et ils en
sortent, vont dans l’accession à la propriété. Mécaniquement, la proportion des gens à revenus
faibles augmente parce que la logique est effectivement celle de la sortie du parc HLM. Après, se
pose la question d’y rester et disons-le de la ghettoïsation d’une partie de ce parc. C’est
effectivement la problématique de fond. Dans ce cas-là et pardonnez le manque de réponse
définitive, outre que ça rejoint effectivement les propositions politiques, le point de vue
économique c’est l’ensemble, c’est-à-dire qu’est-ce qui fait que les revenus ne croissent pas et qui
permettent à un moment donné de sortir du parc HLM. Le parc HLM n’est que le reflet d’une
situation par ailleurs difficile de déclassement qui a augmenté ou de situations d’inégalité qu’on a
décrites. Il n’est plus que le reflet à ce moment-là. Il a le mérite d’exister mais dans de très
mauvaises conditions qui sont devenues inacceptables dans beaucoup de cas. Il ne sert plus
effectivement simplement de passerelle et moment de transition et d’élan en fait comme il a pu
l’être à un moment donné. C’est bien sûr les circonstances du chômage, de l’emploi, du
déclassement global qui en sont le reflet.

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Marc FOUCAULT

Il y a deux questions au fond de la salle avant de clôturer.

De la salle

Bonsoir. Je voulais savoir pourquoi on parle si peu d’un élément qui pour moi est très important
pour expliquer ce pessimisme français, il a d’ailleurs été à peine évoqué ici par une phrase qui est
la responsabilité des médias. On se retrouve effectivement avec un phénomène médiatique qui soit
nous donne toujours des miroirs de modèles quasiment inexistants aujourd’hui mais qui ne sont que
des modèles de succès, de jeunesse et de réussite qui frustrent tout le monde. Ou alors il fait peur
effectivement en portant à la une des petits phénomènes qui vont déferler à nos portes, des
problèmes, la mort, des accidents ça existe mais là on a l’impression d’être vraiment agressés
continuellement par tout ce qui se passe partout dans le monde. J’ai rarement entendu parler de la
responsabilité des médias.

René SÈVE

Indépendamment des journalistes, sur d’autres types de médias, on a posé des questions sur les
sujets à la télévision et notamment à la télévision publique et les fictions. Je ne parle pas des
fictions du secteur privé. Mais il y a aussi beaucoup de métiers culturels qui ayant une certaine
présence dans les médias vont influencer un certain nombre de fictions. Soit historiques, soit sur les
questions liées à des difficultés d’être, ça peut être les difficultés du monde rural, il y a pas mal de
choses qui se passent à la campagne, pas mal de choses qui se passent dans la désindustrialisation.
Les thématiques qui sont véhiculées dans certains médias dans le domaine de la fiction montrent
plutôt une image du passé c’est assez rare que l’on ait un feuilleton ou une fiction télévisée qui se
passe dans une entreprise de R & D ou bien dans le secteur de la santé, quelque chose qui soit sur
un fond de dynamique industrielle. En général, la fiction, le récit se situent plutôt dans un refus de
la nostalgie, du passé et il faut regarder la téléréalité comme un peu l’image de l’économie. Ce
n’est pas forcément l’économie de devant qu’on regarde, c’est plutôt l’économie de derrière.

Louis CHAUVEL

Je profite juste en saisissant le micro. Dans la société française, il y a un vrai problème de divorce
entre les réalités telles qu’elles sont, les réalités objectives, et l’ensemble des représentations qu’on
peut en faire. On a accusé les médias et on a aussi me semble-t-il mis en question il n’y a pas si
longtemps, il y a quelques minutes, les sociologues. Il me semble que scientifiquement, nous avons
beaucoup d’instruments INSEE et bien d’autres encore qui nous permettraient si on le souhaitait un
petit peu plus de réduire l’écart entre les représentations et les réalités. Et on revient à la question
du déclassement. On a dit tout à l’heure qu’on exagérait sur l’intensité du déclassement tel qu’il
existe et certains sociologues aussi mais excusez-moi du peu, si vous discutez un petit peu avec les
gens dans les taxis, les chauffeurs de métro, les chauffeurs de bus, l’ensemble des populations à
Paris comme en province, il me semble qu’il y a une perception plus exacte de ce qui se passe
véritablement dans la société française que dans un certain nombre de rapports officiels sur
l’évolution de grandes questions que nous avons abordées. Je crains malheureusement que ce
divorce entre la réalité et la représentation beaucoup de gens se rendent compte consciemment du
fait que malheureusement l’écart n’est pas réservé aux journalistes. Parfois la parole officielle
publique sur la réalité de la société française est un peu défaillante.

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Jean-Marc VITTORI

Moi je pense qu’il y a un trait commun entre beaucoup de journalistes et beaucoup de sociologues,
c’est qu’ils choisissent leur profession pour raconter la misère du monde. Sur les journalistes, je le
sais et sur un certain nombre de sociologues que je connais puisqu’ils sont mes amis, je le sais aussi
peut-être en moins grande proportion que les journalistes mais. Le biais est à l’entrée, il est dans la
sélection à l’entrée des gens qui font ce métier et des gens qu’on recrute pour ce métier. Premier
point.

Deuxième point, la description noire de la réalité par les médias, ça ne fait que commencer pour
une raison simple, à nouveau pour des explications économiques, le business model des médias est
en train de s’effondrer. Le média se vendait à deux types de publics qui étaient le lecteur ou le
spectateur et l’annonceur. Le lecteur et le spectateur refusent de plus en plus, ne veulent plus payer
pour toute une série de raisons et l’annonceur va de moins en moins payer notamment parce
qu’avec Internet, il va savoir quelle est la pub qui marche et celle qui ne marche pas, ce qui était le
rêve de tout annonceur et le cauchemar de tout média.

Donc la situation des médias va se dégrader pendant des années et il va falloir beaucoup de temps
avant qu’ils se retrouvent, avant que nous retrouvions un business model et une nouvelle économie.
Et la situation des médias influe fortement sur ce que racontent les journalistes. J’ai un très bon
exemple qui est les 35 heures. Les 35 heures ont été couvertes de louanges dans la presse et je
pense que ça a induit les socialistes pendant la campagne de 2002. Ils n’ont pas vu qu’il y avait là
un problème. Et pourquoi les 35 heures ont-elles été couvertes de louanges dans la presse ? Eh bien
il y a une enquête du Nouvel Observateur qui l’avait révélé un an après le séisme de 2002, en 2003
qui était : quelles étaient les professions qui avaient le plus ou le moins profité de la réduction du
temps de travail ? Et devinez qui était en tête de ceux qui avaient le plus profité ? C’étaient les
journalistes avec une réduction du temps de travail de 11 %. La situation personnelle a donc influé
fortement sur ce qu’ils relataient dans les articles. La situation personnelle des journalistes va se
dégrader fortement pour la raison que j’évoquais, le sentiment de déclassement est déjà très fort et
donc je pense effectivement que dans le changement de l’économie, il y aura beaucoup moins de
journalistes. Hélas cette situation très dégradée de la réalité telle qu’elle est relatée par les
journalistes ne va pas s’arranger.

Marc FOUCAULT

Dernière question je crois ?

De la salle

Je vais poser la dernière question puisque j’ai le micro. Ce qui me frappe c’est que dans votre
analyse sur le déclassement perception/réalité, il y a un sujet qui n’a pas du tout été évoqué, c’est le
partage des revenus. Louis Chauvel dans son livre dit quelque part que la question de l’ascenseur
social ne se posait pas dans les années des trente glorieuses puisqu’à 3,5 % l’an de croissance, les
revenus qui ont suivi sont bons, tout le monde avait sa part du gâteau et avait donc la possibilité de
sentir qu’il grimpait l’escalier ou l’ascenseur quelle que soit la vitesse. Depuis vingt ou trente ans
on a une situation complètement différente. Louis Chauvel, toujours lui, nous dit que c’est 5 %
l’an, enfin ce sont les statistiques de l’INSEE ce ne sont pas celles de Louis Chauvel. Et à partir de
là, on sait par ailleurs qu’une grande part de la plus-value ou du supplément de la valeur ajoutée est
quand même appropriée par le premier centile ou le premier décile que ce soit en termes de revenus
salariaux ou de revenus patrimoniaux. La question que je me pose c’est : est-ce qu’à un moment

Paris, le 14 octobre 2009 39


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donné, on ne peut pas aussi considérer que dans une société où il y a l’effet sablier sur les revenus,
on se souvient tous d’une époque où on considérait que de 1 à 10 l’échelle de salaires, la société
n’était plus vivable. Est-ce que justement cette déformation du revenu vers le bas et vers le haut
dont parle Jean-Marc Vittori n’est pas aussi un facteur aggravant de la réalité ou de la perception
du déclassement ? à partir de là, est-ce qu’un jour il ne va pas falloir poser sérieusement cette
question du partage des revenus, sachant que la valeur ajoutée ne croît que ce qu’elle croît tous les
ans ?

Jean-Marc VITTORI

Je prends le micro au passage. C’est vrai que quand les revenus augmentent beaucoup, on a plus à
distribuer à tout le monde et donc il y a une confiance beaucoup plus grande aussi, puisqu’il y a 90
ou 95 % de population qui sait que l’année suivante, son revenu sera supérieur et donc qui pensent
que dans le sentiment de déclassement, ce ralentissement des revenus renvoie aux problèmes
macro-économiques globaux qu’évoquait Valérie tout à l’heure, ce problème était bien réel.

Deuxième point qui est un point historique. Pour moi, la racine profonde de la crise de 1929 c’est
un problème de partage des revenus suite à la révolution industrielle qui faisait que les entreprises
savaient produire beaucoup plus mais ne savaient pas distribuer beaucoup plus de revenus, ça peut
paraître paradoxal. Mais c’est là-dedans qu’est née la crise de 1929 et c’est dans la résolution de la
crise de 1929 qu’on a trouvé l’équilibre d’après-guerre. Et là, on a à nouveau une crise, il faudra
que sorte de cette crise un nouvel équilibre dans le partage des revenus, j’en suis intimement
convaincu.

Louis CHAUVEL

Juste sur cette question de partage des ressources. Quid lorsque ces ressources disparaissent ?
Comment partager l’abondance, c’est possible. Partager la pénurie, c’est plus dangereux, surtout
dans un contexte où en définitive la réduction des niveaux de vie correspond avant tout aux revenus
du travail. Je ne vais pas vous faire un (inaudible) du marxisme du genre c’est le capital qui pique
tout, etc. La grande difficulté dans laquelle la société française se trouve aujourd’hui c’est que dans
les années 70, le travail permettait de s’autonomiser, de tout faire sans aucun support familial.
Vous passiez le baccalauréat si vous veniez de la classe ouvrière, vous aviez un salaire qui vous
permettait de vous loger de façon tout à fait autonome sans du tout dépendre de vos propres
parents. Cette situation-là a totalement changé. Le grand changement des années contemporaines
c’est que le travail ne rapporte plus qu’on le rapporte à un petit complément qui permet de
compléter ce que les parents donnent à leurs enfants. Cette situation-là est extrêmement dangereuse
parce que vous avez le sentiment très généralisé de beaucoup de gens en particulier qui travaillent
que ce sont toujours les mêmes qui payent pour tout. Pour les fractions qui sont tout au-dessus dans
la société française et en même temps pour ceux qui préfèrent suivre d’autres évolutions. Cette
situation-là est extrêmement dangereuse pour la cohésion nationale et la cohésion européenne. On a
une situation que ceux qui travaillent ont le sentiment d’être privés des ressources légitimes qui
sont le fruit de leur travail. Les conséquences collectives de cela sont à réfléchir parce que sur les
vingt prochaines années, ce sera la question centrale. Les retraités vont doubler, mécaniquement les
besoins de santé, d’autonomie et ainsi de suite vont exploser eux aussi. Ce sera un élément parmi
dix mille autres où les personnes en emploi vont avoir le sentiment que ce sont toujours les mêmes
qui travaillent et ce sont toujours les mêmes qui payent pour l’ensemble des autres situés au-dessus
et en-dessous d’eux. C’est très dangereux.

Paris, le 14 octobre 2009 40


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René SÈVE

Ce qu’on a dit tout à l’heure et que François Sauvadet évoquait en introduction c’était que l’état
des finances publiques va se présenter de manière telle que la question globale des transferts
fiscaux et sociaux, peut-être à l’origine de la description de la sociologie française qu’on a vue là,
va se reposer très rapidement et va se reposer en termes de modification des rapports de
redistribution. Je pense que c’est un sujet que vous pourrez traiter dans une prochaine séance et
qu’on va retrouver. Il y aura forcément des changements forts par rapport aux évolutions
antérieures récemment observées parce qu’ils sont absolument nécessaires. Il y a de tout dans une
économie, elle ne peut pas rester moins libérale et moins ouverte qu’elle n’est au départ.

Marc FOUCAULT

Merci beaucoup. Nous avons déjà largement dépassé le temps que nous nous étions fixé.

De la salle

Vous avez oublié une chose importante.

Marc FOUCAULT

Le temps additionnel, une minute.

De la salle

On n’a pas parlé de la mondialisation. On a commencé à délocaliser un certain nombre de postes à


faible valeur ajoutée. Aujourd’hui, on délocalise les cadres. Dans mon entreprise, les ressources
humaines c’est en Pologne, les architectes c’est en Roumanie, les informaticiens c’est en Inde. Les
gens se posent la question : que va-t-il nous rester si même pour les emplois à valeur ajoutée il n’y
a plus de place pour nous ? C’est une des raisons pour lesquelles on peut se poser la question :
reste-t-il de l’espoir pour les jeunes ?

Marc FOUCAULT

Merci beaucoup. Je crois qu’on a eu grâce à vos questions, grâce aux réponses et les propos
liminaires un débat extrêmement riche. On savait le sujet passionnant, on a ouvert la boîte de
Pandore d’un débat extrêmement intéressant.

Je vous ai rappelé tout à l’heure, donc n’ayez pas de frustration, que c’est la première étape d’un
triptyque, puisque nous aborderons en novembre la question des finances publiques, au mois de
décembre la question des retraites, le tout organisé autour des jeunes générations. Il y aura à
nouveau le temps pour le débat et les questions.

Je remercie nos invités que j’ai pu réunir avec l’aide de Bérengère, qui est cachée là-bas et que je
remercie. Je vais passer la parole à Hervé pour le mot de la fin de ce très intéressant débat.

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Conclusion
Hervé MORIN
Président du Nouveau Centre

Je n’ai pas assisté au débat, c’est assez général chez les politiques, ils considèrent qu’ils n’ont pas
besoin d’écouter, ils peuvent après dire un certain nombre de choses mais très sincèrement, c’est
absolument involontaire. En général, je suis le premier à vouloir me nourrir et malheureusement,
j’avais prévu quatre heures de débat au Sénat sur un texte dont je suis extrêmement fier et qui, le
moment venu de la fin de mes fonctions ministérielles, sera vraiment en haut du bilan, qui est la loi
sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. On a eu six heures de débat et trois heures
d’audit comme malheureusement le Parlement sait le faire. Mais enfin j’ai pu porter contre, disons-
le, un certain nombre de lobbies extrêmement puissants dans la République française un texte sur
l’indemnisation des victimes des essais nucléaires qui permet enfin d’apporter une réponse à des
hommes et des femmes qui, avec enthousiasme, ont porté un programme absolument majeur pour
l’indépendance du pays et qui avaient face à eux un mur, quelles que soient les majorités. Les
autres pays l’avaient fait, les États-Unis, le Royaume-Uni. La France n’avait apporté aucune
réponse. Et on avait des hommes et des femmes en grande souffrance et qui souffraient d’un
immense sentiment d’injustice face à des procédures judiciaires sans fin en essayant de trouver un
lien de causalité entre leur maladie et leur participation aux essais atmosphériques. Donc je suis
vraiment très fier d’avoir porté ce texte-là. J’espérais obtenir l’unanimité parce que, honnêtement,
tout le monde pouvait balayer devant sa porte. Malheureusement, la politique étant ce qu’elle est, je
n’ai pas obtenu l’unanimité mais enfin ce n’est pas grave, le texte est passé.

Je ne vais absolument pas reprendre les choses, je ne vais pas vous parler du déclassement
j’imagine intergénérationnel, intragénérationnel, quantitatif, qualitatif, je ne vais pas vous parler de
tout ça. Je voudrais simplement vous dire deux ou trois choses.

J’ai entamé un tour de France à partir de quatre sujets. Parmi ces quatre sujets, on se met à
quinze/vingt autour d’une table et puis j’écoute pendant deux heures, deux heures et demie, j’ai
commencé ça il y a trois semaines/un mois. J’ai pris comme thèmes l’économie de l’innovation,
comment fait-on pour apporter une réponse à celles et ceux qui vivent la globalisation dans
l’angoisse et qui se demandent si on va rester chez nous. J’ai pris l’aménagement du territoire parce
que c’est aussi d’ailleurs un sentiment de déclassement pour ceux qui sont dans des espaces ruraux
et qui estiment que les trains passent ailleurs.

Ah, ce sont les affaires qui commencent ou c’est votre femme qui vous appelle pour vous dire :
« Quand vas-tu rentrer ? »

Trois, j’ai pris le thème du logement parce que je crois qu’à travers le logement il y a à la fois une
pénurie de logements considérable, on sait qu’il manque 900 000 logements, des logements
sociaux, enfin bref, je pense avoir travaillé sur ces sujets et je commence à voir un peu plus clair
sur ce qu’il faut faire. C’est un sujet où il y a souvent des réponses techniques mais qui est
éminemment politique. Et j’ai pris comme quatrième thème un thème que je porte depuis des
années et bien avant la crise des banlieues, j’avais expliqué lorsque nous avions voté la motion de
censure pour le gouvernement de Dominique de Villepin, c’est moi qui était monté à la tribune de
l’Assemblée Nationale, et j’avais expliqué avant l’éclatement de 2005 que quand on empêchait une
partie de la population française d’avoir un horizon, un jour ou l’autre vous alliez avoir un drame
social. J’avais été précurseur. J’avais rencontré des sociologues qui parlent de cela, Hervé Maurin,

Paris, le 14 octobre 2009 42


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une jeune femme qui est remarquable et que j’aime beaucoup mais dont le nom m’échappe, bref,
j’avais été attiré vers ces sujets de discrimination positive, vers l’affirmative action, etc.

Pourquoi je voulais qu’on fasse ce colloque auquel je n’ai malheureusement pas assisté ? Mais
comme Madame est là, je suis sauvé, je fais partie des rares hommes politiques qui disent : « Je
lirai les actes du colloque. » Pourquoi je voulais qu’on traite le thème du déclassement au-delà du
sujet qui est à la mode dont on parle régulièrement dans les médias, dans la classe politique, chez
les sociologues ? À travers la question du déclassement et du sentiment, réel ou non, de la
représentation de la réalité du déclassement, on a l’analyse qui permet éventuellement de trouver
un certain nombre de réponses. Et on est quand même dans une situation absolument
contradictoire. J’ai dû mettre ça dans le désordre parce que passer des essais nucléaires à cela, c’est
un peu difficile. On est dans une société qui vit une vraie crise de confiance, qui vit à reculons la
globalisation là où un certain nombre de pays l’acceptent et considèrent que c’est une chance. On
vit dans une société avec des chiffres très étonnants que les sondeurs nous démontrent à tour de
bras, c’est-à-dire à la fois un bonheur personnel, quand on pose la question aux Français : « Est-ce
que vous êtes optimiste sur votre avenir personnel ? » Les Français répondent massivement « oui ».
« Est-ce que vous êtes heureux personnellement ? » Ils répondent massivement « oui ». On est dans
la sphère du bonheur personnel et en même temps on est dans la sphère du malheur collectif avec
une collectivité nationale qui pense et c’est ça le sentiment de déclassement réel, c’est que quand
vous demandez à un Français : « Est-ce que demain sera meilleur qu’aujourd’hui ? » Il vous répond
« non ». Et « Est-ce qu’hier était meilleur qu’aujourd’hui ? » Il vous répond « oui ». Et c’est ça la
vérité du déclassement. Après, vous qui êtes beaucoup plus intelligents et plus savants que moi,
l’analyser, le porter, etc. Mais la vérité elle est là. C’est que cette seule expression populaire vous la
retrouvez sur le pouvoir d’achat. J’avais regardé ces choses-là quand j’étais plus dans l’opposition
que dans la majorité. Et j’avais regardé ça avec quelques économistes. En fait le pouvoir d’achat de
la plupart de nos compatriotes même si vous avez grosso modo trois ou quatre catégories de
compatriotes, vous avez ceux qui sont statutaires et qui vivent la globalisation en dehors du sujet,
vous avez ceux qui sont dans la globalisation heureuse, les cabinets d’avocats, les cabinets de
conseil, un certain nombre de métiers. Vous avez ceux qui sont profondément déclassés, qui sont
en phase d’exclusion et puis vous avez cette catégorie de Français, notamment ces classes
moyennes, qui vivent dans l’angoisse de basculer dans le déclassement et non pas vers le système.
Et quand on regarde ça en termes de pouvoir d’achat, on demande à un Français : « Est-ce que ton
pouvoir d’achat augmente ? » Plus d’un va vous répondre à quasiment 100 % : « Non, il baisse ».
Et en vérité il baisse. Il augmente dans les statistiques nationales mais il baisse, parce que le
volume réparti par tête de pipe donne ce sentiment d’une augmentation du pouvoir d’achat mais
quand vous avez intégré toute une série de prélèvements nouveaux qui viennent grever les éléments
statistiques, quand vous ne vous portez pas sur les analyses globales mais qu’au contraire vous vous
portez sur des analyses sectorielles d’un certain nombre de catégories de population, vous constatez
en effet qu’il augmente pour une partie, qu’il augmente en moyenne mais que la situation est très
diverse lorsqu’on aborde les retraités ou tel ou tel de nos compatriotes.

Et sur les 35 heures, je l’avais vécu. J’étais porte-parole sur les 35 heures. J’avais été quasiment le
seul dans l’hémicycle contre Martine Aubry. On était quatre. Parce qu’il n’y avait personne dans
l’opposition qui portait l’idée – évidemment, on était accablés par cette idée formidablement
populaire. Et j’y avais trouvé très vite un sentiment d’espoir, c’est lorsqu’un jour des ouvriers qui
faisaient des travaux dans ma commune étaient venus me voir pour me remercier à la fin des
travaux parce que je leur avais ouvert un droit d’aller prendre un pot lorsqu’ils avaient chaud ou
froid au bar du village. Sans que je leur parle, ils me disent : « Ah, je vous ai entendu sur les
35 heures ». Ces ouvriers de BTP avaient eu des mots très durs sur Martine Aubry parce qu’ils
avaient vécu les 35 heures avec des conséquences immédiates sur leurs conditions de travail et sur
leurs conditions de rémunération. Et ce que personne n’avait perçu – parce qu’en fait les cadres

Paris, le 14 octobre 2009 43


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étaient les grands bénéficiaires des 35 heures – l’ouvrier de base du BTP lui, vivait ça comme un
facteur de déclassement. Je m’étais dit, vous pouvez porter l’idée sans aucun souci des 35 heures et
pas uniquement aux frais des charges des entreprises.

Donc on est dans cette situation d’un pays qui a une crise de conscience politique, qui vit une
société de donneurs privés, qui curieusement dans une société dans laquelle a priori le sentiment de
déclassement devrait être moins profond compte tenu du niveau des transferts sociaux je ne sais pas
si vous avez parlé de ce sujet, mais quand on a 30 % du PIB qui est consacré aux transferts sociaux
on devrait au contraire disposer d’amortisseurs pour éviter ce sentiment-là. Et puis on est dans une
société où en même temps je regardais deux/trois statistiques que m’avaient fournies mes
collaborateurs, il y avait en 1988 30 % de nos compatriotes qui avaient le baccalauréat et
aujourd’hui ce sont 60-65 % qui ont le baccalauréat, il y a deux millions d’étudiants, etc.

Pourquoi je voulais faire ce sujet ? Plutôt la conclusion. Si nous portons l’UDF de demain,
d’aujourd’hui et de demain, si nous considérons que l’humanisme est au cœur de notre projet
politique, à travers l’analyse du déclassement, nous pouvons trouver bien entendu un certain
nombre de réponses et nous pouvons essayer de porter un nouveau modèle de société. Et ce
nouveau modèle de société nous le porterons lorsque nous serons capables d’apporter des solutions
à un certain nombre de problématiques de déclassement que je ne vais pas reprendre parce que ça a
dû être votre discours de ces deux heures et demie ou trois heures.

Un, je voudrais qu’on porte l’idée d’une société de la reconnaissance. Aujourd’hui, on reconnaît les
traders, les hommes sur les marchés, ceux qui font de l’argent, des bonus, ceux qui sont les rois du
CAC 40, ceux qui sont dans la sphère peu ou prou monétaire et des marchés. Or il y a des sociétés,
il y a des fonctions de reconnaissance qui sont nettement plus importantes que celles-là pour la
construction d’une société. Ces tâches-là, ces fonctions-là ce sont celles qui permettent de bâtir une
société équilibrée et qui permet de la porter et d’être son avenir. Je pense à la santé, je pense à
l’éducation, je pense aux chercheurs et aux universitaires et je pense par exemple à ceux qui sont
chargés de faire la loi. Je pense par exemple aux magistrats. Et ces fonctions-là qui sont absolument
majeures dans une société sans lesquelles l’avenir n’existe pas, ces fonctions-là ont un sentiment
profond de déclassement. Un sentiment profond qu’elles ne sont pas reconnues au niveau de ce
qu’elles représentent et de ce qu’elles sont pour la société française. Si vous avez en tête que vous
devez porter l’idée de la reconnaissance de ces différentes fonctions sociales majeures et des
métiers qui y sont associés, vous devez analyser quelles sont les conditions, quelles sont les
représentations et l’expression de ce sentiment de déclassement.

Deuxième élément. Je voudrais qu’on porte. Mais vous savez, je suis désolé de dire ça, ce n’est pas
bien mais j’ai perdu ma mère au mois d’août. Elle était dans un Service. J’ai vu des infirmières et
des aide-soignantes en plein mois d’août s’occuper de personnes âgées d’une façon absolument
admirable, ce que je savais, ce qu’on sait tous. Mais ce qu’on oublie tous dès lors qu’on n’est plus
amenés à franchir tous les jours les portes de l’hôpital. Et quand je voyais ces femmes dont je
connais parfaitement leur rémunération parce que ma belle-sœur est aide-soignante, quand je
voyais ces femmes avoir une telle humanité à l’égard de personnes dont le chemin de la vie était en
train de partir et dont on sait que leur rémunération et leur reconnaissance plus que leur
rémunération parce que la rémunération n’est qu’une partie de la reconnaissance, c’est autre chose,
que ces femmes à qui on dit : avec 1 200 euros par mois, estimez-vous heureuses, parce que c’est à
peu près ça, vous vous dites (et une infirmière à 1 400/1 500 euros) vous vous dites qu’il y a
quelque chose qui ne marche pas dans notre société et qui mérite au moins d’être exprimé. Même si
ce n’est pas forcément facile d’y trouver des solutions.

Paris, le 14 octobre 2009 44


5ème Carrefour des Centres Le Nouveau Centre
Le deuxième élément je voudrais qu’on porte l’idée d’une société apaisée. Je le dis de temps à
autre, nous avons construit souvent un discours politique où on affronte et confronte les classes ou
tout du moins les Français. On affronte, on oppose des magistrats aux policiers. On oppose des
fonctionnaires aux salariés du secteur privé. On oppose les hommes sous statut et ceux qui sont en
situation de précarité majeure. Et vous pouvez multiplier. On oppose le peuple aux catégories
intermédiaires et on oppose le peuple aux élites. Or je suis convaincu qu’une société qui porte ces
messages-là est une société en grave danger. Et cela amène là aussi, à partir du moment où vous
créez les conditions d’opposition ou tout au moins de la confrontation ou de l’expression d’un
risque pourquoi moi plutôt que les autres en quelque sorte. Pourquoi eux plutôt que les autres ? Ce
qui est un sentiment que Tocqueville a magnifiquement décrit dans ses bouquins, quand on porte
une société comme celle-ci ou tout du moins quand on risque d’attiser ces sentiments-là, on met en
danger la société. Là aussi, dès lors que vous mettez en confrontation ces différentes catégories de
Français, forcément vous les amenez à se comparer et si vous les amenez à se comparer, vous les
amenez à eux-mêmes éventuellement à donner une expression au sentiment de déclassement qui
peut les atteindre.

Le troisième élément, c’est que je voudrais qu’on porte l’idée de l’égalité. Voilà notamment
pourquoi je fais des tables rondes sur l’égalité des chances, les banlieues. Je donne cet exemple : je
suis allé à Orléans, j’invite les sociologues à y aller. Tout le monde connait Orléans La Source
parce qu’en général on s’y est tous perdus en voulant prendre l’autobus ou en sortant de Granville.
Orléans La Source j’y suis allé il y a trois semaines et j’y ai rencontré des acteurs de terrain et des
acteurs sociaux extraordinaires. Ça coûte 7 millions d’euros à la ville, ce n’est pas une petite
affaire. 7 millions d’euros à la ville pour donner une autre réponse qu’une réponse sécuritaire à une
problématique majeure d’un quartier qui était un quartier en pleine dérive. Et avec les acteurs
sociaux qui avaient en tête que la problématique d’un quartier ce n’est pas une problématique
collective c’est la problématique de difficultés individuelles qui sont cumulées. C’est ça la
difficulté d’un quartier. Ce n’est pas un quartier en tant que tel. Ce n’est pas la population de ces
quartiers. Ce sont des difficultés individuelles qui, accumulées les unes et les autres et concentrées
les unes aux autres, vous amènent à cela. Le résultat d’Orléans La Source c’est qu’en l’espace de
7 ans c’est la seule ville de 100 000 habitants qui avait été prise à la gauche en 2001 et qui est
restée à droite en 2002, la seule. Orléans La Source, baisse de la délinquance en sept ans sans y
mettre des képis partout : 80 %. Parce qu’on a des acteurs qui prennent en main les problématiques
individuelles de chaque famille. C’est-à-dire pour celles des primo-arrivants, l’accueil,
l’apprentissage de la langue française, éviter l’exclusion et puis pour les jeunes, faire en sorte de
leur trouver un parcours professionnel, etc. L’accompagnement, tout ce qu’ont fait les Américains
d’ailleurs bien avant nous il y a vingt ou trente ans. Je voudrais donc qu’on porte l’idée de l’égalité.
Non pas l’égalité matérielle. Les socialistes abordent cette question-là en évoquant souvent l’égalité
sous l’aspect de l’égalité statutaire, matérielle ou monétaire. Et moi je pense qu’il y a une égalité
beaucoup plus importante que celle-là, ou des inégalités qui sont beaucoup plus importantes que
celles-là, c’est l’inégalité de logement, c’est l’inégalité devant la santé, c’est l’inégalité devant la
culture et c’est aussi l’inégalité devant le travail mais ça vous en avez parlé, les uns et les autres. Et
ces inégalités-là vous ne pouvez les appréhender là aussi que si vous avez un certain nombre de
tableaux sur cette idée de déclassement. Ce sujet-là est majeur parce que ça permet de comprendre
les choses.

Donc je voudrais que nous nous portions non pas l’égalité matérielle qui est parfois nécessaire,
probablement nécessaire, mais plus de traiter l’égalité réglant les grandes questions que j’évoquais
devant vous et dont on souffre beaucoup plus en vérité que de savoir que votre voisin, même si
vous avez le même métier que le sien ou la même fonction, gagne 20 ou 30 % de plus. C’est cela
que je veux aborder. Et çà ça impose aussi d’évoquer la question du déclassement avec un certain
nombre de personnes.

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5ème Carrefour des Centres Le Nouveau Centre
Je crois simplement qu’il y a une inégalité devant l’éducation. Je suis en train de relancer les JAPD,
les Journées d’Appel de Préparation à la Défense, la fameuse journée qui sert d’ersatz depuis la
suppression du service national. Il y a au moins un indicateur certain, c’est que quand on vous dit
qu’il y a 15 % des jeunes qui sortent sans diplôme du secteur scolaire, toi qui as été le bras droit de
Gilles de Robien, tu le sais mieux que moi, ce que je sais c’est que le JAPD à travers le
questionnaire qu’on y effectue montre qu’il y a 13 % des jeunes qui viennent qui ont des difficultés
de lecture et d’écriture absolument majeures. Ils sont soit en illettrisme soit en difficulté, il y a une
expression pour cela que j’ai oubliée, en difficulté majeure sur la lecture et l’écriture. Ça, c’est
nettement plus important que de traiter l’égalité matérielle.

Et ceci étant dit, société de reconnaissance, société qui porte une autre idée de l’égalité et société
qui essaie de porter l’idée de l’apaisement et de la réconciliation entre nos compatriotes, si on
arrivait à donner une expression politique à cela à travers les thèmes qui ont dû être traités ce soir
que je n’ai pas eu le bonheur de partager avec vous, je suis certain qu’on aura beaucoup avancé
dans la construction d’un message politique pour notre formation.

Dernière chose. J’ajoute qu’il faut qu’on trouve des solutions nouvelles et si certains d’entre vous
qui êtes beaucoup plus intelligents que nous pouvez nous y aider, je suis demandeur. Vous me
pardonnerez, parce que vous m’avez déjà entendu dire ça. Il y a de grands régimes de solidarité qui
nous amènent à être à des niveaux de transferts sociaux considérables et à un niveau de dépenses
publiques qui fait qu’on est le pays avec le niveau de dépenses publiques le plus élevé du monde
après la Suède. En dépit de ça, une société qui est en situation de malaise et d’absence de
confiance. Je suis convaincu qu’au-delà des grands régimes redistributifs que nous connaissons,
que nous apprécions, que nous voulons, l’assurance-maladie, les retraites, etc. il faut inventer de
nouveaux mécanismes de solidarité. Et la France jusqu’alors s’est toujours interdite de mettre en
œuvre des mécanismes de solidarité responsabilisants qui portent sur des communautés humaines
ou des communautés d’intérêts qui ont des problématiques particulières qui leur sont propres et qui
sont capables de régler ensemble beaucoup mieux que dans des grands systèmes redistributifs qui
sont bons pour la masse et pas bons pour les marges. Et je voudrais que nous portions l’idée sans
remettre en cause ces grands régimes redistributifs, ces grands régimes d’assistance et de solidarité,
je voudrais que nous portions l’idée de solidarités intermédiaires efficaces. On a porté longtemps
l’idée des libertés locales. Un des mécanismes de la décentralisation c’est une solidarité
intermédiaire. Mais il y en a d’autres et je voudrais qu’on porte l’idée des Fondations, comment
faire en sorte que les fondations qui, aux États-Unis, sont capables de faire tant de choses, n’ont pas
d’expression en France. L’idée du rôle des associations, le mutualisme qu’on a massacré et sacrifié
sur l’autel du CAC 40, le secteur coopératif qu’on a sacrifié aussi au nom de la concurrence pure et
parfaite – regardez le Crédit Agricole, les secteurs coopératifs agricoles qui ont été capables de
monter les filières agricoles et de faire de la France un grand pays de l’industrie agroalimentaire –.
Je voudrais qu’on porte l’idée que les syndicats d’ouvrier comme le font des pays nordiques soient
un facteur de création de solidarités nouvelles – regardez il y a beaucoup de pays, l’Allemagne, la
Suède, la Norvège, où les syndicats proposent aussi des assurances, des mutuelles, ont une gestion
collective de leurs problèmes. Que les branches professionnelles le fassent. Si vous mettez les
branches professionnelles, les syndicats, le secteur coopératif, le secteur mutualiste, les associations
et les Fondations, vous créez du lien social, vous créez des communautés humaines et vous créez
des communautés humaines qui ne sont pas sur un facteur prélèvements/redistribution ou
allocations mais au contraire qui vont mettre en place des mécanismes de solidarité qui font appel
au lien humain. Et tout ça, ça impose de traiter du déclassement parce qu’on apprécie là aussi le
déclassement. A partir de ça, on voit bien quels sont éventuellement les mécanismes et les
procédures qu’on peut mettre en place.

Paris, le 14 octobre 2009 46


5ème Carrefour des Centres Le Nouveau Centre
Voilà pourquoi je voulais qu’on traite de ce sujet ce soir. J’imagine, Marc, qu’il y a encore
beaucoup à faire, à retravailler sur des sujets précis la notion du déclassement et reprendre par
catégories. Je ne te demande pas de reprendre le logement parce que le logement ça va m’amener
sur d’autres sujets. Voilà pourquoi je voulais qu’on traite de ce sujet-là plutôt que de faire un long
discours déjà trop long, excusez-moi, sur les solutions que je n’ai pas plus que vous du moins, qui
sont les mêmes que vous, celles que l’on répète à l’envie. J’ai vraiment la conviction que c’est un
sujet dont on doit s’emparer parce que, à côté d’un parti conservateur, qui vit sur un certain nombre
de mécanismes et qui va forcément vivre, ayant le pouvoir sur des automatismes, appelons ça
comme ça, nous, on doit être innovants. On doit être le parti d’une modernité, d’un humanisme
moderne et cet humanisme moderne, ça passe par des approches nouvelles des sujets. Voilà
pourquoi je remercie nos invités d’avoir bien voulu participer à ce débat, en m’excusant vraiment
parce que ce n’était pas mon intention d’arriver seulement une demi-heure à la fin pour vous
raconter un quart d’heure le sujet. Merci mille fois et merci beaucoup pour votre présence.

Paris, le 14 octobre 2009 47

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